Audition de Mme Marion Zalay, directrice générale,
et de M. Jean-Pascal Fayolle, chef du service de l'enseignement technique,
direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER),
ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité
et de l'aménagement du territoire

(1 er mars 2011)

M. Serge Lagauche , président . - Nous recevrons dans un premier temps Mme Marion Zalay, directrice générale, et M. Jean-Pascal Fayolle, chef du service de l'enseignement technique à la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Nous vous avons préalablement fait part de nos préoccupations. Peut-être pourriez-vous nous indiquer votre opinion avant de répondre aux questions du rapporteur ainsi que de mes collègues et moi-même.

Mme Marion Zalay, directrice générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire . - Tout d'abord, monsieur le président, je voudrais vous remercier de cette audition qui nous donne l'occasion d'échanger avec vous et de pouvoir faire connaître un enseignement auquel, vous l'imaginez bien, nous sommes particulièrement attachés pour toutes les spécificités qui sont les siennes et son rôle à travers les territoires.

Le champ de préoccupations de cette mission présente un grand intérêt pour nous. En effet, l'ancrage territorial de l'enseignement agricole est l'une de ses marques d'identité fortes. Il n'a évidemment pas le monopole de cette particularité puisque le grand réseau de l'éducation nationale est également présent sur les territoires. Cependant, l'enseignement agricole se caractérise par un attachement particulier à des zones qui ne sont pas forcément couvertes par l'ensemble du réseau éducatif et répond à des enjeux de territoires qui lui sont propres. A cet égard, la valeur territoriale de l'organisation française du réseau éducatif nous tient particulièrement à coeur. Nous souhaitons y répondre de la meilleure manière et cela depuis fort longtemps. Cette priorité qui est la nôtre se dément d'autant moins que M. Bruno Lemaire, ministre chargé de l'agriculture, est désormais également chargé de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Cela redonne une légitimité nouvelle à cet enseignement au sein des politiques territoriales.

L'expérimentation en matière scolaire nous tient également beaucoup à coeur. L'enseignement agricole a toujours su être un laboratoire. La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, promulguée en juillet 2010, a porté haut cette notion d'innovation et d'expérimentation puisque ces deux valences sont étroitement liées. Le droit à l'expérimentation et ses modalités ont été précisés dans le cadre de cette loi, ce qui est une forme de reconnaissance et d'ambition renouvelée de l'enseignement agricole. Celui-ci se caractérise par la taille humaine de ses établissements, son implication dans les territoires, la participation des professionnels à l'enseignement, un fort taux d'internes et un fonctionnement par équipes pédagogiques qui contribuent au caractère opérationnel de cet enseignement.

Nous devons adapter nos formations aux réalités du bassin d'emploi et préparer de manière innovante et créative le savoir que nous avons la responsabilité de transmettre aux jeunes, afin qu'ils soient les mieux armés, non seulement pour leur premier poste, mais également tout au long de leur vie. A ce titre, l'enseignement agricole présente un certain nombre de particularismes, notamment sa constitution en centres proposant à la fois la formation professionnelle, l'apprentissage mais aussi l'accès à des exploitations agricoles et des ateliers technologiques. Tous ces éléments font de l'enseignement agricole un creuset pour l'acquisition de compétences professionnelles à la fois disciplinaires et pratiques.

M. Jean-Claude Carle , rapporteur . - Vous avez parlé de la spécificité de l'enseignement agricole. Cette spécificité s'illustre notamment par les conseils d'administration des établissements, qui sont présidés non par le proviseur mais par une personnalité extérieure. Pensez-vous que cette mesure pourrait être étendue à d'autres établissements de la voie professionnelle, technologique, voire générale ? Quels sont les avantages de ce système ?

L'enseignement agricole correspond à la même mission que l'éducation nationale au niveau budgétaire. Les crédits sont exprimés sous la forme d'une monnaie qui nous semble un peu compliquée, à savoir la dotation globale horaire (DGH), l'équivalent temps plein (ETP), l'équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT), etc. Pensez-vous que ces éléments forment un ensemble cohérent ? Ne pourrions-nous pas simplifier ce système ?

Les remplacements sont un problème général pour l'éducation nationale. Êtes-vous confrontée aux mêmes problèmes que vos collègues de l'éducation nationale ? Si oui, comment essayez-vous d'y remédier ?

Mme Marion Zalay . - Le fait que les conseils d'administration des établissements agricoles soient présidés par des personnalités extérieures, issues du monde professionnel ou des collectivités locales, constitue une grande richesse. En effet, il n'est pas rare de compter à la présidence des conseils d'administration de nos établissements des responsables professionnels des différents métiers auxquels prépare l'enseignement agricole.

En outre, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche a modifié le nom de l'enseignement agricole pour tenter de le rendre plus fidèle à la réalité. L'enseignement agricole est une marque ; chacun le connaît ou parfois au contraire le méconnaît avec certains a priori . C'est pourquoi il était nécessaire d'en modifier le nom afin qu'il corresponde davantage aux nombreux métiers auxquels prépare l'enseignement agricole.

A ce titre, le travail de préparation mené par la Haute assemblée par l'intermédiaire de son éminente représentante Mme Françoise Férat, dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée par le ministre, revêt une importance particulière. L'enseignement agricole est devenu l'enseignement et la formation professionnelle aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires, quelques mois avant le redécoupage administratif des différents départements ministériels. Il s'agissait ainsi de réaffirmer clairement que les différentes valences du territoire, qui s'expriment à travers différents métiers essentiels à la vie du territoire, sont appréhendées par l'enseignement agricole.

Cette grande richesse de l'enseignement agricole se trouve à la base de la construction des référentiels de la voie professionnelle. Les professionnels y sont très largement impliqués, dans le cadre d'une comitologie qui obéit à des protocoles formalisés. Il faut trouver l'équilibre entre une forte spécialisation qui répond aux nécessités du premier emploi - qui garantit un fort taux d'insertion professionnelle pour le premier emploi, supérieur à 90 % en moyenne - et la formation continue tout au long de la vie. Certains élèves sont encore en terminale mais ont déjà signé un contrat d'embauche. C'est notamment le cas dans les filières d'agroéquipement. Le taux d'insertion professionnelle se mesure 45 mois après la sortie de l'établissement. Ces performances de l'enseignement agricole sont reconnues communément bien qu'elles varient selon les années et les diplômes. Or le marché du travail est tel que les personnes occupent rarement le même emploi toute leur vie. Par conséquent, la formation continue permet d'approfondir certaines compétences.

Dans le cadre du salon international de l'agriculture, j'ai réuni tous les professionnels qui participent aux commissions nationales professionnelles afin d'échanger sur la manière dont ils effectuent leur travail, y compris en termes d'intendance et de logistique. Il s'agissait de s'assurer qu'ils se sentent suffisamment motivés et impliqués. Les échanges se sont révélés très enrichissants puisque les différentes filières étaient représentées. Il en résulte un engagement commun quant à la valeur de la formation professionnelle face aux enjeux de l'emploi des jeunes aujourd'hui.

En revanche, en ce qui concerne la voie générale ou technologique de l'enseignement, les professionnels ne participent pas en tant que tels à la formation des référentiels mais ce sont toujours des professionnels ou des élus qui président aux conseils d'administration. La participation des professionnels assure un regard opérationnel et pragmatique sur un certain nombre de sujets et une implication dans le territoire, à la différence des fonctionnaires qui, par définition, sont soumis à une mobilité plus forte. Cette caractéristique constitue l'une des différences et, ainsi, l'une des richesses de l'enseignement agricole. Toutefois je me garderais bien d'en tirer des conclusions pour déterminer le dispositif applicable à l'ensemble du système éducatif français. En effet, je ne peux juger le système que par ma propre expérience. En outre, je ne pense pas être la mieux placée pour examiner en tout point les avantages et inconvénients d'un tel dispositif.

Vous m'avez posé une question sur l'unité de compte. Étant en fonction depuis un an et demi, j'ai moi-même mis beaucoup de temps à appréhender cette unité de compte qu'est la DGH. Cette unité complexe recouvre des champs différents. C'est un mode d'évaluation et de transcription. Cependant, à la base, nos budgets opérationnels de programmes (BOP) sont construits en masses financières pour le hors titre 2 et en ETP pour ce qui relève du titre 2. Ces éléments se transcrivent de manière opérationnelle en DGH. Je ne sais pas si ce moyen d'évaluation est suffisamment fin et précis. Il convient de noter que les DGH doivent être raccrochées aux fondamentaux d'une loi de finances. Toutefois les DGH sont particulièrement adaptées au pilotage du temps de service des enseignants ainsi qu'à la gestion des établissements. Je ne suis pas sûre qu'une unité de compte différente soit adéquate.

M. Jean-Pascal Fayolle, chef du service de l'enseignement technique . - Cet outil technique peut parfaitement être amélioré et remplacé. Il s'agit d'une unité de conversion entre les programmes et les moyens humains et les crédits. Il permet d'évaluer de manière simple à un moment donné les besoins en heures d'un diplôme et la manière de traduire ces besoins en moyens humains qui s'expriment ou non en ETP. Les DGH constituent ainsi un outil de prévision. Il convient de noter que les DGH ne sont parfois pas complètement utilisées pour couvrir l'ensemble des besoins. Par exemple, les « autres missions » peuvent être traitées hors DGH. Cependant, les DGH présentent l'avantage de fournir un langage commun aux autorités académiques ainsi qu'aux établissements et aux enseignants.

Mme Marion Zalay . - Les DGH constituent un point de raccord entre d'une part, les masses fondamentales qui sont celles du programme et des BOP et, d'autre part, leur transcription dans la gestion des temps de cours.

M. Jean-Claude Carle , rapporteur . - Pour le citoyen et le partenaire du système éducatif, il faut tout de même avouer que les DGH sont difficiles à intégrer. Il serait préférable de simplifier le dispositif pour y instaurer une plus grande lisibilité.

Mme Marion Zalay . - Concernant les remplacements, la gestion est déconcentrée. Chaque direction régionale de l'agriculture et de la forêt (DRAF) reçoit sur son BOP des moyens de remplacement en crédits et en ETPT. Les chefs d'établissement formulent auprès des DRAF une demande de remplacement et recherchent parallèlement le candidat pour assurer ce remplacement. L'éducation nationale utilise un système légèrement différent. Les établissements de l'enseignement agricole ne disposent pas d'un pool de titulaires. Ce système est plus souple mais il n'est pas toujours évident de trouver le professeur adéquat. L'enseignement agricole essaie de se montrer réactif par rapport aux besoins de l'emploi.

M. Jean-Claude Carle , rapporteur . - Du proviseur ou du DRAF, qui pourvoit au remplacement ?

M. Jean-Pascal Fayolle . - Le proviseur trouve le candidat et le DRAF signe le contrat. Les professeurs remplaçants ont un statut d'agents contractuels régionaux. L'établissement peut également s'adresser à Pôle emploi.

Mme Françoise Férat . - L'enseignement agricole a vécu un moment fort : les assises de la scène agricole. Compte tenu de la mission qui est la nôtre, pouvez-vous en deux ou trois points mettre en avant tel ou tel dispositif pouvant contribuer à notre réflexion ?

La loi de modernisation a conforté l'innovation. Vous avez parlé de laboratoire. A ce titre, nous connaissons la force de réactivité de l'enseignement agricole. Je voudrais vous questionner sur l'expérimentation. Pouvez-vous nous donner quelques exemples d'initiatives locales ou nationales ? Comment ont-elles été mises en oeuvre ? Je tiens beaucoup à l'évaluation ; or nous n'évaluons pas toujours les initiatives. Dès lors, nous ne retenons pas toujours les plus intéressantes. Compte tenu de l'organisation particulière de l'enseignement agricole, avez-vous rencontré des difficultés particulières pour mettre en place ces initiatives ? Si oui, lesquelles ?

Mme Marion Zalay . - Les assises ont été lancées par le ministre M. Bruno Le Maire, dès la rentrée 2009. Elles ont occupé tout l'automne, avec quatre ateliers qui ont réuni les acteurs de l'enseignement agricole (enseignants, professionnels), des parlementaires, les familles, les élèves et les services de l'État nationaux ou déconcentrés. L'objectif du ministre était d'établir les points cardinaux d'une nouvelle feuille de route pour l'enseignement agricole qui avait été perturbé par un certain nombre de mouvements, notamment dans le secteur public, pendant l'année scolaire 2008-2009. Ces ateliers ont été suivis d'un travail sur le terrain. Un certain nombre de déplacements en régions ont ainsi permis aux membres de ces ateliers d'échanger avec les établissements, le personnel, les élèves et les élus. Cela a permis de dégager 60 mesures qui ont contribué à articuler un pacte renouvelé pour l'enseignement agricole public. Trois priorités donc été clairement affirmées :

- replacer les défis de l'agriculture et de l'agro-alimentaire au coeur des formations de l'enseignement agricole pour réaffirmer l'enseignement agricole comme un point d'ancrage, d'anticipation et d'accompagnement des réformes de l'agriculture française et de l'agro-alimentaire. M. Bruno Le Maire a voulu replacer clairement l'enseignement agricole au coeur de ces évolutions ;

- réaffirmer la valeur territoriale de l'enseignement agricole. Cette priorité est portée par différentes mesures, telle que la construction de projets régionaux pluriannuels de l'enseignement agricole. Il s'agit de redonner toute sa valeur à la discussion territoriale, par l'intermédiaire d'un dialogue de gestion formalisé et harmonisé entre la DRAF, l'autorité académique et l'établissement ;

- renforcer les liens entre l'enseignement agricole, l'enseignement technique, l'enseignement supérieur ainsi que la recherche agronomique et environnementale. D'une part, il fallait mieux asseoir l'enseignement agricole technique avec l'appui de la recherche et de l'enseignement supérieur, pour valoriser la recherche et la formation en favorisant les échanges entre les élèves, les étudiants et les chercheurs ; d'autre part, il convenait de prendre un certain nombre de mesures dans le cadre de pôles thématiques de compétences regroupant l'enseignement supérieur, la recherche et, désormais, l'enseignement technique. Des mesures très opérationnelles sont venues en appui de cette démarche, parmi lesquelles l'introduction de l'évaluation des initiatives dans les indicateurs permettant d'allouer les dotations aux établissements d'enseignement supérieur. L'enseignement supérieur et la recherche, tout en s'inscrivant dans le cadre d'une politique nationale très claire, sont très proches du territoire. Il s'agit ainsi de porter haut les ambitions de l'enseignement technique pour le rattacher aux dynamiques nouvelles de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Les 60 mesures qui ont été décidées viennent donc en appui de ces trois axes prioritaires.

L'expérimentation est au coeur de ces logiques. En effet, l'expérimentation, comme l'a confirmé Mme Françoise Férat, a contribué historiquement à reconnaître à l'enseignement agricole une vraie valeur de laboratoire. Cette dynamique nécessitait sans doute d'être relancée. C'est pourquoi la notion d'innovation, laquelle recouvre les innovations agricoles, agro-alimentaires et pédagogiques, a fait son entrée dans les missions de l'enseignement agricole telles que mentionnées par le code rural. De même, le droit à l'expérimentation a été formellement intégré au bénéfice de l'enseignement agricole dans le code rural, grâce à la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Or, proclamer un droit à l'expérimentation ne suffit pas. Il convient de l'organiser. En ce sens, un comité d'évaluation de l'innovation et de l'expérimentation a été créé. Ce comité intègre l'inspection et un certain nombre de personnalités extérieures, pour la plupart membres de l'éducation nationale. Cette assise permettra au droit à l'expérimentation de prendre son essor au niveau régional. Nous mettons en place ce comité et avons organisé plusieurs colloques avec les directeurs des établissements pour recueillir auprès de représentants de l'éducation nationale les témoignages de ceux qui avaient mis en place des expérimentations ayant trait au rythme scolaire par exemple. Il appartient aux directeurs et à leurs partenaires extérieurs de construire ces projets. La DRAF les validera et octroiera les moyens nécessaires à leur réalisation. Ces projets feront ensuite l'objet d'une évaluation.

Par ailleurs, l'expérimentation s'effectue au quotidien sur des sujets divers, notamment dans le cadre des réformes éducatives. Par exemple, dans l'enseignement professionnel, 10 % des heures ont été laissées à l'initiative des établissements. En outre, nous avons souhaité pouvoir organiser une réflexion avec les équipes pédagogiques. C'est pourquoi la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche a instauré un conseil de l'éducation et de la formation, qui diffère un peu de celui qui prévaut dans l'éducation nationale puisqu'il est commun à l'ensemble des centres constitutifs d'un établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA). Cela permet d'analyser les différentes expériences à la fois scolaires, d'apprentissage et de formation continue. Nous avons ainsi signé des conventions avec l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le réseau des instituts des filières animales et végétales (ACTA - association de coordination technique agricole) pour jumeler les exploitations des lycées agricoles avec des centres INRA et/ou des centres ACTA. Il s'agit de faire des lycées des lieux de démonstration et de diffusion au bénéfice des élèves et, par extension, de l'environnement professionnel des territoires.

M. Yannick Bodin . - J'ai noté avec intérêt vos réflexions sur l'organisation et la structure de fonctionnement et de direction des établissements agricoles de l'enseignement public, en particulier en ce qui concerne la présidence du conseil d'administration. Je peux d'ailleurs témoigner de conversations des proviseurs de lycées agricoles et des proviseurs de lycées de l'éducation nationale sur les avantages de présider soi-même ou de ne pas présider les conseils d'administration. La conclusion de ces échanges se trouve en suspens depuis de nombreuses années.

L'enseignement agricole présente un intérêt par rapport à l'enseignement technique en général : toutes les formations sont regroupées « sous un même toit ».

Mme Marion Zalay . - Elles sont regroupées dans une même entité mais pas nécessairement sur le même site.

M. Yannick Bodin . - C'est une manière de résumer mon propos. Par ailleurs, dans les relations profession/entreprise et formation, il convient de noter que ce n'est pas la profession qui passe commande du type d'intervenant qu'elle souhaiterait voir enseigner. J'ai cru comprendre que vos élèves ont envie d'apporter quelque chose de nouveau au monde agricole. Cette interaction est intéressante. Comment s'investissent les professeurs ? Quelle est votre politique de formation continue des personnels enseignants ?

Vous avez plusieurs fois fait référence aux rencontres avec l'éducation nationale. Existe-t-il une organisation officielle entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'enseignement agricole destinée à réfléchir aux grandes thématiques actuelles de l'enseignement technique et professionnel en France ? Au niveau régional, une telle structuration existe, par l'intermédiaire du recteur de l'éducation nationale et du directeur régional de l'agriculture. Quel est votre degré d'implication dans les relations de l'enseignement agricole avec l'éducation nationale ? Nous avons l'impression d'un fort cloisonnement entre les deux types d'enseignement. Cette situation est regrettable.

Mme Françoise Cartron . - Pour reprendre vos propos en introduction, la spécificité de l'enseignement agricole tient à son ancrage territorial et à la taille humaine des établissements. Quelle est votre définition de cette taille humaine ? Jusqu'à quel niveau maintenez-vous des établissements ? Comment conjuguez-vous l'exigence d'un ancrage territorial et les contraintes budgétaires ayant trait à la rentabilité des établissements ? Privilégie-t-on réellement la taille humaine et l'ancrage territorial, qui sont source de dynamisme pour le territoire et de réussite pour les élèves ?

Mme Fabienne Keller . - A six jours de la Journée de la femme, je souhaiterais vous féliciter pour votre poste de directrice générale.

Mme Marion Zalay . - Une femme n'avait encore jamais été directrice générale de l'enseignement et de la recherche. Je vous remercie.

Mme Fabienne Keller . - Nos félicitations sont donc redoublées !

M. Jean-Claude Carle , rapporteur . - Nous nous joignons à ces félicitations.

Mme Fabienne Keller . - Je crois savoir que vos établissements scolaires regroupent 2 000 collégiens. Pouvez-vous nous exposer rapidement la pédagogie et les méthodes adoptées ? Il semblerait que vous cibliez en particulier les collégiens en difficulté. Quels sont les leviers de la remotivation des élèves ?

En outre, parmi les facteurs de réussite, vous avez souligné la taille humaine des établissements et leur dimension territoriale. Je voudrais en savoir davantage sur le fonctionnement des équipes pédagogiques : en quoi est-il original ?

Enfin, vous avez indiqué que 10 % des heures sont laissées à l'initiative des établissements. Pouvez-vous nous le confirmer et nous indiquer comment vous répartissez ces heures entre les professeurs ?

Mme Maryvonne Blondin . - Je rejoins un peu les propos de Fabienne Keller. Vous avez évoqué le très fort taux d'insertion professionnelle. Les élèves sont-ils orientés vers les établissements de l'enseignement agricole par choix ou par défaut ?

Néanmoins, vous devez avoir des élèves en difficulté. Comment les gérez-vous et les remotivez-vous ?

Enfin, pouvez-vous nous parler davantage de la formation et de la spécificité des professeurs, ainsi que de leur travail en équipe ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Je souhaiterais que vous nous exposiez plus précisément l'articulation entre le déploiement de la territorialité, dont nous avons montré les atouts, l'égalité de traitement ainsi que la carte de formation. Nous savons que le budget est restreint ; des classes ferment et certains établissements sont regroupés. Comment voyez-vous l'avenir du déploiement de cette territorialité, tout en préservant pour l'élève la possibilité de choisir entre l'accès au bassin d'emploi territorial et la mobilité ?

M. Jean-Claude Carle , rapporteur . - Je souhaiterais vous poser une question complémentaire concernant la taille critique des établissements. En dessous d'un certain seuil, les frais de structure s'avèrent rédhibitoires. Pourrions-nous mettre en place des mutualisations entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale, en termes de moyens matériels, voire humains ? Ce dispositif existe-t-il déjà ?

Mme Fabienne Keller . - Nous réclamons cette mutualisation depuis quelques années.

Mme Marion Zalay . - Il convient d'insister sur la nécessité de la formation continue des enseignants. En effet, lors des assises, j'ai été très marquée par le témoignage des jeunes agriculteurs récemment installés. Ils étaient sortis de l'école depuis moins d'un an. Or, ils n'ont pas été préparés suffisamment à l'ensemble des tâches administratives requises par une exploitation. Il faut assurer la « sécularisation » des enseignants de manière à ce que leurs compétences s'accordent à la réalité économique des entreprises dans lesquelles leurs élèves ont vocation à travailler. Dans le cadre des assises, nous avons décidé d'encourager fortement la formation continue des enseignants en entreprise auprès d'un certain nombre de familles professionnelles. Nous avons également décidé de bâtir des éléments de formation continue pour les enseignants avec les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Je suis extrêmement attachée à ce que nos élèves sachent remplir les formulaires administratifs tels que la déclaration de vendanges. Il faut que les enseignants maintiennent ces compétences. L'anticipation des besoins de la vie économique des territoires revêt une grande importance.

Concernant nos modalités de travail avec l'éducation nationale, nos relations varient selon les époques. Notre époque est au partenariat et à la confiance. J'ai moi-même des relations très régulières avec mon homologue de l'éducation nationale. En effet, nous avons mis en place un système pour discuter des grands enjeux et des orientations stratégiques. Il existe beaucoup de témoignages de notre travail en commun, tels que les internats d'excellence. Nous avons labellisé récemment un internat d'excellence rural. L'éducation nationale nous a beaucoup soutenus dans ce projet. Nous travaillons également en partenariat sur les réformes des diplômes, comme les formations sur les services en milieu rural et les services à la personne. Un nouveau bac professionnel sera créé en 2011. Nous allons travailler ensemble pour assurer la passerelle pour les certifications intermédiaires, notamment en brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) pour laisser le choix aux élèves.

Par ailleurs, une question importante est celle de la taille humaine. Ce n'est pas qu'un seuil. Elle s'exprime dans un environnement naturel, donc en général agréable. Les établissements agricoles se caractérisent par un fort taux d'internes, de l'ordre de 58 à 100 %. La réinsertion sociale et scolaire figure parmi les missions de l'enseignement agricole. Ce sont ceux qui la réalisent qui en parlent le mieux. Cette réinsertion est possible grâce à la situation des établissements dans un milieu vivant et à la formation à des métiers ayant un très fort trait d'union avec les matières du vivant (gestion de l'eau et du territoire). A cet égard, il faut savoir replacer les élèves en contact avec la nature qui est un facteur de réapprentissage lorsque ceux-ci se trouvent en décrochage. Par des gestes extrêmement simples, les professeurs réapprennent des valeurs à leurs élèves. La taille humaine n'est pas qu'une question numérique, même si elle s'apprécie en terme numérique.

Aujourd'hui, notre logique est celle du « bottom up » , à savoir la priorité au terrain. Les mesures doivent être réfléchies avant d'être institutionnalisées. Chacun connaît la situation des finances publiques. La ligne de force principale de l'enseignement agricole est celle du réseau. Un établissement doit toujours être doté de centres constitutifs mais ceux-ci doivent être mis en réseau. De même, au niveau régional, les pôles de compétences doivent bâtir des thématiques plus lisibles pour les familles. Il ne s'agit pas nécessairement d'encourager la fusion en un seul établissement. Il n'existe pas de caractère linéaire entre la santé financière d'un établissement et le nombre de ses élèves ou de ses classes. Toutefois certains effets de seuil rendent la gestion des établissements difficile.

Pour répondre à votre question sur la mutualisation des moyens, nous avons commandé un rapport sur la simplification de la gestion administrative des établissements de l'enseignement agricole. Dans ce cadre, nous avons demandé aux inspecteurs d'approfondir un certain nombre de points sur les mutualisations administratives. En effet, il faut réaliser des synergies et assurer des complémentarités avec l'éducation nationale sur les offres de formation et la manière dont nous les mettons en place. Il est de plus en plus fréquent que nous procédions à un échange de services sur des options en langues. Nous sommes très attentifs à ce qu'un élève bénéficie d'un cursus dans une proximité de lieu et de site, au moins au niveau régional. Dans le cas contraire, il faut prendre le relais avec d'autres voies de formation telles que l'apprentissage. C'est pourquoi des voies de mutualisation se mettent en place au sein de l'enseignement agricole ou avec d'autres filières.

Il convient d'actionner tous les leviers de mutualisation et de mise en réseau pour que le maillage territorial conserve sa richesse, dans le respect de l'efficacité que chacun est en droit d'attendre du système éducatif. De ce point de vue, nous avons pris un certain nombre d'initiatives, notamment en matière de centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA).

M. Jean-Pascal Fayolle . - S'agissant des collèges, dans le cadre des cursus de 4 e et 3 e , de nombreux stages sont prévus. Le contact avec le milieu naturel redonne aux élèves un peu goût à l'école. Ils sont souvent internes et bénéficient ainsi d'un accompagnement aux devoirs le soir. En outre, les enseignants des collèges de l'enseignement agricole sont les mêmes qu'au lycée. Dès lors, les jeunes se situent davantage dans un lycée que dans un collège et peuvent se projeter rapidement dans une poursuite d'études. C'est pourquoi les élèves ne décrochent pas. Les enseignants sont eux-mêmes plus motivés par le fait qu'ils enseignent déjà au lycée. La réussite de ces élèves ne serait peut-être pas possible si les classes étaient plus nombreuses.

Mme Marion Zalay . - Le fait de doter les établissements agricoles d'enseignants en éducation socioculturelle constitue une énorme richesse. En effet, cela permet d'ouvrir les élèves à la culture et l'établissement contribue à l'animation du territoire.

M. Serge Lagauche , président . - Je vous remercie.

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