ANNEXES

CONSULTATION PUBLIQUE SUR LE NOUVEAU CAHIER
DES CHARGES DU PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT
POSITION DE LA COMMISSION DE L'AMÉNAGEMENT
DU TERRITOIRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Lors de sa réunion du mercredi 11 décembre 2019 , la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a, sur proposition de son président Hervé Maurey, sénateur de l'Eure, et de Patrick Chaize, sénateur de l'Ain, président du groupe d'études « Numérique », décidé à l'unanimité de participer à la consultation publique lancée par le Gouvernement le 2 décembre 2019 sur le nouveau cahier des charges du plan France très haut débit (PFTHD), qui détermine les modalités de prise en charge par l'État via le « guichet » France très haut débit des dépenses de déploiement des réseaux d'initiative publique et notamment du déploiement de la fibre jusqu'à l'abonné (FttH).

Si l'annonce en octobre 2019 de la réouverture du « guichet » , fermé à la fin de l'année 2017, avait constitué un motif de satisfaction pour les territoires, la commission avait fait le constat, lors du colloque qu'elle a organisé au Sénat le 13 novembre 2019 18 ( * ) , que les 140 millions annoncés par le Gouvernement pour l'abonder ne seraient pas suffisants pour atteindre les objectifs du très haut débit pour tous en 2022 et de la généralisation du FttH sur l'ensemble du territoire en 2025. Pour garantir l'atteinte des objectifs dans les 27 départements aujourd'hui en retard de déploiement, les besoins de financement atteindront en réalité 500 millions d'euros . Contre l'avis du Gouvernement, le Sénat a abondé, dans le projet de loi de finances pour 2020, le « guichet » à hauteur de 322 millions d'euros (en autorisations d'engagement), conformément aux préconisations de l'association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca). Le Gouvernement a justifié son refus d'accroître les moyens du plan dès 2020, considérant que des crédits supplémentaires pourront être dégagés au fil de l'eau en s'appuyant sur de nouveaux gains d'efficacité dans le déploiement des réseaux d'initiative publique.

Cependant, la publication du nouveau cahier des charges du PFTHD, qui remplace l'ancien cahier des charges de 2015, éclaire sous un jour nouveau la réticence du Gouvernement à abonder le « guichet » à hauteur des besoins réels des collectivités. En effet, en maintenant les plafonds d'aides (A) et en introduisant de nouvelles règles d'assiette ( B ) pour le déploiement des lignes FttH, ainsi qu'en excluant certaines autres dépenses du périmètre des dépenses éligibles au « guichet » (C) , le cahier des charges conduira de fait à une baisse du cofinancement de l'État. La réduction du soutien de l'État se traduira automatiquement par une augmentation du reste à charge pour les 27 départements n'ayant pas encore bouclé leur plan de financement pour le déploiement de la fibre.

D'une part, le nouveau cahier des charges met donc en péril le respect des objectifs du plan France très haut débit. D'autre part, il crée une inégalité de traitement inacceptable entre les territoires ayant bénéficié des anciennes règles d'éligibilité au « guichet » et ceux qui devront compléter leurs réseaux avec un soutien moindre de l'État.

A) Un plafond d'aides par ligne FttH inchangé, en dépit de la hausse attendue du coût des prises à construire

Comme dans le précédent cahier des charges, le soutien de base au déploiement des lignes FttH de la boucle locale optique mutualisée est fixé à 33,0 % et est modulé pour tenir compte du « niveau de ruralité » et de l'« indice de dispersion ». On obtient ainsi des taux départementaux maximaux de soutien, allant de 33,0 % (Paris) à 61,6 % (Creuse).

La commission déplore que les plafonds d'aides par ligne FttH, calculés pour chaque département à partir des taux de soutien, restent inchangés par rapport au précédent cahier des charges, alors même que les prises restant à construire seront les plus coûteuses. En la matière, l'inadaptation du cahier des charges pourrait retarder les déploiements, spécifiquement dans les départements où le prix marginal des prises est amené à s'accroître le plus.

La commission appelle donc le Gouvernement à relever les plafonds d'aides pour ne pas laisser aux territoires les plus en retard dans le déploiement de la fibre optique un reste à charge qu'ils ne pourraient pas supporter (proposition n° 1).

B) Des nouvelles règles d'assiette guidées par une logique d'économie budgétaire

Les nouvelles règles d'assiette introduites par le cahier des charges vont automatiquement se traduire par une augmentation du reste à charge pour les collectivités territoriales. Hormis des logiques d'économie budgétaire, rien ne semble justifier ces changements de périmètre, opérés au sacrifice de l'aménagement numérique du territoire.

1. Un calcul du nombre de lignes FttH commercialisables réduisant le soutien de l'État

Le calcul du besoin de financement public total se fonde sur l'évaluation du nombre de lignes raccordables. Dans le nouveau cahier des charges, ce nombre de lignes ne pourra être supérieur à 92 % du nombre total de locaux , là où le précédent considérait « par définition , [que] le nombre de lignes raccordables d'un projet FttH [correspondait] au nombre total de locaux » (soit 100 % ). La commission ne peut que s'étonner de cette nouvelle règle de calcul, qui réduira de fait le soutien de l'État, et appelle ainsi le Gouvernement à revenir à la méthode de l'ancien cahier des charges ( proposition n° 2 ). Par ailleurs, le nombre total de locaux reste calculé à partir des bases « Logements » 2011 (pourtant actualisée en 2016) et « Démographie des entreprises » 2013 (pourtant actualisée en 2017) de l'Insee. Pour tenir compte de l'évolution du nombre de locaux, il convient de retenir dans le nouveau cahier des charges les versions actualisées de ces bases (proposition n° 3) .

2. Le doublement de la décote sur l'assiette éligible des prises FttH

Comme dans la précédente version du cahier des charges, un montant forfaitaire est retranché de l'assiette éligible de chaque prise FttH . Cependant, dans le nouveau cahier des charges, cette décote est doublée pour atteindre 800 euros. Pour ne pas pénaliser plus encore les territoires en retard dans le déploiement de la fibre, la commission estime qu'il est indispensable de revenir à la décote d'origine, de 400 euros ( proposition n° 4).

C) L'exclusion de certains investissements des dépenses éligibles au « guichet »

Hormis le déploiement des lignes FttH, du noeud de raccordement optique au point de branchement optique, le PFTHD finance des investissements cruciaux pour la couverture des territoires en fibre optique.

La commission déplore que certaines de ces dépenses ne soient plus éligibles au « guichet ». En la matière, elle appelle ainsi le Gouvernement à revenir aux modalités de prise en charge inscrites dans le précédent cahier des charges (proposition n° 5) concernant :

- les réseaux de collecte , indispensables aux collectivités pour proposer des offres activées sur les réseaux d'initiative publique, comme l'exige l'Arcep ;

- le raccordement des sites prioritaires (entreprises, administrations) ;

- le raccordement des sites finaux ;

- les mises à niveau des réseaux antérieurs. Retirer les soutiens de l'État pour l'amélioration des réseaux déployés antérieurement à la mise en oeuvre de la réglementation actuelle constitue une décision particulièrement injuste, pénalisant les collectivités qui avaient fait preuve d'un fort esprit d'initiative en amorçant plus tôt que les autres leur virage numérique.

Enfin, la commission estime que la date de remise des dossiers, fixée au 30 juin 2020 , ne laissera pas suffisamment de temps aux collectivités territoriales concernées pour préparer sereinement leur plan de déploiement. Elle appelle donc le Gouvernement à repousser cette échéance (proposition n° 6).


* 18 « Couverture numérique du territoire : les objectifs seront-ils tenus ? », Colloque organisé par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, 13 novembre 2019.

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