b) Une justification des crédits non satisfaisante

Votre mission regrette que l'information donnée à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances ne permette pas aux parlementaires d'apprécier pleinement la gestion de l'Éducation nationale . En effet, ils peuvent difficilement évaluer l'adéquation des moyens ou identifier le coût des actions conduites. Or cette situation devient critique lorsque la situation générale des finances publiques nécessite de conduire une allocation des moyens appropriée aux enjeux éducatifs.

Plusieurs éléments techniques peuvent être cités pour témoigner de la carence de la procédure budgétaire. Notamment, la présentation transversale et synthétique des dépenses de personnel ou des plafonds d'emplois est insuffisante pour apprécier la réalité des décisions qui seront ensuite prises sur le terrain.

S'agissant de la définition du schéma d'emplois , un pas supplémentaire a été franchi lors de la discussion de la loi de finances pour 2011 : défini quantitativement par le Parlement à partir d'un nombre estimé de départs à la retraite mais non qualitativement, le schéma d'emplois a été traduit concrètement cette année sous la responsabilité des recteurs, qui ont eu la charge de calibrer les différents leviers dont ils disposent pour réduire le nombre de postes à partir de septembre 2011.

On peut louer les avantages de la déconcentration mais on peut aussi s'étonner de ne pas connaître ex ante la répartition de l'effort de l'Éducation nationale (le potentiel de remplacement, sur les enseignants surnuméraires, sur les décharges, sur la pré-scolarisation à deux ans, ou sur le nombre de classes ?), alors même qu'il s'agit là d'arbitrages essentiels aux politiques éducatives.

S'agissant de la justification des crédits alloués à la masse salariale, votre mission souligne les insuffisances comptables du système scolaire et la complexité de la présentation des dépenses de personnels : les modalités de gestion de ces dernières sont à la fois différentes entre catégories de personnels au niveau budgétaire national et, entre échelons administratifs, au niveau budgétaire déconcentré.

(1) L'euro de droit commun versus « l'euro éducatif »

L'euro n'est pas nécessairement une monnaie unique pour l'ensemble des administrations. Ainsi, l'Éducation nationale se distingue dans sa gestion des personnels et ses modalités d'organisation par un recours quasi exclusif aux « heures/élèves », notion que la Cour des comptes a baptisé « l'euro éducatif ». L'heure d'enseignement est donc l'unité de compte.

Cette méthode se justifie par les contraintes de la gestion de masse qui s'imposent à l'Éducation nationale : chaque rentrée, chaque matin, elle doit assurer la présence d'enseignants devant des élèves dont la présence à l'école est rythmée par des programmes définis en heures de cours. La domination de « l'euro éducatif » sur l'euro de droit commun explique les difficultés à développer des politiques éducatives définies au regard de critère d'efficience, puisque le lien entre les masses budgétaires votées, la répartition des moyens et l'analyse des résultats est quasiment inexistant.

Un exemple peut être donné s'agissant de l'éducation prioritaire, dont le coût est toujours imprécis 30 ans après la mise en place de cette politique : la masse salariale par élève dans les académies de Versailles et de Créteil (qui concentre plus du quart de l'éducation prioritaire) est inférieure à la moyenne nationale, ce qui peut paraître étonnant compte tenu des objectifs de cette politique qui se base sur une inégalité de traitement. Pour autant, le ministère de l'Éducation nationale affecte bien des moyens supplémentaires comme peut en témoigner le nombre d'emplois ou le nombre d'heures supplémentaires affectées à des dispositifs propres à l'éducation prioritaire. Toutefois, en affectant les enseignants les plus jeunes dans les établissements en difficulté, on diminue le coût de l'éducation prioritaire, ce qui rend difficile l'appréciation de l'investissement dans ces territoires.

Si la quasi totalité des dépenses de personnel et des emplois de la mission « Enseignement scolaire » votées par le Parlement sont converties en « euro éducatif », il convient néanmoins de préciser que l'euro de droit commun reste utilisé tout au long de la chaîne administrative pour les dépenses liées aux personnels d'assistance éducative, soit entre 90 000 et 100 000 personnes selon les années. Ils ne relèvent pas techniquement des dépenses de personnel de l'État au sens strict de la LOLF qui ne comptabilise dans cette catégorie que les personnels rémunérés juridiquement par l'État. Or, ces personnels sont recrutés par les établissements publics locaux d'enseignement. La masse financière concernant ces emplois, qui ne font pas partie du plafond d'emplois du ministère, est donc déléguée aux académies puis aux établissements, en euros.

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