3. Economie présentielle et développement local

La théorie de la base économique a été précédée par la nouvelle économie géographique ( NEG ), engagée par Paul Krugman 40 ( * ) au début des années quatre-vingt-dix. Ce modèle prédit un déséquilibre croissant au profit des métropoles les plus riches, le développement y attirant le développement en raison d'une densification locale de la main d'oeuvre, des clients et des fournisseurs, ainsi que de l'émergence d'infrastructures performantes.

Des « avantages cumulatifs » se concentrent alors dans les métropoles (de même que, selon l'économiste David Ricardo, différents « avantages comparatifs » caractérisaient les nations dans leurs échanges extérieurs). La valorisation des pôles de compétitivité, des « grappes d'entreprises », « clusters » et autres systèmes productifs locaux s'inscrit dans ce paradigme, où le principal indicateur du succès des politiques locales est la richesse produite.

La théorie de la base économique est alors venue rappeler que le développement local, à la fois marque et résultat d'un certain « bien-être » éprouvé par la population locale, n'est pas garanti par la seule croissance de la production.

Certes, celle-ci doit être recherchée, sans doute au prix d'une certaine concentration spatiale de l'appareil productif, afin de permettre la formation d'avantages cumulatifs qui confortent sa performance à l'échelle internationale et, partant, la richesse du pays.

Mais le développement local, celui qui est vécu par la population, repose bien sur le secteur domestique (désormais, on parle plutôt ici d'« économie résidentielle », ou encore d'« économie présentielle », cette désignation ayant dorénavant la préférence de l'INSEE, qu'elle définit comme regroupant « les activités mises en oeuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu'elles soient résidentes ou touristes »).

Après la production, la répartition du revenu constitue donc un second levier susceptible d'être actionné pour tendre à un développement équilibré du territoire .

Sans qu'il s'agisse d'une politique identifiée en tant que telle au niveau national , ce levier est largement actionné en France, si l'on en juge par l'importance des bases publiques et sociales .

Comme nous le verrons, au niveau local , ce levier est désormais, non seulement bien identifié (notamment à la suite des travaux précités de Laurent Davezies), mais encore, volontiers actionné afin de favoriser délibérément une base résidentielle dont le gonflement constitue, bien souvent, le premier pilier (secteur basique) d'une stratégie locale de développement. Le second pilier (secteur domestique) de cette stratégie consiste alors à stimuler l'offre locale - commerces, services à la personne, culture etc. - pour augmenter la propension à consommer sur place.


* 40 Geography and trade, 1991.

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