B. UNE EXCLUSION NUMÉRIQUE DIFFUSE : L'ILLECTRONISME

La notion d'exclusion numérique renvoie à des cas très différents, qu'il est possible de répartir en deux grandes catégories :

• l'exclusion numérique peut tout d'abord correspondre à une situation d'illectronisme . Cette notion est duale : elle correspond à la fois à des situations d'exclusion par la compétence (incapacité, totale ou partielle, à faire), des situations d'exclusion matérielle (incapacité ou impossibilité d'accès aux outils permettant la connexion). Elle peut toucher n'importe quel public , bien que des facteurs de risque, sociaux et générationnels, soient identifiés par les études démographiques existantes (voir infra ). L'illectronisme constitue donc une forme diffuse d'exclusion numérique ;

• il existe par ailleurs des exclusions numériques propres à certains publics, qu'on pourrait qualifier d'exclusions particulières . Sont principalement concernées les personnes en situation de handicap , mais aussi les personnes sans abri, les personnes privées de liberté, ou encore les migrants.

Qu'elle qu'en soit sa forme, l'exclusion numérique constitue un handicap majeur, fragilisant les populations atteintes dans l'accès à l'emploi, aux services publics, à l'éducation ou, plus fondamentalement encore, aux autres, comme le souligne avec acuité la crise sanitaire liée à la Covid-19.

1. Près de la moitié de la population française touchée par l'illectronisme et son « halo »
a) L'illectronisme : une exclusion touchant 17 % de la population

Néologisme et mot-valise issu de la contraction entre les mots « illettrisme » et « électronique », l'illectronisme est entré, en 2020, dans le dictionnaire Larousse, qui le définit comme « l'état d'une personne qui ne maîtrise pas les compétences nécessaires à l'utilisation et à la création des ressources numériques ».

Si l'on en croit cette définition, l'illectronisme serait donc le prolongement contemporain de l'illettrisme , en tant qu'incapacité, par manque de compétences, à déchiffrer un langage.

Bien qu'éclairante, cette comparaison est cependant réductrice .

En effet, le numérique constitue le support d'usages dématérialisés , mais repose avant tout sur l'utilisation de terminaux physiques , comme les ordinateurs et les smartphones . L'illectronisme est donc plus qu'un illettrisme : à l'absence de compétences, s'ajoutent également les formes d'exclusion matérielle du numérique , soit l'incapacité ou l'impossibilité, faute d'équipements, de se connecter aux réseaux.

Ce caractère dual de l'illectronisme est d'ailleurs retenu par la définition donnée par l'Insee , et qui sera retenue dans ce rapport : l'illectronisme désigne ainsi « le fait de ne pas posséder les compétences numériques de base (envoyer des courriers électroniques, consulter ses comptes en ligne, utiliser des logiciels, etc.) ou de ne pas se servir d'Internet (incapacité ou impossibilité matérielle) ».

Comme l'illustre cette définition, pour l'Insee , non-usage et non-équipement vont en pratique de pair 28 ( * ) . Selon l'étude, c'est ainsi 15 % de la population française 29 ( * ) qui n'a pas utilisé Internet en 2019 et 12 % qui n'est pas équipée pour se connecter 30 ( * ) . Selon l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), en 2019, 23 % des Français de plus de 12 ans ne possédaient pas un smartphone et 24 % un ordinateur 31 ( * ) . Dans les six mois précédents, 7 % de la population n'avait pas utilisé de smartphones ou de téléphone mobile et 24 % n'avait pas utilisé d'ordinateurs 32 ( * ) . Ce constat est crucial : la lutte contre l'illectronisme ne pourra s'appuyer intégralement sur une réponse numérique et technologique, qui buterait inévitablement sur le non-équipement d'une partie de la population.

Concernant le second volet de sa définition de l'illectronisme, celui relatif à l'incompétence numérique, l'Insee adopte une approche plus restrictive. Ne sont placées en situation d'illectronisme que les personnes ne disposant d'aucune des quatre compétences de base , identifiées par Eurostat (voir encadré ci-dessous).

L'évaluation des compétences numériques selon Eurostat
(extrait du rapport de l'Insee)

Eurostat distingue quatre domaines de compétences numériques :

- la recherche d'information (sur des produits et services marchands ou administratifs, etc.) ;

- la communication (envoyer ou recevoir des courriels, etc.) ;

- la résolution de problèmes (accéder à son compte bancaire par Internet, copier des fichiers, etc.) ;

- l'usage de logiciels (traitement de texte, etc.).

Ces compétences sont mesurées à partir des déclarations sur le fait d'effectuer certaines tâches dans l'enquête annuelle sur les technologies de l'information et de la communication, menée auprès des ménages dans tous les pays de l'Union européenne.

Chaque compétence est notée 0 (compétence nulle), 1 (basique) ou 2 (compétence plus que basique). Le non-usage d'Internet au cours de l'année impliquant la note 0 : l'échelle mesure donc une capacité pratique (liée à la possession d'un équipement et à un usage même minimal d'Internet) si l'on considère la population générale, mais une compétence si l'on se restreint aux usagers d'Internet. Elle sous-estime légèrement les compétences en « logiciels » et « résolution de problèmes » dont les critères ne nécessitent pas tous l'usage d'Internet.

Ces quatre domaines de compétences sont très liés, et en les sommant, on obtient un indicateur global de capacités numériques : une personne n'a ainsi aucune capacité numérique si elle obtient 0 dans chaque domaine (illectronisme) et des capacités plus que basiques si elle obtient 2 dans les quatre domaines. Entre les deux, Eurostat distingue les capacités faibles (au moins une compétence est notée à 0 et au moins une vaut 1) et basiques (aucune des compétences n'est égale à 0 et au moins une est égale à 1).

L'absence de compétences numériques concerne seulement 2 % des usagers d'Internet . Si l'on ajoute les non-usagers, 17 % de la population se trouverait donc, selon l'Insee, en situation d'illectronisme .

Il convient de noter qu'illectronisme pour cause matérielle et illectronisme pour cause d'incompétence sont intimement liés : le non-usage et le non-équipement expliquent et reflètent pour partie l'absence de compétence, et inversement. L'absence de compétence est par exemple invoquée pour expliquer près de la moitié (41 %) du non-équipement . Inversement, le non-équipement, chez les personnes précaires par exemple, renforce le décrochage en matière de compétences. Bien souvent, les deux faces de l'illectronisme s'alimentent donc mutuellement.

b) L'existence d'un « halo » de l'illectronisme, s'étendant à près de la moitié de la population, plaçant la France dans la moyenne européenne

La définition rigoriste de l'Insee reviendrait à exclure du champ des politiques publiques une large partie de la population qui, bien qu'utilisant Internet et disposant d'au moins une compétence de base, n'est pourtant pas totalement à l'aise avec l'outil numérique. Il semble en réalité que l'illectronisme forme un « halo », allant des formes les plus sévères, caractérisées par une incompétence totale à faire, associée bien souvent à un non-équipement, à des formes plus légères, caractérisées par l'absence de quelques compétences, parfois secondaires.

Selon l'étude de l'Insee , 38 % des usagers manquent d'au moins une compétence dans les quatre domaines identifiés par Eurostat que sont la recherche d'information, la communication, l'utilisation de logiciels et la résolution de problèmes. En rapportant ces chiffres à l'ensemble de la population, autrement dit, en intégrant les non-usagers, on en conclut que près de la moitié de la population française âgée de plus de 15 ans ( 47,3 %) manque au moins d'une compétence de base . En appliquant les critères d'Eurostat, l'Insee constate par ailleurs que 43 % des individus de 16 à 74 ans avaient un score global de capacité numérique nul ou faible. Ce score place la France dans la moyenne européenne .

Si l'illectronisme, au sens le plus strict du terme, ne touche donc que 17 % de la population, son « halo » s'étend bien plus largement et affecte près de la moitié des Français. « Tout dépend de la définition donnée à la question de l'inclusion et aux usages des outils numériques » résume Salwa Toko, présidente du Conseil national du numérique 33 ( * ) .

Les travaux menés par France Stratégie 34 ( * ) , s'appuyant sur une enquête Capacity, confirment également l'intuition d'une exclusion numérique diffuse, touchant une partie importante de la population, à des degrés cependant très variables.

L'enquête identifie cinq catégories, définissant une cartographie de la société numérique , d'une périphérie déconnectée à un coeur pleinement digitalisé : les non-internautes, les internautes « distants », les internautes « traditionnels », les internautes « utilitaristes » et les « hyper-connectés ». Sont considérées éloignées du numérique les deux premières catégories : les non-internautes, qui ne se connectent jamais à Internet, et les internautes « distants », « dont les compétences numériques sont faibles au point de ne pas pouvoir réaliser certaines opérations simples comme les démarches administratives en ligne, la recherche d'information, les achats en ligne, etc. ». De nombreuses variables sont utilisées par l'étude pour répartir la population française au sein de ces catégories 35 ( * ) .

La première catégorie, celle de non-internautes, rassemble 16 % de la population française âgée de plus de 18 ans. L'évaluation de France Stratégie est ainsi très proche de celle de l'Insee.

La seconde catégorie, celle des « distants », est évaluée à 12 % de la population française.

France Stratégie estime donc que 28 % de la population française est éloignée du numérique, soit 14 millions de personnes . Les autres catégories sont ainsi réparties : les internautes « traditionnels » (14 %), les internautes « utilitaristes » (32 %) et les « hyper-connectés » (26 %).

2. Des difficultés particulièrement marquées en matière d'utilisation de logiciels et de recherche d'information

Les études précitées permettent d'établir une typologie des difficultés les plus fréquemment rencontrées dans la population. C'est notamment le cas du travail de l'Insee, qui mesure la maîtrise des compétences de base ciblées par Eurostat.

Selon l'Insee, le défaut de compétence le plus répandu concerne l'usage de logiciels . Il est ainsi évalué que 35 % des usagers d'Internet et 45 % de l'ensemble de la population sont dépourvus de la capacité à utiliser un logiciel de traitement de texte . Cette statistique est d'autant plus inquiétante que le traitement de texte informatique est devenu incontournable dans la vie courante et professionnelle, notamment pour rédiger lettres de motivation ou curriculum vitae.

L'étude de l'Insee révèle également qu'une part non négligeable de Français est incapable de rechercher des informations sur Internet (11 % des usagers et 24 % de la population). Deux types de recherches font particulièrement défaut : celles permettant d'obtenir des renseignements sur des produits et services (33 % des usagers, soit près de la moitié de la population) et, surtout, celles permettant d'accéder à des informations administratives (49 % des usagers, soit plus de 60 % de la population ). En conséquence, selon l'étude de France Stratégie, seulement 30 % des internautes « distants » avaient déjà effectué au moins une démarche administrative en ligne en 2017, contre 80 % pour l'ensemble des usagers (le taux atteint près de 100 % pour la catégorie des « hyper-connectés »).

Enfin, la résolution de problèmes (8 % des usagers et 22 % de la population) et la communication (7 % des usagers et 22 % de la population) complètent le tableau des catégories de compétences faisant le plus défaut.

3. Une exclusion numérique touchant principalement les seniors, les moins diplômés et les précaires
a) Les seniors tout particulièrement touchés par l'illectronisme

Si l'exclusion numérique frappe l'ensemble des catégories sociodémographiques, certains facteurs de risque émergent tout particulièrement de l'étude de l'Insee. Pour les identifier, il faut adopter une analyse « toutes choses égales par ailleurs », qui permet de neutraliser les biais statistiques.

Le premier facteur d'exclusion est celui de l'âge . Les cohortes de 75 ans ou plus et de 60-74 ans ont ainsi respectivement près de 9 fois (8,8) et 5 fois plus de risque d'être en situation d'illectronisme que les 15-29 ans . Stéphane Legleye, chercheur à la division Conditions de vie des ménages de l'Insee, responsable de l'étude de l'Insee, met cependant en garde contre une analyse trop binaire de cet aspect de l'étude : « bien que l'âge constitue un facteur particulièrement discriminant, il ne faut pas perdre de vue des formes parfois plus complexes d'exclusion numérique chez les jeunes . Ces derniers sont certes beaucoup moins concernés par la catégorie « illectronisme », notamment car il est plus rare qu'ils soient totalement dépourvus de compétences numériques. Mais il est moins rare que des adolescents ou jeunes adultes, particulièrement actifs sur les réseaux sociaux et aptes à communiquer par Internet, soient en difficulté pour d'autres tâches, comme l'envoi de courriels ou la recherche d'informations administratives ».

Le deuxième facteur d'exclusion est celui du niveau de diplôme . Une personne sans diplôme ou titulaire d'un certificat d'études primaires (CEP) et une personne titulaire d'un certificat d'aptitude professionnel (CAP), d'un brevet d'études professionnels (BEP) ou d'un brevet des collèges (BEPC) sont respectivement 4 et 2,5 fois plus susceptibles d'être en situation d'illectronisme qu'une personne ayant effectué des études supérieures .

Le troisième facteur de risque est celui du niveau de vie , bien qu'il soit moins explicatif que celui du niveau de diplôme. Les ménages modestes ont ainsi 2 fois plus de risque d'être en situation d'illectronisme que les ménages aisés.

On distingue un dernier facteur d'exclusion, moins significatif cependant : celui du type de ménage (avec un facteur de risque de 2,3 pour les personnes vivant seules et de 1,7 pour les couples sans enfant par rapport à un couple avec au moins un enfant). Selon l'Insee, cela « pourrait témoigner du rôle formateur des jeunes dans l'acquisition des compétences de leurs parents ».

Enfin, bien que ce facteur de risque ne soit pas spécifiquement étudié par l'étude de l'Insee, il convient de rappeler que les personnes illettrées souffrent naturellement d'illectronisme, « bien que la réciproque ne soit pas vérifiée », comme l'a noté l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) devant les membres de la mission d'information. 7 % de la population adulte âgée de 18 à 65 ans ayant été scolarisée en France est en situation d'illettrisme, soit 2 500 000 personnes en métropole. Ces chiffres de l'ANLCI permettent donc d'expliquer une part minoritaire mais non négligeable de l'illectronisme en France.

b) Les seniors plus exposés à l'exclusion par la compétence, les précaires plus exposés à l'exclusion matérielle

Ces différentes catégories sociodémographiques ne sont pas exposées de la même manière à l'illectronisme.

L'Insee constate ainsi que « l'âge joue davantage sur les compétences que sur l'équipement, alors que le niveau de vie est plus discriminant pour l'équipement que pour les compétences ». En pratique, pour les catégories d'âge supérieures à 30 ans, les risques d'être non-équipé ou incompétent sont très proches : par exemple, les 60-74 ans ont respectivement 3 et 2,8 fois plus de risque que les 15-29 ans de ne pas avoir d'équipement internet et d'avoir au moins une incapacité. Il semble cependant que le non-équipement lié à l'âge soit en bonne partie expliqué par l'absence de compétence .

A contrario , le niveau de vie n'est pas un facteur significatif d'exclusion par la compétence : les ménages modestes (1 er quintile) ont 1,65 fois plus de risque de manquer d'au moins une capacité que les ménages aisés (5 e quintile). Le niveau de vie expose en revanche beaucoup plus au risque d'exclusion matérielle : les ménages modestes ont 3,7 fois plus de risque de ne pas être équipés que les ménages aisés. Toutes choses égales par ailleurs, l'illectronisme des classes populaires est donc avant tout une affaire d'accès aux terminaux numériques. À cet égard, cumulés, les coûts du matériel (32 %) et de l'abonnement (27 %) dépassent l'absence de compétence (41 %) comme raison explicative du non-équipement des Français. Le coût explique donc 59 % du non-équipement des Français .

Les données de l'Arcep 36 ( * ) confirment d'ailleurs que l'effet du profil socio-économique est déterminant sur le taux d'équipement en terminaux numériques. Les membres des ménages aisés (5 e quintile) sont ainsi 85 % à posséder un smartphone contre seulement 72 % des membres des ménages modestes (1 er quintile). L'écart est encore plus fort pour l'équipement en ordinateur : 92 % des membres des ménages aisés en sont équipés contre seulement 64 % de ceux qui vivent dans des ménages modestes.

L'Arcep note d'ailleurs un recul particulièrement important du taux d'équipement en ordinateur des ménages modestes ces deux dernières années (-1 point seulement chez les titulaires de hauts revenus contre -5 à -7 points dans les groupes les moins bien lotis). On observerait donc, avec l'avènement du smartphone, un effet de substitution technologique important chez les plus modestes. « Plusieurs éléments viennent corroborer cette hypothèse : le multi-équipement du smartphone et de l'ordinateur a évolué deux fois moins vite chez les bas revenus que dans le reste de la population (+2 points en moyenne par an entre 2013 et 2019 contre +4 points par an sur la population totale) ; et l'utilité ressentie du smartphone dans cette catégorie socio-économique a augmenté de 7 points entre 2017 et 2019 (contre +2 sur la population totale) ».

En résumé, l'exclusion par la compétence est plus marquée chez les seniors et l'exclusion matérielle chez les précaires. Il convient cependant de rappeler que ces deux faces de l'illectronisme s'alimentent mutuellement, rendant peu pertinente l'analyse isolée de l'une et de l'autre .

c) Des inégalités territoriales en matière d'illectronisme, moins significatives cependant qu'en matière d'accès aux réseaux

Les taux de non-équipement (13,2 %) et de non-usage (16,7 %) sont plus élevés dans les communes rurales et les unités urbaines de moins de 10 000 habitants que dans les unités urbaines de 10 000 à 1 999 999 habitants (respectivement 12,2 % et 14,7 %) et en agglomération parisienne (8,2 % et 11,9 %).

On retrouve les mêmes différences concernant le taux de personnes exposées à au moins une incapacité : 50,7 % pour les territoires ruraux et les petites villes, 45,8 % dans les territoires urbains, 40,9 % en région parisienne.

Cependant, « ces sur-risques sont largement dus à des différences de population » , notamment à des écarts d'âge moyen ou de niveaux de diplômes entre les territoires. En neutralisant ces caractéristiques par une analyse « toutes choses égales par ailleurs », les facteurs de risque deviennent statistiquement non significatifs. Les habitants des communes rurales et des unités urbaines de moins de 10 000 habitants n'ont ainsi que 1,1 fois plus de risque d'être non-équipés ou non-usagers que les habitants de l'agglomération parisienne. Le facteur de risque d'exposition à l'incapacité est même très proche de 1 (0,98).

Aussi, si une partie du territoire souffre encore de l'insuffisant déploiement des réseaux de communication (voir infra ), seuls 5 % du non-équipement seraient dus à l'absence d'offre haut débit. Cela représente, selon les calculs de la mission, 0,6 % de la population, soit 400 000 Français . Cela correspond aux cas très résiduels de non-couverture du territoire en bon « haut » débit. Pour ces quelques milliers de Français, une connexion en « bon » haut débit devra impérativement être assurée d'ici la fin de l'année 2020 37 ( * ) , comme le prévoit le plan France Très Haut Débit.

L'illectronisme est donc une forme d'ostracisme, excluant une partie du corps social de la société numérique . Les inégalités d'accès au réseau sont d'une autre nature ; elles ne sont plus réellement un facteur d'exclusion, très rares étant encore les zones non couvertes par une offre en « bon » haut débit. Elles sont plutôt un facteur d'éloignement du coeur de la société numérique : avec des réseaux de moins bonne qualité, on se connecte, mais moins facilement et moins rapidement. En la matière, la priorité se porte donc aujourd'hui sur l'amélioration de la qualité et la montée en débit des réseaux dans les territoires : les objectifs fixés par les pouvoirs publics en matière de couverture du territoire en très haut débit et, en particulier, en fibre optique, devront donc être atteints (voir encadré ).

Le plan France Très Haut Débit et ses objectifs

Lancé en 2013, le plan France Très Haut Débit vise la couverture intégrale de la population en très haut débit d'ici fin 2022, dont 80 % en fibre optique jusqu'au domicile (FttH), technologie ayant vocation à être généralisée sur l'ensemble du territoire en 2025. À court terme, le plan vise également la couverture intégrale de la population en « bon » haut débit d'ici fin 2020. Il prévoit en parallèle un plan d'investissements de 20 milliards d'euros, dont 14 milliards pour le développement des réseaux d'initiative publique et 3,3 milliards de soutien de l'État à ces réseaux publics via un « guichet » France Très Haut Débit.

L'atteinte des objectifs impliquera de maintenir le rythme de déploiement observé avant le début de la crise sanitaire, avec un record de 4,8 millions de prises FttH déployées en 2019.


* 28 « Seules 6 % des personnes équipées à domicile n'utilisent pas Internet, et inversement, seuls 2 % des usagers ne sont pas équipés »

* 29 Champ : individus de 15 ans ou plus, France hors Mayotte.

* 30 Les données sont issues de l'enquête annuelle auprès des ménages sur les technologies de l'information et de la communication (enquête « TIC ménages ») qui permet de décrire l'équipement et les usages des ménages dans le domaine des technologies de l'information et de la communication.

* 31 Arcep, Baromètre Numérique 2019 - Enquête sur la diffusion des technologies de l'information et de la communication dans la société française en 2019 , novembre 2019.

* 32 Selon l'Arcep, le smartphone étant le terminal privilégié par les Français pour se connecter à Internet (51 %), devant l'ordinateur (31 %) et la tablette (6 %). Le reste (12 %) correspond manifestement aux personnes non-équipées.

* 33 Audition du 9 septembre 2020.

* 34 Les bénéfices d'une meilleure autonomie numérique, France Stratégie, juillet 2018.

* 35 « Un groupe de variables est sélectionné pour mesurer la proximité des individus avec internet. Dans ce groupe, on retrouve la variable visant à informer sur l'aisance des individus, leur ancienneté sur internet, mais également leurs supports de connexion, l'utilisation de comptes en ligne et la fréquence d'utilisation d'Internet pour effectuer des démarches administratives en ligne. Une autre série de variables cherche à identifier les profils en fonction des modes d'usage d'Internet : modes de communication en ligne, mais aussi de consommation, de divertissement, d'apprentissage et d'information. Enfin, une dizaine de variables sur les compétences perçues par les enquêtés sont assimilées à cinq domaines de compétences numériques : compétences informationnelles, opérationnelles, créatives, sociales et mobiles. »

* 36 Arcep, Baromètre Numérique 2019 - Enquête sur la diffusion des technologies de l'information et de la communication dans la société française en 2019 , novembre 2019.

* 37 Le « bon » haut débit correspond à un débit supérieur à 8 Mbit/s. Dans le cadre du plan France Très Haut Débit, les déploiements de réseaux filaires (fibre optique (FttH), réseau téléphonique ou câblé) portés par les collectivités territoriales et les opérateurs privés doivent permettre d'apporter du « bon » haut débit à 94 % des foyers français d'ici 2020. En complément, les technologies sans fil ou hertziennes (satellite, THD Radio et 4G fixe) doivent permettre aux foyers non couverts par les réseaux filaires d'accéder à l'Internet à « bon haut débit » à cette date. Pour ce faire, un « guichet cohésion numérique », ouvert depuis mars 2019, et doté de 100 millions d'euros, a vocation à soutenir les particuliers pour l'installation des équipements nécessaires à ces technologies non filaires, via une aide pouvant atteindre 150 euros par installation.

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