B. EXAMEN, LE 8 AVRIL 2008, DU RAPPORT DE M. PHILIPPE DALLIER PAR L'OBSERVATOIRE DE LA DÉCENTRALISATION

Mardi 8 avril 2008 - Présidence de M. Jean Puech, Président

L'Observatoire de la décentralisation a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Philippe Dallier, sénateur de Seine-Saint-Denis, sur les perspectives d'évolution institutionnelle du Grand Paris.

M. Philippe Dallier, rapporteur, a considéré que quatre raisons principales justifiaient qu'une nouvelle gouvernance soit aujourd'hui proposée pour le Grand Paris.

Il a estimé qu'il s'agissait tout d'abord pour Paris de rester dans le club étroit des métropoles mondiales, aux côtés de Londres, New York et Tokyo, la région capitale manquant aujourd'hui de dynamisme, de projets d'envergure et d'un chef de file pour les conduire.

Il a ensuite considéré qu'il était également nécessaire de faire de la région la plus riche de France, et probablement d'Europe, un véritable espace de cohésion urbaine et sociale, alors que les disparités entre les plus riches et les plus pauvres tendaient à s'accroître et que la ségrégation territoriale s'aggravait. La région capitale concentre à ce jour 29 % du PIB et 22 % des revenus, contre respectivement 27 et 25 % en 1976.

La réforme vise également, selon le rapporteur, à répondre aux attentes des Franciliens sur les grandes politiques (logement, transports, sécurité, développement économique, cohésion urbaine et sociale) et à rendre plus efficace la dépense publique.

Il a, enfin, considéré qu'il était devenu nécessaire de redonner du sens à la démocratie locale et de mettre un terme à l'empilement des structures (le « millefeuille institutionnel »), à travers une réforme permettant de réduire le nombre des collectivités locales et de renforcer la légitimité des élus locaux.

Le rapporteur a estimé que des principes clairs devaient être posés, le Grand Paris suscitant l'inquiétude, tant de la part de la province que de la région d'Île-de-France, de la grande couronne et des communes. Ainsi, il a estimé que le Grand Paris devait s'autofinancer, qu'il ne devait pas tourner le dos à la région et à la grande couronne et qu'il devait s'appuyer sur les communes. Il a considéré que ses compétences devaient être limitées et qu'il devait viser à la cohésion urbaine et sociale, l'État devant jouer son rôle et assumer sa part des grands investissements d'intérêt national.

Le rapporteur a ensuite recensé les différents scénarios d'évolution institutionnelle envisageables. Si les scénarios du statu quo et de l'intercommunalité (création d'un syndicat mixte, d'une communauté d'agglomération avec Paris ou d'une communauté urbaine avec Paris, multiplication des communautés d'agglomération) lui apparaissent « impossibles », le redécoupage des frontières de la région ou la fusion de la région et des départements d'Île-de-France lui semblent irréalistes, tandis qu'un scénario « Haussmann II » débouchant sur un Paris augmenté de plusieurs nouveaux arrondissements serait politiquement inacceptable.

M. Philippe Dallier, rapporteur, a estimé qu'il convenait d'opter pour un scénario dans lequel la collectivité du Grand Paris se substituerait aux quatre départements de la petite couronne (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne), cette collectivité pouvant même, à terme, être dotée d'un « maire du Grand Paris » et d'arrondissements autonomes.

Il a proposé qu'une loi soit adoptée dès 2010 portant fusion des départements de la petite couronne et création d'un nouveau conseil général du Grand Paris composé de l'ensemble des conseillers généraux, ce dernier élisant son Président. Doté d'un budget consolidé de l'ordre de 5,47 milliards d'euros, ce conseil général verrait ses compétences inchangées. Outre une forte péréquation, cette réforme aurait pour avantage de réorienter les crédits affectés aux dépenses non obligatoires (soit 830 millions d'euros en 2005) sur les priorités du Grand Paris.

Pour 2011, M. Philippe Dallier a proposé qu'une seconde loi crée d'une nouvelle collectivité territoriale au statut sui generis , qui aurait des compétences limitées aux transports, au logement, au développement économique, au social et à la sécurité. Il a indiqué qu'elle pourrait être dirigée par un Président élu au suffrage universel direct et une assemblée de 120 conseillers élus au suffrage universel direct au scrutin majoritaire, et qu'elle devrait disposer d'un budget et de ressources propres.

M. Philippe Dallier, rapporteur, a souhaité qu'en matière de logement, un « Plan du Grand Paris » permette de déterminer avec chaque commune les objectifs de construction de logements et les grands équipements et d'établir une co-décision entre le Grand Paris et les communes sur le PLU. Il a proposé que des opérations d'intérêt métropolitain (OIM) permettent au Grand Paris de piloter et de délivrer les permis de construire pour les grandes opérations de construction de logements et les grands équipements et qu'une agence foncière du Grand Paris soit créée en lieu et place des agences départementales pour construire sur les terrains libérés par les institutions publiques, tandis qu'un partenariat serait noué entre le Grand Paris et l'ANRU pour la politique de la ville.

En matière de transports, il a proposé que la compétence de la région soit confirmée et que les compétences du syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) soient étendues à l'ensemble des modes de déplacement, tandis que sa gouvernance serait adaptée à la zone dense. Il a souhaité que le Grand Paris se substitue aux quatre conseils généraux de la petite couronne au sein du STIF et que le Président de la RATP soit désigné conjointement par l'État et le Grand Paris. Enfin, Philippe Dallier, rapporteur, s'est déclaré favorable au lancement du projet « Métrophérique » et à la réduction du nombre de zones tarifaires de 6 à 2.

S'agissant du développement économique, le rapporteur a proposé la création d'une agence de développement économique unique et de bureaux de représentation du Grand Paris dans les pays émergents, de même que l'élaboration d'un Plan de développement économique. Il a évoqué le lancement de grands projets structurants, comme la construction de tours ou le prolongement d'EOLE, et l'élaboration d'un contrat de projet Grand Paris/région/État. M. Philippe Dallier a également proposé que le Grand Paris ait compétence sur l'établissement public d'aménagement de La Défense (EPAD) et en matière de développement des réseaux à haut débit. Il a indiqué que les plus-values liées à l'augmentation de la rente foncière pourraient être taxées pour financer de nouveaux investissements et que les grands syndicats intercommunaux seraient préservés ou intégrés dans le Grand Paris avec pragmatisme.

Enfin, en matière de sécurité, M. Philippe Dallier a proposé la création d'un préfet du Grand Paris et d'une « police métropolitaine » issue de la fusion des polices municipales, des agents de surveillance de la voie publique et des agents de surveillance de la ville de Paris, financée par le Grand Paris et par les communes selon leurs capacités contributives, et ayant compétence pour la police municipale et pour la vidéosurveillance. Il a indiqué que le maire avait vocation à conserver ses prérogatives sur le territoire de la commune et a fait part de son souhait que la gestion du stationnement payant soit unifiée sur le territoire du Grand Paris.

M. Philippe Dallier a estimé que le scénario qu'il proposait pour le Grand Paris était le plus pragmatique et a souhaité qu'il permette d'enrichir le débat, alors que venait d'être nommé un secrétaire d'État chargé du Développement de la Région Capitale.

M. Jean Puech, Président, a remercié le rapporteur et salué l'ampleur des réformes proposées. Il s'est réjoui que l'Observatoire de la décentralisation, au-delà des diagnostics qu'il pouvait être amené à établir, se saisisse également de sujets s'inscrivant dans une démarche ambitieuse de formulation de projets.

M. Dominique Mortemousque a fait observer que la réflexion sur Paris était également importante pour les territoires ruraux, dans la mesure où l'avenir de ces derniers dépendait aussi de la position de Paris dans la compétition internationale.

M. Yves Pozzo di Borgo a estimé que les propositions devaient être radicales s'agissant des transports et de l'urbanisme. Il a regretté que la ville de Paris ait été pensée, dans les années soixante-dix, selon une logique provinciale, et a observé que, si Paris était une ville très riche, il lui manquait les ressorts de la puissance. Il a estimé qu'un projet de nature intercommunale pour le Grand Paris serait, en cela, un peu trop timoré.

M. Yves Fréville, membre du comité d'experts de l'Observatoire de la décentralisation, a déclaré partager avec le rapporteur l'idée qu'il fallait, pour la région parisienne, un statut spécifique. Il a néanmoins fait observer que des problèmes risquaient de se poser, notamment sur le plan politique pour faire élire le « maire du Grand Paris » au suffrage universel (soit par six millions d'habitants), pour faire élire les conseillers du Grand Paris dans le cadre des circonscriptions législatives, pour unifier les taux de la fiscalité locale et en matière d'aide sociale.

En réponse à M. Yves Fréville, qui a rappelé que l'aide sociale avait précipité la disparition de l'ancien département de la Seine, M. Philippe Dallier, rapporteur, a précisé que, dans son esprit, la commune avait vocation à demeurer l'échelon de proximité.

Puis, sur proposition du rapporteur, l'Observatoire a adopté les conclusions du rapport.

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