B. ANCRER LA POLITIQUE DE DÉSENCLAVEMENT DANS LES PROJETS DES TERRITOIRES

1. Des schémas de services de transport aux nouveaux schémas régionaux de désenclavement

Ces schémas consisteraient en fait un complément des schémas de services de transport qui devraient, quant à eux, être réactualisés comme d'ailleurs l'ensemble des schémas de services collectifs adoptés entre 2000 et 2002.

Les schémas de services collectifs des transports de voyageurs et de marchandises, institués par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 sur l'aménagement et le développement durable du territoire, avaient pour objet de planifier, dans chaque région, les infrastructures répondant « aux besoins de transport et de déplacements à un horizon de vingt ans, dans des conditions compatibles avec les exigences économiques, sociales et environnementales d'un développement durable ».

Ces schémas adoptés en 2002 traitaient, à l'horizon de 2020, de l'ensemble des modes de transports (routier, ferroviaire, aérien et fluvial) pour lesquels ils définissaient des objectifs globaux déclinés pour chaque type de trafic. Par exemple, pour le transport de voyageurs, quatre objectifs majeurs avaient été retenus et appliqués, par le schéma, à neuf catégories de trafic différentes.

Les quatre objectifs et les neuf types de trafic des schémas directeurs « voyageur » de 2002

Quatre objectifs affichés

- maintenir et développer des échanges performants à l'échelle nationale et européenne ;

- assurer la desserte et l'accessibilité des territoires à l'échelle régionale et locale ;

- améliorer la sécurité et la sûreté des transports ;

- et préserver à long terme les ressources et la qualité environnementale.

Neuf types de flux étudiés

- les relations à très longue distance (intercontinentales -plus de 5.000 km) ;

- les relations vers les principaux pôles européens ;

- les relations de longue distance entre les pôles de province ;

- les flux touristiques ;

- les relations à moyenne distance ;

- les déplacements urbains et périurbains ;

- la desserte de la Corse ;

- la desserte des départements d'outre-mer.

Cet instrument permettait l'indispensable mise en cohérence irremplaçable des politiques publiques des multiples acteurs dans les différents domaines puisque chaque région faisait l'objet de huit schémas sectoriels : l'enseignement supérieur et la recherche, la culture, les services sanitaires, l'information et la communication, l'énergie, les services des espaces ruraux et naturels et le sport 56 ( * ) .

Aussi, ne peut-on que regretter que ces schémas n'aient pas été actualisés depuis 2002 et que, s'agissant des schémas « transports », ils aient purement et simplement été annulés par le CIADT de 2003, alors même que ces dernières années ont été marquées par l'approfondissement de la décentralisation et la volonté de renforcer la compétitivité et l'attractivité des différents territoires.

PROPOSITION

En conséquence, il est proposé de réactualiser l'ensemble des schémas de services collectifs prévus par la loi de 1999.

Mais, s'agissant plus spécifiquement du volet « transports », il n'est pas proposé de les remettre en place à l'identique. Vos rapporteurs souhaitent en fait améliorer les schémas de 2002 afin d'en faire de véritables schémas régionaux de désenclavement .

a) Des schémas de transport aux schémas de désenclavement

Tout en reconnaissant la qualité des travaux qui avait présidé à l'élaboration des schémas de services collectifs de transport, il convient de reconnaître que ces schémas nécessitent d'être complétés et précisés afin de pouvoir traduire la réalité au mieux.

La première précision à apporter est d'ordre géographique. Ainsi est-il proposé de compléter le schéma collectif de transport par des schémas départementaux.

En effet :

- d'une part, la seule mesure d'accessibilité à partir du chef-lieu de département ne renseigne pas sur la situation des territoires à l'échelle infra départementale, qui sont souvent les plus défavorisés en termes d'accès aux différents services ;

- d'autre part, compte tenu du temps moyen d'environ une heure trente aller-retour, une grande partie des trajets quotidiens se déroule au sein du même département et c'est à ce niveau aussi que l'enclavement doit être perçu ;

- enfin et surtout, le département demeure un acteur essentiel du désenclavement au travers de son domaine routier, fortement étendu par les transferts de 2006 et les services de transports collectifs dont il a la charge, à commencer par le transport scolaire. Si l'on s'en tient au seul volet routier, l'existence de schémas départementaux se justifie pour deux raisons : d'une part, parce que l'Etat devrait, en tout état de cause, continuer à y intervenir 57 ( * ) dans le cadre des critères issus du Grenelle de l'environnement 58 ( * ) et d'autre part, parce que les projets routiers des départements sont de plus en plus contraints de justifier de leur cohérence avec une vision d'ensemble de l'avenir du territoire, faute de quoi ils risquent d'être en butte au discours anti-routier.

PROPOSITION

Votre délégation propose que les schémas ne portent pas seulement sur les infrastructures, mais qu'ils intègrent aussi le niveau de service réellement offert.

En effet, force est de constater que les territoires sont, comme on sait, très inégaux devant la fréquence des services de transports collectifs. Hors des agglomérations ou des grands réseaux structurants, il ne suffit pas qu'il y ait une voie ferrée pour qu'il y ait des trains, ni qu'il y ait un aéroport pour qu'il y ait un nombre d'avions satisfaisant. Quant au fret ferroviaire, il a longtemps constitué le cas d'école de l'écart existant entre d'une part, la très forte densité du réseau et d'autre part, une qualité de service insuffisante.

De même, en matière routière, le fait qu'une infrastructure soit congestionnée aux heures de pointe constitue une limitation au service effectif qu'elle rend aux populations. Aussi, ce type d'information doit-il figurer dans les schémas.

PROPOSITION

De plus , il est proposé que, dans le cadre de l'élaboration des schémas, les services de l'Etat accordent une attention particulière aux territoires orphelins.

En effet, certaines zones situées en périphérie de certaines régions ou de certains départements sont souvent mal désenclavées et leurs difficultés s'aggravent fortement lorsque le territoire voisin, situé de l'autre côté de la frontière administrative de la région ou du département, est lui aussi dans la même situation par rapport à son propre chef-lieu.

Apparaissent alors de véritables « zones blanches », généralement confrontés de surcroît à une discontinuité des réseaux de transports collectifs de chacune des collectivités.

Une illustration de cette situation a pu être constatée par vos rapporteurs sur le terrain, au cours de leur déplacement dans le nord de la Meuse. Ce secteur n'est pas desservi par une route à 2 x 2 voies qui est pourtant doublement indispensable pour son développement économique 59 ( * ) . Cette absence de desserte résulte sans doute du fait de son isolement relatif par rapport aux axes structurants des deux régions proches, centrées sur leur chef-lieu respectif. En effet, à 50 km à l'ouest, se trouve l'autoroute A34, priorité de la région Champagne-Ardennes, pour relier Charleville-Mézières à Paris via Reims et, à 50 km à l'est, plusieurs autoroutes traversent le sillon mosellan avec pour vocation principale de desservir les métropoles lorraines de Metz et Nancy. Dans le cas présent, la zone décrite est d'autant plus victime de ces stratégies centrées sur les métropoles régionales qu'elle est elle-même reliée à une agglomération qui ne figure pas parmi ces métropoles puisqu'il s'agit d'une ville étrangère, à savoir Luxembourg.

Pénalisé au niveau routier par sa situation périphérique, le Nord de la Meuse l'est aussi au niveau ferroviaire puisque les deux réseaux de trains régionaux ne disposent d'aucune continuité entre eux. Les TER de la région Lorraine vont jusqu'à Montmédy, mais pas au-delà et il en va de même pour les TER Champagne-Ardennes, qui ne vont que jusqu'à Sedan. Mais pour relier ces deux villes distantes d'une trentaine de kilomètres, les populations ne disposent pas de solution de transports collectifs dans la mesure où les deux réseaux départementaux ne sont pas reliés.

En quelque sorte victime de la vision de chacune des collectivités auxquelles ils appartiennent, qui centrent leur vision sur leurs propres chef-lieux, ces « territoires orphelins » se trouvent souvent dans des situations d'enclavement particulièrement aigues. Il revient au représentant de l'Etat de veiller à ce qu'elles ne soient pas ignorées par chacun des schémas régionaux, et ce, même si bien entendu les problèmes d'absence de continuité entre les réseaux de transports collectifs, ferroviaires ou par autocar, ne se posent pas seulement dans ces zones « frontières » mais existent aussi à l'intérieur même d'un département, tout simplement du fait de l'insuffisante coordination des autorités organisatrices de transport 60 ( * ) .

Une autre nouveauté des schémas régionaux de désenclavement devrait être l'inclusion de la préoccupation de maîtrise de la périurbanisation, condition de l'insertion des infrastructures de transport dans le cadre d'un développement durable des territoires 61 ( * ) .

Reste toutefois à déterminer la façon dont cet objectif pourrait être traduit dans les schémas. En effet, les schémas devraient être un des éléments de la politique de mise en place de « trames vertes », dont la nécessité a été soulignée lors du Grenelle de l'environnement en coordination avec l'ensemble des autres documents de planification de l'espace.

Avec l'ensemble de ces compléments et précisions, les nouveaux schémas de services collectifs de transports pourraient non seulement remplir leur mission de programmation de l'ensemble de la politique de transport mais constituer aussi des schémas de désenclavement.

Toutefois, pour que ces schémas jouent pleinement leur rôle, il n'est pas suffisant d'en améliorer le contenu : il convient aussi d'être attentif à leur procédure d'adoption.

* 56 Or, on sait qu'un des aspects essentiels du désenclavement est précisément de permettre aux populations et aux entreprises d'accéder aux équipements et aux services structurants.

* 57 Au travers des PDMI

* 58 Cf. IV.A.1.

* 59 A la fois pour permettre aux milliers de travailleurs transfrontaliers de se rendre quotidiennement au Luxembourg via Longwy et pour constituer, côté français, un parallèle à l'axe Nord-Ouest/Sud-Est qui dessert la Belgique de l'autre côté de la frontière et constitue un axe de développement économique très dynamique.

* 60 Le département pour les transports collectifs, la région pour le TER et les agglomérations pour les transports urbains.

* 61 Cf. II ? A.d).

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