2. Un phénomène de plus en plus motivé par l'exploitation des avantages de coûts de production présentés par les pays tiers

On présente parfois le niveau élevé des importations allemandes comme la manifestation d'une contribution de l'Allemagne à la croissance des pays d'où elles sont issues. Il faut évidemment corriger cette approche de la considération des exportations allemandes afin d'apprécier à partir de l'indicateur pertinent qui est le niveau des exportations nettes le sens des effets exercés par l'Allemagne sur ses partenaires. Cette correction est d'autant plus nécessaire que les importations du pays sont de plus en plus destinées à élever le niveau de compétitivité des exportateurs allemands.

L'origine géographique des biens intermédiaires importés a évolué dans un sens conforme à la théorie économique de la division internationale du travail.

Dans les importations de biens intermédiaires, la part de celles en provenance des pays du Sud 38 ( * ) a beaucoup augmenté entre 1994 et 2007.

Mais l'augmentation a été sensiblement plus importante pour l'Allemagne (+ 12 points) que pour la France (+ 8 points).

Si l'Italie est le premier pays pour la part relative de ses importations intermédiaires en provenance du Sud, l'Allemagne est le deuxième et, compte tenu de l'ampleur de ses importations, le premier lieu de débouché des exportations des pays considérés.

En 2007, les importations allemandes de biens intermédiaires venant des pays à bas salaires s'élevaient à 90 milliards d'euros, soit près de quatre fois plus que pour la France. La divergence entre les deux pays a été très nette : en 1994, ils importaient autant l'un que l'autre (autour de 10 milliards d'euros) de biens intermédiaires en provenance du Sud.

Une conclusion s'impose : la production allemande incorpore de plus en plus de biens fabriqués à l'extérieur du pays, particulièrement dans les pays à bas salaires .

La part des consommations intermédiaires de l'appareil productif allemand venant des pays à bas coûts salariaux est passée de 4 à 16 % entre 1991 et 2006 ; elle n'atteint que 8 % en France.

Source : Bulletin de la Banque de France n° 173 Mai-Juin 2008
Eurostat-Comext, calculs de l'auteur

Source : Bulletin de la Banque de France n° 173 Mai-Juin 2008
Eurostat-Comext, calculs de l'auteur

Cette caractéristique offre à l'Allemagne un avantage de compétitivité qui doit être en outre apprécié en lien avec les évolutions de change. L'appréciation de l'euro rend moins onéreuses ces importations. L'Allemagne semble ainsi importer plus de désinflation que la France.

Cette sensibilité inégale peut compenser une partie des effets d'une appréciation de la devise européenne sur la compétitivité des producteurs allemands. Ceux-ci regagnent davantage que les producteurs français en compétitivité-coût ce qu'ils peuvent perdre en compétitivité-prix.

Les différences de structure concernant l'origine géographique des importations de biens intermédiaires valent d'être précisées.

Source : Bulletin de la Banque de France n° 173 Mai-Juin 2008
Eurostatat-Comext, calculs de l'auteur

Par rapport à la France, les PECO apparaissent comme des fournisseurs privilégiés de l'Allemagne .

Dans la mesure où les salaires sont dans ces pays supérieurs à ce qu'ils sont dans les autres pays du Sud, on pourrait considérer que les gains de compétitivité-coût que l'Allemagne tire de la très forte intégration des pays à bas salaires à son appareil productif sont atténués par rapport aux avantages que produiraient des pays où les coûts salariaux sont inférieurs.

En outre, l'hypothèse d'un rattrapage économique des PECO avec l'inévitable rapprochement des coûts salariaux qui s'ensuivra peut représenter une hypothèque pour la stratégie d'externalisation des firmes allemandes.

Celle-ci sera du reste partiellement dépendante des évolutions des parités monétaires entre l'euro et les devises des pays concernés. Toute dépréciation de l'euro 39 ( * ) réduirait un peu plus les avantages tirés par l'Allemagne de la division du travail pratiquée par ses firmes.

Cependant d'autres considérations jouent et, à l'inverse, les PECO offrent au moins trois avantages :

- les biens qu'ils fournissent peuvent incorporer plus de R&D que les biens que peuvent produire d'autres pays à salaires plus faibles ; une étude montre d'ailleurs que les importations de biens intermédiaires allemandes notamment en provenance des PECO incorporent un niveau élevé de R&D ;

- les progrès de productivité qu'ils réalisent sont relativement élevés, ce qui favorise a priori une certaine sagesse des prix des biens qu'ils vendent ;

- leur proximité géographique peut offrir la perspective d'atténuer les tensions de prix que pourraient connaître les transports pour différentes raisons parmi lesquelles la hausse prévisible des coûts de l'énergie.


* 38 Les « pays du Sud » désignent ici les pays d'Europe centrale et orientale, l'Asie émergente et les autres pays en développement.

* 39 Mais, si le taux de change réel des pays en cause pourrait s'apprécier, la probabilité de cette dernière perspective n'apparaît pas très forte.

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