EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 octobre, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission des finances a entendu une communication de Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial des crédits du commerce extérieur sur la mission d'information qu'elle a effectuée au Japon, en Australie et en Nouvelle-Zélande, du 5 au 18 mai 1996.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial , a rappelé que les bons résultats enregistrés par le commerce extérieur français depuis 1992 n'allaient pas sans soulever certaines questions relatives à la pérennité de cette situation, à son impact sur l'emploi et à la rationalité du dispositif français d'appui au commerce extérieur.

Elle a noté que cet ensemble de questions l'avait conduite, en tant que rapporteur spécial des crédits du commerce extérieur, à examiner "sur pièces et sur place" le dispositif français de soutien au commerce extérieur.

Elle a précisé que le choix d'effectuer cette mission au Japon, en Australie et en Nouvelle-Zélande, avait été guidé par la volonté de mesurer la portée sur nos échanges avec ces pays de la dernière campagne d'essais nucléaires menée par la France dans le Pacifique.

Cette mission auprès des postes d'expansion économique implantés au Japon, en Australie et en Nouvelle-Zélande , a été l'occasion de recueillir, d'une part, des informations directes et concrètes sur les forces et les faiblesses de la France à l'exportation et, d'autre part, d'analyser les moyens publics consacrés à la promotion des échanges extérieurs.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial a ensuite indiqué qu'à la suite de cette mission, elle avait complété ce travail par l'examen des moyens mis en oeuvre à ce titre dans le cadre régional, ainsi que par une série d'entretiens avec le ministre chargé du Commerce extérieur et des personnalités qualifiées.

Elle a, tout d'abord, souligné que sa mission avait confirmé la nécessité pour nos entreprises d'achever l'acquisition d'une "culture d'exportation" pour être, ensuite, en mesure de renforcer leur présence sur des marchés lointains où elles étaient encore très sous-représentées. Elle a indiqué que la France ne détenait guère plus de 2 % de parts de marché au Japon, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, situant notre position à un rang très bas dans la liste des fournisseurs de ces pays : onzième place en Australie et en Nouvelle-Zélande, quatorzième place au Japon.

Or, elle a relevé que ce constat était d'autant plus frappant qu'il était commun au trois pays, alors que la situation de nos échanges était très différente avec chacun d'entre eux.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a noté qu'avec le Japon, notre pays enregistrait un déficit bilatéral de l'ordre de 20 milliards de francs, ce qui en faisait notre deuxième déficit bilatéral, après celui enregistré avec les Etats-Unis.

Après avoir rappelé que les japonais avait une vision "traditionnelle" de notre pays, perçu comme celui du "savoir-vivre", du luxe et des produits de la vigne, elle a souligné l'importance des succès commerciaux que nous procuraient ces secteurs.

Elle a indiqué que les ventes de produits de consommation destinés aux particuliers s'élevaient en effet à 14,4 milliards de francs en 1995, ce qui représentait plus de 51 % du total de nos ventes au Japon.

Considérant que le maintien de nos fortes positions sur ces produits "traditionnels" devait rester un objectif fondamental, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial a cependant insisté sur la nécessité de promouvoir les capacités industrielles et technologiques de la France.

Au sujet du Japon elle a enfin rappelé que nos achats auprès de ce pays étaient très largement concentrés sur les biens d'équipement professionnels et l'électronique grand public.

S'agissant de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, elle a souligné que la situation de nos échanges était très différente puisque dans ces deux pays, nos ventes reposaient en effet pour près des deux tiers sur les biens d'équipement et les produits chimiques, tandis que nos importations étaient pour l'essentiel constituées de matières premières et de produits alimentaires.

Elle a indiqué que 60 % de nos importations d'Australie étaient concentrées sur trois produits : la laine (près de 25 %), la houille (20 %), le minerai de fer (15 %).

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a précisé que cette situation était encore plus marquée pour la Nouvelle-Zélande dans la mesure où plus de 87 % de nos importations en provenance de ce pays étaient des produits agro-alimentaires, la viande ovine en représentant à elle seule près de 43%.

Elle a relevé que cet ensemble permettait à la France de dégager de légers excédents avec ces deux pays.

Abordant la question de l'impact de la campagne d'essais nucléaires français dans le Pacifique, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a constaté que la faiblesse des conséquences commerciales de cette campagne, était allée de pair avec une relative dégradation de l'image de notre pays au sein des opinions publiques, notamment en Nouvelle-Zélande.

Sur ce point elle a tenu à saluer l'action des représentants officiels de la France qui a fortement contribué à séparer les conséquences commerciales de cette campagne d'essais de son impact politique.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a ensuite indiqué qu'elle avait tenu à poursuivre, après cette mission, sa réflexion sur deux grands thèmes : les conséquences sur l'emploi des échanges commerciaux et l'efficacité du réseau français d'appui au commerce extérieur.

Après s'être félicité du retour à l'équilibre du commerce extérieur français et de son engagement sur la voie des excédents, elle a cependant tenu à souligner que les politiques dites de "désinflation compétitive", qui avaient permis l'amélioration de ces résultats, avaient fortement pesé sur le niveau de l'activité économique et donc, indirectement, sur celui de l'emploi.

Elle a précisé que malgré cette situation, le commerce extérieur était un important pourvoyeur d'emplois dans notre pays, précisant que les experts s'accordaient pour considérer que 4 millions d'emplois étaient liés à l'exportation, dont 3 millions d'emplois industriels.

Elle a relevé que dans le cadre des petites et moyennes entreprises une augmentation d'un milliard de francs de leurs exportations, générait environ 2.500 emplois, notant à cette occasion que les échanges extérieurs constituaient, à l'évidence, un apport essentiel pour l'économie française.

Sur ce point, elle a tenu à faire remarquer que si l'importance des excédents s'expliquait en partie par la hausse de nos ventes à l'étranger, elle tenait aussi parfois au ralentissement de nos importations lié à la faiblesse de la croissance, comme en 1994 et, très probablement, en 1996.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a ensuite abordé l'analyse du dispositif français de promotion des échanges extérieurs.

Elle a, tout d'abord, tenu à appeler l'attention sur la dispersion des moyens qu'engendrait la multiplicité des intervenants dans le domaine du commerce extérieur où agissent, parfois concurremment, l'Etat, les chambres de commerce et d'industrie et, plus récemment, les collectivités locales.

Soulignant le manque de coordination de leurs actions, elle a estimé qu'à l'étranger, cette situation nuisait à l'impact de la présentation de nos productions et qu'au sein des régions françaises, la variété des guichets suscitait une certaine confusion chez les responsables de petites et moyennes entreprises qui souhaitaient exporter.

Elle a souhaité qu'en conséquence l'Etat veille à une meilleure coordination des "acteurs" publics et privés agissant dans ce domaine.

A cet effet, elle a insisté pour que soit réaffirmé la mission des directions régionales du commerce extérieur (DRCE) dans la coordination au plan régional des actions conduites, tant par les chambres de commerce et d'industrie, que par les régions.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a indiquéque des structures comparables aux DRCE tendaient à se développer ou à se renforcer chez plusieurs de nos partenaires étrangers et notamment aux Etats-Unis avec les "US Export assistance centers" (USEAC), guichets régionaux uniques d'information, organisés autour d'un représentant du Department of commerce, ministère coordonnant les actions de développement des exportations américaines.

Elle a considéré qu'il convenait donc d'examiner avec beaucoup de prudence toute éventuelle réforme structurelle concernant les DRCE.

Analysant ensuite la situation des postes d'expansion économique (PEE) à l'étranger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a tenu à insister sur les importants efforts de maîtrise de la dépense publique réalisés par les PEE dans leur ensemble, leurs effectifs ayant diminué de près de 12 % sur six ans. Elle a relevé que l'étude des budgets des postes d'expansion économique visités au cours de sa mission avait très largement corroboré cette analyse.

Elle a constaté cependant que ces efforts semblaient avoir atteint leur limite, dans la mesure où il convenait de préserver les moyens consacrés aux opérations de promotions sectorielles ou régionales, qui se trouvent au coeur de leur mission.

Elle a souligné qu'à cet égard le rapport qui venait d'être remis au Premier ministre par M. Nicolas Forissier, député, énonçait la nécessité "d'augmenter très substantiellement les concours financiers à la participation des entreprises aux foires et salons à l'étranger".

Enfin, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a insisté sur l'originalité de la structure des postes d'expansion, dont la modernisation fournit quelques pistes dans le cadre de la réflexion sur la réforme de l'Etat.

Elle a en particulier noté l'institution d'une facturation des principaux services rendus par les PEE aux entreprises, qui génère plus de 25 millions de francs de recettes par an pour l'ensemble des postes.

Se félicitant des effets positifs de cette facturation, dont les PEE peuvent conserver 50 % des recettes pour leurs dépenses de promotion commerciale, elle a cependant tenu à souligner que cette démarche ne devait pas déboucher sur une situation où les postes deviendraient en pratique de plus en plus dépendants du produit de cette facturation sur le plan budgétaire.

Soulignant, par ailleurs, l'existence, notamment en Australie et en Nouvelle-Zélande, de politiques soutenues et approfondies dans le domaine de l'évaluation de l'efficacité des actions des structures d'appui au commerce extérieur, elle a souhaité que soient développés pour les PEE des outils de même nature.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a ensuite noté que le redéploiement géographique du réseau des postes d'expansion comportait des orientations intéressantes dans le cadre de la réflexion sur la modernisation de l'Etat dans la mesure où il comportait une recherche active de rapprochements avec d'autres réseaux publics à l'étranger, comme les consulats ou les missions d'aide et de coopération.

En conclusion, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a souligné que cette amélioration de nos comptes extérieurs, liée à la politique désinflation compétitive, avait cependant pesé pendant plusieurs années sur le niveau de la croissance et, corrélativement, sur la situation de l'emploi en général.

Aussi, a-t-elle souhaité que, sans renoncer aux "acquis" de cette politique, la réflexion sur une initiative de croissance au niveau européen soit relancée afin de stimuler le niveau de l'activité en Europe sans pour autant déséquilibrer nos comptes extérieurs.

Un large débat s'est alors engagé au cours duquel sont intervenus MM. Christian Poncelet , président, Alain Lambert, rapporteur général, Maurice Blin, René Ballayer, Roland du Luart et Jean Cluzel ainsi que Mme Marie-Claude Beaudeau.

L'ensemble des intervenants s'est accordé pour constater la nécessité de renforcer la coordination des actions conduites dans le domaine de l'appui au commerce extérieur. Soulignant l'importance de l'exportation pour le niveau d'activité des PME, ils se sont aussi dits favorables au développement des formules de " portage " dans le cadre desquelles les grandes entreprises ayant accès aux marchés extérieurs se font accompagner d'entreprises de taille plus petite.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a souligné que ces formules étaient d'autant plus positives que les petites et moyennes entreprises ne disposaient pas en général d'un salarié pouvant exclusivement se consacrer à l'exportation. En réponse aux remarques sur la réorientation des priorités géographiques du commerce extérieur français, elle a enfin indiqué qu'il convenait de ne pas céder aux " modes ", en négligeant les importants marchés que constituent les pays riches de l'OCDE et en particulier le Japon.

La commission a donné acte au rapporteur de sa communication et décidé de faire publier cette communication sous la forme d'un rapport d'information .

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