DEUXIÈME PARTIE : L'APPLICATION DES LOIS PAR SECTEUR DE COMPÉTENCES

I. AGRICULTURE, CHASSE ET PÊCHE

• Loi n° 2014-567 du 2 juin 2014 relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié

Cette loi est directement applicable. Elle interdit la mise en culture de maïs génétiquement modifié sur le sol national, et confie aux agents des services de l'agriculture et de l'alimentation le soin de rechercher les infractions. Elle autorise également la destruction des cultures concernées.

• Loi n° 2013-1229 du 27 décembre 2013 relative aux missions de l'Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime

Cette loi est d'applicabilité directe, puisqu'aucune mesure d'application n'est nécessaire :

- L'article 1 er permet à FranceAgrimer de poursuivre le pilotage de la politique d'aide alimentaire.

- L'article 2 a permis de sécuriser juridiquement le marché de conception-réalisation pour le Pavillon français de l'Exposition universelle de Milan 2015.

• Loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d'obtention végétale

Votée en 2011, la loi relative aux certificats d'obtention végétale (COV) visait à harmoniser le droit national avec le droit européen en matière de propriété intellectuelle sur les semences, et à donner un cadre juridique à la pratique des semences de ferme. Ses dispositions essentielles sont presque toutes applicables.

L'article 1 er , d'application directe, prévoyait la création d'une instance nationale des obtentions végétales (INOV), sous forme de groupement d'intérêt public regroupant l'État et l'Institut national de la recherche agronomique. Le décret n° 2014-731 du 27 juin 2014 relatif à l'instance nationale des obtentions végétales est venu modifier la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle pour tirer les conséquences de la loi.

Un autre texte réglementaire, le décret n° 2015-164 du 12 février 2015 instituant la commission paritaire de conciliation spécifique au domaine des obtentions végétales, est également intervenu pour calquer la composition et le fonctionnement de la commission paritaire sur celle existant en matière de brevets, le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle étant remplacé par le responsable de l'instance nationale des obtentions végétales. La commission de conciliation est chargée de statuer sur les différends entre salariés et employeurs lorsque l'obtention a été découverte par le salarié, notamment dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ou dans le domaine des activités de l'entreprise.

Les textes règlementaires en vigueur sont encore valables pour permettre l'application des articles L. 661-8 et suivants du code rural et de la pêche maritime, qui avaient été modifiés par l'article 2 de la loi. L'article L. 661-9 prévoit un décret pour dispenser l'activité de multiplication de semences pour le compte de tiers (trieurs à façon) de l'obligation de déclaration à l'autorité administrative, mais ce décret n'est pas intervenu, si bien que cette activité reste soumise au droit commun de la déclaration.

L'article L. 623-24-1 du code rural et de la pêche maritime avait été modifié par l'article 16 de la loi ainsi que par la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon. Il permet qu'un décret en Conseil d'État étende la liste des espèces pour lesquelles la pratique des semences de ferme est autorisée, au-delà des 21 espèces pour lesquelles il existe un cadre juridique communautaire. Ce décret est intervenu en août 2014 : le décret n° 2014-869 du 1 er août 2014 permet la pratique des semences de ferme pour 13 nouvelles espèces (dont le trèfle et le lupin).

L'article L. 623-24-3 du même code, introduit par l'article 16 de la loi, prévoit qu'un décret en Conseil d'État doit fixer la rémunération de l'obtenteur , faute d'accord interprofessionnel définissant celle-ci pour l'utilisation par les agriculteurs de semences de ferme. Le Gouvernement n'a toujours pas pris ce décret et ne prévoit pas de le faire, ce qui n'offre pas de solution à l'obtenteur en cas de désaccord avec les utilisateurs de semences de ferme. Il s'agit de la seule disposition substantielle de la loi qui n'est pas pleinement applicable.

L'article 18 de la loi renvoyait au décret la définition des conditions d'enregistrement et de reconnaissance ainsi que la conservation des ressources phytogénétiques pour l'agriculture et l'alimentation et des ressources phytogénétiques patrimoniales. Ces décrets n'ont pas été pris, la résolution de la question de l'accès et de l'utilisation des ressources génétiques et connaissances traditionnelles trouvant sa place dans le dispositif prévu au titre IV du projet de loi relatif à la biodiversité, en cours de discussion parlementaire, sur la base des recommandations d'une mission du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) réalisée en 2013.

• Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche

Texte important de la précédente législature, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) a fait l'objet d'une attention particulière dans sa mise en oeuvre et est applicable à 85 %.

Le titre I er visant à définir et mettre en oeuvre une politique publique de l'alimentation a fait l'objet de nombreuses mesures d'application :

- Les décrets n° 2011-679 et n° 2012-63 ont défini un cadre réglementaire pour l'aide alimentaire, comme le prévoyait l'article 1 er de la loi.

- Le décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 a précisé les règles applicables en cantines scolaires pour garantir la qualité nutritionnelle des repas qui y sont servis. Il a été suivi par les décrets n° 2012-141, 2012-142, 2012-143, 2012-144 et 2012-145 applicables respectivement à la restauration universitaire, la restauration dans les établissements pénitentiaires, dans les établissements de santé, les établissements sociaux et médico-sociaux et enfin les établissements d'accueil d'enfants de moins de six ans. Il a fait l'objet de vives critiques dans le rapport Boulard-Lambert de mars 2013 sur l'inflation normative.

- Le décret n° 2012-80 du 23 janvier 2012 a pour sa part précisé les conditions dans lesquelles pourraient être conclus des accords collectifs portant sur l'amélioration de la qualité nutritionnelle de l'alimentation.

- Le décret n° 2012-115 du 27 janvier 2012 précise quelles informations les producteurs, transformateurs et distributeurs doivent transmettre à l'autorité administrative, afin de mieux suivre les évolutions de la consommation de produits alimentaires.

- Enfin, le décret n° 2011-731 du 24 juin 2011 a précisé les règles d'hygiène et les obligations de formation applicables dans certains établissements de restauration commerciale, comme le prévoyait l'article 8 de la loi.

Le titre II visant à renforcer la compétitivité de l'agriculture française est pleinement applicable :

- Les décrets concernant l'obligation de contractualisation entre producteurs et acheteurs sont intervenus dans deux secteurs, le secteur laitier (décret n° 2010-1753 du 30 décembre 2010, puis décret n° 2014-842 du 24 juillet 2014), où le contrat s'impose depuis le 1 er avril 2011, et le secteur des fruits et légumes (décret n° 2010-1754 du 30 décembre 2010), où le contrat s'impose depuis le 1 er mars 2011. Pour les fruits et légumes, le décret a été assoupli pour les ventes sur les carreaux de producteurs, où le contrat écrit n'est plus obligatoire (décret n° 2011-1108 du 15 septembre 2011 modifiant le décret n° 2010-1754 du 30 décembre 2010 pris pour l'application de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime dans le secteur des fruits et légumes). Les dispositions permettant d'instituer un médiateur des relations commerciales agricoles ont été prises également (décret n° 2011-553 du 5 avril 2011).

- Le contenu des accords de modération des marges de la distribution, prévus par l'article 15, a été précisé par le décret n° 2011-553 du 20 mai 2011.

- L'observatoire des prix et des marges, prévu à l'article 19, a été mis en place très vite, dans la mesure où il existait déjà sans statut juridique. Le décret n° 2010-1301 a précisé ses conditions de fonctionnement.

- Les nouvelles modalités de fonctionnement du fonds national de gestion des risques en agriculture ont été établies par le décret n° 2011-785, rendant pleinement applicable l'article 26 de la loi, et le décret n° 2011-2089 du 30 décembre 2011 est venu définir les modalités de fonctionnement des fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux en agriculture. En revanche, le rapport sur la réassurance publique éventuelle nécessaire en cas d'extension de l'assurance aléa climatique aux fourrages n'a jamais été rendu.

- Le décret permettant de simplifier les regroupements d'installations classées d'élevage, prévu à l'article 28, a été pris très vite après la promulgation de la loi (décret n° 2011-63 du 17 janvier 2011), après consultation des commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Le titre III concernant la compétitivité des exploitations agricoles est en grande partie applicable :

Dès mars 2011, un décret a été pris pour faciliter l'exercice d'une activité extérieure de membres des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC). Le décret sur les transmissions d'informations de la caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) a également été pris.

Finalement, seules quelques dispositions de ce titre III n'ont pas fait l'objet de mesures d'application prévues : les conditions d'exercice en France des vétérinaires des États non membres de l'Union européenne n'ont pas été précisées, et les possibilités pour les agriculteurs d'effectuer des prestations de salage et de déneigement pour le compte des collectivités locales n'ont pas été encadrées par voie réglementaire. Enfin, le rapport au Parlement sur les modes de financement alternatifs de la protection sociale agricole, prévu par l'article 38, n'a pas été rendu.

Les titres IV et V sont pleinement applicables, à l'exception de rares dispositions relatives à la forêt :

- Les plans régionaux de l'agriculture durable, prévus à l'article 50, ont pu commencer à être élaborés, dans la mesure où le décret n° 2011-531 du 16 mai 2011 en a précisé les contours et les conditions de préparation, d'adoption et d'évaluation. L'Observatoire de la consommation des espaces agricoles a également été constitué.

- La taxe sur la cession à titre onéreux de terrains agricoles rendus constructibles, créée à l'article 55 de la loi, s'applique désormais, le décret n° 2011-2066 du 30 décembre 2011 ayant donné sa pleine portée opérationnelle au dispositif.

- L'assimilation de la méthanisation à une activité agricole, prévue par l'article 59, est effective depuis le décret n° 2011-190 du 16 février 2011.

- La modification des modalités de calcul de l'indice des fermages était prévue à l'article 62 mais nécessitait l'intervention du pouvoir réglementaire. Le décret n° 2010-1126 est intervenu très rapidement, dès le 27 septembre 2010, pour préciser les modalités de calcul du nouvel indice national remplaçant les indices départementaux.

- Seul le rapport sur les biens de section, prévu à l'article 58, n'a pas été rendu.

- En matière forestière, la mise en application de la loi est également bien avancée, avec le décret n° 2011-587 du 25 mai 2011, qui définit les zones géographiques dans lesquelles les propriétaires de plusieurs petites parcelles doivent mettre en oeuvre un plan simple de gestion, et fixe à 4 hectares la taille des parcelles isolées en deçà de laquelle le plan simple de gestion n'est plus obligatoire. Le décret n° 2011-271 du 16 mars 2011 a précisé la composition du Comité national de gestion des risques en forêt. Le décret n° 2011-2067 du 30 décembre 2011 a précisé les conditions pour bénéficier de l'avantage fiscal du DEFI-Forêt. Seul le décret sur les conditions d'utilisation du compte d'épargne d'assurance forêt n'a pas été pris.

Les titres VI à VIII ont fait l'objet d'une mise en application effective incontestable :

- L'ensemble des textes d'application prévus par la loi concernant la gouvernance des chambres d'agriculture a été pris. Il en va de même des mesures d'application de dispositifs techniques concernant les centres de rassemblement d'animaux ou la collecte de céréales (article 73), l'échange d'informations entre administration des impôts et agence de services et de paiements (article 77), ou encore les modalités de dissolution de l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale (AFICAR).

- En matière de pêche et d'aquaculture, la modification des instances de gouvernance de la pêche prévue par la loi a été mise en oeuvre : le comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l'aquaculture, prévu à l'article 82, a été mis en place, suite à la publication du décret n° 2011-433 du 19 avril 2011. De même, l'organisation et le fonctionnement du Comité national des pêches maritimes ont été précisés par le décret n° 2011-776 du 28 juin 2011 et les conseils de façade maritime sont désormais régis par un arrêté du 27 septembre 2011. Le décret n° 2011-888 du 26 juillet 2011 a précisé les modalités d'élaboration des schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine et a fixé à cinq ans le délai pour établir un premier bilan de leur mise en oeuvre. Le décret n° 2012-64 a réglementé, en application de l'article 86 de la loi, les ventes en criées. Seul le décret modifiant la composition du conseil supérieur des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire manque encore.

- Enfin, la plupart des mesures concernant l'outre-mer ont été prises : le rapport sur un projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche spécifique à l'Outre-mer, établi en application de l'article 93, a été publié en juillet 2011 et les ordonnances d'adaptation à l'Outre-mer des dispositions de la LMAP ont été publiées courant 2011.

En définitive, cinq ans après avoir été votée, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010 est en quasi-totalité applicable. Il faut noter que certaines dispositions de ce texte sont modifiées par la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, ce qui amènera à une modification des textes réglementaires d'application.

• Loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés

Les mesures d'application qui avaient déjà été prises après le vote de la loi en 2008 étaient intervenues dans deux domaines :

- La gouvernance du dispositif d'évaluation et de suivi des organismes génétiquement modifiés (OGM) : ainsi, avaient été pris dès la fin 2008 le décret relatif au Haut Conseil des biotechnologies, prévu par l'article 3 de la loi 2 ( * ) , et celui relatif au Comité de surveillance biologique du territoire (CSBT), prévu par l'article 9 3 ( * ) .

- L'encadrement des conditions d'utilisation d'OGM , avec trois décrets pris entre 2009 et 2011 : le premier sur l'étiquetage des OGM mis à disposition de tiers à l'occasion d'une utilisation confinée 4 ( * ) , le second sur l'obligation de déclaration de mise en culture de végétaux génétiquement modifiés 5 ( * ) et enfin le dernier sur l'agrément de l'utilisation confinée d'OGM et l'information du public 6 ( * ) .

Un progrès supplémentaire a été apporté dans l'application de la loi de 2008, avec le décret n° 2012-128 du 30 janvier 2012 relatif à l'étiquetage des denrées alimentaires issues de filières qualifiées « sans organisme génétiquement modifié », qui définit le « sans OGM » pour trois catégories d'ingrédients : les ingrédients d'origine végétale (contenant moins de 0,1 % d'OGM), ceux d'origine animale (avec des mentions distinctes selon que les animaux sont nourris avec des aliments contenant moins de 0,1 % ou moins de 0,9 % d'OGM) et les ingrédients apicoles (lorsqu'ils sont issus de ruches situées à plus de 3 km de cultures génétiquement modifiées).

Peu de textes restent donc à prendre pour rendre la loi pleinement applicable : un décret relatif aux garanties financières que doivent souscrire les agriculteurs procédant à la mise en culture d'OGM était prévu par l'article 8. Il est encore en attente mais sans intérêt dès lors que la mise en culture d'OGM n'est pas autorisée en France. Un autre décret devait être pris pour définir les seuils au-delà desquels les semences génétiquement modifiées doivent être étiquetées, en application de l'article 21. Un projet de décret a été notifié début 2012 à la Commission européenne, prévoyant une tolérance jusqu'à 0,1 % de semence OGM. Après l'alternance politique de 2012, le décret n'a pas été publié.

Au final, le bilan de l'application de cette loi, au 31 mars 2015, est très satisfaisant.


* 2 Décret n° 2008-1273 du 5 décembre 2008.

* 3 Décret n° 2008-1282 du 8 décembre 2008.

* 4 Décret n° 2009-45 du 13 janvier 2009.

* 5 Décret n° 2011-841 du 13 juillet 2011.

* 6 Décret n° 2011-1177 du 23 septembre 2011.

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