VI. L'ÉMULATION ENTRE ÉTATS

Utilisant les marges de manoeuvre que leur donne le système fédéral, les États de l'Union indienne rivalisent pour attirer chez eux les investisseurs étrangers.

L'autonomie dont jouissent les États aux termes de la Constitution, pour conduire leur politique économique et fiscale leur en donnent les moyens.

Mesures d'exemption fiscale, équipements mis à disposition, création de guichet unique pour simplifier et raccourcir les démarches administratives, ne sont que quelques unes des dispositions prises par les États pour se rendre plus attractifs.

La mission d'information a pu apprécier, dans les États qu'elle a visités, l'intensité des efforts effectués par les pouvoirs publics et la variété des moyens mis en oeuvre par chacun d'eux.


L'État du Tamil Nadu situé à la pointe sud est de l'Inde, relativement éloigné des grands pôles de développement économique, s'efforce néanmoins de valoriser ses atouts.

Pauvre en matières premières et en ressources énergétiques, il jouit d'un climat propice aux cultures tropicales, et en particulier à celle du coton et de la canne à sucre. Le delta de la Kaveri est le grenier à riz de l'Inde du Sud et les rendements y sont parmi les plus élevés du territoire (2,5 tonnes/ha).

Il bénéficie d'un taux d'alphabétisation de 63,6 %, qui le place très au dessus de la moyenne indienne ; il dispose d'une main d'oeuvre relativement qualifiée et d'un bon réseau d'universités et d'instituts techniques.

Le Tamil Nadu occupe, avec plus de 10 % de la production industrielle totale, le troisième rang en Inde, derrière le Maharashtra et le Gujarat. en termes de valeur ajoutée du secteur manufacturier. Il doit en particulier ce rang à sa capitale historique. Madras, bien que celle-ci souffre, aujourd'hui, d'une relative léthargie.

Ses points forts sont les industries de main d'oeuvre : textile et prêt à porter, industrie du cuir, secteurs mécaniques, avec la construction de véhicules automobiles, de deux roues, de wagons de chemin de fer, de machines outils, de pompes et de moteurs électriques. Les industries chimiques et pétrochimiques y connaissent également un fort développement. Enfin, la production d'électricité par éolienne est une des activités de pointe du Tamil Nadu qui occupe le troisième rang mondial et suscite de nombreux projets dans ce secteur.

Le Gouvernement de l'État fait bénéficier de subventions d'investissement certains segments industriels prioritaires, tels que l'industrie des composants automobiles, l'électronique, l'aquaculture et la floriculture.

Trois organismes ont été créés pour proposer une assistance financière ou technique aux entreprises qui s'implantent dans le Tamil Nadu :

- la TIDCO (Tamil Nadu Industrial Development Corporation)

- la SIPCOT (State Industries Promotion Corporation of Tamil Nadu)

- la TIIC (Tamil Nadu Industrial Investment Corporation)

Grâce à ces structures d'accueil et à la réputation de sa main d'oeuvre qualifiée et bon marché, le Tamil Nadu réussit à attirer les entreprises notamment dans le secteur du tricot et du textile.


L'État du Karnataka qui jouit d'une grande avance dans les secteurs de l'électronique, de l'informatique, des industries aérospatiales et aéronautiques, sait mettre en valeur sa spécialisation dans la haute technologie.

Le Gouvernement de l'État a une attitude très positive face à la libéralisation et semble animé du souci de créer un environnement favorable au développement industriel. Il apporte un soutien au développement par son appui aux universités, aux centres de recherche et à l'implantation de zones industrielles spéciales. On peut citer, à titre d'exemple, la joint venture conclue entre le Karnataka State Industrial Investment Development Corporation (KSIIDC), le Groupe TATA, et un consortium de Singapour pour l'implantation de l'Information Technology Park, qui représente un investissement de 5,4 milliards de roupies.

Dans son programme de politique industrielle pour la période 1993-1998, le Gouvernement de l'État a défini les conditions d'octroi de concessions fiscales et d'aides à certains secteurs industriels, afin d'attirer les investissements étrangers.

Pour l'attribution des aides, trois types de zone géographique ont été distingués :

- les zones développées : Bengalore et son agglomération, ainsi que les villages du Nord ;

- les zones de développement prioritaire (Dharwad, Hassan et Raichur), qui doivent bénéficier d'un soutien renforcé ;

- les zones en développement qui sont dans une situation intermédiaire et recouvrent le reste de l'État.

Le Gouvernement fait, en outre, porter son effort sur les travaux d'infrastructures qu'il est urgent de développer, notamment en matière énergétique.


L'État du Maharashtra est le premier état industriel de l'Union, avec 25 % de la production industrielle. Sa capitale, Bombay, est le grand centre économique et la première place financière de l'Inde.

Ses atouts sont nombreux. Premier pôle indien de communication vers l'extérieur grâce aux deux très grands ports de Bombay et de Jawaharlal Nehru et à son aéroport international qui réalise un trafic de 4,2 millions de passagers par an, le Maharashtra est en outre doté d'un réseau routier comparativement meilleur que celui des autres États de l'Inde.

En termes de ressources naturelles, le Maharashtra fournit 60 % de la production indienne d'hydrocarbure, principalement à partir de gisements offshore. L'État, qui dispose d'une capacité de production de 10,300 MW, est le seul à pouvoir fournir de l'électricité sans restriction aux usagers.

Avec un taux d'alphabétisation de 63 %, l'État peut se prévaloir d'une main d'oeuvre qualifiée et de sa forte tradition industrielle. Cependant, la plupart des industries étant localisées dans la région de Bombay, la pression foncière y est très forte. La hausse des prix des terrains et des locaux commerciaux oblige les industriels à s'éloigner de l'agglomération où ils étaient précédemment implantés, pour transférer leurs centres de production dans d'autres villes du Maharashtra, à Pune notamment, Bombay perd ainsi progressivement sa vocation industrielle pour devenir un centre tertiaire regroupant les organismes financiers et les industries de service.

Le Gouvernement du Maharashtra, issu des dernières élections locales, est formé d'une coalition entre le Shiv Sena, parti ultra nationaliste, et le BJP. parti nationaliste indou. Il a apporté, début 1995, un infléchissement à la politique d'ouverture engagée par le Gouvernement de Delhi depuis 1991. C'est ainsi qu'a été remis en question le grand contrat signé par l'ancienne majorité avec la société américaine Enron, pour la construction d'une centrale électrique à Dabhol.

L'État n'en poursuit pas moins la politique de libéralisation, par une série de mesures favorisant l'investissement industriel dans le Maharashtra :

- procédures simplifiées pour l'achat de terrains à usage industriel,

- création d'un parc industriel ayant le statut de zone franche dénommé SEEOZ (Santacruz elctronic export processing zone) à Bombay ;

- autorisation spéciale d'implantation dans l'agglomération de Bombay pour les entreprises non polluantes et les industries de haute technologie.

Deux organismes ont été créés pour la mise en oeuvre de cette politique :

- le State Industrial & Investment Corporation for Maharashtra Limited (SICOM), organisme semi-privé, qui assiste les candidats à la création d'entreprises, encourage les investissements et joue un rôle actif dans les projets industriels, en aidant à la conclusion de joint ventures avec les entreprises du secteur privé et les sociétés étrangères ;

- le Maharashtra Industrial Development Corporation (MIDC), attribue aux entreprises des terrains industriels et gère le développement des infrastructures de l'État.

Cette politique incitative est significative de l'effort qu'accomplissent même les États les mieux placés dans la compétition économique pour attirer les entreprises sur leur territoire.


• Même l'État du Bengale occidental, dirigé depuis 1977 par un Gouvernement de coalition dominé par le Parti communiste, comme la municipalité de Calcutta, sa capitale, ont d'abord été réservés à l'égard de la politique de libéralisation et de la réforme économique. Mais, en septembre 1994. les autorités gouvernementales ont pris le tournant de l'ouverture et redoublent, depuis lors, d'efforts pour rattraper le temps perdu.

Dotée d'un fort potentiel agricole et d'importantes ressources minières, cette région, qui demeure le principal foyer indien de l'industrie lourde. a une tradition syndicale très développée et a connu, plus que d'autres en Inde, d'importants conflits sociaux.

Souffrant du déclin de ses principaux secteurs industriels, des aciéries aux filatures de jute, elle s'efforce aujourd'hui de donner une nouvelle dynamique à son économie.

Depuis deux ans, le Gouvernement de Calcutta axe sa politique industrielle sur l'appel aux capitaux privés et aux technologies étrangères.

Le Premier ministre du Bengale occidental, M. Jyoti Basu, n'a pas hésité à encourager lui-même les syndicats à une attitude plus responsable. En juillet 1995, il les invitait expressément à « éduquer les travailleurs sur les sujets tels que la qualité et la productivité qui, finalement, décident du sort des entreprises industrielles » et à ne pas remettre en cause les accords industriels par la « désorganisation du travail » .

Le régime des aides, adopté par l'État du Bengale occidental, est particulièrement attractif. Il prévoit notamment :

- l'attribution de subventions d'investissement, de 15 à 30 % du montant du projet, dans la limite d'un plafond 1,5 à 3 millions de roupies selon les régions ;

- la prise en charge des factures d'électricité pendant 5 ans à compter du lancement de la production ;

- des subventions pour l'achat et l'installation de générateurs électriques ;

- le dégrèvement ou le report de la taxe sur les ventes pendant neuf ans pour les nouvelles entreprises et de quatre à huit ans pour les extensions d'entreprises et l'achat des matières premières ;

- l'attribution de subventions de développement pour couvrir un certain nombre de frais (droit de timbre sur l'achat des terrains, équipements et raccordements divers, frais d'honoraires...).

En outre, un système de guichet unique a été mis en place avec la création de « l'Agence de développement industriel » au sein de la « Corporation du développement industriel du Bengale occidental ». Assurant la promotion des projets industriels, elle est relayée, au niveau de l'État, par une commission dotée de pouvoirs importants et chargée de faciliter les démarches administratives nécessaires à la réalisation de ces projets.

À l'appui de cette politique, une active campagne est menée par le Gouvernement auprès des investisseurs étrangers pour faire valoir les avantages comparatifs du Bengale occidental que constituent « sa main-d'oeuvre formée et techniquement qualifiée, son régime d'ordre, ses infrastructures de communication, sa proximité des grands marchés du Sud-Est asiatique et son débouché sur le marché intérieur de l'Inde », Calcutta étant présentée comme la métropole indienne la moins chère, en termes de loyers, de prix du terrain et de main-d'oeuvre.

Le Premier ministre de l'État, s'est mobilisé en personne pour convaincre les investisseurs étrangers de s'installer au Bengale occidental. Il a ainsi récemment entrepris une tournée dans plusieurs pays étrangers, pour aider à la conclusion de relations d'affaires.

Toutefois, la volonté du Gouvernement est de favoriser les projets d'investissements qui ne portent pas préjudice aux industries existantes, d'encourager les transferts de technologie, l'assistance technique et de privilégier l'investissement dans des secteurs déterminés, tels que la haute technologie, l'industrie lourde ou l'amélioration des infrastructures.

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