Table ronde avec les représentants des milieux socio-économiques

(26 avril 2011)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur . - Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation, pour répondre aux questions que notre mission se pose sur l'organisation territoriale du système scolaire et sur l'évaluation des expérimentations locales en matière d'éducation.

M. Claude Thélot, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, ancien président de la Commission du débat national sur l'avenir de l'école . - Le sujet de la table ronde, en lui-même, m'interpelle. L'ensemble des participants appartenant au monde professionnel, j'ai cru comprendre que le sujet majeur porte sur l'articulation entre le système éducatif et le monde professionnel. De mon point de vue, il faut absolument que ce rapprochement soit plus important et plus efficace. Dans ce domaine, de réels progrès ont été effectués depuis vingt ans mais ils restent insuffisants par rapport à l'évolution du monde et à la situation de la jeunesse. Le partenariat entre ces acteurs doit donc s'accroître, chacun possédant ses fonctions spécifiques. Il peut se renforcer selon trois principes.

Premièrement, ce partenariat doit concerner l'ensemble des employeurs, quelle que soit la taille de la structure et son statut, privé ou public. J'estime d'ailleurs qu'il faut bannir l'expression selon laquelle le rapprochement doit s'effectuer « entre l'école et les entreprises ». En réalité, celui-ci concerne plutôt « l'école et les employeurs ». Depuis une vingtaine d'années, les employeurs publics n'ont pas été suffisamment présents sur le terrain de la formation et de l'insertion de la jeunesse : cette question-là me paraît donc importante. Il faut penser l'articulation entre l'école et les employeurs publics de la même manière qu'est pensé le lien entre l'école et les employeurs privés.

Deuxièmement, ce partenariat doit s'organiser selon quatre plans.

Il s'agit bien sûr de définir des formations.

Il faut également apporter une aide aux élèves pour qu'ils apprennent à mieux connaître les entreprises et pour favoriser leur orientation : mieux vaut confier cette fonction à des employeurs qu'à des conseillers d'orientation, déjà très occupés et qui connaissent insuffisamment le monde professionnel. Dans les collèges, l'information doit donc être organisée avec l'appui des professionnels mais aussi des parents d'élèves.

Par ailleurs, il faut développer l'alternance sous toutes ses formes, non seulement sous la forme du contrat de travail, celle de l'apprentissage, mais aussi sous statut scolaire. Il conviendrait également d'imaginer une forme d'alternance spécifique pour les employeurs publics. Notre société ne peut demander au système scolaire de tout apprendre aux élèves. Les formes d'alternance sont destinées à apprendre ailleurs qu'à l'école, et en coordination avec elle, pour favoriser l'insertion des jeunes.

Enfin, les échanges avec les enseignants doivent être renforcés. Ceux-ci doivent aller davantage à la rencontre du monde professionnel, soit lors de leur formation, soit durant leur carrière. De façon réciproque, l'apport du monde professionnel au système éducatif doit être favorisé.

Troisièmement, ce partenariat doit être très amplement local. Certes, le cadre de cette collaboration peut être fixé par les grandes structures. Cependant, dans la réalité, ce sont les bassins d'emploi qui peuvent favoriser la personnalisation des relations entre le monde de l'école et celui des employeurs. Dans ce domaine, il faut donc donner toute leur chance aux expérimentations suffisamment réussies pour qu'elles se généralisent. Certaines expérimentations n'ont pas encore été menées alors qu'elles pourraient parfaitement trouver leur place dans ce partenariat local. Ainsi, la loi de 2005 prévoyait que le président du conseil d'administration de certains lycées technologiques et professionnels soit une personnalité extérieure, et notamment un chef d'entreprise.

La société française manifeste un réel problème d'investissement collectif dans sa jeunesse. L'aide aux jeunes doit donc être perçue par l'ensemble des acteurs, au-delà de son coût, comme un investissement pour l'avenir.

M. Gilbert Rebeyrolle, président de la Chambre régionale des métiers et de l'artisanat du Limousin, membre de l'Assemblée permanente des Chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) . - En ce qui me concerne, je suis artisan boulanger au sein d'une petite entreprise de 9 salariés, à Limoges. Celle-ci, en quarante ans, a formé 42 apprentis.

Les entreprises artisanales et, par conséquent, les Chambres de métiers et d'artisanat sont hautement concernées par la réforme de la voie professionnelle. Selon cette loi, il n'est plus nécessaire de posséder un diplôme de niveau 5 pour accéder au niveau 4. En outre, la formation menant au baccalauréat professionnel dure désormais trois ans, à l'instar du baccalauréat généraliste.

Cette réforme relève d'une décision du ministère de l'éducation nationale dont nous comprenons les enjeux et que nous respectons. Cependant, nous sommes attentifs au fait qu'il n'y aurait plus besoin du niveau 5, l'entrée dans l'emploi s'effectuant au niveau 4. Or le niveau 5 correspond à un besoin pour l'artisanat, qu'il s'agisse du secteur du bâtiment ou de la boulangerie. Pour nous, le véritable enjeu consiste à amener les jeunes à une véritable qualification de niveau 5, qui reste un niveau pertinent d'entrée dans l'emploi. Il s'agit d'accompagner les jeunes dans une montée en compétences et en qualifications, lorsqu'ils sont prêts et lorsqu'ils le souhaitent.

Les entreprises se montrent avant tout demandeuses de jeunes qualifiés et motivés. Aujourd'hui, de nombreuses organisations professionnelles s'adressent à l'Assemblée permanente des Chambres de métiers afin qu'elle crée des brevets techniques des métiers, toujours au niveau 4, mais plus fortement centrés que le baccalauréat professionnel sur la situation de travail elle-même. La formation en trois ans permet d'établir un parallélisme entre la voie professionnelle et la voie générale.

La seconde de détermination est suivie par une première et une terminale, plus centrées sur un métier et une spécialité. Cette organisation a été conçue pour la formation en lycée professionnel. Cependant, force est de constater, après deux ans de mise en oeuvre, qu'elle ne fonctionne pas dans le secteur de l'apprentissage.

En effet, les employeurs se montrent réticents à signer des contrats de trois ans avec des jeunes qui sortent du collège et qui ne connaissent pas le métier. Ils préfèrent conclure des contrats de deux ans avec des jeunes qui préparent le certificat d'aptitude professionnelle (CAP), quitte à signer un second contrat pour la préparation d'un brevet de technicien professionnel (BTP) ou d'un baccalauréat professionnel (Bac Pro). Les centres de formation d'apprentis (CFA) ont été contraints par les régions de modifier leur offre de formations. Ils ont remplacé les sections préparant au brevet d'études professionnelles (BEP), voire les sections menant au brevet d'aptitude professionnelle (BAP), par des sections de baccalauréat professionnel. Or faute d'employeurs, ces sections n'ont pas été remplies et des apprentis ont été perdus en cours de route. Une note du ministère de l'éducation nationale explique très bien que la perte d'élèves en BEP n'a pas été compensée par les effectifs en baccalauréat professionnel.

S'il n'est pas possible de revenir sur la réforme de la voie professionnelle, nous demandons à tout le moins que ses effets sur l'apprentissage soient analysés et que des mesures correctives soient envisagées. Nous proposons que la durée de la formation puisse être modulée entre deux et quatre ans. Nous souhaitons que deux contrats consécutifs puissent être signés. Nous sommes également favorables à la généralisation des dispositifs d'initiation aux métiers par alternance (DIMA) dans les CFA, afin qu'ils puissent jouer, dans la mesure du possible, un rôle de sas, à l'instar de la classe de seconde dans l'enseignement professionnel.

L'Assemblée permanente des Chambres de métiers et de l'artisanat a décidé, en juin 2009, d'organiser son offre de service de formations par la mise en place d'une université des métiers et de l'artisanat au niveau des régions. Aujourd'hui, 10 universités ont été créées. Nous avons donc formalisé des relations de partenariat avec des établissements de l'enseignement supérieur, afin de mettre en place des concours de formation qui répondent à la fois aux besoins des entreprises et aux objectifs de l'enseignement supérieur. La coopération est donc possible.

Pour que le monde socio-économique puisse contribuer efficacement à une rénovation du système éducatif, il faut que celui-ci traite le monde socio-économique à parité, qu'il accepte de lui ouvrir ses portes, qu'il reconnaisse ses besoins et accepte de les traiter. Il doit manifester la volonté de le considérer comme un véritable partenaire.

Malheureusement, à l'heure actuelle, ce n'est pas toujours le cas. Un véritable dialogue s'est instauré dans des instances comme la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) et au sein du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV). Néanmoins, sur le terrain, l'intensité de la coopération dépend trop souvent de la volonté des inspecteurs d'académie. Il n'est pas normal, par exemple, que nous ne soyons pas systématiquement associés à la mise en place des parcours de découverte des métiers et des formations par l'éducation nationale.

Nous avons exprimé des propositions auprès du ministre de l'éducation nationale pour que les Chambres des métiers et de l'artisanat participent à l'orientation des élèves, afin que nous puissions expérimenter ensemble des parcours hybrides. Nous n'avons pas été entendus. Nous proposons donc que soient créées des instances locales de concertation, composées de représentants du monde socio-économique et du système éducatif, pour favoriser la codécision en matière d'orientation et d'organisation de l'accueil des élèves dans les entreprises.

M. Francis Petel, membre de la Commission formation et éducation, de la Confédération du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) . - De manière générale, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) attend du système scolaire que celui-ci facilite l'insertion durable des jeunes et contribue à la création d'emplois et à la compétitivité des entreprises, en tenant en compte des spécificités des petites et moyennes entreprises-très petites entreprises (PME-TPE).

La caractéristique d'une PME-TPE, lorsqu'elle décide d'embaucher, consiste à trouver les compétences dans le bassin d'emploi où elle se trouve. Le manque d'attractivité des PME limite la mobilité des postulants. La dimension du territoire s'avère donc essentielle. Sur le plan économique, à défaut de trouver les collaborateurs dont elle a besoin, une PME TPE ne peut pas se développer.

Celle-ci a besoin d'embaucher des jeunes immédiatement opérationnels. Elle n'est pas à même de former un jeune qui ne serait pas directement employable. En revanche, la montée en performance d'un jeune peut être accompagnée, par le développement de compétences spécifiques. Les formules d'apprentissage, quelles qu'elles soient, nous paraissent donc tout à fait appropriées.

Ce contexte suppose une relation de proximité géographique et un minimum de préprofessionnalisation de la part du système éducatif. Le tissu des lycées permet cette proximité géographique. La modalité la plus intéressante, pour les établissements, consiste en une contractualisation au niveau local. Les expérimentations montrent bien que les meilleures initiatives, en termes d'efficacité et même d'efficience, s'enracinent à ce niveau. Nous sommes d'ailleurs favorables, dans le cadre du système éducatif, aux expérimentations nationales ou locales. Ainsi, le ministère de l'éducation nationale vient de lancer une expérimentation sur la modularisation. Celle-ci porte sur cinq brevets de technicien supérieur (BTS), durant trois ans.

Parallèlement, nous souhaitons une véritable valorisation de la voie professionnelle. La poursuite d'études, en elle-même, ne peut pas être valorisée de façon excessive par rapport à l'accès direct à l'emploi. Certes, la lutte contre l'échec scolaire peut être considérée comme une politique louable dans ses principes. Elle vise à valoriser la poursuite d'études. Il n'empêche qu'elle peut produire des effets négatifs. Des diplômés sont embauchés par des entreprises qui ne trouvent pas de jeunes au niveau de qualification dont elles auraient besoin.

Il s'agit d'un « mal français », comme l'illustre la dévalorisation du CAP, dernier diplôme de niveau 5 depuis la disparition du BEP. Or la mise en oeuvre du cadre européen des certifications prône un éventail de diplômes de niveaux 1 à 8. Le CAP correspond au niveau 3. Les Pays-Bas, la Grande-Bretagne ou l'Irlande proposent des diplômes de niveau 1 ou 2. Dans ces conditions, la proportion importante de jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification n'a rien de surprenant. De fait, le premier niveau de qualification est déjà très haut. En outre, dans bien des cas, celui-ci est en voie de suppression : le baccalauréat devient peu ou prou le premier niveau de certification.

Nous ne suggérons pas de revenir au passé, même si nous continuons à penser qu'il aurait fallu attendre les résultats de l'expérimentation avant de généraliser le baccalauréat professionnel en trois ans. Cependant, l'accès à un certain nombre de métiers correspond au niveau 5. Il conviendrait donc d'adopter, métier par métier, le niveau d'entrée correspondant. Ainsi, certains métiers de services correspondent aux niveaux 3 ou 4. Au niveau inférieur, il s'avère impossible de trouver un emploi. Quant aux métiers du bâtiment et au secteur de la réparation automobile, de manière particulièrement représentative, ils recrutent au niveau 5.

Nous sommes donc favorables à une revalorisation du CAP, à condition que celui-ci soit essentiellement préparé en apprentissage, dans des CFA professionnels. En effet, le CAP doit être généré par les branches professionnelles, qui peuvent en faire la demande et juger des besoins.

La préprofessionnalisation consiste également à prendre en compte, de manière systématique, non seulement les savoirs mais aussi les savoir-faire et les savoir-être. Cette prise en compte doit s'effectuer par le biais des méthodes pédagogiques, au sein du système éducatif lui-même.

Selon la CGPME, la préprofessionnalisation repose sur un double socle. Pour être recruté par une TPE, un jeune doit démontrer à la fois une maîtrise des compétences de base et un comportement professionnel. S'il ne possède pas l'un et l'autre, il n'est pas véritablement employable. Il appartient donc au système éducatif de fournir ce double socle. Or de ce point de vue, l'alternance sous toutes ses formes constitue la meilleure voie vers une préprofessionnalisation.

Le contrat d'apprentissage doit être pris en compte, même s'il ne s'agit pas de la seule voie. Ainsi, le contrat de professionnalisation peut s'avérer très utile pour des jeunes de tous niveaux ayant déjà atteint un niveau de certification. En 2009, parmi 31 000 contrats de professionnalisation, 67 % s'adressaient à des jeunes de niveau 4 et 5. Un tiers des contrats visaient des jeunes de niveau 5 et infra . Enfin, d'autres formules d'alternance peuvent être valorisées, comme les stages.

M. André Marcon, président de l'Assemblée des Chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) . - S'agissant du partenariat qui vient d'être décrit, cette nouvelle organisation a été conçue sans les professionnels que nous sommes. Pourtant, nous aurions souhaité y participer et nous nous réjouissons de certaines dispositions, qui expriment la volonté d'améliorer les connaissances des jeunes. L'idée générale, qui consiste à proposer des cursus de formation plus visibles et plus attractifs, nous paraît pertinente.

En revanche, la mise en place de ce partenariat pose certains problèmes. L'apprentissage crée une voie royale pour l'accès à l'emploi. Or dans ce système, il ne trouve pas véritablement sa place. En outre, aucune expérimentation n'a été menée. La marche entre le CAP et le baccalauréat professionnel, trop haute, relègue le CAP à un sous-titre. Par ailleurs, dans le programme des baccalauréats professionnels, le temps consacré aux techniques ou à la technologie reste insuffisant. A la sortie, il n'est donc pas sûr que les jeunes soient facilement employables. Enfin, la durée des contrats, sur trois ans, paraît très dissuasive pour les entreprises.

Au total, la nouvelle organisation devra faire l'objet de réajustements au cours du temps.

Quant à la rénovation du système scolaire, des partenariats ont d'ores et déjà été mis en place, même de manière marginale. La conception technique des diplômes fait l'objet d'une réelle concertation. Des actions de découverte ont été organisées par le biais de stages d'observation d'une semaine.

Cependant, il faudrait manifester des ambitions plus importantes. L'orientation, telle qu'elle est conçue dans le système éducatif, semble trop scolaire, insuffisamment axée sur les métiers. Nos réseaux proposent des « nuits de l'orientation » dont le fonctionnement s'avère extrêmement efficace : depuis peu, des rencontres sont proposées hors du cursus scolaire, dans des cafés, ces lieux étant très appréciés par les jeunes. Des chefs d'entreprise viennent y parler de leur futur métier. Par ailleurs, nous organisons régulièrement des rencontres entre proviseurs et chefs d'entreprise.

Nous sommes également favorables à une initiation à l'entreprenariat, durant le cursus scolaire, et à une meilleure adaptation de l'enseignement des langues au monde de l'entreprise. Enfin, des stages en entreprise peuvent être conçus à destination des enseignants, qu'ils viennent seuls ou avec des élèves. Lorsque j'ai effectué cette suggestion au Conseil économique, social et environnemental, elle a recueilli un véritable tollé. Pourtant, lors de cette séance, je m'adressais à des professeurs d'économie !

L'apprentissage risque d'être relégué au niveau 5. Pourtant, nous avons beaucoup participé à sa valorisation en le portant à un niveau supérieur. Nous craignons que le bac professionnel n'introduise une césure entre l'apprentissage et des formations de niveau supérieur, alors que ces deux filières démontrent tout leur intérêt. Nous sommes convaincus que l'employabilité des jeunes se renforcera par l'apprentissage.

M. Bernard Falck, directeur de l'éducation et de la formation, au Mouvement des entreprises de France (MEDEF) . - En premier lieu, je souligne combien j'apprécie d'être invité à donner mon point de vue sur un sujet aussi important que l'éducation. Je remercie tout particulièrement Claude Thélot pour l'élan qu'il a suscité autour du débat national sur l'avenir de l'école.

Bien sûr, il convient de penser globalement tout en agissant localement, et de favoriser les partenariats entre l'éducation nationale et l'ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille et le secteur d'activité auquel elles appartiennent. Nous sommes attachés à ce que l'emploi soit considéré de manière globale, ceci à tous les niveaux de formation, car il faut assurer un continuum .

En effet, il me semble impossible d'aborder le sujet du système scolaire sans examiner avec attention son positionnement dans une continuité, depuis l'école primaire jusqu'à l'enseignement supérieur, en y incluant notamment l'enseignement général, l'enseignement technologique et l'enseignement professionnel. Les entreprises doivent s'appliquer, plus largement encore, à mieux faire connaître leurs métiers. Une meilleure information doit être dispensée, en lien avec le système éducatif, sur les formations menant à ces métiers. Bien évidemment, les parents d'élèves ont un rôle essentiel à jouer dans ce domaine. Dès 2007, une convention de coopération a été conclue avec l'ensemble des associations de parents d'élèves.

L'alternance ne se borne pas uniquement à un contrat d'apprentissage ou à un contrat de professionnalisation. Il s'agit également d'une modalité pédagogique à laquelle nous sommes particulièrement attachés entre un lieu de formation et une entreprise. Celle-ci permet, sur la base d'une pédagogie partagée, d'offrir aux jeunes non seulement des connaissances théoriques, mais aussi la capacité à mettre immédiatement en oeuvre leurs acquis.

Les fortes ambitions destinées à développer l'alternance ne peuvent se réaliser qu'en partenariat étroit avec le système éducatif, notamment avec l'éducation nationale et les universités.

Il faut, bien sûr, favoriser les échanges entre les enseignants de même spécialité, mais aussi les échanges pluridisciplinaires. La « découverte professionnelle trois heures » et la diffusion des mini-entreprises au sein des collèges et des lycées permettent d'impliquer des enseignants relevant de spécialités diverses. Le travail en équipe doit être favorisé, à image de la vie en entreprise et dans la société.

Il convient, notamment de favoriser les échanges entre les enseignants de la voie générale et de la voie technologique et professionnelle. Lors des forums que le MEDEF organise chaque année dans les régions, les rencontres entre les enseignants du secondaire et ceux de l'enseignement supérieur s'avèrent manifestement fertiles. En outre, ces échanges entre enseignants doivent être favorisés au plan européen et international. Certes, il faut se garder d'introduire en France des modèles ne pouvant pas être transposés en l'état, mais il faut s'inspirer d'un certain nombre d'expériences. D'ailleurs, les enseignants s'y montrent extrêmement ouverts.

Aujourd'hui, nous nous situons dans un moment historique. Entre le système scolaire et le monde des entreprises, de nombreux rapprochements ont été mis en oeuvre, qu'il s'agisse de la « découverte professionnelle de trois heures » et de la « semaine école-entreprise » ou encore des mini-entreprises. Dans ce domaine, les statistiques sont impressionnantes et les progrès évidents. Il s'agit maintenant de trouver un nouvel élan.

Au fil des interventions, des mots-clés reviennent souvent. Les thématiques de l'insertion professionnelle, de l'employabilité et de l'orientation s'expriment plus fortement qu'il y a quinze ou vingt ans. De même, les préoccupations autour de la mobilité et de l'évolution professionnelle, de l'illettrisme et des « décrocheurs » sont envisagées avec une acuité croissante. Ensemble, nous devons relever ces formidables enjeux.

La réforme du baccalauréat devait permettre à une fraction plus importante d'une classe d'âge d'obtenir ce diplôme et de poursuivre des études. A ce sujet, les avis sont contrastés, selon les secteurs d'activité, les entreprises et les métiers. Sur un plan macro-économique, les sociétés les plus avancées, dans le monde, sont celles qui ont le plus fortement misé sur l'éducation et la recherche.

Il ne s'agit en aucun cas de mener chaque jeune, de façon artificielle, au plus haut niveau de formation. Notre responsabilité collective consiste plutôt à faire en sorte que chaque jeune soit formé au niveau qui lui permettra une insertion professionnelle. A cet égard, le MEDEF s'est montré très favorable à une réforme en profondeur de l'enseignement secondaire, autour du baccalauréat général, du baccalauréat professionnel mais aussi du baccalauréat technologique. En cette année 2011, nous ne possédons pas de recul suffisant pour effectuer finement une analyse.

Au-delà de la réforme de ces voies, d'autres éléments jouent un rôle important. En classe de seconde, dorénavant, tout élève devra suivre un enseignement d'exploration, soit en sciences économiques et sociales, soit sur les principes fondamentaux de l'économie et de la gestion. Au fur et à mesure, des jeunes plus nombreux en retireront une meilleure sensibilisation à l'économie et au monde de l'entreprise.

S'agissant de la voie professionnelle, nous ne pouvons que souscrire à la volonté de conférer au baccalauréat ses lettres de noblesse. Nous avons donc soutenu la réforme du baccalauréat, tout en l'assortissant d'un certain nombre de réserves, notamment relatives à l'apprentissage.

Force est de constater que les entreprises s'engagent difficilement dans la signature d'un contrat d'apprentissage sur trois ans. Dans le cadre de l'établissement de la carte de formations, un travail de fond permettrait de cerner des ajustements permettant une meilleure complémentarité entre la voie scolaire et l'apprentissage.

En conclusion, il convient de saisir concrètement les opportunités engendrées par la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation. Ainsi, le service public de l'orientation offre l'occasion, pour le système éducatif et le monde des entreprises, de travailler ensemble autour d'un objectif partagé.

Longtemps, les partenaires sociaux se sont penchés de façon exclusive sur les questions liées à la formation professionnelle continue. Cependant, au-delà de ses finalités vis-à-vis des salariés, des demandeurs d'emploi et des publics en difficulté, la formation professionnelle continue s'avère étroitement liée à la qualité de la formation initiale. Dès leur accord, les partenaires sociaux ont souhaité approfondir cette problématique. La jeunesse constitue, bien sûr, un enjeu considérable dans les négociations en cours. D'ores et déjà, les partenaires sociaux se sont penchés sur la question de l'accompagnement des jeunes vers l'emploi, et notamment celui des « décrocheurs ».

Enfin, un autre élément, à ce stade, passe quasiment inaperçu. Dans les semaines à venir, un Plan régional de développement des formations (PRDF) sera signé dans chaque région. Au cours des derniers mois, cette perspective a fourni l'occasion d'échanges extrêmement denses entre l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse de l'État, des conseils régionaux, des partenaires sociaux et des organisations économiques. Il conviendra de porter une grande attention à l'aboutissement de ces différents contrats. Une évaluation sera nécessaire pour construire un diagnostic partagé permettant d'améliorer ce dispositif. En tout cas, il s'agit d'une occasion unique d'approfondir le partenariat entre les différents acteurs.

Globalement, un consensus se dégage sur la nécessité de développer les formations en alternance. Des potentialités considérables s'ouvrent pour favoriser l'entrée dans l'emploi. De notre point de vue, le baccalauréat professionnel est conçu prioritairement pour favoriser l'insertion professionnelle dans les entreprises même si la poursuite des études n'est pas exclue, dans certains cas. En revanche, un débat soutenu est nécessaire au sujet de l'articulation entre l'éducation nationale (voie générale, voie technologique ou voie professionnelle) et l'enseignement supérieur. Nous intégrons à ce débat les BTS, les DUT, les licences professionnelles et la nouvelle licence.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur . - Je partage le point de vue de Claude Thélot au sujet du rapprochement entre l'école et le monde des employeurs, dont le secteur public fait partie intégrante.

Par ailleurs, pour plusieurs intervenants, le partenariat entre le système scolaire et le monde des entreprises est jugé insuffisant. Le PRDF n'est-il pas le lieu où peuvent s'élaborer ces liens ? Il a été également rappelé que la formation n'est pas un objectif en soi. Il conviendrait sans doute de concevoir des parcours plus itératifs entre le cursus de formation et l'entreprise.

Enfin, les difficultés relatives à la réforme du baccalauréat professionnel ont été évoquées. Sans remettre en cause ce cursus, de nouvelles pistes pourraient être élaborées, en s'inspirant du Dispositif d'initiation aux métiers en alternance (DIMA), pour que le baccalauréat professionnel devienne plus largement applicable dans le cadre de l'alternance. Le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation, qui donnent lieu à des financements différents, se heurtent à certaines limites. Ne pourrait-on pas opérer une simplification ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - La mise en place du bac professionnel en trois ans suscite une large satisfaction au sein des associations d'élèves. En même temps, cette réforme peut susciter la crainte que ce baccalauréat profite essentiellement aux meilleurs élèves. Pour ma part, j'ai également craint une certaine déprofessionnalisation avec l'instauration de ce nouveau cursus. Certaines de vos préoccupations rejoignent donc les miennes. Seriez-vous favorables à un allongement du cursus pour certaines catégories d'élèves ?

M. Gilbert Rebeyrolle . - Nous serions effectivement favorables à un allongement. J'estime, en tout cas, qu'il faut donner du temps au temps. En ce qui me concerne, dès l'âge de 14 ans, j'ai effectué un apprentissage. Dans les années qui ont suivi, comme bien d'autres artisans, j'ai entrepris un perfectionnement en comptabilité et en gestion dans l'objectif de reprendre une entreprise. Puis, j'ai suivi un cursus correspondant à un brevet de maîtrise (BM). A cette époque, ce diplôme se préparait en quatre ans, en BM 1 et en BM 2. Il était possible de passer la première partie du brevet, puis de passer la seconde partie dans un délai de cinq ans.

Aujourd'hui, nous « récupérons » souvent des jeunes désocialisés. Plutôt que de les intégrer dans une formation complète, au sein de l'éducation nationale, il serait nécessaire de leur « apprendre à apprendre » pour leur permettre d'intégrer un cursus professionnel. L'artisanat est ouvert aux niveaux 2 et 3, voire au niveau supérieur dans la perspective de création d'universités régionales des métiers.

Certaines entreprises ont besoin de jeunes formés aux hautes technologies. Leur cursus ne peut correspondre à celui d'un candidat à la reprise d'une boulangerie. Pour former un jeune, notamment en boulangerie, le CAP constitue le premier pas.

Nécessairement, le temps de formation s'allonge. En même temps, il permet d'amener un jeune à ce que je considère comme une réussite.

M. André Marcon . - Je rejoins votre avis. Il convient d'associer cet enseignement général à une démarche facilitant l'employabilité des jeunes dans tel ou tel métier. Au long du cursus menant au baccalauréat professionnel, la première année pourrait être consacrée à l'enseignement général, sous la forme d'un préapprentissage. Par la suite, deux années seraient tournées vers les spécialisations liées à un métier. Lorsqu'un individu a « appris à apprendre », il pourra, tout au long de la vie, se perfectionner en apprenant, par exemple, à gérer une entreprise ou à encadrer du personnel. Dans le passé, le brevet de maîtrise, qui vient d'être évoqué, se préparait durant la vie professionnelle.

M. Gilbert Rebeyrolle . - Lorsque les différentes branches des chambres des métiers et de l'artisanat sont consultées à propos de cette problématique, nos interlocuteurs ne fournissent pas de réponse unique. Les solutions proposées résultent du contexte local, c'est-à-dire de la région ou du bassin d'emploi.

De toute évidence, le contrat d'apprentissage doit mener au diplôme et, le cas échéant, à l'embauche des jeunes qui l'ont obtenu. Ce contrat doit donc clore le cycle. L'apprentissage est envisageable à condition que cette voie attire les meilleurs élèves, susceptibles par la suite d'être recrutés dans nos métiers. D'autres idées sont émises. L'accueil d'un jeune pourrait s'effectuer dans plusieurs entreprises. En outre, durant l'alternance, l'articulation entre les périodes de formation et les périodes de placement au sein des entreprises mériterait d'être reconsidérée, de manière à pouvoir accompagner un jeune durant trois ans.

En conclusion, des expérimentations variées seraient nécessaires. En aucune façon, sous sa forme actuelle, le contrat d'apprentissage ne peut s'effectuer durant trois ans.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur . - En s'inspirant du DIMA, serait-il possible de concevoir un cursus comportant une première année de formation scolaire et deux ans d'apprentissage ?

M. Gilbert Rebeyrolle . - Parmi les possibilités d'expérimentation, il s'agit sans doute de la solution la plus intéressante. Ce cursus doit correspondre à un véritable parcours professionnel.

M. Bernard Falck . - Pour notre part, nous proposons de travailler précocement, dès le collège, sur l'orientation des élèves, en intégrant fortement l'apprentissage dans ce processus. Un nombre significatif de jeunes accèdent à l'enseignement supérieur alors qu'il n'est pas certain que leur formation sera couronnée de succès. La problématique de l'orientation s'avère donc fondamentale.

Par ailleurs, il conviendrait de réfléchir à la mise en place d'une classe de seconde constituant une année de préapprentissage. Celle-ci devrait s'inscrire dans un cursus marqué par une véritable continuité : l'articulation entre les CFA de l'éducation nationale et les CFA professionnels doit être efficiente. Par ailleurs, la classe de seconde professionnelle ne doit pas exclure, pour le jeune qui s'y engage, la possibilité d'une réintégration ultérieure dans la voie générale, par le biais de passerelles. Enfin, la progression des élèves, durant ce cursus de trois ans, doit être solidement évaluée par les équipes pédagogiques.

S'agissant du contrat en alternance, vous connaissez la position du MEDEF. La question prioritaire ne porte pas sur son financement mais sur ses finalités. Le contrat d'apprentissage, qui mène à un diplôme, concerne essentiellement les métiers de l'artisanat et les métiers de la petite industrie alors que le contrat de professionnalisation correspond plutôt à un niveau de certification supérieur. Nous sommes donc favorables à des contrats distincts et, pour accroître leur complémentarité, l'apprentissage sous statut scolaire doit être intégré à notre réflexion.

Enfin, le MEDEF a suivi avec attention la mise en place du Plan régional de développement des formations (PRDF). Au niveau régional, les organisations économiques et les partenaires sociaux y ont participé, selon des modalités variées. L'ensemble des parties prenantes sont associées à son orientation. Cependant, ce principe vertueux doit se traduire par l'élaboration de conventions d'objectifs et de moyens entre l'État, les régions, les chambres consulaires et les branches professionnelles. Les déclarations d'intention ne constituent qu'un accord-cadre, en amont de la déclinaison opérationnelle que nous souhaitons.

Mme Maryvonne Blondin . - M. Claude Thélot vient de souligner la nécessité d'associer les parents d'élèves à cette réflexion. Vous souhaitez que celle-ci s'effectue très en amont, dans le cursus d'orientation des élèves. Doit-elle débuter dès la sixième ou la cinquième ?

Par ailleurs, l'apprentissage est souvent perçu de façon négative, voire péjorative, par les parents d'élèves. Certes, l'instauration d'un baccalauréat professionnel peut contribuer à faire évoluer les mentalités. Cependant, comment conférer à l'apprentissage une image plus attrayante ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Pour ma part, je tiens à exprimer un questionnement et une inquiétude. Évidemment, l'insertion professionnelle constitue l'un des buts de l'école. Chacun d'entre vous a souligné l'importance des partenariats locaux, au niveau des territoires. Les PME, qui constituent l'un des principaux employeurs en France, ont besoin de recruter des candidats compétents, au niveau local. Cependant, certains départements, notamment dans les zones rurales, sont particulièrement défavorisés.

Si le lien entre l'institution scolaire et le bassin d'emploi se renforce, comment se dessinera l'avenir de la carte scolaire ? Comment un élève aura-t-il la possibilité d'accéder au plus haut niveau de diplôme qu'il envisage ? Rappelons que l'un des objectifs de l'éducation nationale consiste à transmettre aux élèves une culture commune et à les mener au plus haut niveau de connaissances. Cette évolution peut mener à trahir un tel objectif.

M. André Marcon . - Je reviens tout d'abord sur le Plan régional de développement des formations (PRDF). Au niveau régional, celui-ci ne me semble pas conçu comme un véritable partenariat par les parties prenantes.

Par ailleurs, comment améliorer l'image de l'apprentissage ? De mon point de vue, le niveau 5 ne peut pas suffire. Pour donner de la valeur à l'apprentissage, il convient de mettre en place deux niveaux de formation.

Quant au maintien des objectifs de l'éducation nationale, l'ambition du baccalauréat professionnel inclut l'acquisition d'une culture commune.

Enfin, lorsqu'un apprenti est motivé par une filière, l'aspect local du recrutement ne pose pas de problème. Lorsqu'il a atteint le niveau de l'employabilité, il peut jouer le jeu de la mobilité. L'objectif essentiel, pour un jeune, est d'abord de choisir le métier qui lui convient.

M. Francis Petel . - Le contrat de professionnalisation et le contrat d'apprentissage s'avèrent complémentaires. Il n'est donc pas question d'une guerre des financements. Notre confédération soutient ces deux voies. Néanmoins, le contrat d'apprentissage offre la possibilité d'enchaîner les contrats. De son côté, le contrat de professionnalisation offre un accès réel et plus souple à l'emploi. En effet, il ouvre à deux vocations différentes : soit l'acquisition d'une certification, soit l'accès à une qualification professionnelle. La fusion de ces deux systèmes serait sans doute dommageable.

Enfin, notre confédération suit attentivement l'élaboration du Plan régional de développement des formations. Pour ma part, je préside, dans ma région, une commission relative à l'enseignement supérieur et au PRDF. La signature de conventions en amont ne constitue pas une priorité. Nous sommes beaucoup plus intéressés par la conclusion d'une convention de mise en oeuvre, en aval. Cette synergie permet de susciter une dynamique d'ensemble.

M. Bernard Falck . - La loi ne prévoit pas que le Contrat de plan régional pour le développement des formations (CPRDF) soit signé par d'autres acteurs que l'État et le conseil régional, même s'il peut être proposé à des interlocuteurs tierces d'apposer leur signature. Bien sûr, le travail d'élaboration et d'évaluation ne peut être entravé en aucun cas.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur . - Cependant, pour entrer réellement dans le cadre de compétences partagées, le monde de l'éducation et le secteur professionnel doivent s'engager conjointement.

M. Gilbert Rebeyrolle . - Dans les territoires, nos ressortissants territoriaux sont encouragés à se montrer actifs, aussi bien dans le cadre de la consultation qu'au niveau du conventionnement, en aval.

M. Bernard Falck . - Partout, nous avons participé à l'élaboration de nouveaux contrats PRDF, qui relèvent à la fois de la loi et de l'expérimentation. Parfois, la situation s'est avérée satisfaisante. Dans d'autres cas, nous avons rencontré quelques difficultés. Au vu des résultats, nous aviserons ponctuellement sur la façon dont le MEDEF entend s'y associer.

Si nous constatons que la concertation a été menée de façon satisfaisante, nous laisserons le MEDEF régional prendre la décision d'accompagner le contrat PRDF sous une forme déterminée. En revanche, si nous constatons que les objectifs proposés par les entreprises n'ont pas été pris en compte, notre position sera différente, vous le comprendrez. Nous souhaitons éviter tout dogmatisme. Certes, la loi prévoit un certain nombre de signataires mais elle n'exclut pas la possibilité, pour d'autres partenaires, de s'intéresser aux contrats PRDF.

S'agissant de l'image qui s'attache couramment à l'apprentissage, les jeunes et leurs familles appréhendent bien, dans un contexte économique particulièrement difficile, la valeur de cette voie qui mène à un diplôme professionnel, y compris à l'échelon des premiers niveaux de formation. Les enquêtes montrent d'ailleurs que l'apprentissage est perçu comme la voie royale vers l'insertion professionnelle.

Aujourd'hui, la véritable problématique concerne plutôt l'ensemble du processus d'orientation. C'est dans ce domaine, me semble-t-il, que des actions d`information doivent être menées. La réflexion doit embrasser un champ très large.

Enfin, vous avez évoqué la difficulté, pour les jeunes, de s'adapter à des bassins d'emploi correspondant à une mono-activité ou à des secteurs très restreints de l'économie. Bien évidemment, la réflexion sur la carte de formation doit être vaste. Elle doit permettre aux jeunes d'aller aussi loin qu'ils le souhaitent ou qu'ils le peuvent, en disposant d'une information très claire sur les possibilités d'insertion professionnelle. Nous sommes donc défavorables à une « adéquation forcée » aux bassins d'emploi. Dans des territoires comme les régions rurales, la réflexion doit porter sur les dispositions favorisant une mobilité plus importante.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Vous souhaitez que le contrat d'apprentissage permette l'accès au diplôme dans le cadre d'expérimentations variées. Je souhaiterais mieux comprendre votre position. Préconisez-vous, pour un jeune, la possibilité d'accéder à plusieurs entreprises appartenant à la même catégorie professionnelle ? Êtes-vous plutôt favorable, au cas où un jeune ne se plairait pas dans une branche, à sa reconversion dans une autre catégorie professionnelle ?

M. Francis Petel . - Dans le contexte d'un cursus d'apprentissage en trois ans, menant au baccalauréat professionnel, les responsables de certaines branches ont proposé qu'un jeune soit accompagné par plusieurs entreprises. Bien entendu, l'objectif consiste à préparer l'élève à un seul métier, grâce à un diplôme déterminé.

M. Bernard Falck . - De fait, certaines activités évoluent dans un contexte particulièrement sensible. Prenons l'exemple du secteur hospitalier. Développer l'apprentissage pour les infirmières nécessite de définir une formule adaptée. Autre exemple, la proposition de loi relative à l'alternance évoque les activités saisonnières. D'autres réflexions pourraient être menées. Cependant, il convient de rester attentif à la notion de référent, selon les niveaux et les métiers. A défaut d'interlocuteur clairement défini, le jeune court un risque de dispersion dans son processus de formation.

M. Gilbert Rebeyrolle . - S'agissant de l'image de l'apprentissage, je souhaite vous faire part d'une expérience. Voici quelques années, grâce à l'appui d'un inspecteur d'académie, des chefs d'entreprise locaux se sont rendus dans des classes de cinquième et de quatrième. Ils ont évoqué le contenu de leur métier et le cursus de professionnalisation permettant d'y accéder. Par la suite, des rencontres ont été proposées aux parents d'élèves. Cette démarche relève des responsabilités et de l'honneur des chefs d'entreprise.

M. Claude Thélot . - Pour ma part, je ne crois pas que notre système éducatif doive parier sur le niveau 4. Depuis une dizaine d'années, environ 70 % des jeunes d'une génération accèdent au baccalauréat. Je considère qu'il s'agit là d'un bon équilibre quitte, par la suite, à proposer aux jeunes la possibilité d'une formation différée. En formation initiale, il faut absolument conférer toute son importance au niveau 5. Si la réforme du baccalauréat professionnel devait avoir pour conséquence néfaste de discréditer ce niveau, il faudrait tout de suite rectifier le tir.

Par ailleurs, dès le début du collège, il convient d'accorder sa place à l'orientation de l'ensemble des élèves. Cette question n'est ni réservée aux classes de quatrième et troisième, ni aux mauvais élèves. Nous avons pensé, un temps, que les conseillers d'orientation possédaient une bonne appréhension des milieux professionnels. Or nous nous sommes trompés. Il revient aux professionnels d'apporter ces connaissances aux élèves. D'ailleurs, pour éviter un discours univoque sur telle filière ou tel métier, il faudrait inciter des professionnels plus nombreux à rencontrer les jeunes.

Au-delà, il me semble que la problématique de l'orientation est fortement corrélée à la mission des enseignants. Ceux-ci possèdent un grand prestige, au collège et au lycée. Ils sont à même de conseiller les jeunes et leur mission doit évoluer. J'insiste sur cette vulgate, sans cesse répétée depuis dix ans, et qui devrait maintenant être appliquée.

Soyons attentifs à ne pas nous enfermer de manière excessive dans le cadre localisé d'un bassin d'emploi et de formation. Au contraire, il faut aider concrètement les jeunes à ouvrir leur horizon, à se déplacer. Une politique de la mobilité doit se mettre en place. Elle pourra contribuer à une certaine revalorisation de la voie professionnelle.

Par ailleurs, il convient qu'un certain cadre soit donné au partenariat local. Certains inspecteurs d'académie manquent d'allant lorsqu'il s'agit de promouvoir l'alternance en concertation avec les employeurs. De même, l'autonomie des établissements ne prend son sens qu'à condition d'être placée dans un cadre. Cet encadrement fournit un gage d'efficacité. Favoriser le partenariat local relève d'une politique nationale : l'addition de politiques locales ne peut s'y substituer.

La question des partenariats locaux renvoie à la problématique relative au rôle de l'État. Celui-ci doit être considéré comme un outil de connaissance et d'évaluation, et comme un outil de lutte contre les disparités territoriales.

A l'instar des représentants des employeurs, je suis favorable à l'instauration de plusieurs types de contrats d'alternance. En effet, la diversité relative des situations correspond à une certaine diversité de réponses. De mon point de vue, la création d'une quatrième modalité d'alternance, relative au secteur public, pourrait permettre à l'employeur public de s'impliquer davantage. Celle-ci reste à créer ex nihilo.

Enfin, dans le rapport que nous avions conçu ensemble, cher Jean-Claude Carle, nous avions effectué d'importantes avancées. Celles-ci concernaient notamment la revalorisation de la filière professionnelle et l'évolution des missions de l'enseignant. Or, ces propositions tardent à se concrétiser. Il est souhaitable que les missions parlementaires se traduisent, de manière plus efficace, par des politiques au service de la jeunesse. L'analyse, l'information et l'évaluation ne font pas réellement défaut. Ce qui fait encore défaut, c'est la capacité à en tirer des conséquences.

M. Serge Lagauche, président . - Les professionnels issus des entreprises sont souvent mal accueillis dans l'institution scolaire, y compris dans le cadre de l'apprentissage. Les contacts avec les enseignants restent insuffisants. Ce problème se pose constamment.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur . - Dans le cadre de la formation des enseignants, ne pourrait-on pas concevoir à leur intention un passage obligé dans le monde des employeurs, fût-il public ou privé ?

M. Francis Petel . - Les enseignants manifestent sans doute une focalisation trop importante sur les connaissances, plutôt que sur la mise en oeuvre de ces connaissances. Ce problème, probablement lié à leur propre système de formation, ne peut pas se résoudre facilement.

Dans le cadre de la filière professionnelle, des stages en entreprise pourraient être proposés aux enseignants afin qu'ils découvrent plus amplement la réalité du terrain. Voici une dizaine d'années, j'ai participé, au sein de mon organisation professionnelle, à des actions visant à promouvoir l'accueil des enseignants au sein des entreprises. 90 % des professeurs qui ont accepté de jouer le jeu avaient débuté leur carrière dans une entreprise. En revanche, les enseignants « pure souche » n'ont pas participé à l'opération.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur . - Aujourd'hui, l'autonomie des universités devient plus importante. Le monde extérieur y est plus présent. Il ne me paraît pas utopique de favoriser les partenariats avec le monde professionnel afin que les enseignants développent une connaissance plus approfondie du monde économique. Cette piste me semble intéressante. Des initiatives peuvent germer au sein de l'université, puisque celle-ci forme les futurs maîtres.

M. Serge Lagauche, président . - Je vous remercie pour les informations intéressantes que vous avez fournies. Elles nous permettrons d'enrichir nos débats, dans la perspective du rapport qui sera déposé à la fin du mois de juin.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page