2. Le second écueil : un mode d'évaluation des projets défavorable aux infrastructures de désenclavement

Le second écueil qu'une politique de désenclavement doit éviter est en quelque sorte l'opposé du précédent.

Il s'agit de la tentation de « l'économisme » qui conduit à évaluer tout l'intérêt de tous les projets d'infrastructures au regard des mêmes critères de rentabilité socio-économiques.

Or, si l'on suit cette logique, l'agrandissement d'une autoroute existante ou un contournement urbain, c'est-à-dire des projets d'amélioration des réseaux structurants feront le plus souvent apparaître un taux de rentabilité supérieur à un projet de désenclavement, qui consiste en un raccordement d'un territoire à ces réseaux structurants. En effet, le nombre de personnes empruntant l'infrastructure située dans une zone très densément peuplée suffit à en gonfler quantitativement le montant des gains socioéconomiques du projet. Cette règle se vérifie quelles que soient les méthodes d'évaluation utilisées puisque celles-ci reposent toujours sur les mêmes paramètres.

LES PARAMÈTRES PRIS EN COMPTE DANS L'ÉVALUATION DES PROJETS

Ces paramètres sont :

- l'estimation physique du projet (les flux de déplacement) ;

- le temps gagné ;

- les externalités environnementales de projet (le bruit, la pollution de l'air, l'effet de serre) ;

- le confort procuré ;

- la réduction des incertitudes sur les trajets ;

- et les accidents (et les décès) susceptibles d'être évités ou causés.

C'est précisément ce qui explique que le dernier exercice d'évaluation systématique des projets d'infrastructures achevé début 2003, en préparation du CIADT de la même année, aient très largement privilégié les opérations concernant les grandes agglomérations et les grands axes de transports déjà très actifs.

Le problème vient du fait que l'on compare des projets qui ne sont pas comparables , ou plutôt qu'en évaluant une ligne à grande vitesse Marseille-Nice selon les mêmes critères qu'une ligne Paris-Clermont-Ferrand, on s'impose implicitement une logique qui ne reconnaît pas l'intérêt spécifique du désenclavement, qui doit être mesuré par des indicateurs et des critères propres.

Or, ce sont bien les indicateurs et critères officiels du désenclavement qui font aujourd'hui défaut .

Certes, cette absence de critères objectifs n'empêche bien sûr pas des projets de désenclavement d'être réalisés, comme en témoignent par exemple aujourd'hui les grands chantiers transversaux de la Route Centre Est Atlantique entre Poitou-Charentes (Cholet et Royan) et la Saône et Loire (Chalons et Mâcon) ou la mise en 2 x 2 voies de la RN 88.

Mais les considérations prises en compte sont alors essentiellement politiques et reposent sur une appréciation de l'équité entre les territoires ou de la nécessité de renforcer les zones les moins denses du maillage de notre système de transport. Parfois même, elles résultent simplement de la capacité de persuasion, voire de pression sur l'Etat, dont ont fait preuve certaines composantes des territoires.

Ce primat des considérations subjectives sur les critères objectifs d'intérêt des projets ne concerne d'ailleurs pas seulement des opérations de désenclavement mais elle affecte l'ensemble des projets comme en témoigne par exemple la décision de création de LGV Est, non justifiée par les études de rentabilité socio-économiques initiales mais par la volonté de consolider la position de Strasbourg ainsi que les liaisons franco-allemandes. Toutefois, une politique de désenclavement digne de ce nom ne saurait se contenter de cette situation qui la condamne à n'être que le parent pauvre d'un système biaisé profitant essentiellement aux grands réseaux existants.

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