B. UNE CONCEPTION DÉLIBÉRÉMENT TRÈS DÉFAVORABLE AU RÉEMPLOI ET AU RECYCLAGE

L'écoconception est définie comme : « l'intégration des caractéristiques environnementales dans la conception du produit en vue d'améliorer la performance environnementale du produit tout au long de son cycle de vie » 23 ( * ) . Il s'agit donc d'une conception raisonnée du produit afin de prévenir et réduire ses effets négatifs sur l'environnement, tout en conservant sa qualité d'usage.

Pour un appareil complexe comme un téléphone portable, la conception est déterminante pour sa durée de vie, la faculté de le réparer aisément, et les enjeux techniques du recyclage en fin de vie . Malgré l'importance de l'écoconception pour les équipements électroniques et l'existence d'un ensemble réglementaire européen et français en faveur de cette démarche, l'écoconception des téléphones portables reste très limitée .

1. Une écoconception inexistante ?

La conception des téléphones portables reste largement dirigée par une course à l'innovation et au développement de nouvelles fonctionnalités, afin d'alimenter le renouvellement des appareils. Le réemploi et le recyclage ne sont pas ou très peu pris en compte par les industriels lors de la conception. Les acteurs des filières de réemploi et de recyclage observent même une dégradation, entravant une extension de la durée de vie et une amélioration du recyclage. De telles observations rejoignent les problématiques d'obsolescence programmée ou organisée qui seront évoquées dans la suite du présent rapport.

La directive DEEE prévoit que : « les États membres prennent les mesures appropriées pour que s'appliquent les exigences en matière d'écoconception, établies dans le cadre de la directive 2009/125/CE, qui facilitent le réemploi et le traitement des DEEE et que les producteurs n'empêchent pas le réemploi des DEEE par des caractéristiques de conception particulières ou des procédés de fabrication particuliers, à moins que ces caractéristiques de conception particulières ou ces procédés de fabrication particuliers ne présentent des avantages déterminants, par exemple en ce qui concerne la protection de l'environnement et/ou les exigences en matière de sécurité » 24 ( * ) .

L'ensemble des interlocuteurs entendus par votre mission ont très largement souligné l'absence générale d'efforts en matière d'écoconception de la part des grands fabricants de téléphones portables 25 ( * ) . Selon Françoise Berthoud, ingénieure au CNRS et directrice du groupement de service EcoInfo, : « quand on demande aux constructeurs ce qu'ils font en matière d'écoconception pour les équipements informatiques, hormis le Fairphone, ils avancent 9,5 fois sur 10 des mesures visant à réduire la consommation électrique en phase d'usage, car cela a un impact très important. Les chiffres qu'ils annoncent en termes de réduction de gaz à effet de serre sont donc énormes. Mais ils ne cherchent pas vraiment à augmenter la robustesse (...) D'ailleurs, pourquoi le feraient-ils ? Ils vendent très facilement des produits que les personnes renouvellent très souvent ».

Un document élaboré en décembre 2012 par les Amis de la Terre résume ainsi les conditions de conception : « Au final, les innovations sont uniquement orientées vers la vente de nouveaux produits et non vers l'allongement de la durée de vie et la gestion de la fin de vie des produits . La concurrence entre les différents acteurs de la high-tech ne peut justifier un tel choix dans un contexte où les ressources s'épuisent et où le renouvellement fréquent de nos appareils impliquent davantage d'impacts négatifs . » 26 ( * ) Un avis partagé par l'association Halte à l'obsolescence programmée (HOP) lors de son audition : « L'écoconception est un enjeu central, avec trois aspects : améliorer la durée de vie en permettant de modifier le téléphone par des modules, permettre la maintenance et la réparation à un coût raisonnable, et faciliter le recyclage. Ces trois éléments devraient être pensés en amont. C'est très rarement le cas aujourd'hui, et nous constatons plutôt une dégradation ».

À cet égard, le projet Liam d'une chaîne automatisé de démontage, présenté par l'entreprise Apple lors de la table-ronde des fabricants organisée par votre mission, capable de désassembler 350 téléphones de modèle Iphone par heure, est équivoque. S'il permet d'envisager un démantèlement rapide à grande échelle, ce projet témoigne également de la sophistication croissante de la conception des téléphones, qui fait obstacle à une prise en charge par un acteur autre que le fabricant. Une telle approche fermée compromet un développement du réemploi, qui suppose que l'utilisateur, ou a minima un technicien indépendant du fabricant, soit en mesure de démonter et réparer le produit.

Plusieurs choix de fabrication apparaissent manifestement contraires à une démarche d'écoconception, en faisant obstacle à un allongement de la durée de vie des produits et à un meilleur recyclage en fin de vie.

Les difficultés de remplacement des batteries « intégrées » , quel qu'en soit le motif, limitent de fait la durée de vie des téléphones portables 27 ( * ) , entravent la circulation du produit lors du réemploi, et compromettent un recyclage aisé en fin de vie. L'inamovibilité des batteries dans les produits du fabricant Apple a été mentionnée par plusieurs organismes auditionnés par votre mission comme une décision manifestement contraire à la logique d'écoconception. Les autres grands fabricants auraient depuis fait des choix de conception similaires. Pour l'entreprise Morphosis, il s'agit d'un problème environnemental et technique majeur, par ailleurs à l'origine d'incidents dangereux lorsque des batteries encore collées se retrouvent broyées dans des chaînes de traitement inadaptées 28 ( * ) .

La directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux piles et accumulateurs, modifiée par la directive 2013/56/UE du 20 novembre 2013, prévoit que « les États membres veillent à ce que les fabricants conçoivent les appareils de manière que les piles et accumulateurs usagés puissent être aisément enlevés ». Transposée à l'article R. 543-176 du code de l'environnement, la directive permet toutefois de compenser la complexité du remplacement pour l'utilisateur par la possibilité pour les piles et accumulateurs concernés d'être « aisément enlevés par des professionnels qualifiés indépendants du fabricant ». Par ailleurs, l'amovibilité aisée de la batterie n'est pas exigée « lorsque, pour des raisons de sécurité ou de fonctionnement, des raisons médicales ou d'intégrité des données, le fonctionnement continu est indispensable et requiert une connexion permanente entre l'appareil et la pile ou accumulateur ».

Sanctionnées en cas de non-respect par l'amende prévue pour les contraventions de 5 e classe, soit 1 500 euros, ces dispositions n'ont eu à ce jour aucun impact significatif sur les choix de conception des fabricants.

La généralisation d'un chargeur universel est un autre sujet discuté depuis plusieurs années au niveau européen, et dont l'application par les fabricants doit encore se concrétiser. Afin de remédier à l'inertie de l'industrie, malgré un accord d'entreprise signé en 2009 entre fabricants, la directive 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à l'harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d'équipements radioélectriques a été adoptée. Elle prévoit notamment que : « les équipements radioélectriques fonctionnent avec des accessoires, en particulier avec des chargeurs universels ». En des termes très généraux, la directive requiert de progresser sur l'interopérabilité des accessoires des téléphones portables et sur la généralisation d'un chargeur universel. Ces dispositions doivent s'appliquer à partir du 13 juin 2017 aux équipements mis sur le marché. En France, l'éco-contribution à la filière de recyclage comprend un critère de modulation spécifique à la standardisation de la connectique et des chargeurs, dont les effets demeurent toutefois très limités ( cf. infra ). Jusqu'à présent, l'entreprise Apple continue par exemple d'employer son format de connecteur lightning , proposant des solutions d'adaptateur pour contourner l'absence d'interopérabilité initiale.

Des choix contraires à l'écoconception comme le recours accru au collage ou au soudage d'autres éléments que la batterie, ou l'utilisation de vis non standardisées ont été également évoqués devant votre mission. Afin de progresser sur l'écoconception, votre rapporteure partage une suggestion de l'Ademe sur un recours accru à la réglementation en vue de lutter contre certaines pratiques bloquantes pour la réparation, voire le recyclage .

Proposition n° 4 : renforcer la réglementation européenne et nationale applicable à la conception pour lutter contre certaines pratiques bloquantes pour la réparation et le recyclage : vis non standards, collage ou soudage des éléments, inamovibilité de la batterie, interopérabilité d'équipements comme le chargeur, indisponibilités des pièces détachées...

Quelques rares initiatives visent toutefois à placer l'écoconception au coeur de la fabrication de leurs produits.

L'entreprise Fairphone produit des modèles de téléphones modulables, dont la fabrication s'appuie sur un approvisionnement équitable en matières premières. Le projet est ainsi présenté par l'entreprise : « notre téléphone nous sert à dévoiler les systèmes de production, à adresser des problèmes complexes et à encourager le débat à propos de l'idée d'équité » 29 ( * ) . Les appareils sont facilement démontables pour favoriser leur réparation et leur mise à jour matérielle par les utilisateurs eux-mêmes. La documentation technique est par ailleurs librement accessible afin de favoriser le marché de seconde main.

Selon les Amis de la Terre, les résultats en matière de transparence ont été mitigés jusqu'à présent, compte tenu de la difficulté à suivre les matériaux depuis leur extraction : le fabricant ne parvient à identifier l'intégralité de la chaîne d'approvisionnement que pour trois à quatre métaux. Pour Françoise Berthoud, entendue par votre mission, si le Fairphone consomme autant de matières premières qu'un smartphone haut de gamme et présente les mêmes risques de toxicité, le caractère intégralement réparable du téléphone reste très positif. Les limites actuelles et les marges de progrès sont par ailleurs reconnues par l'entreprise : « Notre but en tant qu'entreprise sociale est d'utiliser des stratégies commerciales pour créer un plus grand impact social. Le Fairphone est toujours loin d'être « équitable », mais est un début dans notre voyage progressif » 30 ( * ) . Ces produits connaissent un certain succès commercial et le Fairphone demeure le seul exemple significatif de conception intégralement pensée pour produire un téléphone portable écoresponsable et durable.

Lors de son audition, France nature environnement (FNE) a mentionné le projet Fair Trade Electronics qui visait à reconsidérer la pertinence de certains usages et fonctionnalités, se distinguant ainsi d'une initiative comme le Fairphone proposant un smartphone au même niveau que les produits haut de gamme des grands fabricants. Cette démarche envisageait donc d'agir plus drastiquement sur la conception en renonçant à certaines fonctionnalités, associées à des composants et des matières premières particuliers. L'originalité du projet était de remettre en cause l'écoconception à usages constants 31 ( * ) . Il n'a toutefois pas abouti.

L'entreprise Google a annoncé le développement d'un projet de téléphone modulaire appelé ARA , dont le caractère prometteur a été souligné au cours de plusieurs auditions, notamment par l'association HOP. L'objectif est de proposer un produit évolutif, un « téléphone en kit », permettant d'intégrer des innovations dans le temps, sans changer le produit : l'utilisateur pourrait ainsi améliorer les performances de son appareil en ajoutant ou en remplaçant des blocs interchangeables . Ces modulations permettraient d'augmenter l'autonomie en ajoutant une batterie supplémentaire, d'accroître l'espace de stockage ou la puissance, d'améliorer la qualité des haut-parleurs ou de la lentille. Un tel produit pourrait conjurer les effets du progrès technologique sur le remplacement intégral des téléphones portables. Ce téléphone devrait être commercialisé en 2017. L'acceptabilité par le marché de cette logique de modularité reste toutefois inconnue. Par ailleurs, les conséquences environnementales de la consommation régulière de blocs modulables devront être attentivement examinées.

L'inertie constatée sur l'écoconception est d'autant plus regrettable que cette démarche ne s'accompagne pas nécessairement de coûts plus élevés, contrairement à certaines idées reçues . Selon une étude franco-québécoise, citée par l'association HOP et basée sur une série d'entretiens réalisés auprès de 30 entreprises ayant mené des efforts d'écoconception, 90 % d'entre elles affirment que cette démarche leur a permis d'augmenter leur profits, soit par une augmentation des ventes, soit par une réduction des coûts de production 32 ( * ) .

L'absence d'efforts significatifs en matière d'écoconception est associée au manque d'information de l'utilisateur sur les enjeux environnementaux de sa consommation de téléphones portables, qui ne permet pas de valoriser d'éventuels efforts de la part des fabricants. Certains écolabels comme TCO Certified et EPEAT permettent aux fabricants de valoriser leurs efforts d'écoconception auprès des utilisateurs. Toutefois, comme le note l'association HOP, ces labels restent très méconnus du grand public et n'ont pas été massivement appliqués aux téléphones portables.

Le consommateur n'est pourtant pas un agent captif ou passif. Il dispose de son libre arbitre dans ses décisions d'achat . Pour Gérard Cote, directeur de la chaire « mines urbaines » ParisTech, entendu par votre mission : « On parle de REP [responsabilité élargie du producteur] , mais quid de la REC, ou responsabilité élargie du consommateur ? ». Si la responsabilité première des conséquences environnementales de la production de téléphones portables incombe au fabricant, du consommateur dépendent autant le choix du produit que la fréquence de renouvellement de ses équipements. Lutter contre la surconsommation des ressources naturelles implique donc aussi de consommer autrement, en faisant preuve de davantage de sobriété.

Une telle démarche suppose toutefois de disposer d'une information suffisante. Or, à ce jour, le consommateur n'a pas une connaissance précise des conséquences de son acte d'achat et n'a pas la possibilité de faire un choix éclairé, lui permettant le cas échéant d'opter pour un téléphone plus écoresponsable ou plus équitable 33 ( * ) .

Certains distributeurs ont pris des initiatives en matière d'information, sous la forme d'un affichage environnemental , comme les opérateurs mobiles ou des grandes surfaces spécialisées comme la Fnac. Afin de recueillir les informations nécessaires, les distributeurs communiquent avec les fabricants par le biais de questionnaires portant sur des éléments comme le type et la taille de l'écran, la matière et la masse de la coque, la distance parcourue pour le transport des composants, et la consommation d'énergie lors de l'utilisation du téléphone. Ces informations permettent d'évaluer différents paramètres environnementaux comme la production de dioxyde de carbone, la consommation d'eau et la consommation de ressources. L'évaluation aboutit le plus souvent à une note unique, facilement affichable et visible pour le consommateur. Ces dispositifs diffèrent toutefois selon les distributeurs qui les ont créés, et se fondent principalement sur des déclarations de la part des fabricants.

2. Des modulations d'éco-contribution très insuffisantes

La filière mise en place dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur, dite « filière REP », en vue d'internaliser les coûts de collecte et de recyclage des déchets d'équipements électriques et électroniques, est financée par le versement d'une éco-contribution par les différents metteurs sur le marché d'équipements. Pour chaque catégorie d'équipements, le droit en vigueur permet l'introduction de modulations en fonction de critères d'écoconception, afin d'inciter financièrement les fabricants à faire évoluer la conception de leurs produits.

Pour les téléphones portables, le cahier des charges des éco-organismes prévoit une majoration de 100 % de l'éco-contribution due par téléphone mis sur le marché si un des critères suivants trouve à s'appliquer :

- l'absence de connectique standardisée, qu'il s'agisse d'un chargeur ou d'autres connectiques ;

- l'absence de mises à jour logicielles, compatibles entre elles, indispensables au fonctionnement essentiel de l'appareil.

Le barème des deux éco-organismes actifs en matière de collecte et de traitement des téléphones portables prévoit un montant forfaitaire d'un centime d'euros par téléphone. La modulation prévue en faveur de l'écoconception n'aboutit donc qu'à un montant de deux centimes d'euros par téléphone. La faiblesse du barème de base, associée à un multiplicateur limité en cas d'écoconception défaillante n'a en réalité aucun effet incitatif sur la fabrication des produits . En l'absence de connectiques standardisées pour ses téléphones, Apple acquitte une écoconception doublée, dont le montant en valeur absolue apparaît dérisoire par rapport aux autres considérations prises en compte lors des choix de conception et au prix de vente de ses produits. Pour Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage, entendu par votre mission : « l'écoconception et l'éco-modulation se trouvent dans une situation dramatique ».

Cette situation appelle plusieurs observations. D'une part, les conditions actuelles de détermination de l'éco-contribution pour les téléphones portables compromettent tout montant significatif par unité . Le financement de la collecte et du traitement, divisé par le nombre d'équipements mis sur le marché, conduit à une éco-contribution très limitée par appareil, compte tenu de leur poids unitaire, incommensurable avec leur valeur. Il apparaît inconcevable que le consommateur qui achète un smartphone à 600 euros ne participe qu'à hauteur d'un ou de deux centimes d'euros au financement de la fin de vie de son produit, alors même qu'un financement accru permettrait d'améliorer le fonctionnement de la filière, aussi bien en termes de volume collecté que de traitement. Sauf à prévoir un multiplicateur très élevé de la modulation, cette faiblesse du montant de base limite toute incitation majeure en faveur de l'écoconception. En l'absence d'évolution sur ce point, les conséquences économiques de cette modulation resteront inexistantes pour les fabricants, bien que la défaillance d'un producteur en termes d'écoconception puisse avoir quelques effets pour son image publique, ainsi que l'a rappelé René-Louis Perrier, président de l'éco-organisme Ecologic entendu par votre mission.

Votre rapporteure juge à cet égard que la propension des consommateurs à contribuer à une réduction de l'impact environnemental de leurs achats ne doit pas être sous-estimée . Une augmentation de 2 à 3 euros sur un produit neuf coûtant 600 euros semble raisonnable, a fortiori lorsque les impacts environnementaux d'un tel produit sont élevés, en raison de la sophistication de ses composants et de la complexité de son recyclage. Si la finalité du dispositif lui est clairement exposée, que son effort est valorisé et qu'il dispose de garanties sur les démarches environnementales mises en oeuvre, le consommateur responsable sera davantage disposé à le soutenir.

D'autre part, les critères de modulation de l'éco-contribution apparaissent trop sommaires. Si le premier critère permet d'agir directement sur une fraction de la conception matérielle, le second critère relève davantage d'une problématique d'obsolescence logicielle, par ailleurs importante mais sans effet significatif sur la fabrication. Le recours à certains matériaux, ou d'autres choix de conception, comme l'inamovibilité de la batterie, des vis non standardisées, ou des techniques de collage ou de soudage pourraient faire l'objet de critères supplémentaires, à défaut d'être interdits . Le développement du thermocollage est ainsi cité par les Ateliers du Bocage, un acteur-clef de la réparation et du réemploi en France, comme un obstacle significatif à l'allongement de la durée de vie des appareils. La FEDEREC s'est déclarée favorable à l'introduction d'un critère relatif à la facilitation du démontage, notant que les critères de modulation existants ne prennent pas en compte la fin de vie de l'équipement . Le non-respect de plusieurs critères pourrait par ailleurs conduire à une multiplication défavorable des modulations.

Lorsque certains choix de conception compromettent l'allongement de la durée de vie des produits, par une réparabilité plus complexe, et le recyclage en fin de vie, par un assemblage plus difficile à défaire, l'éco-contribution modulée manque aujourd'hui son objectif principal, qui est d'internaliser les coûts environnementaux au prix du produit. Au-delà des seules modulations, le mode de calcul de l'éco-contribution elle-même ne semble pas propice à une évolution des choix faits par les fabricants, à un changement des modes de consommation et à un développement ambitieux de la filière de collecte et de recyclage, pour les appareils complexes mais de petite taille comme les téléphones portables.

Le renouvellement de l'agrément des éco-organismes en 2020 sera une étape importante pour renforcer les critères d'écoconception . L'association FNE, active dans la gouvernance de la filière, souhaite ainsi progresser sur la toxicité, la recyclabilité et la durée de vie des produits. Considérant que l'incitation économique ne sera pas suffisante à elle seule, FNE juge indispensable de renforcer l'effet d'image des modulations, en publiant le nombre de produits et d'unités affectées d'un malus par metteur sur le marché, et de diffuser l'information auprès du public, sur l'emballage, chez le distributeur ou sur internet.

Proposition n° 5 : renforcer les modulations d'éco-contribution favorables à l'écoconception, en augmentant les montants, en diversifiant les critères, et en accroissant la publicité des malus.

3. Un encadrement à renforcer au niveau européen

Les téléphones portables sont produits par des entreprises actives dans le monde entier, dont les choix de conception ne pourront pas être significativement influencés par l'initiative d'un seul pays. Ainsi Huawei a clairement expliqué à votre mission prendre l'ensemble de ses décisions stratégiques, notamment de conception, depuis son siège social de Shenzhen, en Chine. La dimension internationale de la communication de l'entreprise Apple lors de la présentation de ses nouveaux produits témoigne également du caractère profondément mondialisé de ce marché.

Sans renoncer à progresser au niveau français, ce constat pragmatique suggère de porter ces problématiques à l'échelle européenne. Selon les représentants de l'Ademe entendus par votre mission : « La question de l'écoconception ne peut être gérée au niveau d'un seul pays ». Les négociations relatives au nouveau « paquet » sur l'économie circulaire, en cours d'examen par les institutions européennes, doivent permettre de progresser sur une action collective des différents États membres à ce sujet. La structuration de la filière des DEEE au niveau européen est une chance pour disposer d'une taille critique, permettant d'infléchir le marché.

Une harmonisation des dispositions nationales sur les critères d'écoconception permettrait d'agir à un niveau pertinent, l'ensemble des pays de l'Union représentant un marché plus significatif que celui d'un seul membre. Cette renégociation pourrait également permettre de progresser sur les obligations que peuvent imposer les États membres aux producteurs, aussi bien en matière de conception que d'information des acheteurs .

Proposition n° 6 : s'appuyer sur la renégociation du paquet de directives sur l'économie circulaire pour porter au niveau européen un renforcement de l'écoconception et de la réglementation applicable aux équipements électroniques.


* 23 Article 3 de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'écoconception applicables aux produits liés à l'énergie.

* 24 Article 4 de la directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relative aux déchets d'équipements électroniques et électriques.

* 25 Voir notamment les auditions de l'Institut de chimie séparative de Marcoule, des Amis de la Terre, de la FEDEREC, du Cercle national du recyclage, d'Halte à l'obsolescence programmée, du SIRRMIET, des entreprises Morphosis et Terra Nova Développement.

* 26 « Obsolescence des produits high-tech : comment les marques limitent la durée de vie de nos biens », Les Amis de la Terre, décembre 2012.

* 27 La durée de vie du téléphone portable est alors directement liée à l'autonomie de la batterie initiale.

* 28 Lors de son audition, la FEDEREC a ainsi mentionné le cas d'un site de traitement ayant été récemment détruit par un incendie causé par la présence d'une pile dans un lot de petits appareils en mélange (PAM).

* 29 « Portrait de Fairphone », juin 2015.

* 30 Ibid.

* 31 Une préoccupation partagée par l'association HOP, selon laquelle : « il faut être critique sur le confort que nous apportent ces nouveaux objets et les besoins auxquels ils répondent » .

* 32 « L'éco-conception : quels retours économiques pour l'entreprise ? », étude réalisée par le pôle Éco-conception et Management du cycle de vie de Saint-Étienne, en partenariat avec l'Institut de développement de produit du Québec, avec le soutien financier de l'Ademe, de la DRIRE et du CETIM, 2009.

* 33 Le groupement de service Ecoinfo du CNRS travaille ainsi sur une liste de critères pour un achat écoresponsable par les administrations : durée de la garantie, amovibilité de la batterie, disponibilité de pièces détachées, traçabilité des matériaux...

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