2. ... atténuées après retraitements statistiques

Cette présentation traditionnelle est en partie simplificatrice et trompeuse. Elle procède comme si les importations devaient être entièrement défalquées des exportations pour capter une contrepartie « commerce extérieur » vue comme un déterminant autonome de la croissance.

En réalité, les importations correspondent à la somme des importations nécessitées par la satisfaction de chacun des éléments de la demande : les consommateurs, l'investissement et les exportations.

La contribution précise de chacun de ces éléments à la croissance suppose d'attribuer à chacun les importations qui lui correspondent. Ce n'est que moyennant cette correction qu'on peut estimer les effets de chacun d'entre eux à la croissance.

Quand on effectue cette correction, les contributions à la croissance des composantes de la demande intérieure sont revues à la baisse. Parallèlement, celles des exportations - qui peuvent alors être identifiées pour ce qu'elles sont vraiment - sont réestimées.

Malgré des difficultés statistiques très grandes, des opérations de cette sorte ont été réalisées en France.

Une étude de la DGTPE du ministère de l'économie et des finances 4 ( * ) propose une réestimation des contributions des différents moteurs de la croissance économique en France de 1999 à 2005, une fois imputée à chacun d'eux la part des importations qui lui revient.

Le panorama des différentes contributions à la croissance diffère fortement selon que cette imputation n'est pas effectuée (le terme « sans » dans le tableau ci-dessus) ou l'est (le terme « avec »).

La contribution des exportations nettes, presque continument négative quand on leur impute la totalité des importations, comme y procèdent les statistiques usuelles, devient généralement positive (à l'exception de 2003) lorsque les importations sont ventilées en fonction de leur destination effective.

L'écart peut être considérable.

Ainsi, en 2004, année de très forte expansion du commerce international dans le monde, l'appareil exportateur français apparaît comme incapable de convertir cette croissance mondiale en croissance pour la France selon les statistiques habituelles. La contribution du commerce extérieur à la croissance que celles-ci identifiait, est négative (- 0,6 point de PIB). Au contraire, quand on ne défalque des exportations que les importations utilisées pour les assurer, la contribution devient positive (+ 0,3 point de PIB).

Il n'existe malheureusement pas d'étude de cette sorte pour l'Allemagne. Mais, en lien avec l'interprétation de Sinn, voyant dans les évolutions économiques allemandes, l'instauration d'une « économie de bazar », des évolutions ont été proposées pour corriger les données apparentes résultant des statistiques conventionnelles du commerce extérieur et ne prendre en considération que la valeur ajoutée correspondant aux flux d'exportation.

« L'ÉCONOMIE DE BAZAR » 5 ( * )

L'amélioration de la compétitivité coût et la forte croissance des exportations de l'Allemagne s'expliqueraient en partie par l'internationalisation de son système productif. Plus précisément, selon la thèse de « l'économie de bazar » développée par Sinn (2006), c'est le recours croissant à l'externalisation à l'étranger qui en serait à l'origine.

Cette stratégie se traduirait par une spécialisation accrue de l'industrie allemande dans des activités en aval, intensives en capital physique et à fort contenu en capital humain , se situant en bouts de chaîne du processus productif (assemblage, finition, packaging , commercialisation et bureaux d'études).

En revanche, les premières activités du cycle de production localisées en amont, plus intensives en travail non qualifié, seraient sous-traitées dans les pays à bas salaires (les pays d'Europe centrale et orientale dans le secteur de l'automobile, en Asie pour les composants informatiques). Elles seraient ensuite réimportées sous forme de consommations intermédiaires.

Il en résulterait une baisse de la valeur ajoutée dans la production et un accroissement du contenu en importations des exportations, mais aussi une amélioration des marges des entreprises allemandes .

L'exemple de la Porsche Cayenne fournit une illustration de ce phénomène : alors que cette voiture est estampillée « Made in Germany », de nombreuses pièces détachées sont fabriquées dans les pays de l'Est, de sorte qu'un tiers de la valeur du véhicule seulement est effectivement réalisée en Allemagne.

Les résultats apportés par cette méthode de construction du commerce extérieur, non plus en valeur d'échange mais en valeur ajoutée, modifient sensiblement l'image des écarts entre la France et l'Allemagne. La capacité d'entraînement des exportations allemandes 6 ( * ) sur la croissance du pays est considérablement réduite.

C'est le sens de la comparaison entre les taux d'ouverture apparent et réel figurant dans le tableau ci-dessus.

La sensibilité du PIB allemand aux exportations qui s'élève à 35 % du PIB quand on ne considère que la valeur d'échange des exportations chute à 25 % du PIB quand est prise en compte l'importance du commerce vertical pratiqué par le pays. Pour la France, les importations de biens intermédiaires incorporées aux exportations réduisent également l'effet d'entraînement potentiel des exportations. Mais, étant donné que les importations de cette nature y sont moins développées qu'en Allemagne, cet effet est plus faible qu'outre-Rhin.

Au total, sans égaliser les contributions du commerce extérieur à la croissance, la prise en considération des intrants importés nécessaires aux exportations des pays débouche sur une moindre dispersion du poids de la contribution potentielle du commerce extérieur à la croissance économique dans les différents pays considérés dans l'étude.

Les conclusions qu'on peut tirer de ces travaux ne viennent pas contredire le constat que la croissance économique allemande est tirée par l'extérieur beaucoup plus que par une demande domestique atone quand la configuration offerte par la France est inverse.

Elles viennent nuancer l'image des potentiels de croissance attribuables aux différents comportements de la demande.

Pour résumer, la demande intérieure est en France moins favorable à l'essor de la production et les exportations françaises sont plus porteuses qu'on ne l'estime traditionnellement. Inversement, le contenu en valeur ajoutée des exportations allemandes est moins élevé que dans les présentations traditionnelles.


* 4 Voir Trésor-Éco n° 6 - Décembre 2006.

* 5 Extrait du rapport 2009 de l'OCDE sur la France.

* 6 L'étude ne permet pas de disposer immédiatement d'une estimation de la contribution des exportations à la valeur ajoutée. Mais elle aboutit à une estimation de l'assiette de croissance qui représente réellement les exportations.

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