Rapport d'information n° 14 (2015-2016) de M. Cédric PERRIN , Mmes Leila AÏCHI et Éliane GIRAUD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 octobre 2015

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N° 14

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) par le groupe de travail sur « les conséquences géostratégiques du dérèglement climatique » (2),

Par M. Cédric PERRIN, Mmes Leila AÏCHI et Éliane GIRAUD,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mmes Leila Aïchi, Nathalie Goulet , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall .

(2) Ce groupe de travail est composée de : M. Cédric Perrin, Mmes Leila Aïchi, Éliane Giraud.

INTRODUCTION

Alors que la COP 21 s'est donné comme objectif la conclusion d'un accord limitant les émissions de CO 2 et cantonnant au mieux le réchauffement climatique à 2° d'ici 2050, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a tenté d'apprécier les conséquences géopolitiques du dérèglement climatique. L'incidence de ce dérèglement ne sera pas seulement climatique ou météorologique. Un bouleversement global, largement sous-estimé aujourd'hui, pourrait en découler à terme.

Avec l'ambition d'apprécier les conséquences géopolitiques du changement climatique, ce rapport se refuse toutefois à dresser un catalogue (par essence incomplet) des risques, sans pouvoir approfondir tous les sujets. Les conséquences géopolitiques globales du changement climatique sont difficilement appréciables en raison de leurs interférences intrinsèques et avec d'autres évolutions. Des phénomènes dont l'intensité et l'enchaînement restent encore méconnus entrent en résonnance, certains amplifiant, d'autres compensant les effets du changement climatique. L'accentuation de la conflictualité peut être compensée par le développement de la solidarité face à un risque commun, certaines mesures d'adaptation peuvent avoir des effets pervers...

Aussi ce rapport se concentre sur deux points d'application précis qui permettent d'apprécier la réalité mais aussi la complexité des phénomènes : la montée du niveau des mers et des océans, d'une part, selon une approche transversale et, d'autre part, selon une approche régionale, la situation de l'Arctique.

Le changement climatique a un impact sur le niveau des mers et des océans. La fonte des glaciers d'eau douce (Himalaya, Alpes, Rocheuses, Andes, Groenland, Antarctique) et la dilatation des océans, conséquence de l'élévation des températures, auront pour conséquence une élévation du niveau des mers et des océans et donc la submersion permanente ou temporaire, à l'occasion d'événements météorologiques ou sismiques, de certains territoires. Cette élévation aura un effet sur la capacité de maintenir sur ces territoires population et activités. Ce maintien rendra nécessaire des aménagements de plus en plus coûteux qu'il ne sera possible d'envisager que lorsque les enjeux de protection seront suffisamment importants, si cela est techniquement réalisable. S'ensuivront probablement, pour nombre d'Etats, des coûts importants de réaménagement des territoires, mais aussi des déplacements de population. Certains Etats ne seront pas en mesure d'assurer ces charges et la réinstallation sur leur territoire national de l'ensemble des populations concernées. Certains, même, sont susceptibles de disparaître, d'autres seront confrontés à un risque grave de déstabilisation. Le phénomène des déplacés environnementaux s'accentuera, augmentant les tensions sur les pays les moins vulnérables et les plus riches.

Une autre conséquence du changement climatique et de la fonte des glaces (notamment de la banquise) est un regain d'attention pour l'Arctique , à la fois sur le plan scientifique, parce que le réchauffement y est plus accentué, sur le plan économique parce que la fonte de la banquise ouvre cet océan à la navigation. Dès lors se trouvent accessibles les ressources halieutiques, en hydrocarbures et en minerais qu'il renferme, de même qu'à terre certains territoires jusqu'à présent soumis au gel deviendront exploitables tant sur le plan agricole que par leur sous-sol. Ce regain d'intérêt est amplifié par la remontée en puissance de la Russie qui a toujours considéré cette région dont elle est riveraine comme une zone d'intérêt stratégique. On notera que par sa position géographique, l'océan Arctique était, est, et restera un espace de manoeuvre important pour les composantes navales des forces de dissuasion des différentes puissances.

Ces deux exemples à eux seuls, illustrent l'importance des effets du changement climatique et de leurs conséquences géostratégiques. Ce ne sont que deux exemples : à l'échelle de la planète, l'ampleur de ces effets et de leurs conséquences sera bien plus marquée .

Une seule conclusion se dégage d'emblée : plus vite et plus intensément les mesures d'atténuation seront mises en place et moins le changement climatique aura de conséquences géostratégiques graves.

Pour autant, compte tenu de l'inertie du phénomène, du fait qu'il n'est pas complètement mesurable dans ses effets et moins encore dans ses conséquences, les États et la communauté internationale auraient tout intérêt à se mobiliser parallèlement pour préparer les mesures d'adaptation nécessaires pour y faire face.

PREMIÈRE PARTIE : LA MONTÉE DES OCÉANS FACTEUR DU DÉRÈGLEMENT GÉOPOLITIQUE

La montée du niveau des mers et des océans est un phénomène inéluctable au moins pour les prochains siècles. Elle est réductible dans son ampleur et ses conséquences, si un effort de sensibilisation et de mobilisation est réalisé rapidement.

I. UN PHÉNOMÈNE INÉLUCTABLE AUX CONSÉQUENCES LOURDES

Après une phase d'augmentation depuis le minimum du dernier âge glaciaire il y a environ 21 000 ans, le taux d'élévation du niveau moyen de la mer s'est sensiblement stabilisé à environ 0,5mm/an au cours des 2-3 derniers millénaires jusqu'à la période la plus récente.

Les systèmes d'observation, réalisés par les marégraphes et par les altimètres spatiaux, ont permis d'identifier une accélération de la montée du niveau de la mer depuis la fin du XIX e siècle pour atteindre 1,7 mm/an (#177; 0,2) sur 1901-2011 et 3,2 mm/an (#177; 0,4) sur 1993-2014. En moyenne sur la décennie (2001-2010), le niveau de la mer accusait une hausse d'environ 20 cm par rapport aux années 1880.

Agrégation des données sur le niveau des mers depuis 1700. Doc IPCC, 5ème rapport, vol.1 chap.13

Pour les différents scénarios 1 ( * ) du GIEC d'ici à 2100, les prévisions de montée moyenne du niveau de la mer se répartissent approximativement autour de 70 cm (de 55 à 80 cm jusqu'à 1,20 mètre). Selon ces projections, entre les périodes 1986-2005 et 2081-2100, l'élévation probable du niveau moyen mondial de la mer serait comprise entre 26 et 55 cm pour le scénario le plus optimiste, dit « RCP2.6 » et comprise entre 45 et 82 cm pour le scénario le moins optimiste, dit « RCP8.5 ».

On observera que le précédent rapport du GIEC évoquait une élévation probable comprise entre 18 et 59 cm.

Scénarios de montée des océans

Projections de l'élévation du niveau moyen global de la mer au XXIe siècle relativement à 1986-2005 pour les deux scénarios d'émission RCP2.6 et RCP8.5. Les plages de couleur autour des courbes correspondent à l'intervalle d'un changement « probable » (67% de chance). Les barres verticales correspondent à un changement « probable » de la moyenne de la période 2081-2100 pour tous les scénarios RCP, et les barres horizontale aux valeurs médianes associées. D'après IPCC (2013), Figure SPM.9.

Cité par le rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015

Explication méthodologique

Cette augmentation du niveau de la mer résulte du réchauffement des océans, de la fonte des glaciers et de celle des calottes polaires. Les incertitudes sur ces projections proviennent pour partie des scénarios d'émission de gaz à effet de serre et pour partie des incertitudes de la modélisation du niveau de la mer.

Il faut cependant noter que la contribution de l'augmentation de l'écoulement des calottes du Groenland et de l'Antarctique reste très incertaine. Une augmentation plus importante que ces fourchettes « probables » ne peut pas être exclue mais les estimations les plus fortes restent très controversées.

Au-delà du XXI e siècle, l'effet de dilatation thermique de l'océan se poursuivra, ainsi que l'augmentation liée à la fonte des calottes polaires.

La distribution régionale du changement du niveau de la mer est difficile à estimer car elle dépend de l'évolution locale de plusieurs paramètres : la température de l'océan, la salinité, les courants marins, la pression de surface, l'apport d'eaux continentales ou encore les changements du niveau du fond de l'océan et les mouvements du sol. Les projections disponibles à l'échelle mondiale, ne prenant en compte qu'une partie de ces processus, montrent une forte dispersion des résultats des modèles.

L'ampleur de l'élévation du niveau marin peut être plus forte ou plus faible que la moyenne selon les régions en raison des fluctuations dans les circulations océaniques. Depuis 1993, l'ampleur dans le Pacifique Ouest est plus de trois fois supérieure à la moyenne alors que dans de nombreux endroits du Pacifique Est, elle est proche de zéro ou négative.

Cela traduit une forte incertitude sur l'amplitude de l'augmentation du niveau de la mer dans une région donnée. Les études de l'évolution du niveau de la mer au niveau local, y compris pour les côtes françaises (métropole et DOM-COM) intégrant l'ensemble des processus, y compris ceux qui influencent la morphologie des côtes, restent à réaliser.

A. L'ÉLÉVATION DU NIVEAU DE LA MER, UNE DES CONSÉQUENCES DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

1. Une conséquence directe du réchauffement climatique

Le niveau global de la mer dépend de trois paramètres : le volume des cuvettes océaniques, régi par des processus géologiques, et deux paramètres climatiques, la quantité d'eau liquide (donc la fonte ou l'accroissement des calottes de glaces) et la température de l'océan, qui contrôle sa dilatation.

Ce sont surtout les composantes climatiques qui influent sur les tendances globales multiannuelles :

- le changement en volume lié à la dilatation thermique de l'océan (effet stérique) provoquée par l'accroissement de la température associée au réchauffement climatique.

- les changements en masse des océans résultant d'échanges d'eau avec les autres réservoirs (effet massique) : atmosphère, réservoirs d'eaux continentales, glaciers de montagne, calottes polaires hors banquise (principalement, le Groenland et l'Antarctique).

En revanche, les niveaux extrêmes sont observés à l'occasion de phénomènes récurrents (marées) et météorologiques (dépressions).

Les composantes climatiques et météorologiques sont directement influencées par le réchauffement climatique.

Le rapport 2 ( * ) de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), « 2001-2010, une décennie d'extrêmes climatiques » révèle que « le climat s'est nettement réchauffé entre 1971 et 2010 et que le rythme décennal d'augmentation des températures sur les périodes 1991-2000 et 2001-2010 est sans précédent. Les concentrations croissantes de gaz à effet de serre, dont la spécificité est de piéger la chaleur, sont en train de transformer notre climat, avec les bouleversements que cela suppose pour l'environnement et les océans, qui absorbent à la fois le dioxyde de carbone et la chaleur

Moyenne des températures par décennie à la surface du globe

Moyenne décennale des températures à la surface du globe (terres émergées et océans confondus) (°C) obtenue à partir de trois jeux de données distincts tenus à jour respectivement par le Centre Hadley du Service météorologique national et la Section de recherche sur le climat de l'Université d'East Anglia (HadCRU) (Royaume-Uni), par le Centre national de données climatologiques (NCDC) relevant de la NOAA (États-Unis d'Amérique) et par le Godard Institute for Space Studies (GISS) relevant de l'Administration américaine pour l'aéronautique et l'espace (NASA). La ligne horizontale grise correspond à la normale.

Une accélération de l'augmentation des températures

La température moyenne à la surface des terres émergées et des océans pour la décennie 2001-2010 est estimée à 14,47°C, soit un écart de +0,47°C par rapport à la normale calculée pour la période 1961-1990 et de +0,21°C par rapport à la moyenne de la période 1991-2000 (avec un facteur d'incertitude de #177; 0,1°C).

Le rythme décennal d'augmentation de la température à l'échelle du globe s'est accéléré entre 1971 et 2010, atteignant, en moyenne estimative, 0,17°C durant cette période, contre 0,062°C par décennie sur toute la période 1880-2010.

À l'exception de 2008, chacune des années de la décennie 2001-2010 compte parmi les dix plus chaudes jamais enregistrée s, le record étant détenu par 2010, qui présente une anomalie positive de la température moyenne de 0,54°C par rapport à la normale calculée pour la période de référence 1961-1990 (14,0°C), suivie de près par 2005.

La plupart des régions du monde ont connu des températures supérieures à la normale pendant la décennie 2001-2010, en particulier aux hautes latitudes de l'hémisphère Nord. C'est au Groenland que la moyenne décennale des températures a accusé l'anomalie la plus forte - +1,71°C -, l'écart par rapport à la normale atteignant +3,2°C en 2010. En Afrique, chacune des années de la décennie a été caractérisée par des températures supérieures à la normale.

D'après les résultats de l'enquête menée par l'OMM, la décennie 2001-2010 est la plus chaude qu'aient connue près de 94% des pays sondés, et aucun pays n'a signalé une moyenne décennale de la température inférieure à la normale au niveau national. C'est entre 2001 et 2010 que des records de chaleur nationaux ont été enregistrés dans environ 44% des pays sondés, et entre 1991 et 2000 dans 24% d'entre eux. À l'inverse, alors que dans près de 32% des pays sondés, les records de froid remontent à la période 1961-1970, ce pourcentage n'est plus que de 11% en ce qui concerne la décennie 2001-2010.

Source : Organisation météorologique mondiale - communiqué de presse n° 976 - 3 juillet 2013

Pour les scientifiques du GIEC, dans leur rapport d'octobre 2013 : « l'influence humaine sur le changement climatique est claire ». Ils estiment désormais « extrêmement probable » (probabilité désormais supérieure à 95 %, contre 90 % dans le précédent rapport de 2007), que l'élévation des températures constatée depuis le siècle dernier soit due à l'accumulation de gaz à effet de serre (GES) d'origine anthropique. En cause, « la croissance économique et démographique qui est le facteur le plus important de l'augmentation des émissions due à la combustion des énergies fossiles. »

La principale source d'émission de CO2 anthropique est la combustion des énergies fossiles. Près de 80 % des émissions mondiales de CO2 proviennent de la production d'énergie, des processus industriels et du transport. L'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie émettent plus de 90 % du CO2 produit industriellement dans le monde.

Les émissions de gaz à effet de serre

Les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone, de méthane, de protoxyde d'azote et autres gaz à effet de serre augmentent régulièrement en raison des activités humaines. Selon le Bulletin de l'OMM sur les gaz à effet de serre, « la concentration atmosphérique moyennée à l'échelle du globe du dioxyde de carbone a atteint 389 ppm 3 ( * ) en 2010 (soit une augmentation de 39 % par rapport à l'époque préindustrielle) ; celle du méthane, 1 808,0 ppb 4 ( * ) (158 %) et celle du protoxyde d'azote, 323,2 ppb (20 %). Ces changements dans la composition de l'atmosphère entraînent une augmentation de la température moyenne à l'échelle du globe qui, à son tour, exerce une influence non négligeable sur le cycle de l'eau et provoque d'autres changements au niveau du temps et du climat. »

Les émissions de chlorofluorocarbones et autres substances chimiques liées aux activités humaines ont également eu des répercussions sur l'atmosphère en endommageant la couche d'ozone stratosphérique qui filtre les rayons ultraviolets nocifs. Heureusement, l'élimination progressive au titre du Protocole de Montréal des substances qui appauvrissent la couche d'ozone devrait permettre à celle-ci de se reformer d'ici quelques décennies (voir infra p.77).

De même les émissions de gaz réactifs (comme les oxydes d'azote et le dioxyde de soufre) et d'aérosols (comme la poussière et le carbone noir) ont aussi des répercussions sur le climat. Ils augmentent par exemple l'incidence des vagues de chaleur sur la santé.

Source : Organisation météorologique mondiale - 2001-2010

La deuxième grande source d'émission de CO 2 anthropique (environ 20 % des émissions) est la conséquence de l'évolution de l'utilisation des terres, et des forêts. Ces activités humaines ont une incidence sur ce qu'on appelle les « puits de carbone » 5 ( * ) . L'Amérique du Sud, l'Asie et l'Afrique sont actuellement responsables de plus de 90 % de ces émissions.

Sans doute a-t-il fallu du temps pour admettre cette réalité qui ne se concrétise pas immédiatement par des effets désastreux et convaincre les sceptiques que parmi les causes de certaines catastrophes naturelles, on observe une part croissante de causes directement ou indirectement liées au réchauffement climatique.

« Le total des émissions de gaz à effet de serre a continué à s'accroitre entre 1970 et 2010 avec une augmentation décennale plus importante à la fin de cette période. » poursuit le GIEC. Les émissions ont augmenté de 2,2 % par an entre 2000 et 2010. La moyenne des trois décennies précédentes s'établissait à 0,4 %. Les émissions durant les quarante dernières années atteignent près de la moitié du total depuis 1750.

2. Les causes climatiques de la montée du niveau moyen de la mer

Au fur et à mesure de l'élaboration des rapports du GIEC, la connaissance des causes et conséquences du changement du niveau de la mer s'est affinée. Les observations satellitaires et océaniques sont devenues plus précises. Les modèles ont mieux pris en compte la dynamique des échanges rapides océan-atmosphère et des échanges les plus lents affectant l'évolution des glaciers et leur écoulement vers les océans.

Les contributions respectives de chaque phénomène responsable de l'élévation du niveau des mers pour la période 1993-2011 se répartissent comme suit :

- Expansion thermique : 1.1 mm/an (+ ou - 0,3)

- Glaciers de montagne : 0,76mm/an (+ ou - 0,4)

- Calottes polaires : Groenland (0,33mm/an, + ou - 0,08) et Antarctique (0.27mm/an, + ou - 0,11)

Soit un total de 2,8 mm/an, en adéquation avec la mesure directe de l'élévation du niveau de la mer par altimétrie (de 3,2 mm/an), compte tenu de l'incertitude de la mesure (0,5-0,6 mm/an).

a) L'effet de dilatation de la masse des mers et des océans

L'expansion thermique (la dilatation) représente 30 à 55 % de l'augmentation du niveau moyen de la mer du XXI e siècle. L'océan absorbe 90 % du surplus de chaleur induit par l'accroissement des gaz à effet de serre, ce qui se traduit par une dilatation importante.

Il se réchauffe davantage près de la surface : la température moyenne de la couche au-dessus de 75 m de profondeur s'est accrue de 0,11°C par décade entre 1971 et 2010. Cette hausse a débuté dès les années 1870. Il est probable que la couche entre 75 m et 2 000 m de profondeur s'est réchauffée depuis la fin des années 1950 et celle jusqu'à 3 000 m depuis les années 1990. Il est probable que ces hausses de température ont un effet sur les cycles d'évaporation et sur la salinité des différentes parties des océans.

En outre, depuis le début de l'ère industrielle, la captation par les océans du CO² a eu pour effet une acidification des eaux, le pH des eaux de surface a décru de 0,1, ce qui correspond à un accroissement de 26 % de leur acidité.

b) La fonte des glaciers d'eau douce

Depuis deux décennies, les calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique (notamment au nord de la péninsule et dans le secteur de la mer d'Amundsen de l'Ouest de l'Antarctique) ont perdu en masse. Les glaciers ont continué à fondre. La couverture neigeuse au printemps dans l'hémisphère Nord continue de décroître. La persistance des couvertures glacières sur les lacs et les rivières en Europe a diminué de 12 jours par siècle depuis 1850. Cela reflète notamment le réchauffement des eaux des rivières et lacs européens, dont la température a augmenté de 1 à 3°C.

Si la fonte des glaciers d'eau douce (calottes polaires et glaciers des montagnes) et celles des banquises, notamment dans l'océan Arctique, ont la même cause (le réchauffement climatique), elles n'influent pas de la même manière sur la montée du niveau des mers, puisque seul l'apport en eau douce augmente la masse des océans.

La fonte des glaciers représente la deuxième contribution (entre 15 et 35 %), à la montée des océans.

Les contributions du Groenland et de l'Antarctique dépendent du bilan net de la fonte et de l'accumulation de la glace ou de la neige à la surface, mais aussi de l'écoulement de la glace vers l'océan.

Dans son rapport de 2013 6 ( * ) , l'Organisation météorologique mondiale (OMM) note que la chaleur record de la décennie 2001-2010 s'est accompagnée d'une fonte accélérée des calottes glaciaires, des glaciers, de la banquise et du pergélisol. Signe du réchauffement du climat, la fonte de la neige et de la glace se répercute sur l'approvisionnement en eau, les voies de transport, les infrastructures, les écosystèmes marins et bien d'autres choses encore.

La fonte des banquises

Jusqu'aux années 60, la banquise de l'Arctique couvrait une superficie comprise entre 14 et 16 millions de km2 à la fin de l'hiver et entre 7 et 9 millions de km2 à la fin de l'été boréal. On assiste depuis lors à un recul rapide de la banquise. Les cinq années où l'étendue des glaces de mer a atteint en septembre un minimum sans précédent sont 2005, 2007, 2008, 2009 et 2010. Le minimum record de 4,28 millions de km2, soit 39 % de moins que la normale, a été observé en 2007. Ce record a été battu en 2012.

Le volume de la banquise arctique diminue lui aussi rapidement depuis 2005, atteignant en 2010 un nouveau minimum record.

Pendant ce temps, l'étendue de la banquise de l'Antarctique a légèrement augmenté d'une manière générale, pour des raisons que les scientifiques continuent d'analyser.

La fonte des calottes glaciaires

Les deux inlandsis de la planète (nappes de glace persistante recouvrant la terre ferme) sont ceux de l'Antarctique et du Groenland. La perte de masse nette de ces deux calottes polaires s'est accélérée, et sur la période 2001-2010, 2007 et 2008 sont les années où cette perte a été la plus importante. Si la tendance se poursuit, la fonte des inlandsis sera le principal facteur de hausse du niveau de la mer au XXI e siècle.

Les glaciers de la planète ont perdu plus de masse entre 2001 et 2010 que durant n'importe quelle autre décennie depuis qu'il existe des relevés, et le manteau neigeux a fortement reculé dans l'hémisphère Nord

Les températures ne cessent d'augmenter dans les régions recouvertes de pergélisol (terres gelées), et la décennie 2001-2010 a été marquée par une augmentation de l'épaisseur de la couche de dégel saisonnier dans de nombreuses régions nordiques. Il est admis que l'étendue de la couverture neigeuse dans l'hémisphère Nord décroît depuis le milieu du XX e siècle de 1,6 % (0,8 à 2,4) par décennie de mars à avril, et de 11,7 % par décennie en juin, au cours de 1967 à 2012. Il est quasiment certain que les températures du pergélisol se sont accrues dans la plupart des régions de l'hémisphère Nord depuis le début des années 1980 avec des réductions en épaisseur et en étendue dans quelques régions. Cet accroissement des températures du pergélisol est la conséquence de l'augmentation de la température en surface et des changements observés de la couverture neigeuse.

Source : OMM - Le climat dans le monde 2001-2010 : une décennie d'extrêmes climatiques - rapport de synthèse - 2013

Selon certains scénarios du GIEC, l'effondrement des parties marines de la calotte Antarctique, s'il se déclenchait, pourrait entraîner une hausse significativement supérieure aux changements probables du niveau moyen de la mer. Cependant, cette contribution ne dépasserait pas quelques dizaines de centimètres d'élévation du niveau des mers au cours du XXI e siècle.

Bien que les glaciers des Alpes européennes aient perdu près de deux tiers de leur volume depuis 1850 7 ( * ) , ce qui a des conséquences régionales importantes, les experts considèrent qu'en dehors des calottes polaires, les glaciers représentent une faible quantité de glace (de l'ordre de 40 cm d'équivalent élévation du niveau de la mer, si tous devaient fondre), ce qui limite leur contribution à l'élévation du niveau des océans.

Pour l'OMM 8 ( * ) , la surveillance de la cryosphère 9 ( * ) dans une perspective à long terme s'impose désormais comme une priorité absolue , tant pour la recherche sur le climat que pour la compréhension des conséquences concrètes de la fonte généralisée de la neige et de la glace. On ignore encore quelle sera exactement l'évolution future de la fonte des inlandsis. Grâce à une meilleure compréhension de la variabilité de la cryosphère, il sera également possible d'améliorer la qualité des projections relatives à l'élévation du niveau de la mer, ce qui permettra de rationaliser l'aménagement des zones côtières.

Parallèlement à la fonte des glaces, le réchauffement du sol gelé en permanence et parfois depuis plusieurs milliers d'années (pergélisol) qui représente 25 % des terres émergées dans l'hémisphère Nord, soit l'équivalent de la superficie du Canada, affecte le plus gros réservoir continental de carbone de la planète 10 ( * ) . Selon certains experts 11 ( * ) , « 1 700 milliards de tonnes de carbone d'origine végétale s'y sont accumulées depuis la dernière glaciation, soit deux fois plus de carbone que n'en contient actuellement l'atmosphère.» En dégelant, le pergélisol libère dans l'atmosphère du dioxyde de carbone (CO 2 ) et du méthane, deux puissants gaz à effet de serre. « Si la totalité du carbone emprisonné dans le pergélisol venait à être relâchée, cela pourrait avoir des conséquences dramatiques pour le réchauffement climatique», soit une augmentation de 5 à 8°C. 12 ( * )

3. Les causes géologiques de la montée du niveau moyen de la mer

La précision des balises GPS rend possible la mesure des ajustements géologiques de la hauteur de la côte, depuis la marée journalière jusqu'aux mouvements plus lents de la tectonique : surrection ou enfoncement, jeux de failles superficielles, dérives des plaques volcaniques et tremblement de terre associés.

Isostasie

La croûte terrestre répond par des mouvements verticaux « viscoélastiques » aux surcharges ou allègements divers, que ce soient la mise en eau d'un barrage, la montée de la lave sous un volcan, l'accumulation de sédiments dans un delta, la submersion des plateaux continentaux lors de la déglaciation ou encore l'accumulation ou la fonte des calottes de glace. Quand les déformations excèdent les possibilités de réponse élastique instantanée de la croûte, le rééquilibrage se traduit par des transferts de roche fluide en profondeur, au niveau de l'asthénosphère. Ces processus s'étalent sur des milliers d'années et peuvent conduire à des changements d'altitude de grande amplitude.

Les anciennes lignes de côtes des régions scandinaves et nord-canadiennes en période glaciaire se retrouvent maintenant à plusieurs centaines de mètres d'altitude, et elles continuent à monter (à des vitesses dépassant par endroits le centimètre par an), bien que la fonte des glaces soit terminée pour l'essentiel depuis plus de 10 000 ans 13 ( * ) .

Dans la zone périphérique, la croûte au contraire descend à des vitesses de l'ordre de 1 mm/an pour la Bretagne-Sud 14 ( * ) , à 5 mm/an par exemple pour la côte Est américaine (New Jersey). Ces mouvements verticaux transitoires de la croûte terrestre, liés à un rééquilibrage des masses entre la lithosphère et l'asthénosphère plus ou moins fluide, sont regroupés sous le terme d'isostasie. C'est l'isostasie qui influe sur le niveau global des mers en changeant le volume des bassins quand c'est le plancher océanique qui monte, ou en changeant l'altitude de la côte par rapport à la surface de la mer quand c'est la croûte continentale qui est affectée.

Source : Laurent LABEYRIE « Submersion : comment gérer la montée du niveau des mers » Odile Jacob Sciences, mars 2015, p. 30

La fonte des glaces continentales produit indirectement une partie de la variabilité régionale du niveau de la mer. La déformation de la croûte terrestre, sous l'effet des redistributions de masse de glace et d'eau, modifie légèrement le contour et la profondeur des bassins océaniques et en conséquence, le niveau de la mer à l'échelle régionale. Le rebond postglaciaire contribue aussi à la variabilité régionale de la mer. Ces effets d'ajustement isostatique sont désormais pris en compte dans les projections régionales de la mer (en particulier dans le 5 e rapport du GIEC).

L'ensemble de ces paramètres géologiques est important pour les effets régionaux ou locaux du changement du niveau de la mer, mais relativement faible par rapport aux facteurs climatiques.

De même, les séismes peuvent provoquer des raz-de-marée ou tsunami qui se traduisent par la formation d'une vague qui déferle sur les côtes avec une hauteur d'eau et une violence plus ou moins forte selon l'ampleur du séisme, la morphologie de la croûte terrestre et la distance de la côte, notamment.

4. Les causes météorologiques des surcotes exceptionnelles

Le niveau des eaux est également affecté par des phénomènes récurrents de vagues et de houles provoquées par les vents. Ceux-ci peuvent entraîner des vagues de grande hauteur, notamment par réflexion aux abords des côtes ou de haut-fond.

Or, le réchauffement climatique affecte aussi une série de facteurs à action rapide, la pression atmosphérique et la pression des vents, avec des conséquences pour les hauteurs, périodes, directions des vagues, les surcotes extrêmes, et donc les submersions marines.

Au-delà de l'élévation du niveau moyen, les risques accrus de surcotes exceptionnelles liées aux baisses de pression atmosphérique lors des tempêtes, et aux effets additionnels en bordure de côtes, doivent être pris en considération. Ces surcotes peuvent atteindre localement jusqu'à un mètre. La houle, suivant l'exposition des côtes aux fortes tempêtes, ajoute une hauteur dangereuse pouvant dépasser à titre exceptionnel 5 mètres sur les rivages les plus exposés.

Cependant, les experts considèrent habituellement que ces effets ont un ordre de grandeur inférieur aux conséquences de l'élévation du niveau marin 15 ( * ) .

Enfin l'énergie des vagues, fonction de leur masse et de leur vitesse, provoque des chocs au contact des côtes, dont les effets érosifs et destructeurs sont importants.

a) Le réchauffement climatique pourrait avoir un effet sur l'intensité, la fréquence et les zones d'activité des tempêtes et des ouragans.

Comme le décrit dans son ouvrage 16 ( * ) M. Laurent Labeyrie, « La surface de la Terre reçoit sa chaleur par le rayonnement solaire visible et renvoie l'essentiel par rayonnement infrarouge, une partie servant à réchauffer les enveloppes fluides et la surface des continents. Un léger surplus d'énergie conduit la Terre à se réchauffer depuis un siècle. Les circulations atmosphérique et océanique redistribuent vers les hautes latitudes l'excès de chaleur reçu aux basses latitudes. Courants, mélanges et diffusion transportent une partie du surplus de chaleur vers les couches profondes de l'océan.

« Les masses d'air chauffées au voisinage de la surface terrestre, moins denses, montent progressivement vers la haute atmosphère en se refroidissant. Sous ces bulles d'air chaud, les dépressions s'organisent en gyres cycloniques pouvant dépasser plusieurs centaines de kilomètres de diamètre. L'air refroidi sous la limite de la stratosphère redescend jusqu'aux basses couches de l'atmosphère en formant des cellules de haute pression, anticyclonique.

« Plus il y a d'énergie accumulée dans les océans et dans l'atmosphère, plus les structures cycloniques et anticycloniques sont accentuées, ainsi que les gradients de pression entre ces systèmes. Le transport atmosphérique en est d'autant plus fort, conduisant aux tempêtes.

« Les ouragans tropicaux, d'amplitude beaucoup plus forte, sont quant à eux centrés autour d'une grande cellule dépressionnaire isolée, au contraire des lignes de front des tempêtes, longeant la bordure nord de l'anticyclone tropical. Les ouragans ne se déclenchent que si la température des couches superficielles de l'océan dépasse 27°C en moyenne sur au moins 60 mètres de profondeur. Alors la chaîne de mécanisme - évaporation en surface et ascendance de l'air, condensation de vapeur d'eau, libération de l'énergie, ascendance - peut prendre une tournure catastrophique avec des vents au sol dépassant les 150 à 200 km/h. La quantité d'énergie associée à un ouragan de forte intensité, et d'un diamètre de 600 à 800 km s'approche de la quantité d'électricité consommée sur la terre en un an ! La pression sous l'oeil de l'ouragan peut descendre jusqu'en dessous de 900 millibars. La montée du niveau de la mer associée dépasse 1 mètre et à proximité des côtes, une houle de 10 mètres d'amplitude n'est pas rare. »

Il indique également qu'il pourrait renforcer les effets de phénomènes comme El Nina et El Nino dans le Pacifique. En effet, l'activité des alizés poussant vers l'Ouest les eaux équatoriales chauffées par le soleil conduisent à une élévation du niveau de la mer dans cette partie équatoriale de l'océan de l'ordre de 12 cm, compensée à l'Est par une baisse du niveau moyen de 10 à 20 cm. Cette situation se renforce lors des épisodes dits de la Nina avec des écarts pouvant atteindre 80 cm entre les deux parties du Pacifique équatorial, entraînant ouragans et fortes pluies entre le Nord de l'Australie, l'océan Indien et les Philippines et au contraire des sécheresses en Californie et au Pérou.

Ce phénomène s'inverse après plusieurs années (phénomène dits Els Nino) qui provoque de fortes précipitations et une montée du niveau de la mer sur les côtes américaines et des périodes plus sèches à l'Ouest du Pacifique.

b) Une décennie d'extrêmes climatiques (2001-2010)

Un rapport de l'OMM 17 ( * ) de 2013 montre un accroissement des phénomènes météorologiques extrêmes sur la décennie 2001-2010.

L'accroissement des épisodes climatiques extrêmes

Entre 2001 et 2010, on recense 27 tempêtes baptisées, dont 15 ont atteint la force d'un ouragan et sept celle d'un ouragan majeur (catégorie 3 ou plus). Katrina , ouragan le plus dévastateur de la décennie classé dans la catégorie 5, s'est abattu en août 2005 sur le sud des États-Unis d'Amérique.

Dans d'autres régions, l'activité cyclonique se situait généralement dans la moyenne ou en deçà de la moyenne.

Dans le bassin du Pacifique Nord-Est, un total de 139 tempêtes baptisées a été observé durant la décennie, dont 65 classées dans la catégorie des ouragans, soit une activité cyclonique légèrement inférieure à la moyenne. La majorité de ces systèmes dépressionnaires n'ont pas atteint les côtes et n'ont donc pas fait de gros dégâts.

L'activité cyclonique a été légèrement inférieure à la moyenne dans le bassin du Pacifique Nord-Ouest également (230 tempêtes au total), où le cyclone le plus destructeur, Durian , a frappé les Philippines en 2006, touchant 1,5 million de personnes et faisant plus d'un millier de victimes.

Dans le nord de l'océan Indien, Nargis , qui s'est abattu sur le Myanmar en 2008, a été le cyclone tropical le plus meurtrier de la décennie : plus de 138 000 personnes ont été tuées ou portées disparues et 8 millions de personnes ont été sinistrées.

Les tempêtes extratropicales peuvent aussi se muer en catastrophes naturelles dévastatrices, surtout aux moyennes latitudes. Trois grandes tempêtes de ce type ont durement frappé l'Europe : Kyrill , qui a balayé plusieurs régions d'Europe centrale en 2007, Klaus , qui a touché l'Europe méridionale en 2009 et Xynthia , qui a frappé le nord-ouest de l'Europe en 2010. Elles ont causé la mort de près de 100 personnes et provoqué des dommages estimés à plusieurs milliards de dollars.

D'après le Centre national de données climatologiques de l'administration américaine pour les océans et l'atmosphère, la décennie 2001-2010 est celle où l'activité cyclonique dans le bassin de l'Atlantique Nord a été la plus marquée depuis 1855. La moyenne annuelle de tempêtes baptisées s'établit à 15 pour cette décennie, contre 12 pour la période 1981-2010.

Selon les analyses effectuées par la compagnie d'assurance Munich Re, les tempêtes hivernales qui ont balayé les États-Unis et le Canada en 2007 et 2008 font partie des dix tempêtes les plus coûteuses survenues depuis 1980 si l'on considère le montant des pertes assurées.

c) Un effort de recherche est nécessaire pour corroborer ces hypothèses

Dans un rapport spécial publié en 2012, le GIEC résumait l'état des connaissances actuelles concernant le changement climatique de la façon suivante : « Le changement climatique conduit à des changements dans la fréquence, l'intensité, l'expansion de la localisation, la durée et la vitesse des évènements météorologiques et climatiques et il peut en résulter des phénomènes extrêmes sans précédent ».

L'OMM 18 ( * ) présente néanmoins, sans doute par rigueur scientifique, des conclusions plus prudentes, « même s'il peut être démontré que la fréquence et l'intensité de certains phénomènes extrêmes s'accroissent, il demeure difficile d'évaluer l'influence que peut avoir le changement climatique d'origine anthropique sur des phénomènes isolés. La variabilité naturelle du climat joue sans conteste un rôle important, mais il s'avère aussi que la probabilité que surviennent certains phénomènes comme la vague de chaleur qui a déferlé sur l'Europe en 2003 augmente considérablement sous l'effet des activités humaines. Des méthodes scientifiques sont mises au point pour déterminer de façon plus fiable l'influence que peut avoir le changement climatique sur les phénomènes extrêmes.

« Aucune tendance nette ne s'est dégagée à l'échelle mondiale en ce qui concerne les cyclones tropicaux et extratropicaux. Il convient de constituer des ensembles de données exhaustifs si l'on veut pouvoir effectuer des analyses fiables de l'évolution de la fréquence et de l'intensité de ces phénomènes.

« Pour faire la part entre la variabilité naturelle du climat et les changements climatiques d'origine anthropique, il faudra également constituer des ensembles de données plus complets portant sur de plus longues périodes. Or pour détecter une évolution des températures, l'échelle de temps la plus courte reste la décennie. La période considérée doit être encore plus longue si l'on veut pouvoir analyser l'évolution des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes, dont la fréquence est faible, par définition.

« La Commission de climatologie de l'OMM étudie la possibilité d'appliquer de nouvelles méthodes permettant de mieux caractériser, évaluer et surveiller ces phénomènes. En outre, de nouveaux travaux de recherche prometteurs visant à définir les causes des phénomènes extrêmes isolés en fonction des données d'observation et de modélisation commencent à voir le jour. »

Deux scientifiques, Erich Fischer et Reto Knutti, de l'Institut des sciences du climat et de l'atmosphère de Zurich, ont comparé, à l'aide de simulations et de modèles, des phénomènes météo extrêmes de l'ère préindustrielle et de l'ère moderne. Selon leurs conclusions, publiées en avril 2015 dans la revue Nature Climate Change 19 ( * ) , l'impact du réchauffement planétaire sur les phénomènes météo est considérable. Ainsi 18 % des « précipitations extrêmes » actuelles résultent du changement climatique. Si ce réchauffement atteint 2°C, il sera responsable de 40 % de ces précipitations extrêmes.

Pour le secteur des assurances 20 ( * ) , qui suit attentivement l'évolution des évènements climatiques et météorologiques, « il y a une évidence nouvelle et certaine, que l'ensemble des océans se sont réchauffés de façon significative. Ainsi ce supplément d'énergie produit par les océans est le facteur explicatif clef de la survenance d'évènements extrêmes. Le réchauffement des océans a provoqué un déplacement du nombre des catastrophes couvertes par les systèmes d'assurance à un « nouveau niveau moyen ». Ce niveau atteint est quasiment irréversible ».

Les efforts de recherche pour comprendre, mesurer et prévoir les effets du réchauffement climatique sur les phénomènes météorologiques doivent être poursuivis.

5. La montée du niveau de la mer présentera d'importantes disparités régionales

Différents scénarios d'élévation du niveau de la mer

Élévation du niveau de la mer pour la période 2081-2100 par rapport à 1986-2005. Les calculs prennent en compte les changements de température, salinité et courants simulés par 21 modèles du GIEC forcés avec les scénarios (a) RCP2.6 et (b) RCP8.5. Les figures incluent aussi les effets sur le niveau de la mer des variations régionales de la pression atmosphérique, de l'ajustement isostatique glaciaire et les échanges d'eau avec les terres émergées. D'après IPCC (2013), Figure TS.23.

Comme c'est déjà le cas aujourd'hui, et comme le montrent les cartes ci-dessus, les disparités d'élévation du niveau de la mer résultent de différents facteurs. Le facteur dominant est dû à la distribution non uniforme de la température de l'océan et de la salinité (en lien avec la fonte de la banquise et des glaces continentales, et avec les variations du cycle hydrologique). Les variations géographiques de la pression atmosphérique jouent aussi un rôle, mais plus faible. Les ajustements isostatiques sont variables également selon les régions.

Les modèles montrent que la fonte future des calottes polaires causera une amplification de l'élévation de la mer dans les océans tropicaux de 20 % à 30 % par rapport à la hausse moyenne globale. Le phénomène de rebond post glaciaire a quant à lui des effets importants dans les régions des hautes latitudes, en particulier une hausse (relative) de la mer très supérieure à la moyenne globale le long de la côte est de l'Amérique du Nord. Il résulte de tous ces phénomènes que plus de 95 % des régions océaniques connaîtront très probablement une hausse du niveau de la mer à la fin du XXI e siècle. Par ailleurs, environ 70 % des littoraux du monde vont connaître un changement du niveau de la mer ne s'écartant pas de plus de 20 % de l'élévation du niveau moyen global de la mer .

Pour autant, cette élévation globale présentera d'importantes disparités régionales.

6. L'élévation du niveau de la mer continuera pendant plusieurs siècles

La dilatation thermique de l'océan se poursuivra pendant des siècles , même après que la concentration dans l'atmosphère des gaz à effet de serre aura été stabilisée, à cause de la lenteur du transfert de chaleur de la surface aux profondeurs de l'océan.

Le transfert de chaleur de la surface avec les profondeurs de l'océan

Le refroidissement hivernal des eaux de surface aux latitudes polaires (et l'augmentation parallèle de densité) renouvelle et ventile les eaux profondes de l'ensemble des océans, avec des zones de plongée en bordure de la mer de Norvège, en mer du Labrador et autour de l'Antarctique. Ce processus est facilité par la formation de glace de mer en surface, de faible salinité, et l'accumulation parallèle des saumures, qui contribuent à augmenter la densité des eaux qui plongent. Ces eaux se répandent en profondeur à travers les océans, au niveau correspondant à leur densité relative, et remontent progressivement à mesure qu'elles se réchauffent par diffusion de chaleur et se mélangent avec des eaux moins profondes. A terme, ces eaux sont reprises par la circulation de surface entraînées par les vents. Wally Broecker a montré par l'étude du carbone 14 de masses d'eau que le renouvellement des eaux profondes met plus de 1 000 ans en moyenne. C'est le fameux schéma du « tapis roulant ». Tous les changements actuels de l'océan profond auront donc des conséquences pour plusieurs siècles.

Le processus de plongée n'est pas limité aux latitudes polaires. A toute latitude, en particulier près des côtes, le refroidissement hivernal augmente la densité de l'eau et provoque une plongée, plus ou moins profonde suivant le refroidissement et la salinité (les deux facteurs qui augmentent la densité).

C'est ainsi que s'acquièrent les caractéristiques des eaux dites « intermédiaires » qui s'accumulent entre 100 et 2 000 mètres de profondeur selon les latitudes et les océans. C'est surtout par ce mécanisme que l'excès de chaleur actuel pénètre en profondeur : avec un hiver doux, l'eau plonge un peu moins profondément, mais est beaucoup plus chaude. La chaleur ainsi stockée y restera pour des dizaines voire des centaines d'années.

Laurent LABEYRIE « Submersion : comment gérer la montée du niveau des mers » Odile Jacob Sciences mars 2015 p. 30

L'élévation finale atteinte, après plusieurs siècles ou millénaires selon la date de la stabilisation, dépendra en particulier de la rapidité avec laquelle l'homme réagira aux conséquences de son usage des énergies fossiles et de la façon dont il réaménagera les terres émergées. Les simulations donnant les réchauffements les plus modestes (2°C d'augmentation au XX e siècle) partent de l'hypothèse que notre économie est capable d'arrêter de développer sa consommation d'énergie fossile dans les toutes prochaines années. Ce n'est pas certain.

Les simulations des modèles climatiques suggèrent une augmentation du niveau moyen de la mer de 0,2 à 0,6 m par degré Celsius de réchauffement global par rapport au climat actuel du seul fait de l'expansion thermique. Sur la base de quelques modèles climatiques simulant le climat au-delà de 2100, des scénarios de basses émissions conduiraient à une augmentation du niveau moyen global de la mer de moins de 1 m en 2300 par rapport à son niveau préindustriel et de 1 m à plus de 3 m pour un scénario de fortes émissions.

À plus long terme, l'inquiétude majeure réside dans les calottes antarctique et groenlandaise . Les simulations des modèles indiquent qu'au-delà d'un certain seuil de réchauffement , la fonte en surface de la calotte du Groenland ne sera pas compensée par l'accumulation de neige. Ainsi, si la température de stabilisation dépasse ce seuil, cette calotte pourrait fondre en presque totalité ce qui entrainerait une augmentation de 7 m du niveau de la mer . Selon le 5 e rapport du GIEC, ce seuil serait supérieur à environ 1°C (faible confiance) mais inférieur à 4°C (confiance moyenne). Si le réchauffement se maintenait durablement à ce niveau, la planète connaîtrait alors une élévation du niveau de la mer de plusieurs mètres au cours des siècles et millénaires à venir. Une contribution liée à un retrait abrupt, irréversible à l'échelle multiséculaire ou millénaire, de parties marines de la calotte Antarctique dans des secteurs potentiellement instables est aussi possible. Ces déstabilisations peuvent survenir à long terme mais aussi à une date rapprochée, surtout celle de l'Antarctique Ouest. Les principales incertitudes résident dans l'intensité de réchauffement nécessaire à leur déclenchement et la date correspondante, sans que l'on puisse encore aujourd'hui affecter un niveau de confiance à cette occurrence.

Les modèles plus simples dits semi-empiriques , auxquels le GIEC n'accorde qu'un niveau de confiance faible selon sa grille d'évaluation, basés sur les études paléoclimatiques 21 ( * ) des derniers interglaciaires 22 ( * ) , qui intègrent donc une fonte partielle des calottes polaires et les tendances observées depuis un siècle, indiqueraient une montée plus importante de l'ordre de 1 mètre ou plus. Les prédictions ont été prolongées jusqu'en 2500 pour mieux prendre en compte l'inertie des calottes de glace . Le niveau moyen des mers augmente alors de 2 à 7 m pour les scénarios prévoyant une stabilisation du CO ² 23 ( * ) . Faute d'une réaction rapide, les hypothèses les plus fortes (6,5 à 8°C) ne sont pas à exclure avant la fin du siècle. Une augmentation de 5°C ou plus ramènerait probablement à terme à la situation qui existait il y a dix millions d'années, avec un niveau de la mer supérieur de 20 m à l'actuel.

Pour le secteur des assurances 24 ( * ) , le nouveau niveau de nombre des catastrophes atteint « est quasiment irréversible, même si les émissions de gaz à effet de serre s'arrêtent complètement demain, la température des océans continuera de croître.»

7. En résumé

La montée du niveau de la mer induite par le réchauffement climatique est de mieux en mieux évaluée par les modèles du GIEC, mais elle comporte encore des incertitudes quant à son ampleur réelle, que le perfectionnement des modèles permettra de réduire dans l'avenir. Il est important de poursuivre l'effort de recherche dans les différents domaines. Mais on constatera que d'un rapport à l'autre, la tendance est à l'aggravation des conséquences du changement climatique et notamment de la montée du niveau de la mer. Les prévisions les plus pessimistes du GIEC ne doivent pas être considérées à la légère, mais comme des scénarios réalistes.

Même si les occurrences restent faibles, des catastrophes climatiques à grande échelle ne sont plus exclues des scénarios 25 ( * ) . La paléoclimatologie a montré des situations où le climat a connu des transitions très brutales. Parmi les phénomènes aux conséquences importantes et largement réparties à l'échelle de la planète, le GIEC en cite régulièrement trois : une interruption potentielle des courants marins à grande échelle dans l'Atlantique Nord, la fonte d'une partie des glaces du Groenland et de l'ouest de l'Antarctique et le relargage massif dans l'atmosphère des gaz à effet de serre contenus dans le pergélisol.

Il faut insister sur le caractère durable (multiséculaire) du phénomène et sur les risques d'aggravation par le cumul des effets immédiats du réchauffement climatique avec les impacts à plus long terme, le réchauffement des mers entrainant un réchauffement du climat. Les mesures de limitation du réchauffement par les stratégies d'atténuation des émissions de CO² devront inclure les effets de l'accumulation des décennies passées.

Les études sont en mesure de définir un niveau moyen d'élévation mais il est plus difficile de localiser les variations selon les différentes régions du monde.

La combinaison des phénomènes climatiques et météorologiques influent sur les niveaux extrêmes mesurés dans les différentes parties du monde.

Les études de l'évolution du niveau de la mer au niveau local, y compris pour les côtes françaises (métropole et DOM-COM) intégrant l'ensemble des processus, y compris ceux qui influencent la morphologie des côtes, restent à réaliser.

La vulnérabilité des territoires et des populations apparaitra par séquence : les catastrophes naturelles, plus fréquentes et plus intenses, seront les précurseurs d'évolutions plus lointaines induites par la montée des eaux. Les premières ont un impact désastreux par les destructions qu'elles entraînent et un coût élevé de reconstruction, les secondes ont un impact durable soit par la submersion permanente du territoire, soit par l'accroissement de la fréquence des submersions occasionnelles, soit par les investissements de protection qu'elles requièrent.

B. LES IMPACTS DE LA MONTÉE DU NIVEAU DE LA MER SUR LES CÔTES

Les experts de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie 26 ( * ) identifient quatre types d'impacts de la montée du niveau de la mer : les submersions, l'érosion des côtes, les intrusions salines dans les aquifères côtiers et les conséquences pour les infrastructures. On peut y ajouter un impact indirect sur la biodiversité des zones littorales.

1. Le risque de submersion permanente ou temporaire de territoires plus nombreux rend leur exploitation difficile voire impossible

Pour ces experts , « la vitesse d'élévation du niveau de la mer actuellement observée peut sembler faible en comparaison des hauteurs de vagues et de marées qui peuvent les dépasser de plusieurs ordres de grandeur. Pourtant, si ces rythmes persistent pendant une longue période, leur ampleur aura de graves conséquences sur les régions côtières de faible altitude et à forte densité de population. Pour ces régions, même une légère hausse du niveau de la mer peut produire de vastes inondations dans les terres (GIEC 2013) ».

L'élévation du niveau marin pourra induire ou aggraver deux types de submersions : les submersions permanentes de zones basses et les submersions temporaires 27 ( * ) . Des deux phénomènes, les submersions temporaires se distinguent par la mise en danger des personnes exposées. Ainsi, en Mer du Nord, les submersions marines consécutives à la tempête du 1 er février 1953 avaient provoqué environ 2 000 décès. Plus récemment, en France, fin février 2010, 47 personnes ont péri lors de la tempête Xynthia (59 pour l'ensemble des pays d'Europe occidentale).

Au cours des dernières décennies et en moyenne globale, les niveaux marins extrêmes ont suivi la même tendance à la hausse que l'élévation du niveau de la mer. Si l'aggravation des submersions marines est la conséquence la plus immédiate de l'élévation du niveau de la mer, localement, d'autres facteurs peuvent exacerber ou modérer ces tendances (ex : modifications de facteurs hydrométéorologiques tels que les vagues).

La remontée du niveau marin sera vraisemblablement la cause principale d'aggravation de l'aléa de submersion. Or, l'attractivité actuelle des zones littorales conduit à une exposition accrue des personnes et des activités au risque de submersion temporaire. La combinaison de ces deux phénomènes est préoccupante dans les zones basses, avec un risque accru et/ou des coûts d'entretien des défenses côtières plus importants.

Le rapport de synthèse du GIEC (2014) indique qu'une remontée du niveau marin de 0,5 m impliquerait une augmentation de 10 à 100 fois de la fréquence de submersion, en l'absence d'adaptation. Sous l'effet d'une remontée du niveau marin de 1 m, les capacités locales d'adaptation (en particulier les stratégies de protection) atteindraient leurs limites en de nombreux sites 28 ( * ) .

Même en deçà de ce niveau, Stéphane Hallegatte, entendu par le groupe de travail de la commission, a montré que dès 2050, les conséquences de l'élévation du niveau marin seront telles qu'elles nécessiteront l'adaptation des défenses côtières dans de nombreuses villes du littoral.

Sans adaptation à la remontée du niveau marin, 0,2 à 4,6 % de la population globale serait soumise à des submersions marines de récurrence annuelle en 2100 si la remontée du niveau marin moyen global est comprise entre 25 et 123 cm 29 ( * ) . En raison de leur faible élévation et de leur taille réduite, de nombreuses îles basses sont menacées par une submersion partielle ou totale induite par la remontée du niveau marin au cours du XXI e siècle et au-delà.

2. Un impact sur l'érosion côtière
a) Une part significative des côtes - notamment des plages sableuses - sont actuellement en recul

Le recul des côtes

Dans les années 1970 et 1980, l'Union Internationale de Géographie a réalisé un état des lieux global du phénomène de recul du trait de côte aux échelles de temps décennales et multidécennales dans le monde (Bird, 1987). Cette étude a révélé que l'érosion du littoral était un phénomène global, affectant des falaises de roche tendre, mais aussi un certain nombre de deltas et de marais côtiers et les plages sableuses. En particulier, cette enquête a suggéré que 70 % des plages étaient actuellement en érosion.

Si, dans la plupart des cas, les taux de recul du trait de côte observés ne dépassaient pas 1 m/an, ils représentent un enjeu significatif lorsque des constructions ont été réalisées dans le voisinage immédiat du trait de côte. Toutefois la situation demeure encore mal connue pour un grand nombre de zones côtières (par exemple les îles du Pacifique).

En Europe, les études « Eurosion » et « Corinne Erosion Côtière » ont mis en évidence que 30 % des plages étaient en recul en Europe (41 % en France métropolitaine), ce qui reste un chiffre élevé pour une forme géomorphologique d'accumulation. Elles ont montré également que 60 % des rivages limono-vaseux européens (49 % en France) sont actuellement en accrétion.

Des travaux menés dans les départements d'outre-mer ont également permis de réaliser un premier état des lieux. 25 % des 630 km de côtes de l'archipel guadeloupéen sont en érosion contre 60 % de côtes dites stables et 12 % en accrétion (dont la moitié en raison de l'action de l'homme). A La Réunion, 50 % des côtes sont en érosion (De La Torre, 2004).

Ainsi, les observations des mouvements du trait de côte montrent non seulement que l'érosion affecte une part significative du littoral dans le monde et en France, mais aussi qu'il existe des situations très diversifiées selon les sites, les régions, les différents types de côtes (plages, falaises, marais) et les forçages auxquels ils sont exposés (marées, courants, vagues, activités anthropiques).

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015 p.42

b) Très peu d'études ont pu quantifier précisément le rôle de l'élévation du niveau de la mer dans l'évolution du trait de côte actuellement observé

D'autres processus comme les effets couplés des vagues et des courants ont actuellement des influences beaucoup plus importantes sur l'évolution du trait de côte et masquent ainsi les effets de l'élévation du niveau de la mer.

Les différentes causes du recul du trait de côtes

Si l'on suppose qu'aucun ajustement morphologique n'a lieu à mesure que le niveau marin s'élève, les zones les plus basses peuvent alors être inondées. Ce régime de submersion permanente peut par exemple être observé pour certains segments du delta du Chao-Praya en Thaïlande (Uehara et al., 2010).(...)

Dans le cas général, les littoraux ne réagissent pas de manière passive à l'élévation du niveau de la mer. En effet, les sédiments de la zone littorale peuvent être déplacés par de nombreux processus, notamment les vagues et les courants (modifiant ainsi l'aspect de la zone côtière (bathymétrie, topographie)). Des matériaux peuvent être transportés par les fleuves jusqu'aux estuaires, ou bien prélevés sur les falaises ou des coraux, pour finalement être redistribués sur les côtes. Enfin, les activités humaines peuvent modifier cette dynamique de manière directe (ex : défenses côtières, rechargements en sable) ou indirecte (ex : modification des transports solides dans les bassins versants via des aménagements fluviaux ou des modifications d'occupation des sols).

L'évolution du trait de côte se manifeste à différentes échelles de temps (événementielle, saisonnière, interannuelle...) : à titre d'exemple, le recul de la côte sableuse d'Aquitaine s'effectue à un rythme de 1 à 3 m/an en moyenne (Bonneton et al., 2013), mais a atteint 20 m sur de nombreux sites après la succession de tempêtes de l'hiver 2013/2014 (Bulteau et al., 2014). Lors de la seule tempête Xynthia, des reculs du trait de côte allant jusqu'à 20 m ont été observés sur des plages de Vendée et de Charente-Maritime. Ceci est encore plus vrai pour les côtes à falaise pour lesquelles sont souvent fournies des valeurs de recul annuel. Or, ces dernières relatent très mal la multiplicité des facteurs responsables des mouvements gravitaires, ainsi que l'évolution saccadée dans le temps (évolution souvent multidécennales) et dans l'espace de ces formes d'ablation.

À titre d'exemple, le recul des falaises crayeuses de Seine Maritime est de l'ordre de 20 cm/an, mais des effondrements peuvent faire reculer le haut des abrupts de plus de 10 à 15 m en quelques secondes (Costa et al., 2004). Ainsi, les littoraux sont des systèmes dynamiques, dont l'évolution ne peut s'expliquer par la seule élévation du niveau de la mer.

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015 p.40

Pour les experts de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie 30 ( * ) , « le rôle des facteurs locaux devient généralement prépondérant lorsque l'élévation du niveau de la mer se rapproche de la moyenne globale actuellement observée (Stive 2014) (...). Ces facteurs masquent la plupart du temps les effets de l'élévation du niveau de la mer actuelle, rendant impossible leur détection.

« En résumé, les observations suggèrent qu'aucune relation systématique entre le phénomène global de recul du trait de côte et l'élévation du niveau de la mer ne peut aujourd'hui être clairement établie. Mais ce jugement est modéré par le fait que les données sur l'érosion demeurent aujourd'hui trop parcellaires pour conclure de manière définitive (Cramer et al., 2014). Il est donc nécessaire de poursuivre les efforts de collecte de données relatives à la dynamique sédimentaire côtière, afin de mieux comprendre les implications actuelles, mais aussi futures de l'élévation du niveau de la mer. »

c) Si l'aggravation des submersions marines est la conséquence la plus immédiate de l'élévation du niveau de la mer, les conséquences pour l'érosion pourraient être très différentes selon le scénario d'émissions de gaz à effet de serre

Pour les experts de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie 1 , « si l'objectif de 2°C est atteint, le niveau de la mer pourrait ne s'élever que de quelques dizaines de centimètres. De tels scénarios pourraient n'avoir que des conséquences modérées sur le recul du trait de côte. Au contraire, si la trajectoire d'émission suit ou excède les scénarios les plus pessimistes, l'élévation du niveau de la mer dépassera le mètre après 2100, voire avant pour des projections extrêmes du niveau de la mer, ce qui aura des conséquences majeures pour l'érosion des littoraux meubles et la submersion permanente de zones basses. S'il demeure possible de financer la protection de villes côtières pour ces scénarios, la seule adaptation économiquement viable consiste à se retirer de nombreuses zones côtières rurales ou périurbaines, parmi les plus basses (Wong et al., 2014) .

« La première source d'incertitudes concernant les impacts de l'élévation du niveau de la mer sur l'érosion est donc le scénario de variation du niveau marin lui-même.

« La seconde est liée aux modèles permettant de quantifier le recul du trait de côte induit par l'élévation du niveau marin. Avec les développements récents dans le domaine de la modélisation morphodynamique long terme, il devient possible de mieux anticiper les changements du trait de côte induits par l'élévation du niveau de la mer. De plus, la dynamique sédimentaire peut être affectée par d'autres manifestations du changement climatique, notamment des changements d'orientation des vagues. Il demeure donc aujourd'hui difficile d'estimer avec exactitude le recul du trait de côte futur à différentes échéances temporelles. »

d) En revanche, les zones les plus exposées à ces risques d'érosion sont aujourd'hui bien identifiées

Il s'agit principalement des littoraux meubles, particulièrement ceux pour lesquels un déficit sédimentaire est actuellement observé.

(1) Les régions sensibles : îles basses, deltas, récifs coralliens

Les zones proches du niveau de la mer ne peuvent résister à l'érosion de la houle, hors des protections artificielles, que si l'érosion est compensée par un apport naturel de matériel sédimentaire. Plus cette érosion est forte, plus la compensation par les sédiments est indispensable à la persistance du territoire.

? Dans les zones tropicales, les coraux contribuent fortement à la construction des structures servant de support aux îles et aux bordures des côtes 31 ( * ) . Les coraux sont d'autant plus fragiles qu'ils sont constitués par des ensembles complexes de nombreuses espèces animales et végétales vivant en symbiose, des biotopes ayant progressivement évolué au cours de centaines de millions d'années. Leurs conditions optimales de développement sont parfaitement adaptées au climat des zones intertropicales.

La croissance des récifs coralliens s'effectue essentiellement sur les supports existant près de la surface, souvent d'anciens récifs 32 ( * ) . Dans les zones les plus exposées, la houle pulvérise les récifs récents et, avec le vent, transporte plus haut sur la grève une partie des débris, formant ainsi les plages et les îles coralliennes. Envahies par la végétation, celles-ci participent à la protection naturelle de l'ensemble de la structure.

La montée du niveau de la mer peut être compensée par la croissance des dépôts coralliens tant qu'elle ne dépasse pas les quelques centimètres par an. Toutefois, plus l'élévation est rapide, plus la structure corallienne sera fragile et sensible au ravage des tempêtes, et le récif menacé.

En outre, les coraux supportent mal les apports de sédiments argileux en proximité des estuaires, les augmentations de température au-dessus de 29-30° C, et l'acidité des eaux due à un excès de CO² et sont très sensibles à l'acidification des océans.

Capables d'absorber le dioxyde de carbone, les océans ont vu leur acidification augmenter depuis le XIX e siècle. Une acidification près de 100 fois plus rapide qu'au cours des 55 millions d'années précédentes.

L'acidification de la Méditerranée

Une étude réalisée en 2014 par le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, organisme dépendant du CEA, offre les premières simulations détaillées de l'acidification de la Méditerranée : en 1800 et 2001, elle aurait absorbé entre 1 et 1,7 milliard de tonnes de carbone issu des activités humaines ; son Ph diminuant de 0,08 unité, soit une augmentation de 20 % de son acidité (concentrations en ions H+) 33 ( * ) . Cette évolution est similaire à celle des océans.

L'une des principales conséquences de ce phénomène est la plus grande difficulté pour un certain nombre d'espèces de former des structures calcaires.

Les spécialistes estiment qu'environ le quart des récifs coralliens des océans Pacifique et Indien ont été détruits en 1998 par la perte des algues avec lesquelles ils vivent en symbiose (le blanchiment des coraux) lors du dernier épisode majeur El Nino, et du réchauffement des eaux superficielles associé. De nombreuses zones, favorables actuellement à leur croissance, risquent de devenir défavorables.

Une étude réalisée par le Boston Consulting Group et le Global Change Institute de l'université du Queensland (Australie), publiée en avril 2015 par le World Wild Fund (WWF) montre qu' « au rythme de réchauffement actuel, les récifs coralliens, qui procurent alimentation et emplois à plusieurs centaines de millions de personnes et en assurent aussi la protection contre les tempêtes auront complètement disparu en 2050. Au-delà du réchauffement des eaux, le changement climatique induit une acidification océanique dont la résorption s'étalera sur des centaines de générations humaines ».

? Dans les régions tempérées et froides, l'apport de sédiments est le plus souvent associé à des réserves accumulées lors de périodes plus ou moins anciennes grâce à l'action des vents, des courants, des glaces ou par les rivières et les fleuves.

Les deltas 34 ( * ) sont eux aussi le résultat d'un équilibre changeant entre les apports par les fleuves et l'érosion des vagues. Leur niveau qui dépasse rarement 4 ou 5 mètres au-dessus des hautes mers, ainsi que le manque de relief, les rend très sensibles aux destructions par les tempêtes.

Les deltas ont plutôt tendance à s'enfoncer 35 ( * ) progressivement sous le poids des sédiments apportés par les fleuves. Il faut donc ajouter à l'effet de la montée des eaux celui de la descente des terres, les deux effets étendant très progressivement les zones submersibles, et les dégâts des tempêtes . Les inondations sont fréquentes et, contrairement aux récifs coralliens, l'érosion permanente n'est généralement pas compensée par les apports de sédiments, les fleuves ayant été équipés de barrages au long de leurs parcours. Depuis 1932, date du début de la construction des barrages au long du fleuve Indus, environ 20 % de la surface du delta a disparu, l'apport de sable ayant diminué de 90 %. Le Nil, depuis la construction du barrage Nasser, a réduit de 98 % ses apports de sable au delta. Son delta pourrait être exposé à la fois à l'élévation du niveau de la mer et à la salinisation des zones agricoles, ce qui pourrait causer la perte de 12 à 25 % des terres arables d'ici la fin du siècle, 5 millions de personnes étant touchées d'ici 2050.

Enfin, le cumul entre fortes précipitations et inondations en amont et montée des eaux en aval rendent ces régions particulièrement vulnérables.

(2) Une sensibilité accrue par la présence humaine

Plusieurs facteurs amplifient d'ores et déjà les dégâts créés par les tempêtes et ouragans.

D'abord l'abondance de la population : ce sont des zones très productives, pour la pêche, mais aussi pour l'agriculture vivrière. Les deltas jouent un rôle fondamental pour l'économie des contrées souvent très pauvres des zones intertropicales. Des mégapoles s'y sont installées, on estime à un demi-milliard le nombre d'habitants de ces régions.

Ensuite, la pression des besoins de construction justifie l'extraction intensive de sables, graviers et roches, contribuant à la fragilisation du sol plus activement que l'érosion des vagues, En outre, pour laisser la place à l'urbanisme touristique ou industriel, les mangroves et autres biotopes naturels sont souvent détruits ou altérés.

Enfin le pompage d'eau douce dans le sous-sol et autres extractions contribuent à l'affaissement des terrains et à la remontée des eaux saumâtres qui empoisonnent les cultures.

Les effets ne pourront que s'amplifier dans le futur, avec la montée des eaux et l'amplification des extrêmes climatiques.

Les zones exposées en France

En France métropolitaine, les régions du Languedoc, du delta du Rhône et de l'Aquitaine sont particulièrement concernées (Paskoff, 2004), mais le reste de la côte atlantique et la plaine de Corse orientale le sont également. En revanche, dans un premier temps, les conséquences de l'élévation du niveau de la mer devraient rester limitées pour les marais côtiers qui sont aujourd'hui le plus souvent en accrétion. Les lagunes littorales dont les cordons protecteurs sont les plus fragiles pourraient également être exposées à la montée du niveau marin. Celles-ci deviendraient alors plus larges, plus profondes et leurs eaux deviendraient plus salées (Paskoff, 2004). L'élévation du niveau de la mer ne devrait pas non plus significativement accélérer le recul des côtes de falaises de Haute-Normandie ou du Pays Basque. Dans ces régions, les besoins d'adaptation apparaissent donc plus localisés.

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015

3. L'impact des intrusions salines dans les aquifères36 ( * ) côtiers

Les ressources d'eau douce des aquifères côtiers sont essentielles aux différents usages du littoral. L'augmentation du niveau marin pourrait accentuer l'extension des intrusions salines dans les aquifères côtiers.

La mise en danger des aquifères côtiers

Les effets du changement climatique, notamment la modification du niveau marin et la recharge des aquifères, impacteront les aquifères côtiers sur les aspects suivants :

• modification des intrusions salines et migration dans des proportions variables de l'interface eau douce - eau salée ;

• inondation des zones basses par de l'eau de mer et infiltration de l'eau de mer vers les aquifères libres ;

• remontée de front salé via les estuaires et infiltration vers les aquifères libres ; phénomène qui pourrait être accentué par la baisse des débits des cours d'eau du fait du changement climatique et/ou l'augmentation des prélèvements ;

• contamination des eaux souterraines par le bore, en plus des chlorures des eaux marines au niveau des plaines d'inondation ;

• modification de la recharge des aquifères due à une variabilité spatio-temporelle des précipitations et de l'évapotranspiration ainsi que du volume d'eau douce et de la répartition d'eau douce dans les aquifères ;

• modification des zones de décharge des aquifères pouvant impacter les écosystèmes des zones humides ;

• augmentation du niveau piézométrique associée à l'élévation du niveau marin et à la modification du régime des précipitations pouvant occasionner des impacts sur des infrastructures du sous-sol (système d'assainissement, réservoirs enterrés, etc.).

L'intensité de ces impacts peut varier de manière significative selon les lieux, la nature des aquifères, et leurs modalités d'exploitation. Les impacts associés aux modifications des régimes de recharge et de décharge peuvent être aussi naturellement influencés par la variabilité climatique. Pour certains aquifères, l'exploitation des eaux souterraines par forage (pompage) peut accentuer les impacts potentiels du changement climatique et de l'augmentation du niveau marin.

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015

Toutefois, à l'heure actuelle, il n'existe pas d'éléments permettant de caractériser les effets de remontée océanique sur l'évolution de la salinité de ces nappes littorales.

La combinaison de différents facteurs (l'augmentation des prélèvements, les conditions de recharge différentes, l'augmentation du niveau marin, l'infiltration au niveau de zones inondées lors de submersion) explique l'augmentation de la salinité des nappes littorales. L'impact du changement climatique avec les modifications de la recharge des aquifères liées à l'évolution des précipitations et de l'évapotranspiration, et l'impact anthropique des prélèvements dans les aquifères côtiers, pourraient avoir des conséquences plus importantes que la seule remontée du niveau marin.

Enfin, les réseaux de suivi susceptibles d'analyser ces phénomènes sont peu nombreux. En France, une caractérisation de la vulnérabilité des aquifères côtiers a permis de mettre en évidence les plus sensibles et d'émettre des recommandations en termes de suivi et de gestion. Ce travail est loin d'être réalisé dans la plupart des États.

4. Les impacts sur les infrastructures côtières

Les infrastructures côtières ont pour fonction de protéger le littoral vis à vis des risques naturels (érosion marine, submersion) ou de réduire l'agitation du plan d'eau.

Dans sa contribution à l'étude de l'OCDE sur les vulnérabilités urbaines portant sur les 136 principales villes côtières (voir infra p. 45 et suiv.), Stéphane Hallegatte et ses co-auteurs estiment que les infrastructures de protection et les aménagements urbains ont été conçus pour des conditions environnementales anciennes. Dès lors, un changement même modeste du niveau de la mer sera suffisant pour les rendre inadéquate, et cela portera les pertes résultant des inondations à un niveau catastrophique.

La conception des ouvrages côtiers et portuaires bénéficie souvent d'une longue histoire d'adaptation aux conditions hydrauliques mais cette situation est variable selon les États.

Les ouvrages portuaires et littoraux

L'inventaire des ouvrages relevés sur le littoral métropolitain en France en 2012 conduit à un linéaire d'environ 500 km d'infrastructures côtières se répartissant comme suit :

• ouvrages de haut de plage : 407 km (81,7 %) ;

• ouvrages transversaux : 83 km (16,7 %) ;

• brise-lames : 8 km (1,6 %).

Concernant les ouvrages portuaires, 180 kilomètres de digues portuaires ont été répertoriés :

• 139 km de digues à talus (dont 113 km en enrochement naturel et 26 km avec une carapace en blocs bétons) ;

• 41 km de digues verticales.

Comme dans beaucoup de domaines de génie civil en France, les méthodes de dimensionnement prennent en compte un niveau d'eau extrême et de houle au droit des ouvrages. Le changement climatique est intégré, au moins partiellement, en augmentant les actions hydrauliques par anticipation et en considérant les scénarios d'élévation du niveau de la mer de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC). Le fonctionnement et la sûreté de l'ouvrage sont ensuite vérifiés sous ce scénario et un coefficient global de sécurité est appliqué pour chaque mode de rupture.

Il n'est pas certain que ce soit le cas dans tous les pays et même si des normes ou de bonnes pratiques sont prescrites, que les ouvrages soient réalisés en conformité avec celles-ci et entretenus régulièrement. On l'a vu en France lors de la tempête Xynthia en 2010 avec l'ouverture d'une brèche dans une digue fragilisée.

S'il est aujourd'hui difficile d'observer des effets du changement climatique sur les infrastructures côtières et portuaires, un certain nombre de mesures sont mises en place pour s'adapter aux conditions climatiques futures.

Cependant, une certaine forme d'anticipation des changements à venir commence à être considérée dans la pratique de l'adaptation. Ainsi, par mesure d'ajustement après un épisode tempétueux, mais aussi par stratégie d'adaptation après évaluation économique du coût des dommages, certains pays prennent l'initiative de relever leurs digues ou d'abandonner à la mer certains polders : c'est le cas des Pays-Bas et d'une partie de l'Angleterre.

L'évaluation du risque dans les infrastructures

En France, pour la « prise en compte de l'élévation du niveau de la mer en vue de l'estimation des impacts du changement climatique et des mesures d'adaptation possibles », l'ONERC (2010) a recommandé de retenir 3 hypothèses de surélévation à l'horizon 2100 :

• hypothèse optimiste : 40 cm

• hypothèse pessimiste : 60 cm

• hypothèse extrême : 100 cm

La même année, les inondations consécutives à la tempête Xynthia (Février 2010) ont mis en évidence les limites de la politique de prévention du risque de submersion marine qui était menée jusqu'alors. Ainsi, dans le cadre de la révision du guide des Plans de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) une élévation de 20 cm est d'ores et déjà prise en compte dans le calcul du niveau marin actuel. Pour le calcul du niveau marin à l'horizon 2100, 40 cm supplémentaires sont rajoutés correspondant à l'hypothèse pessimiste. Concernant la conception des digues portuaires, le niveau marin est habituellement augmenté de 1 m à l'horizon 2100 (hypothèse extrême de l'ONERC). Ces valeurs, établies en 2010, semblent désormais faibles, même si l'on ne se réfère qu'aux scénarios du GIEC de 2013 (Church et al., 2013a ; Church et al., 2013b). Quoi qu'il en soit, cette recommandation montre la pertinence de retenir le principe général des scénarios de l'ONERC, consistant à anticiper une élévation du niveau marin future en l'intégrant dans les pratiques, y compris réglementaires, d'évaluation des risques.

Notons que pour les sollicitations hydrauliques autres que le niveau de la mer, l'évolution en fréquence et en intensité des houles extrêmes n'est pas établie en France sur ces vingt-cinq dernières années. En particulier, les séries de houle disponibles, qui permettraient de confirmer ou non ces informations, n'ont pas une longueur suffisante. L'évolution des surcotes météorologiques est également beaucoup moins documentée que celle des niveaux marins ; les méthodes de calcul sont moins robustes et les incertitudes plus importantes.

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015

Selon les experts de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie 37 ( * ) , l'étude de l'impact du changement climatique sur les structures côtières montre que le renforcement des vagues à proximité des ouvrages a pour conséquence un plus fort endommagement de la carapace ainsi qu'une augmentation des débits de franchissement. Pour conserver les mêmes volumes de franchissement, l'utilisation des formules empiriques amène aux conclusions suivantes : pour une hausse d'un mètre du niveau marin, les ouvrages perméables implantés en faible profondeur doivent être rehaussés de 2 mètres environ, les ouvrages imperméables doivent être rehaussés de 3 mètres environ. En outre, les ouvrages perméables en enrochements subiront une augmentation de contraintes sur la carapace non négligeable 38 ( * ) .

5. L'impact sur la biodiversité

La montée du niveau de la mer n'a pas d'impact direct démontré sur la biodiversité. A terme, il est à craindre que le phénomène de submersion et de destructions d'infrastructures côtières polluantes atteigne le milieu marin et que des réponses en termes de protection ne viennent altérer les écosystèmes proches des côtes, lesquels sont généralement riches et constituent des lieux de reproduction pour nombre d'espèces.

En revanche, le réchauffement de la température a de multiples impacts, outre l'acidification des eaux qui fragilise les coraux et certaines espèces végétales et animales (voir supra p. 33 et suiv.), il a été observé au cours des 40 dernières années que certaines espèces de plancton se sont déplacées de 10° de latitude vers le Nord au large des côtes atlantiques européennes. Les espèces subtropicales sont de plus en plus présentes dans les eaux européennes, tandis que les espèces subarctiques se déplacent elles-aussi vers le Nord, hors des eaux européennes. Ceci a et aura un impact, sur le volume et la qualité des poissons pêchés dans les zones économiques exclusives des États riverains et pourra conduire à des différends sur l'établissement de quotas ou de zones d'exclusion.

6. Une cartographie approchée des risques

Bien qu'ancienne, cette carte publiée pour illustrer un article du Monde diplomatique 39 ( * ) illustre bien la diversité des risques liées à la montée des eaux et leur localisation à l'échelle de la planète.

Selon le GIEC, « d'ici 2100, à cause du changement climatique [...], des centaines de millions de personnes seront affectées par des submersions côtières et déplacées à cause de pertes de terres. La majorité des gens touchés se trouvent en Asie de l'Est, du Sud et de l'Est ».

Ces risques se cumulent car le changement climatique a d'autres conséquences à l'échelle mondiale, sécheresse, disponibilité en eau dans les régions semi-arides ou dépendantes de l'eau des glaciers, effet sur les productions agricoles et la sécurité alimentaire.

Face à cet ensemble de risques, les pays les plus pauvres seront les plus atteints : « Les risques sont inégalement répartis et sont généralement plus grands pour les populations et communautés désavantagées » .

7. En résumé

Les impacts de la montée du niveau de la mer sont multiples et peuvent se cumuler.

La vulnérabilité des territoires et des populations sera fonction des probabilités de cumul des phénomènes climatiques et météorologiques, de la configuration des côtes et du niveau de protection offerts par les reliefs naturels (dunes, coraux.) qu'il importe de sauvegarder et les ouvrages artificiels mis en place, qu'il faudra rehausser et recalibrer, mais aussi des activités humaines qui fragilisent les côtes (pompage des eaux souterraines, exploitation des gisements de pétrole...).

La cartographie précise des risques reste à réaliser, à commencer dans les régions les plus vulnérables.

Ces travaux supposent des outils et des compétences dont sont dépourvus nombre d'États. Elles ont un coût. Il est probable que les Etats les plus développés seront en mesure de financer de tels travaux. La capacité des pays les plus pauvres est beaucoup plus incertaine sans l'appui des pays les plus riches.

C. UN RISQUE AGGRAVÉ PAR LA LITTORALISATION DES HABITATS ET DES ACTIVITÉS

1. La tendance actuelle de concentration des activités et des populations sur les littoraux s'accentue depuis un demi-siècle et accroît la vulnérabilité des sociétés humaines

Impacts des dérèglements climatique et météorologique et accroissement de la population et des activités dans les zones littorales se cumulent sur l'échelle des risques.

a) Un phénomène massif

La pression urbaine et touristique est toujours plus forte sur les côtes, les plus menacées par les changements climatiques et les risques de submersion.

Plus de 20 % de la population mondiale vit actuellement à moins de 30 km des côtes , plus de 50 % dans les zones côtières à moins de 100 km du rivage et 60 % dans la grande zone côtière . 3,8 milliards de personnes résident à moins de 150 km du rivage d'après l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Les projections démographiques 40 ( * ) prévoient que plus de 75 % de la population mondiale y vivra d'ici 2035.

L'urbanisation du littoral expose une part importante de la population au risque d'inondation. Selon l'OMM 41 ( * ) , entre 1970 et 2010, l'effectif moyen de la population exposée aux inondations chaque année a augmenté de 114 % à l'échelle du globe, alors que la population mondiale augmentait de 87 %, passant de 3,7 milliards à 6,9 milliards. Le nombre de personnes exposées aux fortes tempêtes a presque triplé dans les régions sujettes aux cyclones, soit une hausse de 192 %.

Les communes littorales et leurs arrière-pays connaissent un taux d'urbanisation beaucoup plus élevé que la moyenne. En Amérique du Nord, 55 % des habitants des États-Unis et 25 % de ceux du Canada vivent dans des zones côtières. Aux États-Unis, la population côtière croit quatre fois plus rapidement que celle de l'intérieur.

En Asie, plus de 40 % de la population (environ 2 milliards de personnes) vit à moins de 60 km des côtes.

Partout dans le monde, ce sont souvent des villes côtières qui détiennent les records de croissance urbaine. Les villes de Bombay, Canton, Shanghai, Miami, Hô-Chi-Minh-Ville, Calcutta, Alexandrie, La Nouvelle-Orléans, ainsi que les mégapoles de New-York et d'Osaka-Kobé sont les plus vulnérables du point de vue du nombre d'habitants exposés.

La population littorale en France

En France, les 885 communes du littoral représentent 4 % du territoire et 6,1 millions d'habitants (en 2006), soit un peu plus de 10 % de la population et une densité de 281 hab/km². Après une progression de 2 5% entre 1968 et 2006, cette population s'est stabilisée mais la population des communes péri-urbaines de l'arrière-pays continuent de progresser. Ces communes accueillent également une population saisonnière nombreuse avec une capacité d'accueil touristique de 7 millions de lits.

En 2015, environ un habitant sur quatre et un emploi sur trois seraient directement concernés par le risque d'inondation, en raison de l'augmentation de l'urbanisation, en particulier dans les vallées alluviales ou les marais arrières-littoraux. Malgré les plans de prévention, de nouvelles constructions continuent à être édifiées dans des zones potentiellement inondables, et selon certains experts « 15 % de la population française (neuf millions de personnes) » vit « dans des secteurs qui, à plus ou moins long terme, seront touchés par une inondation d'intensité remarquable 42 ( * ) ».

b) Un phénomène destructif

Les possibilités de développement étant réduites, de nombreuses constructions ont été réalisées après assèchement de zones humides et de marais littoraux.

Cette urbanisation a donc un impact sur l'environnement. On estime ainsi que 5 à 10 km de littoral sont touchés par le développement tous les jours. Des zones de nourriceries 43 ( * ) , vasières côtières ou mangroves sont polluées, détériorées ou détruites, ce qui rend ces régions plus vulnérables encore aux aléas climatiques car elles constituent des amortisseurs aux phénomènes de vagues et de houle.

2. La fréquence croissante des aléas et la littoralisation des populations et des activités augmentent de façon considérable les dégâts causés par les inondations

L'accroissement de la fréquence et de l'intensité des phénomènes extrêmes n'est pas l'unique facteur de l'augmentation des pertes observées. D'autres facteurs entrent en jeu, comme l'exposition des populations et des biens mais aussi les meilleures informations sur l'importance des dommages liés au développement des systèmes de recension et d'assurance.

Pour certains experts 44 ( * ) , pour une hausse de 40 cm à l'horizon 2080 et même en présence de mesures de protection des côtes importantes, le nombre de personnes touchées annuellement par une inondation serait de 93 millions (13 millions sans hausse du niveau des mers). Pour ce scénario, le plus lourd tribut serait supporté par les zones littorales de l'océan Indien (Pakistan, Inde, Bangladesh, Birmanie) (55 % des victimes) d'Indonésie et des Philippines (23 %), de l'Afrique et de l'est du bassin méditerranéen (15 %).

Selon les données fournies par le Centre de recherche sur l'épidémiologie des désastres (CRED), entre 2001 et 2010, plus de 370 000 personnes ont trouvé la mort en raison de conditions météorologiques et climatiques extrêmes telles que vagues de froid ou de chaleur, sécheresses, tempêtes et inondations, soit une hausse de 20 % par rapport à la décennie 1991-2000. Si les vagues de chaleurs qui ont frappé l'Europe en 2003 et la Fédération de Russie en 2010 participent à l'augmentation exponentielle du nombre de victimes 45 ( * ) , tempêtes et inondations restent un facteur de risques important.

L'accroissement des populations sinistrées

D'après les données dont dispose l'OMM, les inondations représentent le phénomène extrême le plus fréquemment observé tout au long de la décennie. L'Europe orientale a été particulièrement touchée en 2001 et 2005, l'Inde en 2005, l'Afrique en 2008, l'Asie (en particulier le Pakistan où 20 millions de personnes ont été sinistrées et 2 000 ont trouvé la mort) en 2010 et l'Australie également en 2010.

À l'échelle du globe, un total de 511 tempêtes a été observé pendant la décennie 2001-2010. Elles ont fait près de 170 000 victimes et plus de 250 millions de sinistrés, et provoqué des dommages estimés à 380 milliards de dollars.

On remarque toutefois qu'elles ont fait moins de victimes pendant la décennie 2001-2010 qu'au cours de la précédente. La baisse de 16 % du nombre de victimes des tempêtes et de 43 % pour les inondations est due en grande partie à l'amélioration des systèmes d'alerte précoce et des mesures de prévention. Le nombre de victimes a donc diminué alors même que les populations sont toujours plus exposées aux phénomènes extrêmes en raison de la croissance démographique et du fait que les zones vulnérables sont de plus en plus peuplées.

Mais alors que le risque de décès et de blessure associé aux tempêtes et aux inondations a diminué, la vulnérabilité des biens a augmenté , car l'expansion des ressources socio-économiques et des infrastructures s'est accompagnée d'une hausse du nombre de biens exposés et d'une augmentation de leur valeur.

a) L'étude de l'OCDE sur les dommages résultant des inondations

S'agissant des risques-coûts pour le patrimoine, une étude publiée en août 2013 par l'OCDE 46 ( * ) , dirigée par M. Stéphane Hallegatte, entendu par le groupe de travail, et portant sur les 136 plus grandes villes côtières a montré qu'en 2005, les dommages imputables aux inondations étaient estimés à 6 milliards de dollars par an.

Recensement des vulnérabilités

L'étude effectue un classement en termes absolus (valeur du patrimoine exposé à un risque centennal en tenant compte du degré de protection) et en termes relatifs (ratio valeur du patrimoine exposé/produit intérieur brut de la ville) d'où il ressort que parmi les 10 premières villes exposées à raison de la valeur de leur patrimoine (y compris les ouvrages de protection) figurent 5 villes des États-Unis (Miami 2°, New-York-Newark 3°, La Nouvelle-Orléans 3°, Tampa-St Petersburg 7° et Boston 8°), 2 villes chinoises (Canton 1° et Shenzhen 9°), 2 villes japonaises Nagoya 6° et Osaka-Kobé 10°) et une indienne (Bombay 5°). En revanche, en termes relatifs, les cités des pays en développement s'avèrent plus vulnérables puisqu'on compte 3 villes chinoises (Canton 1°, Zhanjiang 6° et Shenzhen 10°), 4 villes d'Asie du sud (Ho Chi Minh Ville 4°, Bombay 7°, Khulna-Bangladesh 8°, Palembang-Indonésie 9°), une ville d'Amérique du Sud (Guayaquil-Équateur 3°) et une ville d'Afrique (Abidjan 5°), pour une seule aux États-Unis (La Nouvelle Orléans 2°).

L'étude montre également l'importance des infrastructures de protection pour réduire l'exposition au risque, comparant Amsterdam très exposée mais très protégée à Ho Chi Minh Ville moins soumise au risque mais peu protégée.

Elle expose enfin la concentration des enjeux en termes financiers sur quelques grandes villes (3 américaines concentrent 31 % des risques en valeur absolue), ce qui montre que des investissements ciblés peuvent avoir un impact fort en termes de réduction des coûts.

L'étude comprend également des scénarios prospectifs combinant évolution socio-économique et changement environnemental, affaissement et montée du niveau de la mer. A l'horizon 2050, du seul fait de l'évolution socio-économique, des dommages seraient de 52 milliards de dollars par an. En intégrant les facteurs environnementaux, ils passeraient à 63 milliards et si aucune adaptation n'est réalisée, avec une augmentation des dommages, le montant global atteindrait 1 000 milliards de dollars.

Villes émergentes en première ligne

Si les villes déjà citées restent parmi les plus vulnérables en termes absolus et relatifs, une présence plus importante des villes des pays émergents ou en développement est observée.

En termes absolus, à côté de 3 villes américaines (Miami 6°, New York Newark 8° et La Nouvelle Orléans 10°), on relève la présence de 3 villes chinoises (Canton 1°, Shenzhen 5°, et Tianjin 7°), 2 villes indiennes (Bombay 2° et Calcutta 3°) et enfin Ho Chi Minh Ville (9°) et Guayaquil (4°). En termes financiers, les enjeux sont concentrés sur Canton et Bombay.

En terme relatifs, on retrouve une répartition géographique équivalente : 4 villes chinoises (Canton 1°, Zhanjiang 6°, Shenzhen 8° Tianjin 10°), 2 villes américaines (La Nouvelle-Orléans 2° et Miami 9°) ; Guayaquil (3°) Abidjan (4°), Ho Chi Minh Ville (5°) et Bombay (7°) complète ce tableau.

La prise en compte des facteurs environnementaux fait entrer dans le classement de nombreuses villes construites sur des deltas (Canton, Calcutta, Guayaquil, Tianjin, Ho chi Minh Ville, La Nouvelle Orléans, Djakarta, Zhanjiang, Bangkok, Xiamen, Nagoya....

Les villes pour lesquelles la croissance de la valeur du ratio patrimoine exposé à un risque centennal en tenant compte du degré de protection/PIB progresse le plus, sont concentrées dans le Bassin de la Méditerranée (Alexandrie, Naples, Beyrouth, Izmir, Marseille, Athènes, Bengazi, Tel Aviv et Alger), le Golfe du Mexique (Barranquilla, Saint-Domingue, Houston, La Havane, Port au Prince) et l'Asie du Sud (Djakarta, Fuzhou, Ningbo et Shanghai.). Elles sont considérées comme les villes où le risque d'inondation devrait s'accroître le plus. Parmi ces villes dominent des villes très peuplées, en croissance rapide, pauvres, « exposées aux tempêtes tropicales et sujettes à un affaissement ».

L'étude donne l'exemple d'Alexandrie pour laquelle le maintien du risque relatif requiert une protection supérieure à l'élévation du niveau de la mer. Une protection supérieure de 10 % divise la probabilité d'inondation par 2,7. Mais si une inondation survient, en raison des seules évolutions environnementales, les pertes seraient multipliées par 3.

Ne pas prendre de mesure de protection n'est pas une solution viable pour ces villes. Il est difficile d'estimer le coût de la protection nécessaire car elle dépend du contexte de chaque cité et des modes de protections adaptés. L'étude estime néanmoins à 350 millions de dollars par an et par cité en moyenne les dépenses à engager, soit au total pour les 136 villes étudiées un montant annuel de 50 milliards de dollars par an.

D'une manière générale, l'étude considère comme possible la réduction de l'aléa mais lorsqu'il surviendra, les pertes seront plus élevées. Cela marque les limites des capacités des infrastructures de protection et montre le besoin de se préparer au niveau local, national et régional à subir ces désastres en renforçant les programmes de résilience aux catastrophes, y compris les systèmes d'alertes et d'évacuation, des schémas d'assurance plus souple et plus adaptés et d'autres formes de réponse pour reconstruire rapidement les communautés affectées par les catastrophes.

b) L'étude de la société de réassurance Munich Re

Cette analyse est corroborée par l'étude menée par Munich Re sur la base de la classification des États opérée par la Banque mondiale par niveau de revenu et les statistiques portant sur 19 500 évènements ayant entraîné des dommages de 1980 à 2012 contenues dans sa base de données.

Pertes par groupe de revenus liées aux catastrophes naturelles

Ces statistiques montrent :

- que dans les récentes décennies, le nombre d'occurrences attribuées aux catastrophes en raison d'évènements climatiques ou météorologiques a été significativement plus important dans les régions à faibles revenus que dans les régions développées à hauts revenus ;

- que les pertes générées en valeur sont plus importantes dans les économies à hauts revenus, mais que ces pertes ont un impact beaucoup plus grave sur les Etats les plus pauvres, parce qu'elles représentent une proportion plus importante de leur PIB.

Qu'il se manifeste par des évènements météorologiques graves ou des évolutions imperceptibles et graduelles, le changement climatique conduit à une détérioration des conditions de vie et rend hautement probable la croissance de la pression migratoire dans les prochaines décennie s, en conclue Nikolaus von Bomhard, président du directoire de Munich Re, l'un des principaux réassureurs mondiaux, dans une conférence donnée lors de la 15 e conférence sur le sécurité de Munich en 2014. Cela est surtout vrai des pays émergeants ou en développement car en raison de leur situation économique déjà fragile, ils ne seront pas capables de s'adapter de façon adéquate au déficit de l'approvisionnement en produits alimentaires ou à des problèmes comme celui de la montée du niveau de la mer.

3. Les populations les plus pauvres sont les plus grandes victimes des catastrophes naturelles

Comme l'ont établi Philippe Ambrosi et Stéphane Hallegatte 47 ( * ) , les submersions et les phénomènes météorologiques extrêmes frappent les différentes régions du monde de façon très inégalitaire : « les pays pauvres sont situés dans des zones plus vulnérables (régions cyclonique ou de mousson) et leurs infrastructures protègent mal la population. Il est frappant de voir que les pays les plus riches supportent 40 % des pertes économiques et 2 % des décès alors que les pays les plus pauvres supportent 12 % des pertes économiques mais 80 % des décès 48 ( * ) . Bien que faibles en valeur, il faut bien voir que les dommages infligés aux pays en développement n'en représentent pas moins une fraction souvent substantielle de leur PIB avec des conséquences lourdes pour leurs économies et leurs habitants ».

Les conséquences sur la répartition des revenus et sur l'économie en général d'un accroissement en fréquence et en intensité des catastrophes naturelles sont différentes selon le niveau de développement.

« Dans les pays riches, les pertes (dégâts sur les bâtiments et les infrastructures) sont principalement subies par les ménages les plus aisés (souvent propriétaires du bâti) , les assurances et l'État auxquels s'ajoutent toutefois certaines catégories sociales vulnérables (paysans et pêcheurs) La reconstruction peut offrir de nombreux emplois non-qualifiés à des travailleurs particulièrement frappés par le chômage, jouant un rôle de relance keynésienne.

« Dans les pays en voie de développement, par contre, l'effet est inversé : comme les pertes sont essentiellement humaines, ce sont les catégories de population les moins éduquées et informées, qui n'habitent pas des logements en dur et qui travaillent en extérieur qui sont les plus durement touchées. » Au niveau économique, l'agriculture et la pêche qui font vivre des populations pauvres sont souvent les plus vulnérables et les pertes subies ne peuvent être réparées que très progressivement, ce qui peut entraîner un renforcement de la pauvreté, des déplacements de population et des situations conflictuelles graves.

4. Une insuffisante culture du risque et une confiance totale à la technologie conduisent à sous-estimer les risques

Nos ancêtres évitaient de construire dans les zones à risque. Aujourd'hui, cette prudence a disparu. Malgré la surabondance d'informations, elle n'a pas été remplacée sauf exception par une « culture du risque » comme l'ont montré de récents rapports du Sénat 49 ( * ) . L'installation en plus grand nombre de population dans les zones littorales dans des endroits insuffisamment protégés par un cordon de dune ou une digue ou en bordure de falaises fragiles a accru considérablement leur exposition aux risques.

Les ports dont les quais n'ont pas été construits assez haut peuvent d'ores et déjà dans certaines communes être sujets à débordement par grand coefficient de marées avec des risques pour les installations (commerces, industries) construites directement ou en arrière des quais, sans précaution spéciale pour leurs réseaux électriques, ni protection contre l'arrivée des eaux.

Ces risques sont aggravés lorsqu'il s'agit d'installations industrielles à risque pouvant entraîner outre un arrêt de la production, des dégâts aux installations et une pollution de l'environnement. Le cas de la centrale de Fukushima à la suite du tsunami peut être cité en exemple. Les normes de sécurité des centrales nucléaires, qui ont besoin d'être situées en façade maritime ou en bord de rivière pour le refroidissement des installations, ont été établies pour parer ce risque, mais en fonction des prévisions de montée du niveau de la mer et en prenant en compte les cumuls de risques météorologiques ou géologiques. Il conviendra sans doute de revoir la sécurité et le niveau de protection de ces installations pour s'assurer de leur résistance aux scénarios les plus pessimistes et en tout cas de s'assurer que les normes de constructions actuelles s'appuient sur ceux-ci.

« L'Évaluation nationale du climat 50 ( * ) » publiée aux États-Unis montre par exemple qu'en Louisiane, l'industrie pétrolière est mise en péril par le recul des côtes et la vulnérabilité de la route n° 1 et qu'en Californie de nombreuses centrales thermiques sont exposées à la montée des eaux.

Les submersions marines font apparaître également un autre problème très critique en zone littorale : celui de la gestion des eaux usées et de la saturation des réseaux. L'insuffisance de protection des puits de refoulement conduit à une évacuation vers le milieu marin avec des risques sanitaires évidents.

L'homme a connu des inondations tout au long de son histoire. Il saura s'en protéger, s'il le souhaite et s'il le peut, en résistant par des protections suffisamment puissantes (ex : Pays-Bas), en adaptant son architecture (maisons sur pilotis ou maison flottantes) et son économie ou en se réinstallant dans des zones hautes. Mais l'adaptation sera beaucoup plus difficile à réaliser pour protéger l'ensemble des ports, des villes et des zones densément peuplées proches du niveau de la mer, avec une montée des eaux pouvant atteindre le mètre ou plus d'ici cent à cent cinquante ans. Les économistes considèrent que la moitié de la population mondiale sera concernée à l'échelle globale. Les travaux seront longs. Leur achèvement éventuel prendra des générations. L'existence d'une économie florissante et une politique généreuse et ferme seront les conditions indispensables pour trouver le financement.

Sans investissement de grande ampleur, les habitats des zones basses, en particulier dans les pays en développement, disparaîtront ou migreront. Des millions de personnes seront ainsi condamnées d'ici quelques dizaines d'années, parce qu'elles n'auront pas la possibilité de se protéger. Les facteurs de crise sociale et de guerre ne pourront que se développer. A titre d'exemple, le recouvrement par les eaux de mer des zones deltaïques risque de provoquer des migrations à l'intérieur des pays ou dans des pays voisins. L'altitude moyenne du Bangladesh est de 10 mètres. En cas d'augmentation, même minime du niveau de la mer, une bonne partie des habitants du sud du pays devrait migrer vers le nord, y compris jusqu'en Inde. De même, en Égypte, une augmentation de 50 centimètres du niveau de la mer Méditerranée provoquerait le départ de 4 millions de personnes fuyant le delta du Nil.

Le Bangladesh, le delta du Nil et les autres zones basses des pays pauvres ne seront pas les seuls à être exposés. Il y a aussi des pauvres dans les pays riches, qui n'ont pas les moyens de se réinstaller ailleurs. Le désastre de La Nouvelle-Orléans après le passage de l'ouragan Katrina l'a clairement montré. Les pays riches peuvent aussi être directement touchés par les catastrophes naturelles.

Les dégâts s'accentueront dans le futur, si nous sommes dans l'incapacité de changer notre façon d'appréhender ces problèmes. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier que si la montée des eaux ne concernera directement que les régions littorales, les autres régions seront touchées indirectement par les déséquilibres, économiques, politiques et sociaux qui en dériveront.

Or nos sociétés n'arriveront à se mobiliser que par une profonde révolution des mentalités. Cette révolution doit être préparée et commencée à l'échelle des individus.

Comme l'indiquent les experts de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie 51 ( * ) , « pour évaluer des coûts de dommages potentiels futurs, il est nécessaire de réaliser non plus une carte pour un scénario donné, mais une réelle carte d'aléa , croisant fréquence et intensité des submersions marines épisodiques, ainsi que les mouvements du trait de côte induits par la submersion permanente, l'érosion et l'accrétion. Il est également nécessaire de disposer de bases de données permettant d'évaluer les coûts des dommages directs constatés sur des événements passés. En pratique, les dommages potentiels induits par des événements de submersion aggravés par l'élévation du niveau marin sont difficiles à évaluer : par exemple, les travaux de Hallegatte et al. (2011) ont montré à travers l'exemple du cyclone Katrina (2005) que les dommages indirects ne pouvaient être déduits simplement d'une évaluation des dommages directs. En tout état de cause, des niveaux d'incertitude importants sont associés aux évaluations existantes des coûts potentiels des dommages induits par les submersions marines dans le contexte du changement climatique ». Et de déplorer que « de telles évaluations restent aujourd'hui des exercices de recherche. »

D. LA CROISSANCE DES MIGRATIONS ENVIRONNEMENTALES

Confrontées à la détérioration de leur environnement, les sociétés humaines n'ont que deux réponses possibles : soit agir sur les causes de la détérioration, soit agir sur ses conséquences en s'adaptant en permanence aux nouvelles situations engendrées par celle-ci.

En pratique, les réponses empruntent le plus souvent des éléments de chacune des options : une stratégie d'atténuation et une stratégie d'adaptation. Pour autant, Nikolaus von Bomhard estime que la réponse humaine la plus probable, dès lors que les conditions environnementales ne pourront pas connaître une amélioration avant une période très longue, qu'elles excèderont la capacité des sociétés à s'adapter et renforceront les disparités dans la distribution des richesses sera de projeter leur existence future vers des zones géographiques offrant ou supposées offrir des meilleures conditions de vie. « Dans une perspective historique, l'émigration a toujours été une stratégie de survie pour échapper aux situations désespérées. Aussi, il est possible aujourd'hui que des détériorations sévères de l'environnement, particulièrement dans les régions à forte croissance démographique, entraîne une pression migratoire croissante. Et cela constituera une menace pour les autres sociétés 52 ( * ) ».

a) Le changement climatique : un des facteurs explicatifs des migrations

La question des migrations environnementales présente sur la scène internationale depuis les années 70 est liée au débat sur l'adaptation au changement.

Les causes des déplacements des populations restent les mêmes : la dégradation de l'environnement de vie, que ce soit par la violence ou la misère. Les changements climatiques sont susceptibles d'accélérer, à l'échelle d'une génération, cette dégradation : élévation du niveau des mers, fonte des glaciers, désertification et stress hydrique, détérioration des écosystèmes, raréfaction des ressources naturelles, baisse de la production agricole, évènement climatique extrêmes.

Les effets du changement climatique ne sont uniformes ni dans le temps ni dans l'espace. Si les catastrophes naturelles peuvent avoir des conséquences immédiates et directes sur les déplacements de population, les effets des changements à plus longue échéance, comme la désertification, l'élévation du niveau des mers ou la raréfaction des ressources naturelles, induisent des conséquences moins directes et immédiates sur les populations affectées, jusqu'à et y compris des troubles sociaux et à la violence attribuables au changement climatique.

De manière générale, il est difficile de quantifier le phénomène dans la mesure où le lien entre la dégradation de l'environnement et la décision de se déplacer reste difficile à établir de manière directe : le changement climatique est souvent l'un des facteurs - mais pas le seul- qui entre en compte dans la décision de quitter son foyer. Il n'existe donc pas de consensus sur la mesure de l'ampleur des déplacements de population trouvant leur cause dans le changement climatique.

Bien évidemment, l'attribution d'une part du changement climatique aux activités humaines donne à cette question une dimension nouvelle et dans des proportions inédites puisque le problème ne fait que s'aggraver.

b) Une quantification difficile

S'agissant des estimations quantitatives, de nombreux chiffres ont été évoqués, qui restent pour la plupart au stade de prévisions et traduisent mal la réalité d'un phénomène complexe.

Déplacés environnementaux chaque année

Source : IDMC - Disaster-related displacement risk : measuring the risk and addressing its drivers, mars 2015

Le Haut-Commissariat aux réfugiés estimait en 2005 qu'environ 24 millions de personnes dans le monde étaient déplacées en raison des inondations, des famines et d'autres catastrophes environnementales. Selon l'Office fédéral allemand des migrations, en 2010, les inondations ont provoqué le déplacement de 15 millions de personnes en Chine et de 11 millions de personnes au Pakistan. Selon les estimations de l'IDMC, 8,1 millions de personnes ont été déplacées par des catastrophes brutales en Afrique au cours de la seule année 2012.

L'observatoire sur l'étude des déplacements de population (IDMC) 53 ( * ) estime à 27,5 millions le nombre de personnes ayant quitté leur foyer en moyenne chaque année entre 2008 et 2013 en raison de facteurs écologiques. Pour 2013, l'Asie est le continent le plus touché (87 % des déplacements) mais également le Sahel et les États insulaires d'Océanie et des Caraïbes. Les États de l'OCDE ne sont pas épargnés, notamment le Japon et les États-Unis.

François Gemenne, chargé de recherche au CEDEM (Université de Liège) indique qu'au cours des cinq dernières années, entre 2008 et 2012, 142 millions de personnes ont été directement déplacées par des catastrophes naturelles. En 2012, plus de 30 millions ont été brutalement déplacées par des inondations, des ouragans ou des sécheresses, très souvent en Asie du Sud et du Sud-Est.

L'élévation du niveau de la mer au même titre que les changements de fréquences et d'intensité des tempêtes, les changements de phénomènes de pluies, les hausses de températures et les changements de la chimie atmosphérique contribuent à ce phénomène. 54 ( * )

Déplacés environnementaux par cause

Source : IDMC - Disaster-related displacement risk : measuring the risk and addressing its drivers, mars 2015

Les déplacements sont plutôt internes - limités au territoire d'un pays - qu'internationaux, notamment en raison des obstacles posés aux passages des frontières. Ces quarante dernières années, le nombre de personnes déplacées par des catastrophes naturelles a augmenté de 60 %, selon les calculs de l'IDMC 55 ( * ) . Dans le monde, à la fin 2014, les conflits avaient déplacé 38 millions de personnes dans leur propre pays, et 19,3 millions de déracinés intérieurs l'étaient à cause d'une catastrophe naturelle 56 ( * ) .

c) Des prévisions inquiétantes

Plus inquiétant, 13 des 33 pays classés comme « fragiles » et « en situation de conflit » par la Banque mondiale souffraient aussi en 2014 d'une proportion significative de « nouveaux déplacements » causés à la fois par un conflit et un fléau naturel. Le changement climatique semble jouer ici un rôle et ne cessera même d'aggraver la situation : selon un rapport de la Brookings Institution 57 ( * ) , dans un futur proche, le changement climatique conduira à « des mouvements de populations de grande ampleur » , pour lesquels « les pays en développement paieront le plus lourd tribut » .

L'absence d'une définition consensuelle de la notion de déplacés climatiques a pour conséquence des estimations très variables selon les études et la méthodologie retenues de 150 millions (ONU) à 212 millions (Myers) et jusqu'au milliard ( Christian Aid ).

Selon le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), une augmentation du niveau des mers de 50 cm (qui a de fortes chances de se produire avant la fin du siècle) forcerait 72 millions de personnes à se déplacer. Avec une montée des eaux de 2 m, ils seraient 187 millions.

L'Organisation internationale des migrations (OIM) estime que le nombre de déplacés environnementaux pourraient atteindre 200 millions d'ici à 2050. Selon les prévisions du Haut-Commissaire adjoint pour les réfugiés, 250 millions de personnes d'ici 2050 pourraient être contraintes de quitter leur foyer en raison de catastrophes naturelles et des effets du dérèglement climatique.

Il est encore plus difficile d'estimer les impacts des changements environnementaux sur les trajectoires migratoires et les possibles stratégies d'adaptation.

Les pires crises humanitaires causées par des catastrophes naturelles ou des conflits en 2010

Certaines études, notamment réalisées pour le compte de l'exécutif américain, appellent à considérer les migrations comme une stratégie d'adaptation au changement climatique dans les pays développés 58 ( * ) .

L'analyse stratégique américaine des déplacés climatiques

La récente feuille de route sur l'adaptation au changement climatique du Département américain de la défense considère que « les migrations humaines ne sont pas une option à écarter. Il existe un consensus parmi les gouvernements, y compris leurs institutions habituellement en charge de l'analyse des traditionnelles menaces pour la sécurité pour considérer que le changement climatique est et aura un effet remarquable sur les migrations humaines ». Pour Sandra Fatoric ( The Center for Climate and Security), les pays développés et non pas seulement ceux en développement devraient sérieusement envisager les migrations comme une option viable d'adaptation au changement climatique. Or la littérature sur cette matière est minimale pour ne pas dire inexistante.

Selon la Quadrennial Homeland Security Review (QSHR) de 2014, deux des cinq plus importantes menaces auxquelles sont confrontés les États-Unis sont le faible niveau de préparation des organisations qui devront faire face avec l'immigration et les catastrophes naturelles, toutes deux exacerbées par le changement climatique. « Il devient de plus en plus coûteux de répondre aux catastrophes naturelles, dont les conséquences dépendent de plus en plus de facteurs comme le changement climatique et la vétusté des infrastructures » 59 ( * ) . L'exemple le plus emblématique d'un défi en termes de migration humaine en réponse à un évènement climatique s'est déroulé dans le Golfe du Mexique. En 2005, l'ouragan Katrina qui s'est abattu sur la Louisiane et le Mississippi a entraîné le déplacement permanent de 100 000 à 300 000 résidents, et des dommages d'un montant avoisinant les 34 milliards de dollars 60 ( * ) .

Ces phénomènes peuvent également avoir des conséquences au niveau sécuritaire, notamment en termes de gestion des flux de populations et de traitement de ce phénomène par les Etats touchés.

En 2009, sur la base de plusieurs scénarios concernant les déplacements liés au changement climatique, une étude financée par l'Union européenne concluait que le changement climatique affectera un nombre croissant de communautés et deviendra un facteur croissant des migrations. Dès lors, il est important de se préoccuper de cette question à un niveau politique 61 ( * ) .

E. DES RISQUES ACCRUS D'INSTABILITÉ ET DE CONFLICTUALITÉ

Comme le font observer Philippe Ambrosi et Stéphane Halegatte 62 ( * ) , « tout en reconnaissant que les dégradations du milieu et la rareté des ressources naturelles peuvent engendrer violence et conflits, la communauté scientifique refuse pour autant toute lecture purement malthusienne qui s'en tiendrait à une causalité unique et directe, niant la nature multifactorielle de telles crises. En effet, c'est en interaction avec d'autres facteurs d'ordre socio-économique (pression humaine, degré de pauvreté et amplitude des inégalités, tensions communautaires, ethniques ou religieuses, degré d'organisation et légitimité des cadres institutionnels) que la dégradation de l'environnement contribue à l'émergence de troubles sociaux et politiques. Et cette influence se fait de manière indirecte : renforcement des menaces sur la sécurité alimentaire et les ressources en eau, contraintes supplémentaires sur le développement économique, accroissement de la pauvreté, aggravations des tensions communautaires et creusement des inégalités.... ».

Le rapport 63 ( * ) « A New Climate for Peace » produit pour le G7 est sans équivoque : « Le changement climatique va mettre sous tension nos systèmes économiques, sociaux et politiques. Là où les institutions et les gouvernements sont incapables d'apaiser ces tensions ou d'amortir les chocs du changement climatique, les risques d'instabilité pour les États et les sociétés augmenteront ».

« Les principaux risques surviennent quand les impacts du changement climatique surchargent les États faibles. Le changement climatique est l'ultime « multiplicateur de menaces » : il aggravera des situations déjà fragiles et pourrait contribuer au déclenchement d'émeutes sociales et même à de violents conflits . »

Parmi les 7 menaces identifiées relevant du changement climatique et de la fragilité, le rapport met en évidence l'élévation du niveau de la mer et la dégradation des côtes, ainsi que les phénomènes météorologiques extrêmes, mais aussi les effets inattendus des politiques de lutte contre le changement climatique 64 ( * ) .

Les menaces climatiques d'après le rapport du G7

L'élévation du niveau de la mer et la dégradation des côtes.

L'élévation du niveau de la mer menacera la viabilité des régions de très basse altitude avant même leur submersion, conduisant à des désordres sociaux, des déplacements et des migrations, et les désagréments sur les délimitations maritimes et pour l'exploitation des ressources des océans s'accroîtront .

Les estimations actuelles suggèrent qu'aucun pays ne sera entièrement submergé au cours de ce siècle. Néanmoins, comme des terres et des ressources sont progressivement perdues, la viabilité économique de certaines régions côtières décroîtra sensiblement. Les dommages consécutifs à l'accroissement des ouragans et des tempêtes seront plus sévères et les risques pour l'avenir de ces terres et ressources plus critique. Ces changements pourraient conduire à des déplacements de population jusqu'à des migrations internationales, accroissant le risque de tensions et de conflits dans les régions d'accueil. L'élévation du niveau de la mer altèrera aussi la délimitation des frontières et déclenchera des différends à propos des délimitations maritimes, les voies de circulation et l'accès aux ressources.

Les phénomènes météorologiques extrêmes

Les phénomènes météorologiques extrêmes aggraveront les fragilités et accroîtront la vulnérabilité des populations et les revendications spécialement dans les situations conflictuelles.

Les désastres mettent une pression supplémentaire sur des gouvernements déjà sous tension, abaissent les opportunités économiques et déplacent les populations. Les insuffisances des systèmes de secours, de prévention et d'assurance et autres méthodes pour prendre en charge les impacts des catastrophes peuvent nourrir les revendications, notamment si les aides de l'État ou internationales sont inadéquates ou inéquitablement distribuées. Des interventions humanitaires insuffisantes peuvent aussi exacerber les risques de conflits. De surcroît, les situations de fragilité ou de conflit, les catastrophes sapent ou empêchent les efforts pour accroître la résilience, accroissant d'autant l'ampleur de leurs conséquences. Inversement, les efforts en matière de réduction des risques et de gestion des crises peuvent créer des opportunités pour renforcer la résilience au risque climatique mais aussi en faveur de la paix.

Source : rapport du G7

1. Un risque pour l'économie internationale
a) Une contribution à la vulnérabilité des productions agricoles pour la sécurité alimentaire

Une grande majorité des experts s'accorde sur une transformation importante de la géographie des productions, et des risques aggravés pour la sécurité alimentaire dans les zones vulnérables, provoquée par le changement climatique.

Même si les conséquences des submersions marines ont un impact relativement faible à l'échelle globale, par rapport à la désertification et l'aridité, elles auront un impact local fort et contribueront à ces déséquilibres. Les bandes côtières de l'océan Indien (du Pakistan à la Birmanie), les régions littorales de l'Indonésie et des Philippines, de l'Afrique et de l'est du bassin méditerranéen demeureront les plus vulnérables, ainsi que les îles du Pacifique, affectant les activités agricoles, de pêches et d'élevages piscicoles. Ces activités y font vivre la majorité la plus pauvre de la population. Leur vulnérabilité aux phénomènes climatiques extrêmes peut les interrompre pendant de longues périodes et réduire à néant la production de plusieurs années. Touchant les parties les plus pauvres de la population, ces phénomènes qui jouent un rôle anti-redistributif, entraînent une déstabilisation de l'économie et la destruction d'infrastructures constituent des obstacles au développement.

L'accroissement des disparités Nord-Sud tant sur le plan des potentiels de production agricole que de l'insuffisance alimentaire est probable en raison d'un accroissement des terres favorables à la mise en culture dans l'hémisphère Nord (Amérique du Nord et Russie) tandis que les terres arables reculeront en Afrique. Cet écart s'aggrave si les volumes effectivement produits et les conséquences économiques et sociales sont pris en compte, les impacts étant plus forts pour des pays en développement où l'agriculture représente une part importante dans le PIB et l'emploi de la population. Les pays en voie de développement risquent de devenir de plus en plus dépendant des importations pour leur sécurité alimentaire.

b) Un risque pour l'approvisionnement et la circulation des biens

Les catastrophes naturelles ont un coût humain et financier. Il faut prendre en compte la destruction d'un patrimoine et la désorganisation de l'économie qu'elles entrainent.

Pour ne citer que deux exemples :

- « L'Évaluation nationale du climat 65 ( * ) » publiée aux États-Unis montre qu'en Louisiane, l'industrie pétrolière qui est mise en péril par le recul des côtes et la vulnérabilité de la route n°1, sa submersion pendant trois mois, coûterait 7,8 milliards de dollars à l'économie américaine.

- Une catastrophe de grande ampleur en Chine ou au Japon, dont de nombreuses usines se situent en zone littorale, pourrait se produire à l'instar du tsunami qui a conduit à l'arrêt de la centrale nucléaire de Fukushima, et entraînerait la rupture d'approvisionnement en pièces détachées nécessaires à la construction automobile ou d'autres productions, y compris dans des domaines stratégiques liés à la défense dans les pays importateurs, ainsi que des phénomènes en cascade dans les chaînes d'approvisionnement et de production avec la mise au chômage de salariés.

Les récents rapports du Center for Climate and Energy Solutions (C2ES) font état de l'inquiétude des milieux d'affaires devant les coûts provoqués par les variations du climat. 91 des plus grandes entreprises mondiales reconnaissent l'existence d'un risque actuel ou futur pour leurs opérations ou leurs chaînes d'approvisionnement et 80 avoir intégré le changement climatique dans leurs plans de gestion du risque 66 ( * ) .

Même lorsque les dommages sont couverts par l'assurance ou la solidarité et même si la reconstruction alimente la croissance économique, elles appauvrissent globalement les populations et peuvent devenir un facteur de déstabilisation politique et économique.

c) Un risque systémique pour le secteur des assurances ?

Jusqu'à maintenant, l'existence d'un risque systémique, entraînant une crise économique mondiale n'a pas été évoqué, mais la croissance des sinistres liés aux catastrophes naturelles au cours de la dernière décennie, fait craindre qu'à l'avenir ce risque puisse se produire si la tendance se poursuivait et entraînait un défaut de paiement d'un nombre important de sociétés d'assurance. Pour le secteur des assurances 67 ( * ) , « dans certaines régions à haut risque, le réchauffement des océans et le changement climatique menace le système de couverture assurantiel du risque de catastrophe naturelle, en général. Pour éviter une défaillance du marché, l'articulation « transfert de risque » - « atténuation du risque » devient indispensable. »

Cette situation est d'autant plus préoccupante que les couvertures sont très hétérogènes selon les États. En France, il existe des mécanismes de soutien assez forts mis en place par l'État, notamment lorsque l'état de catastrophe naturelle est déclaré. Mais dans d'autres pays où le rôle de l'Etat est moins important, il y a de véritables lacunes en matière d'assurance. Il reste que ce régime protecteur soutenu par l'État pourrait être mis sous tension si les catastrophes naturelles se multipliaient, il est depuis quelques années déficitaire : les suppléments de cotisation excédant les indemnités versées, ce qui devrait conduire les compagnies d'assurance à limiter les risques couverts ou à moduler le primes en fonction du risque ou des protections mis en oeuvre par les assurés.

Dans certains États américains, certains biens situés dans des zones à risque ne peuvent être assurés ou à un coût prohibitif, obligeant les collectivités publiques à mettre en place des systèmes d'aide en substitution.

François Gemenne note ainsi que « dans les pays du Sud, par exemple, on estime que seulement 3 % des biens économiques sont assurés - parfois, certaines infrastructures publiques ne le sont même pas ! « En Louisiane, après l'ouragan Katrina, le retour des populations a été considérablement compliqué par la difficulté d'assurer certaines zones - soit parce que les assureurs refusaient d'assurer certaines propriétés, soit parce que les propriétaires étaient incapables de payer les primes d'assurance, qui avaient explosé. De très nombreux assureurs locaux se sont retrouvés en faillite après l'ouragan. »

En outre, la question se posera probablement de la responsabilité directe ou indirecte du changement climatique sur la survenance de certains dommages ou de certains risques. Jusqu'à maintenant cette question n'a pas trouvé de conclusions ni en droit interne, ni en droit international. Les recours de personnes ou de groupes dans le but de poursuivre des compagnies industrielles ont connu des échecs. Les compagnies d'assurance suivent avec grande attention l'évolution des décisions de justice dans ce domaine.

2. La déstabilisation d'un nombre important d'États vulnérables

De plus, ces bouleversements et leurs conséquences, notamment les déplacements de population et l'appauvrissement, risquent de déstabiliser certains États entraînant des troubles graves et accroissant des risques d'insécurité pour leurs voisins et au-delà .

Les populations des pays les plus pauvres et les groupes les plus vulnérables au sein de ces pays sont les plus menacés. Dans les pays fragiles ou affectés par des conflits, les populations seront confrontées à des difficultés pour mettre en oeuvre des politiques d'adaptation aux risques et s'ils échouent à s'adapter, le risque d'instabilité va s'accroître, les entraînant dans un cercle vicieux.

Un Etat pauvre ou fragile est moins en mesure de réagir en cas de catastrophes naturelles. Il est souvent dépourvu de système de réponses (absence de plan d'évacuation, d'organisation pour permettre le relogement des sinistrés, de canaux d'assistance) ou ses capacités risquent d'être sollicitées à l'excès. La défaillance dans la prise en charge des populations, d'autant qu'elle affecte souvent les plus pauvres, est source de frustration, de mécontentement et le cas échéant de manifestations, voire d'émeutes. Elle peut exacerber les tensions entre différents groupes ethniques et religieux au sein des pays, ainsi qu'une radicalisation politique.

L'afflux de réfugiés climatiques dans les zones non affectées par la catastrophe, même s'il est amorti par l'engagement personnel des habitants, notamment lorsqu'ils appartiennent aux mêmes groupes ethniques, linguistiques ou religieux ou par l'aide internationale, a toujours un coût économique immédiat. Il peut également, dans les pays où le sous-emploi est chronique, déstabiliser le marché du travail avec pour conséquence une baisse des rémunérations et donc du pouvoir d'achat pour les populations locales, ce qui n'est pas sans générer des tensions et phénomènes de rejet. Certains auteurs considèrent toutefois que les mouvements de populations liés à la survenance d'un aléa climatique ne sont pas obligatoirement sources de conflits, la détérioration de la situation dépendant de l'agenda des populations migrantes et de celui des populations vivant sur le territoire d'accueil 68 ( * ) . Dans un récent article publié dans Le Monde , Bruno Meyerfeld montrait que paradoxalement, l'installation de camps de réfugiés de guerre (réfugiés somaliens) dans le Nord du Kenya ou leur intégration en Ouganda peuvent avoir des impacts positifs sur l'économie locale 69 ( * ) . Ces impacts économiques mériteraient d'être mieux étudiés.

Outre les coûts économiques pour des États pauvres, cet afflux de population peut avoir des conséquences politiques .

Les États faibles dont la population est hétérogène, divisée ethniquement ou religieusement sont les plus vulnérable au risque de déstabilisation. L'afflux de réfugiés est susceptible de bouleverser des équilibres internes déjà fragiles, entraînant des conflits pour l'appropriation des terres ou des espaces de pâturages ou venant nourrir la pauvreté urbaine, les camps de réfugiés ou les banlieues surpeuplées étant des lieux propices au développement des trafics en tout genre, de la criminalité organisée et de l'endoctrinement politique ou religieux, premiers pas vers l'action subversive.

L'afflux lorsqu'il est massif peut aussi poser des questions d'ordre public et de sécurité.

Ces phénomènes peuvent se trouver aggravés lorsqu'il s'agit de migration transfrontalière, les liens de solidarité pouvant s'avérer plus difficiles à établir ou parce que les populations accueillies peuvent importer des conflits qui leur sont propres.

Il peut s'ensuivre une montée de la violence, voire la survenance d'une guerre civile et un affaissement complet des institutions.

3. Des facteurs de fragilisation des États stables

« Même les États apparemment stables pourraient être mis sous tension et fragilisés si la pression est forte ou les chocs trop importants pour les systèmes pour être résolus pacifiquement 70 ( * )

La tension à l'intérieur des sociétés développées sur les questions migratoires et les difficultés auxquelles sont confrontés les États membres de l'Union européenne pour faire face collectivement à la crise entraînée par l'arrivée de quelques centaines de milliers de réfugiés syriens nécessitent de réfléchir à la mise en place de mécanismes de solidarité pour gérer l'impact de migrations plus massives liées à la détérioration du climat et leurs conséquences.

La multiplication des Etats instables ou faillis aura des conséquences sur la sécurité internationale notamment par le développement de la criminalité internationale et des trafics contre lesquels ils investissent et peut déboucher sur des mouvements terroristes susceptibles de s'attaquer aux territoires des Etats stables pour en tirer des avantages ou dans un combat idéologique. Il pourrait s'ensuivre une multiplication des interventions armées pour prévenir ou rétablir la stabilité ou pour lutter contre les conséquences de l'instabilité et protéger ses intérêts ou ses frontières.

Enfin, le changement climatique participera à l'accroissement du fossé entre émetteurs du Nord et victimes au Sud, renforçant un profond sentiment d'injustice. Au-delà des simples tensions diplomatiques, la coexistence de stratégies défensives, dans les régions les plus épargnées et susceptibles de se transformer en forteresse et offensives et parfois désespérées chez les plus pauvres. Pour autant, la nécessité d'apporter concrètement des solutions pourrait conduire à des coopérations et régulations, facteurs de stabilité.

4. La disparition programmée de certains Etats
a) Analyse du risque

Les effets du changement climatique, en particulier l'élévation des eaux, soulèvent à long terme la question de la disparition de territoires insulaires, notamment dans l'océan Pacifique et dans l'océan Indien, scénario ultime qui sera précédé de la dégradation progressive de leur écosystème et donc de leur habitabilité.

Le cas de Kiribati

« D'après les estimations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, la montée des eaux pourrait atteindre 98 centimètres d'ici à 2100. Soit un tiers de l'altitude maximale de Tarawa. Un rapport de la Banque mondiale, datant de 2000, estime que si rien n'est fait, jusqu'à 54 % de Bikenibeu, une localité de Tarawa-Sud, et jusqu'à 80 % de Buariki, une île du nord de Tarawa, seront submergées d'ici à 2050.

Érosion costale et submersions marines, salinisation des sols et maigres ressources en eau douce, mais aussi hausse des températures, hausse de l'acidification de l'océan... les effets du changement climatique sont, aux Kiribati, aussi prégnants que les propres émissions de gaz à effet de serre de l'archipel sont négligeables (...)- 72 000 tonnes de CO 2 en 2013, contre 344 millions de tonnes en France et 9 milliards de tonnes en Chine » 71 ( * ) .

Ces effets s'ajoutent à l'urbanisation des mangroves, aux extractions de sables, à l'endiguement qui modifie les courants, ils peuvent être néanmoins compensés dans certaines parties par la croissance du corail 72 ( * ) , mais il n'est pas certain que cette croissance soit durable compte tenu de sa fragilisation : blanchissement 73 ( * ) .

« D'autant qu'il ne faudra pas attendre que les îles reposent au fond du lagon pour qu'elles deviennent inhabitables : bien avant, les assauts de l'eau salée viendront contaminer la lentille d'eau douce et les sols, les rendant incultivables. »

Certains territoires français ne seront pas épargnés : Wallis, Futuna, ainsi que certaines îles de la Nouvelle-Calédonie (Loyauté) et de Polynésie française (Tuamotu).

b) Conséquences en droit international

Lorsqu'il s'agit d'Etats, cette situation pose des questions inédites en droit international.

Selon la Convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des Etats de 1933, l'existence d'un Etat en droit international suppose la réunion de plusieurs conditions : 1) un territoire défini, 2) occupé de façon permanente par une population, 3) sous le contrôle effectif d'un gouvernement et 4) une capacité d'établir des relations avec d'autres Etats.

La submersion du territoire d'un Etat ou son abandon par sa population entraînerait la perte de la souveraineté. Il n'y a pas d'antécédent jusqu'à ce jour d'Etat dont le territoire a disparu ou a été abandonné par sa population.

Dès lors, y aurait-il disparition juridique de l'Etat avec celle de son territoire et donc disparition complète des droits antérieurs ?

L'espace maritime serait susceptible de revenir à la haute mer sous réserve des droits des Etats voisins.

Sa population deviendrait apatride (nouvelle figure de l'apatridie) et cette situation inédite qui n'a jamais été véritablement prise en compte par les dispositions internationales questionne le droit d'asile.

Une partie de la doctrine considère toutefois qu'une disparition juridique de l'État, outre le cas d'absorption volontaire ou de fusion, n'existerait pas à proprement parler, en ce que seules la continuité et la succession d'État sont possibles.

c) Les échecs observés pour faire reconnaître cette situation

A ce stade, ces îles regroupées au sein de l'Alliance de petits États insulaires (AOSIS), dont le pouvoir de négociation dans les négociations climatiques est structurellement faible (délégations réduites, moins bien formées malgré l'appui d'ONG), n'ont guère d'autres choix que de dénoncer violemment les obstructions à la négociation en attirant l'attention sur les risques de disparition de leurs territoires nationaux et leurs conséquences (migrations, problème de nationalité). Cette stratégie n'obtient pour l'heure que de faibles résultats.

L'AOSIS

L'AOSIS (acronyme de Alliance of Small Island States, « Alliance des petits États insulaires ») est une organisation intergouvernementale de pays états côtiers ou insulaires.

L'AOSIS compte 39 États membres 74 ( * ) et cinq membres observateurs au 1 er juin 2014. L'alliance représente 28 % des pays en développement et 20 % de tous les pays membres de l'ONU mais moins de 1 % de la population mondiale.

Fondée en 1990, elle a pour but de mieux faire entendre la voix des petits états insulaires en développement face aux changements climatiques, et notamment l'élévation du niveau de la mer. Elle les représente lors des conférences sur le climat et vise à renforcer leur influence dans le débat international.

Elle a fortement pesé dans les premières négociations du protocole de Kyoto en 1994 et milite pour exiger que la hausse globale de la température mondiale soit limitée à 1,5 degré. Elle prône la création d'un dispositif de compensation financière pour les aider à supporter les conséquences des désastres climatiques.

Il en va de même comme des tentatives individuelles d'obtention d'un asile climatique formulées par certains de leurs ressortissants.

« L'affaire Teitona »

Le sujet des personnes déplacées pour des raisons climatiques a été particulièrement médiatisé dans la région Pacifique avec la procédure judiciaire engagée en Nouvelle-Zélande par Ioane Teitona, originaire des Kiribati, afin d'y obtenir le statut de « réfugié climatique » du fait de la montée du niveau de la mer dans son pays d'origine. Il a été la première personne à réclamer l'asile en invoquant directement un tel motif. Après que sa demande ait été rejetée en première instance en octobre 2013, la Cour d'appel a confirmé cette décision de refus en mai 2014. Sa situation n'est en effet pas reconnue par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

d) Un recensement d'ébauches de solutions par le Haut-Commissariat pour les Réfugiés

Un document produit par le Haut-Commissariat aux réfugiés propose les pistes suivantes :

- La continuité de l'Etat :

• la communauté internationale peut considérer que l'Etat affecté continue d'exister malgré l'absence de territoire. Toutefois, « L'inhabitabilité et la forme nouvelle d'île submergée nous interrogent sur le fait de savoir si le maintien des zones maritimes serait un élément suffisant pour constituer l'Etat et avancer que l'Etat possède toujours un territoire ». Pour Hervé Raimana Lallemant « cela semble pourtant difficile car les zones maritimes sont bien plus proches de la notion d'espace plutôt que celle de territoire » 75 ( * ) .

• Les populations seraient des « apatrides de facto » en l'absence de terres pour vivre.

• L'avantage serait de permettre la continuité de la souveraineté de l'État, son existence juridique sur la scène internationale et l'exploitation de ses ressources naturelles.

• Éventuellement un gouvernement « en exil » pourrait être maintenu.

- La cession de territoire d'un autre Etat à l'Etat affecté. Cette situation matériellement réalisable, le gouvernement des Kiribati a ainsi acquis 20 km² de terre dans les îles Fidji (voir infra p. 99), elle se heurte au principe de souveraineté de l'État territorial. Les habitants des îles Kiribati qui s'installeraient sur ces terres seront soumis à la loi fidjienne quant au droit au séjour et à la nationalité. Sauf à ce que la cession s'accompagne d'un renoncement de l'État d'accueil à la souveraineté sur le territoire cédé.

- Union avec un autre État. Il s'agit d'une forme d'accord qui préserverait les droits des citoyens de l'État d'origine, voire son autonomie dans le cadre d'institutions communes.

- Les autres solutions envisageables (voir infra p. 99) relèvent de la migration et ne font qu'entériner le renoncement à la subsistance de l'Etat d'origine.

e) Vers une évolution sur le dossier des « pertes et dommages »

L'AOSIS s'est prononcée en faveur de la création d'un dispositif de compensation financière pour les aider à supporter les conséquences des désastres climatiques. Un mécanisme international a été lancé lors de la COP de Varsovie en 2013 mais se heurtait jusqu'à présent à la réticence des pays développés. Depuis la conférence préparatoire de la COP 21 à Bonn en septembre 2015, il est admis d'apprécier ce dossier selon une approche distincte. La question est désormais de savoir dans quelle partie du document final, cette requête pourrait figurer et la date à laquelle les mesures pourront être mises en oeuvre. Les pays du G7 ont émis l'idée d'une couverture assurantielle pour les populations les plus vulnérables, les ONG proposent d'instaurer un financement par une taxe sur les activités d'extraction des énergies fossiles.

5. Un risque accru de conflictualité ne peut être écarté

En mars 2008, le Haut Représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et la sécurité commune, Javier Solana au nom de la Commission européenne, remit aux chefs d'État et de gouvernement des 27, un rapport soulignant le lien étroit entre changement climatique et sécurité internationale. Selon lui, les changements climatiques constituent un « multiplicateur de risques » aggravant les tensions existantes et en créant de nouvelles.

Dans son rapport de mars 2014 76 ( * ) , le GIEC met en évidence les risques de conflits violents qui pourraient affecter certaines régions d'Afrique : « dans les régions sèches, la fréquence des périodes de sécheresse va probablement augmenter d'ici 2100 », et les tensions pourraient se multiplier : « Le changement climatique va accroitre indirectement les risques de conflit violent de type guerre civile, violence interethnique et violentes manifestations en exacerbant les facteurs déjà établis comme la pauvreté et les crises économiques » .

Les liens entre conflits et changement climatique sont étudiés depuis peu. Cette relation complexe est principalement analysée par des chercheurs anglo-saxons.

Certains chercheurs avancent une corrélation entre les changements climatiques et l'aggravation des conflits intra et inter étatiques . Ceux-ci mettent en avant des exemples comme le cyclone de Bohla qui a touché le Bengale oriental et qui a scellé la division du Pakistan et la création de l'Etat du Bangladesh en 1971 à l'issue d'une guerre armée dans laquelle l'Inde est intervenue, l'aide discriminée apportée par le gouvernement central pakistanais ayant été très mal vécue par la population déjà divisée idéologiquement., ou celui du Darfour où la sécheresse a conduit les populations d'éleveurs à migrer vers les territoires occupés par des tribus de cultivateurs, entraînant des conflits armés, ou encore mettant en relation la crise syrienne avec le phénomène de sécheresse qui a touché le pays dans les années précédentes conduisant à une forte émigration des populations rurales appauvries vers les villes, ce qui a renforcé le mécontentement de la population urbaine et fourni un terreau à l'islamisme radical.

Cependant, la plupart des études se refusent aujourd'hui à franchir le pas : le dérèglement climatique conserve sa caractéristique de multiplicateur de menaces mais reste considéré comme un paramètre parmi d'autres et il paraît prématuré, voire infondé, de le désigner comme cause fondamentale de violences, de différents types (guerre civile, guerre entre deux ou plusieurs Etats, génocide ou violence communautaire). Comme l'indique Bastien Alex, « les conflits germent avant toute chose sur un terreau anthropique (tensions ethniques récurrentes, inégalités socio-économiques, administrations défaillantes, erreurs d'aménagement, déficit de prévention des risques, etc) ; le facteur climatique ne saurait engendrer à lui seul des situations de tensions sécuritaires voire conflictuelle 77 ( * ) . » Pour l'heure, les études démontrent que les ressources en eau potable restent le principal paramètre exposé au changement climatique susceptible de provoquer des tensions entre États partageant le même bassin versant ou dépendant d'un fleuve traversant différents territoires nationaux, avec la problématique de l'impact des prélèvements amont/aval (barrage, etc.). La responsabilité des facteurs environnementaux - subissant l'influence du changement climatique - dans les violences génocidaires reste très discutée, notamment dans le cas du Darfour et du Rwanda qui ont été les principaux conflits étudiés sous ce prisme.

D'autres chercheurs mettent en avant la contribution positive que peuvent créer ces évènements regrettables. Ils peuvent générer des occasions d'interactions politiques et de collaborations entre les différents acteurs qui seraient selon eux à 90 % positives : aide aux victimes, aide à la reconstruction, mise en place de système commun de prévention, voire de gestion commune des ressources, notamment en eau.

De ce point de vue, des expériences comme les aires protégées transfrontalières et les parcs pour la paix 78 ( * ) dans les zones géographiques traversées par des enjeux environnementaux spécifiques, caractérisés par une gestion complexe, et destinés à désamorcer en amont les conflits d'usage liés à l'accès aux ressources naturelles, mériteraient une plus grande attention.

Selon Stéphane Hallegatte, aucune étude statistique ne permet d'affirmer la prépondérance d'une école de pensée ou de l'autre. Les catastrophes naturelles sont rarement un facteur unique de conflits ou de guerre civile, mais un élément structurel ou déclencheur aux côtés d'autres éléments (absence d'État fort et impartial, division ethnique ou tribale, conflits latents entre États, rivalités ancestrales...).

Les modèles climatiques actuels demeurent encore très imprécis dans la localisation géographique des impacts du réchauffement climatique pour permettre la mise au point de modèles de conflits et délivrer des prédictions fiables. La principale interrogation concerne l'identification précise de la chaine d'impacts et des liens de causalités 79 ( * ) . « Au final, il semble juste de déclarer que, pour l'heure, nous ne disposons pas encore de preuves formelles désignant le changement climatique comme paramètre important des conflits 80 ( * ) . » Malgré l'absence de démonstration probante, les travaux se poursuivent car la relation climat-conflit mérite d'être approfondie.

Au-delà du développement de conflits ponctuels, dans son rapport au Conseil européen en 2008, Javier Solana mettait en évidence les pressions croissantes sur la gouvernance internationale et le risque de mise en péril du système multilatéral, si la communauté internationale ne fait pas face aux menaces découlant du changement climatique 81 ( * ) .

En deçà des conflits armés ou des différends susceptibles d'être réglés par voie diplomatique, des recours fondés sur la responsabilité internationale des conséquences du réchauffement climatique pourraient être déposés. Pour Nikolaus von Bomhard, président de Munich Re, le dépôt de recours fondés sur l'affaiblissement de la sécurité d'un pays en raison de mouvements migratoires, conséquences du changement climatique pourraient ouvrir de toute évidence des perspectives complètement nouvelles.

6. Des facteurs éventuels de vulnérabilité pour les armées

Concernant les modifications des théâtres d'intervention, liés aux manifestations du changement climatique, et l'adaptation éventuelle des équipements, les industriels de l'armement adoptent pour l'instant une posture de prudence.

La variation des températures, la modification du régime des précipitations, l'augmentation des évènements météorologiques extrêmes et la hausse du niveau des océans et des mers aux horizons prévues par le GIEC sont de facto déjà prises en compte par les industriels lors de l'élaboration de leurs produits de par l'exigence de performance et de fiabilité. Ils ont en effet à charge de respecter les contraintes fixées par leur client pour l'utilisation des matériels, un nombre d'heures de vol dans certaines conditions météorologiques (température), une résistance à la corrosion (brouillard salin), etc.

Ainsi, la modification des conditions d'interventions du fait des conséquences du dérèglement climatique ne semble pas rentrer en compte dans l'élaboration des programmes d'armement . Cela ne signifie pas que les industriels négligent la question du réchauffement climatique à long terme mais que la technologie actuelle (celle des matériels les plus récents et celle de ceux actuellement en développement) est selon eux capable de faire face aux conditions envisagées si le scénario d'évolution des émissions de gaz à effet de serre le plus pessimiste devait se réaliser .

S'agissant du milieu maritime, l'impact de l'évolution du taux de salinité des eaux et l'acidification des océans sur la communication des sous-marins et leur détection par les sonars fait également partie des problématiques soulevées, bien qu'il soit cependant impossible à l'heure actuelle de déterminer dans quelle mesure cela impactera les capacités opérationnelles sous la mer 82 ( * ) .

S'il existe un début d'interrogation, il se situe à très long terme au niveau du degré de résistance des équipements s'ils devaient être utilisés - d'ici plusieurs décennies pour des matériaux récents - très régulièrement et dans des conditions climatiques appartenant à la tranche haute de leur spécification. La science climatique et les modélisations réalisées n'étant pas suffisamment avancées, il est impossible de répondre précisément à ces questions qui ne font, pour l'heure, pas partie des sujets étudiés par les industriels.

Ensuite les modifications drastiques sur les conditions physiques et techniques d'intervention et de combat dans des zones à environnement dégradé, devront être prises en compte, notamment pour l'ergonomie et l'entraînement des combattants, la logistique et les approvisionnements sur les théâtres d'engagement.

Enfin, la montée du niveau de la mer et l'intensification des évènements nécessitera une révision des normes de construction des infrastructures militaires et industrielles situées dans les zones littorales et au premier chef dans les zones portuaires. Elle pourra induire des travaux d'infrastructures et de mise en sécurité qui auront un impact sur les budgets de la défense . Certains sites ont d'ores et déjà été identifiés par le Département américain de la Défense et sur la côte Est des Etats-Unis (installations de la Navy à Norfolk).

Le changement climatique pourrait impacter la chaine d'approvisionnement par le biais des catastrophes naturelles. A titre d'exemple, l'accident de Fukushima le 11 mars 2011 avait, par exemple, suscité l'inquiétude du secteur concernant la fourniture de certains composants électroniques fabriqués au Japon du fait de la chute de la production d'électricité et de la politique de rationnement qui s'en était suivie. Si nous nous trouvons ici dans un cas particulier (tremblement de terre puis tsunami), qui en l'occurrence n'est pas considéré comme une manifestation du dérèglement climatique, la montée du niveau des mers et des océans renforcera la vulnérabilité des sites exposés à ce type d'aléa. Ce type de situation (défaut de la chaîne de production et d'approvisionnement) qui pourrait d'ailleurs se reproduire à la faveur d'une catastrophe naturelle devrait inciter au développement d'activités de veille et d'anticipation des conséquences sur les chaines de production .

7. En conclusion

La montée du niveau de la mer et les phénomènes météorologiques associés risquent d'affecter la stabilité de certains États fragiles en cas de désastre.

Les États menacés par ces phénomènes de grande ampleur sont situés aux États-Unis, au Japon et en Asie, leur niveau de développement et leur dynamisme économique actuels (à l'exception peut-être du Pakistan, du Bangladesh et du Myanmar) laissent supposer qu'ils disposent d'un niveau suffisant de résilience pour éviter un risque de déstabilisation complet. Mais la survenance d'un désastre, la mauvaise gestion des secours, de la post-crise et de la reconstruction peuvent constituer le point de départ d'une contestation politique, entraîner une instabilité et une crise politique de grande ampleur.

Certaines études ont montré la vulnérabilité de certaines villes du bassin méditerranéen (delta du Nil), dans des pays déjà affectés par d'autres sources d'instabilité, la survenance d'une catastrophe pourrait avoir dans ces conditions un impact extrêmement grave sur la stabilité du pays. Il en irait de même dans les autres États en développement d'Afrique (delta du Niger, Côte d'Ivoire, Gambie, ou Mozambique) ou des Caraïbes, de l'océan Indien ou du Pacifique, en notant pour ces dernières catégories à long terme, un risque de submersion susceptible de mettre en cause l'existence même de ces États.

La montée des eaux et les catastrophes naturelles induites entraîneront des déplacements de populations, temporaires en cas de catastrophes naturelles, permanents mais étalés dans le temps s'agissant de la montée du niveau de la mer. Le retour des populations sur leur territoire dans de fortes proportions est observé s'agissant des catastrophes mais la proportion varie en fonction de la capacité de gestion post-crise et de reconstruction des régions touchées. Elle ne se traduit en migrations internationales que si la réinstallation dans le pays est compliquée par la situation économique ou les conflits ethniques, et se produit, en général dans un second temps. S'agissant des territoires progressivement et définitivement submergés ou rendus impropres à l'habitat, les déplacements seront définitifs. Les phénomènes touchant des pays densément peuplés ou de taille réduite comme les îles du Pacifique ou de l'océan Indien, ils occasionneront des migrations internationales. Ces flux, sauf catastrophe naturelle importante, devraient être numériquement faibles et le phénomène s'étaler dans le temps, au mieux être préparés.

Comme le remarque Gerald Stang dans sa contribution au Yearbook of European security 2015 83 ( * ) , « le risque de conflits interétatiques liés au phénomène de submersion des côtes, qui altèrerait la délimitation des frontières et conduirait à des revendications sur la mer territoriale ou les routes maritimes, peut apparaître. Heureusement, la progressivité du phénomène d'ici la fin du siècle minimise la magnitude du risque de conflits.(...). Dans l'ensemble, les effets déstabilisateurs du changement climatique se manifesteront davantage à l'échelon local, affectant directement les individus et les communautés, plutôt qu'ils conduiront les relations interétatiques sur des trajectoires conflictuelles. De ce fait, les recherches sur les défis de sécurité posés par le changement climatique seront davantage connectées avec les questions de sécurité des hommes et de vulnérabilité . »

D'un point de vue global, il convient d'insister sur le caractère très inégal des impacts du changement climatique, supportés majoritairement par les pays les moins développés, avec des menaces sur leurs besoins fondamentaux et un risque accru de précarité, un accroissement des écarts et des antagonismes entre régions épargnées et régions vulnérables.

Dans ce contexte, Philippe Ambrosi et Stéphane Hallegatte 84 ( * ) invitent à « s'interroger sur la crédibilité et la réalité de mécanismes de compensation entre « gagnants » et « perdants » dans un contexte où l'aide au développement se rétracte. L'existence de mécanisme de propagation aux régions relativement épargnées incite à ne plus raisonner en termes de régions gagnantes et perdantes, mais à promouvoir une attitude de solidarité universelle au nom de l'intérêt général bien compris, seule cohérente avec une prise au sérieux du principe de précaution et condition nécessaire à un accord international viable ».

Enfin, ils relèvent que « le changement climatique pourrait être à l'origine d'une redistribution sans précédent de certaines ressources au cours du siècle, redistribution qui le plus souvent aggravera les déséquilibres déjà existants. Cette nouvelle répartition ne manquera pas de créer ou d'amplifier des conflits pour le contrôle des ressources, mettant aux prises victimes et responsables », ces derniers pouvant être facilement identifiés. Il est donc probable que le climat devienne un facteur important des enjeux de sécurité au cours des prochaines décennies, justifiant une position haute dans les priorités de recherche et les agendas politiques. Ils rendent nécessaire un renforcement des moyens de prévention des conflits.

F. UNE FRAGILISATION DU DROIT DE LA MER

1. Incertitude juridique et risque de conflictualité

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer permet aux États de revendiquer un territoire maritime dont la largeur maximale se calcule à partir de lignes de base qui correspondent à des structures émergées de leur territoire (article 3). Il n'y a aucune mention dans la Convention sur le sort des lignes de base déjà établies dans l'éventualité où les structures qui les justifiaient venaient à être immergées.

Le recul du trait de côte qui sert de point d'appui à la détermination des lignes de base, sous l'effet de l'érosion ou de la montée du niveau de la mer, pourrait dès lors avoir des conséquences sur l'étendue des zones définies par le droit de la mer 85 ( * ) .

Il est probable que la montée du niveau des mers et des océans va accroître le processus de revendication des États et rendre plus crucial la question de la délimitation des zones et des plateaux continentaux. Dans un processus régulé soit de façon bilatérale, soit selon le droit international (Commission des limites du plateau continental au-delà des 200 milles marins), ces questions devraient pouvoir être réglées pacifiquement. Le contexte d'incertitude quant à la stabilité des lignes de base risque d'introduire un facteur nouveau de revendication et de conflictualité.

En outre, les délimitations existantes pourraient être contestées, le recul du trait de côte pouvant affecter de façon différente des États riverains. Cette situation a des chances de survenir dans les zones à fort enjeux économiques qu'il s'agisse de zones de pêche ou de zones dont le sous-sol renferme des gisements d'hydrocarbures.

2. Un enjeu spécifique pour la France

La France est la deuxième puissance maritime mondiale derrière les États-Unis par l'importance de ses zones économiques exclusives qui représentent 11 millions de km², dont la moitié outre-mer, lesquelles constituent des points stratégiques importants de son assise internationale et un potentiel économique important. Elle risque de voir une partie des territoires, fondement de ses revendications, immergés ou rétrécis. C'est pourquoi il est important que la France puisse disposer de limites affirmées aux yeux de la communauté internationale pour ne pas voir contester ses droits. Elle a donc intérêt à poursuivre le plus rapidement possible le processus de délimitation en cours notamment de délimitation du plateau continental adjacent (au-delà des 200 milles marins), comme cela vient d'être le cas grâce aux décrets du 27 septembre 2015 par lesquels le domaine maritime français a gagné 500 000 km 2 par l'élargissement du plateau continental au large de la Martinique et de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Nouvelle-Calédonie et des îles Kerguelen.

En effet, les délimitations restent encore incomplètes, notamment outre-mer, comme le faisait observer la délégation du Sénat pour l'outre-mer dans un récent rapport 86 ( * ) .

La délimitation des espaces maritimes

Les lignes de base à partir desquelles l'ensemble des espaces maritimes sont définis n'ont pas encore toutes été officiellement fixées. Suites aux décisions prises lors des comités interministériels de la mer du 10 juin 2011 et du 2 décembre 2013, une démarche de définition des espaces maritimes français est pilotée par le Secrétaire général à la Mer en étroite relation avec le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI), le ministère des outre-mer et le service hydrographique et océanographique de la Marine. Ce travail commence par une remise à plat des espaces maritimes français dans le cadre de l'ordonnance « espaces maritimes » dont l'article d'habilitation est contenu dans le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages adopté par l'Assemblée nationale le 24 mars 2015 87 ( * ) . Ce texte doit permettre de poser le cadre général nécessaire à la définition et à l'utilisation des espaces maritimes français.

Par ailleurs le Secrétaire général coordonne un travail de définition de tous les espaces maritimes français qui devrait pouvoir s'achever en 2015. Il passera ensuite à la définition des limites extérieures des eaux et du plateau continental. Depuis 2011, les décrets portant délimitation des lignes de base ont été publiés pour la Polynésie française (2012), les îles Saint-Paul et Amsterdam, de Wallis-et-Futuna et de Mayotte (2013) La Réunion (2014), Clipperton, Crozet et Kerguelen (2015).

Il manque encore ceux relatifs à la métropole, à Saint-Pierre et Miquelon, la Guyane, Saint-Martin et Saint Barthélemy. Concernant les Îles Éparses (Europa, Bassas da India, Juan de Nova, les Glorieuses et Tromelin), le MAEDI réfléchit à l'opportunité de publier le décret fixant les lignes de base alors que d'un point de vue technique, le dossier est complet. Comme le faisait remarquer M. Michel Aymeric, secrétaire général de la mer, certaines délimitations de lignes ont même été notifiées à l'ONU alors que les décrets n'avaient pas été pris ni publiés au niveau national... Par ailleurs, le MAEDI poursuit son travail de définition des limites extérieures de la ZEE notamment avec le Tuvalu dans le Pacifique et avec le Surinam, frontalier de la Guyane.

La fragilité juridique de nos ZEE se double de fortes incertitudes sur l'extension du plateau continental , dont elle est aussi en partie la cause puisque sur 14 demandes soumises à l'étude, seules 4 ont donné lieu à ce jour à une recommandation de la CLPC, aucune n'ayant encore été traduite dans le droit par les autorités nationale s. Le MAEDI doit faire valoir en 2015 les droits sur ces 4 dossiers (Antilles, Guyane, Sud-ouest de la Nouvelle-Calédonie et Kerguelen). Le processus d'ensemble pourrait n'aboutir que dans 10 ou 15 ans.

Sans délimitation établie, l'étendue de notre domaine maritime n'est pas opposable aux États tiers . Les actions de protection et d'exploitation de ces espaces peuvent s'en trouver fragilisées. L'ensemble de ces incertitudes est propice au développement de véritables zones de non droit dans des espaces théoriquement sous juridiction française. Ceci ne peut qu'affaiblir la crédibilité de l'État en mer et sa capacité à exercer ses responsabilités, notamment de gestion et de protection des ressources. Mais l'affirmation de la souveraineté française ne dépend pas seulement de la sécurisation juridique du statut des ZEE ultramarines ; elle appelle aussi une présence effective et visible de l'État.

II. DES RISQUES RÉDUCTIBLES DANS LEUR AMPLEUR OU LEUR ÉCHÉANCE

Faire face à la montée du niveau de la mer et à ses impacts considérés comme un défi important, si le choix est fait de réagir sans délai pour planifier investissements et actions, plus limitées seront ses conséquences géopolitiques. Le coût du traitement de ces conséquences dans l'urgence lors de la survenance de catastrophes humanitaires et économiques sera beaucoup plus élevé.

Il convient donc de réduire les causes du réchauffement climatique et de mettre en oeuvre les dispositifs de prévention et de protection nécessaires pour limiter ses conséquences.

A. L'IMPORTANCE DES POLITIQUES D'ATTÉNUATION

1. La réduction des émissions de gaz à effet de serre

D'ici la fin du siècle, la concentration des GES dans l'atmosphère devra être limitée à 450 ppm (partie par million), pour éviter que le réchauffement ne dépasse les 2°C. Pour cela, il faudrait réduire les émissions de 40 % à 70 % d'ici 2050, et quasiment à un niveau nul d'ici 2100.

Depuis la prise de conscience de Kyoto et après l'échec de Copenhague, le temps de l'action est venu de décider en temps utiles, et surtout de mettre rapidement en oeuvre de véritables politiques d'atténuation. A défaut, les études successives du GIEC pointent toutes dans la même direction celle d'une évolution incontrôlée avec la possibilité d'une évolution assez catastrophique pour nos sociétés.

a) Les politiques d'atténuation ont un sens

L'élimination progressive au titre du Protocole de Montréal des substances qui appauvrissent la couche d'ozone devrait permettre à celle-ci de se reformer d'ici quelques décennies.

Le protocole de Montréal

Signé par 24 pays et par la Communauté économique européenne le 16 septembre 1987, il est entré en vigueur le 1 er janvier 1989. En 2009, 196 pays sont signataires, il est ainsi le premier protocole environnemental à atteindre la ratification universelle. Il impose la suppression de l'utilisation des CFC, sauf pour des utilisations qualifiées de critiques ou essentielles, de halons, bromure de méthyle et autres substances appauvrissant la couche d'ozone. En 2009, les CFC sont définitivement supprimés, à l'exception de quantités très minimes et indispensables (utilisation en médecine). Les premières mesures indiquent que les décisions résultant de cet accord commencent à avoir les effets recherchés, ce qui montre que la mise en place de politique d'atténuation est possible.

L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a constaté, pour la première fois depuis quarante ans, que les émissions mondiales de CO² provenant du secteur de l'énergie avaient marqué le pas en 2014 sans que cette inflexion soit liée à un bouleversement économique mondial de grande ampleur. Elle attribue cet arrêt de la progression des émissions à un changement des modes de consommation d'énergie en Chine et dans les pays de l'OCDE. Dans le cas de la Chine, 2014 a marqué un tournant pour la production électrique à partir de sources d'énergie renouvelables. Dans les pays de l'OCDE, les efforts visant à promouvoir l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables commencent à modifier le lien existant entre croissance économique et émissions de CO².

C'est pourquoi ces politiques doivent être encouragées et renforcées impérativement.

b) La mise en place de cette politique doit être appréciée comme un investissement

Sans doute les politiques d'atténuation ont-elles un coût immédiat en ce qu'elles affectent de logiciel économique des grands pays industriels et des pays émergents, mais ce coût n'est rien mesuré à l'aune des catastrophes futures qu'entraînera l'inaction. Plus vite la politique industrielle et commerciale sera changée, plus modestes seront les dégâts et les coûts pour l'ensemble de nos sociétés.

En 2006, l'économiste Nicholas Stern , vice-président de la Banque mondiale, a défendu dans un rapport 88 ( * ) commandé par le gouvernement britannique sur le changement climatique qu'un faible investissement à court terme, qu'il estimait alors à 1 % du PIB mondial, permettrait de supprimer les causes les plus importantes de la dérive climatique. Par contre, si l'on attend les premières catastrophes, le coût pourrait dépasser 20 % du PIB mondial.

Les experts du GIEC font également des propositions pour rentrer dans l'ère de l'atténuation, notamment via le recours à une production électrique décarbonée. Les énergies renouvelables, le développement massif des techniques de stockage du CO2 et des programmes de reforestation, l'énergie nucléaire, l'efficacité énergétique font partie des pistes évoquées. Toutefois, pour maintenir la concentration de gaz à effet de serre en dessous de 530 ppm en 2100, il faudrait investir annuellement au niveau mondial près de 700 milliards de dollars dans l'efficacité énergétique, et au moins 200 dans la production d'électricité 89 ( * ) , ce qui, représente un peu plus d'1,2 % d'un PIB mondial estimé en 2013 entre 72 700 et 74 900 milliards de dollars.

Plus les politiques d'atténuation seront massives et précoces et moins les effets du changement climatiques seront accentués.

Pour autant, compte tenu de l'incertitude existant sur la capacité des sociétés humaines à s'engager dans cette voie et à tenir leurs engagements, il est nécessaire de rechercher des solutions pour traiter les problèmes qui vont se poser avec acuité dans les prochaines années par des politiques d'adaptation, en accroissant la résiliences des sociétés menacées et en préparant des stratégies de solidarité internationale.

L'ensemble de ces politiques, si elles sont menées à bien, auront pour effet de réduire les tensions consécutives aux situations de crise et d'abaisser le seuil de conflictualité inhérente à leur survenance . Mais plus on tarde à les mettre en place, plus elles seront coûteuses et moins elles seront efficaces, elles nécessiteront en outre la mobilisation de ressources qui viendront s'ajouter à celles nécessaires pour les reconstructions consécutives aux catastrophes naturelles prévisibles.

De ce point de vue, les résultats de la 21e Conférence de la convention des Nations unies sur le Changement climatique (UNFCCC) constitueront un indicateur de la volonté des États de s'orienter résolument vers une diminution des émissions de CO² par la fixation de normes contraignantes à un niveau compatible avec le maintien du réchauffement à 2°C, ce qui est un minimum . Nombre d'experts sont même convaincus que le seuil des incidences catastrophiques se situerait aux alentours d'un réchauffement de 1,5°C de la planète.

Il faudra naturellement que ces obligations soient respectées dans les faits et que ces engagements soient bien considérés comme une étape et non comme un aboutissement.

Les incertitudes existant sur la prise en compte de certains phénomènes géophysiques, en l'état actuel des connaissances scientifiques, rendent nécessaires un effort de recherche scientifique, mais aussi un suivi approprié des évolutions, afin de pouvoir reconsidérer le moment venu les niveaux d'engagement et de contrainte.

Dans un monde marqué par la croissance démographique et l'augmentation des disparités économiques et écologiques, il importe également sur le long terme de créer les conditions pour fonder des valeurs soutenues par tous les peuples et qui permettront de construire des solutions aux défis globaux de notre monde . Ceci est nécessaire pour échapper au dilemme sur des questions pour lesquelles il sera très difficile d'arriver à des solutions de consensus, notamment lorsqu'elles impliqueront des questions de sécurité. La déclinaison du principe de justice, issu de la Convention universelle des droits de l'homme de 1948, aujourd'hui largement partagé, pourrait constituer un point de départ pour construire une approche plus solide dans les négociations entre pays développés, émergents et en développement sur ces questions.

c) Le secteur de la défense est concerné par la mise en oeuvre de cette politique

Comme le rappelle la communication de la Commission européenne de juillet 2013, « les forces armées sont les plus grands consommateurs publics d'énergie dans l'UE », et leurs dépenses annuelles cumulées en électricité sont estimées à 1 milliard d'euros.

L'enjeu a été jusqu'à présent plutôt d'aborder la question de la dépendance de l'efficacité de l'outil militaire aux combustibles fossiles par le prisme budgétaire. Les coûts étaient en forte augmentation depuis une dizaine d'années (de 30 dollars début 2004, le baril est passé à plus de 100 dollars début 2014) et expose les budgets à un risque d'inflation non négligeable. La décroissance actuelle des prix affaiblit ce raisonnement sans pour autant remettre en cause l'objectif, à la fois parce que la baisse des prix ne sera peut-être pas durable, d'autre part parce que la question de l'efficacité énergétique recueille un fort soutien dans l'opinion publique.

L'optimisation de la consommation énergétique des armées est le principal axe de travail de la Commission européenne en la matière. Le couple environnement-réduction de la consommation énergétique pourrait être le futur des industries de défense qui seraient en mesure de se positionner en leader sur ces sujets, et non en retrait comme cela a pu être le cas. C'est le message que devrait continuer de porter la DGA.

Le développement de ces politiques devrait également influencer le secteur des industries de défense qui doit s'attacher à répondre aux besoins de ses clients. Toutefois comme l'indique l'étude de l'IRIS 90 ( * ) , « le paramètre « changement climatique » ne semble pas, pour l'heure, compter parmi les éléments structurant l'élaboration des programmes d'armements, et ce malgré leur durée - généralement sur une cinquantaine d'années, de la conception à la fin de vie. Bien que l'écoconception constitue la réponse à la hausse des contraintes et exigences liées à l'impératif de préservation de l'environnement et à la rareté des ressources naturelles mobilisées, on ne peut aujourd'hui parler de véritable « climato-conception ». Pour les industriels, le climat fait certes partie des préoccupations environnementales mais ne fait pas l'objet d'un intérêt spécifique lors de la conception des programmes. Cela ne signifie pas que les décisions prises par les industriels, poussés par le phénomène de régulation/réglementation et le coût de l'énergie, n'ont pas d'effets vertueux mais simplement qu'elles ne sont pour l'instant absolument pas motivées par une prise en compte croissante de l'objet « dérèglement climatique ».

Du reste, s'agissant de la sécurité nationale, cet objectif ne peut que rester astreint à certaines limites. Le débat se résume à un arbitrage entre efficacité opérationnelle et sobriété environnementale et énergétique . « Or l'objectif d'efficacité est non négociable et supplante de loin les éventuelles économies de carburants ou d'énergie en opérations. L'effort doit être concentré sur l'efficacité énergétique des infrastructures, les marges de progression en la matière étant considérables » 91 ( * ) .

2. L'inquiétante tentation de la géo-ingénierie climatique

L'échec des politiques d'atténuation par réduction des émissions de GES pourrait à l'avenir déboucher sur une tentation forte d'utiliser des techniques de géo-ingénierie climatique susceptibles, par une manipulation délibérée de l'environnement, de contrecarrer le changement climatique d'origine anthropique 92 ( * ) . Peu connue du grand public en France, la géo-ingénierie suscite aux États-Unis et au Royaume-Uni un âpre débat au sein de la communauté scientifique. Ces techniques sont perçues par certains scientifiques comme une police d'assurance en cas d'échec de la communauté internationale à endiguer le changement climatique 93 ( * ) .

La géo-ingénierie du climat

Deux formes de géo-ingénierie du climat sont étudiées par les scientifiques : la gestion du rayonnement solaire et l'élimination du dioxyde de carbone.

La gestion du rayonnement solaire a pour but de réduire la quantité d'énergie solaire absorbée par la Terre. Elle vise à modifier l'albédo de la Terre, c'est-à-dire à augmenter son pouvoir réfléchissant. Ses techniques sont par exemple l'ensemencement des nuages, l'injection d'aérosols réfléchissants dans l'atmosphère et la mise en place de vastes miroirs dans l'espace.

L'élimination du dioxyde de carbone consiste à extraire du CO2 de l'atmosphère par des méthodes d'extraction directe ("épuration") ou des méthodes indirectes telles que le reboisement ou la fertilisation des océans, c'est-à-dire en augmentant l'absorption de CO2 par le plancton. Certains considèrent aussi le piégeage et le stockage du CO2, c'est-à-dire son extraction au cours des processus industriels, comme une technique de géo-ingénierie climatique, tandis que d'autres y voient une technologie à basse émission de carbone. D'importantes recherches sont en cours afin d'explorer ces options.

Les stratégies d'intervention sur le climat pourraient un jour faire partie d'un éventail de stratégies de réaction climatique mais, pour l'instant, ces technologies en sont à un tout premier stade de développement.

Toutefois, la méconnaissance de ses impacts sur les échanges océano-atmosphériques, sur le cycle du carbone et donc sur le climat global de l'écosystème terrestre et le développement d'expérimentations accordées unilatéralement, voire menées clandestinement, sont devenus une importante source d'inquiétude, pour le climat comme pour la sécurité.

Une Convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles, dite Convention ENMOD ( Environmental Modification s) signée le 18 mai 1977 et entrée en vigueur le 5 octobre 1978, interdit l'usage militaire des modifications climatiques mais elle n'empêche pas l'utilisation de ce type de procédés à des fins « civiles ». Il est dès lors difficile de contrôler des initiatives qui, malgré leur potentiel comme solutions complémentaires à l'atténuation, doivent être mieux régulées et plus transparentes pour éviter toute recherche secrète et expérimentations anarchiques 94 ( * ) .

L'emploi de ces techniques par des États ou des groupes privés risque en effet de fournir de nouvelles sources de tensions .

B. L'ACCROISSEMENT DE LA RÉSILIENCE DES TERRITOIRES

Quel que soit le scénario d'émissions anticipé, deux mesures d'adaptation peuvent d'ores et déjà offrir des bénéfices immédiats :

- la première consiste à éviter l'aggravation de l'exposition aux risques côtiers, en considérant l'élévation du niveau de la mer dans la gestion des risques, y compris pour des infrastructures sensibles à longue durée de vie ;

- la seconde vise à préserver de l'espace pour les processus de transports sédimentaires littoraux, afin de permettre aux systèmes côtiers de s'ajuster naturellement à de nouvelles conditions environnementales.

La stratégie française de gestion du trait de côte

Les risques induits par le recul du trait de côte futur dépendent non seulement des conséquences du changement climatique, de la dynamique sédimentaire côtière locale et régionale, mais aussi de l'exposition des infrastructures à l'aléa recul du trait de côte et de la dynamique démographique. Quelles que soient les zones côtières affectées par une nouvelle littoralisation, il conviendra de faire en sorte que l'exposition aux risques ne s'accroisse pas, en décourageant les nouvelles constructions dans les zones les plus exposées.

Sur certains territoires, notamment les petites îles, l'adaptation peut se révéler particulièrement complexe, car les zones basses côtières y sont des zones essentielles pour le développement.

La France s'est dotée en 2013 d'une Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte qui considère deux options principales :

Option stratégique A : Maintenir le trait de côte : Cette option reste possible dans les zones à forts enjeux économiques ou d'intérêt stratégique national (ports), sous réserve de cohérence avec les principes et les recommandations stratégiques visant à limiter l'impact des risques climatiques sur l'homme et ses biens. Il peut s'agir d'une solution provisoire, la relocalisation étant à long terme inéluctable.

Option stratégique B : Préparer et mettre en oeuvre la relocalisation des activités et des biens . En fonction des enjeux en place et de l'importance de l'érosion, cette option peut prendre la forme d'un suivi de l'évolution naturelle, d'une intervention limitée ou d'un repli à court terme. Dans tous les cas, il s'agit bien de gérer l'évolution naturelle du trait de côte en adaptant l'occupation du territoire à cette dynamique naturelle.

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015

1. La mise en place de plan de protection dans les zones à forts enjeux
a) Le renforcement des protections peut diminuer les impacts de l'augmentation du niveau de la mer et réduire les dommages

Certains pays sont plus avancés que d'autres. Les Pays-Bas, par exemple, ont commencé à mettre en place un vaste système d'infrastructures (canaux, digues, etc.) pour se protéger. Les bases de ce système ont été mises en place à la suite des inondations meurtrières de 1953. A Londres, on prévoit de renforcer la digue qui protège la ville contre les crues de la Tamise ( Thames Barrier ). A New York, une digue du même type est envisagée sur l'East River, après le dévastateur ouragan Sandy de 2012. Un gigantesque plan de sauvetage de Venise, particulièrement menacée, est déjà en cours.

De telles infrastructures sont construites dans les pays en développement. Malé, la capitale des Maldives, est ainsi protégée par des tétrapodes, blocs de béton placés le long de la côte pour briser les vagues. A Djakarta (Indonésie), qui s'enfonce de 12 cm par an, dont certains quartiers sont déjà plusieurs mètres en dessous du niveau de la mer et qui pourrait être engloutie par la mer d'ici dix ans, les autorités viennent de lancer un projet colossal de construction d'une muraille marine de plus de 35 kilomètres de long et de 25 m de hauteur (7 m pour sa partie émergente, et 18 m sous l'eau) pour un budget total de 35 milliards d'euros.

En France, c'est souvent la digue qui est privilégiée.

b) Néanmoins, ces renforcements ne peuvent dispenser de mettre en place des politiques de gestion des risques

D'abord les défenses côtières doivent s'appuyer sur les protections naturelles que l'environnement peut offrir : les marais, les mangroves, les forêts de kelp 95 ( * ) et les barrières de corail fournissent des amortisseurs naturels pour absorber l'énergie des vagues et des tempêtes, ce qui rend plus facile et moins coûteuse la protection du développement urbain.

En complément, des constructions sont aussi nécessaires pour obtenir une protection complète . Il ne s'agit pas seulement de digues, mais aussi de système de pompage pour drainer les eaux de pluies derrière ces digues, et les ports auront besoin de barrières mobiles pour l'entrée et la sortie des navires. Ces constructions devraient répondre à des normes drastiques et leur impact sur l'environnement étudié et pris en compte. En ce domaine, la « maladaptation » a souvent un coût élevé , en transférant une partie des difficultés sur les localités ou des régions voisines, sans obtenir le complet effet recherché à long terme pour la protection du territoire.

En outre, les décideurs devront prendre en compte les affaissements locaux qui amplifient les effets de l'accroissement du niveau de la mer. Ces affaissements sont accélérés par les activités humaines , comme les extractions d'eau douce ou de pétrole . Pour minimiser l'impact de la montée de la mer et les risques d'inondation, des villes comme Canton, Bangkok ou Calcutta devront réduire encore leurs extractions de façon significatives.

Au total, les villes ont besoin d'une protection complète qui va bien au-delà de la construction ou du rehaussement de quelques digues. Environ 2 milliards de dollars d'investissement plus des budgets de fonctionnement pour en assurer la maintenance constituent une estimation approximative des besoins. Dans un contexte de ressources rares pour les autorités locales, spécialement dans les pays pauvres, la mobilisation de telles ressources sera un défi politique et institutionnel.

c) La place des innovations technologiques

Des projets de recherche et des expérimentations de construction de quartiers sur des îles artificielles, et d'habitations flottantes sont aujourd'hui développés, notamment aux Pays-Bas, très en pointe dans ce domaine 96 ( * ) . Ces projets connus sous le manifeste architectural et économique de « Blue Revolution », ont fait l'objet à Bangkok en août 2015 de la première conférence internationale sur l'architecture amphibie.

Les études prospectives actuelles envisagent aussi de rendre flottantes un certain nombre d'infrastructures (terminaux GNL, stations d'avitaillement, éoliennes).

Pour « François Gemenne 97 ( * ) entendu par le groupe de travail « Certaines infrastructures sont assez légères, mais d'autres modifient profondément les écosystèmes et les modes de vie de populations, au point qu'on peut sérieusement mettre en cause l'intérêt de telles infrastructures. Je veux simplement mentionner ici un exemple assez parlant : les Maldives sont un des pays les plus exposés à la hausse du niveau des mers, en raison de sa très faible élévation. Il y a quelques années, le gouvernement avait donc décidé de bâtir quelques îles artificielles, protégées contre les tempêtes et la hausse du niveau des mers (les `safe islands'). L'idée était que les habitants des îles les plus éloignées et les plus vulnérables s'y installent peu à peu. Mais c'était une telle modification de leur mode de vie, un tel arrachement à leur terre natale, que la plupart ont refusé de déménager dans ces îles artificielles et préféré rester sur leur île. Ces `safe islands' sont aujourd'hui sous-habitées, voire laissées à l'abandon, et le gouvernement a peu à peu abandonné ce projet . »

Louis Brigand, professeur à l'université de Brest, s'interroge sur la pertinence de ces concepts soulignant leur risque écologique, en prenant pour exemple les dommages occasionnés aux fonds marins par la construction des îles artificielles de Dubaï. Il craint que « le solutionnisme » n'ait pour effet que d'éviter de traiter les causes des problèmes auxquels les sociétés sont aujourd'hui confrontées.

d) Les limites des politiques de protection

Face aux évènements extrêmes, les infrastructures (digues, barrages, canaux, etc.) ne constituent qu'un élément de réponse partiel. Il faut voir plus largement et reconsidérer l'aménagement des territoires littoraux.

Outre leurs coûts, c'est la durabilité voire la « maladaptation » de certaines mesures de protection qui est en question.

Pour « François Gemenne 98 ( * ) , « Il faut bien se rendre compte que ces mesures d'infrastructures ne sont souvent que des emplâtres sur des jambes de bois. A terme, il est inévitable que le trait de côte recule, et que certaines zones deviennent donc inhabitables. (...) C'est une illusion que d'imaginer que nous allons pouvoir nous adapter uniquement au moyen d'infrastructures et d'innovations techniques. Cette confiance aveugle dans la technologie peut être dangereuse. L'adaptation est un processus de long-terme, qui implique notamment de repenser l'aménagement du territoire, la localisation des activités économiques, etc. A terme, il faudra surtout reculer, et relocaliser certaines populations . »

La maladaptation est définie par le GIEC comme une adaptation qui échoue à réduire la vulnérabilité et, au contraire, l'accroît . Comme l'indique François Gemenne « les politiques d'adaptation au changement climatique peuvent provoquer des conditions pires pouvant directement influer sur la sécurité dans ses dimensions humaine, national et globale [...] et pourraient augmenter la vulnérabilité des autres systèmes ». Les solutions « maladaptées » (digues en béton construites sur des territoires très exposés par exemple) sont désormais reconnues inefficaces à moyen et long termes par nombre d'experts en aménagement et vulnérabilités littorales mais continuent à être proposées et financées.

Le rapport précité « A New Climate for Peace » 99 ( * ) produit pour le G7 souligne également les risques d'accroissement d'effets inattendus et négatifs si les politiques d'atténuation et d'adaptation « sont conçues et mises en oeuvre sans prendre en compte les impacts », elles « peuvent ébranler le développement économique, contribuer à l'instabilité politique et accroître l'insécurité. Plus ces politiques sont mises en oeuvre dans le monde, les risques d'effets inattendus et négatifs, particulièrement dans les contextes de fragilité, augmenteront, ils peuvent accroître les insécurités sur la propriété des terres, la marginalisation de groupes minoritaires, la dégradation de l'environnement et de la biodiversité, et le changement climatique. Ces effets imprévisibles apparaissent souvent en raison du manque de coordination et dans le cas des situations de fragilité et de conflits, d'une mise en oeuvre inadaptée » . Ce risque est listé parmi les 7 risques principaux identifiés au titre des conséquences du changement climatique en termes de sécurité.

2. La mise en place de plans de secours en cas de catastrophes

Les catastrophes naturelles peuvent s'avérer extrêmement meurtrières. Ainsi en novembre 2013, le typhon Haiyan a fait 7 350 morts et causé des dommages évalués à 5 % du PIB des Philippines par l'ONU. L'alerte et la préparation des populations sont des facteurs déterminants de réduction du nombre des victimes.

Selon le Centre de recherche sur l'épidémiologie des désastres (CRED), la baisse de 16 % du nombre de victimes de tempêtes et de 43 % pour les inondations, est due en grande partie à l'amélioration des systèmes d'alerte précoce et à des mesures de prévention. Ceci montre l'importance des politiques menées et doit constituer un encouragement à mesure que le risque s'accroît.

Chacun doit avoir conscience et être informé que les protections contre les inondations peuvent rompre . Les Pays-Bas (en 1953) et le Japon (avec la catastrophe de Fukushima), qui sont pourtant parmi les États les plus avancés en matière de techniques de protection, en ont fait l'amère expérience. Plus nombreux sont les habitants et les actifs immobilisés protégés et plus grande sera la catastrophe en cas de rupture. Cela signifie qu'en parallèle avec le renforcement des protections, les autorités locales doivent se préparer au pire :

- mettre en place des systèmes d'alerte précoce pour être certaines que la population soit avertie à l'approche d'une tempête,

- préparer des plans d'évacuation à large échelle en veillant notamment à ce que les plus pauvres puissent quitter les zones les plus dangereuses,

- mettre en place des plans d'urgence pour gérer la crise et les services d'urgence,

- aider au rétablissement et à la reconstruction grâce à des mesures de protections sociales, des systèmes d'assurance efficace et un soutien post-catastrophe.

Lors de son audition, Stéphane Hallegatte a particulièrement insisté sur le volume et la rapidité de l'aide à apporter aux populations en cas de catastrophes naturelles, notamment dans des domaines décisifs comme l'éducation et la santé, si l'on veut éviter que les adaptations des familles à leur situation nouvelle (déscolarisation, absence de soins) ne se traduisent par une immigration.

Le programme préventif de la Banque mondiale

La Banque mondiale a mis en place le Cat DDO ( Catastrophe Deferred Drawdown Option ), un programme de fonds commun permettant de débloquer les liquidités, sous 48 h après la déclaration d'une catastrophe naturelle par un pays membre de la BIRD. En contrepartie, les bénéficiaires s'engagent à mettre en place un système de gestion du risque sur lequel la Banque mondiale a un droit de contrôle. Ce programme constitue un premier modèle mais il n'est pas abordable par les pays les plus pauvres. Les fonds sont en effet imputés sur le droit de tirage des pays.

Nombre de ces solutions peuvent s'appuyer sur des technologies modernes développées au niveau international ou régional (systèmes de prévision et de surveillance météorologique, systèmes de communication), mais aussi sur des organisations simples et robustes reposant sur le GBS « gros bon sens ». Ainsi le Bangladesh, dont une grande partie de son territoire situé en zone de delta, a-t-il réussi à abaisser d'un facteur mille le nombre des victimes des inondations liées aux ouragans et submersions, par la mise en place d'un système de diffusion des alertes météorologiques par des habitants spécialement mobilisables circulant à bicyclettes et munis de porte-voix et susceptibles d'avertir les paysans travaillant dans leurs champs. L'anticipation est ici fondamentale, la formation d'un cyclone peut s'étaler sur plusieurs jours avant de frapper une côte.

La difficulté à laquelle se heurte les décideurs dans ce domaine, c'est l'écart temporel qui existe entre une augmentation avérée mais peu perceptible du risque et le coût des investissements à réaliser. Ce n'est souvent que lorsque le désastre intervient que les populations acceptent la mise en place de mesures de prévention et de financer des équipements de protection, mais il est alors trop tard et il faut cumuler les coûts de la reconstruction et ceux de la protection. Les mesures de prévention et de protection efficaces étant celles qui permettent d'éviter les catastrophes, la matérialisation de leur efficacité est peu perceptible sauf à comparer avec la situation défectueuse d'une collectivité voisine et plus elles sont efficaces, moins le risque est perceptible par les populations, mais il demeure.

La mise à l'abri des populations

La mise à l'abri des populations n'implique pas nécessairement des infrastructures lourdes. Lors du dernier cyclone qui a frappé l'archipel du Vanuatu, avec des vents de 250 km/h en moyenne, et des rafales jusqu'à 320 km/h, et endommagé 80 % des bâtiments et habitations, la préparation des populations, l'anticipation et l'alerte, mais aussi l'utilisation des « abris communautaires » traditionnels ont permis de limiter à 11 morts le nombre des victimes 100 ( * ) .

3. La régulation des implantations dans les zones à risques
a) Réguler les implantations

Les infrastructures de protection devront être complétées par une planification de l'usage des territoires : les villes peuvent maintenir leur risque d'inondation à un niveau gérable en interdisant les nouveaux développements urbains sur les terrains où les risques sont trop élevés ou trop coûteux à protéger. Ici, les pays en développement ont une fenêtre d'opportunité. Parce que l'urbanisation est encore en cours et que les infrastructures restent à construire, ils peuvent plus facilement mettre en place des politiques d'aménagement qui orientent l'urbanisation vers les lieux sûrs. De la sorte, ils pourront empêcher le développement d'activités dans les zones les plus vulnérables et les plus coûteuses à protéger et seront moins exposés aux risques d'inondation.

Cependant, ils seront confrontés à une bataille difficile quand ils devront réorienter l'urbanisation vers des lieux sûrs : des institutions faibles, l'absence de cadastre rigoureux, la difficulté à renforcer les normes de construction et à les faire respecter et le développement d'implantations informelles constitueront de sérieux obstacles.

La prise en compte dans l'aménagement des territoires des risques de submersion suppose une volonté ferme des pouvoirs publics, car les risques ne sont en réalité perçus par la population qu'à l'occasion de la survenance de catastrophes majeures. Hors ces cas et souvent pour une durée limitée car le souvenir des évènements exceptionnels s'efface vite alors qu'en revanche, l'édiction de normes contraignantes en matière de construction est souvent vécu comme un drame.

Le plan de prévention des risques littoraux

Les dégâts importants et les pertes en vies humaines causées par la tempête Xynthia en février 2010 ont conduit la France à renforcer sa politique de prévention des risques littoraux (PPRL) sur l'ensemble des territoires littoraux à basse altitude et à définir des règles d'urbanisme pour les zones périphériques et pour les maisons déjà construites 101 ( * ) , ce qui déclenche la colère de certaines populations concernées, nombre de PPRL font l'objet de recours devant les tribunaux. On observe en général une minimisation du risque et un déni du possible danger de la part des riverains et même de certains élus.

Sans doute plus de souplesse pourrait-elle être accordée dans la mise en oeuvre de ces règles en autorisant pilotis, étages refuges, protection ou nouvelles architectures basées sur l'expertise de la construction navale. Le danger de submersion pour les prochaines décennies demande d'abord une meilleure précaution face aux dangers liés à la météorologie en zone côtière. Les risques seront limités dans un premier temps à la durée de la tempête, pendant les périodes à fort coefficient de marée. Mais en fait le niveau pris dans le contexte 2100 peut aussi être considéré comme représentant le niveau des tempêtes exceptionnelles susceptibles de se produire dans un futur proche.

b) Relocaliser

Une solution est de réguler les implantations, on en mesure déjà la difficulté, une autre consiste à les relocaliser.

Les incertitudes importantes associées à l'aléa submersion, mais aussi l'actualité de notre inadaptation face à cet aléa, ouvrent la perspective d'actions de relocalisation des biens, des personnes et des activités. De telles actions, en réduisant l'exposition et la vulnérabilité actuelles aux aléas côtiers, ont un bénéfice immédiat et constituent un premier pas vers une adaptation au changement climatique.

Pour François Gemenne , « il faudra vraisemblablement déplacer certaines villes - on pense à des villes comme Jakarta, particulièrement exposée 102 ( * ) . Certains gouvernements ont commencé à déplacer des populations »préventivement : c'est le cas du Vietnam, avec le programme Living With Floods , qui vise à déplacer des populations qui habitent dans le delta du Mékong. Mais ces déplacements de populations posent énormément de problèmes, notamment en matière de droits de l'Homme, et sont souvent mal acceptés par les gens concernés. On a vu, en France, combien les zones noires décidées après la tempête Xynthia étaient difficiles à accepter par les populations. Le plan a d'ailleurs été abandonné. »

Les sociétés d'assurance ont un rôle très important à jouer pour réduire les risques, notamment par une politique de primes proactive, qui vise à décourager l'habitat dans les zones à risques.

C. LA RÉGULATION INTERNATIONALE DES PHÉNOMÈNES MIGRATOIRES

Parce que les personnes qui se déplacent soit à la suite d'une catastrophe (évènement exceptionnel touchant un grand nombre de personnes), soit à la suite d'un phénomène récurrent (évènement étalé dans le temps touchant progressivement un nombre important de personnes) effectuent cette migration temporaire ou permanente dans les limites de leur territoire national, et sont donc, pour une large part et dans un premier temps, prises en charge par les États concernés et ne relèvent que marginalement de l'aide internationale, et parce que le droit international ne définit pas de façon spécifique les personnes déplacées en raison de phénomènes écologiques, les migrations environnementales ne sont pas spécifiquement prises en compte ni par le droit international ni par le droit interne des États.

Comme les flux de réfugiés ont des causes multiples, résultant souvent d'une large variété de raisons, politiques, économiques, écologiques, sécuritaires, la classification est difficile voire impossible. La part importante d'origine anthropique dans le changement climatique désormais établie, la question d'une reconnaissance des contraintes environnementales comme facteurs des flux migratoires comme le sont les contraintes politiques et économiques, est posée.

L'accentuation des conséquences du changement climatique en termes de migration, le changement d'échelle et l'internationalisation qu'elle induira, conduisent d'ores et déjà à envisager un traitement particulier à l'échelle internationale pour certaines de ces catégories particulières de déplacés.

Des réflexions sont engagées depuis une trentaine d'années, mais elles n'ont pas concrètement abouti.

Il y aurait pourtant intérêt pour la communauté internationale à anticiper la massification du phénomène à venir et à développer une stratégie de réponse aux crises qui surviendront, comprenant à la fois des mécanismes de prise en charge, des outils juridiques adaptés et une évolution des cultures et des mentalités dans les pays susceptibles d'accueillir les personnes déplacées.

1. Les conflits de terminologie

Dans un rapport en 1985, le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) a défini la notion de réfugiés environnementaux comme « ceux qui sont forcés de quitter leur lieu de vie temporairement ou de façon permanente à cause d'une rupture environnementale (d'origine naturelle ou humaine) qui a mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie ».

Depuis lors une dizaine de termes ont été employés : « réfugiés écologiques » ou « environnementaux », « migrants de l'environnement », « réfugiés climatiques », « éco-réfugiés », « personnes déplacées en raison d'une catastrophe naturelle », « apatrides climatiques », « exilés du climat »... sans obtenir aucune définition consensuelle.

Un nombre croissant d'organisations, de commentateurs ou d'articles de presse utilisent le concept de « réfugiés environnementaux » ou de « réfugiés climatiques » pour se référer à des personnes contraintes de fuir leur lieu de résidence habituelle du fait d'un changement climatique à long terme ou de catastrophes naturelles soudaines, mais ces termes n'ont aucun fondement en droit international.

Ils résultent selon le ministère français des affaires étrangères « d'une interprétation erronée » de la Convention de 1951. Le HCR a émis de sérieuses réserves concernant la terminologie et le concept, dès ses premières études et rapports sur cette question. « L'utilisation de cette terminologie pourrait éventuellement saper le régime juridique international pour la protection des réfugiés et créer des confusions concernant le lien entre les changements climatiques, la dégradation de l'environnement et la migration. Bien que les facteurs environnementaux puissent contribuer à générer des mouvements transfrontaliers, il n'existe pas de motif pour l'octroi du statut de réfugié aux termes du droit international des réfugiés ».

Le terme de « réfugiés » renvoie en effet à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et prévoit une protection internationale pour les personnes qu'elle vise (Art. I, A,2 : « personnes craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité »). Les personnes déplacées pour raisons climatiques n'entrent donc pas dans les critères de reconnaissance des réfugiés.

A ce stade, aucun instrument international ne permet la reconnaissance d'un statut juridique de « déplacé climatique », ni ne prévoit de protection spécifique. Il n'existe donc pas de régime ad hoc ou d'approche globale relatifs aux personnes franchissant des frontières du fait des impacts du changement climatique.

2. L'inadaptation de la Convention des Nations unies relative au statut de réfugiés de 1951 et le blocage actuel à toute évolution

Certains États et certaines ONG ont suggéré que la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés pourrait être amendée et élargie pour inclure les personnes qui ont été déplacées au-delà des frontières du fait d'un changement climatique à long terme ou d'une catastrophe naturelle soudaine. Selon le ministère français des affaires étrangères, et cette opinion est partagée par le HCR dans de nombreux écrits sur la question « toute initiative visant à réviser cette définition présente le risque d'une renégociation de la Convention de 1951, ce qui, dans le climat actuel, pourrait aboutir à un abaissement des normes de protection pour les réfugiés, voire saper complètement le régime international de protection des réfugiés ».

3. Les solutions évoquées pour traiter cette question
a) La rédaction de nouveaux principes directeurs applicables aux personnes déplacées à l'intérieur de leur pays

Les déplacements à l'intérieur d'un même pays relèvent de la responsabilité première des États concernés puisqu'il s'agit à la fois de leurs propres ressortissants et de leur territoire. Ils peuvent néanmoins être régis par les « Principes directeurs de 1998 relatifs aux déplacements des personnes à l'intérieur de leur propre pays » établis par les Nations unies. Ces Principes 103 ( * ) visent à répondre aux besoins particuliers des personnes déplacées, y sont identifiés les droits et les garanties concernant la protection des personnes contre les déplacements forcés et la protection et l'aide qu'il convient de leur apporter au cours du processus de déplacement, ainsi que pendant leur retour ou leur réinstallation et leur réintégration.

Comme l'a fait remarquer Christel Cournil, maître de conférence à l'Université Paris 13 entendue par le groupe de travail : « clairement inscrits dans le champ du «soft law», ces principes directeurs ne sont pas juridiquement contraignants pour les États. Ces derniers peuvent simplement s'en inspirer dans le cadre de leur législation nationale ».

b) La possibilité d'un Protocole à la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) de 1992

Le droit international de l'environnement n'aborde que très marginalement la question des migrations. Il recouvre en effet la prévention des risques et la réglementation des activités humaines dangereuses sans envisager les conséquences géopolitiques, humaines et sociologiques des changements du climat.

Les questions de déplacement pour des raisons climatiques ne sont pas au coeur des négociations onusiennes menées sous l'égide de la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Seul le droit dérivé de la Convention-Cadre traite de cette question, davantage envisagée comme une problématique à approfondir et à étudier que sous l'angle des solutions juridiques en matière de protection des populations concernées.

Perçu comme un échec des politiques d'atténuation et d'adaptation (et non comme une modalité d'adaptation), le déplacement de populations pour des raisons climatiques a été reconnu par les accords de Cancún (point 14 §f, décembre 2010) 104 ( * ) comme l'une des conséquences du changement climatique. La création en novembre 2013 du mécanisme de Varsovie sur les pertes et dommages devrait en outre faciliter les travaux sur ces questions. Le comité exécutif de ce mécanisme a ainsi pour mandat « d'améliorer la compréhension et l'expertise de la manière dont les impacts des changements climatiques affectent les schémas de migrations, les déplacements et la mobilité humaine ». Ce comité devrait rendre ses conclusions en 2016 105 ( * ) .

Dans le cadre des réflexions menées par les universitaires, Frank Biermann et Ingrid Boas proposent l'adoption d'un Protocole à la CCNUCC 106 ( * ) qui s'adresse explicitement aux «réfugiés», sans exclure les déplacés internes. Il est limité aux déplacements liés aux changements climatiques et prend appui sur les institutions existantes. L'accueil est organisé selon un système de listes des zones et des populations affectées par le changement climatique. L'accord de l'État est nécessaire à cet accueil.

4. En l'absence de réponse du droit international, de nombreuses initiatives ont été prises pour mieux tenir compte du phénomène et tenter d'y apporter des réponses à ce stade au niveau régional ou local

Un rapport a été remis à l'Assemblée générale des Nations unies en 2012 par le Haut représentant des droits des migrants (François Crépeau) ainsi qu'un rapport du conseil des Droits de l'Homme.

L'initiative la plus connue et la plus aboutie reste l' « Initiative Nansen » qui s'appuie sur un processus consultatif des États et de la société civile afin, dans un premier temps, d'améliorer la connaissance du problème et de mettre en oeuvre des bonnes pratiques.

Outre cette initiative, les déplacements liés au climat sont également l'objet de discussions au niveau international et européen.

a) L'Initiative Nansen

L'initiative Nansen

La Conférence d'Oslo sur le changement climatique et les migrations de juin 2011 a abouti à la rédaction d'un ensemble de recommandations non contraignantes, les « Principes Nansen », afin de « guider les réponses à certains des défis urgents et complexes liés au déplacement dans le contexte du changement climatique et d'autres risques environnementaux » (Préambule de la Conférence).

L' » Initiative Nansen » a été lancée officiellement par la Suisse et la Norvège en 2011, en étroite collaboration avec le HCR et l'OIM 107 ( * ) lors de la réunion du 2 octobre 2012. Conçue comme un processus consultatif ascendant dirigé par les États et extérieur aux Nations unies, ses objectifs définis lors des premières consultations consistent à « renforcer les connaissances et combler les lacunes juridiques et opérationnelles sur la protection des déplacés transfrontaliers liés aux désastres naturels ».

Elle concerne les déplacements transfrontaliers d'une part (et non pas les mesures à prendre en cas de déplacements internes à un pays, qui sont de la responsabilité des autorités nationales), d'autre part, les déplacements liés à des désastres naturels (liés ou non au changement climatique) et non aux effets à plus long terme du changement climatique. Elle couvre toutes les questions concernant ces déplacements de leur préparation en amont, la protection et l'assistance pendant ceux-ci, jusqu'à la transition vers des solutions à la suite de la catastrophe.

En février 2014, la France a rejoint le « Groupe des Amis de l'initiative Nansen » 108 ( * ) . Les contacts avec M. Walter Kälin, envoyé spécial pour l'Initiative, ancien rapporteur spécial des Nations unies pour les droits des personnes déplacées, sont réguliers, à Paris et à Genève. L'Initiative est basée sur un processus « vers le haut » (bottom-up) débutée par une consultation en 2014 des Etats-nations insulaires du Pacifique et poursuivie avec l'organisation de 4 consultations régionales sur les principales zones affectées : Amérique centrale, Corne de l'Afrique, Asie du sud-est et Asie du Sud, et l'organisation d'une consultation globale les 12 et 13 octobre 2015 à Genève, qui permettra de consolider les résultats des consultations régionales. L'objectif est l'adoption d'un agenda de protection avant la COP 21. La France a prévu d'être représentée à la Consultation globale de Genève.

b) L'OIM

L'Organisation internationale des migrations (OIM) a lancé un portail de la migration environnementale qui vise à fournir un point d'entrée unique pour promouvoir les nouvelles études, l'échange d'informations et le dialogue. L'objectif est de combler les lacunes concernant les données, les résultats de recherches et les connaissances disponibles sur le lien entre la migration et l'environnement.

Le portail de la migration environnementale

Le projet « Migration, environnement et changement climatique : données à l'usage des politiques », dont le budget atteint 2,4 millions d'euros (dont 1,9 financé par l'Union européenne) a pour objectif de contribuer à la base de connaissances mondiale sur les liens entre les migrations et les changements environnementaux, y compris climatiques. Ces travaux de recherche visent à proposer des moyens d'action pour que la migration aille dans le sens des stratégies d'adaptation aux changements environnementaux et climatiques. Le projet est mis en oeuvre en Haïti, au Kenya, à Maurice, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en République dominicaine et au Vietnam. Malgré un nombre croissant d'études consacrées à la multithématique migration, environnement et changement climatique, le manque de données fiables et de recherches orientées vers l'action qui puissent répondre à la demande croissante des responsables politiques et à leurs besoins reste important.

c) Une nouvelle convention sur le statut de migrant climatique

Plusieurs projets émanant d'universitaires, de think tanks ou de juristes ont été présentés depuis une dizaine d'années pour proposer une convention spécifique.

Le projet de convention pour les migrants climatiques

Le projet de convention relative aux déplacés environnementaux proposé en 2008 par les juristes de l'université de Limoges propose la mise en place de commissions nationales pour les déplacés environnementaux dans chaque État partie, une Agence mondiale pour les déplacés environnementaux composée d'un conseil d'administration, d'une haute autorité, d'un conseil scientifique d'un Secrétariat et d'un fonds mondial.

En 2009, David Hodgkinson et ses coauteurs 109 ( * ) présentent une nouvelle convention ad hoc pour les déplacés climatiques permettant une reconnaissance collective des populations à risques et dotée d'une définition flexible. Les auteurs prévoient une série d'obligations telles que des mesures de réinstallation de long terme ; une assistance fondée sur la responsabilité commune des États mais différenciée dans les émissions de gaz à effet de serre, des mesures d'adaptation et d'atténuation mises en oeuvre par les États d'accueil, la création d'un fonds d'assistance et des études scientifiques régulières sur les personnes exposées aux risques des changements climatiques. Ils incluent les déplacés internes dans le champ de la Convention.

La proposition de Bonnie Docherty et Tyler Giannini de l'Université d'Harvard 110 ( * ) , qui porte sur les seuls «réfugiés climatiques » envisage la possibilité d'une Convention ad hoc et d'un Protocole à la Convention sur le climat.

L'ancien vice-bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, Me Yvon Martinet et de M. George J. Gendelman (Fondateur associé des Ateliers de la terre) qui souhaitent que le sujet gagne en visibilité en prenant une dimension internationale et proposent un projet de convention pour définir un statut de déplacé environnemental, permettant aux personnes contraintes de quitter leur pays de demander un « asile environnemental » afin d'obtenir une aide humanitaire et des droits, et de responsabiliser les États.

En dépit des différences, des points de convergence peuvent être mis en évidence. Les propositions sont basées sur le principe des responsabilités communes mais différenciées et proposent le recours à un fonds mondial. La création d'une agence mondiale est souvent présente ainsi que l'attribution de droits subjectifs aux déplacés.

La COP 21 fournit l'occasion de donner au sujet une plus grande visibilité, sans en faire un sujet de l'agenda officiel de la conférence. Les auteurs de ces projets considèrent qu'ils pourraient faire partie de l'agenda des solutions.

Reste qu'un statut unique suppose que tous les migrants environnementaux aient des besoins similaires, or les différences de situation existent. La faisabilité d'une telle convention reste faible en raison de la réticence des Etats et du difficile contexte de son financement. Les autorités françaises font preuve d'une grande prudence à l'égard de ces initiatives au regard des difficultés qui se poseraient pour l'élaboration d'une nouvelle convention internationale sur le sujet.

d) D'autres solutions ont été envisagées

Il s'agit de solutions déjà mises en oeuvre en cas de catastrophes naturelles comme l'élargissement des protections subsidiaires ou temporaires.

Des initiatives isolées et marginales de certains pays (Grèce, Suède, Finlande et Italie) ont timidement et indirectement abordé la question par le développement des protections subsidiaires. La Suède et la Finlande prévoient un mécanisme de protection dans leur législation pour les personnes fuyant une catastrophe écologique ou naturelle.

L'Union européenne et les États-Unis ont développé des modèles de protections temporaires.

Ainsi les États-Unis ont-ils adopté un statut de protection temporaire, applicable lorsqu'un pays se trouve dans l'incapacité temporaire de protéger ses propres ressortissants, notamment en cas de catastrophes naturelles. Il n'autorise pas l'entrée de nouveaux migrants mais suspend les expulsions. Il a été mis en oeuvre à plusieurs reprises et de façon assez systématique.

L'Union européenne a mis en place en 2001 un cadre légal 111 ( * ) susceptible d'être mis en oeuvre en cas d'arrivée d'un nombre important de personnes déplacées, en provenance d'un pays ou d'une zone géographique déterminés, que leur arrivée dans la Communauté soit spontanée ou organisée, par exemple dans le cadre d'un programme d'évacuation ». Conçu dans le contexte de la crise du Kossovo, il pourrait être utilisé, le cas échéant, sur décision du Conseil, en cas de catastrophe naturelle par une interprétation extensive.

Certains pays facilitent les migrations économiques comme la Nouvelle-Zélande (voir infra p.100) ou l'Espagne (programme de migration temporaire de travailleurs colombiens provenant de sites affectés par des catastrophes naturelles).

e) La convention de Kampala (2009)

La Convention de Kampala 112 ( * ) sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique conclue en 2009 dans le cadre de l'Union Africaine est un exemple de mise en place d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées dans un cadre régional. Ce texte a été conçu pour remédier à la situation des personnes déplacées dans leur propre pays (PDI).

La convention de Kampala

La convention énonce clairement les obligations des Etats parties en matière de protection des personnes déplacées internes forcées à fuir « après ou afin d'éviter les effets de [...] catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme » (art. 1.k), y compris celles liées au changement climatique (art. 5.4). Elle fait référence à la création et à la mise en oeuvre de systèmes d'alerte précoce, de stratégies de réduction des risques de catastrophes, de mesures de planification préalable et de gestion d'urgence des désastres, en tant que moyens de prévenir les déplacements et de s'y préparer (art. 4.2).

Elle mentionne également l'obligation qu'ont les Etats « de prévenir et d'éviter les situations pouvant conduire au déplacement arbitraire de personnes » (art. 4.1), faisant explicitement référence aux évacuations forcées dans le cadre de catastrophes naturelles ou d'origine humaine (art. 4.4.f).

Il s'agit donc d'une approche intégrée qui vise non seulement à traiter la question des personnes déplacées mais également à inciter les signataires à mettre en place des dispositifs de prévention, de protection et de gestion de crise. Elle constitue une approche originale et exemplaire à l'échelon régional qui mérite d'être soutenue.

5. Points forts et points faibles

Pour Christel Cournil, maître de conférence à l'Université de Paris-13 113 ( * ) , entendue par le groupe de travail, les solutions offertes par le « droit souple » consistant à renforcer la protection des personnes déplacées internes (renforcer les principes directeurs IDP, mettre en place un Guide opérationnel-catastrophes naturelles ou comme l'Initiative Nansen et l'agenda de protection 2015) permettent de mieux définir la complexité des migrations, de mieux adapter les solutions aux réalités empiriques car la mise en oeuvre est locale. Cela permet de « commencer petit », d'expérimenter et de sensibiliser les Etats aux « bonnes pratiques ». En revanche, le champ de protection demeure réduit et on ne traite pas le cas des personnes piégées sur place, souvent les plus pauvres qui ne peuvent se déplacer.

La signature d'accords régionaux ou bilatéraux garantit également, selon elle, une meilleure faisabilité politique car moins d'États sont à convaincre, les réponses sont mieux adaptées, une meilleure homogénéité culturelle, socio-économique, linguistique, et une meilleure coordination. Néanmoins, les pays en développement touchés portent toute la charge de l'assistance et de l'accueil 114 ( * ) . Les pays « industriels » historiquement responsables des émissions de gaz à effet de serre, sont largement exonérés sauf si un mécanisme de péréquation est prévue. On peut aussi imaginer que l'apport de financements via les Nations unies ou la Banque mondiale assure une forme de péréquation.

6. Le cas spécifique des Etats insulaires menacés de disparition : la migration contrainte

A défaut de solutions de protection adéquate ou d'artificialisation des territoires, l'émigration sera la seule voie ouverte aux populations de ces Etats.

a) Les limites des renforcements des protections à l'artificialisation du territoire

A Kiribati, une vingtaine de programmes internationaux et les deux programmes nationaux d'adaptation au changement climatique rivalisent de solutions de court terme - plantation de mangroves, construction de digues, amélioration des canalisations et de la récolte d'eau de pluie mais le président Anote Tong 115 ( * ) reconnaît lui-même leur relative inefficacité.

« Nous pouvons toujours essayer de trouver des solutions d'ingénierie sur place. Par exemple, la possibilité de surélever les îles est étudiée. Mais dans tous les cas, pour une partie du territoire au moins, arrivera un moment où nous ne pourrons plus rester émergés : peut-être dans vingt ans, vingt-cinq ans, plus tôt qu'on ne le pense à mon avis. A ce moment-là, il sera impossible de s'adapter, à moins de se mettre à nager ou de devenir des iles flottantes artificielles. »

b) L'émigration organisée

« Nous pensons que nous n'aurons pas les moyens de préserver nos îles, même avec l'aide de la communauté internationale. Nous devons nous préparer au déplacement d'une partie de la population. Nous avons encore le temps, nous ne voulons pas que les gens migrent à la dernière minute. L'objectif, c'est qu'ils acquièrent des compétences grâce à des formations pour trouver de bons postes et répondre à des besoins spécifiques dans des pays comme le Japon, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, où la population est vieillissante et où il y a un besoin de main-d'oeuvre. ». Ces objectifs sont inclus dans le plan « Migration dans la dignité ».

Le gouvernement des Kiribati a déjà acheté aux Fidji quelque 20 km² qui serviront de « ferme » si les infiltrations d'eau salée rendent toute culture impossible sur l'archipel et une réflexion est en cours sur des déplacements de la population vers les Fidji et le Timor oriental.

Partir est pourtant une option hautement anxiogène pour les populations, qui laisse en suspens de nombreuses questions. Conserveront-elles leur nationalité, si elles ne sont plus rattachées à un territoire ? Seront-elles des réfugiés climatiques, statut qui n'existe pas encore ? Leur peuple sera-t-il dispersé entre différents pays d'accueil ? Garderont-elles leurs droits sur leur territoire maritime ? Réussiront-elles à préserver leur identité culturelle ?

Cette émigration nécessite le concours des pays voisins et de la communauté internationale, mais jusqu'ici les réponses ont été faibles ou dilatoires. Les pistes envisagées pour mettre en place une « libre circulation » dans sa dimension régionale avec la création d'une Pacific Acces category 116 ( * ) (immigration de travail et non environnementale), n'ont été mises en place qu'avec la Nouvelle-Zélande. L'Australie se montre beaucoup plus réservée. En juillet 2007, un amendement au Migration act demandant que soit créée une nouvelle catégorie de visas ( Climate refugee Visa : 300 personnes/an de Tuvalu, 300 de Kiribati et 300 d'autres îles du Pacifique) proposée par la sénatrice Kerry Nettle a été rejeté par le Parlement australien. De même, les démarches diplomatiques effectuées par le gouvernement de Kiribati se sont-elles révélées infructueuses.

La réponse de la communauté internationale mériterait d'être plus ouverte à l'égard de ces populations et en tous cas d'intervenir avant toute dissolution de l'Etat affecté et avec la capacité, si possible pour les populations affectées, d'avoir une double nationalité.

7. En conclusion

Difficile à définir, car les décisions de migration résultent d'un ensemble de facteurs, le concept de migration climatique tend à globaliser un grand nombre de situations (décisions individuelles ou collectives, déplacements temporaires ou permanents, volontaires ou contraints, à plus ou moins grande distance et dans des conditions humanitaires très différentes).

L'absence de définition ne doit pas pour autant occulter les questions posées par l'amplification des phénomènes migratoires directement ou indirectement liés au changement climatique.

Or les structures de gouvernance internationales actuelles, organisées en silos, ne s'intéressent pas suffisamment à cette question. La question est traitée dans différentes enceintes avec leurs logiques propres, de protections des droits de l'homme ou du droit de l'environnement ou encore de gestion des flux.

Les solutions tardent à émerger en raison des différences d'intérêts entre les États sur les objectifs à atteindre : aider les populations les plus vulnérables, protéger la sécurité internationale, responsabiliser les États émetteurs de GES.

Actuellement, les solutions de droit souple et les plus concrètes paraissent les plus adaptées, mais seront-elles suffisantes dans l'avenir avec la massification possible des migrations ?

Comme l'indique Christel Cournil 117 ( * ) « la gouvernance des migrations environnementales devra s'inscrire dans une approche holistique mêlant différentes dimensions et capable d'impliquer de nombreux acteurs politiques, clé de voûte de la gouvernance internationale. »

Les solutions reposent d'abord sur une atténuation des migrations et donc sur les efforts qui seront engagés pour réduire les émissions des GES et sur l'efficacité des politiques d'adaptation en matière de prévention, protection, alerte et secours et reconstruction. Mais elles ne seront sans doute pas suffisantes, c'est pourquoi la question des migrations environnementales doivent progressivement entrer dans le cadre des négociations internationales.

D. L'ORGANISATION DES SECOURS AUX POPULATIONS

1. Le renforcement et la mutualisation des moyens de secours et de reconstruction

Selon la récente feuille de route sur l'adaptation au changement climatique du Département américain de la défense, « comme le changement climatique affecte la disponibilité de la nourriture et de l'eau, les migrations humaines et la compétition pour les ressources naturelles, la capacité unique du département de la Défense à fournir une assistance en termes de logistiques, de moyens et de sécurité à une échelle massive et de façon rapide sera sollicitée de façon croissante ».

Les missions d'assistance

Dans son dernier rapport, le Center for Naval Analyses a ainsi souligné l'importance à venir des missions d'assistance humanitaire/réaction aux catastrophes ( humanitarian assistance/disaster response , HA/DR) qui nécessitent l'emploi de matériels et la sollicitation de compétences dont certaines ne sont détenues que par des corps spécifiques (garde nationale, corps des ingénieurs des armées). Si l'on considère l'augmentation à venir des phénomènes climatiques extrêmes et la contraction des budgets de défense en Europe, il y a là une interrogation sur les capacités de réaction et de résilience des territoires qui seront frappés par ces aléas.

Cette affirmation vaut également pour l'ensemble des pays développés qui sont régulièrement sollicités pour prêter assistance aux pays les plus pauvres victimes de catastrophes naturelles. La multiplication de celles-ci rendra nécessaire un renforcement des capacités à mettre en oeuvre et une meilleure coordination des moyens déployés sur les théâtres d'opération.

Dans un contexte de risques grandissants, les forces de sécurité s'exposeront davantage. L'organisation des secours sera difficile sur des théâtres inondés, donc peu accessibles, par voie terrestre, ne disposant plus d'infrastructures de communication fonctionnelles, sans eau ni électricité, offrant des conditions d'émergence d'épidémies ou d'activités de pillage en cas de délais importants de retour à la normale du système, compliquant leur intervention.

Faire face à ces enjeux suppose de disposer de forces de sécurité civile et de forces armées mobilisables, équipées et préparées pour les appuyer et les soutenir en cas de sinistre majeur. Le renforcement des capacités opérationnelles dans ce secteur, en coordination avec les instances de la sécurité civile constitue la première partie de l'adaptation des armées aux manifestations du changement climatique.

Il faudra aussi veiller à ce que les matériels soient adaptés à ce type d'interventions mais également aux théâtres qui auront pu subir des modifications (vigilance sur les tirants d'eau des navires, modification de la salinité de l'eau et impact sur la propagation des ondes radio, etc.).

La constitution d'état-major de forces de sécurité civile à l'échelon régional ou international (dans la mouvance des Nations unies et l'instar des « casques bleus »), voire la constitution d'un réservoir de forces susceptibles d'être déployées rapidement et utilisant des protocoles communs, au besoin ayant pratiqué des exercices communs, serait nécessaire.

Cela posera naturellement la question du financement et de la capacité pour les États concernés de fournir les forces et les équipements nécessaires en temps utiles . La multiplication des opportunités rendra probablement nécessaire un renforcement de ces moyens. Aujourd'hui dans nombre d'États, les capacités militaires sont mises à contribution en deuxième échelon, mais on peut s'interroger, y compris dans un pays comme la France, sur la capacité qu'auraient nos Armées d'assurer leur contrat opérationnel en cas de survenance d'une catastrophe naturelle de grande ampleur sur le territoire national et d'une opération strictement militaire ou de sécurité nationale comme « Sentinelle » dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Une réflexion est engagée dans de nombreux États en termes d'organisation sur la répartition des compétences et des missions entre les unités de la sécurité civile, celles qui relèveraient d'unités de sécurité intérieure (police, gendarmerie, garde nationale) et celles qui relèveraient des forces armées . Aujourd'hui, le contrat opérationnel des Armées en France permet le déploiement de moyens militaires d'aéromobilités ou de génie qui ne sont que dans les forces armées. Il a été considéré jusqu'ici que leur duplication dans les unités de la sécurité civile n'était pas nécessaire et qu'il était de meilleure gestion de procéder par mutualisation. Demain, la multiplication des engagements des unes et des autres obligera peut-être à revoir cette répartition. Elle devrait faire l'objet d'une étude spécifique lors du prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale .

Une solution pourrait être de renforcer la mutualisation à l'échelle européenne, qui fonctionne relativement bien en matière de sécurité civile , y compris pour l'utilisation de moyens lourds comme les hydravions ou les hélicoptères dans le cadre de la lutte contre les feux de forêts.

2. Une évolution nécessaire du droit international humanitaire

Les secours aux populations ne sont pas seulement une question d'organisation mais elles consacrent également un droit à vivre en sécurité sur le territoire d'un État.

Le changement climatique, et notamment la montée du niveau de la mer, comme la fréquence et l'amplification des évènements météorologiques extrêmes, vont immanquablement conduire à des prises de décisions temporaires ou définitives de déplacements et de relocalisations d'habitants et d'activités. Les conditions dans lesquelles seront organisés ces déplacements et relocalisations, doivent s'inscrire dans les principes des droits de l'homme, même si l'on peut admettre que dans l'urgence, la sécurité des personnes prime.

La question est posée tant en droit interne qu'en droit international, y compris en cas d'incapacité d'intervention ou de volonté de non-intervention d'un Etat souverain, justifiant le cas échéant le devoir d'ingérence sous couvert du droit international humanitaire. Il y a donc tout intérêt dans les conventions internationales multilatérales ou bilatérales de rappeler et d'insérer de tels principes, afin de les rendre plus opérationnels le jour venu.

E. UN DROIT DE LA MER PLUS PROSPECTIF

1. Cristalliser les lignes de bases actuelles

Face à une situation d'incertitude du droit de la mer, il est possible d'envisager deux solutions : soit les États doivent adapter leurs revendications maritimes à leur nouvelle réalité géographique, soit ils peuvent conserver leurs anciennes lignes sans tenir compte du changement. La doctrine dominante penche en faveur de la première solution 118 ( * ) , mais l'état du droit international n'exclut pas la seconde. Certains experts, comme Mme Blanchette-Seguin 119 ( * ) , se prononce en faveur de la conservation des lignes établies en raison des conséquences négatives qu'aurait la mouvance des lignes de base pour la communauté internationale : coûts supplémentaires pour les États, incertitude juridique en ce qui concerne la navigation et l'accès aux ressources naturelles, tensions entre les Etats ; mais aussi des avantages de la conservation : unité du régime de la mer posé par la Convention, intérêts des États à conserver les frontières maritimes existantes, théorie des eaux historiques cristallisée par la pratique des États. Dans cette perspective, un amendement à la Convention serait le bienvenu.

2. Intégrer la mer dans les négociations climatiques

Reconnue comme « un bien commun de l'humanité » par la Convention du droit de la mer, c'est désormais une zone écologiquement très sensible, dont les ressources sont de plus en plus intensément exploitées et dont la pollution s'accroît.

Une étude réalisée par le Boston Consulting Group et le Global Change Institute de l'université du Queensland (Australie), publiée en avril 2015 par le World Wild Fund (WWF), estime à 24 000 milliards de dollars 120 ( * ) la valeur de la richesse océanique. Sa production annuelle s'élèverait à 2 500 milliards de dollars, ce qui place les océans au 7 e rang mondial des économies les plus riches, derrière la Grande-Bretagne et devant le Brésil. Elle montre ainsi les enjeux sur le plan économique et environnemental, d'un écosystème très affecté par le changement climatique.

Depuis 2006, des discussions sont en cours au sein des Nations unies sur le besoin d'un instrument légal et international de protection des écosystèmes marins en haute mer dans le cadre de la Convention dite de « Montego Bay » sur le droit de la mer, mais peu d'avancées concrètes ont été faites.

L'accord historique obtenu en janvier 2015 pour que s'ouvrent dans le cadre de l'Assemblée des Nations unies des négociations pour l'élaboration d'un Accord sur la haute mer, ainsi que l'intégration d'un objectif spécifique sur l'océan dans les objectifs du développement durable de l'ONU, illustre la volonté croissante de la communauté internationale de gérer les défis et les opportunités liés aux océans. Mais beaucoup reste à faire pour une meilleure intégration des enjeux liés à l'océan dans le cadre des négociations sur le climat.

L'océan reste étonnamment absent des textes stratégiques en cours de négociation en vue de l'Accord de Paris. Il a notamment été omis au cours des discussions de préparation des Accords sur le climat, en septembre 2014, et ne figure pas parmi les huit champs d'action sur lesquels les gouvernements sont invités à s'engager.

Comme le note Jeanne Gherardi, référente « Action Climat » à l'IFREMER, membre de la plateforme « Océan & Climat » : « L'océan, dont le rôle central dans le système climatique fait consensus dans la communauté scientifique, est pourtant un élément essentiel de réponse et d'adaptation aux changements climatiques. Sa capacité à absorber et à stocker le CO 2 émis, combinée au stockage de l'excès de chaleur résultant des activités humaines, contribuent à limiter considérablement le réchauffement. Son statut de premier fournisseur d'oxygène, via un écosystème complexe, est également vital pour l'humanité. Le réchauffement global, associé à d'autres pressions anthropiques telles que la pollution ou la surexploitation des ressources, sont cependant en train de remettre en question ces différentes fonctionnalités ou l'efficacité de ces différents mécanismes Le maintien d'un océan en bonne santé et d'un climat préservé sont donc les deux facettes d'une même urgence. » 121 ( * )

L'océan est aussi une boîte à outils pour nous aider à lutter contre le dérèglement climatique.

Le rôle essentiel de l'océan

Réservoir inépuisable d'énergie, il peut fournir des solutions alternatives pour répondre à nos besoins croissants. Un projet comme le SWAC ( Sea Water Air Conditioning ), opérationnel à Hawaï et en cours d'expérimentation à La Réunion, utilise les eaux froides des profondeurs pour alimenter un système de climatisation urbaine, limitant considérablement les émissions de gaz à effet de serre, tout en réduisant la consommation d'énergie lié à ce système. Des prototypes sont par ailleurs en cours de développement pour utiliser efficacement l'énergie thermique des mers, basée sur la différence de température entre les eaux chaudes de surface et les eaux profondes très froides (entre -1 et 5°C). Cette source d'énergie constante, et a priori inépuisable, pourrait à terme alimenter des régions côtières et garantir l'autonomie énergétique de nombreuses îles, avec un bilan carbone très réduit.

En plus de permettre de produire de l'énergie à faible impact climatique, l'océan pourrait contribuer directement à la valorisation du CO 2 contenu dans les fumées issues des activités industrielles, la culture de micro-algues à fort potentiel commercial (alimentaire ou énergétique) absorbant ce CO 2 par photosynthèse.

Pour être réellement mises en oeuvre, ces pistes requièrent encore beaucoup d'innovations qui doivent être encouragées et financées, notamment au travers des différents mécanismes de financement climatique (fonds vert, marchés volontaires, « green bonds », etc.). L'accès à ces moyens financiers est une autre raison fondamentale pour que l'océan trouve sa place dans les textes de négociations climatiques.

III. UN EFFORT DE SENSIBILISATION, DE MOBILISATION ET DE PLANIFICATION DOIT ÊTRE RÉALISÉ DÈS MAINTENANT, Y COMPRIS EN MATIÈRE DE DÉFENSE

Les sociétés vont être confrontées à des choix difficiles en réponse à la montée du niveau des eaux, au premier chef celui de la résistance ou celui du retrait, avec des coûts humains et financiers considérables et des arbitrages à faire entre activités économiques et populations. Ces choix vont survenir au moment où nos sociétés seront également engagées dans les transformations liées à l'atténuation du changement climatique notamment de leurs productions d'énergie ; c'est toute la structure de l'économie, des emplois et de nos modes de vie qu'il va falloir faire évoluer pour s'adapter au changement climatique, mais aussi au passage aux énergies non carbonées et à l'augmentation des coûts associés. Il en résultera nécessairement de fortes tensions sociales et politiques.

Ces tensions risquent d'être beaucoup plus vives encore dans les pays en développement qui ne dispose ni des capacités institutionnelles, scientifiques et économiques pour conduire de tels changements sans l'appui des pays les plus développés et des institutions internationales. C'est donc un formidable élan de solidarité qui sera nécessaire pour relever ce défi, au-delà de la nécessaire prise de conscience de chacun et des débats sur les responsabilités.

Le groupe de travail, malgré l'appréciation par construction partielle, qu'il a pu porter sur les risques et les solutions, tant en raison de son mandat que du temps imparti pour mener son étude, est en mesure d'ouvrir quelques pistes de réflexion et de formuler quelques propositions, qui sans être exhaustives, devraient être soumises au débat tant au sein des organisations internationales (au premier chef les conférences sur le changement climatique), de l'Union européenne et de l'OTAN, mais aussi en France, car certaines d'entre-elles concernant la défense relèvent de notre souveraineté.

A. AU NIVEAU INTERNATIONAL

1. S'agissant de l'atténuation du réchauffement climatique

Nous avons dans ce rapport, en nous focalisant sur la montée du niveau de la mer, montré l'ampleur et la gravité des conséquences du changement climatique, le caractère inéluctable de certaines d'entre-elles et les risques majeurs qu'entraîneraient le maintien du niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre. Les études du GIEC définissent des scénarios et se fondent sur des probabilités d'occurrences. On observera que chaque nouveau rapport accroit le niveau de risque et rehausse les niveaux de probabilité au fur et à mesure du perfectionnement des modèles, de la connaissance des phénomènes géophysiques mais aussi et surtout de l'accumulation des émissions.

Si la sécurité absolue est un mythe, une attitude responsable consiste à se garder des risques les plus lourds en mettant en oeuvre des politiques de prévention. Celles-ci passent indiscutablement par une réduction rapide des émissions de CO² afin d'atténuer le réchauffement climatique et dans un premier temps de le contenir sous un seuil acceptable pour minimiser ses impacts. L'objectif de la COP 21 est d'arriver à un accord assurant le maintien du réchauffement à 2°C. C'est un minimum.

Si un accord est trouvé, encore faudra-t-il qu'il soit effectivement appliqué et que les objectifs fixés soient atteints. Cela suppose que la communauté internationale se donne les moyens de suivre l'impact des politiques d'atténuation et qu'elle continue de parfaire son suivi des phénomènes climatiques et de leurs impacts, Il est probable que ces objectifs devront être revus et que les efforts auront besoin d'être accentués à l'avenir, mais si l'ensemble des acteurs (Etats, entreprises, citoyens) entrent dans une dynamique de changement, la réticence aux évolutions sera moindre et l'action facilitée.

La conclusion d'un accord doit être perçue comme une première étape et non comme un aboutissement. Il ne s'agit pas de confondre le moyen avec le but à atteindre. La dynamique créée autour du moment-clef devra être poursuivie avec rigueur et sans faiblesse.

Proposition n° 1 : Conclure un accord ambitieux et contraignant lors de la 21 e Conférence de la convention des Nations unies sur le Changement climatique (UNFCCC) en décembre 2015 à Paris pour s'orienter résolument vers une diminution des émissions de CO² compatible avec le maintien du réchauffement à 2°C, ce qui est un minimum.

Proposition n° 2 : Considérer ces engagements comme une étape et non comme un aboutissement. Mettre en place un suivi approprié des évolutions du changement climatique et de mesure de l'impact des politiques d'atténuation afin de pouvoir reconsidérer le moment venu les niveaux d'engagement et de contraintes.

Le discours d'expertise est souvent l'objet d'une suspicion et d'un procès d'élitisme coupé des réalités, surtout lorsqu'il s'appuie sur des prévisions résultant de combinaisons complexes de données et que ces prévisions ne se traduisent pas par des faits appréciables et attribuables par la population au changement climatique.

Inversement, le discours scientifique est relayé ou contrecarré par celui des communicants, beaucoup plus virulents qu'ils agissent comme « lanceurs d'alerte » au nom d'un militantisme jusqu'au-boutiste ou d'un « climato-scepticisme » exacerbé. « L'hystérisation » des discours entraîne une simplification à outrance et nuit par ses excès à l'assimilation des enjeux.

Un effort sémantique et pédagogique doit être mené, pour vulgariser les connaissances scientifiques sans les déformer et pour expliquer la réalité des évolutions en cours et les objectifs des décisions à prendre sans catastrophisme et sans déni de réalité. Le peur n'est pas nécessaire à la résolution des crises. La solution réside dans l'anticipation, l'information et la planification.

La participation des citoyens au débat sur le climat

L'association des citoyens aux enjeux du changement climatique est souhaitable. Lorsqu'elle est organisée convenablement suffisamment en amont et fondée sur des éléments d'information pluralistes, des avis contradictoires et des expertises indépendantes, la consultation de la population sous forme de débat ou de panel peut se révéler intéressante et plus performante que la consultation obligatoire souvent formelle d'organismes institutionnels comme l'a montré le « Débat citoyen planétaire » organisé en juin dernier entre 10 000 habitants des cinq continents dans le cadre de la préparation de la COP 21.

Sur ces 10 000 citoyens, 78 % se disent très concernés par le changement climatique. 66 % pensent que les mesures pour lutter contre le changement climatique sont plutôt une opportunité qu'une atteinte à la qualité de vie, et que tout doit être fait pour limiter le réchauffement climatique à 2°C et 90 % pensent que tous les pays devraient rendre public un rapport annuel sur leurs émissions et les progrès réalisés.

Comme l'indique Christian Leyrit, président de la Commission nationale du débat public (CNDP) co-organisatrice de cette consultation, « l'idée que les gouvernants ne pourraient pas prendre des mesures ambitieuses parce que les citoyens n'y seraient pas prêts est donc un point de vue totalement démenti. »

Il s'agit d'expliquer et d'accompagner une évolution de nos sociétés, qui implique nécessairement des changements profonds dans nos habitudes et nos modes de vie en montrant que les choix sont nécessaires et que les capacités pour chacun de les mettre en oeuvre existent. C'est la responsabilité du politique.

Confrontée à une crise de cette ampleur, et sans nier les douleurs et souffrances qui l'accompagneront, l'humanité, si elle parvient à la surmonter, aura accompli un progrès décisif dans son histoire.

Proposition n° 3 : Créer les conditions pour fonder des valeurs soutenues par tous les peuples, qui permettront de construire des solutions aux défis globaux de notre monde, de prévenir et d'arbitrer en droit et en équité les différends et conflits relevant des conséquences du changement climatique.

Les interventions dans un seul domaine sont insuffisantes pour empêcher le changement climatique d'exacerber les fragilités et les fragilités de miner la mise en oeuvre des politiques de résilience. Cela résulte de la nature composite des risques. Une meilleure intégration et coordination de politique relevant de la lutte contre le changement climatique, de l'aide au développement, de l'aide humanitaire et de la prévention des conflits, permettrait à la communauté internationale d'atténuer des risques qui se cumulent et de réaliser des progrès en efficacité dans ces différents domaines. Il s'agit, et c'est une recommandation des auteurs du rapport commandé pour le Rapport G7 122 ( * ) , de dépasser les approches en silos qui rendent moins efficaces la mise en oeuvre des politiques d'atténuation et d'adaptation. La Banque mondiale et les grandes organisations des Nations unies devraient être encouragées à élargir leurs actions sous l'angle des conséquences du changement climatique sur la fragilité des États et déployer des efforts pour la mise en oeuvre de synergies et de coordination des futures décisions des conférences des Nations unies sur le climat, des recommandations du cadre de Sendai 123 ( * ) sur la réduction des risques adoptés en juin 2015 et des politiques d'adaptation.

Proposition n° 4 : Renforcer la coordination des organisations internationales dans la mise en oeuvre des politiques d'atténuation et d'adaptation au changement climatique.

Un rapport de l'OCDE évalue à 449 milliards d'euros par an les subventions publiques aux combustibles fossiles. Si les Etats veulent entrer résolument dans un cycle de réductions des émissions de GES, ils doivent, à l'avenir, s'abstenir de subventionner les industries qui extraient, transforment et consomment des énergies fossiles et reporter massivement cet effort sur les industries qui produisent des énergies renouvelables ou vers des politiques d'efficacité énergétiques. Il en va des aides directes, comme des aides à l'exportation et des aides au développement. La France a annoncé lors de la dernière Conférence environnementale en novembre 2014 la suppression de tous les crédits à l'exportation dès qu'il y a utilisation de charbon. Le 10 septembre 2015, le Premier ministre a confirmé cet engagement pour tous les nouveaux projets de centrales à charbon qui ne sont pas dotées d'un dispositif de capture et stockage de CO². C'est un premier pas. Elle devrait étendre ce dispositif à l'ensemble de la filière depuis l'extraction et à l'ensemble des énergies fossiles, mais aussi inciter les autres grandes puissances à agir de la sorte. Cette politique restrictive devrait toucher également les aides au développement.

Il y aurait en effet une forme d'inconséquence à aider les industries polluantes tout en dépensant pour corriger les effets de la pollution. D'ailleurs un nombre de plus en plus important d'investisseurs internationaux comme les fonds de pension, les oeuvres philanthropiques, certains fonds souverains et certaines compagnies d'assurance, évaluant les menaces à moyen terme pour l'activité économique, ont annoncé leur désinvestissement de ces secteurs 124 ( * ) .

Proposition n° 5 : OEuvrer auprès des pays bailleurs nationaux et des organismes internationaux (Union européenne à travers le nouvel instrument de partenariat, Banque mondiale, BERD, BEI, Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, BAD...) afin qu'ils s'interdisent tout financement de projets d'extraction, de production ou recourant à une consommation excessive d'énergies carbonées et les inciter à promouvoir et à financer les projets utilisant des énergies renouvelables ou utilisant des technologies propres.

Devant les atermoiements de la mise en oeuvre de l'atténuation au niveau international, la géo-ingénierie est de plus en plus présentée comme une solution crédible. Si elle pouvait devenir à terme et dans des conditions rigoureusement contrôlées un complément intéressant à la lutte contre les impacts du réchauffement climatique, elle ne doit pas devenir une alternative à la réduction des émissions de GES. Le risque de développement d'une filière clandestine n'est pas exclu. La convention de Londres (1972) et son protocole (1996) sur la prévention de la pollution des mers par immersion de déchets ou d'autres matières ont interdit ces pratiques, estimant que les connaissances, tant de l'efficacité que des impacts de la fertilisation des océans, étaient insuffisantes pour justifier des expérimentations à large échelle. Le 29 octobre 2010, la Convention sur la diversité biologique (CDB) des Nations unies a adopté par consensus un moratoire de facto sur les projets de géo-ingénierie. Néanmoins, un renforcement du dispositif juridique d'encadrement et de contrôle apparaît nécessaire. Il pourrait trouver sa place par la révision de la Convention ENMOD.

Proposition n°6 : Prévenir le développement anarchique des solutions de géo-ingénierie (révision et renforcement de la convention ENMOD).

2. S'agissant de la protection et de la prévention

Les politiques d'atténuation ne seront pas suffisantes pour protéger les populations et les activités des conséquences de la montée du niveau de la mer et plus généralement des conséquences du changement politique. Tous les Etats devront accroître la résilience de leur territoire et de leur population. Les pays exposés au risque sont souvent des pays en développement qui ne disposent pas toujours des compétences scientifiques et techniques, ni des moyens financiers pour mettre en oeuvre les mesures de prévention, de protection, de secours et de reconstruction nécessaires compte tenu de l'aggravation des risques en fréquence et en intensité. Les pays développés et les organisations internationales peuvent les y aider en orientant les politiques d'aide au développement.

Certains bailleurs ont commencé à entrer dans cette logique. Ils doivent y être encouragés.

Prévenir et protéger

L'AFD s'est engagée dans une stratégie climat ambitieuse qui vise notamment à ce que 50 % de son activité annuelle dans les Etats étrangers aient un cobénéfice en matière de lutte contre le changement climatique et ses effets (soit 2,86 Mrds EUR en 2014). Une part non négligeable de cette activité climat (environ 15-20 %) recouvre des projets en matière d'adaptation.

Elle répond, dans de nombreux cas, à un objectif de réduction des risques de catastrophes amplifiés avec le changement climatique. C'est le cas des projets relevant de la prévention des risques d'évènements climatiques extrêmes (catégorie qui recouvre aussi bien des projets de renforcement des systèmes hydro-météo et système d'alerte précoce que des projets de construction de système de drainage pluvial en milieu urbain pour lutter contre le risque d'inondation lié à l'intensification d'évènements pluvieux violents) ainsi que de certains projets d'agriculture et de préservation de la biodiversité (avec notamment des projets visant la mise en place de systèmes d'assurance indicielle dans l'agriculture, ou encore la restauration et la protection d'écosystèmes de mangrove ou de coraux pour protéger les zones côtières). On citera quelques exemples : cofinancement en 2007 du Caribean Catastrophe Risk Insurance Facility (CCRIF) qui propose aux Etats membres ou membres associés du CARICOM une couverture contre les risques cyclonique et sismique, en 2008 : projet régional d'adaptation de la Commission de l'océan Indien. Avec pour objectif le renforcement des capacités de la COI et de ses États membres (Comores, Réunion, Madagascar, Maurice, Seychelles) en matière d'adaptation au changement climatique pour le court terme, mais aussi le développement des projets et politiques à long terme, depuis 2012, Appui au système de gestion des risques de catastrophes aux Philippines, en 2013 financement du projet RESCCUE de coopération régionale dans le Pacifique Sud pour la restauration des services éco-systémiques et d'adaptation au changement climatique, financement du projet de drainage fluviale à Libreville (Gabon) et en 2014 financement d'un programme d'aménagement, de relogement et de mobilité urbaine à Saint-Domingue Est notamment de quartiers particulièrement exposés aux risques d'inondations.

Une recommandation de cette nature est portée par les auteurs du rapport commandé par le G7 à l'adresse de cette organisation 125 ( * ) .

Proposition n° 7 : Au niveau international, oeuvrer auprès des pays bailleurs nationaux et des organismes internationaux (Union européenne à travers le nouvel instrument de partenariat, Banque mondiale, BERD, BEI, Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, BAD...) afin de les inciter à financer les projets destinés à accroître la résilience des territoires des pays les plus pauvres aux catastrophes naturelles (études, plan de prévention, système d'alerte, équipement de protection, services de secours aux populations, moyens de reconstruction).

Le rapport a montré que les conséquences des catastrophes naturelles étaient moindres lorsque les Etats disposaient de capacité de gestion de crise, assurant les secours aux populations, mais aussi la gestion de la post-crise et de la reconstruction, notamment la fourniture des services indispensables aux populations sinistrées afin de les maintenir autant que possible sur leur territoire ou d'en accélérer le retour.

Nombre de pays en développement ne disposent pas des capacités de sécurité civile pour faire face à des crises d'ampleur exceptionnelle. Ils doivent donc pouvoir compter sur la mobilisation des autres Etats et de la communauté internationale pour venir en aide aux populations. La coordination des secours internationaux est un élément important de leur efficacité, dans les phases de secours, mais plus encore dans la gestion de la post-crise et du rétablissement. Devant la multiplication des occurrences et l'ampleur des évènements que le changement climatique risque d'occasionner, la mise en place de structures d'assistances et d'ingénierie au niveau international ou régional serait pertinente.

Proposition n° 8 : Créer au niveau international ou régional adéquat des structures pour l'assistance et l'ingénierie de la protection et de la prévention, pour l'intervention et les secours, y compris la gestion post-crise et la reconstruction en cas de catastrophes au moyen de forces de sécurité civile prépositionnées et entraînées, et accroitre la coopération internationale en matière de sécurité civile.

Une partie de ces actions pourrait être éligible à un financement du Fonds vert constitué à l'occasion de la COP 21.

Il serait souhaitable d'envisager au titre des mesures d'adaptation de permettre aux pays les plus pauvres d'accéder à ce mécanisme du CatDDO ( Castastrophe Deferred Drawdown Option ) mis en place par la Banque mondiale (voir supra page 87) en finançant leur adhésion au moyen du Fonds vert constitué à l'occasion de la COP 21.

Proposition n° 9 : Consacrer une partie du Fonds vert au financement de ces actions et notamment étudier le financement de l'adhésion des pays les plus pauvres du programme CatDDO de la Banque mondiale.

3. S'agissant des migrations environnementales

Les impacts du changement climatique risquent d'entraîner des déplacements importants de populations victimes de catastrophes naturelles ou de l'inhabitabilité progressive des territoires sur lesquels ils étaient implantés (submersion permanente liée à la montée du niveau de la mer par exemple...). Ces déplacements qui pourront être massifs ou étalés dans le temps, limités au territoire national de l'Etat d'origine s'il est en capacité de les prendre en charge, puis aux territoires d'Etats frontaliers, sont susceptibles de générer des migrations internationales vers les pays développés.

La communauté internationale ne peut éluder cette perspective. Plus elle se dotera d'outils permettant la régulation de ces flux migratoires, plus elle arrivera à en limiter ou à en séquencer les effets. Si les instruments juridiques sont nécessaires, il s'agit surtout de mettre en oeuvre des mécanismes concrets de prévention permettant autant que possible le maintien des populations sur place ou dans la proximité de leur pays d'origine dans l'attente d'une réinstallation, mais aussi une solidarité internationale pour permettre à ceux qui n'en auraient pas la possibilité de réaliser un projet de migration dans un cadre organisé, assurant la sécurité des personnes. La mise en place de ces mécanismes pourrait également fournir des perspectives raisonnables et acceptables aux Etats susceptibles d'accueillir des migrants et de réduire le trafic d'êtres humains.

Propositions n° 10, 11 et 12 : Au niveau international et régional, mettre en oeuvre des capacités d'intervention rapide pour soutenir les pays victimes de catastrophes naturelles et les pays frontaliers afin de permettre la reconstruction rapide des territoires atteints (habitat, activités, services à la population, y compris dans les domaines des transports, de l'éducation et de la santé), permettant aux populations de réintégrer au plus tôt les territoires atteints, en veillant à ce que les mesures bénéficient en priorité aux populations victimes les plus pauvres. Cette proposition peut être articulée avec la Proposition n°8.

Consacrer une partie du Fonds vert et du programme CatDDO de la Banque mondiale au financement de ces actions.

Inclure la question des migrations temporaires ou définitives pour raison de catastrophes naturelles dans les forums de reconstruction et de soutien mis en place à la suite de la survenance de ces désastres.

Propositions n° 13, 14 et 15 : Promouvoir un instrument juridique adéquat pour les déplacés environnementaux et reconnaître, au moins pour ceux qui ne pourront jamais regagner leurs territoires ou celui de leur Etat d'origine (îles submergées), une forme de droit d'asile.

Mettre en place un système de régulation et de négociation sous l'égide d'une agence des Nations unies existante ou à créer pour répartir les personnes déplacées dans les pays susceptibles de les accueillir et financer leur réinstallation sur des bases équitables entre l'ensemble des pays de la communauté internationale ( en prenant en considération par exemple leur capacité de financement, leur niveau de production cumulé de CO² et leurs efforts pour réduire leurs émissions et leurs implications dans l'accueil des personnes déplacées).

Tirer les leçons des phénomènes migratoires de masse, suite à des guerres civiles et des conflits armés pour mettre en place sous l'autorité d'une agence des Nations unies existante ou à créer des parcours d'orientation et de réinstallation dans d'autres régions ou Etats des personnes déplacées ne pouvant regagner dans un délai raisonnable leur territoire afin de réguler les flux depuis les territoires d'origine et de prévenir l'immigration clandestine et les trafics d'êtres humains.

4. S'agissant du droit international et de la question des États menacés de disparition

Même s'il n'est pas un enjeu immédiat, à l'inverse de la migration des habitants dont les terres sont devenues inhabitables et qui ne peuvent être pris en charge par leurs Etats (îles submergées), la disparition complète d'un Etat, dont le territoire serait submergé entièrement, risque de se poser à terme. Or, il n'existe à ce jour aucune solution équitable en droit international.

Proposition n° 16 : Ouvrir un forum de réflexion au sein des Nations unies pour discuter des solutions envisageables sur le plan juridique pour apporter une solution équitable en droit aux populations des États, qui du fait de submersion, se verraient privés d'une partie de leur territoire . Examiner les possibilités de maintien de leurs zones maritimes économiques exclusives, sous protection internationale et la possibilité d'affecter les produits de l'exploitation de ses zones à leur réinstallation.

5. S'agissant du droit de la mer

La montée du niveau de la mer et ses conséquences (submersion, érosion, modifications géomorphologiques) ont une influence sur le trait de côte qui établit la ligne de base des délimitations des différentes zones maritimes sur lesquelles les Etats riverains peuvent exercer des droits pour partie à titre exclusif. Cette incertitude est susceptible de déboucher sur des contentieux, notamment lorsque les zones exclusives et leurs extensions sur le plateau continental adjacents recèlent des ressources importantes. Pour éviter ces risques, il serait souhaitable de stabiliser le droit.

De même, la fragilité des écosystèmes marins apparaît importante et sera renforcée par le réchauffement climatique et par certaines mesures d'adaptation.

Enfin, la France disposant de zones maritimes de très grande ampleur, notamment outremer, elle aurait intérêt à titre préventif à conforter ses positions en prenant les mesures juridiques nécessaires sur le plan national comme au plan international.

Propositions n° 17, 18 et 19 : Au niveau international, agir en faveur de la conservation des lignes de base établies en raison des conséquences négatives qu'aurait leur mouvance pour la communauté internationale : coûts supplémentaires pour les Etats, incertitude juridique en ce qui concerne la navigation et l'accès aux ressources naturelles, tensions entre les Etats, mais aussi des avantages de la conservation : unité du régime de la mer posé par la Convention, intérêts des Etats à conserver les frontières maritimes existantes, théorie des eaux historiques cristallisée par la pratique des Etats. Un amendement à la Convention sur le droit de la mer serait le bienvenu.

Avancer sur la mise au point d'instrument légal et international de protection des écosystèmes marins en haute mer dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer.

Au niveau national et à titre préventif, accélérer le processus de publication des décrets fixant les lignes de base pour l'ensemble de nos territoires ultra-marins. Accélérer les travaux de définition des lignes extérieures des ZEE par la conclusion d'accord bilatéraux ou le recours à l'arbitrage. Faire valoir l'intégralité de droits de la France sur son plateau continental étendu auprès de la Commission des limites du plateau continental.

6. Inclure l'ensemble de ces thématiques et propositions dans les COP futures

Assez curieusement, la thématique maritime, pourtant prégnante dans l'analyse des conséquences du changement climatique, ne fait pas l'objet d'une approche transversale dans les discussions de préparations des Accords sur le climat. Or une approche pluridisciplinaire impliquant les questions juridiques, économiques, environnementales, scientifiques et politiques qui sont traitées dans différentes enceintes internationales spécialisées est nécessaire afin d'éviter des contradictions dans les stratégies mises en oeuvre. Les océans représentent approximativement 71,1 % de la surface de la Terre et génèrent plus de 60 % des services écosystémiques à commencer par la production de la majeure partie de l'oxygène. Ils constituent une source de richesse considérable et sont soumis pour leur plus large part, malgré la territorialisation progressive du droit de la mer, au droit international.

Il convient qu'au sein des COP futures, l'ensemble des thématiques concernant les conséquences du changement climatique sur les océans et les politiques d'atténuation et d'adaptation en découlant puisse être discuté.

Proposition n° 20 : Intégrer les mers et les océans parmi les champs d'action sur lesquels les gouvernements sont invités à s'engager dans les discussions de préparation des Accords sur le climat.

B. AU NIVEAU DE L'UNION EUROPÉENNE

1. S'agissant des politiques d'atténuation

Les pays membres de l'Union européenne adoptent, en règle générale, dans les négociations sur le climat, une attitude exemplaire en s'engageant sur les politiques d'atténuation comparativement plutôt ambitieuses et contribuant à leur juste mesure au financement des fonds à destination des pays en développement.

Il reste que les négociations et les Accords fixent des objectifs et qu'il convient, pour la crédibilité de l'Union et de ses Etats-membres, que ces objectifs puissent être réalisés effectivement, voire même dépassés. Cela passe par la normalisation et l'incitation, mais aussi par une capacité effective de pilotage et de contrôle.

Des exemples récents ont montré que certaines politiques énergétiques pouvaient certes s'appuyer sur un développement important des énergies renouvelables mais aussi sur la remise en fonctionnement de centrales électriques au charbon ou que certains groupes industriels n'hésitaient pas à mettre en place des mesures de contournement des normes d'émission de polluants.

Il importe donc de façon préventive mais aussi répressive de s'assurer que les règles définies par l'Union européenne et ses Etats-membres et leurs programmes soient effectivement et correctement mis en oeuvre.

Proposition n° 21 : Au niveau national et européen, faire respecter ces obligations dans les faits et lutter activement contre les fraudes aux normes environnementales.

Le secteur de la défense (forces et industries) est un gros consommateur d'énergie qu'il s'agisse des infrastructures ou des équipements. Il peut, et a commencé, sous la réserve évidente de la sécurité opérationnelle, à contribuer autant que possible à l'effort collectif d'atténuation par l'implantation de politique de sobriété dans la consommation des carburants ou d'isolation des installations. Le développement de la recherche et de l'innovation pourrait à terme constituer un avantage important sur les marchés de défense. La France pourrait continuer à soutenir cet objectif au sein de l'Union européenne, de l'OTAN et dans ses relations bilatérales.

Proposition n° 22 : soutenir les politiques permettant de renforcer l'efficacité énergétique et l'atténuation des émissions de GES dans le secteur de la défense, sous réserve de l'efficacité opérationnelle, notamment par le développement de la recherche et de l'innovation.

Enfin, l'Union européenne mène une intense politique diplomatique fondée sur la conclusion d'accords de commerce, mais de plus en plus de partenariat incluant des aspects politiques, de coopérations et d'aide au développement, ainsi que de sécurité. Il serait souhaitable qu'à l'instar des grands textes fondateurs de droit international à la signature et au respect desquels l'Union européenne incite les pays partenaires, figurent les Accords sur l'atténuation et l'adaptation au changement climatique négociés dans le cadre de la CCNUCC.

Proposition n° 23 : Inclure les accords des Nations unies sur le changement climatique dans les normes de références et les orientations ci-dessus définies en matière d'aide au développement comme principes de base dans les accords internationaux de partenariat comportant un volet « développement et coopération » négocié par l'Union européenne.

2. S'agissant de la prévention et de la protection

L'Union européenne a depuis plusieurs années développé une politique permettant la coopération entre les différentes forces assurant la sécurité civile sur le territoire européen et à l'extérieur en cas de catastrophes.

Face à l'accroissement des risques, il s'agit de renforcer cette politique dans le sens d'une mutualisation de moyens, d'une plus grande coordination, notamment pour les interventions en dehors du territoire de l'Union, d'une plus grande interopérabilité et d'étendre son domaine à la gestion post-crise et à la reconstruction.

Proposition n° 24 : Renforcer la mutualisation des moyens de la sécurité civile pour permettre la projection en Europe, voire hors d'Europe, des moyens de secours aux populations victimes de catastrophes naturelles. Mettre en oeuvre une task force permettant d'appuyer les efforts de gestion post-crise et de reconstruction et constituer un fonds dédié à ces missions d'urgence.

Si la communauté internationale conduit, notamment à travers le GIEC, un effort intense de confrontation des résultats de la recherche sur le changement climatique et ses conséquences et de fait incite l'ensemble des pays à orienter une partie de leurs efforts de recherche dans ce domaine, les données et les modèles de simulation restent encore insuffisants dans certains domaines.

De même, le rapport a pu constater un besoin important en matière de conception et de réalisation de systèmes d'alerte météorologique et de conception et de réalisation d'ouvrages de protection des côtes adaptés aux différentes contraintes et s'intégrant dans leur environnement.

Ils convient donc par la formation de chercheurs et le développement de la recherche fondamentale et appliquée dans ces différents domaines de soutenir l'effort mené au niveau international pour évaluer les phénomènes géophysiques et leur conséquence, mais aussi atténuer et s'adapter au changement climatique.

Cet effort de recherche doit aussi permettre de développer à partir de technologies innovantes et respectueuses de l'environnement, un secteur économique qui devrait être fortement sollicité dans les années à venir.

Propositions n° 25 et 26 : Renforcer les programmes de recherche fondamentale et appliquée dans le domaine du climat et de la protection de côtes.

Mettre en place un programme adéquat pour soutenir le développement de technologies innovantes de protection du littoral respectueuses des équilibres naturels.

3. S'agissant des migrations environnementales

En 2009, le programme de Stockholm 126 ( * ) a reconnu que les changements climatiques étaient un problème mondial induisant des migrations et des déplacements de plus en plus massifs et a invité la Commission à présenter une analyse de ce phénomène, sans se limiter à ses effets éventuels sur l'immigration dans l'Union européenne. La prise en compte des migrations dites environnementales, notamment par le recours à des stratégies d'adaptation aux effets préjudiciables des changements climatiques, doit être considérée comme une composante intrinsèque de l'Approche globale de la question des migrations et de la mobilité (novembre 2011) 127 ( * ) qui constitue la politique extérieure de l'Union européenne en cette matière.

Au-delà de cette prise en compte, l'Union européenne rappelle dans les instances internationales, lors du dialogue de haut-niveau sur les migrations internationales et le développement tenu à New-York en octobre 2013, par exemple, que le changement climatique et la dégradation de l'environnement exercent une influence croissante sur les migrations et la mobilité et son souhait que la corrélation entre changement climatique, dégradation de l'environnement et migrations soit davantage étudiée et prise en considération, notamment dans le cadre de la coopération au développement, de la politique étrangère et de l'aide humanitaire.

Ces projets semblent toutefois peu ambitieux compte tenu des enjeux qui se profilent à l'horizon. Les difficultés que l'Union européenne éprouve à mettre en place, dans l'urgence, un dispositif raisonnable et équitable pour faire face à l'afflux de réfugiés de guerre, fuyant la Syrie et l'Irak doit être un avertissement et un encouragement à se préparer à de nouvelles éventualités par une politique de prévention (voir les propositions en matière d'aide au développement pour renforcer la résilience des pays les plus vulnérables) et de contribution aux secours et à la gestion post-crise.

Proposition n° 27 : Outre les dispositions à encourager au niveau international (Propositions n° 10 à 15), l'Union européenne et ses Etats-membres devraient être en mesure de participer aux efforts de la communauté internationale pour permettre l'accueil temporaire ou définitif des populations sinistrées et se donner les moyens juridiques, financiers et techniques d'assurer cet accueil dans les meilleures conditions, y compris dans l'urgence . Une méthodologie incluant pour le territoire national, celui de l'Union européenne et dans les pays d'origine ou les pays voisins, la planification, le déploiement d'une structure de pilotage, le pré-positionnement des services mobilisables en un court délai, leur montée en puissance, le déploiement d'équipement, la détection de structures d'accueil et d'habitation, la fourniture de prestations et la formation des personnels d'intervention, devrait être mise au point.

4. S'agissant des questions de défense

Un certain nombre d'experts 128 ( * ) appellent régulièrement l'Union européenne et ses Etats-membres à entrer dans une démarche stratégique en matière de défense et de sécurité en préparant ensemble un Livre blanc.

S'il advenait que l'Europe décide d'aller en ce sens, il serait plus que souhaitable que cette réflexion prospective analyse les conséquences du changement climatique pour la sécurité et la défense de l'Europe et propose des orientations en ce sens.

Proposition n° 28 : Inscrire l'analyse des conséquences géopolitiques du changement climatique dans les travaux en vue de la rédaction d'un éventuel Livre blanc européen sur la sécurité et la défense.

C. AU NIVEAU DE L'OTAN

Tous les Etats membres de l'OTAN estiment que le changement climatique peut avoir des implications pour la sécurité internationale. La Déclaration du Sommet du pays de Galles de 2014 stipule que le changement climatique entraîne des contraintes majeures en termes d'environnement et de ressources qui "contribueront aussi à dessiner l'environnement de sécurité futur dans des régions d'intérêt pour l'Alliance et pourraient affecter considérablement la planification et les opérations de l'OTAN,". En 2013, l'OTAN a adopté un Cadre pour la défense verte destiné à améliorer l'efficacité opérationnelle, la protection de l'environnement et l'efficacité énergétique, et qui est la contribution - « quoique limitée » -, indique notre collègue député Philippe Vitel, dans son rapport au nom de la commission des sciences et des technologies de l'Assemblée parlementaire 129 ( * ) - de l'OTAN à l'atténuation du changement climatique. « Ce chapitre explique la manière dont les effets négatifs du changement climatique peuvent avoir une incidence sur la sécurité internationale et étudie la position des grands pays de l'Alliance sur la question ».

Il note ainsi que « la plupart des pays considèrent le changement climatique comme un multiplicateur de menaces ou un catalyseur de crises . S'agissant de la sécurité euro-atlantique, les impacts liés au climat pouvant entraîner des menaces directes ou indirectes pour la sécurité seront de plus en plus marqués dans des régions telles que l'Arctique, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, et l'Asie centrale, parce que ces régions sont vulnérables et/ou exposées à la montée des risques qu'elles courent du fait du changement climatique ».

Il préconise que l'Assemblée parlementaire poursuive ses démarches pour que l'OTAN accorde davantage de visibilité au changement climatique dans son programme politique : « rien n'empêche l'Alliance de porter plus d'attention aux impacts du changement climatique sur la sécurité alliée, sur ses opérations de gestion de crise et la coopération en matière d'efforts de sécurité (en particulier avec les partenaires de l'OTAN vulnérables et exposés aux risques du changement climatique) ». (...) Les consultations entre experts des questions militaires et politiques devraient par conséquent se faire plus fréquentes au sein des structures de l'OTAN. Les Alliés devraient en particulier échanger leurs vues sur le type d'impact que pourrait avoir le changement climatique et dans quelles proportions, ou sur la manière d'intégrer les objectifs climatiques dans leurs politiques extérieures et de sécurité. En outre, les dirigeants alliés devraient accorder une plus grande place aux effets du changement climatique liés à la sécurité lors des sommets de l'OTAN. Enfin, l'OTAN devrait poursuivre et approfondir son programme "Énergie intelligente", faisant suite à l'engagement pris au sommet du pays de Galles de « nous employer encore à améliorer de manière significative l'efficacité énergétique de nos forces armées »".

La sensibilisation autour des enjeux climatiques

Le député Philippe Vitel soumet un projet de résolution dans lequel il propose à l'Assemblée parlementaire :

(...) 7. Reconnaissant que les risques liés au changement climatique sont d'importants multiplicateurs de menace qui dessineront l'environnement de sécurité dans des régions d'intérêt pour l'Alliance et pourraient affecter considérablement la planification et les opérations de l'OTAN ;

(...) D'inviter instamment les gouvernements membres de l'Alliance de l'Atlantique Nord, notamment :

c. à reconnaître pleinement, dans leurs politiques étrangères et de sécurité, que les risques liés au changement climatique sont d'importants multiplicateurs de menace ;

d. à accroître par conséquent la fréquence des consultations militaires et politiques sur le changement climatique au sein de l'OTAN, y compris lors des sommets de l'OTAN ;

e. à examiner la manière dont la coopération de l'OTAN en matière d'efforts de sécurité peut prendre en compte les risques liés au changement climatique, notamment avec les partenaires de l'OTAN particulièrement vulnérables et exposés au changement climatique ;

f. à soutenir sans réserve et à renforcer le Cadre pour la défense verte et le programme Énergie intelligente de l'OTAN.

Proposition n° 29 : La France devrait encourager au sein de l'OTAN le développement de la réflexion sur l'analyse des conséquences géopolitiques du changement climatique afin de les prendre en compte dans l'appréciation des risques et menaces ainsi que dans les perspectives de transformation de l'organisation des forces.

D. AU NIVEAU NATIONAL

1. S'agissant des politiques de prévention et de protection

La France s'est dotée en 2013 d'une Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte qui considère deux options principales ; Dans ce cadre, une mission a été confiée au climatologue Jean Jouzel sur le climat de la France au XXI e siècle. Dans le volume 5 de son rapport 130 ( * ) publié en mars 2015 consacré au changement climatique et niveau de la mer : de la planète aux côtes françaises, une première appréciation des principaux impacts physiques sur les côtes (submersion, érosion, intrusions salines) et les infrastructures a été réalisée. Il s'agit là d'une première ébauche méthodologique, mais il constate que « les études de l'évolution du niveau de la mer au niveau local, y compris pour les côtes françaises (métropole et DOM-COM) intégrant l'ensemble des processus, y compris ceux qui influencent la morphologie des côtes, restent à réaliser ».

En France en 2015, environ un habitant sur quatre et un emploi sur trois seraient directement concernés par le risque d'inondation. Les évènements tragiques de 2010 ( Xynthia , inondations dans le Var), ont accéléré la mise en oeuvre des Plans de prévention des risques inondations (1995) et la mise en place pour les communes littorales des plans de prévention des risques de submersions marines (PPRSM). Toutefois, ces démarches continuent de souffrir du manque d'effectifs pour conduire les études préalables et des réticences d'une partie des populations locales directement concernées par les contraintes qu'ils imposent. En outre, l'aggravation des risques à mesure du changement climatique devrait inciter à revoir régulièrement ces plans, notamment les plus anciens, et à introduire des marges de précaution.

Enfin, bien qu'il soit envisageable de construire des ouvrages de protection dans les zones à fort enjeux, il paraît important dès à présent d'identifier et de conduire progressivement des politiques de relocalisation, en créant des incitations (expropriation, rachats préventifs ou après la survenance d'un sinistre, aide à la relocalisation) qu'il s'agisse d'habitats ou d'activités, notamment lorsque celles-ci présentent en outre un risque environnemental ou technologique.

Propositions n° 30, 31 et 32 : Développer les études de l'évolution du niveau de la mer au niveau local, y compris pour les côtes françaises (métropole et DOM-COM) intégrant l'ensemble des processus, y compris ceux qui influencent la morphologie des côtes.

Poursuivre la cartographie des aléas liés à la montée du niveau des mers (et plus généralement), du changement climatique et la mise en oeuvre des PPRL.

Travailler à des plans de relocalisation des activités situées dans les zones les plus risquées.

En écho aux propositions n° 25 et 26, pour satisfaire ses propres besoins d'expertise, pour placer ses entreprises et sociétés de service sur un créneau d'activité en fort développement et également pouvoir proposer des services de qualité à l'international, y compris dans le cadre de l'aide au développement, la France devrait investir dans la recherche et dans la formation dans les domaines concernés.

Propositions n° 33 et 34 : Développer le secteur de la recherche, la formation des ingénieurs en matière de technologies innovantes de protection du littoral respectueuses des équilibres naturels et les méthodologies en matière de gestion des crises.

Développer l'expertise internationale tant en matière de lutte contre les inondations ou la submersion, tant en matière de prévention des risques, de protection et d'organisation des secours .

2. S'agissant des migrations environnementales

Pour ce qui concerne son territoire national, la France dispose de capacités de relogement temporaire de personnes déplacées. Elle a sans doute les moyens et les compétences de résoudre les problèmes liés à une catastrophe de plus grande ampleur, y compris outre-mer.

Elle a évidemment une position beaucoup plus prudente s'agissant de populations étrangères. Si la participation d'experts et le déploiements de moyens de secours lors des catastrophes naturelles (Haïti, Népal), industrielles (Fukushima), sanitaires (Ebola en Guinée) ou humanitaires suite à un conflit armé (Syrie) sont connus, ils restent modestes compte tenu des capacités de notre pays, de sa situation budgétaire et des tensions internes que provoquent les migrations internationales, sans parvenir sans doute, en raison de la faiblesse des moyens, y compris financiers, mis en oeuvre au plus près dans les pays sinistrés ou dans les pays frontaliers, à réguler les phénomènes migratoires.

Elle doit cependant être en mesure de participer aux efforts de la communauté internationale pour permettre l'accueil temporaire ou définitif des populations sinistrées et se donner les moyens juridiques, financiers et techniques d'assurer cet accueil dans les meilleures conditions, y compris dans l'urgence , sur son territoire ou sur un territoire étranger en collaboration avec l'Etat concerné .

Propositions n° 35 : Dans la suite de la proposition n° 27 concernant l'Union européenne et ses Etats-membres, une méthodologie incluant la planification, le déploiement d'une structure de pilotage, le pré-positionnement des services mobilisables en un court délai, leur montée en puissance, le déploiement d'équipement, la détection de structures d'accueil et d'habitation, la fourniture de prestations et la formation des personnels d'intervention, devra être mise au point.

3. S'agissant de la prise en compte des conséquences géopolitiques du changement climatique dans les réflexions stratégiques et de défense

Dans son rapport sur le projet de loi d'actualisation de la loi de programmation militaire, le Président Jean-Pierre Raffarin, rapporteur 131 ( * ) , notait que : « de façon un peu paradoxale, en cette année où la France préside et accueille la COP 21, l'absence de référence au risque climatique qui faisait l'objet d'une mention dans le Livre blanc de 2013. La citation du changement climatique comme une menace et comme un facteur d'amplification des crises aurait été justifiée et cohérente par rapport au discours porté par la France. Elle traduit probablement une insuffisance de la réflexion stratégique française en ce domaine alors même que nos partenaires, notamment les États-Unis, en font un axe important dans leur stratégie de défense et ses déclinaisons opérationnelles. »

De fait, à comparer aux investissements réalisés par le Pentagone et dans une moindre mesure par le Royaume-Uni (avec un certain essoufflement, il est vrai depuis quelques années) 132 ( * ) , l'appropriation de ce sujet stratégique par le ministère de la Défense reste insuffisante. Aux termes d`une étude comparée, exposée dans son rapport 133 ( * ) à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, le député Philippe Vitel note : « le ministère de la Défense français n'accorde pas au changement climatique en tant que facteur influençant la sécurité internationale la même importance que ses homologues américains, anglais ou allemand ».

« On pourrait même évoquer une forme de régression en termes de traitement de la question si l'on effectue une comparaison entre les éditions 2013 et 2008 » (du Livre blanc) de 2008 et de 2013 », notent Bastien Alex, Alain Coldefy et Hervé Kempf dans leur rapport.

Sans en faire le premier enjeu de sécurité pour la France, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 reconnaissait, entre autres, l'impact que pouvait avoir le changement climatique dans la montée des tensions dans l'océan Indien et dans la déstabilisation du Maghreb et préconisait « de mieux prendre en compte les risques induits par les changements climatiques ». Pour autant, peu d'études ont été commandées et publiées dans cette perspective : un rapport de l'IRSEM en 2011 134 ( * ) et un rapport parlementaire de la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale en 2012 135 ( * ) .

Prendre en compte le climat dans la stratégie de défense

Le rapport de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) sorti en juillet 2011 et intitulé Réflexion stratégique sur le changement climatique et les implications pour la défense , insistait sur la nécessité de « cerner les zones à risques et de mieux connaître les nouveaux environnements (régions du Gange, du Mékong, de l'Arctique) pouvant « devenir des théâtres d'opérations ». Reconnaissant que « le changement climatique pourrait accentuer les risques naturels et sanitaires, modifier la répartition des ressources en eau et affecter la sécurité alimentaire », le rapport pointait la vulnérabilité de certaines zones géographiques, « au-delà des 10 000 km actuellement considérés par la France comme une distance maximale pour des scénarios de projection de forces » (Rive sud de la Méditerranée, Afrique centrale, Corne de l'Afrique, certaines régions d'Asie et du Sud-est de l'Asie). Il recommandait « qu'à l'actualisation du LBDSN soient examinés dans un cadre interministériel des scénarios de crises lointaines et longues, l'opportunité d'assigner éventuellement ces nouvelles missions aux forces armées françaises, d'étudier l'interopérabilité avec les moyens civils et les conséquences sur les moyens militaires, le tout dans un cadre multinational ».

Le rapport de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale explorant « l'impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense », dans ses conclusions, qualifiait « les conséquences du changement climatique en matière de sécurité et de défense » d'« enjeu fondamental, dont les pouvoirs publics doivent se saisir d'urgence». Le rapport identifiait plusieurs enjeux géopolitiques (migrations climatiques, compétition pour les ressources naturelles et pour les territoires, risque de multiplication des conflits) et préconisait un travail d'anticipation de l'impact en matière de défense. Il proposait même de s'appuyer sur les travaux du Service européen d'action extérieure ( Towards a renewed and strengthened EU climate diplomacy , SEAE, 9 juillet 2011) afin de construire une doctrine européenne en la matière, arguant que « les capacités militaires de chaque pays étant insuffisantes pour intervenir efficacement dans les questions de défense et de sécurité, et compte tenu des contraintes budgétaires, seule une réflexion commune à l'échelle européenne permettra de développer les matériels adaptés aux risques et menaces du XXI e siècle ».

Le nouveau Livre blanc publié en avril 2013 rappelle que « certaines études sur le changement climatique suggèrent que l'amplitude ou la fréquence des phénomènes extrêmes pourraient s'accroître et fragiliser davantage encore les régions aujourd'hui les plus exposées à ces phénomènes ». Il indique que « les conséquences régionales précises du réchauffement climatique à horizon de plusieurs décennies sont encore très incertaines », le document reconnait que « la diminution de la superficie des glaces de mer en Arctique n'est pas sans conséquences stratégiques, que la perspective d'une utilisation régulière de nouvelles routes maritimes arctiques se rapproche et rappelle l'importance de la défense des enjeux de souveraineté » et de garantir « la sécurité de nos concitoyens dans des zones exposées aux aléas climatiques, notamment au travers des Accords FRANZ (France - Australie - Nouvelle-Zélande) ».

En-deçà de ces références, le rapport annexé au projet de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 ne contenait dans sa version initiale aucune référence au dérèglement climatique dans l'analyse des risques . Un amendement mentionnant le changement climatique au rang des risques et menaces a été introduit à l'Assemblée nationale, par le député Philippe Nauche.

Rapport annexé à la Loi de Programmation Militaire

1.1.2. Des risques et des menaces qui demeurent élevés


L'analyse de ce contexte met en évidence la persistance d'un très large spectre de risques et de menaces. L'augmentation rapide des dépenses militaires et des arsenaux conventionnels dans certaines régions du monde vient rappeler que les conflits entre Etats restent une possibilité que notre défense ne saurait ignorer. La France et l'Europe doivent prendre en compte les menaces de la force (tensions géopolitiques, effort d'armement, déstabilisation de certaines régions), les menaces de la faiblesse (difficultés pour certains Etats de contrôler leurs frontières ou leur territoire, facilitant la création de sanctuaires pour des groupes criminels, d'espaces de transit des trafics ou de bases arrière pour les groupes terroristes), et les effets multiplicateurs de la mondialisation sur les facteurs de risque et de menace pour notre sécurité et celle de l'Europe (terrorisme, trafics, risques pesant sur la sécurité maritime, changement climatique, menaces cybernétiques visant les infrastructures ou les systèmes d'informations, prolifération nucléaire, biologique et chimique ou prolifération des missiles balistiques).

Sans doute la réflexion est-elle en cours dans les Armées, la commande d'un rapport de prospective par le Centre Interarmées de concepts, de doctrine et d'expérimentation le démontre, comme l'intérêt manifesté par les autorités militaires à la suite de la publication du Livre vert de la défense à l'initiative de la sénatrice Leïla Aïchi ou encore la programmation d'un atelier de débat lors de la 13 e Université de la Défense à Strasbourg en septembre 2015.

L'étude de l'IRIS sur les conséquences du dérèglement climatique pour le ministère de la défense met en évidence que « le changement climatique doit constituer désormais, de façon pérenne, un des éléments de la réflexion prospective de défense ». Il estime toutefois qu'en France le risque de voir ce sujet repoussé sine die est réel et connu. « Au terme d'une analyse rigoureuse conduite par tous les états-majors, directions et services concernés, la prise en compte effective des conséquences opérationnelles des risques et menaces liés au dérèglement climatique est loin d'être assurée ».

« Pressé par des contraintes budgétaires sans précédent, le ministère n'est plus en mesure d'investir dans ses équipements futurs à la hauteur des enjeux climatiques tels qu'exposés dans ce rapport ». (...)

« En revanche, très concerné par le second volet du sujet (celui qui couvre en particulier le bilan énergétique global et, pour les forces armées en opérations, la réduction des consommations et l'adaptation a minima des équipements), il adopte déjà une politique vigoureuse allant dans ce sens. (...)

« Les phénomènes de montée des eaux (Arctique) se dérouleront comme prévu. Les tensions issues de nouvelles zones de crises décrites dans le rapport, la plupart à proximité du littoral, vont concerner les ressortissants français, européens et les intérêts de la France. (...)

« Les catastrophes naturelles dues aux désordres climatiques vont aller en s'accroissant, et du fait de notre économie (énergie, commerce) qui, en mer et à terre, ne peut s'affranchir des contraintes de l'interdépendance, les armées devront intervenir sur un spectre de missions inédit dont la multiplication des crises humanitaires. Les manifestations de plus en plus prégnantes du dérèglement climatique vont provoquer une inflation des missions de sécurité civile assumées par l'armée. De même, les matériels devront être adaptés aux nouvelles missions mais aussi aux conditions de conduite des opérations car les évolutions de certains paramètres climatiques et géophysique auront un impact sur les usages. A ce titre, des études techniques devront être menées en parallèle des études géopolitiques et stratégiques afin d'orienter les investissements à effectuer. Cela doit être porté à la connaissance de nos dirigeants. (...)

« Les probabilités d'occurrence des risques sont difficiles à déterminer. Néanmoins, le risque que certaines situations dégénèrent, soit du fait de la survenance d'un aléa climatique majeur, soit en raison de politique d'adaptation dont les effets néfastes auront été négligés par leurs promoteurs, est non négligeable. (...)

« Le fait que les contours de l'image soient flous ne veut pas dire que nous ne voyons rien. Le dérèglement climatique, malgré le fait qu'il soit un sujet de long terme, difficile à appréhender, fait indéniablement partie des paramètres de l'équation sécuritaire, et son importance va s'accroitre. Il nous faut donc, dès maintenant, développer les outils adéquats pour nous prémunir des conséquences directes ou indirectes sur la sécurité ».

Les auteurs formulent 11 recommandations dont certaines sont reprises par le groupe de travail.

Mais les intentions tardent à se concrétiser par des orientations au niveau politique. En témoigne la disparition de la mention du changement climatique à l'occasion de l'actualisation de la loi de programmation militaire par la loi du 28 juillet 2015.

Sans doute, peut-on espérer qu'à différents niveaux de recherche et de décision, au sein des Armées, de la DGA et des organismes de la Défense, des travaux de recherche techniques ou opérationnels sont menés, mais ils ne font pas l'objet d'une information ouverte et ne sont pas suffisamment portés pour être rassemblés dans un document d'orientation d'ensemble.

Le groupe de travail espère que la conférence et la réunion des ministres de la défense organisées le 14 octobre prochain à Paris, dans le cadre des manifestations préparatoires à la COP 21, sera l'occasion d'une inflexion plus vigoureuse et d'une mise en ordre de bataille du secteur de la Défense (forces et industriels) à défaut duquel, la France risque de prendre du retard dans un certain nombre de domaines.

Pour le groupe de travail, il est légitime d'intégrer le dérèglement climatique à la réflexion prospective en matière de défense.

Plusieurs fonctions stratégiques, telles que définies par le Livre blanc, sont potentiellement concernées :

La connaissance et l'anticipation , tout d'abord : le changement climatique doit être pleinement intégré aux travaux d'analyse des risques et menaces auxquels la France pourrait être directement ou indirectement confrontée au cours des prochaines décennies ;

La protection du territoire , ensuite : alors que l'opération Sentinelle a été déployée pour protéger le territoire et la population contre le terrorisme, nos forces seraient-elles en nombre suffisant si venaient s'ajouter à cette menace terroriste plusieurs catastrophes naturelles de grande ampleur ?

3 e fonction stratégique à envisager , la prévention des crises au niveau international : l'accent doit être mis sur la prévention des tensions sur les ressources, notamment dans les régions pauvres ou les États fragiles, déjà déstabilisés. Des instruments financiers rapidement mobilisables doivent être mis à disposition des États, y compris les plus pauvres, afin de limiter les conséquences secondaires de long terme des catastrophes naturelles (sur la santé, la scolarisation, l'activité des populations etc.). L'aide financière est aujourd'hui souvent trop longue à venir.

Enfin, 4 e fonction stratégique, l'intervention , afin de défendre nos intérêts et ceux de nos alliés. Le changement climatique est susceptible de faire évoluer les missions, les zones d'engagement, et donc les besoins capacitaires des armées. Des scénarios de crises humanitaires, liées à des catastrophes naturelles, doivent être envisagés, de même que des scénarios d'interventions conjointes civiles et militaires, au niveau international, qui nécessiteront une coordination et une complémentarité des capacités et équipements.

Dans tous ces domaines, la France possède une expertise qu'elle doit mettre en valeur au niveau international, mais dispose-t-elle des capacités adaptées pour assurer ses missions de protections et d'intervention en cas de catastrophes de grande ampleur ou de multiplication d'évènements graves affectant son territoire ou des pays étrangers ?

Dans leur « Réflexion stratégique sur le changement climatique et les implications pour la défense » 136 ( * ) , les chercheurs de IRSEM écrivent notamment s'agissant de l'évolution des missions : " Aujourd'hui, les capacités militaires dont dispose la France ne sont ni vraiment appropriés ni suffisantes pour intervenir de façon véritablement efficace en situation de catastrophe naturelle de grande ampleur. Il est vrai que les armées française ont l'expérience de missions humanitaires et ont souvent été sollicitées dans le cadre de protection des populations. Toutefois, les caractéristiques des zones d'intervention et l'échelle de ce type de catastrophe nécessiteraient un réexamen précis de l'éventail des capacités à détenir pour que les forces armées puissent intervenir avec une réelle efficacité. Dans ce type de scénarii, il serait sans doute nécessaire d'adapter les savoir-faire "strictement" militaires, de développer des moyens d'intervention spécifiques adaptés aux zones littorale et de mettre l'effort sur la préparation dans des engagements urbains. Le tsunami survenu en 2004 en Asie du Sud-Est est un cas concret qui a montré combien il était particulièrement difficile :

- d'intervenir sur terre uniquement à partir des airs ou de moyens maritimes ;

- de se déplacer sur des terrains où les voies de communication avaient été coupées ;

- d'acheminer en urgence des moyens sanitaires, d'épuration d'eau ou de fourniture d'électricité.

De même, les enseignements tirés sur des lieux de catastrophes naturelles, telles les inondations, ont fait état d'autres déficits importants. La coordination des secours et des moyens en provenance de pays étrangers doit impérativement être optimisés (...). Les forces armées peuvent également apporter leurs compétences en matière d'organisation, de coordination et d'emploi des moyens de secours avec différents moyens mis en oeuvre (...). La France dispose d'unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) qui interviennent régulièrement dans de telles circonstances. Cependant ces moyens sont insuffisants et largement sous-dimensionnés pour faire face à des situations de catastrophes naturelles de grande ampleur."

Dès lors, le groupe de travail formule les propositions suivantes :

Proposition n° 36 : Impliquer à tous les niveaux, à commencer par le niveau national, les acteurs du secteur de la défense afin d'assurer une contribution significative aux politiques d'atténuation (développement de technologies économes en énergie). Le développement de la recherche et de l'innovation pourrait à terme constituer un avantage important sur les marchés de défense. Soutenir cette politique dans les instances internationales (Union européenne, OTAN et dans les relations bilatérales).

Proposition n° 37 : Inscrire les conséquences géopolitiques du changement climatique dans les réflexions stratégiques et de défense dans le prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, afin de définir, au-delà d'une analyse plus étayée des risques et menaces 137 ( * ) , les capacités d'intervention nécessaires aux intérêts et à la sécurité de la France et le décliner dans les prochaines lois de programmation militaire.

Préparer dans cette perspective un dossier sur la perception sécuritaire du dérèglement climatique par les autorités de Défense des alliés et des principales puissances.

Mettre en place une méthodologie d'examen et d'analyse des vulnérabilités aux risques liés au dérèglement climatique pouvant affecter les installations de la Défense et des opérateurs d'importances vitales.

Inscrire les réflexions sur la répartition des compétences et des moyens entre les différentes forces (armées, sécurité civile, forces de sécurité intérieure) en matière de réponses aux risques de catastrophes naturelles ou technologiques sur le territoire national, et notamment outre-mer, ainsi qu'à l'étranger dans les réflexions du prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité, en comprenant l'utilisation de forces de réserves.

*

* *

Si la mobilisation à l'occasion de la COP 21 et les engagements des grandes puissances témoignent d'une prise de conscience des enjeux posés par le changement climatique, il n'est pas acquis que le résultat sera à la hauteur des objectifs attendus.

Et quand bien même, ce dont nous nous réjouirions, il ne sera pas un aboutissement mais une étape, un élan donné qu'il faudra garder, car dans ce combat, l'endurance sera la qualité première.

Notre appréciation sur les risques, compte tenu des limites des données et des modèles de prévision, nous incite à envisager les scénarios les plus pessimistes, s'agissant de la montée du niveau de la mer et de ses impacts. Les conséquences géostratégiques, que nous avons pu esquisser dans la limite des connaissances actuelles, risquent de s'en trouver aggravées.

Sans doute ces conséquences ne sont-t-elles pas immédiatement perceptibles ou clairement attribuables au dérèglement climatique, mais il nous paraît certain qu'elles constituent, et constitueront plus encore dans l'avenir, un déterminant fort des crises qui parcourront le monde.

Dans ce contexte, l'opposition entre pays développés et pays en développement risque de s'accentuer davantage encore, faisant croître les tensions.

Sans doute peut-on encore douter de cette réalité, ou garder une confiance absolue dans les capacités de l'intelligence humaine et de la science pour mettre au point des solutions qui protègeront ou atténueront le changement climatique sans contraindre à l'évolution de nos modes de vie, mais il est de la responsabilité du politique, sans sombrer dans un catastrophisme anxiogène, de faire entendre aujourd'hui une parole grave fut-elle pessimiste et de contribuer au débat pour engager l'action.

DEUXIÈME PARTIE - GÉOPOLITIQUE DE L'ARCTIQUE, SENTINELLE AVANCÉE DU DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE

« Région jusque-là à la marge des échanges mondiaux, l'Arctique est passé du statut de périphérie à celui de nouvelle frontière des relations internationales, du fait des conséquences du changement climatique. » 138 ( * )

Théâtre important de la guerre froide, l'Arctique suscite aujourd'hui un regain d'intérêt dont le dérèglement climatique est l'une des causes. Le réchauffement pourrait cristalliser des tensions latentes, autour de l'appropriation des ressources de ce large territoire et en lien avec l'accès à de nouvelles routes maritimes.

En libérant l'océan Arctique des glaces, le réchauffement pourrait conduire à une « banalisation » de cette région, ce qui constituerait un changement géostratégique majeur. Certains chercheurs désignent ce phénomène par le terme d' « atlantification » de l'Arctique, suggérant ainsi l'émergence d'un nouvel espace d'échanges et un bouleversement des grands équilibres de la planète, aboutissant à une révolution dans notre perception de celle-ci.

La région arctique restera toutefois un espace hostile aux activités humaines, associé à des risques majeurs pour l'homme et pour l'environnement. C'est également un espace dont les évolutions rétroagissent au niveau mondial avec d'autres aspects du dérèglement climatique, ce qui justifie une attention particulière de la communauté internationale, afin de préserver cet espace fragile et jusque-là naturellement protégé par des conditions climatiques extrêmes.

C'est pourquoi la COP 21 devra être l'occasion d'affirmer très clairement la volonté de protéger cette zone en progressant dans l'élaboration d'instruments juridiques adéquats. Si l'affirmation de leur souveraineté sur cette région par les pays riverains de l'océan Arctique est légitime, c'est la communauté internationale dans son ensemble qui doit se mobiliser sur des enjeux qui seront déterminants pour l'ensemble de la planète.

I. LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE EN ARCTIQUE, UN ENJEU GLOBAL

Les bouleversements climatiques sont particulièrement spectaculaires en Arctique, au point que cette région en est devenue l'un des symboles. Ce symbole n'est pas dépourvu d'ambiguïtés puisque, si certains déplorent la disparition de paysages et d'espèces uniques au monde, d'autres - parfois les mêmes - espèrent en conséquence, un accès facilité à des ressources plus abondantes, grâce au recul des glaces, déjà largement amorcé. La position des États-Unis est symptomatique de cette ambiguïté. En effet, si le président Barack Obama a récemment souligné l'impact possible du dérèglement climatique en Alaska, lors d'un déplacement, sans précédent pour un président américain dans cette région, il avait aussi, par ailleurs, autorisé récemment la compagnie Shell à y entreprendre des forages pétroliers auxquels celle-ci vient de renoncer.

A. LES CONSÉQUENCES DU DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE EN ARCTIQUE

Plusieurs rapports parlementaires 139 ( * ) ont déjà mis en évidence les enjeux scientifiques, économiques et juridiques du dérèglement climatique en Arctique, qui seront donc ici résumés.

1. Qu'est-ce que l'Arctique ?

Plusieurs définitions de l'Arctique coexistent, selon l'aspect du sujet qui est traité :

- L'Arctique est en premier lieu la région située au nord du Cercle polaire arctique, qui correspond à la latitude à laquelle le soleil ne se couche pas au solstice d'été (66°33'N) ;

- L'Arctique est parfois entendu comme la région au nord d'une ligne à partir de laquelle les arbres ne poussent pas (« treeline ») ;

- L'Arctique peut aussi être considéré comme la région située au-delà de la ligne isotherme de 10°C de température moyenne au cours du mois d'été le plus chaud (juillet) ;

- Certains organismes utilisent leur propre définition et donc leur propre cartographie de l'Arctique, en fonction de leurs centres d'intérêt. Ainsi l' Arctic Monitoring Assessment Programme (AMAP), qui est un des six groupes de travail du Conseil Arctique, ou encore l' Arctic Human development report (AHDR), qui émane du Conseil nordique des ministres 140 ( * ) , possèdent chacun leur propre carte géographique de l'Arctique.

Délimitations de l'Arctique

Source : Arctic Human Development Report II (2014), Conseil nordique des Ministres

On distingue, par ailleurs, au sein de l'Arctique, le « Haut-Arctique », le « Bas-Arctique » et la région subarctique.

Haut- et Bas-Arctique

Source : ministère des affaires étrangères, Norvège

L'Arctique est donc constitué, en premier lieu, d'un espace océanique, ouvert sur les océans Atlantique et Pacifique, dont les eaux sont soit libres, soit couvertes de glace (banquise), dans des proportions qui varient au cours de l'année. La superficie de l'océan Arctique représente environ six fois celle de la Méditerranée. Cet océan est le plus petit du monde. Il fait l'objet de revendications concurrentes des États riverains, qui mènent des campagnes scientifiques en vue d'établir les limites de leur plateau continental (voir ci-après).

L'Arctique est constitué, en deuxième lieu, d'espaces terrestres, situés dans cinq pays, si l'on s'en tient au « Haut-Arctique » (Russie, Canada, Danemark/Groenland, États-Unis, Norvège) ou dans huit pays, si l'on retient une acception plus large (les cinq précédents ainsi que la Finlande, la Suède et l'Islande). Ces huit pays sont associés au sein du Conseil Arctique, créé en 1996. L'essentiel de la surface des terres est constitué de glaciers ou de sols gelés. Le Groenland, région autonome du Danemark appelée à une probable indépendance, est couvert à 80 % par un vaste glacier continental : la calotte glaciaire - ou inlandsis - arctique. Le reste de la surface terrestre arctique est, pour une large part, constitué de pergélisol (ou permafrost), c'est-à-dire de sols dont la température est inférieure à 0°C pendant au moins deux ans d'affilée, et qui sont donc gelés et imperméables.

Les évolutions des différentes composantes de l'environnement arctique (banquise, glaciers et inlandsis, pergélisol) sont d'excellents témoins du dérèglement climatique. Elles agissent, en retour, sur les équilibres climatiques mondiaux.

Dans sa définition retenue par l'Arctic Human Development Report (AHDR), représentée sur la première carte ci-dessus, l'Arctique est peuplé de 4 millions d'individus, répartis dans les huit pays précités. Environ 10 % sont constitués de différents peuples autochtones, dont les modes de vie sont étroitement liés à l'environnement arctique.

Si la population globale de l'Arctique est stable depuis 2000, elle évolue différemment selon les régions. Ainsi la Russie connaît un déclin notable de sa population arctique, qui représente aujourd'hui moins de la moitié de la population arctique totale. La Russie compte néanmoins les plus grosses agglomérations situées au nord du cercle polaire (notamment Mourmansk qui compte 300 000 habitants). En revanche une croissance démographique significative est enregistrée en Alaska, en Islande et dans l'Arctique canadien.

2. L'Arctique, « sentinelle avancée » du réchauffement climatique

Le réchauffement accéléré de l'Arctique a conduit à qualifier cette région de « sentinelle avancée » du réchauffement climatique, ou encore de « canari dans la mine » 141 ( * ) : les évolutions de cette région doivent en effet constituer un signal d'alarme, appelant la communauté internationale à réagir, dans la mesure où elles préfigurent des évolutions majeures au niveau mondial.

Les populations indigènes de l'Arctique sont directement menacées par le réchauffement climatique dans leurs habitats, leurs modes de vie et d'existence même, tout autant que celles des îles du Pacifique.

a) Une augmentation accélérée de la température

Depuis 1875, l'Arctique s'est réchauffé à un taux de 1,36°C par siècle, soit approximativement deux fois plus rapidement que la moyenne globale 142 ( * ) . Cette évolution accélérée est le résultat d'un phénomène appelé « amplification polaire », résultant notamment, au niveau local, du remplacement de surfaces blanches réfléchissantes (glace) par des surfaces sombres absorbant le rayonnement solaire (océan libre de glaces).

Le réchauffement s'est, par ailleurs, fortement accéléré au cours de la dernière décennie.

Évolution de la température en Arctique par rapport à la moyenne
des années 1961-1990 (°C)

Source : Arctic Monitoring Assessment Programme (AMAP)

b) Le recul de la banquise

Le recul des glaces est tout d'abord celui de la banquise, c'est-à-dire de la glace de mer arctique, sans impact sur le niveau des mers et océans. Sa surface (mesurée en septembre) a diminué de 11 % tous les dix ans depuis 1979 143 ( * ) . Le recul des glaces a été plus rapide que ce que les modèles avaient prédit, avec un minimum atteint le 17 septembre 2012.

D'après le GIEC, l'étendue moyenne annuelle de la banquise arctique a diminué au cours de la période 1979-2012 à une vitesse se situant entre 3,5 et 4,1 % par décennie, et entre 9,4 et 13,6 % par décennie pour le minimum d'été (glace pluriannuelle).

Une augmentation de la surface de la banquise a été observée au cours de l'année 2013, à la suite d'un été particulièrement frais, ce qui ne modifie pas la tendance de long terme, qui a repris en 2014. Ce sursaut a néanmoins tempéré les discours très « optimistes » sur la possibilité d'un développement économique rapide de l'Arctique.

Évolution de la surface moyenne mensuelle de la banquise
en septembre de 1978 à 2013

Source : NSIDC

En 2015, la surface maximale de la banquise, observée le 25 février 2015, était la surface maximale la plus faible jamais enregistrée par satellite. Quant à la surface minimale, mesurée le 11 septembre 2015, elle était la quatrième surface la plus réduite jamais enregistrée en septembre. Les neuf surfaces les plus faibles enregistrées par satellites sont celles mesurées en septembre chaque année au cours des neuf dernières années.

Les chercheurs estiment aujourd'hui probable que, d'ici à 2050, voire même avant, l'océan Arctique sera libre de glace à la fin de l'été, et ce pour la première fois depuis 125 000 ans.

L'évolution du volume de la banquise est moins bien connue que l'évolution de sa surface. Elle n'est mesurée, par le satellite européen Cryosat, que depuis 2010. Après avoir diminué de 14 % entre 2010 et 2012, le volume de la banquise a augmenté de 41 % en 2013, avant de repartir à la baisse.

La modification de la proportion de glaces pluriannuelles et de glaces saisonnières contribue à accélérer le phénomène de fonte. En effet, la banquise annuelle est plus fragile, moins résistante que les glaces pluriannuelles à la hausse des températures en été.

c) La fonte des glaciers

Le recul des glaces concerne ensuite les glaciers, c'est-à-dire la glace continentale d'eau douce, dont la fonte contribue à la montée du niveau des mers au niveau mondial, contrairement à celle de la banquise.

Ainsi, la perte de glace moyenne au Groenland a fortement augmenté, passant de 34 milliards de tonnes par an au cours de la période 1992-2001 a` 215 milliards de tonnes par an au cours de la période 2002-2011 144 ( * ) . Mais ce sont les « petits » glaciers (Alaska, Canada, Andes, Asie...) qui, pour le moment, contribuent le plus à l'élévation du niveau de la mer.

Dans le cadre de leur mission, vos rapporteurs se sont rendus en Norvège et notamment sur l'archipel du Svalbard, à 1 000 km du pôle Nord, où les modifications de l'environnement et des paysages, provoquées par le réchauffement, sont spectaculaires. Les glaciers, qui couvrent encore 60 % du territoire de l'archipel du Svalbard, reculent rapidement. L'équivalent de la consommation en eau de la ville de Paris en un mois est perdu par les glaciers du Svalbard en un an, uniquement par vêlage d'icebergs, c'est-à-dire par dislocation du glacier, auquel vient s'ajouter le phénomène de fonte.

Svalbard : le bouleversement des paysages glaciaires

Source : Heidi Sevestre, Université du Svalbard (UNIS)

d) La fonte du pergélisol

Les températures du pergélisol ont augmenté dans la plupart des régions concernées depuis le début des années 1980, en conséquence de l'augmentation de la température atmosphérique et de la réduction de la couverture neigeuse. Le réchauffement observé atteignait 3 °C dans certaines régions du nord de l'Alaska entre le début des années 1980 et le milieu des années 2000, et 2°C dans certaines régions du nord de la Russie (entre 1971 et 2010), où une réduction considérable de l'épaisseur et de l'étendue spatiale du pergélisol a été observée.

Le réchauffement de sols, gelés depuis parfois des millénaires, entraîne l'apparition de marécages, provoquant la déstabilisation de bâtiments, de routes et d'autres infrastructures. Il accélère l'érosion, déstabilise la végétation et provoque des risques d'affaissement de terrain et d'émanations de carbone sous forme de gaz carbonique ou de méthane.

Le pergélisol pourrait contenir 1 700 gigatonnes de carbone, soit le double de la quantité actuellement présente dans l'atmosphère 145 ( * ) , alors que pour atteindre l'objectif de +2°C, les émissions totales cumulées ne devront pas dépasser une fourchette de 1 000 à 1 500 gigatonnes de carbone d'ici à 2100 146 ( * ) .

Or d'ici à la fin du siècle, le pergélisol, qui représente 25 % des terres émergées de l'hémisphère nord, pourrait perdre jusqu'à 90 % de son étendue.

Cet effet d'emballement possible est mal pris en compte dans les modélisations du changement climatique.

e) La diminution de la biodiversité

Enfin, le réchauffement bouleverse un écosystème fragile, mettant des espèces en danger de disparition, car elles ne sont pas susceptibles de migrer plus au nord pour s'adapter aux conditions climatiques, mais sont concurrencées par des espèces venues du sud.

L'ours polaire, mammifère marin dont la survie est étroitement liée à la persistance de la banquise, est devenu le symbole de cette évolution. Mais c'est l'ensemble des écosystèmes marins et terrestres de cette région, et de très nombreuses espèces de faune et de flore, qui est menacé par les transformations de l'environnement.

3. Des bouleversements dont les conséquences sont mondiales

Ce qui se passe en Arctique a un effet accélérateur sur le changement climatique au niveau mondial.

Si la fonte des glaciers du Svalbard provoque une élévation négligeable du niveau de la mer, celle des inlandsis (calottes polaires) du Groenland et de l'Antarctique, qui sont les plus gros réservoirs d'eau douce de la planète, pourrait avoir des effets dramatiques :

- La fonte des glaciers du Groenland, sur plusieurs siècles ou millénaires, en fonction de l'ampleur du réchauffement, représenterait, à elle seule, une hausse moyenne du niveau de la mer de 7 mètres, à l'échelle mondiale ;

- la fonte de l'Antarctique entraînerait une élévation apocalyptique du niveau des mers de l'ordre de 56 mètres.

L'apport massif en eau douce, résultant de la fonte des glaciers, combiné à une évaporation plus forte en raison du réchauffement, diminue la salinité des océans. Or la salinité joue un rôle important dans la plongée des eaux vers les profondeurs. Sa diminution pourrait donc contribuer à une modification des courants océaniques, notamment à des perturbations du Gulf Stream.

La disparition de la banquise n'entraîne pas d'augmentation du niveau de la mer mais réduit la réflexion de l'énergie solaire par les surfaces blanches (effet d'albédo), car celles-ci sont remplacées par des surfaces sombres, ce qui amplifie le réchauffement. La glace réfléchit environ 80 % du rayonnement solaire, l'océan 10 %.

Les effets de la fonte du pergélisol sont majeurs, car susceptibles de provoquer un effet d'emballement sur le climat. En effet, la fonte des sols gelés libère du carbone sous forme de CO 2 (dioxyde de carbone) et de CH 4 (méthane). Ces rejets pourraient atteindre, du seul fait de la fonte du pergélisol, 50 à 250 milliards de tonnes de carbone à la fin du siècle, dans le scénario le plus défavorable élaboré par le GIEC.

La fonte des glaciers, des sols gelés et de la banquise entraîne par ailleurs la libération de polluants accumulés, issus de l'agriculture et de l'industrie, y compris des polluants radioactifs. Des scientifiques évoquent également le risque de résurgence de virus enfouis dans le pergélisol 147 ( * ) .

Enfin, le réchauffement modifie la circulation des courants atmosphériques. En effet, le réchauffement accéléré de l'Arctique, par rapport à la moyenne mondiale, accroît le contraste entre les températures du grand nord et celles des latitudes moyennes de l'hémisphère nord, ce qui ralentit la circulation atmosphérique, accroît la probabilité d'événements extrêmes de longue durée et modifie la distribution des températures et précipitations.

B. DES ENJEUX ÉCONOMIQUES SUSCITANT UN REGAIN D'INTÉRÊT POUR L'ARCTIQUE

Les phénomènes physiques précédemment décrits augurent de bouleversements économiques et géopolitiques, à une échéance qui demeure toutefois incertaine. Le développement de l'Arctique n'est pas sans risque. Ce milieu demeure hostile et peu préparé à affronter les conséquences d'un développement économique rapide.

L'Arctique ressuscite le mythe de la « nouvelle frontière ». Le réchauffement pourrait en effet faciliter l'accès à des ressources géologiques et biologiques abondantes et jusque-là inaccessibles.

1. Les bouleversements de la pêche

Des migrations d'espèces, probablement provoquées par le réchauffement, sont d'ores et déjà observées. Du maquereau a, par exemple, été récemment pêché aux Svalbard, alors qu'il n'y était auparavant pas présent.

La distribution des espèces en Atlantique nord et en Arctique pourrait être bouleversée par le dérèglement climatique. Des adaptations des accords de pêche existants et la conclusion de nouveaux accords, dans les régions qui en sont pour le moment dépourvues, pourraient devenir nécessaires. Les litiges existant sur les délimitations maritimes (voir ci-après) risquent de rendre ce processus d'adaptation plus complexe.

Modifications possibles de la distribution des ressources halieutiques en Europe du nord

Source : Institut polaire norvégien

Lecture : herring = hareng ; cod = morue ; capelin = capelan ; mackerel = maquereau ; anchovy = anchois

Deux autres facteurs sont susceptibles de bouleverser l'activité de pêche dans le Grand nord :

- d'une part, le recul des glaces, puisque l'océan Arctique pourrait être librement accessible à la fin de l'été, y compris dans sa portion centrale, d'ici à 2050 ;

- d'autre part, le déclin des stocks de poisson dans les autres régions de l'hémisphère nord, qui pourrait inciter les pêcheurs à développer leur activité en direction du Nord.

Se pose, en premier lieu, la question de la création de mécanismes internationaux de gestion des pêches en zone de haute mer, au-delà des zones économiques exclusives des États côtiers. Cette partie de l'océan Arctique n'est en effet que très partiellement couverte par les organisations régionales de gestion de la pêche de l'Atlantique nord existantes, notamment la Commission des pêches de l'Atlantique du Nord-Est (NEAFC 148 ( * ) ) et l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest (NAFO 149 ( * ) ). Cette dernière organisation couvre environ un dixième de l'océan Arctique central. La pêche arctique pourrait être gérée par une organisation régionale spécifique, ou par extension du champ géographique des organisations existantes, à condition de développer la recherche scientifique sur les stocks de poissons et le fonctionnement des écosystèmes marins du Grand nord, indispensable à la définition de taux admissibles de capture.

Les cinq pays riverains du Haut-Arctique (Canada, Danemark au nom du Groenland, Norvège, Russie, États-Unis) ont signé, le 16 juillet 2015, une déclaration sur la prévention de la pêche non régulée en haute mer dans l'Arctique central, interdisant la pêche dans les zones de haute mer de l'océan Arctique, tant que des mécanismes de gestion des pêches, conformes aux standards internationaux dans ce domaine, n'auront pas été mis en place pour cette région. La déclaration adoptée prévoit l'élaboration d'un programme commun de recherche scientifique. Elle invite, en outre, l'ensemble des pays intéressés à souscrire des engagements analogues à ceux des cinq pays riverains, afin de prévenir tout développement non régulé des activités de pêche dans les eaux internationales de l'océan Arctique.

Dans l'attente du développement de la recherche scientifique sur les ressources halieutiques et leur évolution en réponse au changement climatique, cette interdiction de la pêche en haute mer dans le Grand nord doit être soutenue par l'ensemble de la communauté internationale.

Une gestion prudente et coopérative de la pêche dans les zones économiques exclusives doit également être encouragée. En l'absence de connaissances scientifiques suffisantes, les États-Unis ont, par exemple, décidé d'interdire la pêche dans leur ZEE située au nord du détroit de Béring depuis 2009.

Par ailleurs, une coopération bilatérale étroite existe entre la Norvège et la Russie en mer de Barents depuis 1976. Le développement de ce type de coopérations bilatérales, qui est souhaitable, nécessite la résolution des litiges persistants ; en l'espèce, entre la Norvège et la Russie, des divergences demeurent sur l'interprétation du traité du Svalbard.

2. L'extension des terres arables

Le dégel du pergélisol pourrait libérer des terres pour des activités agricoles, notamment en Sibérie orientale. Il favorisera l'implantation de cultures jusqu'alors plus méridionales, et pourrait augmenter la productivité des terres arables.

Cette évolution risque de susciter l'intérêt de pays voisins, et ce d'autant plus que le dérèglement climatique provoquera des phénomènes de sécheresse, notamment en Chine, où la pression sur les terres agricoles est forte.

L'immigration chinoise en Russie orientale est ancienne. Après avoir démarré dans les années 1860 150 ( * ) , elle s'est interrompue pendant la période soviétique, avant de reprendre après la dislocation de l'URSS. Cette immigration est la conséquence d'un fort écart de dynamisme démographique entre régions voisines de la Russie et de la Chine, la population active de l'Extrême-Orient russe étant en forte décroissance.

L'accès aux terres agricoles est l'un des enjeux de cette immigration chinoise en Russie, alors que la Chine manque de terres cultivables. Illustrant la politique d'investissement chinoise dans les terres agricoles à l'étranger, un accord signé en mai 2015, permet la location par la Russie à la Chine de 150 000 hectares de terres agricoles en Sibérie orientale, pour une durée de 49 ans.

3. Hydrocarbures et minerais : le risque d'une fuite en avant ?

La concurrence pour l'appropriation des ressources de l'Arctique concerne aussi les hydrocarbures et minerais, que le réchauffement pourrait rendre plus accessible.

L'exploitation des ressources arctiques n'est pas nouvelle, notamment en Alaska et en Sibérie occidentale (mers de Barents et de Kara, péninsule de Yamal). Il existe actuellement 400 gisements actifs de pétrole et gaz dans cette zone, également riche en minerais.

Les ressources minières et énergétiques de l'Arctique

Source : Eric Canobbio, Mondes arctiques. Miroirs de la mondialisation (La Documentation Française)

D'après les estimations de l'US Geological Survey (USGS) 151 ( * ) , fondées sur des modèles, et non sur des travaux d'exploration effectifs, 22 % des ressources de gaz et de pétrole conventionnels, restant à découvrir, pourraient provenir de gisements situés au nord du cercle polaire. Cette proportion s'élèverait à 29 % pour les réserves de gaz et à 10 % pour les réserves de pétrole. Total évalue cette proportion moyenne (pétrole et gaz) à 15 %.

Une large partie des ressources de l'Arctique demeure en effet inexplorée, notamment en mer. Environ 84 % des ressources à découvrir de pétrole et de gaz seraient situées offshore .

Depuis les années 2000, la fonte de la banquise et la hausse du cours des matières premières ont relancé les perspectives d'exploitation de ces ressources, avant que la « révolution » des hydrocarbures non conventionnels (gaz et pétrole de schiste) ne vienne capter les investissements et faire baisser les prix.

L'exploitation des ressources de l'Arctique demeure complexe, risquée et donc coûteuse. Le réchauffement climatique rend la météorologie plus imprévisible, déstabilise les infrastructures telles que ports, plateformes et pipelines, en raison de la fonte du pergélisol, et réduit la période de praticabilité des routes de neige et de glace pour le transport. Cette situation complique considérablement la logistique des projets d'exploration ou d'exploitation. La rentabilité économique des gisements d'hydrocarbures dans le Grand Nord est sujette à caution.

Sur le site de Goliat, qui sera exploité par ENI, dans les eaux norvégiennes de la mer de Barents, le coût d'extraction du baril de pétrole est estimé à 110 dollars le baril. Seuls des cours élevés des matières premières pourraient, à l'avenir, encourager les entreprises, à se lancer dans de tels projets.

L'exploitation des ressources de l'Arctique pourrait, par ailleurs, être encouragée par le développement du transport maritime dans cette région.

4. L'ouverture des « routes du Nord » entre Atlantique et Pacifique ?

Depuis 500 ans, la recherche de routes plus courtes entre l'Europe et l'Asie a laissé une place marginale aux routes du Grand nord. Celles-ci sont demeurées des lieux d'exploration, plutôt que de commerce, depuis la découverte des passages maritimes, franchis pour la première fois par le Suédois Adolf Erik Nordenskjöld pour le passage du Nord-Est (1879), et par le Norvégien Roald Amundsen pour le passage du Nord-Ouest (1906).

Le recul de la glace est-il susceptible de transformer ces routes en grands axes de navigation ? Ce qui est envisagé, en tout état de cause, c'est l'augmentation de la durée de la saison navigable, qui pourrait passer de deux à trois, voire cinq mois sur une partie de l'océan Arctique, et non pas la perspective de routes ouvertes toute l'année. Le transport maritime en milieu extrême requiert des équipements particuliers et est très consommateur de carburant, ce qui implique un coût susceptible d'annuler le gain résultant du raccourcissement du trajet. Le transport international de marchandises tolère mal les retards et les changements de routes et de logistique au cours de l'année. Les routes du nord permettent peu d'escales propices à des chargements et déchargements intermédiaires de marchandises.

Bien qu'incertaine, la perspective d'un développement à plus ou moins long terme des routes du Nord conduit les États riverains, notamment le Canada et la Russie, à réaffirmer leur souveraineté sur ces eaux. Le recul des glaces permettrait notamment à la Russie d'affirmer son statut de puissance océanique, de soutenir le développement économique de la Sibérie, alors que plusieurs grands fleuves sibériens (Ob, Iénisseï, Léna) débouchent sur l'océan Arctique et que plusieurs agglomérations sont implantées à proximité du passage du Nord (Mourmansk, Archangelsk), ce qui n'est pas le cas au Canada où il n'existe pas de gros centres urbains et industriels à proximité du passage du Nord-Ouest.

Pour le Canada, il s'agit d'affirmer sa souveraineté sur le passage du Nord-Ouest, alors que les États-Unis revendiquent un statut international pour ces routes.

Enfin, pour le Groenland, le développement du commerce, en complément de l'exploitation de ressources naturelles, revêt une importance particulière dans la perspective de son indépendance du Danemark.

Les routes maritimes arctiques

Source : The Arctic Institute

Le développement des routes du nord intéresse l'ensemble de l'hémisphère nord, au-delà des seuls États riverains, puisque ces routes réduisent considérablement les distances entre les grands ports d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Asie, par rapport aux routes des canaux de Suez et de Panama.

Par la route du nord-est, Hambourg est, par exemple, à 13 000 km de Tokyo, contre 21 000 km par le canal de Suez, soit un gain de 8000 km.

Une route libre de glace vers l'Asie ?

Source : ministère de la Défense norvégien (d'après Der Spiegel)

Le trafic maritime a, de fait, connu une augmentation au cours des années récentes, mais cette augmentation reste timide 152 ( * ) .

Au cours de l'année 2013 :

- 2 navires commerciaux sont passés par le passage du Nord-Ouest ;

- la Russie a déclaré 71 passages par la Route du Nord-Est. Encore ce dernier chiffre inclue-t-il des navires à destination des villes du Nord de la Russie, c'est-à-dire du trafic de destination et non de transit.

Le trafic a toutefois diminué en 2014, avec 53 navires ayant emprunté le passage du Nord-Est, dont 22 sur seulement une partie de cette route. Cette baisse pourrait être la conséquence, d'une part, de la reformation de la banquise après le minimum atteint en 2012, d'autre part, des sanctions prises contre la Russie et, enfin, de la diminution des prix du pétrole 153 ( * ) . Des sondages menés auprès de compagnies maritimes montrent qu'elles sont peu intéressées par le transit dans ces zones 154 ( * ) , y compris les compagnies chinoises 155 ( * ) . L'année 2014 a toutefois vu, pour la première fois, un navire commercial traverser le passage du Nord-Ouest sans accompagnement par un brise-glaces, à l'aide de drones.

Le trafic par la route maritime du nord de la Russie demeure aujourd'hui très inférieur à ce qu'il fut à l'époque de l'Union soviétique, et notamment à son maximum de 1987, ce qui suggère que les évolutions actuelles résultent au moins partiellement d'un effet de rattrapage.

II. LES CONSÉQUENCES GÉOPOLITIQUES : L'ARCTIQUE ENTRE TENSIONS ET DIALOGUE

L'Arctique demeure, pour l'heure, un environnement inhospitalier, imprévisible et insuffisamment doté en infrastructures et services portuaires. Son développement économique est porteur d'importants risques pour la sécurité et pour l'environnement. Il nécessite, par conséquent, le développement d'une coopération internationale dépassant le seul cercle des États riverains.

A. ESPACES NATIONAUX, ENJEUX INTERNATIONAUX

Les États riverains revendiquent légitimement l'exercice de leurs droits souverains sur les espaces terrestres et maritimes de l'Arctique. Des divergences d'appréciation demeurent toutefois, quant au statut juridique de certaines zones et aux délimitations frontalières. L'Arctique suscite également un intérêt international, au-delà des seuls États riverains.

1. Revendications et tensions entre États riverains
a) L'Arctique à la confluence d'espaces nationaux

L'Arctique n'est pas, contrairement à l'Antarctique, régi par un traité international spécifique, à l'exception de l'archipel du Svalbard (Norvège). La souveraineté des États et le droit international de la mer s'y exercent donc pleinement.

(1) Le statut des passages du Nord

Des divergences sont apparues entre États riverains de l'Arctique, concernant d'une part le statut juridique des passages du Nord-Ouest et du Nord-Est, et, d'autre part, la délimitation des plateaux continentaux.

Le Canada et la Russie considèrent les voies maritimes du Nord comme des eaux intérieures, sous juridiction nationale, dont le franchissement nécessite par conséquent une autorisation de passage et peut faire l'objet d'une interdiction puisque le droit de passage inoffensif ne vaut que pour les eaux territoriales et pas pour les eaux intérieures.

Les autres pays, en premier lieu les États-Unis, mais aussi, explicitement ou implicitement, la plupart des pays européens et asiatiques, revendiquent pour ces eaux le statut de détroit international, et donc une liberté de transit permanente des navires ; de fait la route du Nord-Ouest notamment, est constituée de détroits multiples reliant deux espaces océaniques ouverts. Les États-Unis contestent, pour cette raison, la volonté du Canada et de la Russie de contrôler ces voies d'eaux. Des différends se sont élevés à plusieurs reprises entre les États-Unis et le Canada, depuis les années 1960 : d'abord en 1969, à la suite du passage d'un pétrolier américain, le Manhattan , puis en 1985, lors du passage d'un brise-glace américain, le Polar Sea , les États-Unis refusant le principe d'une autorisation préalable.

Quant au passage du Nord-Est, que les Russes dénomment « route du nord », il est soumis depuis 1991 à une réglementation et une tarification, destinées à attirer, et de fait à contrôler, la navigation étrangère.

(2) Les litiges frontaliers

Un seul litige demeure pour ce qui est des frontières terrestres en Arctique. Ce litige porte sur l'île de Hans, entre le Canada et le Danemark (Groenland). Les autres différends portent sur les délimitations maritimes.

Source : Frédéric Lasserre, "La géopolitique de l'Arctique : sous le signe de la coopération", CERISCOPE Environnement, 2014.

Les délimitations du droit de la mer

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, entrée en vigueur le 16 novembre 1994, distingue plusieurs catégories d'espaces maritimes.

- LES ESPACES SOUS CONTRÔLE NATIONAL (TOTAL OU PARTIEL)

Les zones sous souveraineté :

. Lignes de base : laisse (limite) de basse mer ; dans certains cas (côtes profondément découpées ou bordées d'îlots, deltas, baies suffisamment profondes), possibilité de lignes de base droites, permettant une augmentation de la surface des eaux intérieures

. Eaux intérieures : eaux comprises entre le territoire terrestre de l'État et ses lignes de base. Pleine souveraineté de l'État.

. Mer territoriale : largeur maximale de 12 milles marins calculée à partir des lignes de base, droit de passage inoffensif.

Les zones sous la juridiction de l'État :

. Zone contiguë : largeur de 24 milles marins maximum, l'État riverain agit à titre préventif contre toute infraction d'ordre douanier, fiscal, sanitaire ou d'immigration.

. Zone économique exclusive (ZEE) : largeur maximale de 200 milles marins. Liberté de navigation mais droit exclusif de l'État riverain sur toute activité économique.

. Plateau continental : 200 milles marins. La Commission des limites du plateau continental (CLPC), émet des recommandations qui acceptent, modifient ou rejettent les demandes d'extension du plateau continental au-delà de 200 milles marins. Droits économiques exclusifs de l'État riverain sur le sol et le sous-sol.

- LES ESPACES INTERNATIONAUX :

. Haute mer : toutes les parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la zone économique exclusive, ni dans la mer territoriale ni dans les eaux intérieures d'un État.

. Zone internationale des fonds marins : fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale.

- Les espaces spécifiques

. Détroits internationaux : Les passages en transit et passages inoffensifs y sont pleinement garantis aux bâtiments des États tiers.

. Canaux internationaux

. Les mers fermées ou semi-fermées : la Méditerranée.

Dans l'océan Arctique, les limites de chacun des espaces définis par la Convention de Montego Bay (1982) demeurent incertaines.

En premier lieu, certaines « lignes de base » fixées par les États sont contestées. Or ces lignes de base déterminent en cascade le tracé de l'ensemble des autres délimitations (eaux intérieures, eaux territoriales, zones économiques exclusives, plateau continental).

En second lieu, la Commission des limites du plateau continental ne s'est prononcée à ce stade, par des recommandations du 27 mars 2009, que sur certaines demandes adressées par la Norvège. La Russie, qui a formulé, une première fois, des demandes à la Commission des Limites du plateau continental en 2001, a adressé en août 2015 une nouvelle requête, produisant à l'appui de nouveaux travaux scientifiques. La Russie revendique la dorsale de Lomonossov et le pôle nord en tant qu'extension de son plateau continental, tandis que le Danemark revendique également le pôle nord, au nom du Groenland. En 2007, la Russie a illustré symboliquement cette revendication, en plantant un drapeau à 4 000 mètres sous la banquise, au fond de l'océan, au niveau du pôle nord. Le Canada mène également des campagnes scientifiques en vue d'une demande d'extension de son plateau continental, qui n'a pas encore été soumise à la Commission. La demande adressée par le Canada en 2013 ne concernait en effet que son plateau continental sous l'océan Atlantique.

Des incertitudes résultent de la non-adhésion des États-Unis à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, en raison de l'opposition du Sénat américain. Les États-Unis ont une position ambiguë, car il est néanmoins fait référence aux dispositions de cette convention dans des publications officielles, ce qui pourrait les rendre applicables, à titre coutumier. Les États-Unis ont en effet intérêt à jouer le jeu afin de protéger leurs intérêts, dans la mesure où les autres pays riverains de l'Arctique ont formulé ou formuleront prochainement des demandes d'extension de leurs plateaux continentaux respectifs 156 ( * ) .

Pour la résolution de ces litiges, la voie de la coopération et le respect des mécanismes internationaux sont incontestablement privilégiés par les États riverains. Il est peu probable qu'à eux seuls, ils dégénèrent en conflit ouvert.

b) Le statut spécifique du Svalbard

Le traité de Paris du 9 février 1920, qui détermine le statut de l'archipel du Svalbard, ne prémunit pas cet espace de tout différend international.

La position géographique du Svalbard a toujours suscité l'intérêt des grandes puissances. D'où l'établissement, après la première guerre mondiale, d'un statut particulier qui :

- reconnaît la souveraineté de la Norvège sur cette zone ;

- accorde aux autres Parties la liberté d'exercer toute activité économique ou scientifique ;

- interdit toute activité militaire.

Un litige demeure toutefois entre la Russie et la Norvège sur l'interprétation du traité du Svalbard, s'agissant de la zone des 200 milles marins autour de l'archipel, que la Norvège considère comme relevant de sa zone économique exclusive, tandis que la Russie souhaiterait y voir appliquer le même statut international qu'à l'archipel lui-même. Dans la mesure où les ZEE ont été instituées par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, le traité de Paris de 1920 ne répond évidemment pas à la question posée par ce litige.

La Norvège et la Russie ont une longue histoire de coopération commune en mer de Barents, notamment sur la pêche, depuis 1976. En 2011, un traité de délimitation de la frontière maritime entre la Norvège et la Russie a été conclu, alors que cette frontière était contestée depuis plusieurs décennies. Les relations entre la Norvège et la Russie se sont toutefois altérées en raison de la situation en Ukraine. Il est probable que le cadre de coopération existant entre les deux pays ne pourrait plus être négocié dans le contexte actuel. La visite surprise du vice Premier ministre russe Dimitri Rogozin sur l'archipel du Svalbard, en avril 2015, est l'illustration de ce nouveau climat. Des tensions sont possibles s'agissant des droits de pêche ou de l'exploitation des sous-sols autour de l'archipel du Svalbard.

2. L'Arctique, « nouvelle scène internationale» ?

L'Arctique suscite un regain d'intérêt 157 ( * ) pour des raisons économiques, comme évoqué précédemment, mais aussi et surtout pour des raisons géopolitiques, à l'image de l'exploitation du charbon par la Norvège et par la Russie au Svalbard, dont la motivation principale n'est pas économique mais stratégique.

Les politiques arctiques nationales des pays riverains ou non riverains de l'Arctique ont été détaillées dans plusieurs rapports parlementaires récents 158 ( * ) . Nous ne reviendrons ici que sur trois aspects particuliers de cette émergence de l'Arctique comme « nouvelle scène internationale ».

a) L'Arctique, enjeu de la relation Russie-OTAN

Parmi les États riverains de l'Arctique figurent plusieurs grandes puissances, dont trois pays du « G8 » 159 ( * ) , deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies 160 ( * ) et cinq membres de l'OTAN 161 ( * ) . Les cartes centrées sur l'océan Arctique montrent bien que cette zone est un point de rencontre entre ces puissances, et non une périphérie, comme le suggère la projection « Mercator » traditionnelle (laquelle agrandit par ailleurs la surface des zones polaires par rapport à la réalité). L'Arctique subit donc logiquement les effets des tensions existant au plan international.

Route stratégique pendant la deuxième guerre mondiale, l'Arctique a joué un rôle important dans les rapports Est-Ouest, au cours de la guerre froide, pour le déploiement des sous-marins nucléaires, des réseaux de surveillance et d'alerte ainsi que de la défense antimissile.

La politique russe pour l'Arctique fait l'objet d'une Stratégie de développement de la région arctique à l'horizon 2020, en date du 20 février 2013. Pour la Russie, il s'agit de réaffirmer son prestige et sa souveraineté sur des régions abandonnées depuis la fin de la guerre froide, d'autant que la Flotte du Nord joue un rôle important pour l'outil de dissuasion russe.

L'exercice militaire surprise du 16 mars 2015, au cours duquel 38 000 soldats russes ont été déployés dans le Grand nord, a illustré cette volonté. La revendication russe sur une large partie de l'Arctique, incluant le pôle nord, s'accompagne d'un programme d'aménagement du territoire par l'installation de bases militaires et la mise en exploitation de gisements d'hydrocarbures. Elle se traduit également par la poursuite d'un important programme d'équipements, notamment en nouveaux brise-glace à propulsion nucléaire. Avec 41 brise-glace, 5 brise-glace en construction (dont un à propulsion nucléaire) et 6 planifiés (dont trois à propulsion nucléaire), la Russie est de très loin le pays le mieux équipé pour la navigation polaire. Le Canada et les États-Unis possèdent respectivement six et cinq brise-glace.

Du côté de l'OTAN, des exercices aériens sont organisés dans le Nord de l'Europe. L'exercice « Arctic Challenge 2015 », qui s'est déroulé en mai-juin 2015, a impliqué six membres (États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, France, Norvège et Pays-Bas) ainsi que trois pays partenaires (la Suède, la Finlande et la Suisse). Le but de cet exercice était de simuler des attaques contre une aviation ennemie, grâce à la mobilisation de 115 avions et de près de 3 600 militaires.

Dans le contexte actuel, marqué par le conflit entre la Russie et l'Ukraine, l'OTAN et la Russie dénoncent réciproquement un risque de militarisation de l'Arctique.

Cette situation est susceptible de créer des tensions au sein du Conseil arctique. La réunion ministérielle d'Iqaluit (avril 2015), a ainsi été marquée par l'absence du ministre russe des Affaires étrangères.

Le déplacement de M. Barack Obama, président des États-Unis, en Alaska, à l'occasion de la conférence GLACIER, le 31 août 2015, fut historiquement le premier déplacement d'un président américain en Arctique. L'objectif de ce déplacement était d'abord d'ordre climatique, à quelques mois de la COP 21. Mais il peut également être interprété comme reflétant la volonté des États-Unis de renforcer leur position géostratégique en Arctique, face aux ambitions territoriales, stratégiques et militaires de la Russie et alors que les États-Unis ont pris en 2015 la présidence du Conseil arctique.

Les interlocuteurs rencontrés par vos rapporteurs en Norvège sont partagés quant à la possibilité d'un conflit ouvert avec la Russie dans la zone arctique. L'océan Arctique, comme la mer Baltique, sont des lieux de tension possible avec une Russie en quête de réaffirmation de sa puissance.

b) L'intérêt des « géants » asiatiques pour l'Arctique

Le potentiel de l'Arctique en termes de ressources naturelles ainsi que la perspective de nouvelles routes maritimes expliquent, pour une large part, l'intérêt des pays asiatiques pour l'Arctique. Le réchauffement du pergélisol, entraînant une extension des terres arables en Sibérie orientale, constitue un autre facteur d'intérêt des pays asiatiques pour cette région. Lors de la réunion ministérielle de Kiruna (2013), le Conseil arctique a intégré, en tant qu'observateurs permanents, cinq pays asiatiques (Chine, Japon, République de Corée, Inde, Singapour). Cette évolution illustre la place de l'Arctique comme enjeu économique et géopolitique international. Avec cet élargissement du cercle des observateurs aux « géants » asiatiques, le Conseil arctique mise sur le développement économique de la région et s'impose comme l'instance de concertation légitime.

Si le Japon possède une longue tradition de recherche en milieu polaire, la Chine s'est imposée plus récemment dans ce domaine. Elle n'a toutefois pas attendu d'être admise comme observateur au Conseil arctique pour accroître son effort de recherche scientifique en milieu polaire, ce qui lui a permis de légitimer sa demande. Le Polar Research Institute of China a été établi en 1989. Il a pour mission l'organisation des stations et des expéditions polaires ainsi que l'utilisation du brise-glace chinois, le Xue Long , dont la Chine s'est dotée en 1993 et qui lui a permis de participer à cinq expéditions arctiques - et 28 en Antarctique 162 ( * ) . La Chine s'est implantée aux Svalbard, sur la base scientifique de Ny-Alesund, en 2004. Le Xue Long s'est illustré récemment, en portant secours aux passagers d'un navire russe pris dans les glaces de l'Antarctique à la fin de l'année 2014. En 2012, ce brise-glace a navigué pour la première fois jusqu'à la mer de Barents par la route du Nord. En 2013, un navire commercial chinois s'est rendu pour la première fois à Rotterdam par cette même route. La Chine planifie aujourd'hui la construction d'un second brise-glace. La compagnie pétrolière chinoise China Petroleum Corp. est intéressée par l'exploration de ressources pétrolières en Arctique.

Par ailleurs, comme évoqué précédemment, la Chine est d'ores et déjà un partenaire important dans le développement de la Sibérie orientale, où l'immigration chinoise s'est accélérée après la dislocation de l'URSS. Riche en ressources naturelles et agricoles, l'Arctique russe connaît un déclin démographique qui encourage ces mouvements migratoires.

L'intérêt de la Chine pour l'Arctique a été largement relayé dans les médias. Ce pays se présente lui-même comme appartenant au « Proche-Arctique » (« Near-Arctic »). Cet intérêt doit toutefois être replacé dans le cadre plus large de la politique de recherche chinoise, et de sa politique d'investissement, notamment en terres agricoles, sur tous les continents. La Chine a aussi investi pour moderniser ses bases de recherche en Antarctique. Son intérêt pour l'Arctique se situe dans la continuité de son investissement dans tous les domaines de la recherche. Il illustre aussi sa volonté de s'impliquer dans l'ensemble des grands enjeux internationaux.

Bien que géographiquement plus éloignée de l'Arctique, l'Inde a également manifesté son intérêt pour cette région. Elle est engagée dans la recherche polaire et a installé une station de recherche au Svalbard. Son souhait est de promouvoir la stabilité de l'Arctique et sa démilitarisation.

Leur implication permettra, en tout état de cause, aux pays asiatiques, d'être des partenaires économiques majeurs, si les perspectives de développement de l'Arctique se confirment.

c) Groenland : les enjeux géopolitiques de l'indépendance

L'Arctique représente un enjeu majeur pour la cohésion européenne.

10 pays de l'Union européenne représentant plus des trois quarts de la population de l'Union participent au Conseil de l'Arctique : 3 comme membres (Danemark/Groenland, Finlande, Suède) et 7 comme observateurs (Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni).

A ce titre, l'Union européenne développe une politique arctique dont les orientations sont fixées par les conclusions du Conseil en date du 12 mai 2014, après la résolution du Parlement européen du 12 mars 2014. La politique arctique de l'Union européenne repose sur le soutien à la recherche et à un développement économique se fondant sur un usage durable des ressources. Elle promeut, par ailleurs, un dialogue constructif avec les pays de l'Arctique, les populations autochtones et les autres partenaires.

L'intérêt des pays asiatiques pour l'Arctique est manifeste au Groenland, notamment de la part de la Chine et de la Corée du sud qui ont développé leurs relations avec ce territoire.

Le Groenland dispose d'un statut d'autonomie renforcée qui devrait le conduire un jour à son indépendance, à condition de pouvoir disposer de moyens financiers suffisants.

La loi sur l'autonomie du Groenland du 21 juin 2009, adoptée après référendum, dispose qu'il revient au peuple groenlandais de prendre toute décision concernant l'indépendance du Groenland.

Très dépendant financièrement du gouvernement danois, le Groenland voit dans l'exploitation de ses ressources naturelles une source possible de revenus, susceptible de faciliter son émancipation. La chute des cours du pétrole a retardé cette perspective. Au début de 2015, les entreprises Statoil (Norvège), Total (France) et Dong (Danemark) ont rendu leurs licences d'exploitation pour l'ouest du Groenland. Quinze autres compagnies ont toutefois conservé les leurs, dans l'attente d'une évolution favorable des marchés. En 2014, le Parlement danois a approuvé une loi permettant le recours à une main d'oeuvre bon marché pour la mise en oeuvre de grands projets. Cette loi devrait permettre l'arrivée de travailleurs chinois, sur les grands projets contrôlés par des capitaux chinois 163 ( * ) .

Depuis sa sortie de l'Union européenne en 1985, à la suite d'un référendum, le Groenland se tourne, en effet, davantage vers l'Amérique et vers l'Asie. Le risque est que cette évolution s'accentue à l'avenir, si le Groenland était amené à acquérir son indépendance, ce qui contribuerait à affaiblir son lien historique avec l'Europe.

Or, situé au coeur de l'Arctique, le Groenland est un territoire stratégique, bien qu'il ne soit peuplé que de 57 000 habitants (pour une surface équivalente à quatre fois la France). Ce territoire possède notamment des terres rares, secteur dans lequel l'Union européenne dépend entièrement d'importations. Situé au coeur de l'Arctique, il représente pour l'Europe un emplacement stratégique.

« Prendre le risque d'un Groenland devenant rapidement indépendant et n'ayant alors sans doute pas pris le temps d'assurer une économie solide sur le long terme pourrait avoir des conséquences sur les développements futurs dans l'Arctique et la sécurité énergétique mondiale. Laisser un Groenland à la merci d'une aide étrangère, susceptible de provenir d'un État non arctique, et qui pourrait conduire à un contrôle officieux de la politique de gestion des ressources naturelles du territoire est un risque trop important (...). L'Union européenne a un rôle à jouer dans ce contexte : proposer au Groenland d'être le « filet de protection » économique dont l'éventuel État groenlandais aura besoin, en l'absence de la subvention annuelle de l'État danois, afin de limiter les conséquences de potentielles difficultés économiques. » 164 ( * )

B. UNE GOUVERNANCE RÉGIONALE SOUPLE

1. Le Conseil arctique

La coopération entre pays riverains fut initiée par Mikhaïl Gorbatchev, alors Secrétaire général du Parti communiste de l'URSS, dans son discours de Mourmansk du 1 er octobre 1987. Un processus de négociation, engagé à l'initiative de la Finlande en 1989, a abouti à la création du Conseil arctique en 1996, par la déclaration d'Ottawa.

a) Un forum de bon voisinage

Le Conseil arctique n'est pas une organisation internationale mais un forum, qui se concentre sur deux priorités - la protection de l'environnement et celle des peuples autochtones, qui sont admis comme « participants permanents » au sein du Conseil. Il ne traite pas des questions militaires.

Les huit pays membres 165 ( * ) du Conseil arctique sont principalement réunis par la volonté de ne pas laisser à d'autres le soin de régler les affaires arctiques, et, par conséquent, par le refus de négocier à l'échelle internationale un statut particulier pour cette région, au motif qu'elle ne constitue pas un continent, comme l'Antarctique, mais est formée d'un océan auquel s'applique le droit international de la mer.

Les pays riverains de l'Arctique ont des positions très « souverainistes », souhaitant conserver l'exclusivité de la gouvernance de cette région, quitte à trouver un modus vivendi en cas de différend, comme c'est le cas par exemple entre le Canada et les États-Unis, au sujet du passage du Nord-Ouest.

À l'intérieur même du Conseil arctique, la tentation s'est manifestée de gérer les problèmes à cinq plutôt qu'à huit : c'est le sens de la déclaration d'Ilulissat du 28 mai 2008, par laquelle les cinq pays riverains du Haut-Arctique 166 ( * ) s'en remettent au droit international de la mer pour le règlement de leurs différends, et ce alors même que les États-Unis n'ont pas ratifié la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, signifiant ainsi qu'ils en acceptaient implicitement l'application. Consacrant le principe d'une gouvernance régionale de la zone par les pays riverains, cette déclaration a définitivement écarté la perspective d'un traité international sur l'Arctique.

Le Conseil arctique, qui fêtera son vingtième anniversaire en 2016, sous la présidence américaine, a permis des avancées :

- Il a fortement appuyé les négociations auprès de l'Organisation maritime internationale (OMI), en vue de la définition d'un Code polaire pour la navigation.

- Il a permis la signature de deux accords : le premier, signé à Nuuk (Groenland), le 12 mai 2011, porte sur la coopération en matière de recherche et de sauvetage aéronautiques et maritimes dans l'Arctique. Il attribue à chaque État signataire une zone dans laquelle il assumera la responsabilité d'organiser les opérations de recherche et de sauvetage en cas d'accident, quelle que soit la nationalité du navire ou des personnes accidentées. Ce traité constitue le premier instrument juridique contraignant signé dans le cadre du Conseil arctique. Il a donné lieu à deux exercices impliquant les huit signataires, au Canada en 2011 et à l'est du Groenland en 2012.

Recherche et sauvetage dans l'Arctique :
les zones définies par l'accord de 2011

Source : http://www.arcticportal.org/

- Le second accord, signé à Kiruna (Suède) le 15 mai 2013, porte sur la préparation et la lutte en matière de pollution marine par les hydrocarbures dans l'Arctique. Il vise à renforcer la coopération, la coordination et l'assistance mutuelle dans le domaine de la prévention et du traitement des marées noires, dans le but de protéger le milieu marin contre ce type de pollution.

Lors de sa dernière réunion ministérielle en 2015 à Iqaluit (Canada), le Conseil arctique a publié une déclaration insistant sur les points suivants :

- Le soutien aux communautés arctiques et notamment, la création d'un Conseil économique arctique (dont le secrétariat a ouvert à Tromso, en Norvège, le 8 septembre 2015) ;

- La protection de l'environnement : application d'un plan de réduction des émissions de « carbone noir » et de méthane, efforts de lutte contre les polluants organiques persistants (DDT, PCB) et contre le mercure, protection de la biodiversité, notamment par la mise en place d'un réseau d'aires marines protégées ;

- Le renforcement du Conseil arctique et notamment de son secrétariat permanent, dont la création a été décidée lors du sommet de Nuuk (2011), qui est situé à Tromso (Norvège), et qui doit être rejoint par le secrétariat des Membres permanents (peuples autochtones).

Le Conseil arctique est une instance de discussion plutôt que de décision. Il initie une coopération entre États riverains, sans produire d'instruments juridiques contraignants, hormis les deux traités précédemment évoqués, dont l'un, celui sur la lutte contre la pollution marine, reste d'ordre très général.

La mise en oeuvre de ces textes dépendra du bon vouloir de chaque pays, qui reste libre d'y consacrer les moyens budgétaires qu'il entend. Ces accords n'apportent en effet aucune garantie quant aux moyens qui seront déployés afin de répondre aux défis identifiés.

Tant dans le domaine de la recherche et du sauvetage en mer, que pour la prévention des marées noires, les réponses ébauchées seront insuffisantes si l'augmentation du trafic maritime - pêche, cargos, croisières - se confirme, et si les cours des matières premières évoluent dans un sens propice à l'exploration et à l'exploitation des ressources du Grand Nord.

b) Un forum international élargi

Le Conseil arctique est élargi à douze pays non arctiques, admis comme observateurs.

Sept de ces pays sont européens (France, Allemagne, Pays-Bas, Pologne, Espagne, Royaume-Uni, Italie) ; les cinq autres, admis comme observateurs en 2013, sont asiatiques (Chine, Japon, Inde, Corée et Singapour).

Si des pays de l'Union européenne ont été admis à titre individuel comme observateurs au Conseil arctique, l'Union européenne n'a pour sa part pas obtenu formellement ce statut, malgré la présence en son sein de pays arctiques et malgré sa contribution au financement de la recherche polaire et au développement de cette région. Cette situation résulte du différend sur le commerce des produits dérivés du phoque entre l'Union européenne et le Canada.

L'admission de l'Union européenne comme observateur au Conseil de l'Arctique : les raisons d'un report

« Lors de la réunion ministérielle du conseil arctique de Kiruna en mai 2013, le Conseil arctique s'est prononcé favorablement sur l'octroi du statut d'observateur à la Commission européenne mais son accession formelle à ce statut, qui pourrait prendre effet d'ici quelques mois, a été subordonnée à la résolution du différend sur le commerce des produits dérivés du phoque, qui l'oppose au Canada. Le ministre des Affaires étrangères canadien a accepté le compromis proposé par le président du Conseil européen visant à exclure les produits de phoque issus de la chasse par les populations Inuits de l'embargo à l'importation en provenance du Canada. En conséquence, la France souhaite l'aboutissement rapide des négociations initiées entre la Commission européenne et les autorités canadiennes pour déterminer les modalités pratiques d'une exemption de ces produits de l'embargo européen. Dans l'attente, la Commission européenne conserve la possibilité d'assister aux réunions du conseil arctique en tant qu'invité spécial. La France estime que l'Union européenne, dont trois États membres sont des États arctiques, doit se voir reconnaître un rôle à la hauteur de son investissement scientifique, technique et financier dans la région dans le respect des compétences des États membres, notamment au conseil arctique. L'Union européenne finance en effet le développement économique, social et environnemental des régions polaires et les peuples autochtones via le FEDER (1,14 milliard d'euros pour 2007-2013), et fournit une assistance financière via le programme cadre de l'UE pour la recherche (20 millions d'euros pour 2007-2013) , les programmes de coopération de la dimension septentrionale financés par l'instrument de voisinage et de partenariat (27 millions depuis 2006) et la coopération avec le Groenland (25 millions) ainsi que plus généralement au moyen des fonds alloués à la lutte contre le réchauffement climatique dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Depuis sa nomination en mars 2009, l'ambassadeur chargé des négociations internationales relatives aux pôles arctiques et antarctiques s'est attaché à promouvoir la candidature de la Commission européenne auprès des États membres du conseil arctique, y compris la Russie et le Canada. Le ministère des Affaires étrangères a par ailleurs fortement encouragé le service européen d'action extérieure et la Haute représentante à multiplier les efforts diplomatiques visant à obtenir le soutien des États arctiques à la candidature de la Commission européenne ».

Source : Réponse à la question écrite n° 31134 de Mme Axelle Lemaire, députée, publiée au publiée au JO du 6 août 2013.

L'élargissement du cercle des observateurs au Conseil arctique témoigne de l'intérêt d'un nombre croissant de pays pour cette région.

La portée de ce statut d'observateur est toutefois limitée. Le rôle des observateurs demeure marginal puisqu'ils ne possèdent pas de droit de vote ni de droit de parole.

Ils peuvent néanmoins émettre des analyses et recommandations, faire connaître leurs positions sur des enjeux économiques et juridiques, et, surtout, suivre au plus près les évolutions de cette région ainsi que les travaux et orientations des principaux acteurs de l'Arctique.

2. Des enjeux appelant une implication de l'ensemble de la communauté internationale

Le réchauffement de l'Arctique est un enjeu global, appelant des réponses du même ordre, afin d'y préserver la sécurité humaine et environnementale.

a) La sécurité humaine et environnementale

La région arctique demeure difficile d'accès, rendant très problématique l'organisation d'opérations de sauvetage. Dans le cas de l'autorisation accordée à Shell en mai 2015, les zones d'exploitation se trouvent à 1 600 km des garde-côtes les plus proches. L'exploitation de ces zones aurait nécessité un renforcement et un redéploiement des effectifs de garde-côtes. Des actions de sauvetage rapides et de grande ampleur sont difficilement envisageables, étant donné l'isolement de ces régions.

Le développement important du tourisme et notamment des croisières, à l'Est mais aussi, depuis plus récemment à l'Ouest, pose les mêmes difficultés.

Les États membres du Conseil de l'Arctique sont signé en 2011 un accord sur la recherche et le sauvetage ( Arctic search and rescue agreement ), qui délimite des zones de responsabilité pour chaque pays et prévoit une mutualisation des ressources et des compétences. Cet accord demeure insuffisant, car il ne garantit pas le développement de capacités suffisantes pour faire face au développement prévisible du trafic maritime.

S'agissant de la sécurité environnementale, il convient de rappeler que les précédents travaux d'exploration menés par Shell avaient été interrompus en 2012, à la suite de difficultés techniques puisqu'une plateforme s'était échouée, soulignant les dangers de ce type d'activité dans une région hostile et isolée. L'entreprise Total, dont un représentant a été auditionné par vos rapporteurs, est réticente à développer des activités offshore dans des conditions de froid extrême, s'agissant notamment de l'exploration pétrolière, l'exploitation gazière présentant des dangers moindres.

Le 28 septembre 2015, Shell a annoncé son retrait de la zone arctique (mer des Tchouktches), pour des raisons techniques et économiques. L'exploitation du champ Goliat en mer de Barents (Norvège) par ENI a subi pour sa part des retards importants et une augmentation de son coût de plus de 50 % par rapport à l'estimation initiale. Ce coût d'extraction est aujourd'hui évalué à 110 dollars le baril.

Le permis accordé à Shell illustre néanmoins l'intérêt du gouvernement américain pour l'exploitation des ressources arctiques, dont témoigne aussi le rapport commandé par l'administration américaine au National Petroleum Council sur la meilleure manière de poursuivre le développement de l'exploitation dans l'océan Arctique 167 ( * ) . L'administration américaine entend par ailleurs développer les aires marines protégées, et renforcer la protection d'une partie de l'Alaska ( Arctic National Wildlife Refuge ) en y interdisant toute exploitation pétrolière. La mise en oeuvre de mesures de protection est considérée comme un préalable au développement des potentialités économiques de l'Arctique à moyen ou long terme. Ce sont les deux facettes d'une même évolution, en attendant que les conditions de rentabilité économique d'une telle exploitation soient réunies.

b) Un exemple de réponse : le code polaire de l'OMI

Prenant le relais des règlementations nationales ou régionales des pays riverains et faisant suite à plusieurs recommandations sous forme de circulaires ou résolutions adoptées par l'Organisation maritime internationale (OMI 168 ( * ) ) depuis 2002, le « recueil de règles obligatoires pour les navires exploités dans les eaux polaires » - ou code polaire - a vocation à répondre à l'accroissement du trafic maritime à proximité des pôles.

Cet instrument juridique contraignant encadre l'exploitation des navires dans les eaux polaires et couvre tous les aspects de cette activité. Il traite, d'une part, de la sécurité des navires et, d'autre part, de la prévention des pollutions. Il est constitué de dispositions obligatoires et de recommandations additionnelles.

Ces prescriptions viennent s'ajouter ou compléter les dispositions déjà applicables au titre de deux conventions, régulièrement mises à jour par amendements :

- La convention SOLAS (convention internationale pour la sauvegarde de la vie en mer) adoptée en 1974 et entrée en vigueur en 1980 169 ( * ) ;

- La convention MARPOL (convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires), adoptée en 1973 et entrée en vigueur en 1983.

Le code polaire couvre tous les domaines de l'exploitation des navires, qu'il s'agisse de structure, de propulsion, de stabilité, d'engins de sauvetage, de radiocommunication, de procédures de navigation, d'exploitation, de qualification des équipages ainsi que de différentes formes d'atteintes à l'environnement : pollution par les hydrocarbures, les produits chimiques, les eaux usées et les ordures.

L'entrée en vigueur du code polaire est fixée au 1 er janvier 2017. Il ne s'appliquera qu'aux navires certifiés au titre des conventions SOLAS et MARPOL. Son application à d'autres navires et notamment les navires de pêche et ceux effectuant une navigation domestique, est l'objet d'une deuxième phase de travaux qui doit démarrer en 2016.

La mise en place d'une réglementation dans le cadre de l'OMI est efficace, car elle permet de toucher une large partie de la communauté internationale, au-delà des seuls voisins de l'Arctique. Ce type d'approche, multilatérale et sectorielle, doit être encouragé, à défaut d'une approche globale qui risquerait de susciter des réticences de la part des États arctiques.

III. POUR UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE L'ARCTIQUE, IMPLIQUANT L'ENSEMBLE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Les mutations de l'Arctique sont aujourd'hui devenues le symbole de l'influence de l'Homme sur le climat. Ces mutations pourraient devenir irréversibles et contribuer à une accélération des changements climatiques au niveau mondial, avec d'importantes conséquences économiques, écologiques et géopolitiques.

C'est pourquoi nous devons faire de l'Arctique un symbole différent et positif : celui de la prise de conscience par la communauté internationale de l'urgence d'agir dans le sens de l'atténuation et de l'adaptation au changement climatique, ce qui implique une démarche volontariste de préservation de l'environnement arctique.

A. INITIER UN PROCESSUS MULTILATÉRAL PAR L'AFFIRMATION D'UNE VOLONTÉ POLITIQUE FORTE

Proposition n° 38 : Associer pleinement l'Arctique aux enjeux de la COP 21. La réussite de la Conférence de Paris est indispensable à la préservation de cet environnement unique, fragile et déterminant pour l'ensemble de la planète, qu'est l'Arctique.

En vue de la Conférence de Paris, ce thème devrait dès aujourd'hui susciter une mobilisation, analogue à celle qui a vu le jour en faveur de la prise en compte des océans dans les négociations climatiques.

Le futur accord de Paris devrait être l'occasion d'une déclaration spécifique sur l'Arctique, afin d'initier un processus de coopération multilatérale sur les multiples aspects de ce sujet.

Proposition n° 39 : Publier la stratégie française pour l'Arctique, attendue de longue date.

La plupart des grandes puissances disposent aujourd'hui d'une telle stratégie. La perspective de la COP 21 permettra de donner de l'écho aux objectifs français pour l'Arctique.

Proposition n° 40 : Affirmer une volonté commune forte des pays de l'Union européenne en faveur de la préservation de l'Arctique.

Outre le fait que les enjeux septentrionaux de l'UE sont liés à ses enjeux orientaux, trois pays de l'Union européenne sont arctiques 170 ( * ) . L'UE finance le développement de régions septentrionales via le FEDER et dans le cadre d'une coopération avec le Groenland (bien que ce territoire n'appartienne pas à l'UE). Elle contribue également au financement de la recherche scientifique. Sur la période 2007-2013, l'Union européenne a consacré 1,14 milliard d'euros au développement économique, social et environnemental des régions arctiques de l'UE et du voisinage de l'UE. En outre, 200 millions d'euros ont été consacrés à des activités internationales de recherche.

Il est donc difficilement compréhensible que l'UE ne soit pas admise comme observateur permanent au Conseil arctique, alors que neuf organisations internationales et onze organisations non gouvernementales ont acquis ce statut. Les efforts en vue de parvenir à un accord sur ce point avec les pays membres du Conseil arctique doivent être poursuivis.

B. PROTÉGER L'ARCTIQUE EN CONSOLIDANT SON STATUT JURIDIQUE

Sur le fond, les stratégies arctiques française et européenne doivent encourager un certain nombre d'évolutions de nature à consolider le statut juridique de l'Arctique, de façon à réduire les sources d'instabilité potentielle et à réguler le développement économique de cette région.

Proposition n° 41 : Encourager le règlement des différends maritimes et territoriaux, sources d'instabilité potentielle.

La coopération bilatérale a permis de régler un certain nombre de différends maritimes et territoriaux, à l'image de la coopération historique entre la Russie et la Norvège concernant la mer de Barents.

Un certain nombre de différends demeurent toutefois, susceptibles de donner prétexte à des tensions dans un contexte de dégradation des relations avec la Russie. Celle-ci a déposé le 3 août 2015 une demande révisée, par rapport à sa première demande en date de 2001, d'extension de son plateau continental. Ces demandes sont partiellement concurrentes de celles du Danemark, au titre du Groenland, et de celles prévisibles du Canada, que ce pays doit déposer prochainement. Elles pourraient également être concurrentes des demandes des États-Unis, si ce pays ratifiait finalement la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Par ailleurs, le statut des eaux entourant l'archipel du Svalbard demeure sujet à des interprétations divergentes.

Un règlement négocié et rapide de ces litiges, conforme aux droits souverains des États et au droit international de la mer, doit être encouragé.

Proposition n° 42 : Parvenir à une régulation internationale de la pêche dans l'océan Arctique central, découlant soit de l'extension d'organisations régionales de gestion de la pêche existante, soit de la création d'une organisation régionale de gestion propre à l'océan Arctique. Les pays riverains doivent être incités à une approche prudente, dans l'exploitation de leurs zones économiques exclusives. Les coopérations bilatérales, telle que celle existant entre la Norvège et la Russie, doivent être encouragées.

La promotion d'une gestion durable de la pêche dans l'océan Arctique implique, en outre, la mise en place d'un programme de recherche scientifique pour une meilleure connaissance des stocks halieutiques et de leur évolution face au changement climatique.

En attendant la mise en place de tels mécanismes de gestion durable, l'Union européenne et l'ensemble de la communauté internationale, y compris les pays asiatiques, doivent soutenir explicitement l'interdiction de la pêche dans l'océan Arctique central , dans le prolongement de la déclaration des cinq États riverains du Haut-Arctique, en date du 16 juillet 2015.

Proposition n° 43 : OEuvrer pour une interdiction de l'exploitation des ressources pétrolières et gazières en Arctique et pour une interdiction de transport de certaines matières dangereuses dans les zones glacées.

L'autorisation de forage offshore, accordée par le gouvernement américain à l'entreprise Shell, même si elle n'est pour le moment pas suivie d'effets, illustre l'intérêt mondial que suscitent les richesses de l'Arctique. Le président Barack Obama, en visite en Alaska à la fin août 2015, a souhaité un renforcement de la politique environnementale américaine. Il a alerté sur la menace que fait peser le changement climatique en Arctique et sur l'ensemble de la planète. Dans le cadre du Conseil arctique, les États-Unis soutiennent, par ailleurs, la mise en place d'un réseau d'aires marines protégées. Comme évoqué précédemment, l'entreprise Shell a rencontré d'importantes difficultés lors de précédents travaux d'exploration, interrompus en 2012. Auditionnée par vos rapporteurs, l'entreprise Total ne juge pas ce type de forage opportun, étant donné les risques encourus et les coûts induits. Shell vient à son tour de jeter l'éponge et d'abandonner toute recherche au large de l'Alaska à « horizon visible ».

La France doit préconiser un moratoire sur l'exploration et l'exploitation des ressources de l'Arctique de même qu'une interdiction de transport de certaines matières dangereuses dans les zones glacées, où une catastrophe écologique serait difficilement traitable.

Proposition n° 44 : Promouvoir un usage durable de la haute mer , dans le cadre des négociations internationales entamées sous l'égide des Nations unies, en janvier 2015, pour aboutir à une convention internationale de nature à protéger la haute mer et à permettre un partage de ses richesses, y compris en faveur des pays qui n'y ont pas accès.

Il conviendra toutefois de veiller à ce que le principe de liberté de navigation en haute mer, qui est un principe historique fondamental du droit international, soit préservé.

Proposition n° 45 : Encourager l'instauration d'un droit de parole en faveur des États observateurs au Conseil arctique . Les pays observateurs au Conseil arctique n'y jouent aujourd'hui qu'un rôle marginal, ce qui est logique étant donné la nature de cette instance, qui est un forum de pays riverains. Il serait néanmoins souhaitable que les pays observateurs puissent y disposer d'un droit de parole, en reconnaissance de leur investissement sur les enjeux arctiques, et de la contribution qu'ils sont susceptibles d'apporter au développement de cette région.

C. PROTÉGER LES INTÉRÊTS DIRECTS ET INDIRECTS DE LA FRANCE EN ARCTIQUE

Proposition n° 46 : Renforcer l'effort scientifique français sur l'Arctique, dans un cadre de coopération internationale.

Le « chantier arctique », initiative nationale destinée à coordonner et promouvoir les travaux de la communauté scientifique française en Arctique, doit être consolidé.

Dans le cadre du Conseil arctique, y compris auprès des membres observateurs, une coordination et une mutualisation de l'effort de recherche doit être encouragée, ainsi que le partage des résultats, s'agissant notamment de la recherche environnementale qui permettra de mieux connaître et donc de mieux protéger le milieu arctique.

Si la recherche appliquée est plus difficilement mutualisable, les « Polartechs » ne sont pas un vain investissement : à l'image des technologies spatiales, les technologies polaires sont susceptibles de déboucher sur des innovations de très haute valeur ajoutée, y compris en milieux tempérés.

Proposition n° 47 : Dans le prochain Livre blanc, qui prendra la suite du Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale de 2013, développer l'analyse des intérêts économiques et stratégiques de la France en Arctique, et des menaces et risques associés.

L'océan Arctique est, certes, le seul océan du globe dans lequel la France n'est pas territorialement présente. En effet, bien que l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon, par sa proximité avec le Canada, puisse constituer pour la France un point d'entrée vers l'Arctique, il se situe géographiquement dans l'Atlantique nord, à une latitude d'ailleurs proche de celle de la France.

La France possède néanmoins des intérêts directs et indirects en Arctique, justifiant qu'elle y conforte son statut diplomatique, scientifique et économique, et affirme au moins implicitement, comme l'a fait explicitement la Chine, son statut de pays du « proche-Arctique » (« near Arctic ») :

- Ces intérêts sont, tout d'abord, d'ordre scientifique et environnemental, puisque la France est très présente dans la recherche polaire arctique et antarctique, notamment grâce à l'Institut Polaire français Paul-Émile Victor.

- Ces intérêts sont ensuite économiques : il s'agit d'accompagner et de soutenir les activités économiques françaises, et d'assurer la protection de nos entreprises et ressortissants présents dans cette zone. La multiplication des bateaux de croisière est notamment préoccupante, y compris par le passage du Nord-Ouest, qui demeure dangereux, alors que les moyens de recherche et de sauvetage en mer seraient insuffisants en cas d'accident grave.

- Enfin, en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations unies, de l'OTAN et de l'Union européenne, la France serait nécessairement impliquée en cas de crise dans l'océan Arctique, ce qui justifie son intérêt pour l'avenir de cette région.

Proposition n° 48 : Maintenir et développer une capacité d'action maritime et aérienne en Arctique, dans le cadre de coopérations avec les pays de la zone.

Dans le contexte budgétaire actuel, cet effort n'est envisageable que dans un cadre international, incluant des exercices et la mise en commun de moyens, afin de parvenir collectivement à des capacités suffisantes pour répondre aux enjeux de sécurité.

Ce type de coopération est nécessaire pour maintenir une bonne connaissance et une expérience du milieu arctique . Elle doit permettre de reconnaître les routes maritimes du Grand Nord et de se préparer à l'hypothèse d'un accident. Les moyens actuellement consacrés à la recherche et au sauvetage demeurent en effet limités, malgré l'accord trouvé entre pays riverains en 2011. Or une augmentation du trafic maritime est, à terme, vraisemblable, même si c'est à une échéance incertaine.

La Marine française a ainsi, par exemple, participé récemment à une opération de sauvetage au large du Groenland, dans le cadre d'une coopération opérationnelle avec le Danemark. Un avion de surveillance maritime Falcon 50M a été déployé, conjointement avec un avion de patrouille maritime Challenger danois, fin août 2015, pour un exercice en commun qui a abouti à une intervention opérationnelle de sauvetage réel. L'avion français Falcon 50M, issu de la Flottille 24F de la base aéronautique navale de Lann-Bihoué, s'est alors posé pour la première fois sur la base américaine de Thulé (Groenland). Ce type d'exercice permet de maintenir un savoir-faire français en milieu arctique.

La mondialisation a accru l'importance économique, écologique et diplomatique des espaces maritimes, qui sont devenus l'un des enjeux majeurs de l'évolution du contexte géostratégique. Votre commission a détaillé les enjeux de cette maritimisation dans un rapport de 2012, dont les conclusions demeurent d'actualité 171 ( * ) . Être capable de surveiller, de contrôler et d'agir sur de vastes espaces maritimes nécessite au minimum le maintien à niveau des capacités de la marine nationale et le développement de nos capacités industrielles dans tous les secteurs concernés par le développement des activités maritimes.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le dérèglement climatique est aujourd'hui une certitude, documentée par les travaux du GIEC, dont les constats ne cessent d'être aggravés de rapport en rapport. Les conséquences de ce phénomène sont connues, même si leur ampleur et leur échéance restent indéterminées. Ces conséquences ne sont pas qu'écologiques, économiques et sociales. Elles sont aussi d'ordre géostratégique. Le changement climatique comporte des risques pour la stabilité internationale, notamment du fait de la montée du niveau des mers et océans, mais aussi, plus généralement, en conséquence de l'intensité croissante des catastrophes naturelles et de l'augmentation des tensions sur les ressources alimentaires, hydriques et énergétiques.

Le changement climatique est, par ailleurs, susceptible de modifier des équilibres régionaux, tel que celui existant en Arctique, avec des conséquences potentiellement mondiales puisque plusieurs grandes puissances coexistent dans cette région, tandis que d'autres - en Asie - en suivent de près les évolutions.

Le dérèglement climatique peut rarement être désigné comme cause unique d'un phénomène. Il vient s'ajouter à d'autres facteurs, intervient comme élément déclencheur ou accroît la fréquence d'événements qui se produisaient déjà par le passé. C'est le cas pour les phénomènes météorologiques violents, sans qu'il soit aisé de distinguer si la multiplication de leurs impacts est liée à l'accroissement des risques ou à l'augmentation de la vulnérabilité de la population, du fait des tendances à l'urbanisation et à la littoralisation, dans un contexte de forte croissance démographique, au niveau mondial. Le changement climatique intervient de façon transversale sur de multiples variables. Ses impacts sont multiples et non uniformes selon les pays, mais son effet propre, difficilement individualisable et quantifiable, et difficilement prévisible aux échelles régionale et locale -ce qui doit inciter, en premier lieu, à poursuivre les travaux de recherche scientifique afin d'améliorer notre compréhension des phénomènes-, est bien réel.

Nous ne sommes toutefois pas qu'observateurs mais aussi et surtout acteurs du dérèglement climatique. Son ampleur dépendra avant tout de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, afin de maintenir le réchauffement sous un seuil, celui de +2°C, minimum au-delà duquel des points de rupture pourraient être atteints, rendant la maîtrise des évolutions très critique.

Si nous n'agissons pas rapidement, par des mesures d'atténuation et d'adaptation, il en résultera inévitablement une aggravation des fractures entre pays pauvres et pays riches, entre hémisphère sud et hémisphère nord, démultipliant des problèmes déjà existants et accroissant les injustices à l'échelle mondiale puisque les pays qui subiront en première ligne les impacts du dérèglement climatique ne seront pas les principaux émetteurs actuels et historiques de gaz à effet de serre.

Une forte augmentation des déplacements de population est, en particulier, possible à un horizon incertain mais qui pourrait être relativement proche, dès 2020-2030.

Or, confrontée aux migrations actuelles en Méditerranée et à leurs conséquences dramatiques, l'Europe peine à trouver des réponses communes satisfaisantes. Cette situation questionne notre capacité à faire face à des déplacements massifs de population, tels que ceux que le dérèglement climatique pourrait engendrer. Ces déplacements seront, certes, pour une grande part, internes aux États, ce qui n'interdit pas d'y réfléchir car nombre des États concernés risquent d'être très démunis pour y répondre, avec un risque de fragilisation voire d'effondrement de leurs équilibres internes. Ces déplacements seront aussi très probablement internationaux, notamment lorsque de vastes espaces sont menacés de submersion, remettant en cause l'intégrité territoriale voire l'existence même de certains États.

Ces évolutions doivent être anticipées et préparées. Elles ne sont toutefois pas inéluctables. Répondre aux impacts du dérèglement climatique représentera un défi gigantesque pour la coopération internationale, bien plus grand encore que celui que représente, à court terme, la réussite de la COP 21.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa séance du 6 octobre 2015, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président.

Après l'exposé des rapporteurs, un débat s'est engagé.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - C'est une belle idée d'avoir présenté un rapport global puis un exemple précis.

Je salue M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission du développement durable sur ce sujet. En outre, il coordonne la réflexion du Sénat sur la COP 21.

Mme Éliane Giraud . - Il existe deux autres rapports parlementaires sur le sujet : celui de M. Gattolin et celui de MM. Gaymard et Mamère. L'intérêt suscité par ce sujet est révélateur.

Je confirme ce que nos deux rapporteurs ont dit de l'attitude de la Russie. En regardant la carte du monde vue du pôle Nord, il est plus facile de comprendre quels seront les problèmes internationaux qui risquent de survenir.

Ce rapport est important, car il alerte et met en garde notre pays. Le court-termisme ne doit pas occulter les grands enjeux qui se poseront à nous dans les décennies à venir et auxquels nous devons d'ores et déjà nous préparer. Enfin, je regrette la discrétion de l'Union européenne sur ces problématiques.

Une porte est ouverte : j'invite la commission à ne pas la refermer.

Mme Bariza Khiari . - Merci à nos deux collègues pour ce rapport important.

Jusqu'à présent, nos réflexions théologico-philosophiques reposaient sur la finitude de l'homme et l'infinitude de la nature. Or, ce schéma s'inverse : l'homme vit de plus en plus longtemps tandis que la nature se révèle fragile.

Au-delà des questions juridiques et territoriales, les déplacements de populations sont un enjeu majeur. Nos incapacités actuelles à accueillir les réfugiés syriens m'inquiètent pour l'avenir. Comment ferons-nous pour recevoir des centaines de milliers de réfugiés climatiques ?

Mme Leila Aïchi, rapporteur . - Des millions !

Mme Bariza Khiari . - La COP 21 doit réussir et la France doit rester la sentinelle des consciences.

Avez-vous entendu M. Michel Rocard ?

M. Cédric Perrin, rapporteur . - Il était empêché. Nous avons auditionné M. Laurent Mayet, son adjoint.

M. Jean-Paul Emorine . - N'oublions pas d'évoquer l'alimentation des êtres humains d'ici la fin du siècle.

M. Cédric Perrin, rapporteur . - Nous avons traité de cette problématique dans le rapport.

M. Jean-Paul Emorine . - Les espaces agricoles vont évoluer. En France, la vigne va remonter plus au nord, et certaines cultures ne seront plus possibles dans le sud.

Le monde compte 4,5 milliards d'hectares de terres agricoles. Il serait intéressant d'étudier l'évolution de ces espaces.

Enfin, la Russie raisonne plus souvent en termes géostratégiques qu'en termes économiques.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Pouvez-vous militer en faveur d'une sobriété de la COP 21 ? Vous nous avez présenté des données crédibles et nous ne vous sentons portés par aucune idéologie. Prenons garde au scepticisme français en matière de réchauffement climatique. Alors que la COP 21 se tiendra à Paris, nous serons en pleine élection régionale. Militons pour la pédagogie, la sobriété pour que ce discours soit crédible et que droite et gauche parlent d'une même voix.

M. Cédric Perrin, rapporteur . - Nous évoquons la question agricole dans notre rapport : le changement climatique entraînera une baisse du rendement agricole alors que la population mondiale continuera de croître. Des terres agricoles vont disparaître alors que d'autres apparaîtront, notamment en Sibérie orientale, avec des risques de tensions entre la Russie et la Chine.

Je milite en faveur de la pédagogie par l'exemple. Qu'il y ait des climato-sceptiques, soit, mais les données scientifiques ne peuvent être niées. Nous ne pouvons pas plus accepter certaines thèses développées aux États-Unis qui estiment qu'il ne faut rien faire car les progrès de la technique dans les prochaines décennies permettront d'enrayer le phénomène actuel. Je suis loin de partager cet optimisme alors que les effets d'emballement se multiplient, notamment avec la fonte du permafrost.

Mme Leila Aïchi, rapporteur. - Le nombre de climato-sceptiques tend à se réduire.

Je regrette que la question des réfugiés soit si peu traitée par notre pays, même si nous faisons partie de l'initiative Nansen.

Contrairement aux pays anglo-saxons qui, depuis le début des années 2000, travaillent sur les enjeux géopolitiques du réchauffement climatique, la France s'intéresse encore peu à ces questions. Après les États-Unis, la Chine consacre des crédits considérables aux recherches sur les conséquences du dérèglement climatique, car son opposition interne n'est pas politique mais environnementale.

Ce qui me frappe, c'est le décalage de perceptions entre les scientifiques et la classe politique et l'administration françaises. Tandis que les premiers évoquent une hausse des températures de quatre à cinq degrés, les politiques et l'administration n'évoquent qu'un et demi à deux degrés. Le temps médiatique et politique s'accommode très mal de la prospective sur le long terme.

Je remercie M. Le Drian qui, le 14 octobre, organise à l'École militaire un débat sur ces questions avec dix-huit ministres de la défense. M. Fabius clôturera la journée. En outre, j'organise la veille un colloque avec le général de Villiers, José Bové, Daniel Cohn Bendit et Brice Lalonde.

À l'issue de ce débat, la commission a autorisé la publication de ce rapport d'information.

LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : Conclure un accord ambitieux et contraignant lors de la 21e Conférence de la convention des Nations unies sur le Changement climatique (UNFCCC) en décembre 2015 à Paris pour s'orienter résolument vers une diminution des émissions de CO² compatible avec le maintien du réchauffement à 2°C, ce qui est un minimum.

Proposition n° 2 : Considérer ces engagements comme une étape et non comme un aboutissement. Mettre en place un suivi approprié des évolutions du changement climatique et de mesure de l'impact des politiques d'atténuation afin de pouvoir reconsidérer le moment venu les niveaux d'engagement et de contraintes.

Proposition n° 3 : Créer les conditions pour fonder des valeurs soutenues par tous les peuples, qui permettront de construire des solutions aux défis globaux de notre monde, de prévenir et d'arbitrer en droit et en équité les différends et conflits relevant des conséquences du changement climatique.

Proposition n° 4 : Renforcer la coordination des organisations internationales dans la mise en oeuvre des politiques d'atténuation et d'adaptation au changement climatique.

Proposition n° 5 : OEuvrer auprès des pays bailleurs nationaux et des organismes internationaux (Union européenne à travers le nouvel instrument de partenariat, Banque mondiale, BERD, BEI, Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, BAD...) afin qu'ils s'interdisent tout financement de projets d'extraction, de production ou recourant à une consommation excessive d'énergies carbonées et les inciter à promouvoir et à financer les projets utilisant des énergies renouvelables ou utilisant des technologies propres.

Proposition n°6 : Prévenir le développement anarchique des solutions de géo-ingénierie (révision et renforcement de la convention ENMOD).

Proposition n° 7 : Au niveau international, oeuvrer auprès des pays bailleurs nationaux et des organismes internationaux (Union européenne à travers le nouvel instrument de partenariat, Banque mondiale, BERD, BEI, Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, BAD...) afin de les inciter à financer les projets destinés à accroître la résilience des territoires des pays les plus pauvres aux catastrophes naturelles (études, plan de prévention, système d'alerte, équipement de protection, services de secours aux populations, moyens de reconstruction).

Proposition n° 8 : Créer au niveau international ou régional adéquat des structures pour l'assistance et l'ingénierie de la protection et de la prévention, pour l'intervention et les secours, y compris la gestion post-crise et la reconstruction en cas de catastrophes au moyen de forces de sécurité civile prépositionnées et entraînées, et accroitre la coopération internationale en matière de sécurité civile.

Proposition n° 9 : Consacrer une partie du Fonds vert au financement de ces actions et notamment étudier le financement de l'adhésion des pays les plus pauvres du programme CatDDO de la Banque mondiale.

Proposition n° 10 : Au niveau international et régional, mettre en oeuvre des capacités d'intervention rapide pour soutenir les pays victimes de catastrophes naturelles et les pays frontaliers afin de permettre la reconstruction rapide des territoires atteints (habitat, activités, services à la population, y compris dans les domaines des transports, de l'éducation et de la santé), permettant aux populations de réintégrer au plus tôt les territoires atteints, en veillant à ce que les mesures bénéficient en priorité aux populations victimes les plus pauvres. Cette proposition peut être articulée avec la Proposition n°8.

Proposition n° 11 : Consacrer une partie du Fonds vert et du programme CatDDO de la Banque mondiale au financement de ces actions.

Proposition n° 12 : Inclure la question des migrations temporaires ou définitives pour raison de catastrophes naturelles dans les forums de reconstruction et de soutien mis en place à la suite de la survenance de ces désastres.

Proposition n° 13 : Promouvoir un instrument juridique adéquat pour les déplacés environnementaux et reconnaître, au moins pour ceux qui ne pourront jamais regagner leurs territoires ou celui de leur Etat d'origine (îles submergées), une forme de droit d'asile.

Proposition n° 14 : Mettre en place un système de régulation et de négociation sous l'égide d'une agence des Nations unies existante ou à créer pour répartir les personnes déplacées dans les pays susceptibles de les accueillir et financer leur réinstallation sur des bases équitables entre l'ensemble des pays de la communauté internationale (en prenant en considération par exemple leur capacité de financement, leur niveau de production cumulé de CO² et leurs efforts pour réduire leurs émissions et leurs implications dans l'accueil des personnes déplacées).

Proposition n° 15 : Tirer les leçons des phénomènes migratoires de masse, suite à des guerres civiles et des conflits armés pour mettre en place sous l'autorité d'une agence des Nations unies existante ou à créer des parcours d'orientation et de réinstallation dans d'autres régions ou Etats des personnes déplacées ne pouvant regagner dans un délai raisonnable leur territoire afin de réguler les flux depuis les territoires d'origine et de prévenir l'immigration clandestine et les trafics d'êtres humains.

Proposition n° 16 : Ouvrir un forum de réflexion au sein des Nations unies pour discuter des solutions envisageables sur le plan juridique pour apporter une solution équitable en droit aux populations des États, qui du fait de submersion, se verraient privés d'une partie de leur territoire. Examiner les possibilités de maintien de leurs zones maritimes économiques exclusives, sous protection internationale et la possibilité d'affecter les produits de l'exploitation de ses zones à leur réinstallation.

Proposition n° 17 : Au niveau international, agir en faveur de la conservation des lignes de base établies en raison des conséquences négatives qu'aurait leur mouvance pour la communauté internationale : coûts supplémentaires pour les Etats, incertitude juridique en ce qui concerne la navigation et l'accès aux ressources naturelles, tensions entre les Etats, mais aussi des avantages de la conservation : unité du régime de la mer posé par la Convention, intérêts des Etats à conserver les frontières maritimes existantes, théorie des eaux historiques cristallisée par la pratique des Etats. Un amendement à la Convention sur le droit de la mer serait le bienvenu.

Proposition n° 18 : Avancer sur la mise au point d'instrument légal et international de protection des écosystèmes marins en haute mer dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer.

Proposition n° 19 : Au niveau national et à titre préventif, accélérer le processus de publication des décrets fixant les lignes de base pour l'ensemble de nos territoires ultra-marins. Accélérer les travaux de définition des lignes extérieures des ZEE par la conclusion d'accord bilatéraux ou le recours à l'arbitrage. Faire valoir l'intégralité de droits de la France sur son plateau continental étendu auprès de la Commission des limites du plateau continental.

Proposition n° 20 : Intégrer les mers et les océans parmi les champs d'action sur lesquels les gouvernements sont invités à s'engager dans les discussions de préparation des Accords sur le climat.

Proposition n° 21 : Au niveau national et européen, faire respecter ces obligations dans les faits et lutter activement contre les fraudes aux normes environnementales.

Proposition n° 22 : soutenir les politiques permettant de renforcer l'efficacité énergétique et l'atténuation des émissions de GES dans le secteur de la défense, sous réserve de l'efficacité opérationnelle, notamment par le développement de la recherche et de l'innovation.

Proposition n° 23 : Inclure les accords des Nations unies sur le changement climatique dans les normes de références et les orientations ci-dessus définies en matière d'aide au développement comme principes de base dans les accords internationaux de partenariat comportant un volet « développement et coopération » négocié par l'Union européenne.

Proposition n° 24 : Renforcer la mutualisation des moyens de la sécurité civile pour permettre la projection en Europe, voire hors d'Europe, des moyens de secours aux populations victimes de catastrophes naturelles. Mettre en oeuvre une task force permettant d'appuyer les efforts de gestion post-crise et de reconstruction et constituer un fonds dédié à ces missions d'urgence.

Proposition n° 25 : Renforcer les programmes de recherche fondamentale et appliquée dans le domaine du climat et de la protection de côtes.

Proposition n° 26 : Mettre en place un programme adéquat pour soutenir le développement de technologies innovantes de protection du littoral respectueuses des équilibres naturels.

Proposition n° 27 : Outre les dispositions à encourager au niveau international (Propositions n° 10 à 15), l'Union européenne et ses Etats-membres devraient être en mesure de participer aux efforts de la communauté internationale pour permettre l'accueil temporaire ou définitif des populations sinistrées et se donner les moyens juridiques, financiers et techniques d'assurer cet accueil dans les meilleures conditions, y compris dans l'urgence. Une méthodologie incluant pour le territoire national, celui de l'Union européenne et dans les pays d'origine ou les pays voisins, la planification, le déploiement d'une structure de pilotage, le pré-positionnement des services mobilisables en un court délai, leur montée en puissance, le déploiement d'équipement, la détection de structures d'accueil et d'habitation, la fourniture de prestations et la formation des personnels d'intervention, devrait être mise au point.

Proposition n° 28 : Inscrire l'analyse des conséquences géopolitiques du changement climatique dans les travaux en vue de la rédaction d'un éventuel Livre blanc européen sur la sécurité et la défense.

Proposition n° 29 : La France devrait encourager au sein de l'OTAN le développement de la réflexion sur l'analyse des conséquences géopolitiques du changement climatique afin de les prendre en compte dans l'appréciation des risques et menaces ainsi que dans les perspectives de transformation de l'organisation des forces.

Proposition n° 30 : Développer les études de l'évolution du niveau de la mer au niveau local, y compris pour les côtes françaises (métropole et DOM-COM) intégrant l'ensemble des processus, y compris ceux qui influencent la morphologie des côtes.

Proposition n° 31 : Poursuivre la cartographie des aléas liés à la montée du niveau des mers (et plus généralement), du changement climatique et la mise en oeuvre des PPRL.

Proposition n° 32 : Travailler à des plans de relocalisation des activités situées dans les zones les plus risquées.

Proposition n° 33 : Développer le secteur de la recherche, la formation des ingénieurs en matière de technologies innovantes de protection du littoral respectueuses des équilibres naturels et les méthodologies en matière de gestion des crises.

Proposition n° 34 : Développer l'expertise internationale tant en matière de lutte contre les inondations ou la submersion, tant en matière de prévention des risques, de protection et d'organisation des secours.

Proposition n° 35 : Dans la suite de la proposition n° 27 concernant l'Union européenne et ses Etats-membres, une méthodologie incluant la planification, le déploiement d'une structure de pilotage, le pré-positionnement des services mobilisables en un court délai, leur montée en puissance, le déploiement d'équipement, la détection de structures d'accueil et d'habitation, la fourniture de prestations et la formation des personnels d'intervention, devra être mise au point.

Proposition n° 36 : Impliquer à tous les niveaux, à commencer par le niveau national, les acteurs du secteur de la défense afin d'assurer une contribution significative aux politiques d'atténuation (développement de technologies économes en énergie). Le développement de la recherche et de l'innovation pourrait à terme constituer un avantage important sur les marchés de défense. Soutenir cette politique dans les instances internationales (Union européenne, OTAN et dans les relations bilatérales).

Proposition n° 37 : Inscrire les conséquences géopolitiques du changement climatique dans les réflexions stratégiques et de défense dans le prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, afin de définir, au-delà d'une analyse plus étayée des risques et menaces, les capacités d'intervention nécessaires aux intérêts et à la sécurité de la France et le décliner dans les prochaines lois de programmation militaire.

Préparer dans cette perspective un dossier sur la perception sécuritaire du dérèglement climatique par les autorités de Défense des alliés et des principales puissances.

Mettre en place une méthodologie d'examen et d'analyse des vulnérabilités aux risques liés au dérèglement climatique pouvant affecter les installations de la Défense et des opérateurs d'importances vitales.

Inscrire les réflexions sur la répartition des compétences et des moyens entre les différentes forces (armées, sécurité civile, forces de sécurité intérieure) en matière de réponses aux risques de catastrophes naturelles ou technologiques sur le territoire national, et notamment outre-mer, ainsi qu'à l'étranger dans les réflexions du prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité, en comprenant l'utilisation de forces de réserves.

Proposition n° 38 : Associer pleinement l'Arctique aux enjeux de la COP 21. La réussite de la Conférence de Paris est indispensable à la préservation de cet environnement unique, fragile et déterminant pour l'ensemble de la planète, qu'est l'Arctique.

En vue de la Conférence de Paris, ce thème devrait dès aujourd'hui susciter une mobilisation, analogue à celle qui a vu le jour en faveur de la prise en compte des océans dans les négociations climatiques.

Le futur accord de Paris devrait être l'occasion d'une déclaration spécifique sur l'Arctique, afin d'initier un processus de coopération multilatérale sur les multiples aspects de ce sujet.

Proposition n° 39 : Publier la stratégie française pour l'Arctique, attendue de longue date.

La plupart des grandes puissances disposent aujourd'hui d'une telle stratégie. La perspective de la COP 21 permettra de donner de l'écho aux objectifs français pour l'Arctique.

Proposition n° 40 : Affirmer une volonté commune forte des pays de l'Union européenne en faveur de la préservation de l'Arctique.

Proposition n° 41 : Encourager le règlement des différends maritimes et territoriaux, sources d'instabilité potentielle.

Proposition n° 42 : Parvenir à une régulation internationale de la pêche dans l'océan Arctique central, découlant soit de l'extension d'organisations régionales de gestion de la pêche existante, soit de la création d'une organisation régionale de gestion propre à l'océan Arctique. Les pays riverains doivent être incités à une approche prudente, dans l'exploitation de leurs zones économiques exclusives. Les coopérations bilatérales, telle que celle existant entre la Norvège et la Russie, doivent être encouragées.

Proposition n° 43 : OEuvrer pour une interdiction de l'exploitation des ressources pétrolières et gazières en Arctique et pour une interdiction de transport de certaines matières dangereuses dans les zones glacées.

Proposition n° 44 : Promouvoir un usage durable de la haute mer, dans le cadre des négociations internationales entamées sous l'égide des Nations unies, en janvier 2015, pour aboutir à une convention internationale de nature à protéger la haute mer et à permettre un partage de ses richesses, y compris en faveur des pays qui n'y ont pas accès.

Proposition n° 45 : Encourager l'instauration d'un droit de parole en faveur des États observateurs au Conseil arctique. Les pays observateurs au Conseil arctique n'y jouent aujourd'hui qu'un rôle marginal, ce qui est logique étant donné la nature de cette instance, qui est un forum de pays riverains. Il serait néanmoins souhaitable que les pays observateurs puissent y disposer d'un droit de parole, en reconnaissance de leur investissement sur les enjeux arctiques, et de la contribution qu'ils sont susceptibles d'apporter au développement de cette région.

Proposition n° 46 : Renforcer l'effort scientifique français sur l'Arctique, dans un cadre de coopération internationale.

Proposition n° 47 : Dans le prochain Livre blanc, qui prendra la suite du Livre blanc pour la défense et la sécurité nationale de 2013, développer l'analyse des intérêts économiques et stratégiques de la France en Arctique, et des menaces et risques associés.

Proposition n° 48 : Maintenir et développer une capacité d'action maritime et aérienne en Arctique, dans le cadre de coopérations avec les pays de la zone.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 10 mars 2015

M. Stéphane HALLEGATTE, économiste à la Banque Mondiale

Mardi 24 mars 2015

M. Michel AYMERIC, secrétaire général à la Mer

M. Alexandre TAITHE, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique

Mardi 31 mars 2015

M. Laurent MAYET, conseiller de M. Michel ROCARD, ambassadeur chargé des négociations internationales relatives aux pôles Arctique et Antarctique au ministère des Affaires étrangères et du développement international

M. Jean JOUZEL, climatologue et glaciologue, vice-président du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU

Mercredi 1 er avril (audition conjointe de la commission des affaires étrangères et de la commission du développement durable)

M. Nicolas HULOT, président de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme, envoyé spécial du Président de la République française pour la protection de la planète

Mardi 14 avril 2015

Mme Céline JURGENSEN, sous-directrice des droits de l'homme et des affaires humanitaires, direction des Nations unies et des organisations internationales, ministère des affaires étrangères et du développement international

M. Yves FRÉNOT, directeur de l'Institut polaire français Paul-Emile Victor

Mercredi 15 avril 2015

Vice-Amiral d'escadre Emmanuel de OLIVEIRA, commandant de la zone et de l'arrondissement maritimes Atlantique et préfet maritime de l'Atlantique

Mardi 19 mai 2015

Mme Christel COURNIL, maître de conférences, membre de l'IRIS

M. Patrice de VIVIÈS, vice-président Europe du Nord, et M. François TRIBOT-LASPIERE, chargé des relations avec le Parlement, du groupe TOTAL

S.E. M. Rolf Einar FIFE, ambassadeur de Norvège, accompagné de Mme Line AUNE, conseillère près l'ambassade

Mardi 26 mai 2015

M. François GÉMENNE, chercheur associé au CERI et à l'Institut de développement durable

M. Olivier GUYONVARCH, sous-directeur du droit de la mer, droit fluvial et des pôles, direction des affaires juridiques au ministère des affaires étrangères et du développement international, et Mme Aurélie BONAL, sous-directrice de l'Europe occidentale et nordique au ministère des affaires étrangères et du développement international

Mercredi 27 mai 2015 (audition conjointe de la commission des affaires étrangères et de la commission du développement durable)

Mme Laurence TUBIANA, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015

Déplacement en Norvège du 1 er juin au 5 juin 2015

1) À Longyearbyen (Svalbard)

Mme Guri TVEITO, responsable environnement auprès du Sysselmann (gouverneur).

M. Ole MISUND, Directeur du Centre universitaire de Svalbard (UNIS)

Mme Heïdi SEVESTRE, Doctorante en glaciologie, UNIS

M. Brian LAINOFF, Responsable du Global Crop Diversity Trust (réserve mondiale de semences du Svalbard)

2) à Tromso

M. Magnus JOHANNESSON, directeur et Mme Buvang VAAJA, directeur adjoint, au Secrétariat du Conseil Arctique

M. Ole OVRETVEIT et Mme Trude BORCH, Akvaplan-Niva, institut spécialisé dans les recherches environnementales.

M. Jarle AABAKKE, ancien recteur de l'université de Tromso

3) à Oslo

M. Jean-Marc RIVES, Ambassadeur de France en Norvège

M. Jean-Marc POMMERAY, Premier conseiller

M. Geir HONNELAND, Directeur du Fridjof Nansen Institute, M. Arild Moe et M. Svein Vigeland Rottem, chercheurs

M. Kristian ATLAND, FFI (Forsvarets Forskringsinstitutt), Expert sur la Russie et les questions Arctiques.

M. Eirik SIVERTSEN, Parlement (Storting), président de la délégation pour la coopération parlementaire arctique.

M. Sven G. HOLTSMARK, Directeur, IFS (Norwegian Institute for Defence Studies)

M. Frédéric HAUGE, Fondateur et Président de BELLONA

M. Svein EFJESTAD, directeur général des affaires politiques et Mme Nina Borgen BAKKEVOLL, Ministère de la défense

Mme Anne Kari OVIND, directrice générale Pôles et Russie, Ministère des affaires étrangères

Mardi 9 juin 2015

M. Laurent PRÉVOST, directeur général de la sécurité civile au ministère de l'Intérieur

S.E. Mme Anne DORTE RIGGELSEN, ambassadeur du Danemark

Mardi 16 juin 2015

S.E. M. Lawrence CANNON, ambassadeur du Canada

Mercredi 17 juillet 2015

M. Guillaume SCHLUMBERGER, directeur stratégie de défense, prospective et contre-prolifération de la direction générale des relations internationales et de la stratégie au ministère de la Défense


* 1 Afin de dresser des projections des incidences futures, le cinquième Rapport d'évaluation du GIEC a élaboré quatre profils représentatifs d'évolution des concentrations (Representative Concentration Pathways, RCP) basés sur un nombre plus élevé de modèles climatiques plus sophistiqués que ceux utilisés dans les précédentes évaluations : un scénario d'atténuation avec émissions faibles (RCP2.6), représentant un profil d'évolution par lequel on pourra probablement éviter un réchauffement global supérieur à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels ; deux scénarios intermédiaires (RCP4.5 et RCP6.0) et un scénario avec émissions de gaz à effet de serre très élevées (RCP8.5).

* 2 OMM - « 2001-2010, une décennie d'extrêmes climatiques » -2013

* 3 Parties par million

* 4 Parties par milliard

* 5 Les forêts, par exemple, sont un des principaux "puits de carbone" (le plus grand étant constitué par les océans) en ce qu'elles absorbent beaucoup plus de carbone qu'elles n'en rejettent. Au cours des siècles derniers, sous l'action de l'homme, l'étendue des forêts s'est considérablement réduite sur la planète. Lorsque des forêts sont rasées, la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère augmente.

* 6 OMM - Le climat dans le monde 2001-2010 : une décennie d'extrêmes climatiques - rapport de synthèse - 2013

* 7 Ce qui localement, notamment pour l'approvisionnement en eau douce de certaines régions (au Pérou par exemple où les glaciers jouent un rôle de réservoirs pour les populations concentrées sur la bande côtière au climat aride en été), n'est pas sans conséquence.

* 8 OMM - Le climat dans le monde 2001-2010 : une décennie d'extrêmes climatiques - rapport de synthèse - 2013

* 9 La cryosphère désigne l'ensemble des surfaces de la Terre où l'eau est présente à l'état solide. Elle inclut les banquises, les lacs et rivières gelés, les régions couvertes de neige, les glaciers, les inlandsis et les sols gelés de façon temporaire ou permanente (pergélisol).

* 10 Devant les réserves de combustible fossile (charbon pétrole, gaz).

* 11 En particulier M. Florent Dominé, chercheur au laboratoire franco-canadien Takuvik qui a initié un vaste projet de recherche sur le pergélisol, le projet APT (Acceleration of Permafrost Thaw by Snow-Vegetation Interaction), réunissant pas moins de huit laboratoires français et canadiens.

* 12 Laure Cailloce « Pergélisol : le piège climatique » CNRS, Le Journal, hiver 2015 n°279

* 13 Phénomène dit du «rebond postglaciaire».

* 14 En Bretagne-Nord le sol a tendance à se soulever progressivement de 1 à 2mm/an. La montée moyenne du niveau de la mer est grosso modo compensée par ce mouvement ; en outre, la quantité de sable accumulé, érodé par les glaciers nord-européens, permet la reconstitution rapide des dunes, érodées après chaque tempête. En revanche, en Bretagne-Sud, le socle à tendance à s'enfoncer et les stocks de sable disponible ne compense pas l'érosion dunaire. Les dunes sont fragilisées et constamment reprises par les grandes tempêtes.

* 15 Nicholls, R. J., S. E. Hanson, J. A. Lowe, R. A. Warrick, X. Lu, and A. J. Long, 2014 : «Sea-level scenarios for evaluating coastal impacts» . Wiley Interdisciplinary Reviews: Climate Change, 5(1), 129-150.

* 16 Laurent Labeyrie « Submersion : comment gérer la montée du niveau des mers » Odile Jacob Sciences mars 2015

* 17

OMM « Le climat dans le monde 2001-2010 : Une décennie d'extrêmes climatiques » 2013

* 18 OMM « Le climat dans le monde 2001-2010 : Une décennie d'extrêmes climatiques » 2013

* 19 http://www.nature.com/nclimate/journal/v5/n6/full/nclimate2617.html

* 20 Falk Niehörster et autres - Geneva Association Report « Le réchauffement des océans et ses implications pour le secteur de la réassurance » juin 2013

* 21 La paléoclimatologie est la science qui étudie les climats passés et leurs variations

* 22 Période séparant deux glaciations et durant laquelle la température est relativement élevée

* 23 Ces amplitudes sont de l'ordre de celles observées pour les précédents interglaciaires, il y a 120 000 ans. Elles correspondent à une fonte approximative de 50% des calottes du Groenland et de l'Antarctique Ouest.

* 24 Falk Niehorster et autres - Geneva Association Report « Le réchauffement des océans et ses implications pour le secteur de la réassurance » juin 2013

* 25 National research Council - Abrupt climate change : =inevitable surprises National Academy Pree Washington DC

* 26 Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015

* 27 Ces dernières sont définies comme des submersions de terres qui ne sont pas submergées en temps normal (Directive européenne 2007/60/CE)

* 28 En outre, une question récurrente porte sur la prise en compte des phénomènes d'érosion ou d'accrétion. En effet, une côte pour laquelle un stock sédimentaire suffisant serait disponible pourrait potentiellement s'adapter à une élévation du niveau marin à travers une translation du système vers l'intérieur des terres (résilience), alors qu'une côte à déficit sédimentaire verrait vraisemblablement augmenter les phénomènes de submersion permanente (recul moyen du trait de côte) et temporaires (érosions événementielles, brèches, etc.). Pour répondre à cette question, plusieurs travaux de recherche sur la modélisation à long-terme des littoraux sont en cours.

* 29 Hinkel, J., D. Lincke, A. T. Vafeidis, M. Perrette, R. J. Nicholls, R. J. S. Tol, B. Marzeion, X. Fettweis, C. Ionescu, and A. Levermann, 2014 : Coastal flood damage and adaptation costs under 21st century 64 sea-level rise . PNAS, doi :10.1073/pnas.1222469111.

* 30

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015 p.40

* 31 Laurent Labeyrie « Submersion : comment gérer la montée du niveau des mers » Odile Jacob Sciences mars 2015 et G. le Cozannet et M.Garcin « Vers une disparition des îles basses ? » fiche de l'Institut océanographique octobre 2014.

* 32 Parfois, les zones émergées sont aussi renforcées par d'anciens plateaux coralliens formés lors des périodes anciennes de plus haut niveau marin.

* 33 Les défis du CEA n°200 septembre 2015.

* 34 Laurent Labeyrie « Submersion : comment gérer la montée du niveau des mers » Odile Jacob Sciences mars 2015 et L. Giosan et Coll « Climate change : protect the world deltas » Nature 2014, 516 (7529)

* 35 Sauf dans les régions couvertes de glace il y a 20 000 ans.

* 36 Formation géologique contenant de façon temporaire ou permanente de l'eau et constituée de roches perméables et capable de la restituer.

* 37

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015 p.40

* 38 Ainsi, pour conserver les mêmes conditions de stabilité, les blocs d'un même ouvrage situé en faible profondeur pourront voir leur masse plus que doubler pour compenser une hausse d'un mètre du niveau marin. Avec l'émergence d'une nouvelle philosophie de dimensionnement (stochastique) et compte tenu des fortes incertitudes sur les conditions du climat futur, les pratiques pour la détermination du dimensionnement des ouvrages évoluent vers deux perspectives :

• l'emploi de méthodes probabilistes où les distributions statistiques des houles et des niveaux sont intégrées comme des variables corrélées ;

• concernant les ouvrages, la réalisation de structures adaptatives qui anticipent, soit sur de futurs renforcements, soit sur des baisses de niveau de service qui nécessiteront alors la réduction de la vulnérabilité des zones protégées.

* 39 « Ceux que la mer menace » Emmanuelle Bournay et Philippe Rekacewicz, Le Monde diplomatique, février 2005

* 40 Simon K. Haslett, Coastal Systems , Routledge,ý 2009

* 41 OMM « Le climat dans le monde 2001-2010 : Une décennie d'extrêmes climatiques » 2013

* 42 Douvinet, J., Defossez, S., Anselle, A., & Denolle, A. S. (2011). Les maires face aux plans de prévention du risque inondation (PPRI) . L'espace géographique, 40(1), 31-4

* 43 Zone où se regroupent les alevins et les jeunes spécimens d'une espèce mobile au début de leur vie pour s'y nourrir et s'y développer.

* 44 Nicholls et autres «Increasing flood risk and wetland losses due to global sea-level rise» Global Environmental Change, 9 - 1999

* 45 Le nombre de victimes imputables aux vagues de chaleur à l'échelle du globe (de moins de 6 000 pour la période 1991-2000 à 136 000 pour la période 2001-2010) : + 2000 %

* 46 Stéphanhe Hallegate, Colin Green, Robert j. Nichols et Jan Corfee-Morlot« Future floodllosses in major coastal cities » - Nature Climate Change 18 août 2013

* 47 Philippe Ambrosi et Stéphane Hallegatte « Changement climatique et enjeux de sécurité » CIRED Working Paper n°2006-3 - 2005

* 48 Selon une étude de Munich Re publiée en 2004.

* 49 Xynthia, 5 ans après : pour une véritable culture du risque dans les territoires - Rapport d'information n° 536 (2014-2015) de MM. François Calvet et Christian Manable, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, le 18 juin 2015

http://www.senat.fr/rap/r14-536/r14-536.html

Se donner les moyens de ses ambitions : les leçons des inondations du Var et du sud-est de la France - Rapport d'information n° 775 (2011-2012) de M. Pierre-Yves Collombat, fait au nom de la Mission commune d'information Inondations dans le Var, 24 septembre 2012

http://www.senat.fr/rap/r11-775/r11-775.html

Xynthia : une culture du risque pour éviter de nouveaux drames - Rapport d'information n° 647 (2009-2010) de M. Alain Anziani, fait au nom de la mission commune d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia, déposé le 7 juillet 2010 http://www.senat.fr/rap/r09-647-1/r09-647-1.html

* 50 Ce rapport de 1 300 pages, publié en mai 2014, a mobilisé 300 scientifiques et experts durant 4 ans et dresse la liste des manifestations déjà visibles du réchauffement climatique.

* 51

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015 p.40

* 52 Towards Mutual security, Fifty Years of Security Conference - 2014, Vand en Hoeck & Ruprecht GmbH & Co. KG, Gottingen p 310

* 53 Internal Displacement Monitoring Centre

* 54 Sandra Fatoric Briefer Migration as a climate adaptation strategy in developed nations , , 25november 2014, The Center for Climate and Security, page 2

* 55 IDMC : The Internal Displacement Monitoring Center

* 56 IDMC global-overview-2015-people-internally-displaced-by-conflict-and-violence http://internal-displacement.org/publications/2015/global-overview-2015-people-internally-displaced-by-conflict-and-violence

* 57 Brookings Institution Climate Change and Internal Displacement octobre 2014 - http://www.brookings.edu/~/media/research/files/papers/2014/10/un-idps-climate-change/climate-change-and-internal-displacement-october-10-2014.pdf

* 58 Sandra Fatoric " Briefer Migration as a climate adaptation strategy in developed nations , 25  novembre 2014, The Center for Climate and Security

* 59 The 2014 Quadrennial Homeland Security Review, http://www.dhs.gov/sites/default/ files/publications/qhsr/2014-QHSR.pdf

* 60 Couch, C., Leontidou, L., Petschel-Held, G.,. Urban sprawl in Europe: landscapes, land-use change and policy. Blackwell, Oxford. 2007

* 61 Each-for Environmental Change and Forced Migrations Scenarios, D.3.4. Synthesis Report 2009.

* 62 Philippe Ambrosi et Stéphane Hallegatte « Changement climatique et enjeux de sécurit é » CIRED Working Paper n°2006-3 - 2005

* 63 « A New Climate for Peace » Rapport commandé pour le sommet du G7 de juin 2015 en Allemagne, réalisé par adelphi, International Alert, The Wilson Center, The European Union

Institute for Security Studies 2015. http://newsroom.unfccc.int/media/252731/newclimateforpeace.pdf

* 64 Les autres menaces sont la compétition pour les ressources locales, l'insécurité des conditions de vie et les migrations, la volatilité des prix et l'approvisionnement en produits alimentaires, la gestion transfrontalière des ressources en eau.

* 65 Ce rapport de 1 300 pages, publié en mai 2014, a mobilisé 300 scientifiques et experts durant 4 ans et dresse la liste des manifestations déjà visibles du réchauffement climatique.

* 66 Étude réalisée à partir des documents comptables publiés par les 100 plus grandes entreprises mondiales figurant à l'index global de l'agence Standard & Poor's

* 67 Falk Niehörster et autres - Geneva Association Report (- « Le réchauffement des océans et ses implications pour le secteur de la réassurance » juin 2013

* 68 N.P. Gleditsch, N. Ragnhild et I. Salehyan « Climate Change and Conflict : the Migration Link » Coping with Crisis Working Paper Series International Peace Academy 2007

* 69 Bruno Meyerfeld « Les réfugiés « miracle économique » »Le Monde 18septembre 2015 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/09/17/culture-et-idees-comment-le-kenya-accueille-des-refugies-en-y-trouvant-son-compte_4761394_3212.html

* 70 « A New Climate for Peace » Rapport commandé pour le sommet du G7 de juin 2015 en Allemagne, réalisé par adelphi, International Alert, The Wilson Center, The European Union

Institute for Security Studies 2015. http://newsroom.unfccc.int/media/252731/newclimateforpeace.pdf

* 71 Angela Bolis « Les îles Kiribati : enfer et paradis » Le Monde 20-21 septembre 2015 http://www.lemonde.fr/planete/visuel/2015/09/19/les-iles-kiribati-enfer-et-paradis_4753156_3244.html#mrH2pY3CjeblstKW.99

* 72 Une étude de la Communauté du pacifique publiée en 2010 dans Global and Planetary Change estime que 23 des 27 atolls observés sont ainsi restés au même niveau, voire se sont relevés, malgré la montée des eaux. Selon la banque mondiale, la croissance verticale du corail y serait historiquement de 8mm par an soit supérieure à la montée du niveau de la mer.

* 73 Voir supra p. 33 et également Philippe Ambrosi et Stéphane Hallegatte « Changement climatique et enjeux de sécurité » CIRED Working Paper n°2006-3 - 2005

* 74 Dans l'océan Atlantique, Bahamas, Barbade, Belize, Cap-Vert, Cuba, Dominique, Grenade, Guinée-Bissau, Guyana, Haïti, Jamaïque, Sao Tomé-et-Principe, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Surinam, Trinidad-et-Tobago

Dans l'océan Indien : Comores, Maldives, Maurice, Seychelles et Timor oriental

Dans le Pacifique : îles Cook, Fidji, Micronésie, Kiribati, Iles Marshall, Nauru, Niue, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Singapour, Salomon, Tonga, Tuvalu, Vanuatu.

Membres observateurs : Samoa américaines, Guam, Porto-Rico et les îles Vierges américaines.

* 75 Christel Cournil et François Gemenne, « Les populations insulaires face au changement climatique : des migrations a anticiper », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 10 Numéro 3 - décembre 2010 : http://vertigo.revues.org/10482 et Raimana Lallemant Hervé, ` L'apatridie climatique et la disparition d'État dans le Pacifique Su d ', Revue juridique polynésienne, pp. 77-94. 2009

* 76 International Panel on Climate Change, Climate change 2014 : Impacts, Adaptation, and Vulnerability, Summary for policy makers , mars 2014; http://ipcc-wg2.gov/AR5/.

* 77 Bastien Alex «La Défense face aux défis du dérèglement climatique» OGéod -IRIS mars 2015

* 78 Geslin, A. : « Aires protégées transfrontalières et parcs pour la paix : entre géopolitique des conflits et protection transnationale de la diversité bio-culturelle », dans A. Ailinçai et S. Lavorel (dir.), Exploitation des ressources naturelles et protection des droits de l'homme, Pedone, 2013 ;

http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/76/42/60/PDF/Geslin_parcs_paix_diversitA_bio_culturelle.pdf.

* 79 François Gemenne, Jon Barnett, W. Neil Adger, Geoffrey D. Dabelko, « Climate and Security: Evidence Emerging, Risks and A new Agenda », Climatic Change, n °123, Springer, 2014, p. 1-9.

* 80 Nils Petter Gleditsch, «Whither the weather ? Climate change and conflict», Journal of Peace Research, n 49-1, p. 3-9. 2012

* 81 « Les conséquences du changement climatique attiseront les ressentiments entre les principaux responsables des changements climatiques et ceux qui sont les plus touchés. Ce sont donc les incidences des politiques visant à atténuer les changements climatiques (ou l'échec de ses politiques) qui détermineront les tensions politiques à l'échelle nationale ou mondiales. Cette fracture potentielle n'est pas seulement une division Nord-Sud mais acquerra également une division Sud-Sud, en particulier avec la part croissante de la Chine et de l'Inde dans les émissions mondiales. L'architecture se sécurité internationale, déjà soumises à des tensions, fera l'objet de pressions croissantes. »

* 82 « La modification des conditions climatiques influeront sur le fonctionnement de matériels sophistiqués de contrôle et de commandement. Par exemple, le changement d'acidité des océans influent sur la fiabilité des matériels de repérage marins ou sous-marins ». Laboratoire de l'IRSEM juillet 2011

* 83 Gerald Stang , Senior Associate Analyst EUISS - Climate change, conflict and fragility - Year Book of European Security 2015

* 84 Philippe Ambrosi et Stéphane Hallegatte « Changement climatique et enjeux de sécurité » CIRED Working Paper n°2006-3 - 2005

* 85 Le tableau page 156 rappelle les principales délimitations prévues par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.

* 86 « Les zones maritimes exclusives ultramarines : un moment de vérité » Rapport n° 430 (2013-2014) de MM. Jean-Etienne Antoinette, Joël Guerriau et Richard Tuheiava (Délégation sénatoriale à l'outre-mer), avril 2014- http://www.senat.fr/rap/r13-430/r13-430_mono.html#toc307

* 87 La commission du développement durable a, au cours de sa réunion du 8 juillet 2015, adopté un amendement de suppression de cet article 68 regrettant que le Gouvernement ne détaille pas davantage le contenu envisagé, que ce soit dans l'étude d'impact ou en réponse aux interrogations de son rapporteur, alors que le projet d'ordonnance est manifestement prêt, puisque l'étude d'impact annexée au projet de loi indique qu'il est le fruit d'un travail commencé en 2011, tout en mentionnant brièvement le contenu de certains de ses articles. http://www.senat.fr/rap/l14-607-1/l14-607-118.html#toc286 Le projet de loi devra être examiné par le Sénat.

* 88 Stern Review : The Economics of Climate Change http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/20100407172811/http://www.hm-treasury.gov.uk/stern_review_report.htm

* 89 « Contre le changement climatique, le GIEC recommande une politique massive d'économies d'énergie », Olivier Mary, Reporterre, 14 avril 2014.

* 90 Bestien Alex, Alain Coldefy et Hervé Kempf - « Les conséquences du dérèglement climatique pour le ministère de la Défens e » IRIS juin 2014 p. 45 à 52

* 91 Bastien Alex « La Défense face aux défis du dérèglement climatique » OGéod -IRIS mars 2015

* 92 Clive Hamilton, Requiem pour l'espèce humaine, Paris, Presses de Sciences Po, 2012. Les Apprentis-sorciers du climat, raisons et déraisons de la géo-ingénierie, 2013.

* 93 En février 2015, l'Académie des sciences des États-Unis a soutenu que, bien qu'il n'existe pas de solution de rechange à des mesures radicales d'adaptation et de réduction des gaz à effet de serre, il est "prudent d'examiner aussi d'autres options afin de contrer les impacts du changement climatique.

* 94 Bestien Alex, Alain Coldefy et Hervé Kempf - « Les conséquences du dérèglement climatique pour le ministère de la Défense » IRIS juin 2014 p 41 à 43 et aussi Bastien Alex « Géo-ingénierie marine. Des risques climatiques aux risques géopolitiques » Revue Internationale et stratégique- Automne 2014

* 95 Macro-algues brunes poussant dans des eaux de climats tempérés et arctiques, sur des substrats solides, Par sa taille imposante, le kelp procure un habitat unique à bon nombre d'espèces marines.

* 96 Frédéric Joignot « Vivre sur la planète Mer » le Monde 2 mai 2015

* 97 Atlantico 24 décembre 2014

* 98 Atlantico 24 décembre 2014

* 99 « A New Climate for Peace » Rapport commandé pour le sommet du G7 de juin 2015 en Allemagne, réalisé par adelphi, International Alert, The Wilson Center, The European Union Institute for Security Studies 2015.

http://newsroom.unfccc.int/media/252731/newclimateforpeace.pdf

* 100 Claudine Wery « L'Archipel de Vanuatu sauvé par ses traditions » Le Monde 20 mars 2015

* 101 Les niveaux de références des zones d'aléas fort, moyen et faible ont été créés à partir du niveau centennal avec des hauteurs supplémentaires pour tenir compte de risque de houle et de la surcote de déferlement associé, de l'augmentation du niveau de la mer à partir du niveau de référence historique de submersion (60 cm en fin de siècle sur la base du rapport du GIEC 2007) et d'une marge d'»incertitude de 25 cm. Le calcul ne considère pas les digues et levées protégeant les zones intérieures car il n'existe pas de certitudes quant à l'entretien et la résistance de ces ouvrages.

* 102 La solution retenue n'est pas celle du retrait puisque les autorités indonésiennes viennent de lancer un projet colossal de construction d'une muraille marine (voir supra p.85).

* 103 http://www.unhcr.fr/4b163f436.html

* 104

L'article 14 de l'accord de Cancún de novembre 2010 (COP 16) « invite les Etats à renforcer leur action en matière d'adaptation, y compris à travers les mesures visant à renforcer leur compréhension, coordination et coopération en ce qui concerne les déplacements causés par les changements climatiques » .

* 105 Voir aussi infra p.69

* 106 Frank Biermann et Ingrid Boas, « Protecting Climate Refugees : The Case for a Global Protocol », Environment Magazine, vol. 50, n° 6

* 107 Rejointes par le Costa Rica, l'Australie, le Mexique, le Kenya, les Philippines et l'Allemagne notamment qui participent au comité de pilotage intergouvernemental). Les principales agences internationales sont associées au sein du Comité consultatif : IOM, HCR, UNISDR, OCHA, UNDP ? Commission européenne, Croix Rouge, Norwegian Refugees Council, Banque mondiale...

* 108 Le groupe des amis de l'initiative comprend des Etats qui ne font pas partie de l'initiative, mais qui souhaitent être tenus informés de ses activités et contribuer à la réflexion.

* 109 David Hodgkinson, Tess Burton, Heather Anderson et Lucy Young, «The Hour when the Ship Comes in ? : A Convention for Persons Displaced by Climate Change» disponible sur www.ccdpconvention.com

* 110 Bonnie Docherty et Tyler Giannini, « Confronting a Rising Tide, a Proposal for a Convention on Climate Change Refugee s», Harvard Environmental Law Review, vol. 33, 2009, p. 349.

* 111 Directive2001/55/CE du Conseil, du 20 juillet 2001, relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil

* 112 Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC) et Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) - « La Convention de Kampala un an après : avancées et perspectives » http://www.internal-displacement.org/assets/publications/2013/201312-af-kampala-convention-progress-report-thematic-fr.pdf

* 113 « Migrations environnementales : gouvernance mondiale et expériences locales, contribution à l'étude des mobilités humaines », Cournil Ch. et C. Vlassopoulou, (sous la direction de) (avril 2015), Editeur Quae, (450 p.), septembre 2014 et de « Migrations environnementales, enjeux et gouvernance », Cournil Ch. et B. Mayer, Presses Sciences Po, Bibliothèque du Citoyen, 166 p. (Préface de François Crépeau)

* 114 Selon Hélène Thiollet, chercheur CNRS et enseignante à Sciences-Po sur 51 millions de déplacés (y compris 17 millions de déplacés internationaux, 80 à 90% de la charge incombe aux pays en voie de développement. La Croix 23 avril 2015

* 115 Interview donné à Le Monde publiée le 19 septembre 2015 Anote Tong http://www.lemonde.fr/paris-climat-2015/article/2015/09/19/anote-tong-nous-sommes-en-train-de-perdre-notre-terre-nous-ne-voulons-pas-perdre-notre-dignite_4763457_4527432.html

* 116 Immigration instructions recognise the special relationship between New Zealand and Samoa and the Pacific Access Category countries of Tonga, Tuvalu, Kiribati and Fiji. Each year up to 1100 Samoan citizens, 250 Tongan citizens and 75 citizens from Kiribati and Tuvalu are selected by ballot to be considered for the grant of residence in New Zealand. Following the restoration of democracy in Fiji, 250 citizens of Fiji will also now be eligible for residence each year under the PAC, starting this year.

* 117 Cournil Ch. et B. Mayer, « Les migrations environnementales » Presses Sciences Po, Bibliothèque du Citoyen, 166 p. (Préface de François Crépeau)

* 118 Elle s'appuie pur cela sur l'interprétation a contrario des articles de la convention, sur la position adoptée par la cour internationale de Justice dans l'affaire du différend territorial entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des caraïbes et le texte de l'ébauche de la convention sur la mer territoriale et la zone contiguë.

* 119 Virginie Blanchette-Séguin « Élévation du niveau de la mer et frontières maritimes : les Etats possèdent-ils des droits acquis sur leur territoire submergé ? »; 26-2 (2013) Revue québécoise de droit international ; http//rs.sqdi.org/volumes/RQDI_26-2_1_BlanchetteSeguin.pdf

* 120 Ce patrimoine se décompose entre la production directe (stocks halieutiques, mangroves, récifs coralliens), 6 9000 milliards de dollars, le commerce et les transports (5 200), la production des littoraux (7 800) et l'absorption du carbone (4 300).

* 121 Jeanne Gherardi, article publié dans le hors-série mer de la revue de culture générale l'éléphant (août 2015)

* 122 « A New Climate for Peace » Rapport commandé pour le sommet du G7 de juin 2015 en Allemagne, réalisé par adelphi, International Alert, The Wilson Center, The European Union

Institute for Security Studies 2015. http://newsroom.unfccc.int/media/252731/newclimateforpeace.pdf

* 123 Le cadre d'action de Sendai 2015-2030 a pour objectif la réduction substantielle des pertes (humaines, économiques, culturelles, etc) liées aux catastrophes. http://www.developpement-durable.gouv.fr/Le-cadre-d-action-de-Sendai-2015.html

* 124 Annonce de l'association Divest-Invest lors du New-York Climate Week le 22 septembre 2015, l'ensemble des actifs gérés par les fonds de pension, oeuvres philanthropiques et compagnies d'assurances ayant pris l'engagement de ne plus investir dans le charbon et les hydrocarbure avait atteint 2 600 milliards de dollars, une goutte d'eau dans l'océan des investissements mondiaux supérieures à, 100 000 milliards de dollar mais l'amorce d'une prise de conscience. Axa a annoncé se retirer du secteur du charbon où il était investi pour 576 millions de dollars.

* 125 « A New Climate for Peace » Rapport commandé pour le sommet du G7 de juin 2015 en Allemagne, réalisé par adelphi, International Alert, The Wilson Center, The European Union Institute for Security Studies 2015.

http://newsroom.unfccc.int/media/252731/newclimateforpeace.pdf

* 126 Le programme de Stockholm - Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens fournit une feuille de route pour le travail de l'Union européenne (UE) dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité pour la période 2010-2014. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV:jl0034

* 127 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Approche globale de la question des migrations et de la mobilité - {SEC(2011) 1353 final} http://ec.europa.eu/home-affairs/news/intro/docs/1_FR_ACT_part1_v2.pdf

* 128 Eurodéfense « Pour un Livre blanc européen sur la sécurité et la défense - mai 2015 https://eurodefenseinfo.files.wordpress.com/2015/06/rapport-decc81tude-livre-blanc-europecc81en.pdf

* 129 Philippe Vitel - Changement climatique et sécurité internationale : vers Paris 2015 rapport soumis à la commission des sciences et des technologies de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN - 9  septembre 2015 http://www.nato-pa.int/default.asp?SHORTCUT=3932

* 130

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015

* 131 Rapport n° 547 (2014-2015) de M. Jean-Pierre Raffarin, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 24 juin 2015 - http://www.senat.fr/rap/l14-547/l14-547.html

* 132 Bestien Alex, Alain Coldefy et Hervé Kempf - « les conséquences du dérèglement climatique pour le ministère de la Défense » IRIS juin 2014 p 13 à 25 - 93 à 112 ; « Les Etats-Unis, forts de leurs budgets colossaux, sont véritablement désireux de prendre en compte le changement climatique dans la réflexion sur leur appareil de défense. A contrario , la dynamique en vigueur au Royaume-Uni semble s'être essoufflée depuis un an. A cela plusieurs raisons la principale étant, sans doute, que l'outil militaire britannique est exsangue après plus d'une décennie d'engagements opérationnels très élevés en Irak puis en Afghanistan » et Bastien ALEX, "La défense face aux défis du dérèglement climatique", Ceriscope Environnement , 2014, http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/part5/la-defense-face-aux-defis-du-dereglement-climatique

Sur l'intégration du changement climatique dans la stratégie globale des de défense des États-Unis : Jean-Michel Valantin « Guerre et Nature. L'Amérique se prépare à la guerre du climat » Edistions Prisma 2013 et « Guerre, sécurité et changement climatique » http://www.huffingtonpost.fr/jeanmichel-valantin/guerre-securite-et-changement-climatique_b_6734800.html

* 133 Philippe Vitel - Changement climatique et sécurité internationale : vers Paris 2015 rapport soumis à la commission des sciences et des technologies de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN - 9 septembre 2015http://www.nato-pa.int/default.asp?SHORTCUT=3932

* 134 Réflexion stratégique sur le changement climatique et les implications pour la défense , IRSEM, juillet 2011

* 135 André Schneider et Philippe Tourtelier, Rapport sur l'impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense , Assemblée nationale, 28 février 2012

* 136 Sous la direction de Michel Asencio Laboratoire de l'IRSEM juillet 2011

* 137 Le rapport précité de l'IRIS estime que « considérant l'importance stratégique de l'Afrique pour la France, la vulnérabilité des situations existantes aux aléas naturels qui subiront l'influence du dérèglement climatique devra faire l'objet d'un examen précis, en fonction de critères à déterminer (système d'alliance, relation privilégiée, intérêts stratégiques, présence d'une importante communauté d'expatriés, etc

* 138 « L'Arctique : une région d'avenir pour l'Union européenne et l'économie mondiale », Damien Degeorges, Question d'Europe n° 263 du 7 janvier 2013.

* 139 « Arctique : préoccupations européennes pour un enjeu global », rapport n° 684 (2013-2014) du 2 juillet 2014 de M. André Gattolin, sénateur ; « Le monde au miroir des pôles : les enjeux du changement climatique en Arctique et en Antarctique », rapport n° 2704 du 8 avril 2015 de MM. Hervé Gaymard et Noël Mamère, députés.

* 140 Créé en 1952, le Conseil nordique est un organe de coopération interparlementaire réunissant cinq États (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède) et trois territoires autonomes (Féroé, Groenland, Åland). Le Conseil nordique des ministres, créé en 1971, met en oeuvre une coopération intergouvernementale entre pays membres.

* 141 D'après le titre de la conférence « L'Arctique, sentinelle avancée du changement climatique » (« Arctic, the canary in the mine »), organisée le 17 mars 2015 à la Maison des océans de l'Institut océanographique de Monaco à Paris, en présence de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, et de M. Børge Brende, ministre des Affaires étrangères du Royaume de Norvège.

* 142 Role of Polar Amplification in Long-Term Surface Air Temperature Variations and Modern Arctic Warming, Bekryev et al. (2010)

* 143 National Snow and Ice data center, NSIDC (États-Unis).

* 144 Source : GIEC

* 145 « Policy implications of warming permafrost », Programme des Nations unies pour l'environnement (UNEP, 2012).

* 146 En 2011, le total de ces émissions avait déjà atteint 515 gigatonnes de carbone (GIEC, 2013).

* 147 Thirty-thousand-year-old distant relative of giant icosahedral DNA viruses with a pandoravirus morphology. M. Legendre, J. Bartoli, L. Shmakova, S. Jeudy, K. Labadie, A. Adrait, M. Lescot, O. Poirot, L. Bertaux, C. Bruley, Y. Couté, E. Rivkina, C. Abergel, J-M. Claverie. PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences USA), 3 mars 2014.

* 148 North East Atlantic Fisheries Commission.

* 149 Northwest Atlantic Fisheries Organization.

* 150 Olga Alexeeva, « La circulation migratoire des Chinois dans l'Extrême-Orient russe », Perspectives chinoises, 2008.

* 151 Circum-Arctic Resource Appraisal : Estimates of undiscovered oil and gas north of the Arctic circle (USGS, 2008).

* 152 La géopolitique de l'Arctique : sous le signe de la coopération, par Frédéric Lasserre, CERISCOPE Environnement, 2014.

* 153 New-York Times, 5 janvier 2015.

* 154 « Polar super seaways ? Maritime transport in the Arctic : an analysis of shipowners' intentions », F. Lasserre et S. Pelletier, Journal of Transport Geography (2011).

* 155 L. Huang et F. Lasserre (2013).

* 156 Espaces et ressources en Arctique, Hélène de Pooter, dans « L'Arctique, la nouvelle frontière », sous la direction de Michel Foucher, CNRS Éditions, 2014.

* 157 L'expression « Nouvelle scène internationale » est empruntée à : Géopolitique de l'Arctique, Thierry Garcin, Economica 2013.

* 158 « Arctique : préoccupations européennes pour un enjeu global », rapport n° 684 (2013-2014) du 2 juillet 2014 de M. André Gattolin, sénateur ; « Le monde au miroir des pôles : les enjeux du changement climatique en Arctique et en Antarctique », rapport n° 2704 du 8 avril 2015 de MM. Hervé Gaymard et Noël Mamère, députés.

* 159 Le G8 était composé des États suivants : États-Unis, Canada, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Russie. En 2014 et 2015, le G8 est redevenu G7, après l'exclusion de la Russie.

* 160 États-Unis et Russie.

* 161 États-Unis, Canada, Norvège, Danemark, Islande.

* 162 « La Chine en Arctique ?» Frédéric Lasserre et Olga V. Alexeeva, 2013.

* 163 Groenland : la longue marche vers l'autonomie, Antoine Jacob (Questions internationales n° 75, 2015).

* 164 «L'Arctique : une région d'avenir pour l'Union européenne et l'économie mondiale », Damien Degeorges, Question d'Europe n° 263 du 7 janvier 2013.

* 165 Canada, Danemark, États-Unis, Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède.

* 166 Les huit précités à l'exclusion de la Finlande, de l'Islande et de la Suède.

* 167 Arctic Potential: Realizing the Promise of U.S. Arctic Oil and Gas Resources, National Petroleum Council (mars 2015).

* 168 L'Organisation maritime internationale (OMI) est l'institution spécialisée des Nations unies chargée d'assurer la sécurité et la sûreté des transports maritimes et de prévenir la pollution des mers par les navires. Elle compte 171 États membres et 3 États associés.

* 169 La première version Convention SOLAS a été adoptée en 1914, en réponse à la catastrophe du Titanic, la seconde en 1929, la troisième en 1948 et la quatrième en 1960. La Convention SOLAS de 1974, qui est entré en vigueur en 1980, a été mise à jour et modifiée à de nombreuses reprises.

* 170 Danemark, Suède et Finlande. Le Groenland (Danemark) n'est toutefois pas partie intégrante de l'Union européenne. Il compte au nombre des « pays et territoire d'outre-mer».

* 171 « Maritimisation : la France face à la nouvelle géopolitique des océans », Rapport d'information de MM. Jeanny Lorgeoux et André Trillard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n° 674 (2011-2012).

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