EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 26 mai 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Bernard Delcros, rapporteur spécial, sur le financement de la lutte contre les algues vertes.

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons maintenant les conclusions du contrôle budgétaire mené par Bernard Delcros, en sa qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission « Cohésion des territoires » pour le volet de la politique des territoires.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Pourquoi ai-je souhaité mener un contrôle budgétaire sur la lutte contre les algues vertes en Bretagne ? Tout d'abord, les algues vertes constituent un important sujet de santé publique. Par ailleurs, le second plan de lutte contre les algues vertes (PLAV 2), pour lequel l'État intervient au travers du programme 162 de la mission « Cohésion des territoires », couvre la période 2017-2021 : le moment me semblait venu d'analyser la pertinence des outils et des moyens engagés par l'État depuis 2010 et d'examiner les suites qu'il conviendrait de donner au plan actuel.

Le principal constat qui ressort de mon analyse est le suivant : si des avancées ont été obtenues et elles sont réelles, elles demeurent insuffisantes. Les financements ne sont pas assez ciblés sur les incitations au développement de pratiques agricoles plus vertueuses. Il est donc impératif de mettre en place un plan de troisième génération plus ambitieux, engageant davantage la filière agroalimentaire.

Je commencerai par un bref historique.

Les algues vertes se développent en Bretagne depuis les années 1970 en raison d'un taux de nitrates élevé dans les eaux littorales, qui agit comme un fertilisant. Ces nitrates sont à 98 % d'origine agricole et découlent principalement des épandages d'effluents provenant des élevages intensifs ainsi que d'un usage massif d'intrants. Ils sont donc liés au modèle agricole développé à partir des années 1960. Cette donnée faisait encore débat il y a une dizaine d'années. Aujourd'hui, elle est partagée par tous les acteurs.

Les marées vertes peuvent être dangereuses, car la décomposition des algues libère de l'hydrogène sulfuré (H2S). Les risques sanitaires peuvent donc être considérables, selon les périodes et les volumes d'algues échouées.

Cet enjeu de santé publique est aujourd'hui reconnu comme tel. En outre, la présence d'algues vertes sur les côtes bretonnes entraîne une baisse d'attractivité des territoires concernés. Les conséquences économiques sont loin d'être négligeables ; elles sont d'ailleurs chiffrées.

Malgré ces constats, la réponse de l'État a été lente. Dans un premier temps, elle s'est concentrée sur le seul ramassage des algues, si bien que l'on n'a pas traité la cause du problème.

Les premières marées vertes ont atteint un seuil critique dès le début des années 1970 et au début des années 2000 plusieurs accidents graves ont été identifiés comme causés par la forte concentration d'algues.

Pourtant, il aura fallu attendre 2010 pour que l'État s'engage dans la mise en place du premier PLAV, qui a rassemblé les différents acteurs autour d'un programme global. Ce premier plan, pour 2010-2015, a été prolongé par le PLAV 2 sur la période 2017-2021.

En 2002, puis en 2013, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a condamné la France au titre de la directive Nitrates. En 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a considéré que la responsabilité de la France était engagée du fait de l'absence de mesures suffisantes pour endiguer la prolifération des algues vertes. Nous attendons également, d'un jour à l'autre, un jugement du tribunal administratif de Rennes ; le réquisitoire du ministère public est assez sévère.

Les crédits de l'État dédiés à cette question représentent environ 7 millions d'euros par an - 5 millions d'euros au titre du PLAV et 2 millions d'euros pour d'autres actions.

Le PLAV réunit l'État, le conseil régional de Bretagne, les conseils départementaux des Côtes-d'Armor et du Finistère ainsi que l'agence de l'eau Loire-Bretagne. Il concentre ses financements sur huit baies dites « baies algues vertes » pour un programme qui se décline en trois volets : un volet préventif visant à limiter, en amont, les apports en azote ; un volet curatif pour le ramassage des algues vertes ; et un volet scientifique pour améliorer la connaissance du phénomène.

Le volet préventif concerne principalement le secteur agricole et fonctionne sur la base du volontariat : les agriculteurs des baies concernées s'engagent contractuellement sur un plan d'actions visant à améliorer leurs pratiques agricoles et bénéficient de financements en contrepartie.

Le PLAV 2 s'élève à 60 millions d'euros sur cinq ans, financés à 40 % par l'État. Ces 5 millions d'euros annuels sont inscrits au programme des interventions territoriales de l'État (PITE) et constituent l'axe 5 de l'action « Eau et agriculture en Bretagne ».

La gouvernance du PLAV repose sur trois comités : le comité de pilotage, le comité de programmation et le comité régional de suivi, en lien avec les porteurs de projets au niveau des baies.

Du fait de la difficile articulation entre ces trois niveaux, le pilotage du PLAV manque de lisibilité. Il doit être simplifié. De même, les modalités de financement sont complexes et pâtissent des difficultés d'articulation entre les différents financeurs.

Au total, ces plans quinquennaux me semblent de bons outils opérationnels, mais leurs modalités de mise en oeuvre doivent être améliorées.

Le programme 162 est composé d'actions répondant à des enjeux locaux spécifiques et surtout, rassemble des contributions issues de programmes de différents ministères. Pour ces raisons, le PITE est l'outil le mieux adapté pour financer la lutte contre les algues vertes. Il permet de prendre en compte les spécificités des actions locales et de garantir la cohérence de l'action de l'État grâce à un pilotage réactif.

Très concrètement, l'action « Eau et agriculture en Bretagne » du PITE finance le remboursement aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des frais de ramassage et de traitement des algues. Elle finance également des aides dites « innovantes », notamment des chantiers collectifs de semis précoces, qui limitent le ruissellement des nitrates vers les cours d'eau. Quant aux contributions des autres partenaires, en particulier la région et les départements, elles recouvrent essentiellement des aides de droit commun.

Néanmoins, s'ils sont réels, les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux.

L'objectif principal du PLAV est d'encourager les exploitants agricoles à améliorer leurs pratiques pour permettre d'abaisser les taux de nitrates ; mais ce recul est lent. De plus, il semblerait qu'un seuil de réduction soit aujourd'hui atteint, ce qui entraîne une forme de lassitude sur le terrain. Entre 2014 et 2017, la quantité d'azote épandue a même augmenté dans plus du quart des exploitations agricoles bretonnes, malgré les recommandations et les aides apportées dans le cadre du PLAV.

Il est également important de savoir que les effets des actions menées sur le terrain ne sont pas mesurables immédiatement en raison du temps long de réponse des milieux, évalué à une dizaine d'années. De surcroît, le stock d'algues évolue en fonction des conditions climatiques. Dans ces conditions, une évaluation précise et fiable des plans mis en oeuvre est difficile.

En résumé, la priorité doit être de renforcer l'accompagnement des agriculteurs pour qu'ils accélèrent l'amélioration de leurs pratiques, ce qui suppose une plus forte implication de la filière agroalimentaire.

Pour répondre à ces constats, j'ai formulé vingt-trois propositions, qui se déclinent en quatre axes.

Le premier axe concerne l'organisation du PLAV. Si, pendant une période transitoire, le plan actuel doit être prolongé quelque temps, il me semble nécessaire de mettre en place le plus rapidement possible un plan de troisième génération plus ambitieux, qu'il s'agisse des objectifs de réduction des taux de nitrates, des crédits dédiés ou des moyens humains. En outre, ce nouveau plan devra simplifier la gouvernance et clarifier le pilotage entre les échelons départementaux et la région.

Le deuxième axe porte sur l'architecture du financement et l'articulation entre les différents financeurs. Il me paraît fondamental de conserver le PITE, qui a fait la preuve de sa souplesse et de son efficacité. En revanche, la pratique du transfert en gestion qui conduit à alimenter le PITE à l'été me semble contreproductive : lorsque nous adoptons la loi de finances, au mois de décembre, deux tiers des crédits de l'action échappent à notre vote et ne peuvent être intégrés à la programmation budgétaire. Cette situation n'est pas saine. Elle fragilise forcément l'action de l'État.

Le troisième axe porte sur le coeur du problème : les financements doivent être orientés vers des mesures plus efficaces au niveau des exploitations pour réduire davantage les fuites de nitrates. De plus, la lutte contre les algues vertes ne peut pas faire l'économie d'une réglementation adaptée, laquelle implique un accompagnement financier des agriculteurs et surtout un engagement de la filière agroalimentaire.

Le quatrième axe porte sur la mise en place de nouveaux outils d'évaluation et de suivi. De nouveaux indicateurs doivent ainsi permettre de mieux établir la performance des PLAV.

Enfin, il est impératif de renforcer les moyens de contrôle des services de l'État, qui se sont érodés depuis une quinzaine d'années, pour que des contrôles sérieux et assez nombreux puissent être menés à bien. Cette nécessité est reconnue par tous les acteurs, y compris les représentants de la profession agricole.

La lutte contre les algues vertes en Bretagne est un combat de longue haleine. L'engagement de l'État doit être pérennisé et renforcé pour que les résultats soient enfin à la hauteur des enjeux. Seuls une exigence de résultats accrue et des moyens adaptés pourront enfin ouvrir une perspective de côtes bretonnes sans marées vertes.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . -Notre commission s'empare de plus en plus souvent des sujets environnementaux, et c'est heureux.

Ce travail me fait penser à celui que j'ai consacré, en 2015, au coût économique et financier de la pollution de l'air, dans le cadre d'une commission d'enquête. Je souhaite que vos vingt-trois recommandations aient plus de succès que les soixante et une propositions que nous avions adoptées : presque aucune d'entre elles n'a été suivie d'effet.

A-t-on prévu d'inscrire dans le suivi d'évaluation un état des lieux qui permettrait de valider de manière collégiale les moyens financiers engagés ? Il importe de coordonner l'action de l'État, des agences de l'eau et des collectivités territoriales.

Quant au contentieux européen, que risque la France si elle est condamnée ? Quelles mesures d'accompagnement l'Europe pourrait-elle intégrer dans la politique agricole commune (PAC) ? Le mot de « transition » est à la mode, mais il faut parfois attendre dix ans avant de constater une amélioration de certains phénomènes. Les populations peuvent manifester leur opposition aux mesures adoptées ou bien, au contraire, s'engager pour les soutenir. L'étirement des dispositifs dans le temps constitue une difficulté non négligeable. Il faut prévoir des mesures d'accompagnement, si l'on veut réussir la transition.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - oui, je suis d'accord, il est important de prévoir un état des lieux. Après le premier plan de lutte contre la prolifération des algues vertes, entre 2010 et 2015, le manque d'anticipation a provoqué une rupture et une interruption des financements avant qu'intervienne un deuxième plan, en 2017. Pour éviter que la situation se répète, un temps de prorogation à l'issue du plan actuel est prévu jusqu'en 2023. Il faut procéder à une évaluation plus précise des indicateurs et tirer parti des deux ans de prorogation pour travailler à mettre en oeuvre un plan de troisième génération qui reposera sur des bases solides.

La France a fait l'objet de deux condamnations au niveau européen, en 2002 et en 2013 pour manquement à la directive « nitrates ». Des condamnations sont également intervenues dans le cadre des juridictions françaises, notamment à Nantes en 2014. Si elle est à nouveau condamnée, la France devra payer une amende. Au-delà des condamnations, je partage votre avis sur l'intérêt qu'il y aurait à accompagner les plans de lutte contre les algues vertes par des financements européens.

M. Dominique de Legge . - Le premier axe prévoit de « simplifier » la gouvernance. Le terme est-il vraiment adapté ? En effet, je m'interroge afin de savoir s'il y a vraiment un pilote dans l'avion. L'État n'est pas seul à intervenir, mais il y a aussi la région, le département, les EPCI, le comité et l'agence de bassin. Pas une seule élection ou pas un seul colloque ne se passe sans qu'une association ou une collectivité vienne cocher la case « algues vertes en Bretagne ».

Qui pourrait tenir le plus efficacement possible le rôle de pilote pour mettre de l'ordre dans la multiplicité des intervenants ?

M. Michel Canévet . - Je tiens à vous rassurer : vous pouvez venir en Bretagne sans risquer d'y être victimes de pollution. D'autant que des expériences de valorisation des algues comme ressources sont en cours, grâce à la production de nouveaux produits que l'on utilise, par exemple, dans la composition de l'alimentation des animaux pour améliorer leur résistance physique. En Bretagne, nous transformons les difficultés en ressources !

Le rapporteur spécial a bien appréhendé la situation. Depuis quelques années, certaines baies sont très affectées par la production d'algues vertes. Le phénomène s'explique par la configuration de ces baies, par des raisons climatiques et par la présence accrue de sels minéraux qui transitent vers la mer, sous l'effet de la chaleur. Il entraîne un coût que les collectivités ont assumé avec l'aide tardive de l'État. Les programmes que l'on a développés commencent à donner des résultats.

Nombreux sont ceux qui considèrent que cette pollution est d'origine agricole. Après la Seconde Guerre mondiale, on a demandé à la Bretagne, pourtant encore pauvre, de nourrir la France et l'Europe. Les agriculteurs se sont engagés à remplir cette mission, qui a généré des besoins de production intenses pour maintenir des coûts assez bas, avec les conséquences néfastes que nous observons aujourd'hui. La valorisation des matières premières produites n'a pas toujours dégagé les marges financières nécessaires pour mettre en place des outils de traitement. Le cours du porc est resté bas jusqu'à une époque récente. Idem pour les produits laitiers. Les producteurs bretons peinent encore à gagner leur vie.

Les réglementations se sont néanmoins accrues, même si l'on a parfois le sentiment d'une superposition d'acteurs. Que ce soit dans le cadre des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) ou bien par le biais des commissions des eaux, les élus locaux, les responsables agricoles et les administrations sont totalement investis dans la reconquête de la qualité de l'eau. Il manque toutefois un pilote pour coordonner tous ces dispositifs. Je souscris à la proposition du rapporteur spécial de prolonger et d'accentuer les efforts à réaliser pour que les pratiques agricoles soient davantage en adéquation avec les attentes actuelles. La plupart des exploitants les ont déjà fait évoluer. La méthanisation, par exemple, sert désormais à traiter les déjections animales, dont on considère qu'elles sont à l'origine de nombreuses difficultés.

Les vingt-trois recommandations du rapport sont intéressantes et je remercie le rapporteur spécial pour ce travail. Si elles sont suivies, nous parviendrons à reconquérir la qualité des eaux littorales en Bretagne.

M. Claude Raynal , président . - Je félicite Michel Canévet pour cette défense précise de son territoire...

Mme Christine Lavarde . -La gestion de ces algues donne l'impression d'une usine à gaz.

La Bretagne n'est pas la seule de nos régions à être perturbée par les algues vertes. Les territoires d'outre-mer et le sud de la France connaissent les mêmes difficultés. A-t-on développé des plans de gestion des algues ailleurs qu'en Bretagne ? L'exemple breton a-t-il, par exemple, été dupliqué sur la côte normande ?

La gestion de la qualité de l'eau a aussi des conséquences sur l'économie des territoires, notamment en matière de tourisme. Des réflexions ont-elles été lancées sur la gestion d'autres situations de crises « naturelles », pour ainsi dire, comme la prolifération des méduses ?

M. Arnaud Bazin . - Dispose-t-on d'éléments quantitatifs sur les apports de nitrates que l'on retrouve dans les cours d'eau, puis dans les baies concernées ? Quelle répartition entre ceux qui sont liés à l'épandage des déjections des animaux, et ceux qui viendraient des engrais utilisés pour les cultures végétales ? Le problème est-il lié à l'élevage industriel, ou bien à la nature des cultures sur des sols aux caractéristiques particulières, à moins que les deux causes s'entremêlent ?

Je me pose les mêmes questions que mes collègues sur la valorisation des algues, car on souhaite surtout les faire disparaître. Or il semble difficile de construire une filière à partir d'une matière que l'on veut surtout éliminer. La toxicité des algues est liée à une fermentation inappropriée qui produit de l'hydrogène sulfuré. Cependant, les algues restent une matière organique que l'on pourrait valoriser autrement. Quelles pistes a-t-on pour cela ?

M. Marc Laménie . -Dans mon département, on trouve aussi des algues. Certaines rivières, comme la Swalm, affluent de la Meuse qui prend sa source en Belgique, connaissent une prolifération d'algues qui s'étend aussi sur les canaux. Le rapporteur spécial a travaillé sur la Bretagne. Des études ont-elles été menées sur la prolifération d'algues liée aux nitrates dans d'autres territoires ? Quid de la multiplicité des intervenants ? L'ensemble des territoires est concerné.

M. Christian Bilhac . - Je félicite le rapporteur spécial pour son excellent travail.

Peut-on déterminer quelle part joue l'épandage dans le phénomène ? L'épandage sert-il à se débarrasser des nitrates, ou bien à alimenter les sols ? S'il s'agit uniquement de s'en débarrasser, peut-être pourrait-on traiter les nitrates en amont pour en faire du gaz, par exemple ?

Un paysan breton a-t-il plutôt intérêt à obtenir des aides dans le cadre du PLAV 2 ou bien dans le cadre des mesures de la PAC pour l'élevage intensif ? Je suis d'origine paysanne et je sais comment l'on compte. Les choix financiers l'emportent toujours sur les bons sentiments.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Dominique de Legge me demande s'il y a un pilote dans l'avion. Il existe beaucoup de structures - le comité de pilotage, le comité de programmation, le comité régional de suivi et des comités techniques, sans compter les instances de chaque baie - et nous préconisons d'en réduire le nombre, mais le pilote dans l'avion doit être le préfet de région. Le PITE du programme 162 présente l'avantage de pouvoir rassembler des financements provenant de différents ministères entre les mains du préfet de région. Cela simplifie les procédures et place le préfet de région en position privilégiée pour fédérer des acteurs et articuler des intérêts divergents entre eux.

Monsieur Canévet, il ne s'agit pas de juger aujourd'hui le modèle de développement agricole des années 1960, qui répondait aux besoins de l'époque en fonction des connaissances du moment, mais il faut bien traiter les problèmes actuels qui en découlent.

Le PLAV 2 sera prorogé de deux ans, mais, dès maintenant, tous les acteurs doivent se mettre autour de la table pour préparer un plan de troisième génération, plus ambitieux, sans quoi on ne résoudra pas le problème.

Les exploitations agricoles ont effectivement changé leurs pratiques, par exemple en évitant le ruissellement de nitrates, grâce aux semis précoces et à la couverture des sols. La valorisation des algues consistait à épandre les volumes récoltés. L'autre mode de valorisation est la méthanisation, qui pose également problème, car des entreprises se spécialisent pour cela dans la culture du maïs, très consommatrice en eau et en intrants.

Au-delà de ces deux pratiques, on ne réfléchit pas assez, à mon avis, à d'autres utilisations des effluents. Si les effluents sont épandus, c'est, d'une part, parce qu'ils sont disponibles et, d'autre part, parce qu'ils fertilisent les sols et génèrent un surcroît de rendement.

Les PLAV n'existent qu'en Bretagne. Des problèmes commencent à naître ailleurs, mais de manière moins importante. Des initiatives locales sont prises, mais les élus de certains départements sont réticents à la mise en place d'un plan comparable à celui de la Bretagne pour éviter un coup de projecteur sur la présence d'algues vertes qui pourrait porter atteinte à l'attractivité de leurs territoires, donc à l'économie.

C'est pourquoi je propose d'identifier, au-delà des huit baies, les territoires et les actions à mener sur l'ensemble des secteurs littoraux concernés par des marées vertes, afin de mettre en place suffisamment tôt des programmes d'actions adaptés. En Bretagne, on est intervenu tardivement. La situation était déjà très dégradée. Il importe que les territoires identifient suffisamment tôt les problèmes pour les traiter en amont.

Arnaud Bazin m'a interrogé sur la part de la concentration en nitrates liée à l'activité agricole. La responsabilité de l'activité agricole a fait débat durant des années. Aujourd'hui, la question est tranchée : les études ont montré que 95 à 98 % des taux de nitrate étaient liés à l'activité agricole, la principale cause étant l'élevage et l'épandage des effluents trop concentrés - élevage et végétal se rejoignent, car la part des cultures à destination de l'élevage représente 70 % de celles-ci. Un consensus existe désormais à ce sujet. La profession agricole elle-même le reconnaît, comme me l'a confirmé la présidente de la chambre régionale d'agriculture.

On recense d'autres facteurs que la concentration de nitrates, notamment des facteurs climatiques : quand les eaux sont plus chaudes, les algues se développent davantage. On peut donc imaginer que, sur le temps long, le réchauffement climatique accélèrera la prolifération des algues vertes. La configuration des baies joue également, de même que le niveau de précipitations de l'année : quand celles-ci ont été fortes, le ruissellement est plus important, ce qui accélère la circulation des nitrates entre l'amont et le littoral. Ces facteurs climatiques et environnementaux ne créent pas de nitrates supplémentaires, mais peuvent accélérer la prolifération des algues vertes. Il est donc très difficile d'établir de façon précise la performance des mesures. L'arrivée des algues sur le littoral prend des années, mais elle est modifiée, accélérée ou ralentie par les conditions climatiques et environnementales.

Les aides de la PAC pour la Bretagne s'élèvent à 430 millions d'euros annuels, quand celles du PLAV 2 sont de 20 millions d'euros. Les ordres de grandeur ne sont donc pas du tout les mêmes. De nombreux agriculteurs bénéficient des aides du PLAV, sur la base du volontariat - ils doivent avoir signé un contrat. Un peu plus de la moitié des agriculteurs perçoivent aujourd'hui les aides du PLAV et celles de la PAC, notamment au titre des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC).

Mes chers collègues, je vous remercie de votre attention et de votre intérêt pour ce sujet important, qui revient régulièrement dans l'actualité et qui recouvre des enjeux de santé publique et des enjeux économiques.

La commission a donné acte au rapporteur spécial de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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