ATELIER DE PROSPECTIVE

QUEL AVENIR POUR NOS CAMPAGNES ?

A. OUVERTURE

M. Joël Bourdin , président . - Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre présence à cet échange sur les territoires ruraux. J'adresse également mes remerciements à Edith Heurgon pour avoir accepté d'animer nos débats, et à nos intervenants extérieurs, spécialistes de la question, qui vont nous apporter leur éclairage.

J'aimerais vous dire quelques mots sur la délégation à la prospective qui a été créée par le Sénat voici trois ans. Elle a pour but de réfléchir à des enjeux de long terme. Sa vocation est de représenter les collectivités territoriales.

La délégation a désigné deux collègues pour travailler sur le sujet de l'atelier d'aujourd'hui : Renée Nicoux, sénatrice de la Creuse, qui connaît très bien les territoires ruraux, tout comme Gérard Bailly, sénateur du Jura. Ils sont les plus à même de nous guider dans notre réflexion.

Renée Nicoux prendra la parole, Gérard Bailly ajoutera quelques mots puis je laisserai le soin à Edith Heurgon de mener la séance.

B. INTRODUCTION

Mme Renée Nicoux , rapporteure . - Le Sénat est une assemblée particulièrement sensible à la question rurale. C'est pourquoi cette mission, dont Gérard Bailly et moi-même avons été saisis, nous honore et nous oblige. Les difficultés que nous rencontrons en tant qu'élus de communes rurales se retrouvent à tout niveau. Nous l'avons constaté lors de nos déplacements et de nos auditions. L'intensité de ces difficultés varie bien entendu d'un territoire à l'autre.

Notre démarche n'est pas seulement prospective mais surtout politique. Pourtant, notre travail n'est pas partisan. En effet, quelle que soit notre orientation politique, nous avons les mêmes préoccupations face à cette question, pour le présent et pour l'avenir. La délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) et l'institut national de la recherche agronomique (INRA) ont mené de très bons travaux de scénarisation, que leurs coordinateurs ici présents auront peut-être l'occasion de nous présenter cet après-midi. Je les remercie pour leur talent et leur disponibilité.

Nous avons identifié, sur la base de nombreuses auditions et de notre propre expérience, des tendances lourdes, de nombreux facteurs de risque et quelques opportunités. C'est ainsi que nous construisons nos propres scénarios qui feront l'objet d'une présentation dans le rapport. Nous souhaitons renforcer ces tendances dès lors qu'elles sont favorables, écarter les facteurs de risque, potentialiser les opportunités existantes et en créer de nouvelles. Nous refusons de laisser toute licence aux forces centrifuges qui produisent plus d'inégalités entre villes et campagnes, et entre les différents territoires ruraux eux-mêmes. Cela nous conduit à cette première interrogation : par quel cheminement et suivant quel équilibre, la métropolisation, tendance lourde, peut-elle s'accompagner d'un développement harmonieux de tous les territoires ruraux et des villes intermédiaires dont ils dépendent ?

M. Gérard Bailly, rapporteur . - Je remercie Renée Nicoux pour ces propos. J'aimerais remercier l'ensemble des participants à ces échanges. J'atteste personnellement que travailler au développement rural n'est pas une sinécure. Je suis président d'une communauté de communes de trente communes comptant seulement 6 200 habitants. De nombreux obstacles d'ordres financier, administratif et logistique doivent être surmontés. Que de résistances à infléchir, qui ne sont parfois que des conflits d'usage. Que de handicaps à compenser en raison de l'éloignement des services, des écoles, des soins et des réseaux, qu'ils soient physiques ou électroniques. Nous proposons le scénario du développement du territoire et non celui du laisser-faire. Nous souhaitons que la population soit présente sur l'ensemble du territoire de notre pays. Nous voulons que toutes les campagnes, à leur rythme, réalisent leur potentiel de développement, en misant sur leurs atouts respectifs, y compris énergétiques. Nous connaissons les conditions de ce développement ; ainsi, de très nombreux leviers devraient être actionnés de manière simultanée.

A la suite des auditions que nous avons menées, quatre facteurs nous ont paru nécessaires :


• Une gouvernance plus efficace, grâce à une pratique accrue de l'inter-territorialité, en particulier pour la maîtrise foncière nécessaire à la coexistence harmonieuse de l'habitat, des activités agricoles et de toute autre activité économique. En parallèle, il est nécessaire de préserver l'environnement et le potentiel touristique qui est essentiel pour ces territoires. Cette gouvernance serait plus efficace si elle s'inscrivait à divers échelons, dans des logiques de projets fédérateurs pour les habitants, qu'ils soient agriculteurs, ouvriers, employés ou cadres.


• Un accès préservé ou amélioré aux services publics, auxquels le Sénat - et en particulier notre délégation - prête une attention toute particulière, mais aussi une vraie complémentarité entre les bourgs et les campagnes.


• Des réseaux physiques de communication à la hauteur des exigences d'une économie moderne, en particulier des réseaux de désenclavement qui sont capitaux, hier comme aujourd'hui et peut-être encore davantage demain.


• Un accès généralisé au haut débit, puis au très haut débit.

Nous pensons que lorsque ces quatre facteurs seront réunis, les particuliers et les entreprises pourront envisager de rester ou venir s'installer sur ces territoires. Les citadins pourront également venir s'y ressourcer. Les politiques ciblées profiteront alors pleinement du développement économique, social et culturel de ces territoires.

Cette analyse reste-t-elle valable dans la durée ? Nous pouvons y réfléchir ensemble.

Je terminerai en posant une question : le très haut débit va-t-il devenir, à terme, une sorte de panacée pour les problèmes d'accès aux services, à la médecine, à l'éducation et à la culture dans ces campagnes ? Le haut débit sera-t-il pour nos campagnes le premier levier de leur développement ? Il me semble que c'est une vraie question car il est courant d'entendre des interrogations sur la nécessité d'alimenter en haut débit nos campagnes. A mon sens, la réponse est oui. Cela fera l'objet de nos discussions cet après-midi.

M. Joël Bourdin , président . - Nos deux rapporteurs ont évoqué à l'instant les principaux problèmes à aborder. J'ajouterai qu'avec la crise, nous pouvons nous interroger sur la capacité de nos territoires ruraux à résister autant que les territoires urbains. Existe-t-il dans ce domaine une fragilité particulière inhérente à ces territoires ruraux ? Les difficultés se situent souvent dans ces territoires, ce qui justifie que nous nous penchions sur cette question aujourd'hui. Je donne la parole à Edith Heurgon, notre animatrice.

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