B. LES ENJEUX LIÉS À L'ORGANISATION DU SYSTÈME DE RECHERCHE : UN OUBLIÉ DE LA LOI DE PROGRAMMATION

1. La simplification et l'allègement des tâches administratives des chercheurs : peu d'avancées concrètes

La loi de programmation ne comporte pas de disposition ayant directement pour objectif d'alléger la charge administrative incombant aux chercheurs. Son alourdissement au fil des années constitue pourtant l'une des critiques les plus fréquemment portées à l'encontre du système de recherche français et l'une des causes participant à sa perte de compétitivité.

Seul le rapport annexé prévoit la mise en place d'un portail unique d'accès et de soumission de tous les appels à projets . Ouvert fin septembre 2021 ( www.appelsprojetsrecherche.fr ), celui-ci simplifie l'accès aux informations relatives aux appels à projets en offrant aux chercheurs une vue complète et chronologique des appels à projets proposés par six agences françaises de financement de la recherche (ANR, Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), Institut national du cancer (INCa), Inserm, Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales-maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE), Agence de la transition écologique (Ademe)). Ces six agences, réunies en consortium, sont en charge du développement du portail. L'étape suivante, actuellement en cours, vise, d'une part, à harmoniser les données et les formats des dossiers de candidature entre agences de financements, d'autre part, à regrouper les appels à projets émanant d'autres financeurs (fondations, régions...). Fin 2022, le portail devrait être enrichi d'un espace « chercheur » dans lequel les candidats aux appels pourront récupérer automatiquement la liste des résultats de leurs travaux de recherche et leurs publications.

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Si les rapporteurs saluent la mise en place de cet outil de rationalisation des procédures d'appels à projets, ils regrettent qu'aucune autre avancée concrète ne soit à mettre au crédit de la LPR en matière de simplification du travail administratif des acteurs de la recherche. Plusieurs retours font même plutôt état d'une tendance inverse, selon laquelle la loi de programmation générerait de la complexité supplémentaire, tant pour les établissements (cf. les modalités d'application des CPJ, le nouveau régime indemnitaire des chercheurs et des enseignants-chercheurs, les opérations de « repyramidage » des emplois) que pour les chercheurs (cf. la nouvelle composante « C3 » de leur régime indemnitaire, l'évolution de la procédure d'évaluation).

2. La clarification du paysage français de la recherche : un impensé de la LPR

Au cours des auditions, nombre d'acteurs ont soulevé la question de l'organisation du système de recherche français , regrettant que la loi de programmation n'ait pas traité ce sujet - certains évoquant même « une occasion ratée ». La commission, par la voix de sa rapporteur des crédits de la recherche, avait déjà mis en évidence l'importance de cette problématique à l'occasion de ses travaux de contrôle sur la gestion de la crise sanitaire 7 ( * ) .

Le constat qui revient le plus régulièrement est celui du caractère composite du paysage français de la recherche où évoluent différents acteurs (organismes nationaux de recherche, établissement d'enseignement supérieur, agences de financement, unités mixtes de recherche...), dont les missions respectives ne sont pas toujours claires et les relations pas forcément fluides . Il en découle de la complexité, de l'illisibilité, de la confusion, de la segmentation, voire de la friction.

La clarification du rôle de chacun, la redéfinition des relations réciproques, la recherche de complémentarités, tels sont les objectifs qui devraient, selon les rapporteurs, guider la mise en place d'un nouveau modèle d'organisation .

France Universités, très active sur ce sujet, propose de rapprocher le système de recherche français de celui d'autres pays, où un tissu universitaire d'excellence est structuré autour d'agences de financement. Une telle architecte nécessiterait de repenser la place et la gestion des unités mixtes de recherche (UMR) , laboratoires spécifiques au système français qui rassemblent en leur sein des personnels de statuts et d'employeurs différents. France Universités plaide pour le maintien du principe des unités mixtes de type « université / organisme », pour autant que les organismes de recherche conservent un rôle d'opérateurs de recherche et que la gestion des UMR soit systématiquement confiée à l'établissement hébergeur ( ie les universités). De son côté, le CNRS se montre ouvert à l'idée d'une tutelle secondaire des UMR par les organismes de recherche. Quant aux directeurs de laboratoires - aujourd'hui insuffisamment associés aux échanges entre tutelles alors qu'ils sont des interlocuteurs « charnière » -, s'ils considèrent que l'existence de plusieurs tutelles offre une certaine souplesse organisationnelle, ils pointent le manque d'harmonisation entre les logiciels informatiques et financiers de ces dernières.

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Les rapporteurs estiment que l'ensemble de ces questions organisationnelles revêtent désormais une certaine forme d'urgence et que la clause de revoyure 2023 est l'occasion de combler la lacune de la LPR en la matière .

3. L'absence de volet stratégique : la faille structurelle de la loi de programmation

Les rapporteurs rappellent que le Sénat, lors de l'examen de la LPR, s'était étonné que le texte proposé par le Gouvernement, bâti autour d'une programmation budgétaire, ne soit pas aussi porteur d'une vision stratégique de la recherche française à moyen et long terme . Même si la question financière était évidemment centrale au regard de décennies de sous-investissement chronique dans la recherche publique, donner un cap à la recherche française revêtait une importance tout aussi grande et aurait sans doute permis de rendre le projet de loi plus acceptable aux yeux de la communauté concernée.

En audition, plusieurs représentants d'organismes de recherche ont également exprimé leur déception quant à cette absence de dimension stratégique .

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Pour les rapporteurs, l'échéance de 2023 doit être l'occasion de remédier à cette faille structurelle de la loi de programmation et de réfléchir aux modalités d'une programmation stratégique de la politique publique de recherche .


* 7 Rapport d'information n° 667 (2019-2020) de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication : Culture, éducation, recherche, sport et communication : penser l'avenir malgré la crise sanitaire , 22 juillet 2020.

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