IV. SOUTENIR LA TRANSFORMATION DU SECTEUR AGRICOLE

Confrontée à des perturbations climatiques de plus en plus intenses et fréquentes, ainsi qu'à une rareté croissante de la ressource hydrique, l'agriculture n'a pas d'autre choix que de s'engager résolument dans une politique d'adaptation. Celle-ci devra porter sur les pratiques et les techniques culturales, mais aussi sur le choix des cultures. Déjà quelques réponses adaptatives innovantes commencent à émerger ici ou là en France, portées par les travaux de l'INRA ou des initiatives prises localement par certains agriculteurs, individuellement ou avec l'aide des chambres d'agriculture. Ce mouvement n'en est cependant qu'à ses prémisses et doit absolument changer d'échelle. Aucune filière agricole n'a en effet pour l'instant engagé un programme d'adaptation global impliquant non seulement les exploitants agricoles, mais aussi, et peut-être surtout, les autres acteurs de la filière que sont les coopératives, les industriels et les distributeurs. Il faut donc maintenant dépasser le stade des initiatives individuelles pour s'engager dans une mutation coordonnée de l'ensemble des filières agricoles, de leur amont et de leur aval.

A. APPUYER LA TRANSFORMATION AGRICOLE SUR LES OUTILS DE CONNAISSANCE

1. Des enjeux de savoir et d'expertise

L'adaptation aux changements climatiques, pour le secteur agricole comme pour tout autre domaine, doit d'abord relever le défi de l'incertitude et de la complexité. La pertinence des solutions adaptatives y est en effet contingente, car étroitement liée à la nature des sols, aux types de cultures, aux disponibilités locales en eau, etc. Ces solutions doivent par ailleurs être flexibles et évolutives pour rester en ligne avec des évolutions climatiques entourées d'incertitude. Enfin, elles ont souvent une dimension innovante et expérimentale, ce qui implique une démarche faite de tâtonnements, avec des évaluations et des ajustements continus.

Pour toutes ces raisons, la stratégie d'adaptation de l'agriculture ne peut donc être prescrite d'en haut ou dupliquée mécaniquement d'une filière, d'un territoire ou d'une exploitation à l'autre. Elle doit être construite en fonction du diagnostic des vulnérabilités et des opportunités propres à chaque situation et actualisée régulièrement en fonction des progrès scientifiques et des observations de terrain. Par conséquent, il est d'une importance primordiale de disposer d'outils d'observation, de recherche et d'expertise, notamment dans le domaine agronomique . Ces outils doivent être développés et confortés dans leurs dimensions humaines et financières.

2. Utiliser pleinement un outil remarquable, l'INRA

L'INRA est un atout de premier plan dont dispose notre pays pour accompagner l'adaptation de l'agriculture face aux changements climatiques. Cette problématique figure depuis plusieurs années dans les priorités stratégiques de l'institut de recherche au sein du méta programme ACCAF . Lancé en 2011, ce dernier a explicitement pour ambition de relever le défi de l'adaptation des cultures annuelles et pérennes, de l'élevage, des forêts et de la biodiversité. Il intègre l'enjeu de la santé des plantes et des animaux, ainsi que celui des ressources hydriques et de la qualité des sols. Il prend également en compte l'enjeu de la cohérence entres mesures d'atténuation et d'adaptation, ainsi que les conséquences environnementales et socio-économiques des réponses adaptatives au-delà des questions strictement agronomiques. Fortement pluridisciplinaire, il associe des chercheurs et des ingénieurs dans les domaines de la biologie, de l'écologie, de l'écophysiologie, de la génétique, de la biophysique, mais aussi des économistes et des sociologues, ce qui permet véritablement d'appréhender l'adaptation sous toutes les facettes.

L'étude des incidences de la question climatique sur l'agriculture devra demeurer une des priorités majeures de l'institut pour les décennies à venir. Cette priorité est d'ailleurs inscrite dans son document d'orientation pour 2016-2025. Il importe maintenant, notamment au niveau des arbitrages budgétaires, que l'État garantisse à l'INRA des moyens suffisants pour accomplir pleinement sa mission.

3. Un rôle-clé pour les chambres d'agriculture et les observatoires régionaux de l'agriculture

S'il est crucial de conforter les moyens et la stratégie des outils d'excellence nationaux dans le domaine de la recherche, il ne faut pas négliger non plus les autres échelons de la connaissance et de l'expertise agronomique. Il est essentiel en particulier que l'adaptation de l'agriculture puisse s'appuyer sur des observatoires régionaux de l'agriculture . Ces observatoires sont un lieu de recueil des données et des observations de terrain indispensables au pilotage des politiques d'adaptation. Ils sont aussi un rouage essentiel dans le partage et la diffusion auprès du monde agricole de la connaissance et du conseil en matière d'adaptation.

Les chambres d'agriculture doivent donc avoir pour mission de mettre en place et d'animer un réseau des dispositifs régionaux d'observation et de conseil, sur le modèle « ORACLE », tels qu'il en existe dans les régions Pays-de-la-Loire, Grand-Est ou Nouvelle-Aquitaine. Les grands instituts de recherche nationaux doivent bien entendu être des partenaires de ces observatoires régionaux et leur apporter l'appui de leur expertise scientifique.

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