Rapport de l'OPECST n° 383 (1996-1997) de M. Franck SÉRUSCLAT , fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scient. tech., déposé le 16 septembre 1997

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N° 45
ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

383
SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

le 4 juillet 1997

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 juin 1997

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 1997

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

RAPPORT

sur les techniques des apprentissages essentiels

pour une bonne insertion dans la société de l'information ,

par M. Franck SÉRUSCLAT,

Sénateur.

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Jean-Yves LE DÉAUT

Président de l'Office.

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Henri REVOL

Vice-président de l'Office.

Informatique. - Citoyenneté - Enseignement - Multimédia - Télécommunications .

« Mais c'est curieux tout de même comme nous vivons parmi des gens pressés . »

Albert CAMUS. L'envers et l'endroit.

1935-1936

« Et que font-ils du temps ainsi gagné ? »

Antoine de SAINT-EXUPÉRY

en référence au Petit Prince

PRÉALABLES

1. Bien des nouveautés annoncées comme devant bouleverser des habitudes laissent vite la place à d'autres gadgets, semblables en cela à la mode... Parfois l'annonce est vraie, un nouvel instrument devient outil indispensable à la vie ordinaire, au développement de chacun et de la société Comment déceler le durable de l'éphémère ? Qu'en est-il de l'informatique, du numérique ? Succèdent-ils à l'imprimerie, au livre ? Pour les supplanter ou les compléter ? Portent-ils des bouleversements dans les modes d'acquisitions des connaissances, d'accès à la culture et par là aux pouvoirs liés aux savoirs intellectuels, techniques ou professionnels ? Ont-ils des incidences, et lesquelles, sur le rôle politique, social, économique du citoyen dans la cité, la région, la nation, le monde ?

2. L'histoire des sociétés humaines apprend que les hommes ont poursuivi, avec obstination, obsession et, en définitive, succès, deux objectifs principaux :

- réduire le temps nécessaire, et parfois la peine, pour accomplir tous les travaux, tous les actes qu'ils jugent nécessaires ou qu'ils ont envie de réaliser, pressés d'être encore plus rapides ;

- reproduire à l'identique, sous forme de systèmes techniques, les capacités de mémoire, de réflexion, d'expression, bref tout ce qui différencie l'homme de l'animal et les hommes entre eux.

L'homme n'a pas oublié, dans cette quête, le perfectionnement des moyens de tuer, de torturer, de faire souffrir ses semblables, de chercher à les soumettre.

3. Une étude attentive permettrait-elle de confirmer ou d'infirmer la réalité et la place définitives prises par l'accélération à nulle autre pareille des échanges de toute nature entre les hommes, de leurs possibilités d'accès aux connaissances comme dans l'accomplissement des tâches professionnelles de toutes sortes ?

4. Notre société entre-t-elle dans l'ère de l'informatique comme elle est entrée dans celle de l'imprimerie, puis de l'automobile, du téléphone, des appareils ménagers, de la télévision, de l'aviation... mais aussi du nucléaire ? A toutes, l'homme s'est adapté ou a été contraint de le faire. Il a souvent dû subir l'autorité, la prééminence ou le despotisme de ceux qui avaient la maîtrise des nouveaux outils, des nouvelles connaissances, des nouveaux moyens d'organiser la société.

5. Avec plus ou moins de bonheur ou de malheur, par une évolution de plus en plus technique, mécanisée et policée, l'humanité est-elle, au seuil d'un XXIe siècle, à l'aube d'une société numérique où l'immatériel conditionne les relations des hommes entre eux, notamment du fait des modalités d'accès aux connaissances, à la culture, aux méthodes matérielles et techniques de ses activités de toute nature ? Déjà, et demain encore plus, rien n'est semblable, et encore moins identique, à hier ; les nouveaux moyens de communication, d'échanges entre les hommes apportent avec eux le pire et le meilleur comme l'a fait, selon ESOPE, la langue, premier d'entre eux.

Parmi le pire, les premiers risques seraient la divulgation des comportements pervers, l'invitation à s'y adonner, les atteintes à l'ordre public, la propagation de théories violentes ou d'exclusion. Le pire serait dans l'aide à satisfaire l'instinct de domination qui rôde en tout individu. La référence symbolique en est décrite dans le roman « Au nom de la rose ». Tous les moyens de communications, d'accès aux connaissances, la parole d'abord, l'écrit ensuite, la télévision plus récemment, ont donné les pouvoirs aux élites, entraînant des fractures, culturelle, économique sociale et politique, générées par l'inégalité des savoirs.

6. Le recours aux mathématiques pour inventer des méthodes, pour résoudre des problèmes de complexité croissante au fil des siècles date, dit-on, du boulier chinois... pour user des théories cybernétiques avant de parvenir à l'informatique aidée par le numérique. Est-ce exact ? Peut-on voir un lien entre ces trois facteurs ? Est-ce erreur que de le penser ?

7. Les opinions émises par ceux qui, dans notre temps, ont une parole reconnue et autorisée sur ce sujet apportent d'autres arguments au questionnement sur la pérennité des outils informatiques.

Philippe BRETON prend appui sur le passage de « la société cybernétique » des années quarante et cinquante, aujourd'hui oubliée, comme la « société informatique » des années soixante et soixante-dix. « Nul ne doute que demain il y aura des réseaux partout et que nous les utiliserons massivement, mais la société changera-t-elle en profondeur de ce fait (...) Le thème disparaîtra rapidement de la « une » des médias et un autre, dans cinq ans s'y substituera. Sachons donc décoder la fausse nouveauté pour éviter de se prendre au piège des modes qui absorbent sans le satisfaire le désir légitime de changement. » 1 ( * )

Propos contraires et particulièrement sévères, sujets à caution peut-être, de A. GROWE, Président d'Intel qui représente 80% du marché mondial des microprocesseurs : « En n'encourageant pas l'utilisation des ordinateurs personnels comme outils essentiels de travail et d'éducation, vous léguez aux générations futures un grave déficit technologique. »

Jacques ATTALI y voit « les chemins de sagesse » 2 ( * ) . « Internet sera l'instrument de communication essentiel du futur monde virtuel grâce auquel celui-ci sera relié à tous les ordinateurs et à toutes les mémoires de la planète ». Pour Jacques ATTALI, les deux conséquences principales de la mise en oeuvre de ce nouveau moyen de communication seront que non seulement Internet permettra à chacun de communiquer, c'est-à-dire à la fois de parler, jouer, séduire, travailler, se distraire ou consommer mais l'individu pourra se donner une identité réelle ou virtuelle pour communiquer. Dès lors, « chacun pourra se choisir avant de choisir ceux avec qui il voudra communiquer » . Alain FINKIELKRAUT, pour sa part, se résout à ne pouvoir échapper à Internet dont « le caractère fréquemment messianique des discours (... ) laisse à penser que cette utopie relaye celle du communisme, dont l'espérance consistait aussi en un homme totalement émancipé du lieu ; un homme générique 3 ( * ) . » Joël de ROSNAY va jusqu'à emprunter une comparaison médicale, pour estimer qu' « Internet est un cancer qui se développe sans qu'on puisse le contrôler ».

Est-ce que les inforoutes sont une mode passagère ou un outil réel de changement utilisé pour cette mutation. Selon Pierre Léonard HARVEY 4 ( * ) « un nouveau type de société naîtra des inforoutes. Mais, contrairement à ce que l'on pense, l'inforoute ne donnera pas naissance à une société plus homogène ».

Comment dès lors penser « la démocratie au XXIe siècle » 5 ( * ) ? D'autres moyens d'expression de la volonté du peuple devront être trouvés et « c'est dans de nouvelles formes d'expressions démocratiques et de consultations directes -fondées sur l'interactivité des grands réseaux informationnels, sur les médiaspaces, sur des organisations plus performantes que les partis traditionnels, sur des structures et institutions délocalisées et d'autres procédures de désignation des responsables politiques- que devraient se trouver les solutions de demain ».

Pour autant, si l'on en croit Mika PANTZAR, directeur de recherche à l'institut Finlandais, « la démocratisation de l'information » n'aura pas lieu ; il n'est pas nécessaire que tout le monde sache utiliser un ordinateur, mais la supercherie du marketing de l'informatique voudrait le faire croire. En Finlande, soixante-deux ordinateurs sont connectés à Internet pour mille habitants, soit deux fois plus qu'aux États-Unis ; ce pays apparaît comme le plus « branché » de la terre !

Selon Pierre MUSSO enfin, « la symbolique du réseau demeure biface : le paradis peut se retourner en son contraire, l'enjeu du contrôle (Big Brother) contre le paradis de la circulation ». On comprend mieux dès lors comment Internet peut à la fois susciter « l'extase et l'effroi » 6 ( * ) . Le réseau peut aussi reproduire les tendances lourdes entre des ensembles « data rich » et des ensembles « data poor » pour reprendre l'expression d'A. MATTELART.

*

* *

Ces premières réflexions contradictoires sont de nature à justifier le rapport que m'a confié l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Parce que, pour reprendre l'expression d'Edgard MORIN, « la complexité est un mot problème et non un mot solution » nous ne pouvons pas nous croiser les bras en nous résignant à l'incontournable et indépassable complexité du monde.

Face à la rupture créée par Internet, il faut donc garder à l'esprit que « si vous l'interrogez avec une pensée complexifiante, le réel sera complexe (...) (mais) sachez qu'en fait cela veut dire (que le réel) lui échappe toujours en son fond, c'est-à-dire qu'il y a plus de choses dans le réel que ne peut concevoir l'esprit humain » 7 ( * ) .

Depuis quelques années la société française, plus particulièrement, et notamment l'ensemble des partenaires éducatifs, s'interroge sur la manière de profiter du meilleur des techniques de l'informatique. Est-elle victime du marketing où les informations publicitaires - la publicité informative - font preuve d'une certitude de l'avenir de la société de l'information ? Les performances de l'ordinateur comme des réseaux sont, par rapport aux premiers ordinateurs, dans une relation analogue à celle de l'automobile aujourd'hui par rapport au véhicule avec lequel Amédée BOLLÉE, en 1875, reliait Bordeaux à Paris à la vitesse de 12 km à l'heure, cela dans un inconfort certain.

L'intrusion, et l'acception d'usage, d'un vocabulaire spécifique signe la traduction de l'entrée dans la société d'information au point de modifier le langage courant, comme le fût en d'autres temps le latin en France ou les patois locaux devant le développement d'un français national.

Dans ce contexte où la « technophobie » semble vouloir dominer la réflexion, je préfère encadrer le rapport que m'a confié l'Office parlementaire par deux approches, l'une de Pierre LEVY, positive bien que prudente, et l'autre de Paul VIRILIO, d'autant plus inquiète qu'elle pose la question de la responsabilité :

Pour Pierre LEVY, « le choix n'est pas entre la nostalgie d'un réel daté et un virtuel menaçant ou excitant, mais entre différentes conceptions du virtuel. L'alternative est simple. Ou bien le « cyberespace » reproduira le médiatique, le spectaculaire, la consommation d'informations marchandes et l'exclusion à une échelle encore plus gigantesque. C'est, en gros, la pente naturelle des « autoroutes de l'information ». Ou bien nous nous mobilisons en faveur d'un projet de civilisation centré sur l'intelligence collective : recréation du lien social par les échanges de savoir, reconnaissance, écoute et valorisation des singularités, démocratie plus ouverte, plus directe, plus participative ». Ce projet s'inscrirait alors dans une dynamique positive où, par une succession d'apprentissages, l'homme est passé du stade homo erectus à sapiens sapiens et a appris à se tenir debout, à parler, à écrire, à utiliser mille et uns outils de toute nature pour de multiples activités développant facultés physiques comme intellectuelles ; peu à peu, il a occupé l'univers par une virtualisation progressive de ces possibles. La machine a été une première et formidable aide.

La technique, aujourd'hui, va-t-elle permettre la poursuite de l'homonisation et, l'homme-machine ou la machine-homme sera-t-elle porteuse d'une nouvelle évolution, d'une virtualisation d'autres possibles en attente de dépasser un état actuel ? Cette étape sera-t-elle bénéfique à la société tout entière ou à quelques-uns aux dépens du plus grand nombre ? Plongera-t-on dans un meilleur des mondes où la technique entraînera une fracture forte technico-culturelle et sociale avec les uns attachés à des activités mineures serviles et les autres maîtres des techniques et des machines ?

Cette première réflexion de Pierre LEVY ne suggère-t-elle pas la mise à disposition de tous, d'une pédagogie permettant les apprentissages pour avoir la maîtrise des machines et de son destin ?

Paul VIRILIO, quant à lui, rappelle que les NTIC (nouvelles techniques d'information et de communication) véhiculent un certain type d'accident, « un accident qui n'est plus local et précisément situé, comme naufrage du Titanic ou le déraillement d'un train, mais un accident général, un accident qui intéresse immédiatement la totalité du monde. Quand on nous dit que le réseau Internet a une vocation mondialiste, c'est bien évident. Mais l'accident d'Internet, ou l'accident d'autres technologies de même nature, est aussi l'émergence d'un accident total pour ne pas dire intégral ».

Cette prédiction est-elle en train de se réaliser ? Certaines informations récentes 8 ( * ) présentent « le risque d'un sinistre majeur sur l'ensemble des réseaux informatiques » lié au changement de millénaire, les logiciels utilisés n'ayant semble-t-il pas été programmés au passage de 1999 à 2000. Ce sinistre aux conséquences imprévisibles pourrait ressembler à cet accident général envisagé par Paul VIRILIO.

Ainsi, que l'on retienne l'une ou l'autre des réflexions, moins antinomiques que complémentaires, on peut en déduire que les apprentissages seront d'autant plus pertinents qu'ils aideront à se protéger de la « bombe » et qu'ils favoriseront la conduite des hommes vers un usage humaniste de cette intelligence collective découlant de la numérisation de l'information.

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* *

Des Anciens et des Modernes sont, aujourd'hui, en querelle au sujet des techniques d'information et de communication (TIC) comme d'autres le furent, sur d'autres thèmes, au siècle de Louis XIV, autour des questions littéraires. Les anciens restent attachés à une « nature » dont la déclinaison politique tend à l'absolutisme ; leurs adversaires croient aux bienfaits de la civilisation qui affine les moeurs et les esprits et annonce une libération de l'homme dans tous les domaines. Cette querelle brouille le paysage culturel, social et politique au moment où il conviendrait de faire des choix clairs devant l'entrée de ces techniques dans la vie quotidienne.

Cette querelle porte sur la place et, surtout, le rôle à accorder à ce vecteur immatériel, fabuleux, le numérique. Les premiers croient qu'il va remplacer ou transformer les lettres, les mots, les sons, les images ; les autres savent qu'il ne peut que transporter les informations de façon immatérielle mais en les exprimant par les formes en usage depuis que l'homme parle, écrit, compte, dessine et chante. Le numérique est en fin de compte un nouveau support pour accéder aux connaissances comme à la culture et, d'une manière plus directe, à des masses d'informations jamais égalées. Grâce à sa maîtrise, qui le veut peut devenir un « Pic de la Mirandole » pour peu qu'il sache se servir des deux outils de base : l'ordinateur et le réseau.

L'un et l'autre de ces intermédiaires techniques ont leurs détracteurs comme leurs thuriféraires. Les arguments ne peuvent être les mêmes, les questions sont différentes.

L'ordinateur entrera ou non dans le cadre scolaire et exigera des apprentissages bouleversant les pratiques pédagogiques ; le recours aux réseaux, et tout particulièrement le plus fabuleux, le plus inquiétant aussi Internet aura-t-il droit de cité dans l'école ? La comparaison entre les pratiques en usage depuis qu'existent l'alphabet, les mots, les chiffres, les images et l'école de Jules FERRY peut être riche en enseignements.

Les usages de ces outils de la communication vont-ils compléter ou rendre obsolètes les autres moyens habituels, en permettant des échanges à la vitesse de la lumière, en mettant à leur disposition immédiate toutes les données, toutes les informations qu'ils peuvent rechercher ?

La maîtrise de l'usage de l'ordinateur, du disque compact interactif ou du cédérom comme celui de la lecture des images et de leur compréhension est une nécessité ; cette maîtrise a ses difficultés et ses qualités ; elle offre cependant des possibilités jusqu'alors inaccessibles, ne serait-ce que par l'individualisation permise par la machine, par le respect des rythmes d'apprentissage de chacun, élément qualitatif important dans l'acte d'apprendre.

Le réseau met en communication le monde avec ses habitants. Il ne le fait pas comme le téléphone, la radio ou la télévision. Il faut en comprendre la nature, en connaître les contenus, et, nécessité première, savoir y accéder et en user ; l'ordinateur et son clavier, sous réserve de l'installation d'un modem, est la voie d'accès. Une fois connues les modalités de fonctionnement et de connexion au réseau, il faut acquérir certainement la capacité d'interprétation, de sélection, de synthèse des informations disponibles, une aptitude à les choisir et à les utiliser dans une finalité organisée ; il faut aussi avoir compréhension et maîtrise du dialogue entre internautes. Cette interactivité fait de l'utilisateur un intervenant actif, il ne reste pas un spectateur passif comme devant la télévision où il n'a que le choix de l'émission, même si ce choix tend à croître de façon exponentielle.

Parmi les détracteurs des TIC, certains sont seulement craintifs, inquiets devant un nouveau moyen de communication ; ils n'en connaissent ni les usages, ni les modalités ; ils ont bien souvent passé l'âge de les apprendre -du moins le croient-ils- et ils se situent, de fait et d'opinion, dans une génération qui s'exclut d'elle-même et croit pertinent d'en priver les autres. Ils ne sont pourtant pas irréductibles à ce progrès : ils s'en désintéressent et ne cherchent pas à en assurer la promotion ni même à envisager la généralisation des apprentissages en découlant. Qu'il s'agisse de la parole, du livre, de l'usage du téléphone, de la radio, de la télévision, ils ont toujours été des retardataires, freinant même trop souvent les autres dans l'accès aux évolutions techniques.

D'autres sont détracteurs pour garder un pouvoir que les nouveaux médias risquent de mettre à mal ; l'histoire de l'humanité fourmille d'exemples de fractures de ce genre, depuis le chef iroquois à la vue perçante, chasseur émérite dont d'autres attendaient le retour pour avoir pitance - fracture physique et technique - en passant par la servilité de la femme et sa dépendance envers l'homme, maître de maison et de la famille - fracture d'ordre moral (et culturel) - à celle due à la morgue des clercs qui échangeaient leurs savoirs à travers le monde en latin et cette vie étriquée d'une piétaille limitée aux dimensions étroites d'une communauté liée par un patois ; c'est toujours le débat, le combat entre Caliban, l'esclave inculte qui veut apprendre à parler et acquérir les savoirs et Prospéro, le prince savant et policé qui parfois condescend à l'instruire un peu.

Dangereux, et assez souvent de mauvaise foi, sont les censeurs, ces contestataires de toutes technologies, s'élevant, au nom d'une certaine morale - la leur - , contre des risques d'amplifications, d'incitations réprouvées par les « honnêtes gens » : Ils invoquent tout à trac la pédophilie, la pornographie, la violence, la vente de médicaments non autorisés et surtout les mafias et autres malfaiteurs en tous genres. Sans doute accorde-t-on beaucoup trop de place à ces questions pour qu'il soit ici besoin d'insister. Les kiosques à journaux regorgent de publications plus ou moins conformes aux « bonnes moeurs ». Il n'est point besoin de censeurs : qui veut les lire les achète, le juge étant toujours, in fine, le garant des libertés individuelles ; quant à la protection des enfants, elle dépendra toujours de la responsabilité de leurs parents.

D'autres, les modernes, voient dans les TIC plus de vertus que de maléfices. Ces médias décuplent, selon eux, les possibilités d'accès à la culture, aux connaissances les plus diverses, toutes nécessaires pour accroître l'intelligence. Les évolutions du passé sont arguments pour conforter ces prévisions. Le pari réside dans la conviction que les acquis culturels forment l'esprit critique de chacun, ce qui constitue la meilleure protection à l'encontre d'actes portant atteinte à la dignité de la personne humaine.

Plus apte à l'analyse, acceptant moins spontanément les discours des autres, « l'homme ordinaire » est plus difficile à gouverner, plus à même de bien exercer ses responsabilités citoyennes. A lui, pour lui, il faut proposer les moyens et les réponses permettant l'accès à un savoir qui - aujourd'hui comme hier, en face de celui des livres par exemple - risque de lui rester inaccessible. Tel doit être l'objet d'une formation démocratique ayant pour but de favoriser l'éclosion de citoyens actifs dans cette société de l'information qui s'installe dès aujourd'hui.

*

* *

Le tintamarre qui accompagne les technologies de l'information et de la communication est particulièrement retentissant : point n'est possible aujourd'hui d'ouvrir un quotidien sans avoir une pleine page sur les dernières avancées ou dérives d'Internet ; pas un hebdomadaire ne paraît sans un dossier spécial multimédia ; télévisions et radios reprennent en choeur les informations pour réaliser des éditions spéciales sur le télétravail, la violence et la pornographie sur Internet, le non respect du droit d'auteur sur les réseaux, la violation de la loi par quelques prestataires de service peu scrupuleux 9 ( * ) ... Dans ce contexte hyper-médiatisé, tout le monde y va de son commentaire : le sociologue analyse ce qu'il perçoit dans une mutation annoncée ; le juriste débat avec force arguments sur le thème de la responsabilité, de la liberté et de l'éternel « vide juridique » ; l'urbaniste s'inquiète de la délocalisation et annonce l'accident global, intégral ; le syndicaliste prévoit encore des réductions d'effectifs découlant de la technologisation de l'emploi et craint les mises en cause des libertés dans l'entreprise ; les médecins polémiquent sur les possibles usages de ces nouveaux moyens au service de la maîtrise des dépenses de santé ; ils en apprécient les améliorations déjà perceptibles dans les actes professionnels comme dans les relations qu'ils pourront établir au service de leur art et dans l'intérêt de leur patient ; ils devinent les relations nouvelles avec les services sociaux et craignent de devenir les supplétifs des caisses d'assurances maladie. Les économistes enfin ne manquent jamais une occasion d'annoncer que la croissance de demain pourrait bien voir le jour grâce à l'industrie du multimédia tandis que d'autres, plus prudents, se refusent à tout pronostic ; dans cette profusion d'informations et d'opinions contradictoires , il n'y a guère que les responsables politiques qui ne s'expriment pas. Parmi eux, curieusement, les législateurs particulièrement, semblent pour la plupart ignorer ces débats ou, tout au moins, ne pas y prendre part. Leur silence étonne, inquiète. Seraient-ils indifférents envers ce vecteur numérique, comme d'autres le furent envers l'imprimerie ? Ou croient-ils pouvoir protéger leur supériorité culturelle en sous estimant le risque de la voir supplanter par « les maîtres des formes modernes de communication » ? Ils ont pourtant mission d'éviter une domination technique mettant à mal les fondements de la démocratie.

Ils ignorent assez superbement les réseaux et ne sont guère préoccupés par l'ordinateur. Ils ont vu ceux-ci s'installer dans leurs secrétariats comme s'il s'agissait d'une nouvelle génération de machines à écrire ; les ordinateurs étaient plus performants mais n'ont en rien bouleversé leurs habitudes de travail. Ils ont même parfois hésité à autoriser leurs collaborateurs à suivre une formation adaptée pendant laquelle ceux-ci étaient moins disponibles. N'ayant jamais tapé eux-mêmes à la machine, les parlementaires n'ont pas envisagé de se mettre devant un écran et un clavier d'ordinateur. Disposant dans leurs cabinets de tous les outils modernes qui vont façonner cette société de l'information, ils sont devenus des « technopathes » !

C'est là, certes, une vérité partielle que n'explique pas un clivage politique ; elle tient plutôt à une fracture entre générations, fracture relative d'ailleurs : des jeunes législateurs sont réticents, des plus âgés sont séduits et très au fait.

S'ajoutent à ceux là, des hommes et des femmes honteux de ne pas savoir utiliser ces médias. Ils occupent souvent des fonctions éminentes ou assument des responsabilités déterminantes : ils ne veulent ni accepter leur insuffisance ni apprendre, de crainte de faire découvrir une ignorance, une faiblesse dans leur cuirasse.

Sans méconnaître les inconvénients, voire même certains dangers aux technologies, ces modernes ont l'audace d'accorder des qualités supérieures aux défauts. Ces qualités sont pour eux facteurs de développement de l'intelligence de tous. L'intelligence collective peut devenir la résultante des intelligences individuelles mises en synergie grâce aux réseaux 10 ( * ) .

La montée des risques ne doit être ni négligée ni sous estimée ; mais ce sont les risques de panne plus que de perversion des moeurs qu'il faut craindre. L'informatique en réseau est grosse d'une nouvelle menace, celle d'une « bombe informatique » aux causes, aux contenus et aux effets non seulement inconnus mais encore difficilement imaginables.

Apprendre à apprendre le bon usage des techniques, les utiles effets à en retirer et la critique intelligente des moyens et des résultats ainsi obtenus est la première exigence démocratique.

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* *

Dans « L'homme cybernétique » 11 ( * ) , j'avais souhaité comprendre et donner cette même envie aux parlementaires, puisque tel est l'objectif de l'Office parlementaire, de comprendre le contenu technique de la révolution numérique. J'avais besoin de savoir ce qui se passait sous « le capot » d'un ordinateur, et de donner aussi un sens à ce nouveau langage des publicités vantant la puissance d'un microprocesseur, le rôle d'un logiciel, la capacité de stockage d'un disque dur ou l'importance et le rôle de la mémoire vive...

Cette étude voulait aussi tracer les premiers contours des conséquences du choix du numérique et des médias l'utilisant dans certaines activités humaines, de celles qui sont inévitables dans la vie de chacun comme dans l'évolution de la société.

Les thèmes retenus alors l'étaient pour leur exemplarité : leur présentation ne prétendait pas à l'exhaustivité, elle suggérait une analyse ultérieure plus fouillée pour être plus utile.

Cette première étape de découverte des outils et des conséquences les plus repérables en appelait une autre consacrée à l'apprentissage de leurs usages en vue de leur généralisation, toujours avec la volonté de sensibiliser l'attention des parlementaires, d'éveiller leur curiosité et leurs responsabilités.

PREMIÈRE PARTIE : APPRENDRE LES USAGES DU NUMÉRIQUE.
POURQUOI ? OÙ ? QUAND ? COMMENT ?

« L'insuccès scolaire n'est pas une fatalité ! Le vrai problème, c'est que certaines fonctions s'effondrent : si un enfant n'a pas appris à parler à 10 ans, il ne parlera jamais. Donc il ne faut pas attendre, il faut agir. Un grand pas sera fait en éducation quand tout éducateur regardera tout éduqué comme capable de peindre la Sixtine, composer le Requiem, et inventer la radioactivité. »

Albert JACQUARD .

Cité par Rachel Cohen.

Quand l'ordinateur parle ...

PUF. 1992.

CHAPITRE PREMIER : LE MATÉRIEL DISPONIBLE

INTRODUCTION

Apprendre les usages du numérique ? La première réponse, spontanée, suggère les moments d'enseignements, ceux de l'instruction et de l'éducation. Pour les uns, l'école maternelle paraît fournir le temps du meilleur départ ; trop de chances sont ratées, si, dès la prime enfance, des initiatives adaptées ne suscitent pas l'éveil des capacités en attente et indispensables pour les étapes suivantes. Pour d'autres, il est préférable de retarder la rencontre avec ces nouvelles techniques d'information et de communication à la fin de l'étape primaire, voire au tout début du collège ; certains attendraient même le lycée.

Les nombreuses auditions d'enseignants à tous ces niveaux, de responsables syndicaux, de chercheurs, ou de personnes qualifiées en ces domaines, amènent à retenir sûrement le temps de l'école comme le temps nécessaire et indispensable des apprentissages aux NTIC, ne serait-ce qu'en référence aux pratiques observées dans tous les pays : la formation de l'adolescent, de l'adulte, passe par ses trajets scolaires qu'il s'agisse de sa formation professionnelle, civique ou personnelle.

En France, l'école maternelle -accueillant à partir de 2 ans et jusqu'à 5 ans, fin du premier cycle- a une telle notoriété, son efficacité est tellement reconnue, que les premiers apprentissages, les premières rencontres et découvertes avec l'ordinateur doivent être envisagées, organisées en ces lieux, en ces âges. Ceux qui proposent des époques plus tardives, admettent aussi cette hypothèse précoce, leurs choix étant dictés par le souci de raccourcir les délais entre les élèves en cours de formation, élèves qui vont arriver à leur maturité et à leurs responsabilités professionnelles et citoyennes dans peu d'années.

L'ordinateur est un nouveau stylo : on peut écrire, dessiner, faire des mathématiques, de l'algèbre comme de la géographie à condition d'avoir les logiciels ou cédéroms correspondants. On peut faire cela non seulement plus vite, mais surtout bien mieux, au moins d'un point de vue formel : l'écriture est plus régulière, la page finie est plus propre, les corrections ont pu être faites sans laisser de traces, des changements de place de paragraphes ou de membres de phrases sont possibles sans refaire toute une rédaction. La convivialité développée par les constructeurs - et en premier lieu par Apple - a contribué à rendre plus attractive et plus facile l'utilisation des ordinateurs pour en faire de plus en plus un outil quotidien. Un « super stylo » ! Ce schéma d'analyse permet d'ailleurs de rappeler que le passage du porte-plume au stylo bille ne s'est pas fait sans heurts... Combien d'enseignants ont-ils d'abord interdit l'usage de ce dernier pour se rendre compte de son caractère inéluctable, même si - et on peut le déplorer - une conséquence certaine s'est faite sentir sur la qualité calligraphique des élèves.

Quel souci précautionneux faudra-t-il avoir envers l'ordinateur quand on pense qu'à l'écran de l'ordinateur, on peut faire apparaître les pages du cahier de texte ; il est facile de réaliser des documents que l'on classe ensuite dans un dossier ad hoc ; on peut les rendre visibles sur l'écran quand on veut, comme on veut, par pages ou demi-pages, comme si on tournait les feuilles d'un livre.

Ce stylo est presque magique à côté de notre stylo actuel qui permet, sans avoir besoin d'encrier, de nombreux usages, mais sans les qualités de l'ordinateur.

Pour réussir à préciser les meilleures façons, la bonne pédagogie permettant d'atteindre une bonne connaissance et d'avoir recours et usage facile des nouveaux outils techniques, il est utile de connaître, succinctement, et les outils et ce qu'ils rendent possible (voir en annexe la présentation des matériels et de leurs usages).

I. L'ENVIRONNEMENT MATÉRIEL ET SES USAGES

Du simple ordinateur à la connexion en réseau par l'intermédiaire d'un modem et d'une ligne téléphonique, sans oublier le cédérom, on dispose des premiers éléments offrant des variétés multiples d'usage. A ces éléments « hard », les composantes « soft » que sont les logiciels permettent de disposer des moyens d'acquisitions des connaissances, de la culture qui bouleversent les façons de le faire d'hier : lire, écrire, apprendre, mémoriser, dessiner, compter etc., non seulement se réalise autrement, mais permet de disposer de quantités d'informations, de documents jamais encore atteintes. Est-ce bien ?

On dispose, avec cet ensemble de moyens, de trois médias -texte, son et image- qui changent les conditions d'apprendre, de travailler, d'exercer ses droits de citoyens et d'avoir une vie personnelle plus ample, plus enrichie de connaissances.

1. Les ordinateurs :

Usage possible : Les usages courants des ordinateurs sont multiples et dépendent des logiciels utilisés (voir infra). De l'ordinateur en fonctionnement dans un bureau de poste à celui installé dans les entreprises en allant jusqu'aux ordinateurs familiaux, les pratiques d'utilisation diffèrent totalement. Pour autant, la démarche d'acquisition d'un ordinateur répond en général à des utilisations fréquentes, de plus en plus banales : écrire un courrier, un texte (traitement de textes), consulter des données ou utiliser des jeux disponibles par cédéroms, communiquer par l'intermédiaire des réseaux (voir infra). L'ordinateur, pour toutes ses utilisations, est indispensable même si, seul, sans logiciels, il ne peut fonctionner.

Pour utiliser l'ordinateur dans ces quelques fonctions rapidement évoquées, il faut savoir utiliser le clavier et la souris.

- le clavier : on peut se contenter de taper laborieusement avec deux doigts, et corriger les nombreuses fautes de frappe que l'on a faites ; on peut aussi savoir taper convenablement - donc apprendre préalablement - et user du clavier avec plus d'habileté.

- la souris : les enfants s'approprient cet outil avec une dextérité déconcertante ; bien des adultes ont une infinie difficulté à maîtriser leurs mouvements avec la souris pour « cliquer », sélectionner par le curseur une action prévue par le logiciel.

Ces deux préalables pratiques posés, l'ordinateur implique un mode d'organisation auquel il faut se familiariser. La fenêtre, les dossiers, les fichiers constituent une forme très particulière de gestion et de création de documents ; la relation « hypertextuelle » 12 ( * ) crée comme une culture nouvelle : les documents sont susceptibles d'être en interrelation, non plus de façon linéaire (d'un début à une fin) mais de façon hypertextuelle. Des liens ont été programmés pour permettre des utilisations spécifiques.

L'ordinateur devient ainsi l'outil des autres outils (les logiciels, les cédéroms, les réseaux). Sa maîtrise, aussi conviviale soit-elle, implique une compréhension et une acceptation d'un système qui est imposé, qui est extérieur à l'utilisateur.

Description technique :

Composés classiquement d'un moniteur couleur (écran), d'un clavier, d'un lecteur de cédérom et d'une souris 13 ( * ) , les ordinateurs sont devenus en quelques années des appareils largement répandus. Leur puissance de traitement s'est également développée, la mémoire dure 14 ( * ) dépassant le giga d'octets 15 ( * ) tandis que la mémoire vive atteint aujourd'hui facilement les 16 méga octets. La vitesse des microprocesseurs 16 ( * ) a suivi une évolution similaire, les matériels aujourd'hui commercialisés pour le grand public variant entre 120 et 240 Mhz.

Ces données techniques dont les publicités font le rappel, échappent à la compréhension du plus grand nombre ; elles sont pourtant les éléments nécessaires des performances possibles. La taille du disque dur (mémoire dure ou morte) est moins utile au simple stockage des données créées par l'utilisateur que pour permettre le recours à de nombreux logiciels, qu'il s'agisse de traitements de textes, de bases de données, ou de logiciels de navigation sur l'Internet. La puissance de la mémoire vive 17 ( * ) est, quant à elle, l'élément indispensable à la navigation en réseaux ou à la consultation de cédéroms 18 ( * ) dans lesquels les images jouent un rôle essentiel. Enfin, la vitesse du microprocesseur contribue à la rapidité dans l'utilisation de ces différentes capacités.

La miniaturisation des techniques a aujourd'hui permis un développement important des ordinateurs portables, ceux-ci atteignant des capacités techniques identiques aux ordinateurs de bureau plus « encombrants ». Dans ce cas, le clavier est intégré en dessous de l'écran plat, et la souris externe est remplacée par une boule (joy stick) intégrée au clavier. Le dernier né de chez Apple, l'« Emate » , est un ordinateur portable destiné à l'usage scolaire ; les enfants pourraient le transporter à la place de leur cartable.

Quels que soient les logiciels utilisés (voir infra), l'ordinateur a pour fonction de permettre la création et le stockage de données numériques, de permettre le travail sur celles-ci, et de rendre possible leur transmission par réseau téléphonique (à condition d'être muni d'un modem) ou leur impression sur du papier (à condition de disposer d'une imprimante).

2. Les logiciels :

Usage possible : La multiplicité des usages possibles d'un ordinateur amène à une panoplie très étendue de logiciels, à moins que ce ne soit l'inverse, la multiplicité des logiciels entraînant une grande diversité d'usage. L'interactivité, atout premier des logiciels par rapport au livre, favorise des usages spécifiques.

Les grandes catégories de logiciels décrites ci-dessous répondent à des besoins particuliers. Dans ce rapport, il est intéressant de mettre plus particulièrement en avant les logiciels éducatifs et quelques unes des spécificités particulièrement adaptées.

A destination des élèves, les logiciels, quelles que soient les matières, peuvent contenir des exercices correspondant au travail de cours. L'autocorrection que les logiciels proposent, tend à respecter les rythmes d'un enfant et surtout, à éliminer la crainte du jugement de l'adulte (enseignant, parents).

Ils peuvent aussi contenir des données complémentaires au cours, des illustrations plus opératoires (en cartographie notamment).

Dans l'un et l'autre cas (exercices, données), ils s'utilisent par l'utilisation simultanée de la souris et du clavier et constitue, de ce fait, un apprentissage aux NTIC.

Description des grandes catégories de logiciels :

L'ordinateur est un gros consommateur de logiciels qui constituent des programmes adaptés à des fonctions spécifiques. Logiciels et ordinateurs ne peuvent fonctionner l'un sans l'autre.

On peut distinguer quelques grandes catégories de logiciels :

- les traitements de texte : ils sont utilisés pour créer du texte ; écrire un livre, un article, une simple lettre sur un ordinateur exige de disposer des logiciels de traitement de textes. De nombreux logiciels sont disponibles sur le marché : Clarisworks, Macwrite, Word 7.0... Souvent d'ailleurs les ordinateurs neufs sont livrés avec un logiciel de traitement de texte. Leurs différences sont essentiellement liées à leurs modalités d'utilisation, tous ayant simplifié au maximum les procédures d'utilisation pour développer cette « convivialité » qui serait à l'origine de l'explosion du multimédia.

- les bases de données : elles sont utilisées pour le traitement automatique de données pouvant être importantes : constitution de fichiers nominatifs (clientèle, associations...) de répertoires de produits, de traitement d'informations statistiques... La concurrence entre les différentes marques amène une profusion de logiciels sur le marché.

- les logiciels de dessin, d'illustration, de retouche photo : certains logiciels de dessin sont parfois intégrés à des logiciels de traitement de texte ; ils répondent dans ce cas à un usage domestique plus que professionnel. En revanche, de nombreux logiciels sont aujourd'hui disponibles pour des usages professionnels (architectes, ingénieurs...). Quand ces logiciels intègrent des possibilités de « retouche photos », ils permettent, après numérisation d'une image, de travailleur sur celle-ci, de la modifier, de supprimer des détails, d'en ajouter d'autres... Ces interventions sur l'image, indétectables au résultat, permettent des trucages dont il faut pouvoir s'affranchir.

- les tableurs : ils servent à tenir une comptabilité ! Une très grande variété est disponible pour répondre aux différents types de comptabilité qui peuvent exister (professions libérales, PME, PMI....)

- les logiciels de « navigation » : ils sont indispensables pour pouvoir « naviguer » 19 ( * ) sur les réseaux, notamment Internet.

- les logiciels à vocation pédagogique : tous les éditeurs de livres scolaires ont aujourd'hui investi le marché du logiciel éducatif, voire du logiciel parascolaire, nouveau moyen d'aides pour les élèves pouvant disposer à domicile d'un matériel informatique. Toutes les matières enseignées disposent aujourd'hui d'outils logiciels, qu'il s'agisse des sciences pures ou des sciences humaines.

Il peut à la fois s'agir d'aide à la construction du cours pour le professeur avec mise à disposition d'une documentation adaptée, soit de produire des exercices particuliers où l'ordinateur permet un plus, par exemple en géométrie, par la visualisation des figures géométriques ou en géographie par le recours à une cartographie adaptée.

3. Les Cédéroms :

Usage possible : Elément multimédia par excellence, le cédérom, grâce à son importante capacité de stockage d'informations numérisées, permet l'accès à des données sonores, visuelles (statiques ou animées) et textuelles. Le cédérom, qui prend la forme d'un disque laser, s'utilise essentiellement par l'intermédiaire de la souris : c'est en cliquant sur des icônes, ou sur des liens hypertextuels signalés par des mots soulignés ou coloriés que l'on accède aux informations programmées. Par exemple, le cédérom du Louvre permet de visualiser à l'écran des tableaux appartenant aux collections nationales. En cliquant sur un détail d'un tableau, celui-ci peut-être agrandi ; en cliquant sur le nom de l'auteur du tableau, on peut accéder à sa biographie....

De nombreux cédéroms, du fait de leur contenu culturel, ou parce qu'ils sont réalisés à cette fin, sont utilisables directement dans le cadre d'une pédagogie adaptée à l'univers scolaire. De plus en plus de cédéroms sont même réalisés dans une finalité directement éducative, en histoire, en géographie, en sciences de la vie notamment. Dans ces hypothèses, le support de l'image apporte un contenu démonstratif important. Le ministère de l'Éducation nationale 20 ( * ) a même débloqué en 1997 une ligne budgétaire de 23 millions pour contribuer directement à la production de cédéroms qui seront réalisés dans le cadre de la procédure de licence-mixte.

Les cédéroms dont le but est moins rédactionnel que de permettre l'accès à des bases de données, s'utilisent par l'intermédiaire et de la souris et du clavier. L'encyclopedia Universalis sur cédéroms par exemple (susceptible d'un usage scolaire), implique que l'on tape un mot correspondant à sa recherche pour faire apparaître des liens hypertextuels accessibles par l'intermédiaire de la souris. Dans ce cas, les données disponibles sont en général susceptibles d'être transférées sur le disque dur - un icône 21 ( * ) spécial prévoit cette possibilité - et, les textes ainsi transférés (ou téléchargés) peuvent être intégrés dans le cours d'un texte, pour citation par exemple.

A la différence des réseaux, l'accès au cédérom nécessite seulement de disposer d'un lecteur cédérom : aucune connexion n'est nécessaire. Il s'agit d'un outil « hors ligne » 22 ( * ) .

Description technique :

Disque compact destiné au stockage de données informatiques, le cédérom peut rassembler sur un même support, du son, de l'image et du texte. Cette possibilité technique a ouvert la porte à des applications rédactionnelles. L'industrie de l'édition s'est emparée de ce nouveau support pour développer des produits culturels documentaires à forte valeur ajoutée. Qu'il s'agisse du cédérom sur le cinéma, de celui reprenant l'intégralité des encyclopédies Universalis, en passant par celui réalisé par le musée du Louvre, ces trois exemples prouvent la diversité possible d'usage.

Pour autant, le cédérom a d'autres applications possibles : les jeux d'une part, l'industrie du sexe, d'autre part, se sont intéressés à un support au caractère interactif particulièrement adapté.

Bien que performants techniquement, les cédéroms ne sont pas encore aujourd'hui certains de perdurer dans une industrie en pleine évolution. D'une part, la complexité des problèmes de droit d'auteurs pousse - par souci d'économie - les éditeurs à des réalisations de cédéroms parfois décevantes pour les utilisateurs ; d'autre part, le développement exponentiel des activités en réseaux, dont le contenu peut évoluer en permanence, fait craindre aux éditeurs une précarité certaine du cédérom. Le pressentant déjà, certains d'entre eux associent le cédérom à des mises à jour régulières accessibles par le réseau.

4. Les réseaux :

Usage possible : Le réseau est également le deuxième élément multimédia. A la différence du cédérom, il nécessite de disposer d'un modem 23 ( * ) branché sur une ligne téléphonique et un abonnement à un fournisseur d'accès. Il est impossible de présenter tous les usages possibles, dans cette mesure où ils dépendent de la multiplicité des informations accessibles. Tout semble exister.

Pour « naviguer », il faut d'abord se connecter au fournisseur d'accès. Cette procédure se réalise simplement en cliquant sur l'icône symbolisant le logiciel de navigation. Plusieurs options sont ensuite possibles. L'utilisateur peut choisir parmi des moteurs de recherche 24 ( * ) et entrer, par l'intermédiaire de son clavier, le mot clé objet de sa recherche. En cliquant sur l'option « recherche », après quelques secondes, apparaissent à l'écran des informations hypertextuelles (références soulignées) auxquelles on peut accéder par un simple cliquement par recours de la souris.

De nombreux serveurs établissent des liens entre eux ; d'où l'appellation de Web (toile d'araignée) qui permet de passer très vite d'un site à un autre. Ainsi, en étant sur le serveur du Sénat (www.senat.fr) on peut accéder à celui de l'Assemblée nationale, de nombreuses collectivités locales.... Cette « navigation » de site à site peut très vite « perdre » l'utilisateur : à partir d'une recherche liminaire, il peut arriver à des informations très lointaines. Ce type de démarche (la navigation) ressemble un peu à celle qui consiste à chercher un mot dans le dictionnaire, cette recherche liminaire renvoyant à une autre définition, laquelle renvoie à une autre définition, etc.

Sur le réseau, tout en faisant appel à des moteurs de recherches, on peut aussi trouver des informations à partir d'une organisation thématique programmée. Par exemple, en allant sur la page d'accueil du moteur de recherche Yahoo (www.yahoo.fr), des catégories de recherches sont préalablement établies : presse, santé, institutions .... En cliquant sur ces liens hypertextuels, l'utilisateur accède à des serveurs pré-classés fournissant des informations sur le thème choisi.

Les données accessibles par ces moyens sont multimédia (texte, son image) et susceptibles, en règle générale, d'être transférées sur le disque dur par une procédure appropriée (téléchargement). Ce transfert peut-être gratuit ou payant ; la gratuité actuelle des informations en réseau tend à se réduire au profit de démarches lucratives. Le commerce sur Internet se développe, des moyens de paiement appropriés et sécurisés ayant été mis en place (porte monnaie électronique). Il est ainsi possible, par Internet, de commander des disques lasers (musique), de les payer grâce à son porte monnaie électronique, et de les recevoir dans de brefs délais par voie postale.

Description technique :

- Les Intranet : Ce sont des réseaux locaux ou dédiés qui dépendent d'une entreprise, d'une administration et qui relient entre eux tout ou partie des ordinateurs sur lesquels le personnel travaille. Ils peuvent être connectés dans un même lieu géographique ou au contraire reliés à des pôles d'activité situés à différents points du territoire, voire du monde.

Ces réseaux peuvent aussi relier entre eux des personnes ayant un intérêt commun sur un sujet donné (cf. le babillard de la Compagnie bancaire). Réseaux dédiés non pas à une entreprise mais à une collectivité de personnes volontaires, ces réseaux sont dénommés « babillards ». Ces personnes payent un abonnement à l'éditeur à l'origine du projet. Aujourd'hui de plus en plus, ces babillards offrent des portes d'accès à Internet et tendent même à disparaître pour intégrer directement Internet.

- Internet : Appelé communément « réseaux des réseaux », ce réseau mondial tend de plus en plus à devenir un réseau en lui-même ; le « Web » 25 ( * ) - ou toile d'araignée - est devenu un grand réseau multifonctionnel. Il offre ainsi accès à de nombreuses sources documentaires (usages professionnels, universitaires), à des serveurs ludiques et tous autres types de données numériques. Le réseau Internet permet aussi, par le biais des messageries électroniques (E-mail), un dialogue en différé entre tous les intervenants du réseau ; des dialogues en direct sont également possibles par l'intermédiaire des groupes de discussions (news groups).

- Modalités de fonctionnement : le fonctionnement du réseau, non hiérarchisé et non contrôlé par les États, met en contact plusieurs intervenants qu'il est nécessaire de bien repérer, pour une bonne compréhension du fonctionnement du réseau.

Le fournisseur d'infrastructures communicantes. Il loue l'accès de bandes passantes à un certain nombre de fournisseurs d'accès. Actuellement, France Télécom remplit cette mission ; son monopole sera prochainement remis en cause, les règles de la libéralisation des télécommunications étant applicables au 1er Janvier 1998. A partir de ce moment là, plusieurs entreprises de télécommunications pourront offrir l'accès aux bandes passantes ; la concurrence dans ce secteur devrait, indiquent ses promoteurs, contribuer à une baisse significative du coût de cette location aujourd'hui particulièrement chère.

Les éditeurs. Sur Internet, tout le monde peut être éditeur, à la seule condition de savoir utiliser le langage HTML 26 ( * ) et de trouver un fournisseur d'accès acceptant d'héberger le document Web afin qu'il soit mis à disposition du réseau. C'est toute la « révolution » d'Internet que de faire de tout utilisateur un éditeur potentiel de documents sur le réseau. C'est également toute la difficulté quant aux contenus des informations ainsi disponibles : aucun contrôle n'est possible et les fournisseurs d'accès refusent - et ne peuvent pas - exercer une quelconque censure.

les fournisseurs d'accès 27 ( * ) . Ce sont eux qui louent de la bande passante aux fournisseurs d'infrastructures. Ils ont ainsi une double raison d'être :

- ils permettent aux utilisateurs de se connecter au réseau, moyennant un abonnement mensuel pour des connections de durée en général illimitée. Le prix actuellement pratiqué est inférieur à 100 F par mois, il comprend également la fourniture d'une adresse électronique ;

- ils offrent aussi la possibilité de mettre sur le réseau des pages Web ou des sites Web pour tous ceux qui en réalisent. Cette deuxième mission a créé récemment des difficultés judiciaires à certains fournisseurs d'accès, suspectés de complicité par le seul fait d'avoir hébergé des sites Web aux contenus illégaux alors même qu'ils n'ont pas mission de les contrôler 28 ( * ) .

Les utilisateurs. Dernier maillon de la chaîne du réseau, l'utilisateur est celui qui bénéficie d'un abonnement chez un fournisseur d'accès lui permettant à la fois de « naviguer » sur le réseau et de disposer d'une boîte aux lettres électronique. Celui-ci, outre son abonnement, paye les communications locales nécessaires à sa connexion chez le fournisseur d'accès, tout le temps où il est connecté. Ce coût est d'environ 20 F de l'heure, ce qui est loin d'être négligeable, notamment quand il s'agit d'un usage personnel ou dans l'univers scolaire.

*

* *

Tous ces éléments constituent ce que l'on appelle aujourd'hui d'un terme communément admis les « multimédias » : s'il y a effectivement plusieurs médias qui se rejoignent - l'écrit, le son, l'image - cette multiplicité passe au demeurant par un seul moyen technique, l'ordinateur. Cela suffirait à préférer le terme d'unimédia : un moyen pour des médias. Pourtant, de nombreux utilisateurs parlent aussi d'hypermédia, voulant montrer dans ce terme la spécificité des liens hypertextuels. On peut en rester au terme largement utilisé de multimédia.

Cet environnement technique, « multiple » permet des usages différenciés. Son apparente complexité ne résiste souvent pas à l'usage ; les plus jeunes n'éprouvent en tout cas aucune difficulté avec la culture de l'interactivité. Cela ne signifie pas pour autant que des apprentissages ne soient pas nécessaires ; bien au contraire, la multiplicité de l'information exige une formation affermie pour acquérir une maîtrise citoyenne d'outils qui peuvent servir comme asservir.

II. L'ÉQUIPEMENT DES MÉNAGES : UNE SITUATION TRÈS INÉGALITAIRE

La « révolution » de la société de l'information dont certains commentateurs parlent est toute relative si l'on analyse les chiffres de l'équipement des foyers. Certes, celui des entreprises est aujourd'hui une réalité qui rend nécessaire la maîtrise des outils de la communication. Le faible nombre d'ordinateurs dans les foyers au regard du caractère incontournable de son utilisation professionnelle rend plus nécessaire que jamais l'équipement des écoles et l'élaboration d'une pédagogie adaptée. Cela devient une condition indispensable afin d'éviter l'apparition d'une nouvelle exclusion : celle découlant de la possession familiale ou non d'un ordinateur, clivage qui reproduirait de façon plus accentuée qu'aujourd'hui celui entre familles à niveau de vie aisé et familles à revenus modestes.

Les analyses aujourd'hui disponibles donnent des indications plus ou moins variables. Sans prétendre à la parfaite exhaustivité ni même à l'exactitude absolue des données chiffrées publiées jusqu'alors, les tendances qui se dégagent sont similaires ; elles méritent d'être connues des parlementaires.

1. Le rapport de la Task Force « Logiciels éducatifs et multimédia 29 ( * )

En 1995, avec un taux d'équipement moyen des familles en micro-ordinateur de 19%, l'Europe se situait au deuxième rang derrière les États-Unis (35%) et devant le Japon (10%). Sur ce marché, le niveau des équipements multimédias a crû très rapidement à partir de l'année 1994 : en Europe, il est passé de 2,7 à 9 millions de lecteurs de cédéroms entre 1994 et 1995 et l'on s'attend à ce qu'il atteigne 25% des foyers en 1998, soit 35 millions d'unités. Cependant, bien que les prix des équipements multimédias soient orientés à la baisse, ils restent dissuasifs pour un nombre important de foyers, alors que les familles à hauts revenus commencent à s'équiper d'un deuxième PC. De plus, certaines incompatibilités techniques entre les matériels offerts sur le marché rendent l'utilisation de produits multimédias encore difficile pour le consommateur non averti.

Le taux d'équipement des foyers en modem permettant la connexion des micro-ordinateurs sur des réseaux télématiques est encore faible (1% en France et en Italie, 3% en Allemagne, 4% en Grande-Bretagne) mais progresse rapidement, en particulier aux États-Unis où il a doublé entre 1994 et 1995 pour atteindre 15% des foyers. Le niveau encore élevé des tarifs de télécommunications en Europe ne facilite cependant pas l'accès des familles aux services en ligne.

Les usages familiaux : De machine de jeu et d'initiation à la programmation qu'il était dans les années 80, touchant un public d'adolescents, garçons le plus souvent, le micro-ordinateur devient dans les années 90 la machine de toute la famille utilisée pour le travail professionnel et scolaire tout autant que pour la culture et pour le jeu. L'intérêt des familles pour les multimédias éducatifs et culturels reflète de nouvelles préoccupations des parents. D'un côté, ceux-ci sont sensibles à l'alternative que ces produits offrent à la consommation passive de programmes télévisuels. De l'autre, nombre d'entre eux sont inquiets pour l'avenir de leurs enfants, et investissent dans des produits et services parascolaires pour leur assurer les meilleures chances d'intégration professionnelle et sociale.

Les logiciels les plus vendus en Europe sont ainsi des encyclopédies et titres culturels d'origine européenne ou nord-américaine, (Encarta de Microsoft, Le Louvre produit en France par la Réunion des Musées Nationaux) ou des titres de découverte pour les jeunes enfants (The Ways Things Work de l'Anglais Dorling Kindersley, Math Blaster de l'Américain Davidson, ADI du Français Coktel-Vision). Ce sont des logiciels alliant un riche contenu multimédia - textes, images, séquences vidéos - à une forte interactivité.

Les particuliers s'intéressent également aux services en ligne, c'est à dire accessibles par les réseaux télématiques, le plus souvent pour un coût de l'ordre de 15 Écus par mois (environ 100 F par mois). Le nombre de ces abonnements aux États-Unis a connu un taux de croissance de 87% en 1995 et plusieurs services similaires ont été lancés en Europe en 1995 : America On Line Europe (Bertelsmann-AOL), Grolier Interactive (Matra-Hachette), Europe On Line (Burda-AT&T), Infonie (Infogrames), T-On Line (Deutsche Telekom), Italia ou UK On Line (Olivetti). Enfin, de multiples services éducatifs sont proposés gratuitement sur le World Wide Web.

Toutefois, la disponibilité vers la fin du siècle de réseaux à hauts débits à des prix abordables, et les progrès de la recherche-développement sur des applications télématiques conviviales et bon marché, devraient favoriser le développement de services réellement multimédias.

2. Les réseaux de la société de l'information30 ( * ) (Commissariat général du Plan) :

« Sur l'ensemble des accès Internet (particuliers et professionnels) la France comptait environ 120 000 abonnés en septembre 1995, accusant ainsi un retard certain par rapport à ses principaux partenaires. L'Allemagne comptait, à la même époque, 402 000 abonnés à Internet, la Grande-Bretagne 380 000, les Pays-Bas 153 000, la Suède 124 000 et la Finlande 133 000.

« Depuis un an, l'utilisation d'Internet croit de manière considérable dans notre pays. Selon une enquête de la société Médiangles, la France comptait en Avril 1996, 480 000 utilisateurs d'Internet, dont 185 000 particuliers (95 000 disposant d'un accès à domicile et 90 000 utilisateurs d'un cybercafé). Les « internautes » français représenteraient donc encore moins de 1,5 % de la population des quinze ans et plus, taux qui est cependant beaucoup plus élevé au sein de certaines catégories, comme les étudiants ou les chercheurs.

« Entre janvier et juillet 1996, le nombre d'ordinateurs connectés à Internet a cru de 38 % en France, contre 36 % dans l'ensemble du monde. En juillet 1996, la France comptait 189 786 ordinateurs connectés, contre 548 168 pour l'Allemagne et 8 224 278 pour les États Unis. » (p 79-80) (...)

« Concernant les catalogues de titres cédéroms, 50 % des 8 000 titres grand public existants ont été produits aux États-Unis, et 5 % seulement en France. 71 % sont disponibles en anglais, contre respectivement 5,8 % et 5 % en français et en allemand. Les jeux représentent 34 % du total (en forte progression), la catégorie dictionnaires et encyclopédies 43 %, en stagnation relative, et le secteur éducatif 17 % en forte progression. » (pp. 96-97).

Population d'internautes 31 ( * ) . (États-Unis multimédia n°5 Nov-Déc 96)

En 1996 (sources Network wizard) :

États unis :

41 millions

Canada :

2,1

Royaume-Uni :

2,9 millions

Australie :

2

Allemagne :

2,75

Finlande :

1,4

Japon :

2,5

France :

0,95

En 2000

Estimations : 308 millions d'internautes ; 150 millions de télécopieurs ; 300 millions d'ordinateurs ; 800 millions de lignes téléphoniques.

Aussi incertaines soient-elles, les estimations laissent présager un développement exponentiel des réseaux. S'y préparer devient une exigence comme il en fût au siècle dernier quand il s'est agi d'électrifier la France.

Au moment :

- où le clivage dans l'équipement des foyers en outils multimédia apparaît avec netteté,

- où toutes les professions exigent une capacité d'usage allant du seul emploi du clavier à toutes les subtilités d'un ordinateur et de ses accessoires,

- où beaucoup se plaignent du poids des cartables des écoliers,

le rôle de l'école en matière d'apprentissage des NTIC apparaît fondamental. L'enjeu de ce rapport est d'en préciser les termes et les conditions.

CHAPITRE 2 : LE RÔLE DE L'ÉCOLE

« L'ordinateur sera pour les jeunes de demain aussi indispensable que l'étaient l'encrier et le cartable pour l'écolier d'hier . »

René MONORY

Avant propos au rapport :

La mondialisation : Fatalité ou chance ? 32 ( * )

« Le processus éducatif n'est pas une affaire d'accès au savoir (...). Améliorer l'accès ne changera pas une virgule à la situation de désir de savoir qui doit animer l'élève . »

Philippe BRETON

Réflexions générales introductives

Rien ne sera durable ni profitable à tous si l'école n'est pas ce lieu premier des apprentissages essentiels. Les rôles que Jules FERRY lui avait confiés dès son origine indiquent les décisions à prendre :

- il faut savoir adapter une pédagogie à des outils et rendre nécessaires leurs usages par des professeurs d'école formés et instruits en ces matières. En même temps - et c'est d'ailleurs pour l'essentiel le cas - il faut que tous les enfants effectuent un parcours scolaire commençant, si les parents le souhaitent, à l'âge de deux ans, à l'école préélémentaire ; il deviendra ensuite obligatoire jusqu'au terme de la troisième correspondant à l'âge de 16 ans ; ce parcours doit pouvoir s'effectuer dans de bonnes conditions dans tous les lieux d'enseignement ;

- en revanche, il faut éviter de réactiver les deux circuits initiaux pensés par Jules FERRY ; ils créaient une inégalité d'accès au savoir : le premier, relativement court et représentant le temps de l'école primaire, libérait les enfants de toute obligation scolaire dès le certificat d'étude acquis ; le second, plus riche en matières, plus long en durée, s'effectuant au lycée, ouvrait aux formations conduisant aux postes de responsabilité, de décision, de pouvoir.

Cette inégalité d'accès avait pour objectif, délibérément choisi, la formation de deux blocs antagonistes ; les accords nécessaires entre eux n'ont pas toujours pu éviter des violences et des souffrances.

L'égalité des chances pour tous - mission première de l'école publique - est une exigence encore plus impérieuse du fait de l'entrée des techniques d'information et de communication dans toutes les activités des hommes. Les capacités propres à chacun pour les acquérir et en user feront les différences ensuite dans les postes, les places, les fonctions que chacun occupera.

Si l'on veut réussir une entrée satisfaisante de ces nouvelles techniques à l'école, si l'on veut assurer une égalité des chances entre les élèves, quatre conditions seraient à respecter :

- organiser un enseignement sûrement populaire, évitant toute forme d'élitisme en s'adressant au plus grand nombre ;

- veiller à utiliser le rapport au plaisir entre élève / enseignant ;

- assurer une rigueur pédagogique dans la méthodologie proposée ;

- veiller au bon usage de l'interactivité qui devient un aspect stratégique de la fonction d'enseignement. 33 ( * )

*

* *

Avant toute proposition nouvelle, il convient de dégager les éléments d'un environnement technique dans un contexte culturel donné, d'en évaluer les conséquences sur l'avenir d'une société et le devenir des hommes qui l'habitent.

Il devient peu à peu admis que l'ordinateur n'est pas seulement :

- un outil de plus dans l'arsenal de l'enseignement ;

- un support supplémentaire pour transmettre les connaissances selon les programmes officiels dans les mêmes structures éducatives, utilisant les mêmes stratégies pédagogiques, maîtres et élèves conservant leur rôle et prérogative.

Tout au contraire, l'ordinateur semble devenir un « nouveau stylo » aux capacités diversifiées susceptibles de modifier les exercices scolaires traditionnels et de nécessiter des méthodes pédagogiques adaptées.

Quatre questions peuvent guider réflexions et recherches :

- l'ordinateur, nouveau stylo, doit-il avoir une fréquence d'utilisation voisine de celle du stylo à bille ou à encre, sans en faire disparaître l'usage comme le stylo le fît de la plume sergent-major et de l'encrier ? L'ordinateur va devenir portable et de plus en plus léger. Peut-il avoir sa place dans le cartable de l'écolier et sur son pupitre en classe ?

- comment et quels apprentissages imaginer pour établir d'efficaces relations au savoir ?

- quelles incidences sur les relations des élèves entre eux et des élèves avec les professeurs ?

- des risques de dépendances de l'enfant, puis de l'homme envers la machine sont-ils à craindre ? Comment assurer la maîtrise de la machine?

Avant de tenter d'apporter des propositions à ces questions, notamment à la première, il est nécessaire de tenir compte des choix d'expérimentation recensés comme des réflexions et réactions enregistrées.

- aucune expérience à l'ordinateur pour des exercices fondamentaux, dictée ou apprentissage des mathématiques de base : timidité ou refus des enseignants ? préservation au lieu du sacrifice de la traditionnelle écriture sur le cahier ? rejet de l'existence de logiciels de correction ?

- en France, comme en Finlande, l'ordinateur ne semble pas être considéré comme devant être un outil familier comme un stylo. Est-ce le coût ? A l'époque du porte-plume, le stylo paraît cher et signe d'une aisance financière. Est-ce un réflexe comme celui de Cosette devant une poupée ? Les enseignants n'osent pas rêver une telle possibilité.

- si une initiative devait être envisagée, ne faudrait-il pas l'organiser seulement à partir de l'entrée dans le cycle primaire ?

Depuis presque dix ans, des enseignants, des collectivités locales ont eu le souci d'utiliser les moyens nouveaux de la communication. Les expérimentations, nombreuses, dispersées sans lien apparent, fournissent des indications sur le rôle nouveau de l'enseignant, les approches pédagogiques utiles à développer, la répartition des activités techniques comme des matières enseignées, l'organisation matérielle de la classe, sur les phénomènes d'autoformation et de contrôle de soi.

D'ores et déjà, l'école préélémentaire entre 2 ans et 5-6 ans apparaît être un moment privilégié pour l'éveil de tous les possibles de l'enfant pour l'acquisition de mécanismes techniques comme pratiques, sans omettre la construction des comportements dans un espace socialisé. Plus encore, cette période peut se révéler déterminante dans la lutte contre l'échec scolaire : en réduisant, dès le plus jeune âge, les différences sociales entre les enfants et leurs conséquences sur leur accompagnement extrascolaire, l'école maternelle, disposant d'ordinateurs, peut devenir le premier lieu de l'égalité des chances

Les blocages : ils sont encore nombreux

- Les enseignants sont encore très réservés et refusent, assez souvent encore, de consacrer un temps suffisant pour apprendre, et découvrir les satisfactions de l'usage le plus simple de l'ordinateur, qu'il s'agisse du traitement de texte et du cédérom ; ils ne sont pas pressés d'accéder au multimédia, ni de se brancher sur les réseaux ; ils invoquent des difficultés réelles : remplacement pendant le temps de formation, moments pris sur le temps libre et non rémunérés ; toutes ces raisons ont des solutions, mais elles rejoignent celles mises en avant par les autorités académiques comme celles des responsables des services ministériels concernés.

- Les réticences, voir les refus des divers échelons hiérarchiques depuis les inspecteurs départementaux jusqu'aux décideurs nationaux ; ils prennent appui sur l'absence de décision claire des ministres de l'éducation, s'abritent derrière les ordinaires et classiques prétextes : souci du budget et des personnels, intérêt discutable, non prouvé de ces nouvelles manières d'aider à l'accès aux connaissances, à la culture, investissements en ordinateurs, obligations d'en changer fréquemment, organisation délicate des stages de formation, facteurs de dépenses non prévues, recherche vaine de moyens financiers et de disponibilité. Trop rarement, par conviction ou accord discuté, s'envisagent des projets communs entre enseignants et inspecteurs.

- A ces résistances classiques s'en ajoute une autre : chaque nouveauté, matériel ou manière pédagogique ou matière à enseigner, s'ajoutent aux contenus existants ; les enseignants craignent - et on peut les comprendre ! - les couches successives devenant de véritables impedimenta.

Des ouvertures : il en existe

- Des expériences, à l'initiative d'enseignants des premiers cycles, mais aussi parfois dans le secondaire et les lycées, parfois limitées mais quelquefois très élaborées dans le projet et bien conduites à terme, ponctuent de points brillants la carte scolaire de France.

- Des incitations académiques ont le mérite de situer l'institution scolaire devant l'enjeu des TIC. La Direction des technologies nouvelles du Ministère de l'Education nationale encourage les initiatives académiques, niveau considéré comme pertinent pour mettre en oeuvre ces technologies.

Cette situation contrastée entre initiatives individuelles, académiques et blocages divers.... symbolise une insuffisante coordination ; le manque de lignes directrices générales mais précises tient, assez vraisemblablement, à l'indécision de tous les ministres de l'Éducation nationale de ces dernières années ; ils ne veulent pas imaginer le rôle de l'usage des nouveaux moyens d'accès aux connaissances. Ils n'adressent aucun signe tangible à une communauté éducative disparate dont les éléments les plus dynamiques sont vite découragés.

Ce manque d'initiative serait-il conséquence de méfiance justifiée ou d'interdit pour défendre des positions, comme au temps du «  roman de la rose », de la naissance de l'imprimerie ou des évolutions du colportage ? Plus simplement est-ce crainte de voir s'effriter des corporatismes dépassés ?

Quoi qu'il en soit, tout retard deviendra faute : de plus en plus sensible, notamment du point de vue pédagogique, il aura des conséquences importantes dans l'organisation économique et sociale de notre pays par rapport à d'autres plus volontaires, plus décidés.

L'échec reconnu du plan informatique pour tous (IPT) en 1985 ne doit pas hypothéquer les chances d'une politique globale en matière d'informatique communicante et multimédia. Il ne peut servir de prétexte à retarder une nouvelle initiative nationale de même envergure ; les circonstances sociétales sont différentes et le matériel informatique aussi.

- Les ordinateurs ne ressemblent plus à ceux de 1985 : leur convivialité, les interfaces des « fenêtres », l'intermédiaire de la souris, la taille et le poids des « portables » en font un matériel pratique et facile à utiliser, qu'il s'agisse du portable ou de l'ordinateur « lourd ». La familiarité d'usage peut vite s'acquérir. Alors que l'usage d'un ordinateur il y a dix ans impliquait une compétence technique en informatique... les machines d'aujourd'hui nécessitent d'abord une motivation ; l'usage a été formidablement simplifié et probablement se simplifiera-t-il encore par les avancées techniques rapides qui ne cessent de se produire.

- L'ordinateur n'est plus un outil inconnu et réservé à quelques spécialistes. Tous les supports d'information et à fortiori les supports commerciaux, en vantent l'intérêt, la nécessité : il est entré dans le paysage de la société comme la télévision ou le téléphone portable : tout le monde n'en possède pas, personne ne peut en ignorer l'existence.

- Les enseignants en poste en 1997 sont plus réceptifs que ceux de 1985 ; les promotions sortant des IUFM prennent leurs premiers postes. Surtout, ils devinent que cette évolution apparemment inéluctable, ne peut se réaliser sans que les établissements scolaires y prennent part.

- Si tous les enseignants ne sont pas aujourd'hui convaincus ni même motivés pour bouleverser leurs pratiques pédagogiques, beaucoup sentent bien le caractère irréversible de l'informatique communicante ; ils devinent de plus en plus que cette évolution ne peut pas rester à l'extérieur des établissements scolaires. Ils savent qu'à plus ou moins long terme, leur responsabilité sera engagée face à ces moyens différents d'accès aux savoirs.

Dans ce contexte, l'accueil de l'ordinateur dans le système éducatif est tout différent par rapport à 1985. A ne pas réagir, les enseignants pourraient accréditer l'idée d'une perspective américaine tendant à favoriser la scolarisation à domicile des enfants, beaucoup de parents considérant l'école plus nuisible que profitable 34 ( * ) .

I. QUELS OBJECTIFS PEUT-ON ENVISAGER PAR L'USAGE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION À L'ÉCOLE

L'introduction des techniques de l'information et de la communication dans le système éducatif est considérée comme positive par certains, superflue par d'autres. Cette contradiction contraint à la recherche d'arguments objectifs : la présence de l'ordinateur, est-ce un effet de mode ?

- ou un nouvel outil,

- un nouveau stylo dont l'usage deviendra aussi nécessaire et habituel que celui du stylo à plume ou à bille, le téléphone et l'automobile par exemple.

Dans l'enseignement, contribuera-t-il à un renforcement pédagogique, à une amélioration qualitative en éliminant les scories des modes éphémères ?

- Une des premières raisons de ce rapport est de fournir des données objectives pour un choix entre l'opportunité d'acquérir ou non l'usage de ces nouvelles techniques et pour quels exercices.

- La seconde sera de préciser ces exercices, de rechercher les méthodes d'apprentissages. Les préalables sont :

- l'acquisition d'un usage familier, d'une « habileté » comme disent les Canadiens, à utiliser l'outil ;

- l'appréciation de l'intérêt des produits multimédia (cédérom) et des réseaux, apprentissage de la « navigation » sur Internet... ;

- nécessité, pour cela, de pratiques pédagogiques codifiées, rénovées (voir infra) : du développement du travail collectif à la valorisation de l'interdisciplinarité, de l'usage simple du traitement de texte à la réalisation de documents HTLM, en n'oubliant pas l'utilisation des cédéroms...

- La troisième concerne la place de l'ordinateur dans la vie quotidienne de l'enfant à l'école : nouveau stylo, remplacera-t-il, sans les faire disparaître, les stylos à plume et à bille qui, eux, ont fait disparaître la plume sergent-major et les encriers ? Il sera toujours nécessaire d'écrire la plume à la main et sur un papier ; il faudra savoir tenir son stylo habituel.

Les résistances rencontrées dans le système éducatif - enseignants et décideurs - sont pour partie fondées sur une ignorance entraînant des craintes exagérées ou des espérances excessives. En revanche, il devient évident que les outils d'une société de l'information passent de l'univers professionnel à la vie quotidienne de tous. Il n'est plus d'activités professionnelles qui ne nécessitent l'usage de l'ordinateur, de manière modeste ou en utilisant toute ses subtilités. Les machines communicantes se développent également dans la vie quotidienne (Minitel, fax, répondeur téléphonique, voire ordinateur connecté) et contraignent déjà chacun à acquérir une familiarisation de leur usage. Du rôle de l'école dépend l'égalité des chances de chacun de réussir une bonne insertion dans la société informationnelle.

1. Familiarisation à un outil courant

Les ordinateurs sont partout. Les réseaux se développent. Ce double constat devrait suffire à convaincre de la nécessité d'apprendre aux jeunes l'usage d'un outil courant pour en assurer la maîtrise, pour en contrôler les usages, mieux, pour en favoriser l'utilisation citoyenne.

Nombreux sont les interlocuteurs de la mission qui mettent en avant les ratés de l'Education nationale en matière d'introduction de la télévision à l'école pour s'en prémunir aujourd'hui sur la question des techniques de communication.

En apparence, la question est pourtant différente. L'usage « technique » de la télévision ne posait pas en soi de problème. Appuyer sur une touche « marche/arrêt » et sélectionner une chaîne ne nécessite pas un apprentissage très développé. L'introduction de la télévision à l'école n'était pas un enjeu de maîtrise technique de l'outil, mais d'apprentissage de réflexion sur l'image, l'information....

Perçue essentiellement comme un instrument de loisir, la télévision n'a pas trouvé à l'école un usage pédagogique adapté. La grammaire de l'image ne s'est pas imposée : « Le domaine de l'image a, lui aussi ses codes, ses références, sa culture qu'il nous faut apprendre et faire apprendre, faute de quoi (...) les jeunes (resteront) démunis face aux images manipulées, tronquées ou décontextualisées. » 35 ( * ) Cet apprentissage n'a pas su encore s'imposer, se généraliser. Il devient d'autant plus nécessaire que l'image, truquée ou non, devient un élément de plus en plus présent avec les NTIC Le CLEMI 36 ( * ) a cet objectif de « donner aux élèves les moyens de se repérer dans le monde » . Cet organisme, rattaché au ministère de l'Education nationale, encourage toutes les initiatives tendant à décrypter des messages d'information, à donner aux élèves le moyen de s'imprégner des réalités quotidiennes du monde de la communication, à encourager l'interdisciplinarité, à favoriser la mise en oeuvre de l'esprit critique, bref, à favoriser un apprentissage de la démocratie.

Savoir lire et écrire a sans doute été la première façon d'ouvrir l'accès aux connaissances de toutes sortes : les moyens ordinaires largement développés ont été l'imprimerie, le livre, l'écriture par crayon, plume et papier. Aujourd'hui, on lit sur écran et on écrit par l'intermédiaire d'un clavier.

L'apprentissage du lire et de l'écrire pourra-t-il ignorer l'ordinateur ?

- Peut-il être enseigné ailleurs que par le système éducatif actuel ?

- Demain, celui qui ne saura utiliser ni l'ordinateur, ni ses accessoires, ni les réseaux ne sera-t-il pas le nouvel analphabète ?

Les rôles des NTIC, déjà quotidiens et généralisés dans tous secteurs, professionnels, personnels, culturels, imposent une réponse positive à ces questions ; il est même regrettable que des solutions ne soient encore ni données, ni formulées, et qu'aucune pratique courante et ordinaire n'existe dans les écoles de France. Il n'est pas imaginable, aujourd'hui, de sortir du système scolaire sans savoir écrire avec un stylo ; demain, il ne sera plus possible de ne pas savoir utiliser un clavier d'ordinateur. Cette maîtrise initiale amènera également à l'usage des réseaux.

Le coût des équipements (il faut aujourd'hui pouvoir investir au minimum 12000 F pour disposer d'un équipement multimédia), leur entretien et leur remplacement fréquent sont de moins en moins des arguments à retenir ; celui du prix des communications pour l'usage des réseaux reste un obstacle : il n'est pas insurmontable.

2. Égalité des chances

Dans l'utilisation d'un outil.

La pratique des outils nouveaux de l'information est aujourd'hui encore un épiphénomène de privilégiés dans les usages familiaux, alors qu'elle entre à grande vitesse dans l'univers professionnel. Cette disparité 37 ( * ) reproduit des inégalités sociales déjà fortement ancrées. Les familles aujourd'hui équipées en ordinateurs multimédia sont essentiellement des familles aisées à niveau culturel supérieur. Leurs enfants sont assurés de l'accès à un outil auquel la grande majorité des autres ne peut prétendre.

Dans ces conditions -et très nombreux sont les interlocuteurs qui l'ont souligné- la mise à disposition d'ordinateurs dans les écoles est une chance pour permettre à tous les enfants d'accéder à cet outil. Cette exigence première de l'Education nationale -fournir à tous les jeunes la même chance à une formation initiale de qualité- est renforcée par le usages possibles et les perspectives imaginables en terme d'amélioration qualitative des pratiques scolaires : l'ordinateur, associé à des apprentissages précoces (avant 6 ans) contribue à une lutte efficace contre les discriminations sociales, il constitue un élément déterminant de la lutte contre l'illettrisme 38 ( * ) .

L'association Enseignement Public et Informatique (EPI) relève parfaitement cet enjeu : « Devant les carences du système éducatif, les familles socio-économiquement les plus favorisées s'équipent et ont recours aux services de clubs extra-scolaires payants, franchisés d'une société américaine à l'occasion. Le fossé continue à se creuser entre les élèves, entre l'école et les familles aisées qui ont compris le « plus » offert à leurs enfants en leur permettant l'accès aux technologies. (...) L'EPI ne pourra jamais accepter que l'informatique et les technologies associées soient réservées de fait à une minorité. L'impérieux devoir du système éducatif est de tout faire pour compenser - là comme ailleurs et là plus qu'ailleurs - les inégalités . » 39 ( * )

L'équipement des écoles catholiques 40 ( * ) : la presse a largement fait écho au partenariat entre Apple et les écoles catholiques. Au-delà de l'intérêt d'un partenariat entre institution scolaire et fabricant de matériel, la volonté affirmée par l'enseignement catholique d'équiper toutes les écoles, et prioritairement les classes de collège, répond à la nécessité de ne pas rater l'introduction des techniques de l'information. La démarche pédagogique proposée semble être de favoriser le mélange d'un apprentissage inductif et déductif : laisser les enfants faire la découverte des ordinateurs et, quand ils sont confrontés à un blocage, l'enseignant doit être là pour pouvoir y répondre.

La priorité donnée à l'équipement des collèges pose question ; ce choix répond évidemment à une stratégie imposée par des limitations économiques. Selon M. CHÉREAU, il s'agit de rendre l'outil accessible à une catégorie d'enfants ne devant pas échapper au contact avec l'ordinateur. L'ambition semble au demeurant de poursuivre cette action pour toucher ensuite les classes de lycée.

N'est-ce pas, pour le service public, une cause de retard supplémentaire ?

Hors système éducatif, ce risque de l'accès différencié aux technologies, est accru par des propositions « marchandes » de sociétés franchisées : la société Futurekids 41 ( * ) propose des formations aux technologies de l'information à un prix horaire supérieur à 100 F, aux enfants à partir de 3 ans et aux adultes à tout âge. Ces sociétés s'installent aujourd'hui dans les quartiers les plus favorisés ; contenus des exercices et pédagogie semblent messagers de la culture américaine.

Dans l'accès aux sources documentaires.

Les meilleurs manuels, les meilleurs supports pédagogiques, les meilleures bibliothèques ne seront plus réservés aux privilégiés admis à fréquenter les établissements les mieux dotés. A terme, la numérisation des fonds documentaires les plus riches, leur mise en réseaux, permettra à tous d'accomplir un parcours d'apprentissage personnalisé .

Le réseau (qu'il s'agisse de Renater, d'Internet...) permet le libre accès à ces sources documentaires infinies. Cette richesse potentielle constitue une opportunité de premier ordre pour le système éducatif. Elle implique rigueur et méthodologie pour apprendre à y accéder comme à l'utiliser ; elle exige la maîtrise d'un travail à l'analyse du contenu 42 ( * ) . L'ordinateur est un nouveau support d'informations, complémentaire et concurrent de la presse écrite, audiovisuelle, du livre....

Cette richesse documentaire en réseau devient un atout pour tous les acteurs éloignés des centres documentaires classiques. Le réseau devient un élément d'aménagement du territoire ; il renforce les chances de ceux qui vivent éloignés des pôles universitaires ; il atténue les conséquences des dispersions en milieu rural. Les réseaux Buissonniers, réunissant plus de cent écoles du Vercors sur un même réseau ouvert sur l'Internet, permettent l'enseignement à distance de lycéens de haut niveau sportif ; c'est un exemple concret et convaincant de l'utilisation de cet outil.

Les réseaux, loin de constituer un phénomène de mode, inscrivent leur logique dans une démarche profitable à la pédagogie : les serveurs mis en place par les académies mettent de plus en plus de documentation en ligne susceptible d'enrichir et de diversifier le travail des enseignants ; les « forums » organisent de nombreux débats sur le thème de l'éducation et des technologies, et favorisent la mise en commun des expériences, encouragent les synergies ; les serveurs étrangers, notamment québécois, sont riches en documentations pédagogiques... La prochaine Banque de Programme et de Services (BPS) mise en place par la Cinquième, aujourd'hui seulement expérimentée, permettra aux enseignants, par l'intermédiaire du réseau, d'accéder à une documentation audiovisuelle susceptible d'accompagner leur enseignement. Ces quelques éléments ne sont plus des perspectives ; ils constituent déjà la réalité du réseau.

Une véritable explosion documentaire se produit actuellement. Cette richesse doit être accessible au plus grand nombre si l'on veut assurer l'égalité des chances, mission essentielle de l'école.

*

* *

Les contributions des NTIC à la diffusion des informations, des données et des connaissances, les utilisations de l'ordinateur et réseaux de plus en plus importantes et, semble-t-il de moins en moins évitables dans les activités professionnelles, pour la formation personnelle de chacun et pour l'exercice de ses responsabilités citoyennes sont des données de la civilisation de cette fin de siècle ; les initiatives et les décisions déjà prises dans de nombreux Etats européens, au Canada et aux États-Unis, ne peuvent être négligées. Sont-elles exemples à suivre ?

L'entrée de l'usage des NTIC dans l'éducation en France paraît nécessaire : l'ordinateur communicant devient un instrument banal dans la société française comme dans celles du reste du monde. Les élèves de France, pour qu'ils aient des chances égales, doivent-ils, tous, pouvoir bénéficier d'une formation adaptée, et sans rupture, tout au long de leur scolarité ? Seront-ils ainsi préparés à réussir, dans les meilleures conditions possibles, leur insertion dans la société informationnelle du XXIe siècle ?

Cela suppose des décisions, et en premier, la mise en route d'un plan réfléchi, précis, financé et organisé de la formation des maîtres à leur nouvelles responsabilités et à l'équipement des écoles. Faut-il l'envisager ? Dans quels délais et avec quels moyens ? Est-ce la priorité d'un Ministère de l'Education nationale ? Quels sont ses partenaires possibles, inévitables ? Quelle est son urgence ?

II. FORMATION DES ENSEIGNANTS ET ÉQUIPEMENT DES ÉCOLES : LES PRÉALABLES FONDAMENTAUX

Deux conclusions majeures ressortent des entretiens organisés dans le cadre de cette mission comme des contributions adressées au forum « Apprentic » :

- la nécessité de développer une formation adaptée au bénéfice des enseignants ;

- l'obligation de favoriser l'équipement des écoles, collèges et lycées.

L'un ne saurait précéder l'autre, tant ces deux aspects sont intimement liés. Des professeurs formés ne disposant pas de matériels perdront rapidement le bénéfice de leur formation ; des machines mises à disposition sans professeurs formés, c'est leur « mise au placard » sans délai.

Cette « complainte » commune aux enseignants convaincus de la nécessité de l'entrée des techniques de l'information à l'école, manifeste l'ardente attente de deux initiatives nationales d'incitation non rigide :

- Prévision d'un budget et proposition de directives maîtresses d'une formation pratique, d'une pédagogie appliquée à l'usage de l'ordinateur, de ses accessoires et des réseaux .

- Elaboration d'un plan d'équipement des établissements scolaires de tous niveaux, en partenariat avec d'une part les collectivités locales, départementales et régionales, et d'autre part les fournisseurs de matériels informatiques. La participation des collectivités locales dans l'équipement matériel des écoles, collèges et lycées a permis des réalisations significatives ; les nouveaux équipements ne peuvent être laissés à leur seule appréciation ; ce serait prendre les risques de déséquilibres entre communes, départements et régions, selon l'intérêt porté par les élus à ces NTIC comme des moyens financiers à leur disposition.

Les expérimentations en cours, d'origines spontanées ou suscitées par des autorités administratives, créent des inégalités entre les établissements qui en bénéficient et les autres. A moins de les suspendre, il est fait obligation de les généraliser. Est-ce plus hors de portée que les conséquences, y compris financières, découlant des lois républicaines instituant obligation et gratuité de l'école la
•que a la fin du siècle dernier ?

La difficulté de la formation des maîtres a peut-être une cause psychologique : n'y a-t-il pas crainte d'une perte de valeur et d'une mise en cause de leur autorité par leur maladresse technique face à l'aisance d'usage des élèves pour ces « nouveaux stylos » ? La naissance d'un nouveau rapport à l'autorité et au partage du savoir ne crée-t-elle pas des difficultés d'acceptation et de réorganisation pour la communauté éducative ?

Les possibilités offertes par les NTIC entraînent de profonds changements dans les schémas habituels ancrés dans les esprits et les pratiques, par exemple les répartitions par discipline, les programmes à suivre, les méthodes à appliquer. Les incertitudes, les freins plus ou moins spontanés devant toute innovation pédagogique comme devant l'investissement nécessaire en temps, constituent donc des réflexes qu'il faut pouvoir dépasser.

1. La formation des enseignants

La formation des enseignants nécessite une formation initiale et une formation continue. Ces deux aspects sont indissociables pour une généralisation rapide de l'usage par tous les élèves de l'ordinateur et des possibilités qu'il offre. Former tous les nouveaux enseignants, dans les IUFM ou à d'autres étapes de leur parcours universitaire, devrait être aisé : il est surprenant de constater les disparités d'intention comme de pratiques entre ces établissements de formation des maîtres, et, encore plus, la pauvreté, voire la médiocrité des moyens, en temps comme en matériel, mis au service de cet objectif.

La formation continue -élément indispensable pour assurer aux enseignants en fonction depuis plusieurs années, une compétence en matière d'informatique communicante- s'avère encore mal organisée. Il s'y ajoute les accueils dépendant de l'ancienneté d'exercice professionnel et l'approche du départ en retraite. Les MAFPEN ont à trouver des réponses.

La formation initiale

Le ministre de l'Education nationale, M. François BAYROU, auditionné par l'Office parlementaire dans le cadre de cette mission 43 ( * ) , a apporté des éléments d'information à retenir.

« Une initiation aux outils est donnée dans tous les IUFM (ainsi tous les futurs enseignants (devraient utiliser ) le traitement de texte pour leur mémoire professionnel en fin de seconde année d'IUFM) et des salles informatiques en libre service sont mises à leur disposition. Le nombre de stages sur ce sujet organisés par les MAFPEN pour la formation continue est constamment réactualisé. [...]

« Pour la formation initiale, [...] deux types de compétences sont visés :

« - Connaissance et maîtrise minimales des différents outils (informatique, audiovisuel et multimédia) connectés ou non aux réseaux ; recherche, tri et analyse de l'information quel que soit le support.

« - Intégration des outils et des ressources dans la pratique pédagogique. »

Ces informations ministérielles, pour précises qu'elles soient, ne se retrouvent pas parfaitement réalisées par les IUFM.

Les compétences suggérées dans le cadre de la formation initiale apparaissent, en pratique, particulièrement sommaires : si les futurs enseignants doivent présenter leur mémoire professionnel tapé, rien ne les oblige à le taper eux-mêmes ni à acquérir un ordinateur, ni même à utiliser ceux qui sont mis à leur disposition par les IUFM ; les formations proposées restent souvent facultatives ; quand elles ont un caractère obligatoire, elles sont optionnelles, en concurrence avec d'autres formations intéressant aussi les futurs enseignants.

- L'exemple de l'IUFM de Lyon 44 ( * )

A l'IUFM de Lyon, des formateurs particulièrement motivés, mettent en évidence les limites d'une formation trop sommaire.

- Les étudiants de première année se voient proposer une formation facultative en libre accès, représentant seulement 12 heures sur l'année. 40 % des futurs professeurs d'école y participent et seulement 10 % des futurs professeurs de collèges et lycée.

- Les étudiants de seconde année, futurs professeurs des écoles, suivent une formation obligatoire ; elle est rendue nécessaire, les programmes de CE et de CM prévoyant d'apprendre « les rudiments d'une culture informatique ». Une seconde formation de 15 heures obligatoires est proposée à ces étudiants, cette seconde formation étant optionnelle : Le choix est offert entre technique documentaire, audiovisuel, ou multimédia.

- Les étudiants de seconde année, futurs professeurs des collèges et lycées n'ont aucune formation obligatoire. Ils peuvent suivre un module facultatif consacré aux NTIC. Les responsables de l'IUFM de Lyon considèrent, non sans une certaine ironie, que cette formation constitue seulement un « clin d'oeil appuyé ».

Les nombreux enseignants qui sortent du système de formation corroborent ces informations peu satisfaisantes. La formation aux nouvelles techniques apparaît trop sommaire, particulièrement limitée dans le temps - en moyenne une quinzaine d'heures sur deux années de formation - et trop peu orientée sur l'intérêt de l'ordinateur dans une finalité pédagogique.

Ce constat devrait inciter à une réétude de la politique de formation prévue dans les IUFM ; c'est d'autant plus nécessaire que 50 % des enseignants actuels partiront en retraite d'ici les dix prochaines années. L'arrivée massive d'une nouvelle génération d'enseignants serait donc une occasion de renouveler profondément et rapidement les pratiques pédagogiques en faisant de l'ordinateur communicant un outil central dès l'enseignement préélémentaire et élémentaire.

Ne serait-il pas en l'occurrence pertinent d'envisager l'allongement de la durée de formation, pour développer la réflexion autour des pratiques pédagogiques, et notamment de l'intérêt du multimédia à cet égard ?. Les futurs enseignants, pendant cette période, seraient à la fois en stage auprès d'élèves et disposeraient de temps pour utiliser les nouveaux outils et élaborer des pratiques pédagogiques rénovées 45 ( * ) .

La formation continue.

Dans son audition devant l'Office parlementaire, le ministre de l'Education nationale a précisé les éléments de la politique suivie en ce domaine :

« Pour la formation continue, le développement de centres de ressources permet d'alterner sensibilisation des enseignants, formation et soutien sur site, regroupements, formation à distance..., plus efficaces que les stages classiques de plusieurs jours en continu, trop souvent hors établissement.

« Un plan massif de formation de formateurs est prévu pour les IUFM et les MAFPEN. Il devrait associer des partenaires variés y compris du secteur privé. » 46 ( * )

Les multiples informations recueillies ne corroborent guère ces intentions. Les plans de formation, sans doute difficiles à mettre au point, sont très insuffisants en nombre. Seul un tout petit pourcentage d'enseignants choisit, à titre individuel, ou parfois collectivement, un stage consacré aux NTIC dans un panel de formation étendu. Dans ces conditions, une politique tendant à généraliser les usages aux NTIC s'avère difficile à mener.

Pour M. NESPLAZ, chef de mission à la MAFPEN de Lyon, une solution pour favoriser le développement de stages de formation au multimédia repose sur une inscription de cette approche dans tous les programmes. A partir de ce moment là, les enseignants se sentiront plus « obligés » de suivre des formations adaptées ; afin d'assurer une plus grande efficacité à cette formation, il estime que, à son issue, les enseignants devraient disposer du matériel adapté. « Cela doit se pratiquer tous les jours » pour être parfaitement appris et compris.

Le Centre Paris Informatique 47 ( * ) , organisme mis en place en partenariat entre la ville de Paris et l'Education Nationale, contribue à la formation des enseignants par une approche originale méritant d'être signalée et soulignée. L'équipement d'un établissement scolaire sur Paris implique l'envoi d'un formateur (« brigade ») durant une semaine, pour tous les enseignants de l'établissement. Cette façon de procéder présente un mérite : les enseignants sont formés à utiliser les matériels qui seront effectivement à leur disposition. Ils évitent ainsi tous les problèmes liés à l'usage d'autres logiciels, d'autres ordinateurs aux configurations différentes. En terme d'efficacité, cette approche singulière peut paraître pertinente.

Enfin, devant l'insuffisance des moyens, certains IUFM, dont celui de Lyon, organisent également des stages de formation continue :

Dans ce cadre, 25 instituteurs lyonnais suivent une formation de 120 heures (sur cinq semaines) intitulée : « Du traitement de texte au multimédia » . A relever également dans le cadre d'une formation de 120 heures consacrée à « l'utilisation des documents en histoire » que, 18 heures sont consacrées aux produits multimédia.

Dans l'académie de Grenoble, des stages d'un mois sont organisés pour 30 enseignants : pendant 15 jours, une moitié d'entre eux découvre le traitement de texte, la réalisation des liens et la rédaction d'hypertexte ou document; l'autre moitié travaille sur l'image et vice versa les 15 jours suivants. Application scolaire : apprivoiser la souris dès l'âge de 2-3 ans, puis dès 5 ans utilisation de l'image et du texte avec logiciel adéquat.

Toutes ces initiatives, intéressantes, singulières, fonctionnent encore trop souvent par le fait de « mordus » des techniques de l'information : enseignants, formateurs, inspecteurs d'académie.

Que conclure sur la question de la formation ? Un embryon de formation obligatoire est réalisé dans les IUFM ; cela est manifestement insuffisant. Quant à la formation continue, elle semble n'être qu'une intention : Les enseignants sont-ils incités à acquérir une formation à l'usage de ces nouveaux outils ? Sont-ils efficacement aidés ensuite dans les établissements scolaires ? Peuvent-ils percevoir la pertinence de ces équipements dont ils ne disposent que trop rarement ?

Cette situation, aléatoire, embryonnaire et fragmentaire, ne répond pas à une des préoccupations exprimées par la Commission européenne ; Mme Édith CRESSON, commissaire européen chargé de l'éducation et de la formation, estimait, qu'en 1996, « année de la formation tout au long de la vie » , il fallait« faire un effort particulier en direction de la formation des enseignants qui est notoirement insuffisante dans l'ensemble des pays de la communauté. C'est probablement par ce biais que l'on lèvera les obstacles les plus nombreux au recours aux TIC à l'école » 48 ( * ) .

2. L'équipement des établissements scolaires49 ( * )

Les informations en matière d'équipement fournies par le ministère font état d'un parc informatique « constitué d'environ 500 000 micros. En moyenne, un micro pour 45 élèves à l'école primaire, un pour 28 au collège, un pour 12 au lycée, et un pour 8 au lycée professionnel 50 ( * ) . » Ces chiffres ne tiennent pas compte de la vétusté des équipements ni de leurs capacités, multimédia ou non, ni toujours de leur fonction, administrative ou pédagogique.

L'objectif du ministère n'est pas de « relancer un plan d'équipement massif du type « informatique pour tous ». (...) Ainsi l'Etat veillera avec les collectivités territoriales à augmenter le parc des micros dans les écoles et les collèges ; pour les lycées, il convient de renouveler le parc. Le développement du réseau interne qui permet de connecter l'ensemble des ordinateurs d'un établissement constitue un objectif prioritaire pour les collèges et les lycées. Le pilotage de l'état repose sur l'affichage d'orientations nationales, l'incitation forte à l'élaboration de projets académiques élaborés avec les collectivités territoriales. [...] » 51 ( * )

Les récentes déclarations du Président de la République tendent à accréditer une accélération dans le processus de l'équipement des établissements scolaires : « Je veux que pour l'an 2000, c'est à dire dans trois ans, tous les établissements d'enseignement secondaire soient connectés au réseau. Et ça le sera . » 52 ( * )

Cette déclaration importante fait peu de cas des établissements primaires. Une réflexion sur la pertinence de l'usage des NTIC dès le primaire, voire dès le préélémentaire est nécessaire. (cf. III du présent chapitre).

La difficulté réelle de la réalisation de l'équipement ne saurait être ni un obstacle majeur, ni un prétexte pour ne pas l'entreprendre. Elle devra être accompagnée d'un service de maintenance des matériels mis à disposition, d'un recours à des « sachant-faire » spécifiques pour une bonne « gestion de la panne » 53 ( * ) . Un corps de personnel capable d'assurer ce travail est indispensable. L'enseignant généreux ne peut consacrer des heures hors temps de travail à entretenir un parc de machines, vieilles ou récentes, comme certains le font depuis quelques années.

Enfin, le coût des communications, dans le contexte actuel, est tout à fait décisif 54 ( * ) . Une tarification à la durée dans un cadre pédagogique est pénalisant. Une négociation globale avec France Télécom s'avère indispensable. Les efforts déjà réalisés (notamment par des systèmes relais afin de rapprocher les fournisseurs d'accès locaux) n'éliminent pas la pratique actuelle d'une tarification à la durée totalement inappropriée à la mission de l'école.

III. UNE PÉDAGOGIE RÉNOVÉE : DE L'ENSEIGNEMENT À L'APPRENTISSAGE

« Plus on enseigne, moins on apprend », pouvait dire, en forme de boutade, Mme COHEN. Cette affirmation contradictoire pose en elle-même la question de l'apprentissage.

La pédagogie classique, celle du cours magistral où le professeur délivre un savoir devant des élèves, est-elle encore d'actualité face aux moyens offerts par les NTIC ?

Les NTIC vont-elles tout bouleverser, mettre en cause les pratiques les plus anciennes dans l'acquisition des savoirs fondamentaux ?

Se dirigerait-on, seulement, vers des aménagements tendant à ajouter un outil de plus dans des méthodes pédagogiques classiques ?

L'ordinateur sera-t-il le moyen nouveau d'une pédagogie rénovée, deviendra-t-il un outil quotidien à la disposition des élèves, sera-t-il le nouveau stylo du troisième millénaire ?

Il peut paraître prématuré de poser ces questions, les nouvelles technologies à l'école étant seulement au stade expérimental dans quelques écoles de France. Sans en faire un bilan, il est possible d'en dégager des approches pédagogiques et d'en découvrir les conséquences sur les comportements des élèves. L'extraordinaire variété de pratiques témoigne de la capacité d'imagination des enseignants et des enfants et d'une multitude de possibilités techniques des machines.

Un des objectifs de ce rapport est d'évaluer les résultats de l'usage de ces outils nouveaux, d'en dégager des propositions pédagogiques et techniques, d'en proposer l'analyse critique aux décideurs politiques comme aux professeurs.

1. L'usage scolaire des NTIC55 ( * )

Les renseignements ont été collectés de trois façons :

- par des visites, en France et à l'étranger, d'établissements scolaires et entretiens avec les enseignants ou des responsables d'initiatives pédagogiques ;

- par la récolte d'autres renseignements et notamment par la visite de sites disponibles sur Internet ;

- par le dialogue ouvert grâce au Forum Apprentic mis en oeuvre sur le serveur Internet du Sénat 56 ( * ) .

Les pratiques apparaissent multiples et les objectifs divers, sans pour autant être hétérogènes.

a) Constat : l'usage scolaire des NTIC, de multiples expérimentations

Les usages scolaires de l'outil multimédia varient sensiblement selon le type d'équipement disponible ainsi que l'âge et le niveau scolaire des enfants. Pourtant, les pratiques tendent à se rejoindre et contribuent à l'élaboration, même dispersée d'une pédagogie de l'autonomie et de la responsabilité.

La salle multimédia :

- En maternelle :

La mise à disposition d'une salle multimédia équipée de plus de dix voire quinze ordinateurs permet de mettre simultanément tous les élèves d'une classe, dans un temps donné, sur des machines. Dans ce schéma organisationnel, les enfants de la classe maternelle ont recours à l'ordinateur dans un fonctionnement d'abord ludique. Les jeux, le dessin, le maniement des couleurs leur permettent d'avoir un premier contact avec l'ordinateur ; ils apprennent à manipuler la souris et le minimum de rigueur nécessaire pour faire fonctionner l'appareil.

Si de nombreux intervenants estiment pertinent le recours à l'ordinateur dans une fonction ludique, dès la grande classe de maternelle, des expérimentations, peut-être plus marginales mais non moins significatives, tentent d'utiliser l'ordinateur comme un moyen d'apprentissage précoce de la lecture.

Une étude consacrée à l'apprentissage précoce de la lecture, avant les six ans réglementaires avec un « ordinateur qui parle » mérite d'être rapportée. Un logiciel spécifique a été mis au point pour cette recherche. Les mots tapés par l'enfant sur le clavier apparaissent à l'écran, sont simultanément parlés par l'ordinateur. Au point de départ de cette recherche, la réflexion d'une institutrice : « Je voudrais que les enfants entendent ce qu'ils tapent à l'ordinateur ! ».

Ce travail apprend que l'ordinateur permet la prise en charge :

- des connaissances des lettres, « que les enfants identifient très rapidement » ;

- des connaissances du vocabulaire de base ;

- de l'autocorrection : « boiture » au lieu de « voiture ». L'ordinateur indique l'erreur que l'enfant doit corriger.

Pour l'enseignante en responsabilité de cette recherche : « Les enfants sont à tout moment actifs et attentifs, ce qui développe en eux une capacité d'attention inhabituelle à cet âge. Ils sont autonomes devant l'ordinateur (...). Ils développent un goût esthétique pour le travail propre et bien fait en raison des productions parfaites qu'ils obtiennent à la sortie de l'imprimante ».

- En primaire :

L'apprentissage, dans une configuration identique, pour des élèves de primaire, permet une utilisation inscrite dans la logique des programmes ; Les élèves réalisent alors des exercices découlant des matières traditionnellement enseignées : conjugaisons, opérations, ...

Une salle multimédia, pour certains enseignants rendrait inutile des ordinateurs dans les classes, l'intérêt d'une salle spécifique équipée d'ordinateurs étant fortement revendiqué par certaines équipes pédagogiques 57 ( * ) . Cette façon de procéder semble correspondre à une pratique ancrée dans des méthodes traditionnelles : l'enseignement fonctionne d'abord par discipline (pour l'école) et par matière (pour le collège et le lycée) dans le cadre d'un temps scolaire clairement déterminé.

L'ordinateur en fond de classe :

Cette configuration, toute différente de la précédente, suscite des pratiques pédagogiques rénovées : la classe n'est plus alors organisée comme un temps d'enseignement identique où tous les élèves font la même chose au même moment. Au contraire, des contenus différenciés sont proposés : certains travaillent en autonomie sur des machines tandis que d'autres font un travail différent, seuls ou avec le maître ou l'enseignant.

Par exemple, dans une classe de CM2 ainsi équipée, toute la pédagogie de l'enseignante semble fondée sur une autonomie-responsabilité des élèves ; l'ordinateur en fond de salle est accessible aux élèves. Ceux-ci l'utilisent dans le cadre premier de la finalité du réseau : communiquer avec d'autres écoles par l'intermédiaire du courrier électronique. Ils l'utilisent également dans le cadre de la réalisation d'un journal scolaire.

L'ordinateur est à la fois un moyen de communication et un nouvel outil d'écriture. Les élèves n'ont pas été formés à l'usage de la souris, ils le maîtrisent quasi spontanément ; ils sont en revanche fortement incités à apprendre l'usage méthodique du clavier 58 ( * ) .

Autre exemple en CE1 59 ( * ) : Des élèves plus âgés mais en réelle difficulté scolaire peuvent disposer d'un ordinateur ayant pour objectif de valoriser l'autonomie : « Les élèves travaillent par groupe de deux. Ils occupent l'ordinateur une demie heure par jour et par groupe à tour de rôle, afin d'essayer de donner à tous une possibilité journalière d'accès à l'ordinateur. Pendant ce temps, la classe se poursuit normalement. Il n'est pas permis de déranger (l'instituteur) ou de déranger les camarades ; il faut se débrouiller seul , car il est indispensable que le groupe fonctionne avec le plus d'autonomie possible ».

Cette méthode expérimentale fournit un certain nombre d'observations :

- dans l'apprentissage proprement dit : l'attention passe de 10 minutes maximum (enfants de 7 / 8 ans) à 45 minutes, voire plus ;

- dans la prise de décision, le non recours à l'adulte est un élément fondamental quant à l'acquisition d'une autonomie dans le travail ;

- apprentissage de la ponctuation : la synthèse vocale rend incompréhensible toute phrase non ponctuée ;

- réduction du sentiment de culpabilité devant les fautes. « Dans la pédagogie traditionnelle, l'erreur est sanctionnée par l'adulte et il se crée un climat d'anxiété chez l'élève. Or, dans cette situation nouvelle, l'erreur devient source de recherche personnelle : l'élève est mis dans la situation de pouvoir se corriger lui-même... » ;

- plaisir dans le travail (rires !). Disparition de tout sentiment de frustration ;

- l'aide de l'adulte n'est pas gommée, elle est réduite au strict nécessaire ; « Petit à petit, les enfants deviennent plus exigeants envers eux-mêmes : ils écoutent chaque mot écrit, pour s'assurer qu'il est correct. Ce désir de la correction et de ne pas laisser d'erreurs est une attitude très positive qu'ils garderont, nous l'espérons, dans les classes futures. »

L'utilisation des réseaux :

L'ordinateur connecté aux réseaux offre d'évidentes possibilités pédagogiques s'inscrivant dans une logique très différente de celle des programmes. Moins lié à l'enseignement par matière, associant plus souvent des disciplines diverses, les enseignants ajoutent à ce moyen le dialogue entre classes et écoles par l'intermédiaire du courrier électronique.

Ce type d'apprentissage valorise l'échange, le dialogue, l'ouverture sur le monde. Il paraît pertinent pour l'apprentissage des langues et pour certaines matières, telles la géographie et l'histoire, grandes consommatrices de sources documentaires accessibles par le réseau.

Exemple : les réseaux buissonniers 60 ( * ) .

Lancés en 1994 à partir de huit écoles primaires du canton de Villard-de-Lans, les réseaux buissonniers reliaient à l'origine ces écoles par l'intermédiaire d'ordinateurs connectés au réseau téléphonique commuté à un serveur multimédia. « Former les jeunes du canton aux évolutions de la société de demain, tel est le pari des réseaux buissonniers » 61 ( * ) . En 1997, ce sont plus de cent écoles et lycées de ce district qui sont maintenant connectés, offrant à tous les élèves de ces établissements l'accès à Internet, à la communication électronique et à l'outil informatique dans ses fonctions de base.

Quelques applications particulièrement innovantes rendues possibles par les réseaux buissonniers méritent d'être présentées.

- Les cyberchampions. Le lycée Jean Prévost de Villard-de-Lans accueille 800 élèves répartis entre le collège et le lycée. Parmi ces élèves, plusieurs classes sont constituées de sections sportives de haut niveau. Pour les élèves inscrits dans l'une de ces sections, la scolarité, de la seconde à la terminale, s'étale sur quatre ans. Une de ces classes expérimente le recours aux nouvelles technologies.

Ces élèves, qui suivent une formation de ski de compétition, sont absents pendant tout le second trimestre (avec juste deux passages au lycée pendant cette période). Ils sont équipés d'ordinateurs portables leur permettant de travailler à distance, et d'éviter une rupture trop grande avec le travail scolaire.

Dans ce cadre, les 18 élèves de cette section, ont, au cours du premier trimestre, appris les usages fondamentaux de l'ordinateur. Ils ont même suivi une formation à l'usage du clavier à partir de dactylogiciels.

Pendant le second trimestre, les élèves peuvent trouver sur le serveur de l'école des exercices de révision des programmes du premier trimestre. Quatre matières fondamentales sont aujourd'hui l'objet de ce travail à distance : les mathématiques, l'histoire, la géographie, et les langues.

Le fonctionnement totalement asynchrone entraîne une pédagogie fondée sur l'autonomie et la responsabilité des élèves.

S'il est trop tôt pour tirer un bilan définitif de cette expérimentation, la motivation des élèves semble forte, aux dires des professeurs. La personnalisation nécessitée par cet échange à distance entre élèves et professeurs est relevée par les intervenants. L'incitation à la communication écrite - « les élèves sont obligés de bien formuler les questions » - est également mise en avant.

- La junior entreprise. Réalisée dans le cadre du même lycée, cette initiative se déroule dans un cadre extra-scolaire. Les élèves participants sont essentiellement issus de l'option informatique 62 ( * ) . Elle a pour but la réalisation de projets proposés par des entreprises ou des associations. Ils ont réalisé des pages Web (et donc appris à utiliser le langage de programmation HTML), ils assurent aussi la gestion d'un forum sur Internet.

Le bilan de cette initiative apparaît exemplaire au professeur accompagnant ce projet. Il valorise l'autonomie des élèves ainsi que leur responsabilité. Il établit des ponts avec des entreprises et constitue un premier éveil au monde du travail.

L'ordinateur, support indispensable aux disciplines scientifiques

L'ordinateur peut occuper dans la pédagogie une place efficace. Certaines disciplines scientifiques ont de plus en plus recours à l'ordinateur comme moyen fondamental de travail et d'expérimentation. Il permet la visualisation de phénomènes qui, auparavant, était seulement décrits. Il constitue de ce fait une première ébauche d'une méthode scientifique et apparaît comme un moyen pédagogique particulièrement adapté ; des élèves d'une classe de première S utilisent l'ordinateur, en travaux pratiques de physique, pour effectuer des exercices de colorimétrie appliquée à la restitution d'images satellitales, d'autres observent la consommation d'énergie par les mytocondries en classe de sciences de la vie et de la terre. Il s'agit, dans cette hypothèse, d'expérimentations impossibles à mettre en oeuvre sans informatique. Auparavant, seul le cours magistral était envisageable ; aujourd'hui l'utilisation de l'ordinateur permet de donner aux élèves le goût au travail autonome en même temps qu'il est une première initiation à la démarche expérimentale. Dans cette hypothèse, l'objectif des enseignants n'est clairement pas de favoriser, par ce travail, l'utilisation du traitement de texte 63 ( * ) .

Pratiques citées dans le cadre du forum « Apprentic » :

Ce forum lancé sur le serveur Internet du Sénat, dans le cadre de cette mission, a permis de rassembler de nombreuses contributions sur des pratiques différentes. Si presque tous les participants à ce forum constatent une part d'appropriation spontanée des jeunes aux NTIC, ils n'en déduisent pas les mêmes conséquences. Certains rappellent que la découverte par tâtonnement de l'ordinateur « ne concerne que les enfants qui ont une curiosité naturelle, et ce n'est pas le cas de tous ».

Cette constatation exprimée, la question des apprentissages reste controversée. Certains participants craignent des effets contre-productifs de certains apprentissages trop formels, tel celui du clavier. Il ne faudrait « surtout pas désarticuler les apprentissages et séparer trop les exercices de l'utilisation au point où les enfants ne savent pourquoi ils font telle ou telle chose. »

D'autres, en revanche, formalisent les conditions d'utilisation de l'ordinateur dans la classe. Un enseignant de CM 2 explique sa méthode de familiarisation des élèves à l'ordinateur :

« - La première demi-heure de chaque jour pour aller sur Internet (...) , répondre au courrier , faire des petits travaux et des petites recherches, aller sur cédéroms ;

- deux fois quarante-cinq minutes en demi-groupes pendant les cours d'allemand et d'anglais : là, je fais des choses assez dirigées pour que les enfants apprennent à maîtriser les logiciels (PAO, tableur, gestionnaire de fichier) ;

- une heure en demi-groupes : cédéroms ;

- deux heures en demi-groupes : travaux orientés vers l'art, puisque le projet d'école est art et communication.  »

Cette façon de travailler nécessite un équipement matériel particulier, toutes les contributions dénoncent l'insuffisance des moyens ; la contradiction apparente quant à la place de l'ordinateur à l'école démontre le caractère encore expérimental, souvent exceptionnel, du recours aux NTIC. Tel professeur d'école explique que « un ordinateur en permanence dans une classe permet de démystifier cet engin et, dans un second temps, d'en faire un outil accessible à tous, si ce n'est au même rang que les crayons, les cahiers et les livres, au moins à sa juste place : un instrument parmi d'autres. » D'autres témoignages évoquent des organisations plus ambitieuses : « On ne peut mettre 25 ou 30 ordinateurs dans une classe ni 25 élèves derrière un ordinateur. Il me semble que le raisonnable se situe plutôt vers trois ou quatre machines dans la classe, dont deux multimédia, et communiquant. L'enseignant peut alors gérer un groupe de 4 ou 8 élèves sur les machines et continuer à gérer les autres élèves qui font autre chose au même moment. »

Quelle que soit la configuration d'équipement, les utilisations évoquées par tous tournent autour de trois aspects principaux : la correspondance électronique, la recherche documentaire, la création de pages Web et la mise en réseaux de ces créations.

Toutes ces expériences pratiquées par des enseignants motivés confirment la pertinence de l'utilisation pédagogique des NTIC. Leur extrême diversité laisse interrogatif dans les recherches d'apprentissages pertinents dont tous les élèves devraient disposer.

Si l'apprentissage de la lecture a toujours été objet de polémiques quant aux méthodes utilisées, il n'en demeure pas moins que tous les élèves sans exception, apprennent à lire à partir du cours préparatoire. La situation est loin d'être similaire pour le recours à l'ordinateur.

Force est de constater que l'utilisation des NTIC suscite des approches très différentes, selon l'équipement des écoles, selon les enseignants participant à l'initiative, selon enfin les techniques utilisées : les apprentissages seront différents si le travail consiste d'abord à user de l'ordinateur dans sa fonction traitement de texte, bases de données, ou multimédia.

Est-il possible, à partir de cette diversité pédagogique exprimée, de déduire des usages à privilégier ?

Peut-on aujourd'hui évaluer convenablement l'ensemble des expérimentations menées pour en tirer des conclusions pédagogiques ?

Doit-on en rester au constat de la diversité pour espérer un développement des initiatives individuelles, éventuellement sources de graves distorsions entre élèves ?

Faudra-t-il en tirer des conclusions plus dirigistes pour tenter de respecter une obligation essentielle : celle de l'égalité d'accès à ces nouvelles méthodes entre tous les élèves ?

b) Analyse : Des pratiques fragmentaires

À partir de ces expérimentations en milieu scolaire, comment dégager quelques lignes d'une pédagogie réfléchie ?

La diversité des pratiques comme des moyens mis en oeuvre et les différences de niveau de formation préalable des professeurs d'école, de collèges et lycées, donnent une image collective composite, sans que les traits fondamentaux en soient contradictoires. Seule la localisation de l'ordinateur dans l'école semble objet de réflexions différentes.

Trouver les fils porteurs de cette toile d'araignée expérimentale pour faire de l'ensemble un tout cohérent et solide est un premier exercice captivant, mais point évident.

Les recherches présentées, initiées par des enseignants de tous niveaux, semblent être menées un peu à tâtons, par défaut de directives ou au moins de conseils globalisant. La formation des professeurs comme l'usage qu'ils peuvent faire des connaissances ainsi disponibles, fragiles et fragmentaires, paraît insuffisante ; elle est à l'origine de la construction d'un kaléidoscope, chaque pédagogue se laissant entraîner par une intuition personnelle, source de plaisir procuré par ce nouvel outil performant.

Faut-il, dans ce kaléidoscope expérimental, éliminer toute volonté délibérée d'apprendre certaines pratiques premières, même difficiles, comme le doigté pour l'utilisation du clavier ?

Faut-il limiter l'usage de l'ordinateur à des réalisations extra-scolaires comme les journaux de classe ou d'école ?

Peut-on utiliser davantage l'ordinateur pour certaines de ses qualités fondamentales -répétiteur patient et infatigable- afin de décharger le professeur d'apprentissages lassants, les conjugaisons, les quatre opérations ?

L'ordinateur « nouveau stylo » deviendra-t-il outil à disposition de chacun ? Ayant sa place dans les cartables ou la poche et sur les bureaux, à l'école ?

Bref, dans ce qui paraît un véritable dédale, il faut trouver un fil d'Ariane pour présenter quelques propositions susceptibles de convaincre le plus grand nombre d'enseignants ; c'est la condition nécessaire pour donner toutes leurs chances au plus grand nombre d'enfants de bénéficier de l'intérêt de nouvelles pratiques pédagogiques où l'outil multimédia devient un instrument déterminant d'autonomie et de responsabilité, tout en demeurant un idéal instrument d'accès au savoir.

Beaucoup d'enfants, ayant la chance de bénéficier de ces expérimentations, commencent par l'apprentissage du clavier et le maniement de base de l'ordinateur (mise en marche, sélection du logiciel utilisé...) ; les plus jeunes - en maternelle le plus souvent- bénéficient d'exercices d'appropriation de la souris ; elle ne pose aucun problème de maniement pour la très grande majorité d'entre eux. Ces premiers exercices ne commencent pas souvent pendant le même cycle scolaire, et rarement une suite rationnelle est organisée à ces premières approches.

Aucune conception progressive des apprentissages ne semble véritablement se dégager comme il en existe aujourd'hui de bien établies pour l'apprentissage du lire, écrire et compter.

Dans certains établissements, un apprentissage à contenu variable est sérieusement organisé en cours moyens 1 et 2 ; avant cette classe et après cette classe, plus rien n'est prévu, organisé. Dans d'autres établissements, des trésors d'imagination et de patience sont déployés en classes maternelles, mais c'est l'école primaire qui fait ensuite défaut. Enfin, pour d'autres encore, les élèves de classes de collèges et de lycées travaillent avec enthousiasme, sérieux et conviction sur des projets d'activités quotidiennes ou ultra-spécialisées, sans aucun lien reliant les acquis dans ces classes entre elles.

Une conclusion commune semble en revanche être fortement admise : quels que soient les sujets traités par ces nouveaux outils, les résultats sont intéressants, les élèves motivés et la vie scolaire s'en trouve améliorée.

L'intérêt porté pour le travail effectué est accru, la concentration des élèves augmente ce qui contribue d'une façon globale à une meilleure acquisition des savoirs et savoir-faire comme de la qualité des relations d'échanges entre professeurs et élèves.

2. Réflexions pédagogiques

Ces quelques expérimentations très diverses (consultables sur Internet 64 ( * ) ), mettent en évidence des préoccupations pédagogiques communes ; elles n'appellent pas, pour autant, des réponses identiques de tous les acteurs de ces projets.

Une pédagogie de projet : c'est par la finalité d'un projet - avec l'ordinateur au centre - que l'apprentissage aux NTIC paraît le plus pertinent. Il ne faut donc pas partir de l'apprentissage technique mais de l'usage que les élèves peuvent en faire dans le cadre d'une finalité. C'est toute la différence entre un cours « informatique » et un enseignement recourant au multimédia. L'ordinateur est un outil pour acquérir des connaissances, il n'est pas un objet de connaissances.

Certains pédagogues réservent l'usage de l'ordinateur à des activités pour lesquelles il est strictement nécessaire : « A titre métaphorique, il ne viendrait à l'idée de personne de prendre l'avion pour traverser une ville. Chaque transport a son utilité spécifique que l'homme gère plus ou moins bien. Il doit en être de même pour les TIC. C'est peut-être la recherche d'une finalité qui doit contribuer à définir cette « niche écologique » dans laquelle les TIC se superposent aux autres formes d'apprentissages et de savoir. » 65 ( * )

Des remarques relatives à l'acte d'apprendre confirment ce jugement lié à l'organisation logique de l'enseignement des connaissances : l'outil multimédia permet d'offrir des cheminements multiples pour accéder à des connaissances. « La condition d'un bon apprentissage consiste donc à prendre en compte le but poursuivi par celui qui utilise l'outil multimédia. » 66 ( * )

La fonction communicante est privilégiée : qu'il s'agisse de la réalisation de courrier électronique, de recherche documentaire sur les réseaux, ou d'édition de pages Web sur des sites Internet, ces trois fonctions sont au centre des pratiques pédagogiques actuellement relevées.

Cette finalité « communicante » amène les élèves à une utilisation plus complète de l'ordinateur et de l'utilisation du clavier pour un apprentissage incontournable de certains logiciels, notamment ceux de traitement de texte.

- La question du clavier : la première formation pratique envisageable est celle du clavier. Elle est de plus en plus recommandée par de nombreux acteurs du monde de l'éducation même si certains en craignent les contre effets. Certains pédagogues considèrent cette formation indispensable pour permettre aux élèves de « taper aussi vite qu'ils pensent » 67 ( * ) . Il faut une vingtaine de séances d'une vingtaine de minutes pour acquérir une vélocité suffisante, surtout si les élèves ont ensuite un usage fréquent du clavier. Ce temps de formation n'est aujourd'hui pas intégré dans les programmes scolaires.

- Cette pédagogie de projet ne retient pas l'utilisation de l'ordinateur pour des exercices fondamentaux tels la dictée, les exercices de mathématiques, etc.

Le métier d'enseignant : Le recours aux NTIC entraîne des modifications dans cette profession. Au lieu de délivrer un savoir devant des élèves, ceux-ci sont aidés pour apprendre à accéder, eux-mêmes, à des informations, qu'ils transformeront en connaissances, conseillés par l'enseignant. Cette évolution pédagogique crée une distinction importante : « L'Éducation nationale n'a jusqu'à ce jour fait que de l'enseignement. La question posée par les technologies consiste à mettre en oeuvre un système d'apprentissage, c'est à dire qu'il faut prendre le problème exactement à l'inverse : non plus seulement apprendre, mais apprendre à apprendre. Il faut développer les capacités d'adaptation, de recherche, d'analyse et de synthèse. » 68 ( * )

L'outil informatique permet une individualisation de la pédagogie ; les logiciels mis en place favorisent le respect du rythme de travail des élèves ; le professeur peut mieux repérer les carences de certains. Pour les responsables du projet « Rescol » 69 ( * ) , « l'enseignant (par l'utilisation des NTIC) s'occupe davantage des élèves qui ont besoin d'aide, soit ordinairement les plus faibles, alors que, dans la classe traditionnelle, il a tendance à s'adresser en priorité aux plus forts. »

Ces techniques utilisées dans le cadre scolaire n'entraînent pas la disparition du professeur même si, outre-Atlantique, cette hypothèse extrême prend appui sur l'enseignement à distance et l'usage personnel à domicile des cédéroms éducatifs. Le rôle de l'enseignant peut se transformer en une fonction plus intéressante : aucune machine ne pourra spontanément « s'adapter au sujet apprenant ». 70 ( * )

Toutes les méthodes actuelles ne vont pas disparaître. Les pédagogues sont unanimes : on apprendra toujours à écrire avec un stylo, à faire des dictées ou du calcul mental. L'informatique devient seulement un outil complémentaire permettant d'organiser la classe (école) ou les cours (collèges et lycées) de façon différente, en laissant des temps d'autoapprentissage et de recherches documentaires aux élèves.

L'organisation de la classe : le concept de « salle » de classe devient inadapté à l'utilisation des moyens multimédia :

- il est pratiquement impossible aujourd'hui de disposer d'un ordinateur par élève ;

- le travail d'équipe est à valoriser ;

- des expériences d'élèves connectés en réseaux démontrent la pertinence d'une approche pluridisciplinaire.

Des élèves dialoguant avec d'autres élèves situés à l'étranger sur un thème choisi en commun, la comparaison des climats, les amène à travailler des questions de géographie, de sciences naturelles, de langues... Cette pluridisciplinarité de plus en plus nécessaire remet en cause le découpage par « horaire » et par « matière » dans les collèges et lycées. Ces deux aspects constituent un changement dans des classicismes quasi irréductibles : ce sont des sources de résistances dans un système éducatif organisé de façon pyramidale.

À cet aspect pédagogique, s'ajoutent des réflexions ergonomiques :

- Dans quel lieu les élèves accéderont-ils à l'ordinateur ?

- Y en aura-t-il dans toutes les classes, au fond de la salle ?

- Quel est le nombre optimal à envisager ?

- Quelle contribution des centres de documentation et d'information (CDI) ou des bibliothèques-centres de documentation (BCD) pour favoriser l'accès aux ordinateurs, notamment dans le cadre de recherches documentaires ?

Sur ces questions, essentielles à une bonne intégration des moyens de communication, les propositions sont parfois contradictoires.

Faut-il privilégier l'ordinateur dans la classe : un seul ordinateur ? Plusieurs ? Au moins quatre, avec certains multimédias ?

Une salle multimédia équipée de 10 à 20 ordinateurs est-elle préférable, offrant ainsi la possibilité à tous les élèves d'une classe de travailler simultanément en étant deux par machine ?

La salle multimédia présenterait-elle le danger d'encourager à une formation « informatique » trop éloignée des usages ?

Aurait-elle pour inconvénient de réduire le recours à une activité trop exceptionnelle ?

Une salle de 15 ordinateurs pour une école (huit dix classes) pour l'apprentissage par deux élèves par ordinateur ? 2 ou 3 ordinateurs et un communiquant en fond de classe pour usage. 2 ou 3... en attendant l'ordinateur personnel sur son pupitre .

Les propositions de réponse semblent dictées par une conscience avouée de la pénurie budgétaire plus que par des raisons pédagogiques (cf. infra 4.).

Les conséquences induites pour les élèves : c'est l'un des enjeux les plus déterminants pour l'élaboration d'une pédagogie pertinente, adaptée à l'outil multimédia.

Les capacités de répétition de la machine, d'auto-correction entraînent une modification dans la correction d'erreurs ; les vertus pédagogiques de cette innovation technique ne seraient plus à démontrer. Jusqu'alors, la relation avec le professeur s'inscrit dans des comportements découlant du rapport adulte / enfant : « L'enfant cherche souvent à savoir ce que l'adulte attend de lui, ce qui constitue très souvent un élément d'inhibition . » 71 ( * ) L'atténuation du sentiment de culpabilité devant les fautes grâce à l'ordinateur semble devenir une constante : « Dans la pédagogie traditionnelle, l'erreur est sanctionnée par l'adulte et il se crée un climat d'anxiété chez l'élève. Or, dans cette situation nouvelle , l'erreur devient source de recherche personnelle : l'élève est mis dans la situation de pouvoir se corriger lui-même... » 72 ( * ) . Tous les observateurs mentionnent, avec insistance, l'intérêt de la réactivation de la pédagogie par l'erreur grâce aux logiciels d'autocorrection.

Pour la plupart des observateurs, l'utilisation de l'ordinateur valoriserait l'enfant, la machine développant son autonomie. « L'utilisation régulière de l'ordinateur n'a pas seulement donné aux élèves (...) une compétence technologique ; elle les a habilités aussi à devenir des producteurs de connaissances. » 73 ( * ) L'ordinateur utilisé en groupe (deux ou quatre élèves, selon les expériences) développerait les capacités d'attention des enfants, de tolérance, de respect mutuel et de communication entre eux. La réalité d'un « plaisir » dû à la machine n'est pas un élément négligeable en faveur de la présence de l'ordinateur à l'école : si l'enfant trouve satisfaction à son usage, il a toutes les chances d'accéder à des données dont il tirera profit pour l'acquisition des savoirs de base d'abord, puis d'élargissements de leurs contenus comme de leurs diversités.

Les relations entre enseignants. L'enjeu de la pluridisciplinarité influe sur les contenus pédagogiques et sur la qualité des relations des enseignants entre eux. Les informations sur ces sujets sont encore rares comme le sont d'ailleurs les enseignants sur le réseau ; ils ne sont pas toujours incités à s'y inscrire, certaines sources documentaires (CNDP, INRP) ne leur étant pas toujours accessibles. 74 ( * )

L'absence, volontaire ou justifiée, d'intérêt pour les initiatives pédagogiques innovantes, une capacité d'inertie de l'encadrement professionnel de l'Éducation nationale, ne doivent pas être négligées, même si elles ne sont pas généralisées. L'organisation des enseignements par discipline est contrebattue par la facilité de pratiques pluridisciplinaires : cette mise en question d'habitudes ancestrales n'aurait pas l'aval des inspecteurs généraux et académiques. La pluridisciplinarité n'est pas encore validée, trop peu d'inspecteurs, garants des programmes, favorisant les pratiques innovantes. Les programmes sont particulièrement pauvres en contenu à cet égard. 75 ( * )

- Des spécificités selon les matières enseignées. Les moyens multimédia sont aujourd'hui réellement développés dans les enseignements techniques et professionnels (secrétariat, ingénierie...). Ils le sont davantage encore dans la fonction informatique pure (ordinateur) et non pas dans la fonction communicante (réseau interne ou externe) ou multimédia (cédérom). Du fait de logiciels particulièrement bien adaptés le recours au multimédia est plus fréquent pour l'enseignement des langues étrangères, l'âge pertinent pour leurs apprentissages en est mis au coeur d'un débat. Les matières scientifiques peuvent également avoir recours à l'ordinateur comme un moyen de démonstration visuelle (sciences de la vie, de la nature physique, chimie) ; cette approche particulière est suggérée par les enseignants de ces matières en pratique ; on enseigne aux jeunes les prémisses des méthodes expérimentales 76 ( * ) .

Le rapport à l'information. Cet enjeu majeur ne relève pas d'une formation technique. L'ordinateur communicant a, essentiellement, pour but de favoriser l'accès à des documents multiples. Comment analyser la nature de l'information ainsi disponible, comment juger de sa pertinence ? Monsieur THÉRY, Président de la Cité des Sciences et de l'Industrie, revendique une rigueur nécessaire à cet égard ; les responsables du CLEMI essaient de former élèves et enseignants à l'analyse du contenu en travaillant sur le message plus que sur le support 77 ( * ) . La nature du message est à l'origine de problèmes entre scripteurs et lecteurs. « Pour le texte, il n'y a pas beaucoup de problème ; le code est reconnu, c'est l'écriture. Pour les images, c'est déjà plus complexe. On ne peut jamais être sûr que ce que l'on voit est vu à l'identique par les autres. C'est encore plus vrai des sons... En réunissant des compétences multiples, on a beaucoup plus de chance de faire émerger un sens critique. » 78 ( * ) Une pédagogie adaptée à l'image et au son est encore à inventer ; Mme LE COZ l'appelait une grammaire de l'image, Edgard PISANI une imago-pédagogie 79 ( * ) .

Dans ce contexte de résultats déjà connus, les acteurs du système éducatif engagés dans ces innovations pédagogiques insistent sur la nécessité de mesures plus globales ; sans incitation, voire obligation 80 ( * ) , les pesanteurs risquent de freiner encore longtemps l'introduction d'outils dont la pertinence semble démontrée, en France et, plus encore, dans de nombreux autres pays.

Relevé des principales observations contenues

sur le serveur pédagogique Rescol

- Le potentiel des nouvelles technologies est immense, mais de multiples conditions sont requises pour que ce potentiel devienne réalité dans les classes et les écoles.

- L'apprentissage des élèves dépend de la connaissance que les personnes qui utilisent une nouvelle technologie ont de cette technologie et de leur habileté à en tirer profit. Constat s'appliquant essentiellement aux enseignants : cet accent mis sur un corpus de connaissances requis au préalable par l'enseignant tranche avec les approches antérieures.

- Les technologies nouvelles ont le pouvoir de stimuler le développement des habiletés intellectuelles telles que la capacité de raisonner, de résoudre des problèmes, d'apprendre à apprendre, à créer.

- Non seulement les technologies permettent aux élèves d'avoir accès à une gamme plus étendue de ressources didactiques, mais elles leur offrent en outre l'occasion d'apprendre à utiliser des outils électroniques pour obtenir de l'information et développer des habiletés de recherche à partir des technologies mêmes qu'ils auront à employer dans le futur.

- Les progrès constatés en composition chez des élèves ayant recouru aux NTIC sont conservés s'ils retournent aux outils classiques ; ils ont notamment pris l'habitude de la correction et peuvent se concentrer de ce fait davantage sur leur travail, fut-il strictement manuscrit.

- La plupart des élèves manifestent un intérêt spontané plus grand pour une activité d'apprentissage qui fait appel à une technologie nouvelle qu'aux approches coutumières en classe ; les élèves ont toujours hâte qu'arrive leur tour d'utiliser un ordinateur.

- Les élèves aiment être en compétition avec eux-mêmes. Ils sont heureux d'aborder de nouveaux sujets dans un environnement qui ne les menace pas et ne les juge pas.

- L'utilisation régulière de l'ordinateur n'a pas seulement donné aux élèves du projet une compétence technologique ; elle les a aussi habilités à devenir des producteurs de connaissances.

- L'utilisation de nouvelles technologies favorise la collaboration entre élèves d'une même classe ou classes d'écoles différentes, proches ou lointaines, à des fins de sensibilisation à d'autres réalités, d'accès à des connaissances pertinentes non strictement définies à l'avance et de réalisation de projets ayant une portée réelle pour les élèves eux-mêmes et, éventuellement, d'autres personnes.

- L'utilisation que l'on a faite de la technologie n'a pas isolé les élèves les uns des autres mais a, au contraire, multiplié les relations entre eux. (apprentissage de l'interaction sociale !).

- Les liaisons non linéaires entre éléments d'information rendent possible l'examen d'une question selon de multiples perspectives, ce qui permet aux élèves d'organiser leur savoir d'une manière qui en facilite la rétention et le transfert.

- Dans une étude, Riel montre que le fait d'écrire une histoire pour un public bien réel dans le cadre d'un système de communication informatique, plutôt que pour les fins de réussite scolaire seulement, améliore la qualité du texte produit.

- Lorsque l'enseignant utilise l'ordinateur pour son enseignement, il est amené à travailler avec des petits groupes d'élèves ou chaque élève individuellement plutôt qu'avec toute la classe en même temps. Il en arrive ainsi à se faire une idée beaucoup plus précise et réaliste de ce que les élèves comprennent et ne comprennent pas.

- L'enseignant s'occupe davantage des élèves qui ont besoin d'aide, soit ordinairement les plus faibles, alors que, dans la classe traditionnelle, il a tendance à s'adresser en priorité aux plus forts.

- Dans un contexte où les technologies nouvelles jouent un rôle important, (les) enseignants (...) envisagent de moins en moins le savoir comme un ensemble de connaissances à transmettre et de plus en plus comme un processus et une recherche continus dont ils partagent avec les élèves les difficultés et les résultats.

- L'apprentissage devient de « haut niveau » , en ce sens que les élèves utilisent leur savoir pour analyser, comprendre, et résoudre des problèmes plutôt que pour se rappeler simplement les faits.

- Alors que, maintenant, en principe au moins, les élèves apprennent tous la même chose de la même manière en même temps, les nouvelles technologies rendent possibles et naturels des apprentissages différents selon les élèves.

- En permettant de retracer rapidement les divers cheminements d'apprentissage empruntés par un élève, les nouvelles technologies facilitent la détection par l'enseignant ou l'enseignante des points forts de cet élève, de même que des difficultés qu'il rencontre ou de ses apprentissages préalables erronés ou mal assimilés.

Quelle est l'approche du ministère de l'Éducation nationale face à ces réflexions ?

Le rapport d'étape du nouveau contrat pour l'école fait une mention brève de l'utilisation des nouvelles technologies. D'une part, la production de logiciels selon la procédure de licence mixte est encouragée. 100 000 logiciels font ainsi l'objet d'un achat par les établissements scolaires chaque année. D'autre part, un système d'aide à la production de programmes éducatifs audiovisuels visant à faciliter l'utilisation par les établissements de produits libres de droits a été développé. 22 projets ont été retenus représentant 112 heures de diffusion.

Un chapitre de ce rapport d'étape est intitulé « apprendre à apprendre », aucune mention n'est faite de l'ordinateur pour ce mode nouveau d'apprentissage.

Certes, des documents internes sont accessibles sur le serveur Internet du ministère de l'Éducation nationale ; ils émanent de la direction des technologies nouvelles et présentent des objectifs plus concrets et une volonté plus clairement affirmée en faveur des NTIC :

« A travers le présent projet, le ministère vise à mettre à la disposition de tous les élèves et les enseignants les nouveaux outils et services liés aux autoroutes de l'information. Il s'agit en particulier :

- de faciliter l'accès des enseignants aux ressources multimédia extérieures à l'établissement, réparties sur les grands réseaux de communication nationaux et internationaux ;

- de favoriser la communication entre les classes et la prise en compte, à travers des échanges linguistiques et culturels, de la dimension européenne dans l'enseignement ;

- de favoriser le développement de nouvelles méthodes de travail s'appuyant sur le travail coopératif et la mise en commun de ressources et de compétences entre les établissements ;

- de favoriser le développement de téléservices : téléassistance technique et pédagogique, téléenseignement, téléformation... ;

- de faciliter la diffusion des pratiques pédagogiques s'appuyant sur les technologies nouvelles et des productions pédagogiques locales, académiques et nationales. » [...]

« Les perspectives de généralisation. L'utilisation des nouvelles technologies de la communication dans l'enseignement impose une modification des méthodes de travail des enseignants et plus globalement, une modification du mode de fonctionnement des établissements scolaires et du système éducatif. C'est un travail à long terme qui est engagé à travers ce projet. Des résultats encourageants sont perceptibles : ils ne doivent cependant pas laisser penser que les mutations pourront s'effectuer sans effort, à tous les niveaux du système. Des mesures d'accompagnement sont nécessaires ; elles concernent à la fois l'équipement des établissements qui reste insuffisant, la formation initiale et continue des enseignants, les dispositifs de communication dont les coûts restent encore trop importants pour beaucoup d'établissements. »

Analyse pertinente, exacte... suivie d'aucune réelle initiative pratique. Le Ministre a cependant fait part d'une orientation clairement précisée devant l'Office :

« Les bilans des grands plans d'équipement (plan informatique pour tous de 1985 ou plan « vidéo collège ») ont mis en évidence des faiblesses. [...] S'appuyant sur ces résultats, le ministère privilégie désormais la généralisation des usages par une triple action :

« 1. développement des réseaux numériques et des usages pédagogiques qui s'appuient sur ces réseaux ;

« 2. effort important sur l'information et la formation des personnels (cadres du système, personnels enseignant et administratif ), les chefs d'établissement et les jeunes enseignants constituant des cibles privilégiées ;

« 3. soutien de la production et de la diffusion de ressources pédagogiques de qualité.

« Il n'est donc pas dans l'intention du ministère de proposer un projet de loi spécifique sur les nouvelles technologies d'information et de communication puisque l'objectif est de mettre ces technologies au service des missions du système éducatif et donc d'en banaliser leur utilisation.

« S'il revient au niveau national de fixer les grandes orientations et leurs conditions d'évaluation, de prévoir le cadrage des négociations avec les grands opérateurs, et d'assurer la cohérence des actions des secteurs préélémentaire, élémentaire, secondaire et supérieur, c'est le niveau académique qui est pertinent pour mettre en oeuvre le développement de ces technologies. » 81 ( * )

Ces engagements rappelés, les objectifs pédagogiques entrant dans les programmes scolaires ne sont pas pris en compte : toute évolution significative dépend pourtant d'une affirmation forte concrétisée par des programmes.

Une certaine contradiction existe entre un discours officiel la parole du ministre, et les textes publiés au B.O. et la volonté de mise en application affichée par une direction importante du ministère de l'Éducation nationale d'une part, et les acteurs de terrain impliqués dans des projets pédagogiques d'autre part. Quelles incidences sur le rôle et l'organisation interne de l'Éducation nationale ?

L'émergence d'initiatives venant d'écoles, de collèges et de lycées dispersés sur le territoire national et, face à cela, l'apparente indifférence des responsables nationaux du système éducatif, pose la question d'un changement fort, si ce n'est radical, dans l'organisation interne et centralisée de l'Éducation nationale. L'anecdote prétendant que Ferdinand BUISSON tirant sa montre de son gousset aurait dit : « Il est huit heures, tous les enfants de France sortent leur cahier et l'ouvrent à la page de l'instruction civique » , semble bien datée d'une époque révolue.

Ce mode d'organisation pyramidale -certes caricaturé par ce propos néanmoins historique- était exemplaire d'une conception colbertiste toujours bien vivante : tous les conseils, tous les ordres, toutes les directives venaient d'en haut pour s'appliquer uniformément à tous, imposant les horaires comme les contenus pédagogiques. En langage moderne et technique, donc en anglais, on baptise ce mode organisationnel de « technology-pull ».

Maintenant, à partir des initiatives multiples et pertinentes qui sont apparues à l'échelon local, ne peut-on favoriser un courant conceptuel inverse venant de réalisations localisées pour émerger de façon nationale, dans le souci toujours essentiel de garantir l'égalité des chances entre tous les élèves ? Une telle approche saura-t-elle émerger effectivement en évitant les contraintes trop uniformisantes ? En langage encore technique, on dénomme une telle approche comme étant de type « bottom up » ou « demande pull » ?

Peut-on espérer une convergence syncrétique entre ces deux approches conceptuelles radicalement différentes ? Il serait opportun d'inviter l'ensemble des partenaires du système éducatif à y songer, à rechercher les modalités d'une conception française modernisée de l'organisation administrative de la pédagogie. Une telle démarche permettrait probablement de favoriser l'émergence d'objectifs pédagogiques similaires sans pour autant contraindre les enseignants à des méthodes strictement identiques 82 ( * )

3. Résistances : Rôles des différents acteurs

- Des résistances « corporatistes » classiques

Le recours aux NTIC dans la pédagogie rencontre des résistances dans le milieu de l'Éducation nationale. Du fait de quelques réflexes corporatistes, les analyses divergent singulièrement selon les responsabilités des acteurs. Les uns dénonceront la frilosité des enseignants, leur faible motivation et disponibilité à se former ; d'autres critiquent les fonctionnements administratifs attentistes et dissuasifs, qui aboutissent à l'acquisition de matériels périmés sans fonction multimédia. D'autres encore rappellent, pour la contester, l'organisation hiérarchique et la structuration par discipline et, condamnent un corps d'inspecteurs généraux trop rétifs, selon eux, à toute nouveauté.

La somme de toutes ces difficultés ne favorise pas une spontanéité pour l'introduction de ces nouveaux outils et leur apprentissage dans la vie ordinaire des écoles, collèges et lycées.

Certains schémas d'analyse peuvent éclairer les décideurs. Le plan IPT n'est plus une référence opposable, sauf pour éviter de reproduire les mauvaises conditions de son introduction 83 ( * ) ; l'échec des tentatives à l'usage la télévision est une autre source d'enseignements pour mieux faire et, en même temps, valoriser des méthodes interactives au lieu d'une réception passive d'images, de sons et de textes. Pour Luc FERRY : « depuis 1960, la critique à l'égard de l'image, et notamment de la télévision, est particulièrement féroce dans tout le système intellectuel français. On ne pourra jamais citer tous les intellectuels qui ont critiqué avec violence la télévision notamment par rapport à l'écrit : Cette contestation radicale, bien au delà de la « raison », a, de toute évidence, produit des effets sur le monde enseignant. La réponse serait donc de mettre en place toute une nouvelle critique intelligente de l'image (télévisuelle, cinématographique...), notamment en relevant les usages possibles dans des finalités pédagogiques. Si ce préalable n'est pas fait, il sera très difficile de convaincre les enseignants de se former à l'outil multimédia qui recourt de façon importante à l'image » 84 ( * ) .

Des projets pédagogiques intègrent pourtant les nouvelles techniques de communication : ils ne sont pas portés simplement par quelques « technofans » 85 ( * ) ; ils sont décidés, choisis, élaborés par des enseignants conscients d'une évolution bénéfique pour eux et leurs élèves ; ils n'hésitent pas à y consacrer du temps, comme le firent autrefois les premiers enseignants, puis les « hussards de la République ». Ces enseignants motivés acquièrent spontanément la formation nécessaire pour élaborer des projets pour leurs élèves. Ils deviennent vite enthousiastes et prosélytes. Cette attitude d'anticipation, si elle reste trop solitaire, si elle ne trouve ni appui ni encouragement et ne gagne pas, vite, toutes les communautés enseignantes, et les collectivités en charge de participer aux financements, ne pourra pas durer. Ce serait tragique de n'en garder qu'un souvenir éclairant dans un moment de la vie de l'Éducation nationale, comme le sont trop restées les initiatives des écoles pratiquant la pédagogie Freinet. Ces novateurs se lasseront devant des obstacles persistants et, plus encore, devant l'absence d'une reconnaissance institutionnelle de leur travail 86 ( * ) . L'ardeur initiale, le temps pris sur ses loisirs s'étiolerait : « Pourquoi doit-on, dans l'Éducation nationale, innover sur son temps de loisir ?» demande un enseignant sur le forum « Apprentic »

L'insuffisante formation continue des enseignants est un obstacle de plus à l'introduction de l'ordinateur communicant ; sa maîtrise primaire décourage d'autant plus qu'elle trouve peu d'aide dans l'école. En matière de pratiques pédagogiques, cette lacune est d'autant plus fortement ressentie que même pendant le parcours en IUFM, les futurs enseignants n'ont pas de développement clair et utile des possibilités offertes par ces nouveaux moyens pour leurs activités futures.

La première difficulté, se servir, avec aisance et efficacité de l'ordinateur, est d'autant plus délicate à vaincre que la vanité s'en mêle, interdisant les tentatives, l'âge avancé de l'enseignant n'étant souvent qu'un prétexte (sans qu'aucune statistique sérieuse ne l'étaye, on évoque une barrière culturelle très forte au delà de 45 ans pour savoir utiliser un ordinateur). Cette peur de ne pas être à la hauteur de sa tâche, de ne pas savoir maîtriser l'ordinateur, donc de ne pas être le maître respecté, admiré et même craint de ses élèves, constitue un blocage certain. La crainte de la situation d'infériorité face à des élèves déjà familiarisés à ces outils est un frein important à l'origine d'un attentisme de protection. L'abstraction, l'interactivité, la virtualisation sont d'autres phénomènes susceptibles d'entraîner un rejet des appareils, une exclusion du personnel enseignant : « Les systèmes doivent être conçus pour les technopathes. » 87 ( * ) Pour éviter cette phobie à l'encontre de la technologie, pour éliminer tout affolement, tout effroi devant la panne qu'il faut pouvoir gérer en présence d'élèves peu bienveillants, tout doit être mis en oeuvre en terme de formation et d'ergonomie, seules conditions pour vaincre une résistance, réelle et justifiée, des enseignants.

Tous ces éléments -institutionnels, ergonomiques, administratifs- sont autant d'éléments de blocages ; l'origine en est humaine, donc difficile à résoudre. Faut-il parier sur les professeurs de demain pour y bien parvenir tout en formant, cahin-caha, ceux d'aujourd'hui ?

- Un environnement culturel peu favorable :

Les difficultés rencontrées par le monde enseignant prennent leurs arguments dans un environnement sociétal souvent inquiet et critique. Si Internet est à la mode, ce n'est pas toujours pour en vanter les mérites mais plus souvent pour en dénoncer les risques. Cette attitude de la presse, de quelques intellectuels de nature pessimiste, reproduit le discours sur la télévision des années 1970. Luc FERRY n'a certainement pas tort d'en rappeler l'effet désastreux sur les enseignants comme sur les parents.

Cette façon de procéder -toute française- crispe les positions. Le scepticisme et la critique informent mal des réalités des réseaux : ils les déforment pour mieux assurer leurs arguments. En contrepartie, les thuriféraires ont tendance à affirmer de façon excessive, avec lyrisme, leurs certitudes positives : il en fut de même lors de la survenue de tous moyens nouveaux de communication depuis que l'homme a parlé, a su écrire, peindre ou danser : les uns y voient perversité et dangers, les autres l'avenir et chances.

Les enseignants ont-ils tendance à être trop prudents, à se retrancher derrière les poncifs ? Est-ce raisonnable et juste de considérer Internet comme un réseau dominé par les informations relatives au terrorisme, à la pédophilie, à la pornographie ? Faudrait-il protéger les « têtes blondes des enfants » en leur en interdisant l'accès ? L'histoire des sociétés démontre, depuis Adam et Eve, que cette façon de faire est vaine quand elle n'est pas incitative envers le fruit défendu.

Le discours laudatif ne contribue pas davantage à convaincre : « La nouvelle écriture » 88 ( * ) , la révolution de l'information, l'explosion du nombre de serveurs accessibles sur les réseaux, ne deviennent pas arguments audibles dans un contexte de peur et de méfiance. Faut-il souscrire aux propos critiques de Paul VIRILIO qui refuse toute propagande en faveur d'Internet et cherche d'abord à déterminer quel sera « l'accident spécifique d'Internet » 89 ( * ) ? Faut-il au contraire souscrire au propos de Joël de ROSNAY 90 ( * ) ?

4. Des éléments plus favorables à l'introduction des NTIC

Aux résistances bien réelles, des éléments plus dynamiques du système éducatif esquissent des contours favorables à l'introduction des techniques de l'information. Au demeurant, ces éléments restent relatifs, parfois contradictoires et n'annoncent pas un avenir assuré.

- Les positions syndicales 91 ( * )

La FEN 92 ( * ) insiste fortement sur la nécessaire formation initiale des enseignants, ne considérant pas comme irréaliste de rendre obligatoire l'usage des NTIC dans les IUFM. Cette approche semble d'autant plus pertinente à la fédération de l'Éducation nationale que la jeunesse des étudiants constitue un facteur favorisant la maîtrise de ces nouveaux moyens.

La FSU, constatant les insuffisances de la formation continue comme celles de la formation initiale, sans pour autant se prononcer sur le caractère obligatoire de la formation aux NTIC, semble insister davantage sur l'aspect pédagogique : « Les enseignants ne doivent se consacrer qu'à la pédagogie 93 ( * ) ». Cette expression traduit la nécessité d'un accompagnement technique, de la nécessaire présence d'un personnel spécifique chargé de la maintenance de tous ces matériels. La gestion de la « panne » ne ressort pas d'abord de la responsabilité pédagogique.

Les deux syndicats semblent très favorables à une politique tendant à généraliser l'usage des NTIC. La FEN considère cette généralisation indispensable pour « préserver l'égalité des élèves ». La FSU, dans un communiqué commun rendu public en mai 1997 et signé par d'autres syndicats enseignants 94 ( * ) , en appelle même à « une politique globale des sciences et technologies de l'information et de la communication dans le système éducatif. Celle-ci doit concerner les équipements, la formation des enseignants, l'évolution des programmes d'enseignement, la conception de logiciels et de produits éducatifs multimédias, et doit s'attacher à définir une nouvelle discipline qui assure la maîtrise des principes et des pratiques de ces sciences. [...] »

Les syndicats comme les enseignants, n'ont pas de position sur la place de l'ordinateur dans l'école : fond de classe, salle multimédia, BCD ou CDI, toutes ces hypothèses sont évoquées. Pour la FEN, dans une première étape, le lieu où l'accès à la machine est le plus démocratisé, est la BCD ou CDI à équiper en premier 95 ( * ) .

Parmi les centrales syndicales sollicitées, la CFTC a eu une réflexion importante sur ce sujet. Notre interlocuteur considère comme indispensable la maîtrise des ordinateurs par les jeunes : « il est certain que les jeunes arrivant sur le marché du travail et qui ne disposeraient pas d'une approche de l'ordinateur seraient défavorisés par rapport à ceux qui ont pu dépasser l'étape d'appréhension de la machine ». Cette problématique pose donc clairement une responsabilité du système éducatif : «la pédagogie doit pouvoir être adaptée à ces nouveaux outils. Il faut faire comprendre aux enseignants que leur formation ne sera jamais terminée. »

- Les réflexions des parents d'élèves 96 ( * )

Les positions respectives des deux organisations de parents d'élèves semblent radicalement contradictoires.

La PEEP 97 ( * ) exprime une inquiétude forte face à l'arrivée des NTIC à l'école et la considère « prématurée » ; elle estime plus urgent, voire prioritaire, de mener à bien l'apprentissage scolaire de la télévision, point de départ d'une démarche critique. L'inquiétude à l'égard de ces outils, exprimée par cette organisation, porte essentiellement à l'encontre d'Internet qui constitue « avant tout un réseau commercial ».

La FCPE 98 ( * ) , en revanche, affirme des positions beaucoup plus favorables à l'évolution du multimédia ; elle a déjà engagé de nombreuses réflexions sur les conséquences pédagogiques de ce nouvel outil. Elle considère « important de réussir l'introduction des NTIC à l'école » ; elle met en avant la spécificité de l'outil multimédia dans son utilisation des liens hypertextuels : « l'hypertexte prédétermine le cheminement de l'élève. Contrairement au dictionnaire, la construction de la pensée est enfermée dans un parcours a priori. Cet apprentissage suppose donc que les élèves disposent de la capacité de discernement qui les rende aptes à utiliser cet outil ». C'est en devenant producteurs eux-mêmes de produits multimédia et surtout d'hypertextes que les élèves seront les mieux préparés à la compréhension de ces nouvelles formes de rédactions .

La FCPE, comme l'ensemble des acteurs du système éducatif, affirme la nécessité de la formation des enseignants. Pourtant, non sans justesse, les parents d'élèves mettent en avant un aspect ignoré : il ne suffit pas de former les futurs enseignants dans le cadre des IUFM, il faut que l'universitté permette la familiarisation à ces outils par tous les étudiants. La pertinence d'une formation obligatoire au sein des IUFM serait ainsi d'autant plus assurée.

- Les élèves

Une chose est certaine : les élèves sont enthousiastes pour utiliser des ordinateurs. Toutes les raisons relevées, dans le cadre des réflexions pédagogiques, sont vraies : la remotivation des élèves, la confiance renouvelée, les relations changées avec les enseignants sont autant d'arguments susceptibles de favoriser, voire d'accélérer, le processus d'équipement.

Beaucoup de ceux qui réfléchissent sur ce sujet ont la conviction que la généralisation pourra se faire grâce aux élèves. Comment ? Toute la question est là.

La pression des élèves et des parents d'élèves viendra-t-elle du fait de l'équipement outil multimédia par les plus favorisés ? Faut-il laisser, comme certains l'envisagent non sans un certain regret 99 ( * ) , le marché créer le besoin pour qu'enfin l'Éducation nationale prenne les mesures s'imposant ? Quelles seront les conséquences d'une telle logique, notamment en terme de contenus éducatifs ? Ne sera-t-il pas trop tard, l'obstacle financier demeurant réel pour encore quelques temps ?

5. Propositions : Faire de l'ordinateur un nouveau stylo ? Quels défis ?

L'ordinateur est un nouveau stylo : on peut écrire, dessiner, faire des mathématiques, de l'algèbre comme de la géométrie à condition d'avoir les logiciels correspondants. On peut faire cela non seulement plus vite, mais surtout bien mieux. L'écriture est plus régulière, la page finie est plus propre, les corrections ont pu être faites sans qu'elles laissent de traces, des changements de place de paragraphes ou de membres de phrases sans refaire toute une rédaction. Sur l'écran de l'ordinateur, on peut faire apparaître les pages du cahier de texte ; il est facile de réaliser des documents que l'on classe ensuite dans un dossier ad hoc ; on peut les projeter sur l'écran quand on veut, comme on veut, par pages ou demi-pages, comme si on tournait les feuilles d'un livre. Il sert aussi à lire les cédéroms, à se connecter sur les réseaux.

Ce stylo est presque magique à côté de notre stylo actuel qui permet, sans avoir besoin d'encrier, de nombreux usages, mais sans les qualités de l'ordinateur. Faudra-t-il, pour qu'il fasse son entrée dans toutes les classes, prévoir des dispositions analogues à celles relatives, en son temps à l'introduction du stylo ?

Circulaire n° 65-338 du 4 septembre 1965 100 ( * )

L'apprentissage de l'écriture.

Les instructions ministérielles, et notamment celles de 1938, ont rappelé qu'il convient d'obtenir de tous les élèves une écriture lisible, nette et soignée.

Ces instructions gardent aujourd'hui toute leur valeur. En plus des qualités générales que l'attention accordée à l'écriture et à la bonne tenue des cahiers peut développer chez les enfants, des expériences récentes ont apporté la preuve que l'acquisition d'une bonne orthographe dépend au moins partiellement du soin avec lequel les devoirs sont écrits chaque jour.

Il convient toutefois de constater que, de nos jours, on utilise couramment une écriture cursive qui ne nécessite à aucun moment une pression différenciée de la main. Les traits ont une largeur uniforme et sont tracés d'un mouvement continu.

Il n'y a donc pas lieu d'interdire les instruments à réservoir d'encre, ni même les crayons à bille qui procurent des avantages de commodité pratique, à condition qu'ils soient bien choisis et qu'ils permettent, sans effort excessif des doigts, du poignet et de l'avant-bras, d'obtenir progressivement une écriture liée, régulière et assez rapide. 101 ( * )

Les maîtres veilleront toutefois au bon emploi de ces divers types d'instruments et feront apprendre des graphies correspondant à leur bon usage.

Quelles précautions faudra t-il imaginer pour, comme l'auteur de cette circulaire, prévenir les conséquences désagréables de l'usage de l'ordinateur (la perte d'acuité visuelle, l'engourdissement des doigts, les douleurs dans le dos...) ?

IV. DES réalisations déjà visibles sur les réseaux : aperçu de quelques sites

Le réseau Internet offre accès à de nombreux sites réalisés par des élèves : première preuve d'une dynamique existante. Si tous les sites « scolaires » ne présentent pas toujours un intérêt pour un large public, ils constituent une ouverture sur l'extérieur pour les élèves ayant participé à ces projets.

Grâce à ces sites, les enfants apprennent à taper leur texte, à scannériser leurs dessins ou des photos qu'ils ont prises dans le cadre d'une classe nature ou d'une classe découverte, à dialoguer par courrier électronique, à constituer des pages Web à partir de tous ces documents.

À l'école des Castors de Carcassonne, la pédagogie repose sur la conception et la réalisation d'une publication par les enfants, sur la sensibilisation des élèves à l'écriture journalistique, aux règles de la composition, de la mise en page.

A l'école de Menton, les liens entre les pages partent des mots des textes des enfants ou de leurs dessins ; ils constituent un apprentissage concret de l'hypertexte. Par cette fabrication des hyperliens, les enfants apprennent à comprendre que l'hyperlien correspond à un choix rédactionnel.

A l'école maternelle de Tichadou, les photos des enfants sont en perpétuel mouvement, oscillant entre réalité et déformation ; ils apprennent ainsi des procédés de trucage et seront probablement plus apte à analyser, à partir de fabrication déformée, les risques de désinformation. Ils sont ainsi formés au doute, prémisse essentiel à une formation civique.

A l'école de Sémat ou à celle de Tristan l'Hermite, le projet pédagogique repose sur la maîtrise de la recherche documentaire. Les enfants sont ainsi formés à la sélection de l'information, à la discussion des informations obtenues.

A l'école de Combrit et celle de Pinay, les soucis de la maîtrise de l'informatique et de l'acquisition d'une méthodologie propre à l'outil Internet sont couplés avec un projet de prise de conscience, par les élèves, des coûts résultant de la connexion : les élèves notent le nombre d'heures passées et le coût de leur travail sur le Web.

A l'école primaire Pasteur et celle de l'association des Petits Génies, il s'agit de découvrir et de comprendre le fonctionnement des bases de l'écriture et de la lecture sur les réseaux.

Pour les écoles rurales, les outils connectés entraînent un désenclavement : ressource inestimable pour qui est prisonnier de ces enclavements territoriaux.

Les nouvelles technologies sont un moyen privilégié de rendre l'ailleurs présent, éléments d'une pédagogie de découverte, motivante et efficace, intermédiaire entre le « discours sur » et le « voyage (plus ou moins) organisé ». L'accès à la connaissance se déploie ainsi au delà des barrières géographiques.

À l'école d'Allonzier-la-Caille, la connexion à des sites reliés à des caméras en direct permet de constater, en direct, le décalage horaire et le climat du moment.

L'école des Castors de Carcassonne établit un lien direct avec des musées ou des sites connus.

L'école Pasteur d'Embrun est très fournie en liens culturels et artistiques : les enfants de l'école disposent directement des informations à partir de leur site, sans avoir à passer par des moteurs de recherche.

L'écriture et la lecture semblent ainsi au coeur de toutes ces nouvelles pratiques. Les créations, en faisant appel à l'imagination, à l'interaction et à la reconnaissance par l'affichage des travaux sur le site, sont à l'origine d'un important enrichissement du langage, d'une forte motivation à l'écriture et à la lecture. La généralisation du courrier électronique stimule l'ouverture aux autres, à l'apprentissage des langues. Nombreux sont les sites des écoles, qui invitent leurs visiteurs à correspondre : « Ecrivez-nous ! Laissez une trace de votre passage, cela fera plaisir à nos élèves... ».

L'ouverture de l'école sur le monde, par l'intermédiaire des réseaux, devient un véritable éveil aux autres cultures.

EN GUISE DE CONCLUSION : INITIATIVES ET PERSPECTIVES

1. « Dans le système éducatif, les innovations pédagogiques se succèdent, mais leur schéma de développement demeure immuable. On observe d'abord quelques frémissements : des résultats de recherches, des publications, des mouvements pédagogiques, des pratiques relevées à l'étranger...

Puis l'institution intervient ; le plus souvent, elle définit un cadre expérimental ou publie des textes d'orientation : 100 lycées, 368 collèges, 13 académies -chacun s'y reconnaîtra- sont incités à expérimenter ; la réflexion s'engage. C'est l'époque du bouillonnement, du foisonnement, de l'exploration la plus large, celle des pionniers et des enthousiastes.

La généralisation suit, et avec elle un certain réalisme : les contours se précisent, quelques axes se renforcent, certaines voies ne sont plus parcourues que par les militants.

Passe le temps, et vient l'époque de la relève : une autre innovation se développe sur le terreau créé par la précédente.

Internet ne déroge pas à la règle. Après les États-Unis, après l'usage du Minitel, nous voici en plein bouillonnement expérimental et à la veille d'une généralisation.

Une communication plus directe et plus riche apparaît sur un terrain préparé par les expérimentations télématiques, la vidéocorrespondance, un enseignement plus ouvert des langues, la connaissance du monde.

La recherche documentaire se développe, avec des finalités établies depuis la création des CDI, la constitution du corps des documentalistes et des formes de pédagogie privilégiant l'action de l'élève.

Des projets de production de pages Web apparaissent dans les établissements, suite logique de projets de communication : journal scolaire, vidéo, radio, borne multimédia, dynamique des APTIC. Nous vivons une phase intense d'activité, de réflexion, de création qui transforme durablement certains aspects des métiers de l'éducation : cela ne va pas sans tensions, sans inquiétudes, sans un peu de vertige parfois, mais inventer et construire a toujours été stimulant.

Déjà, la généralisation est à la porte, et avec elle les problèmes se posent en vraie grandeur : quel coût humain et comment y faire face ? Quels services développer et avec quel calendrier ? Comment éviter de trop fortes disparités entre établissements, entre académies, entre disciplines, entre services ? Comment faire évoluer les personnes pour qu'elles se saisissent des outils ? Quelles formations, avec quels contenus et quelles modalités ?...

Problèmes cruciaux, problèmes fondamentaux... qui sembleront bien vieillots lorsque, dans dix ans, nous nous retournerons sur nos « autoroutes » de la fin du siècle, rustique préfiguration des « ponts aériens » et des « voyages spatiaux de la communication » du début du troisième millénaire ! » 102 ( * )

Après cet éditorial d'Anne-Marie BARDI, le numéro 29 de la revue Médialog évoque plusieurs pratiques d'utilisation des NTIC dans l'éducation : une vidéo sur ordinateur contre la drogue, deux approches des automatismes. La même revue comporte également un dossier consacré à Internet. Sont tour à tour présentés le courrier électronique, les messageries, les serveurs de fichiers, le Web... On peut « mettre des idées au net » ; la promenade pédagogique sur Internet illustre les activités classiques de ce réseau (un lycée en ligne, les monstres attaquent, le bac en commun, ciel ouvert aux internautes). Le dossier explique également comment aller sur Internet, comment surfer sans se noyer puis présente les ressources de l'éducation, la cyberpresse ainsi que les méthodes pour créer un service pédagogique sur le web. Le numéro se conclut sur une réflexion générale intitulée « Denise sur Internet » : et si l'outil de communication permettait, enfin, de ne pas communiquer ?

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2. Les évolutions récentes en matière de technologies de l'information et leurs implications dans le domaine de l'éducation ont conduit la fédération des centres de documentation pédagogique CNDP, CRDP et leurs centres départementaux de la documentation pédagogique (CDDP) à créer un Observatoire des Ressources Multimédias en Éducation (ORME).

Pour cette fédération, la question de l'utilisation des technologies de l'information dans le secteur de l'éducation est posée dans un monde où l'audiovisuel omniprésent est devenu un des vecteurs privilégiés de la connaissance. Cinéma, télévision puis informatique ont conduit l'école à s'interroger sur l'introduction de ces technologies dans l'enseignement (outil ou objet d'étude) et plus généralement sur les rapports entre technologies de l'information, connaissance et éducation.

L'émergence du multimédia relance le débat entre les professionnels de l'éducation qui, pour certains, voient dans la nouvelle offre de produits et de services qui leur est faite une technologie dont ils ne maîtrisent pas les usages, et d'autres un outil supplémentaire au service de la technologie.

Quelle que soit la réponse apportée à cette alternative, le développement des usages du multimédia en éducation suppose une production de programmes adaptés, et donc la structuration d'un marché. En effet, le domaine éducatif répond à des exigences d'ordre culturel, linguistique et à des choix de société qui empêchent de l'assimiler au marché du multimédia grand public. Face à une industrie de l'information de plus en plus mondiale, il est fortement lié à un contexte national, voire régional.

Confrontée aux perspectives de développement encore incertaines de ce marché et à une attente du monde éducatif peu ou pas exprimée, l'édition s'oriente principalement vers le développement de produits culturels de connaissance ou ludo-éducatifs à usage domestique. Parallèlement, l'offre de programme présente la caractéristique d'être majoritairement d'origine nord-américaine, exposant ainsi nos cultures nationales à un risque de dilution.

Il convient donc de renforcer les secteurs éditoriaux correspondants en favorisant l'émergence de véritables industries régionales du multimédia éducatif.

Dans ce contexte, la fédération des centres de documentation pédagogique, au carrefour des mondes de l'édition, de la documentation et de l'ingénierie éducative en technologies de l'information, en contact permanent avec les professionnels de l'éducation a un rôle à jouer. Ce rôle est confié à l'Observatoire des ressources multimédias en éducation, organe de médiation à l'usage des professionnels de l'éducation et des industries de l'information visant à favoriser les échanges entre eux.

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3. Il reste, comme nous y invite CD-RAMA n°25 dans un article intitulé « Chirac en cybercroisade », à se demander si les nouvelles technologies ne constituent pas aussi un miroir aux alouettes. Loin de dessiner une mirobolante « nouvelle frontière », fantasme de certains, Internet ne reflète-t-il pas, le plus souvent, les us et coutumes sociales et professionnelles du moment ?

RECOMMANDATIONS

PRÉALABLE

L'indication d'une volonté politique forte semble le prémisse indispensable à toute action tendant à insérer les techniques de l'information et de la communication dans le cadre scolaire : Le ministre de l'Éducation nationale devrait envisager d'adresser un signe clair à destination de la communauté éducative. C'est la condition d'une mobilisation de tous pour favoriser une politique de généralisation du recours à ces nouveaux outils.

1. FORMATION DES ENSEIGNANTS ET DES PERSONNELS DE L'ÉDUCATION NATIONALE

De tous les acteurs auditionnés, il ressort très clairement l'indispensable formation des enseignants à ces nouveaux outils. Cette formation doit comporter deux aspects essentiels : d'une part, une formation pratique pour donner capacité à l'utilisation banale de l'ordinateur multimédia ; d'autre part, une formation des enseignants à la recherche et aux applications pédagogiques de ces outils nouveaux au service de leur enseignement.

La formation des enseignants ne saurait dispenser de former également tous les personnels d'encadrement dont le rôle sera déterminant pour encourager au recours de l'outil multimédia.

Recommandations

- La formation à l'ordinateur communicant doit devenir obligatoire dans les IUFM ;

- Allongement de la formation en IUFM avec un temps consacré à des stages de formation poussée pour démontrer l'intérêt du recours pédagogique au multimédia ;

- Organisation d'une formation continue pour tous les enseignants déjà en poste aux NTIC dans un délai de deux ans. Toutes les formations disciplinaires devront intégrer une présentation des produits multimédia disponibles et l'intérêt de leur utilisation dans une finalité pédagogique ;

- Tous les personnels d'encadrement à responsabilité pédagogique (inspecteurs généraux, académiques, proviseurs, directeurs, personnels des rectorats) seront également formés dans un délai de deux ans ;

- Création de brigades académiques de formation permettant d'assurer la formation de tous les enseignants d'un établissement scolaire récemment équipé.

2. ÉQUIPEMENT

La question de l'équipement est aussi fondamentale que celle de la formation ; elle n'a de sens que si elle est traitée simultanément. Elle implique une évaluation quantitative des moyens nécessaires.

Si les personnes auditionnées divergent sur la place où doit se situer l'ordinateur, une synthèse des positions exprimées permettrait de considérer comme nécessaire que tout établissement scolaire dispose d'au moins une salle multimédia équipée de 15 ordinateurs pour 8 à 10 classes ; une telle configuration permettrait d'assurer au moins deux heures par semaine d'utilisation des ordinateurs avec seulement deux élèves par machine. Pour banaliser plus encore l'outil, la présence d'ordinateurs en fond de classe semble également déterminante. Entre deux et quatre ordinateurs en fond de classe (dont au moins deux seraient communicants) devraient permettre de répondre à cet objectif ; cette configuration permettrait ainsi une utilisation régulière des machines, avec au maximum trois élèves par poste de travail. Les ordinateurs doivent également être présents en libre accès dans les centres de documentation et d'information de même que dans les bibliothèques centres de documentation.

L'obstacle financier est souvent présenté comme insurmontable. Il le sera si aucune volonté politique forte n'exprime le contraire. On doit tout de même relever qu'une politique budgétaire qui consacrerait 2 milliards et demi de francs par an sur quatre ans permettrait de répondre aux défis posés. Cela est-il véritablement hors de portée ?

Recommandations

- Réaliser une planification nationale à court terme, à partir d'évaluations académiques, pour déterminer les conditions d'acquisition de matériels ;

- Mise en place d'un partenariat entre l'Etat, les collectivités territoriales concernées, les constructeurs de matériels, et le prestataire de communication téléphonique pour déterminer les conditions optimales d'acquisition de matériels ;

- Décentraliser les acquisitions d'ordinateurs au niveau académique ce qui implique des transferts de moyens ;

- Assurer au minimum une connexion par établissement scolaire au réseau.

3. ÉVALUATION DES EXPÉRIMENTATIONS

Les très nombreuses expérimentations menées depuis presqu'une dizaine d'années ne semblent donner lieu qu'à des évaluations partielles. Les acteurs de terrain qui les ont menées en connaissent la pertinence, mais celles-ci sont rarement communiquées à l'ensemble de la communauté éducative. Cela constitue une perte de moyens et de temps.

La validation des pratiques pédagogiques développées devient urgente. Elle est la condition nécessaire pour une généralisation des usages. On ne peut demander à tous les enseignants de jouer les précurseurs. Il faut pouvoir tirer le profit des travaux menés par ceux qui ont eu l'imagination et le talent de réaliser des projets.

La mise en place d'un débat structuré sur les pratiques pédagogiques permettrait probablement d'affirmer que le renouvellement de celles-ci est une nécessité qui dépasse strictement le cadre des outils multimédias.

Recommandations

- Développer une politique de recherche pédagogique en encourageant des travaux universitaires consacrés aux TIC dans le cadre scolaire ;

- Encourager, par un redéploiement de moyens, les initiatives pédagogiques menées par tous les partenaires impliqués, en premier lieu le centre national de documentation pédagogique ;

- Favoriser la diffusion des résultats de ces études, par le réseau ou tout autre support, pour en informer le plus grand nombre d'acteurs du système éducatif ;

- Favoriser les initiatives d'interdisciplinarité ;

- Organiser une conférence annuelle éducative consacrée aux enjeux d'une rénovation de la pédagogie.

4. PROGRAMMES SCOLAIRES

Si, comme il est souhaitable, le ministre de l'Éducation nationale s'engage dans une voie déterminée en adressant des signes forts à la communauté éducative, il n'en demeure pas moins que le signe le plus visible d'une volonté politique, au delà même des choix budgétaires indispensables, consiste en une intégration systématique, dans les programmes scolaires, du recours aux outils multimédia.

C'est probablement la condition nécessaire pour rendre efficaces les plans de formation évoqués ci-dessus.

Cette démarche pose la question d'une remise à plat des programmes scolaires. Ceux-ci ne peuvent indéfiniment se voir alourdir de nouveaux contenus sans que jamais d'anciens ne soient retranchés. C'est la crédibilité même du système éducatif qui est posée. C'est aussi la condition pour s'assurer du partenariat actif du plus grand nombre d'enseignants.

Recommandations

- Intégration dans tous les programmes scolaires, de la nécessaire formation à l'ordinateur communicant ;

- Définition même des objectifs pédagogiques spécifiques que celui-ci doit permettre d'atteindre, en fonction des niveaux scolaires des enfants ;

- Les programmes scolaires, à partir du collège, doivent également tendre à favoriser la pertinence de l'interdisciplinarité, notamment dans le recours aux outils de la communication ;

- Chaque matière doit prévoir un temps passé de travail par ordinateur ;

- Création d'un groupe de travail ministériel tendant à l'allégement des programmes scolaires : réduire le champ de programmes de connaissance ex-abrupto pour laisser le temps à la formation à la recherche documentaire..

5. VALORISATION DES INITIATIVES INDIVIDUELLES

L'une des constantes dommageables du système éducatif français, est le refus de prendre en compte les initiatives individuelles. Dans le domaine des TIC, si celles-ci n'avaient pas préexisté, le retard serait plus considérable encore qu'il ne l'est aujourd'hui. Que des enseignants inventent des programmes, s'investissent pour récupérer des ordinateurs, jouent les personnels de maintenance, forment leurs collègues... contribuent à un dynamisme entraînant un temps passé au service de l'Education nationale ; l'institution éducative ferait bien de valoriser ces personnels motivés.

Recommandations

- Garantir des décharges d'enseignement aux enseignants s'étant particulièrement investis dans l'introduction des NTIC dans leurs écoles ;

- Désigner un enseignant responsable des NTIC dans chaque établissement scolaire, avec décharge horaire et valorisation salariale ;

- Favoriser les initiatives locales et relayer ces initiatives au niveau académique. Coordonner les relations entre le ministère et les académies pour diffuser le résultat des initiatives locales, permettre une fertilisation croisée, mettre en place un corpus commun.

6. PRODUITS ÉDUCATIFS

Dernier maillon, et néanmoins fondamental, d'une chaîne complexe, la qualité des produits multimédia éducatifs semble tout à fait déterminante pour que les enseignants se les approprient dans le cadre de leur enseignement. Le développement de la procédure de « licence mixte » peut contribuer à accélérer la production de produits à vocation directement pédagogique. Il convient de favoriser dans la réalisation de ces produits, la collaboration, non seulement de pédagogues mais également d'enseignants de terrain.

Il convient d'assurer également - la « licence mixte » le spécifie - que les droits d'utilisation de ces outils dans le cadre scolaire soient effectivement garantis sans versement de droits d'auteur spécifique.

Recommandations

- Augmenter les moyens financiers disponibles dans l'aide à la production et à la diffusion ;

- Veiller à la mise en place de procédures d'aides à la production à partir d'un cahier des charges le plus proche possible des besoins réels des enseignants ;

- Favoriser la diffusion des produits multimédia réalisés, notamment par le recours aux brigades de formation ;

- Toutes les formations continues dispensées aux enseignants devront présenter certains produits multimédia utiles à leur pédagogie ;

- Au delà de la procédure de licence mixte, mettre en place une procédure de simple validation de produits multimédia éducatifs commerciaux susceptibles d'intérêt dans le cadre d'une utilisation pédagogique.

DEUXIÈME PARTIE : LA CITOYENNETÉ

INTRODUCTION

1. CONTRASTES PRÉMONITOIRES

On pourrait croire que notre organisation démocratique est épargnée par la révolution numérique. Nous votons toujours selon les mêmes règles : le bulletin de vote et la carte d'électeur paraissent immuables. Nous élisons toujours des représentants qui, aux différents échelons de notre organisation politique, agissent avec pour limite la sanction électorale et le contrôle du juge.

Une loi interdit toujours la publication des résultats de sondages la semaine précédant le jour du vote.

Mais Internet existe maintenant et a fait parler de lui ! La démonstration de la croyance d'une France protégée de l'intrusion des réseaux a volé en éclat... L'interdiction de diffuser tout résultat de sondage pendant cette dernière semaine a été aisément contournée par la lecture de ces résultats sur Internet. Médias français muets, la parole était mondialisée sur le site de la Tribune de Genève ! Les dernières informations diffusées par Secrets de campagne , le vendredi 30 mai à 15 heures 30 avaient pour titre : « BVA : la gauche l'emporterait avec 316 sièges » . Dimanche soir, le chiffre était de 320. Soudain nos concitoyens ont découvert les NTIC.

Dès le vendredi soir, tous ceux qui en avaient à la fois le besoin et les moyens, soit qu'ils fussent sur le point de quitter les ministères, soit qu'ils eussent quelques chances d'y entrer, pouvaient disposer d'éléments d'appréciation fiables, si ce n'est irréfutables. Tous les discours, en cette fin de campagne, devenaient hypocrites.

En 1851, REUTER utilisait les pigeons ramiers pour faire connaître au monde les fluctuations de la bourse. Aujourd'hui, c'est en temps réel, jours et nuits, seconde par seconde, qu'elles parviennent en tous lieux, à tous les intéressés.

La gestion du monde en est bouleversée ; le temps de la réflexion, du choix est limité à l'instant le plus court possible. En tous lieux, quelles que soient les distances, le citoyen, plus consommateur que citoyen, est sollicité, sommé de donner réponse dans une société où tout repose sur la prééminence d'une politique économique subordonnant « les droits sociaux du citoyen à la raison compétitive, et abandonnant au marché financier la direction totale des activités de la société ainsi dominée... Les États-nations n'ont plus la capacité de s'opposer aux marchés. » 103 ( * ) Et le citoyen encore moins...

S'ajoute à la libre circulation des capitaux, une multinationalisation de l'économie aboutissant à permettre à « 200 principales entreprises de la planète de réaliser un chiffre d'affaires représentant plus du quart de l'activité de la planète, n'occupant que 18,8 millions de salariés, soit moins de 0,75 % de la main-d'oeuvre planétaire » 104 ( * ) .

A terme, ce processus pourrait engendrer de nouvelles fractures, entre ceux qui accepteront ou pourront sans aucune difficulté s'insérer dans cette nouvelle société et ceux qui ne le pourront pas. Pour Jacques ATTALI, l'émergence d'une « surclasse » 105 ( * ) disposant d'une rente de situation technologique serait inéluctable. Ses membres seraient les premiers détenteurs d'un « actif nomade » qu'ils « utilisent de façon nomade pour eux-mêmes ». Pour Jacques ATTALI, il faut accepter cette mutation, malgré les réticences que ne manqueront pas de lui opposer, en France, les élites traditionnelles, détentrices d'autres formes de richesse, dont les diplômes.

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2. INFORMATIONS PRÉLIMINAIRES

De nombreuses collectivités locales ou des institutions ont recours aux réseaux, essentiellement Internet et les babillards. Le Sénat, l'Assemblée nationale, les ministères, très récemment les services du Premier ministre, ont ouvert des sites Web.

Aux États-Unis, plus de 250 Sénateurs ou Représentants disposent de sites Internet, sans compter les sites collectifs des partis politiques et institutions publiques. Certes, 6 % des Américains seulement se sont connectés à un site politique au cours de la campagne pour les élections présidentielles de 1996. Moins de 1 % des électeurs considère le réseau comme leur principale source d'information à cette occasion (56 % citent la télévision). Internet apparaît comme un nouveau support de communication et de dialogue entre élus et citoyens : tous les sites comprennent un espace interactif, avec la possibilité d'adresser des messages à l'élu et parfois de dialoguer en direct.

En France, certains parmi les élus observent ces réalisations avec amusement, croyant déceler dans ces initiatives des simples projets médiatiques « branchés ».

Une petite navigation sur ces sites tend à prouver le contraire : le serveur du Sénat, par exemple, offre depuis peu l'accès à des informations jusqu'alors difficilement disponibles. Quarante-huit heures après publication au Journal Officiel , les internautes peuvent trouver les débats intégraux du Sénat ainsi que des rapports parlementaires. La visite « virtuelle » du Sénat -entendez par l'intermédiaire de photographies mises en réseau- est peut-être de l'ordre du gadget ; ce n'est certainement pas le cas d'une information démocratique gratuite, et consultable en tous points du territoire par quiconque est connecté. Plus de 100 000 consultations ont lieu chaque mois. Le site de l'Assemblée nationale offre également un ensemble d'informations ainsi que plusieurs illustrations des riches heures de la vie de l'Assemblée : visite virtuelle, présentation de l'Assemblée, des députés et des organes de décision, activités internationales de l'Assemblée, comptes rendus des séances.

Début juin 1997, le 27e festival de l'audiovisuel et de la communication multimédia de Biarritz a récompensé le cédérom du Sénat en lui attribuant le Dauphin d'or de la catégorie Information de la compétition multimédia « off-line ». Le jury a salué la grande qualité graphique, l'incomparable richesse des documents iconographiques et l'extrême facilité de navigation.

L'objectif de ce cédérom est de présenter l'institution sénatoriale, ses élus, son travail législatif, son mode d'élection, ainsi que tous les aspects de la vie parlementaire du Palais du Luxembourg. Il propose également un voyage à travers l'histoire du Sénat et offre une vision inédite du Palais, notamment grâce à sa reconstitution en 3 dimensions à différentes époques.

Cet outil pédagogique sera diffusé largement, notamment en milieu scolaire, afin de faire découvrir aux enfants, de façon vivante et en utilisant les nouvelles technologies, l'histoire et le fonctionnement de la Haute Assemblée.

M. Lionel JOSPIN, Premier ministre, dans son discours de politique générale prononcé le jeudi 19 juin 1997, a placé son action sous le signe d'une quadruple exigence : exigence de respect, d'efficacité, de compréhension et de changement : « notre attitude à l'égard des Françaises et des Français doit être celle du dialogue continu, de l'attention scrupuleuse, de la disponibilité constante » (exigence de compréhension) ; « le respect du droit est fondamental pour la République et la démocratie ».

« Les nouvelles technologies rendent nécessaires aujourd'hui une adaptation de l'État et un vaste effort de rénovation du service public ».

Il faut envisager l'utilisation des NTIC à l'aune de cette double exigence -démocratie rénovée et État réformé-.

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Dans un ouvrage collectif paru en 1990 106 ( * ) , l'entrée dans la société de l'intelligence artificielle est présentée comme l'une des caractéristiques du « temps contracté ». Dès le début de l'informatique, de nombreuses tentatives ont été menées pour dépasser le seul calcul numérique et tenter d'automatiser d'autres fonctions humaines : raisonner, parler, écrire, lire des textes, traduire, mémoriser...

« Depuis vingt ans à peine et surtout depuis le début des années 1980, l'informatique flirte avec la psychologie, la sociologie, la neurologie pour former les sciences cognitives... Mais les chercheurs, échaudés par les échecs de l'intelligence artificielle, font preuve d'une grande prudence en matière de prospective 107 ( * ) » [...] ; il y a loin de l'imagination d'un usage ou d'une application à sa mise en oeuvre : en 1879, Jules VERNE, dans Les Cinq cents millions de la Begum , imagine la téléconférence, trois ans seulement après l'invention du téléphone ; le système a vu le jour très récemment, le téléphone étant accaparé par une élite qui en définit l'usage. « Ses débuts [du téléphone] ne sont pas sans évoquer ceux du Minitel, un siècle plus tard : il a aux yeux des notables, qui freinent alors son développement, la réputation d'être un outil de libertinage, de débauche favorisant les conversations amoureuses. » 108 ( * )

La numérisation met désormais le libertinage à la portée de tous. Il met aussi mille services de toute nature fort utiles à la vie quotidienne normale, professionnelle, culturelle. Il est devenu courant de transmettre le son, l'écrit et l'image. Ainsi numérisée, l'information peut être transmise rapidement et traitée par des systèmes informatiques.

Peu à peu un système non centralisé se met en place : la télévision transmettait des images depuis un site unique, sans aucune réponse possible ; les nouveaux réseaux, et notamment Internet, facilitent le dialogue. Chacun communique avec tout le monde... mais personne ne voit personne. Au sein de l'entreprise, la mise en place d'Intranets révolutionne peu à peu les hiérarchies établies, elle entraîne une diffusion beaucoup plus large (et plus rapide) de l'information.

L'accroissement des capacités de traitement de l'information passe également par le développement de nouveaux produits. Le cédérom, par la masse de données informatiques qu'il permet de stocker, offre à chacun de nouvelles possibilités d'accès à l'information.

L'autre révolution concerne le temps d'accès à l'information. Celui-ci est tombé de quelques minutes à quelques secondes. D'où un empilement d'informations à trier, classer, ordonner. La « navigation » dans les données devient une tâche essentielle, quel que soit le support : cédérom, disquette, logiciel installé sur ordinateur, Internet. Internet repose sur un concept novateur particulièrement facile d'utilisation, la mise en réseaux et en navigation par hyperliens ; il est porteur d'un développement d'une extrême variété de possibilités où l'utilité l'emporte sur l'inquiétude.

« Savoir naviguer dans ces concentrés d'informations devient, dès les années 2020, un enseignement obligatoire à l'école primaire. Car, ce dont a besoin l'usager, au-delà de l'information elle-même, c'est d'économiser du temps dans son voyage à travers l'exhaustivité, la fraîcheur et la mise en forme de l'information. Et celui qui ne sait pas le faire est immédiatement mis sur la touche, pour cause d'illettrisme. » 109 ( * ) Ce diagnostic vrai est trop pessimiste, l'éducation au multimédia va devenir obligatoire dès aujourd'hui . Elle permettra une utilisation citoyenne d'Internet.

Dernière évolution, l'émergence de « communautés virtuelles ». Internet met en relation des personnes qui se découvrent des centres d'intérêt communs. Le courrier électronique permet désormais la transmission instantanée d'informations. Au-delà, il offre la possibilité à des individus partageant les mêmes centres d'intérêt de dialoguer, en temps réel s'ils le veulent. Preuve de cette émergence d'un nouveau moyen de communication : sans se connaître physiquement ni même se rencontrer en un même lieu, des hommes et des femmes, répartis dans le monde, peuvent constituer des communautés de convictions ou de projets. En un moment, chacun peut intervenir, dans son domaine d'initiative, sur des décisions politiques à l'intérieur des frontières nationales, surtout si les membres de ces communautés sont soudés par une origine ethnique ou une adhésion à une idéologie ou un dogme.

La première contribution au forum Apprentic lancé sur le site du Sénat est venue de Lifou, une des îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie. Ce qui était jusque là impossible, en l'occurrence la discussion avec 12 heures de décalage horaire, devient tout à coup instantané et facile. Aucun apprentissage préalable de la dactylographie ou de la programmation n'est requis.

Chacun doit avoir l'usage familier des « machines » de plus en plus présentes dans l'existence personnelle et publique de demain. Les bornes interactives dans les gares ou les billetteries dans les banques ou à la Poste obligent à des apprentissages de moins en moins faciles au fur et à mesure de l'avancée en âge. On est citoyen à responsabilité civique de dix-huit ans jusqu'à cent ans et plus !

Ceux qui n'ont eu aucune obligation ou raison d'interroger et d'obéir à ces machines mues par une logique inventée par l'homme sont crispés, hésitant, jusqu'à en refuser l'apprentissage. Ils seront vite dans la situation où se trouvaient -et se trouvent encore- ceux qui, par malchance, ne savent ni lire ni écrire.

Il faut prendre les dispositions nécessaires : tout citoyen doit acquérir des connaissances de base pour accéder à tous les réseaux. Beaucoup sont préparés par l'usage limité du Minitel qui ne possède pas l'interactivité des réseaux.

Les gestes à accomplir sont simples et le débutant est aidé par des menus, la souris et le cliquage qu'elle permet, par les icônes et mille et un signes conviviaux qu'il suffit de connaître.

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Pour mettre en route sa voiture, tout un protocole simple mais impératif est à observer. Avec l'ordinateur, c'est la même chose. Il faut apprendre à allumer l'appareil, démarrer le programme. Le logiciel peut être installé sur le disque dur ; dans ce cas, cliquer sur l'icône suffit. S'il est sur cédéroms il faut introduire le disque dans le lecteur puis cliquer. Le mode d'accès aux données sur disquette est le même.

Ensuite, les menus déroulants permettent de lire les programmes, de modifier les données, de jouer, de dessiner, d'écrire...

Grâce au modem, toutes les fonctions de télécommunications sont possibles : téléphone, télécopie et, surtout, accès à Internet. Cliquer sur l'icône du fournisseur d'accès présent à l'écran permet de naviguer sur l'ensemble des sites disponibles sur le Web, de participer aux forums ou aux newsgroupes, d'envoyer (et de recevoir) du courrier électronique.

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Ce parcours suppose une familiarisation avec la machine ; la difficulté pour l'acquérir décroît au fur et à mesure de l'apparition de nouveaux modèles.

La sortie de nouveaux modèles, tel l'Infinia de Toshiba, fait franchir un pas de plus sur la voie du rapprochement entre la chaîne hi-fi, le téléviseur, le magnétoscope, le bureau, la bibliothèque, le téléphone, le répondeur, la télécopie, la radio... À l'avenir, l'ordinateur permettra de gérer la maison, et d'exécuter les tâches ménagères. Dès aujourd'hui, il met à la disposition du consommateur culturel le savoir de l'humanité.

Les liens forgés par Microsoft dans le monde de la télévision par câble, d'une part, par CNN et Oracle, d'autre part, sont une illustration supplémentaire du rapprochement entre ces deux domaines de la vie des hommes.

Le Network computer (NC) constitue un développement annoncé. Longtemps tenu à l'écart par les fournisseurs de matériels avant tout préoccupés par la course à la puissance, le NC fait son chemin ; Intel et Microsoft ont annoncé en juin 1997 leur entrée sur ce marché. Le NC est un terminal qui enregistre toutes les informations sur des ordinateurs centraux dénommés serveurs.

La Net Box, commercialisée par la société française NET GEM offre l'avantage de s'affranchir de l'ordinateur. Internet est désormais disponible pour tous les possesseurs de téléviseurs. Le réseau devient une nouvelle chaîne à laquelle on accède avec une télécommande. La Net Box offre à la fois l'accès au Web, un album pour répertorier les menus, la recherche d'informations sur un thème et un service de messagerie électronique, y compris vocale. La présence d'un lecteur de carte à puce permet également les achats en ligne par carte.

« Difficile de trouver le défaut de la cuirasse de la Net Box. Elle ne prétend pas concurrencer l'ordinateur. Ses capacités multimédia sont limitées par l'impossibilité d'enregistrer un document ou un fichier, faute de disque dur. Les messages électroniques eux-mêmes restent stockés sur le serveur du fournisseur d'accès. La seconde génération, prévue pour octobre sera équipée d'une sortie infrarouge pour imprimante ou pour appareil photo numérique. Mais, dès maintenant, le rapport service/prix de la Net Box semble imbattable » 110 ( * ) .

Internet se libérera également de l'ordinateur en envahissant la vie quotidienne. Afin de faciliter l'accès au réseau, c'est-à-dire à la fois de le rendre moins coûteux, plus léger et plus simple à utiliser, en particulier pour des informations précises et brèves (numéros de téléphone, horaire, état d'une route...), d'aucuns évoquent une nouvelle bataille industrielle. À l'instar du téléphone, Internet deviendrait disponible à tout moment, quitte à s'intégrer au mobilier urbain et domestique existant. Déjà consultable à partir d'un téléphone portable relativement lourd mis au point par Nokia, le réseau le serait également à partir des appareils les plus divers de la vie quotidienne : outre la télévision, la pompe à essence, la montre et l'agenda électronique sont évoqués parmi les moyens d'arriver au réseau. Cette dissémination, si elle devait se réaliser, et même si elle était, dans chaque cas, limitée à la consultation de quelques sites, permettrait une multiplication des accès au réseau et sa banalisation.

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Des chausse-trapes : les hypertextes dont les liens mènent où ils veulent

Les dérives possibles d'Internet ont été décrites et dénoncées. Le réseau, grâce à la diffusion rapide d'informations, permettrait de donner une nouvelle dimension aux activités criminelles et frauduleuses en tous genres. Il ne faut pas oublier ni négliger bien d'autres conséquences, positives, voire heureuses.

Selon un sondage Louis Harris, si 5 % des utilisateurs du net affirment avoir été victimes de violation de leur vie privée, plus de 50 % expriment leur crainte de voir leur courrier électronique lu et leurs recherches sur Internet enregistrées. Même s'il est difficile de faire la part des choses, de telles craintes sont intéressantes à la fois par leurs conséquences -freiner le développement du commerce électronique- et par ce qu'elles révèlent du fonctionnement même du réseau.

Contrairement à une bibliothèque où vous pouvez très bien porter votre choix sur un ouvrage situé dans un rayonnage éloigné de la porte d'entrée, la navigation par hypertexte contraint. La plupart du temps, il s'agit d'un formidable outil de recherche, facilitant toutes les démarches. Par exemple, sauf à connaître exactement les coordonnées de la bibliothèque du Congrès, il est beaucoup plus aisé de passer, depuis le Sénat, au Congrès américain et, de là, à sa bibliothèque.

Pour le Larousse 1996, en son édition multimédia, l'hypertexte est une « technique ou système qui permettent, lors de la consultation d'une base documentaire de textes, de sauter d'un document à un autre selon des chemins préétablis ou élaborés à cette occasion. »

Par extension, on parle d'hypermédia lorsqu'il s'agit d'objets au sens le plus général, par exemple des images à deux en trois dimensions, des séquences d'images animées, des séquences sonores et, bien sûr, des textes.

Le lien est choisi par le créateur du texte initial. Ce lien conduit ensuite à un développement choisi aussi par l'auteur initial. À la logique cartésienne succède une logique du hasard ou du bon plaisir d'un auteur de textes.

La relation (le lien) établie entre deux documents fait que l'utilisateur est tributaire, voire prisonnier, de la vision du monde ou de l'usage qu'a entendu lui donner celui qui a créé ce lien.

Que ce soit sur Internet ou sur tout autre support (cédérom), l'hypertexte constitue donc, plus qu'une contrainte, une nouvelle forme de communication. Le libre arbitre de l'utilisateur est limité, annihilé.

CHAPITRE PREMIER : LA CITOYENNETÉ D'HIER À DEMAIN

I. ORIGINE ET BRÈVE ÉVOLUTION DE LA NOTION DE CITOYENNETÉ

En préalable, et brièvement, un retour aux sources, un rapide rappel de l'origine du passage de l'état de sujet à la qualité de citoyen est utile pour mieux percevoir les incidences possibles des NTIC sur cette fonction essentielle de citoyen français à l'aube du XXIe siècle.

Après le Bill of Rights anglo-saxon, après la Déclaration d'indépendance de JEFFERSON en 1776, la notion de citoyenneté, fulgurante audace de l'Assemblée nationale en 1789, fit des hommes et des femmes, hier sujets de rois ou d'empereurs, des citoyens, avec des droits inscrits dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

Même s'ils se saluèrent alors des beaux termes de citoyen, de citoyenne, ils savaient bien que le plus grand nombre ne pouvait en exercer les devoirs et les droits. Une nécessaire et exigeante formation devait les rendre aptes à acquérir les capacités pour contribuer de « façon éclairée et avec un jugement juste » à la gestion de la « chose publique », la République. Citoyenneté, citoyen sont une qualité et une fonction indissolublement liées aux règles républicaines, intrinsèquement associées à une solidarité entre les membres d'une communauté républicaine, à une fraternité et surtout à une égalité des hommes entre eux, expression d'une liberté d'opinion, de croyance, de pensée, et droit de les faire connaître.

Formelles en leur début pour l'immense majorité des habitants de France, elles n'étaient réelles que pour les propriétaires payant impôts. Gérant des biens, ils pouvaient gérer la République. Après bien des tâtonnements, des atermoiements et des vicissitudes, après que ce droit premier, le droit de vote, ait été reconnu aux travailleurs, aux gens de maison, c'est en 1945 seulement que hommes et femmes, tous membres de la société civile, ont eu les mêmes droits, les mêmes responsabilités.

Pour les exercer, une formation, un apprentissage sont nécessaires : l'une et l'autre commencent à l'école ; ils se poursuivent dans la vie active, avec des échanges entre citoyens, dans des associations, dans les relations plus ou moins conflictuelles, et réelles, entre électeurs et élus. Depuis une cinquantaine d'années, dans l'acception d'une démocratie représentative, le rôle du citoyen s'est réduit à l'acte de vote, sans une préparation préalable, sans de solides comptes-rendus d'activités.

Au moment où une passivité grandissante éloigne les citoyens de leurs responsabilités individuelles et collectives, au moment où se modifient profondément les frontières des territoires dans lesquels ils doivent pouvoir donner les directives, déterminer leurs sens, apparaissent, éléments sûrement perturbateurs mais pas forcément mauvais, les nouvelles techniques d'information et de communication.

Comment le citoyen peut-il retrouver l'envie d'être citoyen actif ? Comment peut-il retrouver le plaisir de l'échange et de la recherche commune des bons choix ? Comment peut-il trouver satisfaction et contribuer efficacement à la gestion de la « chose publique », à quelque niveau qu'il se trouve ? Comment donner du sens à la citoyenneté ?

Dans l'Antiquité, le citoyen exerçait ses droits et devoirs dans la cité, d'où son nom ; aujourd'hui, quels sont ses territoires de responsabilité ? Comment peut-il en saisir les frontières, y trouver ses repères ?

Citoyen communal, connaît-il sûrement les frontières de la commune fondue dans des structures inter-communales ? Il en ignore les limites et n'a pas désigné, au suffrage universel direct, les responsables d'une gestion de sa vie quotidienne.

Électeur chargé d'élire des conseillers généraux, reconnaît-il, identifie-t-il des liens, des solidarités entre le canton rural et le canton urbain ? Le département lui-même fondu dans la région perd ses propres limites, ses frontières et le citoyen ses repères. Il les perd d'autant plus que ce département est une circonscription régionale au sein de laquelle il est invité à voter pour une liste régionale, sans responsabilité départementale directe.

Frontières et repères, ceux de la Nation, englobés dans un contexte européen à six, à douze, puis à quinze ou dix-huit, il les perd aussi.

Est-il, peut-il être un citoyen informé, éclairé en chacun de ses votes distincts territorialement ? Peut-il se faire une opinion juste, avoir un jugement suffisamment précis pour assumer un engagement civique cohérent ? Peut-il accomplir un acte autre que de délégation sans contrôle d'un bon usage de ses droits confiés à des élus qu'il ne rencontre plus ?

Les NTIC peuvent-elles compenser ou aggraver, ces situations ? Quels apprentissages, dès l'école, puis au-delà, peuvent aider à l'exercice d'une citoyenneté, consciente et cohérente ?

Que doit-il en apprendre ? Comment peuvent-elles contribuer à donner des informations ? À créer des solidarités nouvelles ? À organiser et faciliter les diverses citoyennetés, celles de proximité comme celles à exercer en d'autres espaces de vie collective ? Ces NTIC vont-elles, au contraire, tout aggraver ?

Devant une pluricitoyenneté selon les territoires d'exercice :

- citoyenneté première, de proximité : la commune ;
- citoyenneté voisine : le département ;
- citoyenneté élargie : la région ;
- citoyenneté essentielle et nationale : l'État-nation ;
- citoyenneté extrême : l'Europe,

comment doter les citoyens d'informations utiles à chacune d'elles et en même temps collectivement à toutes ?

« La citoyenneté est à la mode. Nombre d'éditoriaux, de discours et de prises de parole, qu'ils émanent d'hommes publics ou de simples citoyens, en appellent à la citoyenneté de leur auditoire. Tous espèrent ainsi éveiller l'attention de leur public et le pousser à réagir, à se mobiliser. Le procédé n'est pas nouveau, les mots utilisés non plus... Hier comme aujourd'hui, quelles que soient les variations de sens que le mot ait connues, en appeler au (x) citoyen (s) signifie viser l'action du plus grand nombre. Interpeller un citoyen revient à l'individualiser, en tant qu'acteur, tout en lui rappelant que la considération dont il jouit tient à ce qu'il n'est qu'un parmi d'autres, un parmi beaucoup d'autres qui, ensemble, ont le pouvoir » 111 ( * ) . [...]

Par ces mots, Sophie DUCHESNE présente un travail universitaire portant sur la citoyenneté à la française, « les mots relatifs à la citoyenneté... [étant] chargés de valeurs et d'histoire ». Tout a commencé sûrement par la Grèce antique où l'exercice d'une citoyenneté athénienne s'exprimait à l'Agora. Dès cette époque, ARISTOTE « préfigure les institutions démocratiques modernes lorsqu'il estime que, pour être obéi et donc efficace, le bon gouvernement doit, tout en demeurant réservé à une minorité choisie pour ses capacités et ses qualités morales, jouir du consentement explicite du plus grand nombre des citoyens et l'entretenir constamment » 112 ( * ) .

Dans la démocratie initiale, le peuple titulaire du pouvoir est un peuple de citoyens. Que faut-il entendre par citoyen ?

L'Encyclopaedia Universalis, dans son édition sur cédérom ignore le mot et renvoie à 41 références. Au mot démocratie, il le définit par ce qu'il n'est pas : « le citoyen n'est pas l'individu avec son égoïsme, ses appétits, son aveuglement en face des intérêts de la collectivité. C'est l'homme débarrassé des préjugés de classe et des soucis inhérents à sa condition économique, capable d'opiner sur les choses publiques en faisant abstraction des avantages personnels qu'il peut retirer de la décision, bref une sorte de saint laïc qui fait taire ses passions pour que ne s'exprime par lui que la volonté générale qui n'est autre que la voix de la raison ». Le citoyen serait un être relativement intemporel, doué, par la nature, d'une capacité d'échapper aux contingences de l'État-nation.

Heureusement, les dictionnaires habituels répondent, c'est leur fonction, quand on interroge les mots et non les concepts. Le citoyen est « celui qui appartient à une cité, en reconnaît la juridiction, est habilité à jouir, sur son territoire, du droit de cité et est astreint aux devoirs correspondants » ; un de ses devoirs est de voter.

Les qualités du citoyen varient avec les Républiques et leurs Constitution. Ces qualités correspondent aux valeurs fondatrices de la société à une époque donnée.

L'article 4 de la Constitution de 1793 dispose : « Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt-et-un an - Tout étranger de vingt-et-un an accomplis, qui, domicilié en France depuis une année- Y vit de son travail - Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française - Ou adopte un enfant - Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité - est admis à l'exercice des Droits de citoyen français. »

L'article 4 de la Constitution de 1795 dispose : « Nul n'est bon citoyen, s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux. Nul n'est homme de bien s'il n'est pas franchement et religieusement observateur des lois. »

Les premiers mots du Préambule de la Constitution de 1848 sont significatifs :

« En présence de Dieu et au nom du Peuple français, l'Assemblée nationale proclame :

« Article 7 : Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur vie, participer aux charges de l'État en proportion de leur fortune ; ils doivent s'assurer, par le travail, des moyens d'existence, et, par la prévoyance, des ressources pour l'avenir ; ils doivent concourir au bien-être commun en s'entraidant fraternellement les uns les autres, et, à l'ordre général en observant les lois morales et les lois écrites qui régissent la société, la famille et l'individu. »

Le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 précise que « le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ». Le texte même de la Constitution comporte quatre mentions de la notion de citoyenneté.

L'article premier : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».

Le citoyen est membre de l'État-nation dont il légitime l'existence. Il est soumis à des obligations uniformes indépendamment, en principe, de son appartenance à des collectivités particulières (sexe, corporation, religion, classe). La loi de l'État détermine les conditions d'appartenance qui permettent ou interdisent l'octroi du statut de citoyen. Dans le système politique classique la nationalité est le plus souvent la condition de la citoyenneté. « En l'opposant à ses deux antonymes, l'étranger et le « sujet » d'un régime autoritaire quel qu'il soit, on considère comme citoyen le membre reconnu et potentiellement actif d'une communauté politique, définie par un territoire, et connaissant un degré universel de partage du pouvoir entre tous ses membres 113 ( * ) . »

L'INSTAURATION DU SUFFRAGE UNIVERSEL EN FRANCE

DÉCRET DU 6 MARS 1848

art 5 : Le suffrage sera direct et universel.

art 6 : Sont électeurs tous les Français âgés de 21 ans, résidant dans la commune depuis six mois et non judiciairement privés ou suspendus de l'exercice des droits civiques.

Ce décret fait passer le corps électoral de 24000 électeurs à 9 millions.

DÉCRET DU 2 FÉVRIER 1852

Décret organique ayant valeur de loi : « Sont électeurs, sans conditions de cens, tous les Français âgés de 21 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques. »

LOI ÉLECTORALE DU 30 NOVEMBRE 1875

art 2: (...) exclusion des militaires sous les drapeaux sauf pour ceux qui se trouvent en non-activité ou en congé de longue durée dans leur commune.

ORDONNANCE DU 21 AVRIL 1944

art 1 : Elle (l'Assemblée nationale constituante) sera élue au scrutin secret a un seul degré par tous les Français et les Françaises, sous réserves des incapacités prévues par les lois en vigueur.

art 17 : Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes.

LOI 74-631 DU 5 JUILLET 1974/ ARTICLE L-2 DU CODE ÉLECTORAL

Sont électeurs les Françaises et les Français, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et n'étant dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi.

Même si, pour les Français, la référence la plus courante d'une définition de la citoyenneté est celle de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, même si de nombreux dirigeants dans le monde se réclament aussi de cette Déclaration, il est, aujourd'hui, préférable de retenir celle de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 114 ( * ) .

On évite deux controverses possibles :

- deux États, l'Angleterre, par le Bill of Rights, et les États-Unis, par la Déclaration d'Indépendance, avaient précisé cette notion avant 1789 ;

- une discussion byzantine sur une prétendue « nouvelle citoyenneté » 115 ( * ) : seule la complexification des relations entre les hommes et les pays, par une évolution irrésistible vers une mondialisation des relations économiques, sociales, culturelles et politiques constituent une nouveauté dans les conditions d'exercice de la citoyenneté au quotidien.

Son remplacement par une conception de nature économique et sociale aboutirait à fonder une pratique citoyenne qualifiée de « participative ».

La construction de l'Union européenne entraîne un renouveau d'identités internationales en même temps que l'importance, économique et politique, des régions crée des liens infra-régionaux. Aujourd'hui la citoyenneté politique nationale classique est, selon la formule de l'américain Peter SCHUCK, dévaluée.

II. LIEUX D'EXERCICE D'UNE CITOYENNETÉ

La France métropolitaine compte plus de 36 000 communes, 95 départements et 22 régions ; le développement de l'intercommunalité a transféré des responsabilités communales à des structures de coopération au nombre de huit, avec des règles propres de création et des modalités de fonctionnement spécifiques : SIVU, SIVOM, districts, communautés urbaines, syndicats d'agglomérations nouvelles, communautés de communes, communautés de villes et syndicats mixtes.

En 1995, on recense 318 districts, 10 communautés urbaines, 9 syndicats d'agglomérations nouvelles, 894 communautés de communes et quatre communautés de villes, 1 235 groupements à fiscalité propre regroupant 13 539 communes, soit près de 40 % du total des communes.

Les membres des conseils des communes, des départements et des régions sont élus au suffrage universel direct, les membres des autres structures politiques de gestion sont désignés par les conseils municipaux concernés. À noter que les élus qui siègent aux conseils de région sont désignés sur des listes départementales.

Si tout citoyen peut connaître les conseillers élus directement, s'il peut retenir les prérogatives pour lesquelles il les a désignés, il est très rare qu'il connaisse les membres désignés pour siéger dans les structures intercommunales et encore moins leurs prérogatives.

Un choix communal peut facilement devenir inacceptable pour la réussite de projets intercommunaux sans que le citoyen électeur en soit informé.

À cet ensemble infra-national s'ajoute la participation électorale pour désigner des députés au suffrage universel direct et des sénateurs au suffrage universel indirect ainsi que des membres à l'Assemblée européenne sur des listes nationales.

Pêle-mêle, imbroglio de structures et d'élus aux fonctions différentes, à l'origine possible de choix de réalisations ou de simples gestions contradictoires ! Comment un honnête citoyen peut-il donner une cohérence politique à ses votes successifs ? « Quelles sont les limites de son ou de ses jardins civiques », formule évocatrice de Jean GLAVANY. Pour l'instant il s'ensuit une réaction d'irritation et d'incompréhension lors de la réception de sa feuille d'impôt : ne sachant à qui en imputer l'augmentation, il choisit le maire comme responsable !

Plus important est de chercher à dégager les incidences, positives ou non, de la percée fulgurante des Nouvelles Techniques d'Information et de Communication, de cette intrusion du numérique, des réseaux et plus particulièrement du réseau mondial Internet dans les comportements civiques de chaque jour. « Toute la vie politique, économique et sociale est en train de se réorganiser autour de la logique des réseaux et de la production immatérielle, qui est aux antipodes de la logique des territoires et de la production matérielle qui guidait l'humanité depuis son apparition » 116 ( * ) .

Comment, dès lors, lutter contre la désaffectation à l'égard du système représentatif dans un pays comme le nôtre, face à une situation qui se complique de plus en plus, politiquement comme administrativement ?

On a souvent présenté l'insuffisante décentralisation du pouvoir comme une des causes de la faible participation effective des citoyens. Sans doute vraie dans le passé, cette analyse a vieilli depuis quinze ans, au fur et à mesure de l'affirmation des pouvoirs locaux. Désormais, c'est la multiplicité des niveaux de décision d'une part, l'abondance des structures de regroupement d'autre part, qui frappent.

Les préoccupations de presque tous les gouvernements depuis plusieurs décennies se sont limitées à des tentatives pour améliorer les relations entre les usagers et les services publics. La SNCF l'a fait par l'idée originale d'effacer la personnalité des agents chargés d'informer le public en les contraignant à se faire identifier par un numéro matricule ! Depuis 1984, tous les gouvernements, à l'exception de celui par M. Édouard BALLADUR ont comporté un ministre chargé de la réforme administrative.

Gouvernement de Laurent FABIUS (1er juillet 1984 - 20 mars 1986) : Secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la Fonction publique et des simplifications administratives ;

Gouvernement de Jacques CHIRAC (20 mars 1986 - 10 mai 1988) : Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la Réforme administrative ;

Gouvernement de Michel ROCARD (10 mai 1988 - 15 mai 1991) : Ministre de la Fonction publique et des Réformes administratives ;

Gouvernement d'Édith CRESSON (15 mars 1991 - 2 avril 1992) : Ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'Administration ;

Gouvernement d'Alain JUPPÉ (17 mai - 7 novembre 1995) : Ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation et de la Citoyenneté ;

Gouvernement d'Alain JUPPÉ (7 novembre 1995 - 2 juin 1997) : Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'État et de la Décentralisation ;

Gouvernement de Lionel JOSPIN (4 juin 1997) : Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'État et de la Décentralisation.

Dès 1981, la notion de « nouvelle citoyenneté » a fait partie du langage politique gouvernemental : Pierre MAUROY, Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale devant le Parlement a annoncé l'avènement d'une « France responsable » et ses effets : « rendre l'État aux citoyens serait bâti sur cette nouvelle citoyenneté ».

Il entendait établir, au sein du Parlement, de nouveaux rapports entre majorité et opposition, entreprendre la réforme de la justice, conférer un nouveau rôle à la police, garantir aux citoyens, le droit à une information complète et pluraliste par des réformes de l'audiovisuel. Pour rendre l'État aux citoyens, il engagerait « une décentralisation de l'État offrant à la démocratie quotidienne, partout où ce sera possible, de nouveaux espaces de liberté et de responsabilité ».

Le mouvement associatif serait le support privilégié de la nouvelle citoyenneté, en particulier pour la mise en valeur du temps libre.

Beaucoup de ces réformes de structures -la décentralisation, la transformation de la justice, la modernisation du statut de l'audiovisuel... - sont réalisées : les rapports entre les citoyens et la « chose publique » ne sont pas changés et restent conflictuels ou inexistants !

Dans un premier rapport du Commissariat à la réforme de l'État créé par décret du 13 septembre 1995, le constat est peu optimiste : « la décentralisation a été très fortement modifiée, » l'Administration de la République déplaçant le « curseur de la décision publique » au profit des collectivités territoriales « l'État, en définitive, et de façon surprenante, n'a été que peu touché par cette importante réforme. De même, l'État national ne s'est guère transformé du fait de la construction européenne » . La Commission souligne « un allongement néfaste des procédures, un alourdissement des coûts brouillant la compréhension qu'ont nos concitoyens des responsabilités respectives des différents acteurs publics, ce qui n'est pas sain pour le bon fonctionnement de la démocratie » .

Ce débat sur la citoyenneté, nouvelle ou non, reste au centre des préoccupations politiques. La récente campagne pour les élections législatives l'a confirmé. Les candidats, la presse ont souhaité une « campagne électorale citoyenne plus proche des préoccupations des électeurs ». Au cours de son intervention télévisée et radiodiffusée du 27 Mai, le Président de la République a affirmé la nécessité « d'inventer une nouvelle méthode de gouvernement proche des Français, à l'écoute de leurs attentes et de leurs difficultés, une méthode qui passe par davantage de dialogue, qui exige une démocratie modernisée ».

La veille, M. Lionel JOSPIN, en réunion publique, à Villeurbanne plaide pour « une autre conception de l'État, qui n'est pas une propriété » , pour une autre conception de la citoyenneté.

Pour M. J.-M. THENARD, dans Libération , l'heure serait venue d'un Premier ministre « citoyen » d'un gouvernement qui en serait le prolongement dans sa forme et sur le fond ; « le gouverner citoyen n'est pas qu'une question de sexe. C'est d'abord une question de style et de méthode [...] une gauche qui n'inventerait pas une nouvelle méthode de gouvernement décevrait rapidement ».

Guy HERMET pousse plus loin l'analyse : « Partout dans les sociétés industrielles où les politiciens feignent de s'interroger sans trêve sur les besoins, les sentiments et les émotions des populations qu'ils gouvernent, le martèlement quotidien des sondages a remplacé les acclamations ou la sanction des élections partielles. En bref, l'époque des discours fastidieux dans les préaux d'écoles est dépassée. Il faut maintenant montrer que la politique est un délassement, prouver que le sévère débat démocratique s'est transformé en loterie à domicile ; à la limite, anticiper sur l'avènement d'une télédémocratie branchée sur Internet, où chacun opinera sur les affaires en cours sans avoir à se déplacer vers un bureau de vote. Cette proximité apparente aurait du bon si elle relançait la participation démocratique. Il n'en est rien malheureusement » 117 ( * ) .

Internet ou pas, la « libre communication de la pensée et des opinions » érigée en principe des Droits de l'Homme, nargue les frontières comme DIDEROT qui, dans sa lettre sur le commerce de la librairie, rédigée vers 1763, prévoyait la perméabilité des frontières les mieux gardées devant la diffusion des idées nouvelles.

Armand MATTELART 118 ( * ) rappelle les prophétiques spéculations des possibles usages civils du télégraphe-optique inventé par les frères CHAPPE. Des révolutionnaires précurseurs suggéraient de multiplier les lignes, de libérer leur langage codé et permettre à tous les citoyens de France de se « communiquer leurs informations et leurs volontés ». C'était Internet avant l'heure ou l'Agora grecque retrouvée à l'échelle nationale! L'objection de J.-J. ROUSSEAU contre la possibilité des « grandes républiques démocratiques » aurait volé en éclats ! Très tôt, les esprits inventifs et prophétiques ont pressenti que la technique de communication à longue distance pouvait avoir un rôle de garant d'une démocratie rénovée, propriété du peuple citoyen, à moins qu'elle n'en soit facteur de dérives. Une quinzaine d'années plus tard, l'usage du télégraphe électrique (1837) est autorisé au public.

« Partout dans les pays riches, la quête de l'épanouissement personnel a cessé de trouver son exutoire dans les idéologies [...] partout cette quête s'est tournée vers les « espaces de liberté » offerts par les mouvements de protection de l'environnement, les cercles féministes ou de défense des minorités sexuelles, culturelles et ethniques, les organisations humanitaires ou de lutte pour les droits de l'homme, les associations locales ou de quartier, mais surtout pas dans celles qui affichent leur vocation partisane. [...] Le nouveau civisme traduit une recherche de valeurs authentiques [...] et se veut apolitique, comme s'il risquait de se dévoyer autrement, en oubliant bien sûr que la démocratie aussi bien que la citoyenneté dont il se réclame ne peuvent qu'être avant tout politiques » 119 ( * ) .

Face à cette réalité, la responsabilité des parlementaires, des gouvernements n'est-elle pas de créer les conditions d'un recours aux NTIC pour qu'elles contribuent à un renforcement de la citoyenneté ?

Peuvent-elles aider à dépasser une situation caractérisée par les difficultés, les impossibilités même, de dialogue constant entre électeurs et élus hors des campagnes électorales ? Entre citoyens et gouvernants ?

Sans être une solution miracle, ni même parfaite, les NTIC ne pourraient-elle participer à l'avènement d'une société lieu d'échanges et de paroles entre tous ?

Ne seraient-elles qu'outils aggravant cette malédiction de fractures culturelles, sociales, économiques et politiques ?

« Il ne faut pas avoir peur des mots : les télécoms, à travers Internet et les réseaux sont en train de nous faire entrer dans une nouvelle civilisation. Se profile à l'horizon du XXIe siècle, une révolution de nos pratiques politiques, sociales, techniques, marchandes, de loisirs, administratives, intellectuelles et culturelles : tout ce qui fait une civilisation.

C'est l'ensemble de la condition humaine qui va se trouver modifier par les réseaux, l'ensemble de la société qui va devoir se réorganiser. On ne peut plus aujourd'hui penser ni l'action publique, ni l'égalité des chances, ni le travail, ni l'éducation, ni le commerce, ni la protection sanitaire, ni le gouvernement des hommes comme on le pensait avant l'invention d'Internet ». 120 ( * )

Des exemples récents d'utilisations des nouvelles technologies en direction des citoyens se multiplient : un inventaire permettra d'avoir un premier regard sur leur intérêt, leur rayon d'action comme leur valeur exemplaire.

1. Les collectivités locales sur le Web

A l'initiative de la Commission européenne, un rapport sur l'accessibilité et l'utilisation des systèmes d'information et de communication 121 ( * ) , signale un retard, en France, du nombre d'autorités locales présentes sur Internet : 1 887 pour 2 924 en Allemagne mais 885 au Royaume-Uni ; 137 collectivités locales françaises disposent d'un site Web pour respectivement 355 en Allemagne et 110 au Royaume-Uni.

D'après ce rapport « les autorités locales européennes utilisent ces systèmes pour fournir des services locaux à peu de frais et pour attirer davantage de touristes. Nombre d'entre elles cherchent également à étendre et à consolider leurs activités économiques en entrant en contact avec leurs homologues européennes. Plus de 600 autorités locales disposent déjà d'un site sur le « World Wide Web » pour fournir aux citoyens des informations en temps réel sur les services locaux, les infrastructures et les manifestations et actualités locales, renseignements sur le club de football local, offres spéciales dans les commerces, compte rendu des débats du jour du conseil municipal concernant la nouvelle réglementation du stationnement, annonce d'une exposition à la maison communale, etc. »

Les informations sur les associations, sportives, de parents d'élèves ou autres servent leur développement ; celles sur les décisions du conseil municipal éclairent les citoyens ; les unes et les autres stimulent la démocratie locale. D'autres, publicitaires et économiques, sont utiles aux commerçants, aux hôtels etc.

Ce n'est que le début « d'une prise de conscience » estime la Commission.

Peu de collectivités ont des sites créateurs d'espaces de démocratie locale ou stimulant les débats. La mise à disposition de débats lors des séances de conseil municipal comme des décisions délibérées reste une exception. L'adresse électronique des autorités locales n'est pas un signe de démocratie dynamique suffisant. Inviter à découvrir la ville de Lyon : « en famille, épicurien, amoureux ou businessman », non plus. Informations sur la vie quotidienne, sportive, culturelle, commerciale et surtout touristique témoignent seulement d'une connaissance de ce réseau et de sa possible efficacité.

Avant Internet, Montigny-le-Bretonneux, s'était dotée d'un service Minitel (3615 VILUTIL). Elle a, aujourd'hui, ouvert un serveur Web performant, diffusant, à destination des habitants, de nombreuses informations relatives à la ville (www.mairie-montigny.78.fr).

Athis-Mons propose l'exercice de la « citoyenneté athégienne » 122 ( * ) nouvelle manière, en offrant sur son site sur Internet (www.mairie-athis-mons.fr) un support aux multiples aspects de cette citoyenneté : vie associative, conseil municipal d'enfants, jeunesse, solidarité entre les générations, réunions de quartier, université du temps libre et du citoyen, jumelages. Il informe des liens entre des forums thématiques, ouverts à tous et les préoccupations des habitants. « Les sujets proposés seront en rapport avec vos préoccupations quotidiennes, la vie de nos cités et banlieues, les grandes questions de notre temps. Ils doivent être l'occasion d'échanger des points de vue, de dialoguer, de débattre où de nous enrichir chacun de l'opinion d'autrui » . Le premier thème de l'année 1997 portait sur la question suivante : « Internet peut-il contribuer au progrès social dans une planète ouverte aux échanges ? »

Pour J.-P. BRARD, maire de Montreuil-sous-bois, Internet permet effectivement de faciliter les échanges d'information avec les administrés et d'améliorer les services rendus, « pour mieux impliquer les gens dans la vie collective, accroître les solidarités ».

Outil de communication locale, Internet l'est certes, mais seuls « quelques élus pionniers ont déjà compris tout son intérêt » Annie KAHN 123 ( * ) .

Quelques collectivités locales, Saint-Agrève en Ardèche, Marly-le-Roi, dans les Yvelines, transmettent par courrier électronique leurs documents administratifs aux administrations concernées : gain de temps, économie de frais postaux, réduction des dépenses de déplacement en découlent.

Trop rares sont les collectivités locales où Internet permet un véritable accroissement de la communication accompagné d'un renforcement de la citoyenneté et de la démocratie. Le projet Iperbole à Bologne (Italie), l'expérience de Parthenay sont assez exemplaires pour en justifier une présentation développée, être sujet de réflexion et de débat.

2. Le projet Iperbole

Aux sixièmes rencontres de l'Observatoire des Télécommunications dans la ville, le 28 janvier 1997, Leda GUIDI, responsable municipale à Bologne présente un projet précurseur d'usages des multimédia dans des cités interactives: « les collectivités locales doivent soutenir et promouvoir la société de l'information. Il s'agit clairement d'une volonté politique. La société de l'information ne doit pas être abandonnée aux seules règles du marché ». En 1993, la ville de Bologne et l'agglomération ont fait leur ce projet Iperbole .

Traditionnellement active dans le secteur de la communication entre les administrations et la société civile, la ville a mis en place un « réseau citoyen afin de fournir à tous un accès gratuit à plusieurs services Internet : courrier électronique, groupes de discussion, services d'information sur la ville et ses partenaires.» A ceux-ci, s'ajoute une liaison des administrations publiques (sécurité publique, préfecture, province d'Emilie-Romagne, Parlement, ministères...) et des services d'intérêt public (poste, pompes funèbres...).

Les informations proposées par la ville sont variées ; elles traduisent la volonté de la municipalité de considérer l'information comme « la condition essentielle pour assurer la participation des citoyens à la vie sociale et politique » , elles sont souvent relatives à la vie de la cité (statistiques sur la ville, actes et décisions...) et à son organisation administrative (service de l'immigration, services municipaux....).

Il est possible de répondre à un appel d'offres en ligne concernant des projets en cours.

Le public est invité, avec insistance, à participer aux activités institutionnelles.

Ces initiatives sont le résultat d'une politique engagée de longue date; elle cherche à associer la population aux décisions ; si les référendums consultatifs ou d'initiative populaire ne sont pas propres à l'âge informatique, la mise en réseau favorise l'expression des citoyens : l'organisation en devient plus simple, la réponse plus rapide que par le vote classique.

L'administration de la ville a réorganisé et connecté 120 bureaux ou services de la mairie. 500 adresses électroniques sur le réseau permettent aux habitants d'entrer directement en relation avec les agents des services municipaux, avec les partenaires du projet métropolitain ; les responsables consultés sont tenus de rendre réponse immédiatement : éviter une longue attente habituelle est une intéressante conséquence de l'usage du réseau.

50 points de consultation et d'interrogation des services de la mairie ont été installés dans plusieurs sites publics, comme la bibliothèque, les centres de la jeunesse...leurs animateurs sont en capacité de faciliter l'usage des nouvelles techniques aux moins initiés. Des points de consultation vont être installés dans les maisons pour personnes âgées.

Après deux années de fonctionnement, le bilan est positif : environ 7.000 usagers individuels et 700 organisations publiques à but non lucratif utilisent ces services municipaux de connexion ; 2 à 4 millions de francs ont été dépensés pour la création des points d'accès à des services Internet.

Le réseau Iperbole semble contribuer à l'amélioration de la cohésion sociale, à la diffusion des connaissances et à l'augmentation de la participation des habitants à la vie collective de la cité et de l'agglomération.

3. La cité numérique de Parthenay

Deux objectifs principaux sont à l'origine de ce projet :

- créer les conditions, puis les habitudes d'une démocratie participative et organiser un réseau entre Aredo (Espagne), Weinstad et Torgau (Allemagne) ;

- inciter des industriels à s'installer dans des agglomérations de taille moyenne ;

Des initiatives ont été prises dès 1994 :

- Les petites et moyennes villes sont des lieux de vie décloisonnés, « l'anonymat n'y a pas de droit de cité » ; toute une population peut participer à des activités diverses (travail, vie civique, associative, éducative etc..) Bref, ce sont des lieux d'expérimentation bien supérieur aux villes importantes, aux métropoles. L'inventivité est plus fréquente : des projets, inattendus émergent, d'autres convergent entre eux, enrichissent et diversifient les initiatives premières.

- La prise en compte d'une demande sociale révélatrice des « besoins » des habitants fournit un moyen dynamique de les transformer en « co-créateurs de services » et d'éviter qu'ils ne restent « des consommateurs-cobayes ». Chaque habitant, par choix, peut « s'approprier » l'usage de ces nouvelles techniques en adéquation avec ses centres d'intérêts et ses compétences (activités professionnelles, sociales, culturelles, sportives et autres, activités post et périscolaires, organisation des loisirs, protection de la santé etc..).

Parthenay, « ville numérisée », est un véritable laboratoire en matière de technologies de l'information au service des citoyens. Michel HERVÉ, maire de Parthenay voudrait « que les citoyens soient des acteurs créatifs de la ville. Cela est d'autant plus nécessaire dans une commune rurale en risque de désertification. Mais, pour favoriser la créativité, il faut favoriser la diversité des rencontres pour associer les compétences. Avec Internet, les possibilités de rencontres sont démultipliées dans l'espace, mais aussi dans le temps, grâce à l'accumulation des savoirs disponibles sur le réseau. Les réseaux servent aussi à pallier le déficit d'information de proximité nécessaire pour que les gens deviennent acteurs de la vie locale, qu'ils aient l'esprit d'initiative et d'entreprise . » 124 ( * )

L'ambition du projet consiste à provoquer l'avènement d'un citoyen autoproducteur de biens dont il souhaite être autoconsommateur.

Cet apprentissage de « citoyenneté active » s'accompagne de l'acquisition du sens « des responsabilités » à l'occasion des confrontations et contradictions à la recherche d'un consensus, éventuellement avec le recours à un médiateur.

La citoyenneté de chacun participe de l'existence d'une conscience collective construite localement (au niveau du quartier puis de la commune) ; sa pratique s'étend à la dimension du globe. Les NTIC aident les citoyens à devenir plus critiques, plus avisés : « il appartient à la puissance publique, en l'espèce l'équipe municipale, de créer des espaces de création ainsi que des situations de crise, y compris au détriment des élus. Les NTIC permettent d'accélérer ce processus, elles ne le créent pas. En revanche, il est certain qu'elles favorisent la recherche d'informations nécessaires à l'émergence d'un projet et, par conséquent, en mise en oeuvre d'une citoyenneté participative. » (M. Hervé).

Fondée sur des initiatives proposées par des habitants, cette citoyenneté ne s'inscrit pas dans un concept de démocratie participative et encore moins directe, ni n'en préjuge. Interrogé, lors d'une visite à Parthenay, Michel HERVÉ exclut une participation directe des habitants aux travaux du conseil municipal. En revanche, chaque élu, dans son domaine d'attribution, et le maire, doivent faire connaître leurs projets et préoccupations.

Une « contestation démocratique » semble se développer plus spontanément que par le passé ; la municipalité ne peut plus agir sans avoir connaissances des réactions sur un projet ; il est plus facile d'adresser un message de protestation par courrier électronique que de rédiger une lettre et de l'envoyer par la poste. Chaque élu devient le porte-parole des préoccupations exprimées par le relais d'associations. De la confrontation des différents intérêts émerge un projet fédérateur.

Les initiatives prises à Parthenay s'appuient sur un équipement performant et facile d'accès. Les « espaces numérisés », salles équipées d'ordinateurs et ouvertes à tous, permettent la familiarisation aux réseaux avec l'aide d'intervenants compétents; les jeunes ne sont pas seuls à fréquenter ces espaces : personnes à la recherche d'un emploi, habitants ayant un projet à présenter ou curieux de connaître ceux des autres, quel que soit leur âge, personnes âgées en quête de voyage ou de partenaires de jeux ou de bavardage, enfants des écoles constituent également des publics utilisateurs et intéressés.

La mairie prend en charge le rôle de fournisseur d'accès : les habitants qui veulent se connecter au réseau n'ont pas à payer d'abonnement à un « provider ». Ils accèdent gratuitement au réseau. Le public peut trouver des aides auprès d'animateurs communaux ; la municipalité favorise aussi l'équipement des foyers en ordinateurs à prix modéré obtenu par négociations avec fabricants d'appareils comme des communications. 10 % de la population possède un ordinateur, un modem, une boîte aux lettres électronique ; 30 % sont passés au moins une fois dans l'un des espaces numérisés.

Dans l'un des espaces numérisés, six micro-ordinateurs sont dédiés à des travaux de longue haleine : frappe de mémoire d'étudiant, par exemple. Les enfants des écoles viennent, pendant le temps scolaire, s'initier aux NTIC bien que tous les établissements scolaires de la ville disposent d'ordinateurs et de modems. Une salle est mise à leur disposition par la mairie ; la MAFPEN détache un formateur pour aider à leur formation et, surtout, à celle des enseignants.

Malgré une réticence initiale des acteurs sociaux (l'inconnu des conséquences du projet, crainte de perte de pouvoir sur l'usager) les demandes d'échanges de savoirs et de savoir-faire ont rapidement augmenté : demandes de formation en informatique et en anglais sont un signe de l'appropriation des outils par la population.

L'établissement de liens intergénérations atténue les conséquences d'isolement, notamment celui des personnes dites du troisième âge. Des rencontres annoncées sur l' in-town net , réseau local, sur des thèmes divers et ordinaires (cuisine, jeux...) sont l'occasion d'échanges de savoir-faire dans l'espace numérisé situé en centre ville. Vient qui veut ; le lien se crée et le dialogue se noue.

Ce projet dépasse la seule ville de Parthenay ; de multiples activités sont mises en place avec un Intranet pour les entreprises, un autre dédié au monde agricole, un troisième, en projet, relatif au secteur santé.

Parthenay représente un exemple réussi d'utilisation des NTIC lié plus à la demande sociale qu'aux incitations du « marché ». Il est dû à la participation financière initiale de la commune et au soutien financier de l'Union européenne ; la volonté déterminée d'un homme et d'une équipe municipale de développer une démocratie active locale est essentielle et déterminante.

Depuis 1995, un consortium européen associe les quatre villes « partenaires en informatisation » avec des grands groupes industriels européens et des équipes de chercheurs en sciences sociales.

Deux projets ont été retenus par l'Union européenne METASA 125 ( * ) financé pour partie par la DG XIII, MIND pour partie par la DG III.

Plus récemment, « Parthenay - ville numérisée » a obtenu le label « expérimentation d'intérêt public » attribué par le comité interministériel des autoroutes de l'information et services de l'information sur proposition du Ministre François FILLON.

Parthenay contribue à l'élaboration d'une stratégie régionale de coopération en matière de NTIC au sein du projet SERISE 126 ( * ) . Au même titre que la région Poitou-Charentes, le département de la Charente, le département de la Charente-Maritime, le département de la Vienne et le département des Deux-Sèvres, Parthenay fait partie du comité de pilotage régional.

4. La télévision interactive à Issy-les-Moulineaux

« Les nouvelles technologies doivent développer des outils de démocratie locale et contribuer à réduire les inégalités. C'est la mission de tout élu d'éviter la création d'une nouvelle inégalité entre les cyber-branchés et les autres... La télévision interactive, qui est une expérience récente, permet de montrer le déroulement des séances du conseil municipal et de renforcer le dialogue avec la ville puisque les administrés peuvent poser les questions en direct ».

Cette déclaration faite par M. A. SANTINI, député-maire d'Issy-les-Moulineaux à l'ouverture des « Sixièmes rencontres de l'Observatoire des Télécommunications dans la ville » a été suivie d'une application en grandeur nature le jeudi 23 janvier 1997.

A 18 heures, les citoyens d'Issy-le-Moulineaux des 5 000 foyers de la ville reliés au réseau câblé peuvent suivre, de chez eux, la séance du conseil municipal ; elle est retransmise depuis la salle multimédia de l'Hôtel de ville, salle inaugurée en 1994 et dotée de trois caméras motorisées ; la discussion porte sur l'établissement du budget de la commune : une interruption de séance permet de donner la parole, de chez eux, à qui souhaite la prendre ; chacun peut donner son avis soit en utilisant une numéro vert spécialement mis en place, soit par Internet, la mairie disposant d'un site.

Après cette expérience, le maire en présente les difficultés de réalisation et les résultats enregistrés : « pour mettre en place le système de conseil municipal en public, nous avons dû obtenir une autorisation du CSA. France Télécom a accepté de retransmettre le premier conseil et Plein Câble a pris en charge les relations avec la régie. Nous avons reçu 216 appels. 86 % des personnes ont jugé l'expérience satisfaisante ou très satisfaisante et 98 % ont souhaité qu'elle continue. L'émission a été très suivie et les personnes étaient véritablement passionnées et heureuses de découvrir le fonctionnement du conseil. Cette télévision interactive permet d'une part de restaurer l'image du politique, et d'autre part de produire un débat de qualité » 127 ( * ) .

La retransmission des conseils municipaux pose plusieurs questions :

- un minutage très précis des débats imposé par le créneau télévisuel ne risque-t-il pas de porter préjudice à l'expression des conseillers et plus particulièrement des minoritaires ?

- ne peuvent intervenir que les habitants disposant des équipements nécessaires et d'une relative habitude de leur usage, d'une aptitude à prendre la parole. Les inégalités sont-elles réduites ou accrues? Tous les foyers n'étant pas équipés, ne risque-t-on pas une nouvelle discrimination entre citoyens et, finalement, de ne servir qu'à la promotion de l'équipe en place ?

- les différences de qualité et de capacité des équipements peuvent être à l'origine de différences de participation. Faudrait-il, est-ce possible, standardiser ceux-ci ?

- le conseil municipal ne risque-t-il pas de se déterminer en fonction de la réaction majoritaire observée en cours de mandat ?

Cette expérience, incontestablement innovante, met en évidence des interrogations qui, progressivement, concerneront l'ensemble des collectivités, quelle que soit leur taille : la démocratie directe contribue-t-elle véritablement à l'expression des citoyens ? La suppression d'échelons de représentation ne conduit-elle pas à renforcer le pouvoir central par le biais d'un rapport direct entre la contestation et une autorité décisionnelle quelle qu'elle soit : maire, président de conseil général, président de conseil régional, président de structure de coopération intercommunale, Président de la République ?

La version vertueuse de l'expression directe des citoyens interrogés par NTIC, permettrait, selon certains observateurs, de dégager des orientations consensuelles : les causes d'un déficit budgétaire soumises au peuple, par Internet, par exemple, lui donneraient l'occasion de choisir les postes d'économies ; par interactions successives, l'équilibre budgétaire serait rétabli.

La version plus pessimiste des conséquences d'un tel processus concerne l'exemple des meurtres d'enfants. Face à un tel drame, tous les responsables seraient à coup sûr submergés de messages réclamant le rétablissement de la peine de mort pour les meurtriers.

Entre ces deux extrêmes, l'utilisation des NTIC pour l'expression citoyenne est sans doute difficile à définir.

5. Internet et les administrations

Les administrations d'État ont créé des réseaux Intranet entre elles ; les ministères ont ouvert des sites sur Internet.

Une volonté d'harmonisation des initiatives s'est récemment manifestée :

- la prochaine édition de l'annuaire de l'Administration française, comportera les adresses électroniques des différents services qui en sont dotés ;

- les services du Premier ministre, devraient être réorganisés à l'occasion d'une réforme globale de l'organisation de l'État. Un arrêté du 20 février 1997 créant un site du Premier Ministre sur Internet en précise les objectifs ;

- simplification de la communication, de l'accès à l'information et à la documentation des services de l'État sur les nouveaux réseaux de télécommunications...

Ont été retenues :

- la diffusion au titre de la communication gouvernementale : informations sur la composition du gouvernement et des cabinets, les agendas ministériels, les nominations en conseil des ministres ;

- l'ouverture d'un espace de discussion pour les utilisateurs du site sur des thèmes d'intérêt général ;

- la possibilité offerte aux utilisateurs du site d'adresser un message au Premier ministre ou à ses services par courrier électronique ;

- l'organisation des jeux concours « juniors ».

Un arrêté du 16 mai 1997 portant modèle type de traitements d'informations nominatives mis en oeuvre dans le cadre d'un site Internet ministériel comporte les mêmes dispositions pour les sites Internet créés par les ministères.

La plupart des ministères disposent d'un site sur Internet. Outre différentes informations relatives au ministre (dans le cas de Matignon sous Alain JUPPÉ, le site comportait une séquence vidéo du Premier ministre en vacances dans les Landes !) et à l'organisation du ministère, les sites fournissent une documentation administrative et un espace de discussion. Le 3 juin 1997, le site du Premier ministre proposait encore cinq forums, dont l'un était consacré à la vie démocratique : qu'est-ce que la citoyenneté aujourd'hui ?

Ces initiatives restent insuffisantes et l'information disponible peu abondante.

Aucun site gouvernemental ne propose le journal officiel en ligne (nul n'est sensé ignorer la loi).

Le site de la Documentation Française ne permet pas de disposer des informations contenues dans la base Logos, (un ensemble composé à la fois d'articles de presse, de transcriptions d'émissions de radio ou de télévision , de discours d'hommes politiques, de responsables syndicaux ou professionnels).

Gratuité d'accès aux services et aux documents, pratique d'une culture de la transparence, ne sont pas encore dans les moeurs et peuvent expliquer le peu d'impact de ces initiatives.

6. Internet et les élections législatives

Les dernières élections législatives ont fait découvrir l'existence d'Internet aux partis politiques.

La plupart des partis politiques disposent d'un site de présentation sur Internet. Quelques-uns ont eu le souci de dépasser la simple carte de visite pour fournir des indications sur leurs positions politiques de fond. En revanche, aucun ne propose de forum de discussion ni de réflexions sur quelques grands thèmes de société comme les NTIC. Sollicités par courrier avec envoi de l'étude de faisabilité agréée par l'Office parlementaire, aucune réponse utile n'a été faite. J'ai eu un seul entretien avec un représentant d'un parti politique, Mme Odile LEPERRE-VERRIER, au nom du Parti Radical Socialiste. Elle m'a fait part de ses réflexions : « l'école doit donner aux élèves une véritable initiation à l'instruction civique. Cette culture de base est fondamentale, elle permettra d'accompagner les mutations provoquées dans le domaine de la citoyenneté, par le développement de la société de l'information » [...] « Les NTIC ne sont pas un axe de réflexion majeur des partis politiques ».

Un autre parti, l'Union pour la démocratie française, a transmis la plate-forme d'union UDF-RPR, avec une seule mention relative à la société de l'information : il faudrait « diffuser des technologies de pointe à tous les Français, en particulier en donnant à tous les élèves une formation à l'utilisation d'Internet et du multimédia ».

Pendant la campagne, Internet et les outils uni- ou multimédias ont été négligés. Le quotidien La Tribune a relevé cette carence d'usage : « Les partis politiques sont passés à côté d'Internet » , avec, comme intitulé du billet journalistique : « Match (très) nul ».

Des interviews recueillis sur le site Digipresse permettent d'avoir connaissance des utilisations de site par des responsables politiques :

INTERWIEWS RECUEILLIES SUR LE SITE DIGIPRESSE

La rédaction de Digipresse (actualités et reportages électroniques) présente une série d'interviews de petits et grands candidats interrogés exclusivement sur leurs vues concernant les nouvelles technologies.

D'autre part, elle organise un « vote » en ligne.

1. Front national (Guillaume VICQUET)

Pourquoi un Web pour le FN ?

Nous utilisons Internet pour lutter contre le boycott médiatique dont est victime le Front National

Internet est-il intéressant pour le FN ?

Internet est l'occasion pour nous d'avoir une vitrine internationale.

2. Génération écologie (Bruno WALTHER)

Pratiquez-vous les nouvelles technologies ?

Les nouvelles technologies sont une technologie propre qui démontrent que les avancées technologiques peuvent être du côté de l'environnement. Et c'est surtout un média libertaire ou la liberté règne en maître et c'est donc un média sur lequel les écologistes se sentent à l'aise.

J'utilise régulièrement Internet et j'utilise le Web, les systèmes de messageries et de chats-forums deux à trois heures par jour.

Pourquoi GE défend Mygale ?

Génération Ecologie a soutenu Mygale car Mygale était un espace de liberté sur le Web francophone. Le Web francophone est un peu parasité par la publicité, par la médiocrité des sites qui l'entourent. Donc on ne pouvait que soutenir Mygale d'autant que Mygale répondait aux attentes d'un service public que l'Éducation nationale se doit d'offrir à ses étudiants .

3. Parti socialiste (Dominique STRAUSS-KHAN)

Croyez-vous à l'Internet pour tous ?

On n'arrivera pas à quelque chose de sérieux tant qu'il n'y aura pas aux postes de responsabilités des gens directement immergés dans les nouvelles technologies. Jacques CHIRAC a beau parler de l'Internet pour tous à l'école, l'épisode de la souris a fait rire la planète entière, alors au delà de la plaisanterie, ce qui est important, c'est qu'on se rend compte que ce n'est pas son monde. Je parle de lui parce que vous l'évoquez, mais ce serait vrai pour d'autres hommes politiques de gauche de la même manière. De ce côté là, la droite et la gauche sont au même niveau. Mais le vrai problème, c'est que l'on ne peut pas aujourd'hui comprendre la monde dans lequel on est, surtout le monde dans lequel on sera dans 5 ans dans 10 ans, si on n'a pas une pratique courante, pas obligatoirement de la technologie au sens le plus fin (on ne demande pas à l'homme politique d'être au courant des derniers algorithmes de compression). En revanche, il faut qu'il ait une compétence suffisante, une pratique suffisante pour que cela illustre pour lui en quoi la vie change et en quoi ce qui est en train de se passer va changer la vie de demain. Alors, ce n'est pas un problème de slogan sur la démocratisation, tout ça c'est très gentil, il faut la démocratisation mais c'est du baratin. Il faut qu'un maximum de gens soient immergés dans une culture du silicium, une culture du digital.

Évangélisez-vous vos collègues ?

Il faut faire de la propagande auprès des collègues, il faut petit à petit arriver à leur montrer ce que cela veut dire. On sait aussi que c'est très difficile à partir d'un certain âge de changer son mode de pensée. C'est un mode de pensée qui est différent. Ce n'est pas simplement l'utilisation d'un stylo bille qui marcherait plus vite. Cela veut dire que la nouvelle génération politique, qui comme moi a été formée à l'école sur des vieux IBM 360, que celle-ci soit capable de comprendre que le message ne doit pas être un message politique traditionnel. C'est aussi ce message sur non pas l'entrée de la France mais la place de la France dans un monde qui demain sera entièrement un monde digital.

4. UDF (André SANTINI)

Internet et vous ?

Je suis le phénomène Internet depuis de très nombreuses années et j'ai décidé d'investir ma mairie dans ce secteur car je crois que l'élu local est très bien placé pour apprivoiser les nouvelles technologies et faire en sorte que les gens deviennent à leur tour convaincus. Le retard, de la France est considérable, on est à 15 PC en moyenne, alors qu'en Allemagne on est à 30 et aux États-Unis on est à 46. A Issy-les-Moulineaux, on est déjà à 40. Depuis les efforts déployés, les gens ont adhéré. L'autre jour, quelqu'un m'a dit « mais Monsieur le Maire, ça coûte cher un PC », je lui ai dit « Oui Madame, vous avez raison ». Et à côté de moi, il y avait un jeune internaute qui lui a dit « Madame, combien avez-vous payé le dernier scooter pour votre fils, c'est le prix d'un ordinateur et au bout de combien de temps, il se l'ai fait voler? ». Aujourd'hui, les gens devront choisir entre un scooter et un PC. Les élus locaux, eux, doivent mettre à la disposition des gens des accès Internet dans la médiathèque, dans l'espace jeunes pour la rédaction des CV, pour la recherche de stages et d'emplois. Dans les écoles, nous avons déjà ici quatre écoles équipées. Et nous allons continuer, puisque toutes les écoles d'Issy-les-Moulineaux seront équipés d'ici 98. J'ai commencé par les écoles les plus défavorisées car la nouvelle fracture sociale sera entre les élites cyber-branchées et les SDF du multimédia. En direction des familles immigrées par exemple, la médiathèque est un outil formidable car elle est ouverte le samedi et le dimanche. Ça commence comme ça l'intégration. Donc je crois que les élus locaux sont vraiment très bien placés. C'est valable pour les écoles mais aussi les collèges et les lycées.

Quel modèle proposez-vous ?

L'organisme américain, le FCC (ndlr: Commission Fédérale pour la Consommation) vient de proposer l'instauration d'une taxe sur les abonnements téléphoniques pour financer l'équipement en Internet de toutes les classes et de toutes les bibliothèques américaines. Vous croyez que nous intellectuellement, on est prêt à cela?

5. Parti communiste français (Michel LAURENT)

Participez-vous à des newsgroups ?

Oui, j'y participe notamment à celui du parti communiste mais aussi à d'autres forums de discussion sur Internet. De toute façon, je suis quelqu'un qui m'intéresse à toutes les nouvelles technologies et j'ai un ordinateur chez moi en plus du travail que j'effectue ici.

La démocratisation de l'Internet ?

Il y a des choses qui dépendent de nous et il y a des choses qui ne dépendent pas de nous. Ce qui ne dépend pas de nous c'est de permettre à tout un chacun d'avoir la formation, d'avoir le matériel, de s'acheter un ordinateur personnel etc. Pour ce qui est de notre responsabilité de « serveur ». Nous avons fait le choix d'un serveur de qualité mais qui soit accessible avec des moyens informatiques pas limités mais moyens, pour que le plus grand nombre puisse y accéder. Nous avons privilégié l'écrit, les textes courts, la simplification dans les images mais nous donnons toute l'information. Nous donnons tout le contenu de « Regards », tout le contenu de « l'Humanité ». Et nous allons mettre derrière un moteur de recherche qui va permettre de lire les textes du parti communiste et des journaux communistes en les trouvant par mots-clé.

6. Les Verts (Yves COCHET)

Votre pratique de l'Internet ?

Je suis informaticien depuis 15 ans et puis aussi à titre militant. Les Verts ont vraiment fait un effort en ouvrant une quinzaine de boîtes aux lettres électroniques voila un an et demi, puis un site Web, il y a un an. Et on utilise ses outils aussi bien vers l'extérieur qu'en interne pour échanger des informations, des documents, aussi bien d'ailleurs sons, images, textes. D'ailleurs pour les professions de foi à l'occasion de ces législatives, on a échangé des images, des photos, des textes, pour fabriquer notre journal « le Vert Contact ».

Préconisez-vous l'Internet ?

Nous le préconisons comme un outil de travail beaucoup plus rapide et efficace que le fax, le courrier postal et même le téléphone. Comme on est très informatisé depuis longtemps, ici par exemple, on a un réseau local au siège national et la plupart de nos machines sont maintenant on-line et on utilise à la fois notre site et tous les courriers électroniques que l'on a. On a plusieurs adresses évidemment, en relation avec nos régions, de telle façon que cela rendra plus efficace et productif notre travail militant et politique.

Il faut avoir la foi du charbonnier de l'Association des Utilisateurs d'Internet pour proposer un questionnaire sur Internet dans le cadre de la campagne pour les élections législatives. Pourtant, les questions méritent qu'on s'y attarde, car elles constituent un enjeu fondamental pour l'avenir 128 ( * ) . Le questionnaire s'ouvre sur une interrogation sur les enjeux politiques et sociétaux d'Internet : « Pensez-vous qu'Internet puisse avoir un impact important, à terme, sur les rapports entre les personnes, sur les rapports entre les administrés et l'administration, et enfin, sur l'exercice même de la démocratie ? »

Personne n'a eu idée ou audace d'avoir recours au logiciel EFS « d'accès à l'information et de recherche documentaire » plus connu sur le logiciel « de la chasse au mensonge » ; il a été utilisé largement par Tony BLAIR et John MAJOR :

« Grâce à cet outil, l'exploration de dizaines de milliers de pages de texte en fonction d'un besoin précis ne prend que quelques secondes. Ainsi, la réaction à la déclaration d'un candidat devient une affaire de minutes. Son adversaire peut découvrir la citation datant de plusieurs années ou le chiffre exact qui prend l'homme politique en défaut. Et cela avec une redoutable précision. De quoi chasser du débat électoral toute tentation de tricher avec l'implacable vérité » 129 ( * ) .

CHAPITRE 2 : LA CITOYENNETÉ, QUELS APPRENTISSAGES

Messieurs,

Offrir à tous les individus de l'espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d'assurer leur bien-être, de connaître et d'exercer leurs droits, d'entendre et de remplir leurs devoirs ;

Assurer à chacun d'eux la facilité de perfectionner son industrie, de se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d'être appelé, de développer toute l'étendue des talents qu'il a reçus de la nature, et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait, et rendre réelle l'égalité politique reconnue par la loi ;

Tel doit être le premier but d'une instruction nationale ; et, sous ce point de vue, elle est pour la puissance publique un devoir de justice.

CONDORCET :

Les principes de l'instruction publique

2 avril 1792 - Assemblée nationale

L'apprentissage de la citoyenneté nécessite un long parcours : il prend le départ dès les premières années de la scolarité. Il est d'une lente progressivité, les rôles des enseignants et des parents y sont souvent mêlés au risque , parfois, de se contredire. Être un citoyen est d'autant plus difficile que les capacités à acquérir sont diverses. Il ne suffit pas d'être inscrit, au moment voulu, sur une liste électorale et de déposer un bulletin de vote dans une urne, même si cet objectif est essentiel : le droit majeur de tout citoyen est le droit de vote.

Être citoyen c'est beaucoup plus : c'est vivre dans la cité, avoir une place parmi celles des autres, savoir respecter celles des autres et faire respecter la sienne. Le premier des apprentissages est celui de la vie parmi et avec les autres, les accepter sans vouloir les diminuer et sans tolérer qu'ils vous domine ; dès l'école maternelle, dès cette première rencontre dans une salle de jeux, le plus souvent, d'un enfant avec d'autres enfants commence l'apprentissage de la vie en groupe, l'apprentissage de voir le jouet désiré pris par un autre.

Au terme du parcours, au jour où l'on a le droit de s'inscrire sur une liste électorale, il faut être devenu citoyen conscient de sa place, de son rôle parmi les autres citoyens ayant les mêmes droits, les mêmes devoirs. Par le recours à des activités adaptées à l'âge des élèves ou des étudiants, en proposant des thèmes à contenu social, économique, culturel, sportif, mille façons sont offertes pour faire découvrir et acquérir des pratiques qui aident, peu à peu, à constituer, en réalité, des actes citoyens :

- développer l'intérêt du dialogue autour d'idées contradictoires ou seulement différentes ;

- pratiquer le vote à l'intérieur des groupes de recherche, mais aussi des institutions dans lesquelles vivent les enfants ;

- développer le regard critique et d'analyse par la mise en discussion de textes, d'événements de la vie culturelle, sociale, économique et politique, à travers des auteurs de toutes les nuances.

Et ainsi se prépare un esprit critique sans que soit éliminée une culture de l'esprit de conviction.

Les substrats de ces apprentissages, jusqu'à l'intrusion des NTIC, étaient essentiellement les textes et les discours à la manière lente et mesurée de l'écrit, de la parole ; s'y étaient ajoutés la télévision et l'image. Les NTIC font une entrée vigoureuse dans ce paysage : elles ne doivent pas perturber les manières et les objectifs de tous les temps : il faut en bien connaître les avantages et les dangers, les chausse-trappes comme les faux amis et veiller à ancrer les valeurs fondatrices dans le triptyque républicain : Liberté, Égalité, Fraternité. L'école aura appris l'usage de l'ordinateur et d'Internet pendant leur scolarité et les droits, devoirs et responsabilités de citoyen. Mais la citoyenneté ne s'apprend pas qu'à l'école et les nouvelles technologies se pratiquent ailleurs que dans l'éducation.

Elles présentent des caractéristiques spécifiques :

- instantanéité ou immédiateté qui supprime tout recul d'analyse ;

- massiveté ;

- logique de l'hypertexte ;

- caractère virtuel dans le sens d'imaginaire ;

- déterritorialisation ;

- Ubiquité des relations par la création de communautés
internationales virtuelles ;

- Hyperprésence de l'image.

Internet peut-il devenir un levier pour la démocratie ? Ou raboter les valeurs essentielles face aux possibilités offertes d'une supercommunication, d'une supersanté, et d'une supersécurité ?

Sur un plan plus général, comment éviter que perdure une lente désaffection à l'égard du système représentatif ? Est-il possible, opportun de le remplacer par une conception de démocratie participative, active ? Quelles chances sont offertes aux citoyens d'améliorer, d'accroître l'efficacité de leurs interventions, de transformer positivement les relations entre les citoyens et les élus, parlementaires ou ministres, entre les citoyens et les administrations de leur pays ? Quelle éducation civique faut-il adapter à ces évolutions pour que le citoyen en tire profit et évite qu'il soit soumis aux machines ou aux hommes qui savent les utiliser ?

Serge GUÉRIN pose la question : peut-on faire d'Internet un outil de démocratie directe ?

« Pour l'élection présidentielle de 2023, les électeurs iront, sans doute, voter dans un isoloir virtuel... [mais] mettre une urne sur Internet n'est rien d'autre que la généralisation du vote par correspondance. Cela transforme-t-il en profondeur les conditions d'exercice de la démocratie ?

« En fait, ce qui est en jeu, ce sont les conditions du déroulement de l'exercice de la vie démocratique, bien plus que la traduction matérielle du choix.

« Internet offre la possibilité technique au développement du gouvernement d'opinion. Il devient possible d'organiser pour chaque question, pour chaque décision à prendre, un référendum. Le citoyen peut se faire entendre de façon permanente. L'ensemble de la population, ou bien les seuls électeurs, peuvent faire connaître leur sentiment, réagir en direct ou voter. Le sondage devient permanent et, surtout, a force de loi ». [...]

« Les récentes campagnes politiques, menées via Internet ou par l'entremise d'envoi de fax, sont loin d'avoir pour objet principal la prise en main de son destin par une population ou de chercher, par un effort de pédagogie interactive, à faire prendre conscience des enjeux » 130 ( * ) .

La démocratie en ligne présente donc des risques ; elle peut aboutir à une dictature de l'instant, d'autant plus dommageable que la mystique technologique rend légitime a priori l'information diffusée sur Internet.

Le réseau permet également la diffusion rapide et peu coûteuse d'informations. Les dérives possibles sont nombreuses : propagation de rumeurs, amplification de propagandes révisionnistes, antisémites ou néo-nazies, aide au développement de réseaux pédophiles, utilisation à des fins criminelles, notamment pour le trafic de drogues...

Internet fournit une caisse de résonance supplémentaire à des pratiques qui lui sont antérieures. Le réseau permet au contraire, de contrer la rumeur ou la désinformation : « il y a fort à parier qu'Internet est le seul lieu où porter la contradiction à des pro-nazis soit possible... » 131 ( * ) .

Diverses formes existent pour le citoyen pour intervenir dans la vie politique, économique, culturelle et sociale d'un pays ; le choix entre elles est au coeur d'un débat, au moment où de tous côtés élus et gouvernants, électeurs à tous les niveaux, plaident en faveur de relations citoyennes, déclarent vouloir être président citoyen ou animer un gouvernement citoyen. La démocratie représentative semble ne plus satisfaire les citoyens français.

La démocratie représentative, c'est-à-dire le système par lequel le peuple des citoyens fait entendre sa voix par l'intermédiaire de ses représentants élus, s'essouffle. Le citoyen compte peut-être pendant la campagne, le jour du vote déjà il n'est plus que compté, il le restera tout le temps d'activité de l'élu 132 ( * ) . La démocratie représentative trouve sa légitimité dans le pragmatisme ; elle constitue le seul moyen d'organiser le débat et la confrontation d'opinions de millions de personnes.

Deux autres formes sont suggérées :

- un concept de démocratie dite active pour bien signifier le rôle des citoyens dans des associations essentiellement, qu'elles soient à objectif unique, sportif, culturel, social... Les NTIC fournissent des moyens techniques, en créent l'envie, le besoin, le développement. Michel HERVÉ en est un chantre, Parthenay un exemple.

- un concept de participation des citoyens à la vie politique de leur pays a été clairement défini par LAMARTINE.

« La démocratie est la participation à droit égal, à titre égal, à la délibération des lois et du gouvernement de la Nation ». Tous les dictionnaires y font référence ; certains y ajoutent un slogan significatif de notre temps : « la participation des femmes au gouvernement ».

Les NTIC offrent des possibilités pour leur organisation, à condition d'en définir les usages, à condition aussi d'assurer un équipement réparti sur tout le territoire français comme ce fut le cas dans le passé pour l'électrification, le téléphone, la télévision, et, plus récemment, le télécopieur. Initiatives de l'État en complémentarité avec les collectivités locales mais aussi des particuliers, usagers, qu'ils soient élus ou citoyens. Il ne faut sûrement pas déraper jusqu'à un concept de démocratie directe : les dangers de comportement émotionnel ou de l'instant condamnent ce mode d'interrogation, de participation. Il faut aussi récuser une hypothèse américaine d'interrogation hebdomadaire du peuple citoyen, dans son ensemble et à domicile, sur un texte de loi en gestation.

La « démocratie version cyber » (Serge GUÉRIN) s'insère dans ces préoccupations. Les ressources potentielles de l'interactivité permettent d'envisager de nouvelles formes d'expression des citoyens : forums, courriers électroniques...

Comment définir la citoyenneté à l'heure d'Internet, la citoyenneté virtuelle ?

1. LA CITOYENNETÉ VIRTUELLE : REMARQUES D'ORDRE GÉNÉRAL

La société de l'information est caractérisée par quelques grandes évolutions ayant une incidence sur l'organisation et les conditions du travail (Yves LASFARGUE 133 ( * ) ) : elles ont influence sur l'ensemble des relations humaines, notamment civiques, dans notre société.

- Chacun est de plus en plus confronté à la représentation de la réalité. Une protection accrue devant les tâches dangereuses s'accompagne d'un excès d'abstraction cathodique, qu'il s'agisse des distributeurs de billets, des bornes de commande de billets de train dans les gares dont les guichets sont fermés, mettant en difficulté, ou en situation d'infériorité les « technopathes ». L'expérience de Parthenay peut inquiéter : elle exclut les 30 % des « technopathes », jamais à l'aise dans l'abstraction cathodique, de la participation à la vie de la cité.

L'ergonomie d'une abstraction venant d'un service public est, souvent, mauvaise ; elle entraîne, de ce fait, des difficultés d'adaptation : cette dimension est à prendre en compte pour éviter de culpabiliser les gens. Une véritable secte interdirait l'invention des « plans inclinés » des écrans cathodiques. Or, c'est bien en termes de handicap qu'il faut penser les choses et non pas de formation. En d'autres termes, il ne doit pas y avoir de dictature de ceux qui savent utiliser la machine. N'est pas inadapté celui qui ne sait pas. Au contraire, la machine doit s'adapter à l'homme, en gagnant en simplicité et en ergonomie. Il faut pouvoir également apprendre à utiliser la machine à l'abri du regard des autres afin de ne pas paniquer.

- un échange d'ordres entre l'homme et la machine, contraint celui-ci à obéir à l'ordre de celle-là, sans pour autant le comprendre. Certains refusent l'ordre de la machine, refusent d'agir en temps contraint et sans pouvoir décoder.

- ce mode de fonctionnement induit une réponse de plus en plus de rapide de type « ping-pong » au détriment des relations longues et plus lentes.

Conséquences : les rapports deviennent de plus en plus complexes : tout passe par le regard, handicap pour ceux qui souffrent de déficience visuelle, sans compensation possible par le recours à d'autres facultés ; l'obligation de passer de la relation visuelle au regard cathodique sur écran est pénible.

Autre effet, une vulnérabilité accrue. La société de l'information s'accompagne d'une culture de la panne des systèmes complexes sur laquelle elle s'organise. Il faut apprendre à admettre à gérer la panne et à la gérer au lieu d'en être culpabilisé

Le développement des télérelations permet la discussion au sein d'équipes virtuelles. Cette création de groupes virtuels est fragilisée par une non-connaissance physique des partenaires ; elle ne peut être adaptée à la culture de relations habituelles qui, par exemple, ne supporte pas le partage de l'agenda.

Cinq à six compétences nouvelles apparaissent :

- apprendre la nature de la réalité ;

- comprendre la nature arbitraire des NTIC ; multiplier les apprentissages de l'abstraction et de l'interactivité est un moyen de limiter l'abus du pouvoir donné à la machine sur le consommateur ; elle enraye le risque d'une forme nouvelle d'agressivité. Connaître un système, c'est faire naître un sens critique (cf. exemple des cédéroms) ;

- apprendre à négocier des procédures des machines pour apprendre à les contourner, à les maîtriser ;

- accepter d'utiliser des machines fragiles et vulnérables. Il faut savoir oser, sans craindre le ridicule, à utiliser la panne pour trouver possibilités et limites de la machine.

À ces conditions, l'utilisation des NTIC devient un plaisir. Éviter les handicaps permet de donner préférence à l'homme et non lui demander de s'adapter à la machine. Les systèmes manuels restent un recours pour ceux qui ne peuvent pas, de manière permanente ou provisoire, utiliser les systèmes cathodiques.

La numérisation de l'information est facile, peu coûteuse : on ne l'abandonnera plus ; elle s'ajoute à l'écriture alphabétique, aux textes et livres. Internet augmente la quantité des données disponibles, mais n'entraîne pas, de facto, le passage des données aux informations, des informations aux savoirs et des savoirs aux décisions : les NTIC ne portent pas, ipso facto, un changement fondamental de nos cultures profondes ; d'autres domaines d'innovation ont une importance au moins égale par exemple, les nouveaux matériaux ou les biotechnologies.

2. L'ÉDUCATION PERMANENTE AUX NOUVELLES TECHNIQUES

Pour CONDORCET (discours du 2 avril 1792, devant l'Assemblée nationale) « l'instruction ne devait pas abandonner les individus au moment où ils sortent des écoles ; elle devait embrasser tous les âges ; il n'y en avait aucun où il ne fût utile et possible d'apprendre, et que cette seconde instruction est d'autant plus nécessaire que celle de l'enfance a été resserrée dans des bornes plus étroites ».

Cette exigence est encore plus d'actualité au fur et à mesure de la place prise par les NTIC dans la société de l'information. Le gouvernement de la Finlande, pays des plus avancés dans cette voie, tente d'éviter la création d'une « société à deux vitesses » entre des utilisateurs avertis des nouvelles technologies et les autres, plus ou moins analphabètes en ce domaine. Lors d'un entretien, le jeudi 3 avril 1997, M. Olli PEKKA HEINONEN, ministre de l'Éducation et de la Culture a insisté sur le caractère central de l'apprentissage de ces nouvelles techniques pour les adultes, sur l'importance de l'organisation de cours après les heures de classe en utilisant les matériels existants dans les établissements d'enseignement aussi bien pour les élèves qui le souhaitent que pour leurs parents en utilisant, ensemble, un même matériel.

Cette initiation serait-elle praticable en France, sans que l'Éducation nationale ou les responsables des établissements se sentent outragés ?

En tout état de cause, il faudra bien familiariser les adultes à l'usage de ces techniques. L'équipement des bibliothèques, prévu en Finlande peuvent constituer des lieux d'apprentissage pour tous, comme le feraient « installées dans les lieux publics des bornes interactives permettant de consulter les services en ligne des collectivités des administrations et des services publics, » installation proposée par M. Lionel JOSPIN 134 ( * ) .

3. DE NOUVELLES RELATIONS AVEC L'ADMINISTRATION

85 % des ménages ne possèdent pas d'ordinateur domestique. Pour lutter contre cette nouvelle forme d'exclusion, il faut :

- des points publics largement diffusés ;

- des usagers formés à leur utilisation. L'expérience de Parthenay en montre la faisabilité à peu de frais, sous réserve d'une volonté conjointe de la municipalité et de la population ;

-  accepter la gratuité du service par certains services publics et, pour ceux-ci, renoncer à la recette procurée par le 3615. La SNCF a choisi un slogan « À nous de vous faire préférer le train ». Pourquoi pas ? Mais, à l'heure d'Internet, le temps n'est-il pas venu d'ouvrir sur le Web un service d'information et de réservation que les clients ne paieraient pas en plus de leur billet ? Ce qui est vrai pour la SNCF l'est, a fortiori, des services de l'État : chacun doit pouvoir disposer des lois et règlements, directement sur Internet, sous réserve de revoir certaines pratiques, de régler certaines questions juridiques, comme celle de la propriété intellectuelle ;

-  veiller à ne pas tomber dans le tout cathodique. L'existence durable de « technopathes » ou « technophobes », l'exige. Le système Ravel d'inscription universitaire a fait ses preuves mais est-il acceptable de n'envisager que ce mode d'administration ? La relation humaine reste parfois indispensable, l'argument de la baisse des coûts ( gagner du temps est gagner de l'argent) est discutable ;

- mener un effort de formation au sein des services publics où les fonctionnaires, rétifs, revendiquent l'immobilisme de l'administration. Ainsi, ils apprendront à utiliser ces nouveaux outils, à repenser leurs modes de travail, à répondre par courrier électronique aux questions posées par ce moyen. L'exemple de Bologne montre que la vraie nouveauté -des délais de réponse très brefs- est possible. Ce sont les dix-huit premiers mois difficiles à passer.

4. INTERNET ET CAPACITÉ D'EXPRESSION CITOYENNE

Reste l'utilisation citoyenne des nouvelles technologies. Aux États-Unis, malgré un forte présence des ordinateurs, y compris dans les foyers, et un usage généralisé d'Internet, près de la moitié de la population s'avoue effrayée par l'offensive des nouvelles technologies sur leur existence 135 ( * ) .

Des auteurs mettent en avant les dangers potentiels de cette société de l'information. Pour Paul VIRILIO, la révolution de l'information est une révolution de la délation : « A l'ère de la révolution de l'information, la délation est un phénomène exponentiel. La communication et l'interactivité, la mise en relation des individus, sont, de fait, des phénomènes « délatoires ». [...] La libération de la communication entre les individus est une bombe sociale » 136 ( * ) .

Malgré cela, la création de communautés virtuelles, les nouveaux moyens donnés à certaines formes d'action publique, sont souvent mis en avant pour souligner le caractère à la fois novateur et profondément démocratique de la société de l'information. Beaucoup d'observateurs ont souligné la formidable caisse de résonance que fut le Net lors des protestations contre la reprise des essais nucléaires.

Raison de plus pour regretter le nombre très restreint de « sites citoyens » sur le Web français. Yahoo France n'en recense que trois, dont le MRAP et Place publique, seuls relais pour un grand nombre d'associations. Joindre ces associations ou les partis politiques par courrier électronique reste impossible : leur site est conçu comme une vitrine et non comme un espace de communication.

Les initiatives utilisant Internet dans une perspective politique sont rares. Le site MYGALE, par exemple, héberge le site Accueil Corbeil-Essonnes au Pluriel qui se veut en « opposition à la majorité municipale en place, élue autour du nom de Serge DASSAULT le célèbre marchand d'armes recherché par Interpol, [et] va dans le sens de la promotion de la démocratie locale symbolisée par le slogan : Écologie, Démocratie, Solidarité ». Créé en octobre 1996 (www.mygale.org/07/ceap), il n'a pas évolué depuis.

5. LE VOTE VIRTUEL

L'utilisation des NTIC pour l'expression directe du droit de vote est-elle possible ? Le Quotidien du médecin interroge : « pourquoi, à l'heure où les médecins doivent s'informatiser, on continue à voter d'une manière aussi archaïque, alors qu'il serait si simple d'équiper les isoloirs avec des claviers à touches et des lecteurs de carte. Il suffirait d'introduire sa carte d'électeur à puce à l'endroit réservé à cet usage et de taper le code de son candidat à l'abri des regards indiscrets... Plus de « a voté » mais un petit tilt pour récompenser l'électeur. La transmission électronique des bulletins de vote permettrait en outre aux professionnels de santé déjà informatisés de télévoter. Ce serait bien le moins de les laisser partir à la pêche sans faillir à leur devoir électoral. Grâce au réseau santé social, le vote des médecins serait aussitôt connu, évitant bien des sondages coûteux... Vous n'avez eu vent d'aucun projet de cette nature ? C'est peut-être parce que la tenue des bureaux de vote et le dépouillement manuel sont l'oeuvre de citoyens bénévoles... S'il n'y a pas d'emplois à supprimer, quel intérêt ? » 137 ( * ) .

Plaisanterie que cela ? Le vote électronique existe déjà : aux États-Unis, par exemple, l'électeur dans l'isoloir pousse des boutons. En revanche, en France, le déplacement jusqu'au lieu symbolique du bureau de vote reste un lien social.

Si la société de l'information crée des liens nouveaux entre les personnes, elle en supprime. Les relations virtuelles, à travers les mers, les vallées et les monts, entre inconnus aux manières de vie différentes n'empêchent pas l'ignorance du voisin de palier. Le téléachat, demain le « télévote », pourraient supprimer bien des occasions de rencontres.

6. UTILISATION DES NTIC ET INCIDENCES

Plusieurs entretiens ont permis de recueillir réflexions et suggestions sur les causes de cette nécessité de quelques instruments informatiques comme sur les moyens d'en apprendre les usages.

Pour Stéphane HESSEL, actuellement, le système éducatif français ne comporte pas d'éducation à la citoyenneté, ni à la créativité. L'éducation reste axée sur la formation mathématico-littéraire et la bureaucratie du ministère ne favorise pas les évolutions. 138 ( * )

Pourtant, les NTIC ne vont pas dégrader la pensée ; elles constituent une incitation à intégrer dans la vie ordinaire, à ne pas regarder avec inquiétude et ne pas se limiter au tout ludique.

La mondialisation représente une révolution comparable à celle de 1492 (la découverte de l'Amérique a fait prendre conscience de ce que la terre était un espace fini). Une nouvelle vision du monde s'impose et, avec elle, de nouvelles relations de l'individu avec la planète.

Face à cela, on constate une déresponsabilisation de la réflexion individuelle. Ni Dieu, ni les institutions internationales, et de moins en moins l'État, ne sont représentatifs de responsabilité. Tout ramène à la responsabilité individuelle. Comment, en d'autres termes, donner un sens incontestable aux actes de chacun ?

L'utilisation des NTIC est une aide pour se former, se renseigner, s'informer, accessoirement jouer. Des réseaux de citoyenneté devraient se développer, non seulement sur l'affirmation générale de valeurs comme sur des constats de situations dangereuses à terme ou scandaleuses (par exemple les sans papiers ou le logement). Cependant, il ne faut pas faire de la contestation le seul mode d'action car « il est plus facile d'engueuler un gouvernement démocratique que de gouverner démocratiquement ».

La démocratie dérape quand le droit devient obscur ; le droit doit donc rester la base de la démocratie et les droits être garantis par des recours, avec une justice qui tranche les différends. Les enseignants doivent apprendre aux élèves ce que doit être le rôle de la France en Europe et de l'Europe comme facteur d'harmonie dans le monde.

Utiliser les NTIC permettrait de développer cette conscience citoyenne par le biais des réseaux.

Pour Joël de ROSNAY, l'enjeu posé par les NTIC, le passage d'une société pyramidale à une société en réseaux, implique un changement de rapport au pouvoir. Le pouvoir pyramidal, caractérisé par la rareté croissante des élus en fonction de l'élévation au sein de la pyramide et par l'exercice politique à tous les champs de l'espace social, est menacé par le pouvoir réticulaire. Il s'agit à la fois d'une chance et d'un risque pour la démocratie 139 ( * ) .

Selon Joël de ROSNAY, le pouvoir de voter, tel qu'il s'exprime actuellement par le vote binaire (pour ou contre un candidat ou un projet, droite ou gauche...), traduit l'expression d'un système très limité. La politique en est réduite à un simulacre de joute, une parodie de discussion sur les idées. Mais il n'existe plus ni agora , ni de véritable participation.

Avec les réseaux interactifs et les forums , le citoyen informé peut désormais à la fois être plus responsable et intervenir plus facilement en s'appuyant sur des groupes.

Le rapport de forces entre citoyens et institutions se modifie dans la mesure où les NTIC représentent un outil nouveau pour s'exprimer, pour se mettre en relation avec d'autres groupes pour faire remonter l'information.

Le vote électronique présenterait, en revanche, un risque pour la démocratie. Les filtres de la société permettent à un message d'émerger de façon plus facile et plus solide. S'en priver reviendrait à décider sous le coup de l'émotion (par exemple après le meurtre d'un enfant, 90 % des gens seraient favorables à l'application de la peine de mort pour l'assassin).

L'expression de cette nouvelle citoyenneté de l'âge des réseaux suppose la mise en place de groupes de discussion ; ces relais citoyens ou d'éducation populaire et civique y trouvent davantage de légitimité et de force d'action. Un contrôle citoyen de la remontée de l'information s'instaure, il faut garantir sa fiabilité.

Faire jouer un tel rôle aux associations suppose une évolution dans leurs structures. Elles présentent encore tous les signes du pouvoir pyramidal : des statuts rigides, une équipe de dirigeants inamovibles, l'absence de remontée des revendications et d'aspirations des groupes de base, par opposition aux communautés virtuelles. Les associations doivent se transformer pour être en harmonie avec les nouvelles formes de groupes et de leurs activités.

L'exercice de ce jugement raisonné des citoyens peut être facilité grâce à ces outils. Le citoyen profite d'un accompagnement approprié, il découvre que sa conviction est partagée par d'autres.

S'agissant des outils, il faut effectuer un travail de longue haleine organisé à tous les niveaux de la société afin de donner à chacun la formation aux NTIC.

Une fois cette première étape franchie, l'accompagnement relève de ce que Joël de ROSNAY appelle des « passeurs 140 ( * ) «. Ils aident chacun à trouver le chemin pour donner du sens aux informations. Des communautés virtuelles, des rapports de force nouveaux naissent, une nouvelle forme de solidarité se crée autour de l'idée « forgée » en commun.

Joël de ROSNAY annonce la mort de la politique actuelle. Les hommes politiques vont avoir un rôle, plus modeste, d'initiateur et de catalyseur. Plus largement, une société du risque se met en place peu à peu. Le choix d'un bon passeur présente lui-même un risque. Le passeur actuel a tendance à imposer sa propre vision du monde, le passeur de l'avenir aidera chacun à construire sa propre vision du monde.

En d'autres termes, on passe du « melting-pot » au « salad bowl » , avec pour différences essentielles les ingrédients variés et la vinaigrette pour lier l'ensemble. Chacun conserve sa spécificité et l'apporte, mais il existe une liaison entre tous. Les réseaux créent de la diversité. La variété ne constitue pas un danger (mieux vaut une synthèse des particularités avec des universels qu'un syncrétisme mou) au contraire de l'égoïsme dans la variété.

Cette utilisation avisée des réseaux est mise en doute, voire contestée par d'autres observateurs.

Pour Régis DEBRAY 141 ( * ) , à l'heure de la société de l'information, les proximités s'inversent. Les réseaux organisent des connexions sans vraie connivence alors que les territoires permettent des connivences sans vraie connexion. De fait, les réseaux s'avèrent propices à l'hétérogène, à la tribu, à la différence individuelle plutôt que nationale. Dès lors les partages territoriaux établis ne sont plus pertinents.

La complexité naît de la dualité du système, marqué, à la fois, par une mondialisation des objets et une tribalisation des sujets.

On voit actuellement revivre le pays médiéval, la région d'ancien régime. Parallèlement, le branché est balkanisé, d'où un grand écart entre le global et le local : la médiation nationale saute, au lieu d'assurer le lien entre l'universel et le singulier, entre le village et la planète. D'une manière générale, la saisie du général dans le particulier saute à la faveur du double culte de l'universel abstrait et du tout marchandise.

Les outils de la mondialisation peuvent être des instruments d'un éclatement ; le processus de retribalisation est déjà à l'oeuvre aux États-Unis.

Ceci est dangereux : quand le local revient, le féodal revient aussi de même que la coutume. Or, si nous sommes tous égaux devant la loi, nous ne sommes pas égaux devant la coutume.

Il ne faut donc pas prendre trop vite son parti de la fin des États-Nations, ils restent le cadre de la souveraineté populaire.

Il convient de tenir compte de la réémergence de ce qui était considéré comme révolu, appelé par Régis DEBRAY « l'effet jogging du progrès technique» (lors de l'invention de l'automobile, on pensait que les gens cesseraient de marcher. De fait, ils ne marchent plus, ils courent). La construction de grandes bibliothèques nationales, inutiles technologiquement parlant et financièrement coûteuses, reste nécessaire d'un point de vue ethnologique ; le culturel ne se déduit pas de l'économique.

Le village global se révèle vain et les spectres du nationalisme et du régionalisme resurgissent par le biais de la réactivation du local par le global.

Dans cette perspective, le cyberespace ne peut devenir un espace politique, les espaces politiques unissent une mémoire, un territoire. Il n'y a pas de territoire sans capitale, le territoire est une structure d'ordre, balisé par des frontières.

Or, le cyberespace est un espace asystématique, qui n'est pas construit selon le modèle pyramidal ou linéaire des ordres d'autorité comme le territoire. Dès lors, la question posée relève du mythe technologique, du discours mobilisateur. L'intelligence collective d'Internet ne crée pas une solidarité affective et élective. La cyberdémocratie fait litière de la part animale de l'homme fixé par elle à un territoire. Les territoires de la mémoire ont la vie dure, s'inscrivent dans le « temps long » (que l'on songe, par exemple, à l'organisation de l'Église catholique romaine qui n'a pas varié depuis 2000 ans), les réseaux technologiques relevant du « temps court » ne peuvent les bouleverser.

En outre, il n'existe pas d'espace politique sans une fermeture lui donnant sa transcendance. Par ce biais, il existe bel et bien une continuité référentielle de la territorialisation. La clef de voûte, le héros symbolique du territoire, suppose sa fermeture. Mais le réseau, ouvert par nature, ne le permet pas.

Dans cette perspective, pessimiste, avec les technologies de l'information, le consommateur l'emporte sur le citoyen. Tant que l'école est le principal conducteur de la mémoire, que le livre est le principal support de la mémoire, l'individu lit. Quand la télévision ou l'ordinateur les remplace, la faculté de décoder est déléguée à une machine ; la réception est plus axée sur un pouvoir d'achat que sur une compétence. On passe d'une politique de mémoire à une économie de la mémoire, d'une mémoire du souvenir à un consumérisme des traces.

Les réseaux, de plus en plus pensés en termes de services devraient être repensés en termes d'institutions, notamment les réseaux hérités du XIXe siècle et conçus au nom du service public (le réseau postal, le réseau routier, le réseau ferré).

Malheureusement, une dérive tend aujourd'hui à effacer de plus en plus cette dimension institutionnelle et l'on peut craindre une certaine harmonie préétablie entre réseau et libéralisme, techniquement la numérisation décomposant.

Un citoyen avisé n'est pas seulement un citoyen participatif mais un citoyen éclairé sur l'usage possible des nouvelles techniques et sur les limites à leur donner.

Mais l'usage averti d'Internet demeure difficile.

Régis DEBRAY rappelle qu'au XIXe siècle, l'ensemble du processus éducatif relevait de l'État et de la compétence ministérielle, qu'il s'agisse des programmes, des rythmes scolaires... L'alphabétisation par l'audiovisuel ne peut entraîner une dénationalisation. La télévision, publique comme privée, est commerciale et ce n'est plus l'État qui détermine le programme de cette alphabétisation.

Il en est de même avec Internet ; le monopole de la mémoire collective n'appartient plus à l'État-Nation. Il vient d'ailleurs, généralement du plus fort, du plus riche, qui sélectionne pour les autres. C'est pourquoi le cyberespace transnationalise le made in USA. La mondialisation est une américanisation.

Face à ce processus des tentatives de reterritorialisation s'organisent. En ce sens l'intégrisme arabo-musulman peut apparaître comme une forme de résistance au réseau.

7. DIVERSITÉ DE CONCEPTIONS CITOYENNES

Pour M. J.-C. COIFFET 142 ( * ) , universitaire, la citoyenneté est une conquête sur les lois des hommes, sur celles des religions ou, aujourd'hui, sur celles du marché. L'ancrage se fait dans des lois humanistes qui ne se plient ni aux lois divines (les religions), ni aux lois diaboliques (de l'économie, des financiers, du marché). « Je ne suis ni diable ni dieu, mais athée ».

Le citoyen doit refuser d'être traité comme consommateur, comme usager : il a un engagement civique.

Devant la mondialisation, il ne doit pas s'effrayer ; il doit maintenir sa revendication et son action comme citoyen dans la cité, exercer une citoyenneté de proximité.

Il doit exiger des lois humanistes qui constitueront les règles permettant de s'opposer aux volontés d'une nouvelle religion, qui a ses grands prêtres qui savent organiser la prébende en leurs faveurs : elles s'appellent la main invisible, les règles déclarées indiscutables du marché, de l'économie, de la productivité, des bénéfices pour les uns, du travail et de la soumission à ces règles pour les autres. Il ne faut pas céder à la loi économique, il ne faut pas accepter de s'agenouiller devant le moloch économique, il faut s'y opposer par des lois humaines.

Voter c'est refuser la machine. Être citoyen, ce n'est pas seulement être électeur, exprimer sa volonté politique, c'est aussi exister dans d'autres communautés, associatives notamment, mais également dans l'entreprise, partout où l'homme doit revendiquer d'être considéré comme tel.

Aujourd'hui intervient une disparition, celle de la nation, d'où un retour devant un phénomène massif et la création d'un pouvoir mondial occulte. Il faut devenir ou redevenir un citoyen, refuser ce qui serait une fatalité de lois dites naturelles, retrouver le pouvoir du verbe, de la parole ayant un sens politique, réclamer, construire une démocratie de participation et non de délégation, et donc une participation de proximité ; écartelé entre une nouvelle et nécessaire citoyenneté mondiale et une citoyenneté de proximité à réorganiser, il faut éviter le repli associatif, réclamer une citoyenneté polyvalente, politique, culturelle, sociale, économique « ancrée dans une terre qui a une mémoire, une histoire qu'on ne saurait négliger ou violenter. »

Pour M. Philippe HERZOG, député européen, le citoyen ne doit pas se limiter à une résistance, il doit reconstruire, dans des cadres nouveaux, ou des contenus nouveaux dans des cadres anciens ; il s'agit d'une reconquête dans le cadre de la commune et des nouvelles structures extra-communales (syndicats, communauté, etc.) et en même temps d'une conquête dans le cadre européen : c'est là le défi européen par excellence.

Les NTIC sont peut-être le facteur essentiel d'une communication permettant une meilleure information, la création de solidarité d'objectifs sur le plan européen, mondial. S'emparer des réseaux pour créer une fraternité des expériences. Faire appel à l'intelligence humaine pour mieux utiliser les machines. Éviter d'opposer nation et Europe.

Mais la démocratie est en échec ; échec des modèles de nos politiques culturelles, sociales comme économiques du fait d'une conception du pouvoir par délégation.

La décentralisation peut être un bien face à la mondialisation ; être attentif aux réformes institutionnelles et réclamer une démocratie de participation.

M. Jean GLAVANY (député, vice-président de l'Assemblée nationale) s'interroge : la mondialisation peut-elle être une belle promesse au moment où nous perdons nos repères, ceux de nos frontières ? Celle de la frontière communale qui se dilue dans des structures intercommunales, celles du canton qui se perd dans les arrondissements de ville qui n'ont rien à voir avec le canton rural, celles des départements qui se diluent dans les régions, celles de la nation qui éclatent dans l'Europe, des Six, Douze, Quinze ou plus ? Et demain dans le mondial.

La mondialisation ouvre sur des découvertes, des notions différentes de salaire, etc. Elle élargit notre horizon, permet des comparaisons, des progrès de connaissances, mais amène la dérégulation, la délocalisation.

Quelle peut-être la dimension de mon jardin ? Où se limite mon horizon ? Quelle frontière pour trouver mes repères ? Comment donner un sens à notre concept républicain et ne pas le soumettre au concept européen et encore moins mondial ? Comment lutter contre les cauchemars des Français et se sentir aussi proches entre citoyens de l'Aveyron et du Pas-de-Calais qu'avec ceux d'Irlande ou d'Australie ? Comment devenir citoyen du monde ?

- Rôle premier essentiel, l'éducation et la formation des hommes ;

- rôle aussi de la laïcité devant le retour des religions ;

- rôle de la notion de responsabilité au moment où elle se dilue dans des structures non participatives et non élues au suffrage universel;

- créer une démocratie vivante, de participation et d'arbitrage.

Pour M. Claude JULIEN (président de la Ligne de l'enseignement), le citoyen ne subit pas, il porte un jugement aussi éclairé que possible. Comment trouver le lien entre les lieux où nous pouvons agir et dans des cadres nouveaux (citoyen local-citoyen mondial). Ne pas abandonner, ne pas céder, échapper, au local, aux extrémistes de tout poil.

Comme le souligne Claude JULIEN 143 ( * ) , les représentants du peuple passent à l'action quand le peuple les y contraint : tel est le sens même de la démocratie. « Nous ne sommes même pas de simples électeurs, périodiquement convoqués aux urnes et, entre temps, priés de se tenir tranquilles. Nous sommes des citoyens, douze mois sur douze, par nos actions d'éveil, d'information, de formation, de mobilisation sur les grands problèmes, chacun de nous deviendra plus pleinement citoyen et rendra contagieux le goût d'assumer le devoir de solidarité seul capable d'imposer le respect de nos droits de citoyens, à la fois pour nous-mêmes et, plus encore, pour le service d'une conception exigeante de la République ».

M. Albert DESSERPRIT évoque un changement de mentalités 144 ( * ) : « Nous sommes actuellement confrontés à deux visions de ce qu'est un citoyen.

« La première considère que le citoyen est quelqu'un qui bénéficie de droits lui permettant de vivre sa vie personnelle et familiale en toute liberté et quiétude. Pour répondre à ses besoins de formation, santé, justice, sécurité, emploi, etc., il choisit des hommes et des femmes qu'il contrôle et sanctionne au terme de leur mandat. Mais dans l'entre-deux chacun conduit ses affaires (vie privée ou vie publique) quasi séparément.

« L'autre tendance considère qu'est citoyen celui qui prend sa part de responsabilité dans la gestion de la cité ; il s'engage au service des autres, est solidaire et actif en vue de parvenir à une certaine réalisation du bien public.

« La première tendance est plus « libérale » et marquée par la liberté de l'individu et l'importance de la vie privée ; la seconde est plus « sociale » et soucieuse de la dimension communautaire et responsable de l'homme.

« L'élévation du niveau des études est sans doute un des facteurs importants qui fait que le citoyen n'entend plus se contenter d'élire des représentants. Il veut participer à l'élaboration des décisions. Le mouvement des internes à propos de la réforme de la Sécurité sociale voulait peut-être aussi dire cela ; au-delà d'intérêts catégoriels, il exprimait les réactions d'acteurs importants du système de santé laissés pour compte et manifestait une demande profonde de légitime participation.

« Nous sommes dans une situation où co-existent sans cohabiter deux conceptions de la citoyenneté, donc de la démocratie ; l'une représentative, l'autre participative. »

A. et H. TOFFLER 145 ( * ) , évoquent les possibilités d'expressions démocratiques supplémentaires, offertes par le développement et l'utilisation des NTIC :

« Dans le monde dangereux qui est aujourd'hui le nôtre, on ne peut se permettre de déléguer le pouvoir absolu à personne, on ne peut même renoncer à la modeste influence qu'exerce le peuple dans les systèmes où règne la règle majoritaire, on ne peut laisser des minorités groupusculaires prendre des décisions de grande envergure qui tyranniseraient d'autres minorités... Nous avons besoin d'approches nouvelles adaptées à une démocratie des minorités, de techniques visant à révéler les différences au lieu de les écraser sous le poids de majorités de commandes ou de majorités postiches reposant sur la limitation des droits électoraux... Il nous faut une modernisation du système dans son intégralité afin de renforcer le rôle des différentes minorités tout en leur donnant la possibilité de constituer des majorités... » (p. 137)

« La seconde pierre de l'architecture politique de demain est le principe de la démocratie semi-directe : nous nous substituerons à nos représentants. » (p. 139)

« Les progrès spectaculaires de la technologie des télécommunications ouvrent pour la première fois une extraordinaire panoplie de moyens en matière de participation directe des citoyens à la décision politique. » (p. 143)

« Le troisième principe vital de la politique de demain aura pour objet de faire sauter le verrou de la décision et de le transférer là où il convient... pas simplement un changement de dirigeants... mais un remède que nous appelons la division de la décision. » (p. 145)

« Les élites les plus éclairées ne peuvent pas, à elles seules, bâtir une nouvelle civilisation ; pour cela, il faut les énergies des peuples entiers... Si nous fixons explicitement pour objectif à la prochaine génération la création d'institutions et de Constitutions résolument nouvelles... peut-être libérerons-nous l'imagination collective... plus tôt nous commencerons à jeter l'ébauche d'institutions politiques nouvelles fondées sur trois principes - pouvoir des minorités, démocratie semi-directe, division de la décision - plus les chances d'une transition pacifique seront grandes. » (p. 155)

CONCLUSION

1. Les initiatives prises par l'Union européenne en matière d'éducation des adultes doivent être saluées dans la perspective d'une éducation à la citoyenneté.

Les projets soutenus à ce titre couvrent un large éventail d'objectifs et d'activités. La promotion de la prise de conscience et de la connaissance de l'Europe et de la citoyenneté active constitue un des axes essentiels de cette politique. Les sujets couverts comprennent les arts, la médiatique, l'éducation sanitaire et la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'exclusion sociale. Les projets soulignent l'amélioration de l'éducation des adultes par la coopération européenne, se concentrent sur le développement de nouvelles méthodes d'enseignement, de nouvelles structures ou programmes d'éducation des adultes, le développement de réseaux d'information et de banques de données et la préparation et la diffusion de publications (guides, manuels, périodiques).

J'étais l'autre jour à Bruxelles : dans une grande salle, quatre-vingt-dix à cent personnes, représentant quinze pays européens avaient accepté de rechercher les solutions pratiques pour que les citoyens européens puissent acquérir les connaissances nécessaires à l'exercice de leurs responsabilités à ce niveau. Le moment m'a paru grave, important, émouvant et chargé d'espérance. Comment aider à la formation du citoyen européen sans oublier ni léser les autres collectivités ? Quelles suggestions puis obligations pour le parcours scolaire ? En langues ? Avec quels programmes communs ? En histoire ? En géographie ? Comment assurer les relations entre les citoyens et les élus ? Rôle des NTIC ?

Ces hommes et ces femmes, studieux et sérieux, cherchaient, ensemble, les initiatives pour mettre en mouvement une éducation, un enseignement communs aux 70 millions d'enfants et adolescents en attente ou en cours de leurs études ; ils cherchaient comment, au-delà, atteindre et aider les 370 millions d'habitants des quinze États qui n'avaient longtemps connu que les guerres, mais depuis cinquante ans avaient réussi à vivre en harmonie, en paix.

2. La rubrique multimédia du quotidien La Tribune , dans son édition du 16 juin 1997, comporte un entretien avec M. René MONORY qui souligne la responsabilité des hommes politiques à l'égard de la société de l'information : il incombe aux responsables politiques de montrer aux Français l'importance d'Internet.

« La Tribune ». Comment expliquez-vous l'absence des nouvelles technologies de l'information pendant la campagne électorale ?

René MONORY .- C'est un enjeu politique majeur. Aucun homme politique ne peut s'en sortir -à droite comme à gauche- s'il ne saisit pas ces nouvelles technologies à bras-le-corps. Je ne suis pas un technicien, mais le rôle d'un homme politique est d'envisager l'avenir. Pendant la campagne, je n'ai pas parlé politique, je n'ai pas critiqué mes adversaires. Je me suis contenté d'évoquer l'avènement de la société de l'information car j'estime que le pire adversaire des Français, c'est leur manque de compréhension à l'égard de l'avenir. Néanmoins, ils souhaitent qu'on leur explique les mutations en cours, alors que les hommes politiques tentent de leur masquer : c'est l'une des raisons du divorce entre l'opinion et la classe politique. Il faut que survienne en France une véritable réforme de la pensée !

Vous estimez que la campagne était tournée vers le passé ?

Je suis certain que, d'ici cinq ans, le Président de la République se fera élire grâce à Internet. En 2002, la France devrait avoir rattrapé son retard en matière d'équipement ; 40 à 50 % de la population sera connectée à Internet. Chaque candidat à l'élection présidentielle aura son équipe spécialisée pour Internet. Celui qui saura le mieux se débrouiller avec le réseau sera élu.

Que doit faire l'État pour permettre à la France de rattraper son retard ?

Aux États-Unis, les grands patrons du secteur multimédia ont besoin des hommes politiques, non en tant que politiciens, mais en politologues de l'avenir. C'est ce que je m'applique à faire en France. Si nous ne nous montrons pas l'importance d'Internet, les Français ne se connecteront pas. En revanche, il n'est pas sûr que, pour montrer l'exemple, l'État doive lancer un nouveau grand plan informatique, avec les problèmes de financement que cela engendre. Mon action se situe au niveau de la Vienne, mon département. D'ici à la fin de l'année, toutes les écoles -du primaire au collège- seront reliées à Internet. Cette action devrait coûter entre 7 et 8 millions de francs. Grâce à cette politique et au rayonnement du Futuroscope, une petite lumière s'est allumée dans la Vienne, qui compense un peu l'attrait de la Silicon Valley où sont partis, depuis cinq ans, 50 000 jeunes Français.

Avez-vous choisi des ordinateurs ou des NC (network computer) ?

Quand on équipe des écoles, on ne doit pas choisir des ordinateurs au rabais du type NC. De surcroît, le prix de l'informatique ne cesse de baisser. Le coût du plan d'équipement de la Vienne en ordinateurs représente seulement l'équivalent de 50 tonnes de gravillon.

Le président de la République s'intéresse-t-il à la société de l'information ?

Le président de la République est très ouvert. Je ne désespère pas de l'emmener aux États-Unis.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-JÉRÔME BERTOLUS ET RENAUD DE LA BAUME.

En conclusion de ce chapitre, il est pertinent de répéter la proposition de M. Pierre LAFFITTE, sénateur, dans son rapport sur la France et la société de l'information : Il est temps d'engager une véritable croisade pour que la France rattrape son retard.

RECOMMANDATIONS

Dans son discours de politique générale prononcé le jeudi 19 juin 1997, M. Lionel JOSPIN, Premier ministre, a tracé quelques contours de ce qu'il a appelé « la modernisation des pratiques démocratiques » : limitation du cumul des mandats, féminisation, éthique républicaine. Ces notions fortes sont des exigences politiques qui ne semblent pas s'inscrire dans les évolutions technologiques. Plus que de modernisation de la démocratie, il s'agit de pratiques renouvelées.

1. MIEUX DIFFUSER L'INFORMATION PUBLIQUE

Une démocratie « moderne » devrait pouvoir user des moyens nouveaux à sa disposition. L'enjeu majeur est celui de l'information. Les documents officiels sont encore difficiles d'accès. Une démocratie moderne doit pouvoir offrir à ses citoyens l'accès simple à ces données de base. Nul n'est censé ignorer la loi dit-on. Il faut donc sortir du tout marchand en mettant les textes officiels à la disposition de tous.

- Il est anormal que les textes officiels demeurent payants ; chacun doit pouvoir en disposer en ligne. La mise en réseau de l'information publique représente une priorité d'une modernisation de la démocratie.

2. MULTIPLIER LES POINTS D'ACCÈS

Mettre l'information à disposition du public est un acte essentiel. Développer les points d'accès à ces informations constitue le corollaire indispensable de cette action. La création de points publics, c'est-à-dire de lieux à partir desquels les citoyens pourront avoir accès aux réseaux, a été annoncée par M. Lionel JOSPIN au cours de la campagne pour les élections législatives.

- Il ne servirait à rien de mettre les textes officiels en ligne si les citoyens ne pouvaient pas les consulter librement et simplement. Il est donc indispensable de favoriser la multiplication des points d'accès aux réseaux. L'informatique, tout au moins de gestion, est déjà très répandue dans les mairies. Celles-ci constituent donc un point de départ privilégié pour permettre aux citoyens d'accéder aux informations. Les municipalités y trouveraient, en outre, un nouvel instrument de communication.

Les centres de documentation et bibliothèques des établissements scolaires sont le lieu privilégié d'implantation des ordinateurs et du multimédia, les bibliothèques de prêt devraient pouvoir jouer le même rôle à l'égard de l'ensemble de la population. Pour des besoins plus spécifiques, il serait souhaitable, dans un second temps, d'équiper également d'autres services publics locaux : CCAS (centres commerciaux d'action sociale), caisse des écoles...

3. METTRE EN PLACE UN RÉSEAU CITOYEN

Raccorder entre elles l'ensemble des collectivités locales permettrait de concevoir un réseau citoyen, « Renacit » ou « Renaciv », sur le modèle de Renater. L'Union européenne finance ces réseaux à haut débit. Pour les finances publiques, le coût de mise en place d'un tel outil ne serait donc pas rédhibitoire.

- Le réseau Renacit ou Renaciv serait un vecteur de diffusion de l'information publique. Il s'inscrirait pleinement dans la démarche de rénovation des méthodes de gouvernement voulue par le Premier ministre ; il faciliterait la mise en oeuvre d'une nouvelle morale civique. Il devrait, en particulier, permettre aux citoyens d'accéder aux délibérations des conseils locaux.

4. DONNER DES MOYENS NOUVEAUX AUX INITIATIVES LOCALES

L'équipement des collectivités locales permettra de régler les difficultés rencontrées par un certain nombre d'initiatives : mygale ou Web mêmes disposent de peu de moyens. Dès lors que des collectivités publiques, en plus grand nombre, disposeront de sites sur le réseau, elles pourront sans grande difficulté et pour un coût réduit, offrir un hébergement à de tels services, à l'instar de ce qui se fait déjà, par exemple, à Athis-Mons..

La vie locale pourrait s'en trouver transformée par le regain d'intérêt des citoyens pour la vie associative et les initiatives. Tel est le principal enseignement de l'exemple de Parthenay : la vie locale connaît un développement supplémentaire ; des gens qui n'auraient jamais eu l'occasion de se rencontrer le font par le biais de la découverte des nouvelles techniques de communication et les échanges de savoirs se nouent.

- Faire naître une demande sociale pour les NTIC et surtout Internet représente une priorité. L'exemple de Parthenay montre qu'il est possible d'en créer une à peu de frais. C'est une question de volonté politique.

5. ENCOURAGER DE NOUVELLES PRATIQUES DE COMMUNICATION AVEC LES ÉLUS

Le courrier électronique est un autre volet des nouvelles relations entre les citoyens et leurs élus. La rapidité de l'échange doit permettre une amélioration qualitative du rapport avec les élus même si la relation physique demeure indispensable pour régler un certain nombre de difficultés personnelles. Dans leur action quotidienne, on attend des élus qu'ils soient à l'écoute et attentifs aux préoccupations de ceux qui les sollicitent. « La démocratie ne peut souffrir la confiscation du pouvoir de décider. » (M. Lionel JOSPIN le 19 juin 1997).

- L'équipement de l'élu doit aujourd'hui être revu, il ne peut plus se contenter de sa permanence. Chaque élu doit envisager, dès à présent, de disposer d'une adresse électronique et, plus encore demain, au fur et à mesure de la diffusion de ce nouveau mode de communication.

Les élus devront être plus disponibles ; la démocratie moderne suppose qu'ils soient davantage à l'écoute de leur mandants sans leur être inféodés. La diffusion de ces techniques est le seul moyen pour ne pas laisser les réseaux à des minorités agissantes mais aux motivations pas toujours démocratiques.

Les NTIC représentent aussi un outil de communication au service des élus. Ils y trouvent un nouveau moyen de faire connaître leur action.

6. RÉCONCILIER LES FRANÇAIS AVEC LEURS ÉLUS

Les partis politiques ont peu investi le champ des NTIC. Il ne faut pas laisser l'usage d'Internet aux seules minorités qui y trouvent un moyen d'expression et d'amplification de leurs idées. Les partis politiques démocratiques doivent utiliser cet outil.

Les parlementaires peuvent désormais disposer de pages personnelles sur le serveur des Assemblées.

- Il faut envisager de permettre à tous les élus -nationaux comme locaux- de disposer de pages personnelles sur le Web, dès lors qu'ils le désirent.

7. MENER UNE RÉFLEXION SUR L'ADAPTATION DU FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE

Peu d'élus disposent déjà de pages sur le Web et un nombre très réduit a utilisé Internet dans le cadre de la campagne pour les élections législatives. Les rares initiatives prises en la matière sont restées dans une zone de non-droit. La question de l'égalité d'accès de chacun aux responsabilités politiques et du financement de la vie politique se pose.

- A terme, il faudra également revoir la législation relative au financement des partis politiques et des campagnes électorales afin de tenir compte de l'émergence de ces nouveaux moyens de communication.

8. INTÉGRER LES NTIC DANS LA RÉFORME DE L'ÉTAT ET DES PROCÉDURES ADMINISTRATIVES

Depuis plusieurs années, la simplification des procédures administratives a été considérée par tous les gouvernements comme une priorité. La déclaration unique d'embauche, la transmission électronique des données fiscales ou sociales des entreprises, le paiement des documents officiels (cartes grises...) constituent des réalisations tangibles d'allégement et de lutte contre la paperasserie envahissante.

- Ces expériences doivent être généralisés et cette démarche amplifiée. Supprimer un formulaire, regrouper des procédures, mener les enquêtes publiques autrement : autant de possibilités d'utilisation des NTIC. Par exemple, la mise en place de forums permettrait de consulter les citoyens sur les grands projets d'aménagement.

9. FAIRE ÉMERGER DE NOUVELLES RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION ET LA POPULATION AU QUOTIDIEN

Il est indispensable de mener, à brève échéance, une expérimentation de ce que pourraient être les relations entre citoyens et administrations dans le futur. La diffusion du Minitel a été précédée en son temps par un test grandeur nature effectué à Vélizy.

- Une expérience de même nature mais touchant cette fois à la « cyberadministration » doit être mise en place rapidement : les agents publics devront être formés de même que les particuliers et les responsables d'entreprise.

Un tel projet permettrait de tester en France ce qui se pratique déjà à l'étranger (États-Unis, Bologne) : des réponses très rapides aux demandes des citoyens, un nouveau mode de paiement des impôts, règlement des factures locales, inscription au centre de loisirs... Et, pourquoi pas, une nouvelle méthode de vote.

*

* *

En un mot, il est devenu urgent de faire des réseaux et, en particulier du premier d'entre eux, Internet, un moyen effectif de la participation de tous à la vie de la cité et du pays.

CONCLUSION GÉNÉRALE

« Nous ne sommes jamais tout à fait contemporains de notre présent. L'histoire s'avance masquée : elle entre en scène avec le masque de la scène précédente et nous ne reconnaissons plus rien à la pièce. »

Régis DEBRAY

La révolution dans la révolution , Maspéro 1969

Le verbe conclure a de multiples sens ; le plus fréquent, achever, terminer, ne peut être celui de cette présentation d'un paysage naissant sous l'irruption des nouvelles techniques d'information et de communication : il est encore trop en devenir ; il serait prétentieux, maladroit d'en fixer des propositions au lieu d'en dégager des perspectives, de mettre en évidence des questions accompagnées de suggestions. Ce serait, surtout, négliger le souci premier de l'Office parlementaire de fournir des éléments de choix pour les législateurs.

Conclure, c'est aussi déduire, « tirer des leçons », faire apparaître des éventualités.

C'est le contenu de cette conclusion, au terme de ce rapport, espérant contribuer à éviter une entrée à reculons, le regard fixé sur le passé, dans le deuxième millénaire de l'histoire des hommes ; c'est une façon d'éviter les pièges mis en évidence par Régis DEBRAY.

Deux enseignements émergent, dominent toutes les possibilités offertes par les NTIC ; il faut en prendre la mesure d'autant que leurs relations sont étroites, que l'un conditionne le devenir de l'autre.

Le premier concerne l'Éducation et l'Instruction ; l'autre les rouages et les responsables d'une vie démocratique que chacun déclare vouloir citoyenne.

Ces conclusions n'ont pas d'intentions conclusives ; elles se veulent seulement inductives.

Les nouvelles techniques d'information et de communication ont fait leur entrée dans la vie quotidienne de chacun. Depuis peu, les hommes politiques se sont, à leur tour, saisi, de cette question. En la matière, l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques fait figure de précurseur. Après une première réflexion publiée en 1995 146 ( * ) , ce second rapport est une nouvelle saisine datant de mars 1996. En juin de la même année, le Sénat décidait de créer une mission commune d'information chargée d'étudier les conditions de la contribution des nouvelles technologies de l'information au développement économique, social et culturel de la France. Le précédent gouvernement nomma ensuite trois parlementaires en mission sur des sujets voisins : MM. Patrice MARTIN-LALANDE, député, Alain GÉRARD et René TRÉGOUËT, sénateurs.

La saisine de l'Office présente l'originalité d'être plus large que chacune de ces missions. Il s'agit de mesurer la nature des investissements nécessaires pour faciliter à tous, et, à tout le moins, au plus grand nombre, l'accès et la compréhension des outils techniques nouveaux aujourd'hui disponibles ou qui le deviendront bientôt, d'en apprécier les impacts sur l'éducation et sur la citoyenneté. Les incidences de cette évolution sur l'univers professionnel, malgré leur importance, n'ont pas été abordées faute de temps.

L'originalité de ce rapport réside également dans une de ses conditions d'élaboration : pour la première fois en France, un forum a été lancé par une assemblée parlementaire. Hébergé sur le site Internet du Sénat et relayé par des annonces faites par le réseau auprès de plusieurs listes de diffusion, il a permis, à un grand nombre de praticiens ou de simples citoyens, de faire part directement de leurs réflexions. La richesse des contributions dans le domaine de l'éducation a complété les informations recueillies par des moyens plus classiques (visites, auditions, lectures...).

Dans le domaine de la citoyenneté, les contributions ont été moins nombreuses, à l'instar des sites Web peu nombreux eux aussi. Les partis politiques, sollicités à la fois par ce biais mais aussi par courriers adressés personnellement à leurs présidents ou secrétaires nationaux, n'ont pas, sauf rares exceptions, répondu à notre appel : la campagne électorale leur offrait pourtant une splendide occasion de le faire !

Dernière condition d'élaboration et de réflexion : ce rapport comporte seulement un état des lieux à la fin juin 1997. Tout ne peut être évoqué ou étudié dans un rapport si fouillé soit-il... d'autant que beaucoup est encore à venir.

*

* *

Un vecteur nouveau, dit « numérique », transforme profondément les moyens d'accès aux connaissances et les conditions de leur acquisition du fait même de ses caractéristiques. Face à l'irruption de ce nouvel outil aux possibilités qui semblent sans limite, il faut éviter de retomber dans les erreurs commises lors de l'avènement de l'imprimerie : l'ignorer, s'y opposer, laisser une minorité avertie se l'approprier. Certains pays ont déjà pris toute la mesure des implications de cette révolution. Pour des raisons à la fois géographiques et culturelles, Suède et Finlande n'éprouvent pas de difficulté à concevoir leur avenir au sein de la société de l'information. Bien au contraire, l'insertion dans ce monde nouveau, qui se met en place est conçue comme un nouveau défi. Le projet des gouvernements de ces pays consiste à accroître leur présence économique dans ce secteur ; l'importance donnée à la formation aux nouvelles techniques n'est qu'un sous-produit de cette politique.

Par rapport à ces pays, la France paraît présenter un retard non négligeable. Le développement des technologies de la micro-informatique domestique commence seulement à avoir un impact sur les modes de vie des Français. Vie professionnelle comme vie privée sont influencées par de nouvelles possibilités qui suscitent un intérêt croissant. Plus d'un tiers des Français imaginent désormais pouvoir faire plus de choses à domicile dans les prochaines années avec l'informatique et ses nouveaux moyens. Le désir de consommer depuis le domicile arrive nettement en tête des activités qu'ils pensent pouvoir réaliser de chez eux grâce à l'informatique : 44 % le citent contre 34 % pour la communication et l'information et 23 % pour l'instruction et l'accès à des documentations.

La connaissance d'Internet et de ses possibilités reste vague dans l'opinion : 12 % des consommateurs avouent ne rien connaître du réseau et de ses possibilités et 41 % déclarent ne pas savoir quels services ils souhaiteraient voir s'y développer. Seuls 15 % des ménages disposent d'un micro-ordinateur. C'est dire si au-delà de la vague médiatique autour d'Internet et du multimédia, les conséquences de la diffusion accélérée des nouvelles technologies de l'information et de la communication restent mal appréhendées.

Or les NTIC ne peuvent être assimilées à des technologies parmi d'autres : elles interviennent partout où les hommes manipulent et échangent des signes (textes, images, sons, données). Elles concernent donc tout le monde tout le temps. En modifiant profondément la façon de communiquer des hommes, elles bouleversent leur manière de vivre et, surtout, de vivre ensemble, de s'organiser, de produire. Il faut s'interroger sur l'utilisation de ces nouveaux outils dans leurs deux fonctions :

- fonction non communicante : le micro-ordinateur est utilisé pour des applications de traitement de texte, tableur, interrogation de bases de données, usage de cédéroms ;

- fonction communicante, grâce à l'utilisation d'un modem permettant l'accès au réseau téléphonique et, par conséquent, à Internet, à des babillards, au courrier électronique.

Il faut avoir usage de ces outils pour les utiliser à des fins éducatives et citoyennes.

ÉDUCATION : STUPÉFIANTE CONTRADICTION

Les NTIC portent des possibilités d'apprendre ; par rapport aux livres, à l'écriture à la plume ou à la machine, elles sont aussi bouleversantes pour nos habitudes que ceux-ci le furent pour la parole. La lecture et l'écriture ne l'ont, pourtant, pas fait disparaître. Les NTIC ne feront disparaître ni livres ni porte-plume, crayons, stylos et papier ; elles apportent, sans contestation, des moyens décuplés, de chances et de risques, d'accéder aux connaissances, à la culture.

Deux réponses, en conditionnant d'autres, invitent à chercher, à imaginer, à généraliser :

- la place et les fonctions de l'ordinateur et ses accessoires, l'accès et le rôle des réseaux, dans les activités ordinaires dans tous les parcours scolaires ;

- les rôles et relations respectives entre les autorités ministérielles et les enseignants en action. Entre un concept colbertiste unifiant et une originalité d'initiative spontanée dispersante, une nouvelle conception des rapports de l'État et des collectivités enseignantes ou des collectivités locales mériterait d'être envisagée.

La situation de l'Éducation nationale reste trop inégale : les porteurs de projets, les enseignants qui prennent des initiatives dans ce domaine ne se sentent ni soutenus ni reconnus. Les inégalités se creusent au gré des bonnes volontés locales et des financements obtenus de collectivités locales réceptives ou pas. Chacun définit sa propre voie selon les moyens dont il dispose et en fonction des objectifs qu'il s'est lui-même fixés.

Et pourtant, le ministère de l'Éducation nationale a pris quelques initiatives. Renater constitue un réseau reconnu : aucune définition précise de la pédagogie relative à l'introduction et à l'utilisation des NTIC à l'école n'est engagée. L'action entreprise reste parcellaire ; elle laisse de côté la question essentielle de la formation des enseignants et des personnels d'encadrement de l'Éducation nationale.

Il est sans doute difficile de concevoir une norme générale d'utilisation des nouvelles technologies, même si certains usages (le courrier électronique par exemple) portent plus de promesses collectives que d'autres : il devrait être possible de dégager quelques pratiques de base essentielles à la familiarisation des enfants, dès leur plus jeune âge, avec ces nouvelles techniques. Il ne s'agit pas de tout apprendre tout de suite ; le parcours doit être progressif. Simplement, les enfants français ne peuvent plus ignorer ce que les autres connaissent.

La contradiction est manifeste, entre les textes et les actes : le bulletin officiel de l'Éducation nationale du 1 er mai 1997 fournit des éléments de réflexion et d'action jusque dans le détail pour contribuer au développement des technologies d'information et de communication, dans l'enseignement supérieur, comme dans l'enseignement élémentaire et secondaire. Ces textes semblent marquer une volonté clairement affichée. La nécessité d'offrir à tous les étudiants l'accès aux NTIC est affirmée ; l'objectif de transformation du système éducatif pour préparer les futurs citoyens à l'entrée dans la société de l'information est précisé.

Partager des objectifs ne signifie pas que les choses avancent sur le terrain. Le discours euphorique sur les réseaux, illustré également par M. François FILLON, ministre délégué aux Postes et Télécommunications jusqu'en juin 1997 (« l'objectif, c'est d'être capable en 1997 de proposer avec les collectivités locales et les industriels un plan de raccordement complet de l'ensemble des écoles françaises à Internet. Notre deuxième objectif sera de faire en sorte que le nombre d'ordinateurs disponibles par élève, qui est aujourd'hui de 1 pour 43-45 élèves, passe à 1 pour 20. Ce qui n'est qu'une étape vers un objectif plus lointain qui serait qu'un jour chaque élève puisse avoir un ordinateur à sa disposition » 147 ( * ) ) s'attache plus aux conditions d'équipement des établissements qu'aux contenus et à l'indispensable formation des enseignants.

Même faiblesse et même frilosité dans la partie consacrée à l'informatique et la formation des personnels : des voeux pieux et peu de propositions concrètes ayant une réelle chance d'aboutir ou des aveux « l'existence de ces modules semble n'avoir infléchi que de façon limitée les pratiques d'enseignement ». Le texte laisse de côté l'évolution des programmes, ne présente pas une politique globale volontariste permettant de passer de l'expérimentation à la généralisation de l'intégration des NTIC à l'école.

CITOYENNETÉ

En ce domaine les perspectives sont claires, mais les choix difficiles.

Dans une société assoupie, mécontente, où les citoyens désertent un concept de démocratie représentative, au moment où les élus, législateurs et encore les responsables des exécutifs veulent « une démocratie citoyenne », des choix sont à faire entre :

- démocratie active,

- démocratie de participation,

- démocratie directe,

toutes formules pour lesquelles les NTIC apportent des supports, porteurs du meilleur et du pire ; l'un et l'autre sont inégalement répartis dans ces divers modèles. Savoir éviter ceux où le pire dominerait est la préoccupation essentielle, le fil d'Ariane à trouver : l'objectif d'une démocratie est le respect du citoyen, la détermination de l'associer à la vie politique de son pays, de faire en sorte « qu'il compte et ne soit pas seulement compté », pour reprendre une belle formule de Fédérico MAYOR.

Le renouveau de la vie politique passe par l'utilisation des NTIC. Tout nous y incite : la volonté de définir une stratégie de concertation et de partenariat avec les acteurs sociaux ou l'ensemble de la population, selon les cas, pourrait trouver une première application pour peu qu'on s'en donne les moyens. Définir de nouvelles méthodes de gouvernement n'est-ce pas avant tout permettre aux citoyens de prendre la parole ? Leur faciliter l'accès à l'information et leur donner les moyens d'exprimer leurs opinions sont autant de nécessités pour lesquelles les NTIC peuvent être d'un grand secours.

*

* *

Sans être exhaustif, seulement pour apporter un argument sur la relativité d'une situation évolutive et pour de possibles autres rapports, un pêle-mêle terminera ce rapport sur le rôle des NTIC en cette fin de siècle.

- Sur le plan des idées, les conséquences de l'avènement de la société de l'information sont encore mal définies. Il faut renforcer les premiers signaux d'une vie politique mondialisée dont les États n'ont plus le monopole. La « société civile » s'internationalise ; des principes communs aux différentes sociétés apparaissent par delà la diversité des cultures (droits de la femme, droits à la survie...) ; une conscience civique planétaire commence à se dessiner face à des périls communs ou des enjeux qui nous concernent tous (effet de serre...).

La responsabilité planétaire commune doit être active ; les NTIC seront mobilisées pour aider à faire émerger une expression politique autonome des forces morales et sociales de la planète.

- Faute de quoi, Internet risque de devenir un instrument aux mains des seuls marchands ; l'invasion des écrans par la publicité semble déjà l'indiquer et, plus encore, les concentrations géantes dans les industries culturelles. L'imbrication de trois secteurs technologiques -informatique, téléphonie et télévision- s'accroît ; chaque groupe vise à contrôler une part du nouvel eldorado, le multimédia. Leur objectif est de devenir le seul interlocuteur du citoyen, de lui fournir à la fois des nouvelles, des loisirs, de la culture, des services professionnels, des informations financières et économiques. Au mépris, quelque part, de sa liberté, chacun d'entre nous serait mis en état d'interconnectivité par tous les moyens de communication disponibles. N'oublions pas que 64 % des Français estiment que « ce sont les marchés financiers qui ont le plus de pouvoir aujourd'hui en France » 148 ( * ) .

- Pire encore, il faut éviter que le réseau soit utilisé pour la diffusion de thèses sectaires ou mafieuses. Le suicide dramatique de plusieurs dizaines de membres de la secte de la Porte du Paradis invite à s'interroger sur les dérives possibles d'Internet. Le réseau est-il la source d'un malaise de la société ou tout simplement son reflet ?

- Ce nouveau procédé de communication, interactif et immédiat, ne fait-il pas courir des risques réels à une conception démocratique respectant le temps de réflexion du citoyen ? Le citoyen, invité à donner une réponse instantanée à la question posée n'est-il pas conduit à se prononcer par réaction et par intuition plus que par réflexion, encore plus superficiellement qu'au cours d'un sondage d'opinion ?

- Il n'est pas sûr que les réponses à ces questions se dessinent déjà. Toujours est-il que les enjeux des réseaux vont bien au-delà d'un seul problème technique. Demain, nous ne penserons plus de la même manière. Des vecteurs de la pensée aussi solidement établis que la presse doivent se préparer à cette nouvelle concurrence ; les média traditionnels joueront-ils le même rôle dans la formation du citoyen à l'avenir ?

ANNEXES

ANNEXE N° 1 : TEXTE D'APPEL DU FORUM APPRENTIC

FORUM INTERNET

Nouvelles technologies, éducation, monde du travail et citoyenneté

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L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a chargé Franck SÉRUSCLAT , Sénateur du Rhône, d'une mission tendant à évaluer les conditions nécessaires à une bonne insertion dans la société de l'information, notamment du point de vue des apprentissages essentiels à mettre en oeuvre.

L'étude de faisabilité de cette mission, adoptée en novembre 1996, a retenu trois axes essentiels de travail et de réflexion : le premier, autour de l'école -de la maternelle au lycée- comme premier lieu de socialisation et d'égalité dans l'accès aux moyens techniques. Le second est relatif à l'univers professionnel tant les applications multimédia et en réseaux tendent à se développer de façon plus ou moins imposée et créent des inadaptations structurelles auxquelles il convient de remédier. Enfin, la cité et les pratiques qui en découlent sont au coeur de l'enjeu posé par le développement des techniques d'information et de communication. La cyberdémocratie sera-t-elle une dérive ou un nouveau départ pour la démocratie directe ?

Trois textes d'orientation de la réflexion sont soumis à la discussion critique de ce forum ; toutes les suggestions, propositions, contributions sont les bienvenues. En particulier, toute information relative à des expériences particulièrement innovantes dans les trois secteurs évoqués constituerait une aide précieuse à l'information du rapporteur. Preuve peut-être que ce réseau Internet contribue à une action démocratique démultipliée.

Technologies de l'information et éducation :

une révolution pédagogique ?

Éléments pour un débat

Rien ne sera durable ni profitable à tous si l'école n'est pas le lieu premier des apprentissages essentiels. Les rôles que Jules FERRY lui avait confiés dès son origine n'indiquent-ils pas les décisions à prendre : adapter la pédagogie à de nouveaux outils et rendre nécessaire leur usage par des professeurs formés et instruits en ces matières ?

L'égalité des chances pour tous -mission première de l'école publique- est une exigence encore plus impérieuse du fait même des techniques d'information et de communication. Les capacités propres à chacun pour les acquérir et en user feront les différences ensuite dans les postes, les places, les fonctions que chacun occupera.

Depuis presque dix ans, des enseignants, des collectivités locales ont eu le souci d'utiliser les moyens alors nouveaux de la communication. Les expérimentations particulièrement nombreuses, dispersées et sans liens entre elles, fournissent pourtant de nombreuses indications sur l'organisation matérielle de la classe, le rôle nouveau de l'enseignant, les approches pédagogiques utiles à développer, la répartition des activités techniques comme des matières enseignées, sur les phénomènes d'autoformation et de contrôle de soi. Les rapports entre élèves et enseignants prennent un cours différent, s'inscrivent dans un rôle d'apprentissage autre que celui du maître-apprenant, les maîtres devenant plus guides et conseils.

Pourtant, les difficultés sont nombreuses. Le cloisonnement des disciplines, la lourdeur des programmes, les habitudes acquises et l'absence de politique d'ensemble, notamment au niveau financier, ne facilitent pas la diffusion de ces nouveaux outils.

Quoi qu'il en soit, et d'autant plus que le temps passe, tout silence deviendra une faute car le retard de plus en plus sensible, notamment, du point de vue pédagogique, aura des conséquences importantes dans l'organisation économique et sociale de notre pays dans les toutes prochaines années.

Questions plus précises

Dans ce contexte rapidement décrit, des questions plus précises se posent d'ores et déjà :

- Quel est le moment le plus approprié pour la rencontre entre l'enfant et les outils techniques, notamment l'ordinateur ? Est-ce le stade préélémentaire ou maternel, non encore obligatoire, plus lieu de familiarisation à la vie collective ? Faut-il attendre l'école primaire comme point de départ efficace ? Des études semblent mettre en évidence la précocité et l'adaptabilité du tout jeune enfant.

- L'outil à mettre dans les salles de classes : les jeux vidéo avec leurs consoles ? L'ordinateur avec ou non un branchement possible sur les réseaux ? Le lieu d'accueil retenu -salle de classe et/ou CDI et/ou salle d'études- aura-t-il une influence directrice sur la nature des équipements ?

- La pédagogie à proposer ? Faut-il en adapter une aux moyens ou seulement aux résultats ? L'organisation spatiale de la classe ne doit-elle pas être revue ? Le découpage des enseignements dans le temps (cinquante-cinq minutes de cours au collège et au lycée) et par matière ne doit-il pas céder la place à une plus grande interdisciplinarité ?

- Ces questions pédagogiques renvoient inévitablement à la formation des maîtres , à leurs nouvelles responsabilités. Comment, dans la formation initiale des enseignants, intégrer l'importance de cette évolution technique ? Comment favoriser une insertion progressive des futurs « enseignants » afin de permettre d'autres apprentissages ? Quelle formation continue envisager pour les enseignants déjà en poste ?

- Enfin, le coût des investissements est-il un véritable obstacle à la pénétration des outils de la communication dans les établissements scolaires ? La lecture des débats législatifs de la fin du XIXe et du début du XXe siècles nous apprend que la création des écoles, la mise en place de l'électricité, du chauffage, des fournitures scolaires ont été des charges importantes. Les incitations de l'État, l'exigence des parents et la compréhension plus ou moins forcée des responsables municipaux les ont surmontées, même si ce ne fut pas une démarche partout égale .

Comment apprendre, et surtout, qu'apprendre pour que tous, selon leurs capacités, sachent utiliser intelligemment, efficacement, les techniques d'information et de communication pour accéder aux connaissances quelle que soit leur place, leur fonction dans la cité ? Telle est la question essentielle, la question phare.

Technologies de l'information et univers professionnel

Éléments pour un débat

Rares sont les entreprises où les professionnels de tous niveaux n'ont pas à connaître ou à utiliser couramment, constamment, épisodiquement l'ordinateur connecté à des réseaux. Les systèmes bancaires, administratifs et paperassiers, tous les secteurs du tourisme, du voyage ont une partie de leur personnel qui n'a de relations internes ou avec le public que par l'intermédiaire d'un ordinateur, en général connecté en réseaux. Les productions mécaniques recourent à des logiciels spécifiques pour concevoir ou exécuter des tâches de fabrication. Leur maniement est plus intellectuel que l'utilisation des outils traditionnels. Il en est de même dans le secteur alimentaire et commercial. Beaucoup de vendeurs, de gestionnaires de stocks et autres ont régulièrement à faire avec des ordinateurs. Parallèlement, de plus en plus, à la vitesse de la lumière, à travers le monde, les commandes sont passées, les voyageurs de commerce ayant de moins en moins à retourner dans leur entreprise d'origine. Par des réseaux Intranet, la totalité du personnel d'une société est informée d'une directive à suivre et conditionnée à des pratiques de vente.

Bref, il n'est guère d'activités professionnelles dans lesquelles constamment, fréquemment ou par à coup, il ne soit nécessaire d'avoir recours à ces outils qui répondent à des logiciels adaptés à toutes les questions, fournissent toutes les réponses nécessaires à leur exercice correct .

Ces outils sont le plus souvent des serviteurs fiables, pertinents. Ils apportent les réponses utiles dans le moment même où on les pose. Ils soulagent la mémoire au point de la faire oublier. Ils annulent les points fixes et permettent de rester en relations efficaces avec les divers partenaires où qu'ils se trouvent. Ils transforment les astreintes par des gardes à distance, laissant les salariés dans leur milieu familial...

Mais ce mouvement crée des contre-effets tout aussi repérables. La technologie imposée contraint des individus à une remise en cause de leur mode de vie et, plus précisément tend à estomper la frontière entre monde du travail et vie privée. D'où un questionnement des règles de fonctionnement habituelles du monde du travail (lieu, temps, congés, astreintes...).

L'enseignement général de base apportera l'essentiel comme il l'a fait depuis l'obligation de l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Il faut y ajouter aujourd'hui la découverte des directives propres à l'ordinateur qui, comme des règles de grammaire, d'orthographe, de syntaxe et de sens, lui font accomplir les actes justes. D'autre part, le développement de la formation continue doit permettre de passer d'une manière de travailler à une autre, nouvelle, plus performante ou considérée comme telle .

La période la plus délicate est celle que nous traversons maintenant. Trop de travailleurs ne peuvent exercer leur métier qu'avec les connaissances acquises hier, et trop peu de postes de travail en ont encore besoin ; ils ne peuvent accéder aux postes qu'ils ne savent ni servir ni diriger.

La productivité et la rentabilité offertes par ces technologies seront une chance pour l'emploi si on sait organiser un partage des richesses et de l'accès au savoir. Si, au contraire, on en reste à des schémas d'organisation datant du siècle dernier, ce n'est pas une société duale qui naîtra mais une société éclatée.

Les technologies de l'information et de la communication dans la cité : une nouvelle chance pour la démocratie ?

Éléments pour un débat

On pourrait croire que notre organisation démocratique est épargnée par la révolution numérique. Nous votons toujours selon les mêmes règles : le bulletin de vote et la carte d'électeur paraissent immuables. Nous élisons toujours des représentants qui, aux différents échelons de notre organisation politique, nous représentent et agissent avec, pour limite, la sanction électorale et le contrôle du juge.

Pourtant, déjà, de nombreuses collectivités locales ou des institutions ont recours aux réseaux, essentiellement « babillards » et Internet. Le Sénat, l'Assemblée nationale, les ministères, ont ouvert des sites Web.

Une petite navigation sur ces sites tend à prouver tout l'intérêt de ces initiatives. Par exemple, le serveur du Sénat offre l'accès à des informations jusqu'alors difficilement disponibles. En quarante-huit heures après publication au Journal Officiel , les internautes peuvent trouver les débats intégraux du Sénat ainsi que des rapports parlementaires. L'information devient plus démocratique, car gratuite, et consultable en tous points du territoire par quiconque est connecté.

De nombreuses initiatives locales poursuivent des objectifs à la fois de même nature et différents. Qu'il s'agisse d'information touristique ou économique, beaucoup de sites ont pour vocation d'encourager les projets locaux, d'attirer des emplois et de dynamiser l'activité.

D'autres ont une ambition plus citoyenne. Des communes, départements ou régions proposent aux citoyens des sources d'information consultables à tout moment. Aussi, l'essor d'une citoyenneté active dans la cité est-il favorisé par la mise en réseau. Quelques initiatives vont encore plus loin et s'inscrivent dans un projet global, qui entraîne, ou pourrait entraîner à terme, un bouleversement complet du rôle de l'élu. Dans ce cadre, le citoyen est invité à communiquer véritablement avec ses représentants.

Les conséquences induites par une telle réorganisation seront probablement beaucoup plus importantes qu'on ne l'imagine. Les citoyens acteurs n'attendront pas seulement de leurs représentants qu'ils agissent en leur nom ; ils voudront agir de concert et, pour ce faire, être en contact permanent avec les « chefs d'orchestre » que seront les élus.

Ces procédés de communication nouveaux, interactifs et immédiats, ne font-ils pas courir des risques réels à une conception démocratique respectant le temps de réflexion du citoyen ?

Au prétexte d'une démocratie supérieure à toute autre, une interrogation directe, aussi fréquente que possible sur des sujets complexes ou non, peut-elle véritablement simuler une démocratie directe ? Le citoyen invité à donner une réponse instantanée à la question posée de même manière ne le ferait-il pas par réaction ou intuition et non par réflexion, encore plus superficiellement qu'au cours d'un sondage d'opinion ?

On peut facilement imaginer les effets pervers de ce mode de consultation et combien la participation critique du citoyen à la vie de la cité ou de l'État serait illusion.

ANNEXE N° 2 : COMPTE RENDU DES TRAVAUX DU FORUM APPRENTIC

Le forum Apprentic a été ouvert le 4 mars 1997 sur le serveur du Sénat (apprentic@senat.fr). Après une phase de démarrage et de curiosité, le nombre des contributions a rapidement augmenté ; la liste de diffusion s'est étoffée jusqu'à dépasser 150 personnes 149 ( * ) . Le nombre de contributions s'est élevé à plus de 300. La plupart, du moins au début, ont porté sur l'enseignement, ce qui était cohérent avec le mode fonctionnement. De nombreux établissements scolaires étant présents sur Internet, il était relativement aisé de les interroger, y compris, pour certains, en pratiquant un questionnement par publipostage.

Le domaine de la citoyenneté n'offrait pas les mêmes possibilités ; les sites disponibles sont peu nombreux (Yahoo en répertorie trois) et tous n'offrent pas la possibilité d'une consultation sur ce sujet par adresse électronique. Les contributions ont été moins fréquentes, plus tardives, malgré la concomitance de la campagne pour les élections législatives.

Le Forum a révélé une attente : toutes les contributions reçues se sont félicitées de l'existence de cette tribune et, plus généralement de la préoccupation d'utiliser les nouvelles technologies, notamment sur le thème de l'enseignement. Un enseignant du supérieur s'est félicité de ce forum qui constitue « enfin une tentative qui pourra faire avancer les choses ». Un autre professeur y trouve, une volonté « d'aller jusqu'au bout de la logique d'utilisation des fameuses technologies de communication ».

Beaucoup de correspondants nous ont félicités de les avoir consultés directement, ou, avec un fort amical humour, « de donner la parole aux acteurs de base » : « pincez-moi, je rêve ! ! ! Les politiques auraient-ils enfin compris que pour qu'il y ait communication il faut qu'il y ait dialogue » .

Les débats ont été riches, animés ; l'essentiel des préoccupations exprimées a recoupé celles observées par ailleurs (auditions, visites ...).

Seuls quelques rares correspondants se sont demandé s'il était pertinent d'axer le forum sur l'utilisation des nouvelles technologies d'information et de communication : « depuis les années soixante-dix, nous sommes prisonniers de l'alternative « objet d'étude ou outil d'étude » ... « ces prétendues « NTIC », quant à elles, à mon avis n'existent pas : nouvelles elles ne le sont plus vraiment... [mais] l'évolution majeure actuelle consiste à faire passer la technique au second plan derrière l'information elle-même ». Enjeu résumé par un instituteur : « il ne faut pas se tromper, l'enjeu de l'éducation n'est pas d'utiliser les NTIC mais d'éduquer les enfants qui nous sont confiés. »

1. S'agissant des apprentissages préalables à l'utilisation de l'ordinateur, la spontanéité des jeunes enfants est relevée par tous : « dès l'âge de quatre ans, les enfants travaillent sur l'ordinateur ». Une enseignante américaine cite sa fille de trois ans qui dispose d'un ordinateur à la crèche : il n'y a pas d'âge minimal pour la découverte de ce nouvel outil, bien au contraire. Il faut pourtant se garder de conclusions trop hâtives en la matière, si « les enfants maîtrisent beaucoup plus rapidement que les adultes la logique de l'informatique » (CRDP), ils « se montrent beaucoup moins entreprenants que devant une console de jeux » (autre expérience locale). La découverte la plus pratiquée, essais et erreurs, « ne concerne que les enfants qui ont une curiosité naturelle et ce n'est pas le cas de tous ». Cette remarque rejoint les observations faites au cours des visites d'établissements : l'ordinateur plaît aux enfants dans l'ensemble mais certains y sont totalement réfractaires, question fondamentale des laissés pour compte de la communication informatique.

Cet apprentissage ne doit pas être trop formel : par exemple, apprendre le maniement du clavier peut se révéler contre-productif en allant à l'encontre du désir de découverte des enfants : « surtout ne pas désarticuler les apprentissages et séparer trop les exercices de l'utilisation au point où les enfants ne savent pourquoi ils font telle ou telle chose...D'autant plus qu'on ne sait plus trop ce qui sera encore très utile dans deux, voire cinq ou dix ans ; au rythme où vont les choses, devrons-nous encore avoir à taper sur des claviers dans dix ans ? ».

Pour plusieurs intervenants, l'introduction des NTIC dans l'éducation ne relève pas d'une interrogation sur l'âge d'accès, ni même sur les utilisations ; elle dépend plus de l'évolution de l'éducation au cours des prochaines années.

2. Les utilisations des NTIC dans les établissements scolaires, comme par les contributeurs au Forum , rejoignent les observations enregistrées d'une autre manière.

À la maternelle, l'ordinateur a sa place pour acquérir les « préacquis » indispensables à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture : discrimination auditive et affinage de la maîtrise du geste. Les utilisations, à l'école primaire, sont, comme sur les sites web consultés :

la correspondance,

les recherches comparatives,

la création de pages web et la mise en situation virtuelle.

Les outils utilisés sont variés : cédéroms, logiciels de bureautique, courrier électronique, Internet, forums.

3. Les conséquences pédagogiques de l'introduction des NTIC dans l'enseignement sont nombreuses : rigueur accrue dans le suivi des élèves, autonomie du travail, responsabilisation des enfants, travail d'équipe, préparation à l'exercice de la vie en société, éveil d'une motivation.

L'utilisation des NTIC « réconcilie » les enfants avec les connaissances accessibles de manière plus attractive et plus personnalisée : « cette pratique ouvre l'école à un travail d'équipe beaucoup plus solidaire et orienté vers l'avenir dans une pratique motivante qui enrichit l'élève en le préparant à ce qu'il devra savoir maîtriser demain » (remarque d'un professeur en école d'application).

Plusieurs professeurs ont insisté sur l'intérêt particulier des NTIC en zone rurale : l'ordinateur rompt l'isolement par la communication et la confrontation avec d'autres.

En revanche, le débat reste ouvert quant aux conséquences relatives à l'organisation de la classe. Dans la mesure où l'ordinateur est un outil, certains pensent que rien ne doit changer dans les programmes et l'organisation du temps scolaire ; d'autres enseignants semblent plus partagés, sans préciser les modifications autres que pédagogiques qu'ils entrevoient. L'un deux note par exemple :

« - la première demi-heure de chaque jour pour aller sur Internet (à cette heure-là, c'est tranquille), répondre au courrier, faire des petits travaux et des petites recherches, aller sur des cédéroms ;

« - deux fois 45 minutes en demi-groupes (ça fait 4 fois 45 minutes pour moi) pendant les cours d'allemand et d'anglais : là, je fais des choses assez dirigées pour que les enfants apprennent à maîtriser les logiciels : PAO, tableur, gestionnaire de fichiers ;

« - une heure en demi-groupes (deux heures pour moi) : cédéroms ;

« - deux heures en demi-groupes (alternance une semaine sur deux) : travaux orientés vers l'art, puisque le projet d'école est « art et communication ».

Un autre enseignant explique :

« I. Traitements de texte, logiciels didactiques :

« L'utilisation des NTIC (ordinateurs, traitements de texte, logiciels didactiques) permettent au tout jeune enfant de s'initier à la manipulation du clavier. Pour ce qui concerne notre école, cet apprentissage débute en classe de CP (enfants d'environ 6 ans). Il devrait dès la rentrée prochaine concerner les élèves de l'école maternelle. Pour certains enfants, l'apprentissage du clavier n'est qu'une formalité. Il s'agit dans la plupart des cas d'enfants disposant d'un ordinateur à la maison. Pour les autres, elle est plus ou moins rapide selon l'intérêt qu'ils portent au travail demandé. Quant à l'âge, il n'influe que peu, dans la mesure où il existe des logiciels pour tous niveaux. En consultant les catalogues des éditeurs, on s'aperçoit que la gamme des produits proposés est de plus en plus vaste et s'adresse également à des enfants d'âge pré-élémentaire. Sur PC, nos élèves de cycle III ont effectué des recherches (constitution de dossiers) en histoire, en géographie, en sciences, en utilisant un traitement de texte. Au cycle II, une grande part est réservée à l'initiation, sous tutelle d'élèves plus grands afin d'aboutir à la production de textes imprimés.

« II. Internet :

« Le site a été ouvert en début d'année. Actuellement, un seul de nos collègues est à même d'y installer les productions des élèves. En revanche, plusieurs classes entretiennent une correspondance scolaire avec différents pays francophones et, dans ce cadre, les enfants sont entièrement maîtres de leurs envois : textes écrits, enregistrés sur disquettes puis envoyés sur le réseau. À tour de rôle, chaque classe relève l'état du compteur du site et imprime les éventuels messages reçus qui sont ensuite ventilés aux différents destinataires concernés. Ils ont aussi la possibilité de visiter le site de l'école et découvrent ainsi leurs productions mais aussi celles de leurs camarades des autres classes. Au-delà, une demi-heure par jour (consommation oblige) est réservée au « surf » : recherche d'informations, visites d'autres écoles, envois de messages.

« III. Gestion des activités :

« La salle informatique est ouverte aux élèves y compris aux heures de récréation et de restauration par groupes de quatre ou cinq ce qui permet une acquisition plus rapide de l'autonomie, un gain de temps pour l'enregistrement de leurs écrits, un rapport privilégié avec l'enseignant présent. »

Un troisième enseignant présente ainsi l'utilisation de l'ordinateur :

« Dans notre bassin d'écoles, les enfants utilisent les ordinateurs dès la maternelle (4/5 ans).

« Apprentissage technique ? En partant de l'adage « c'est en forgeant... », nous avons pu constater que les élèves découvraient par eux-mêmes un grand nombre de fonctions de l'ordinateur, et que certains périphériques (clavier, mais aussi scanner) ne leur posaient pas de problème très longtemps. Comme les élèves sont par deux aux machines, il y a entraide.

« La fréquentation des ordinateurs est à moduler: de la maternelle au CE2, un peu plus d'une heure par enfant tous les quinze jours ; en CM1/CM2, un peu plus d'une heure par enfant chaque semaine + accès libre sur une machine en classe (récréations, après cantine... pour relève BAL Internet, mise à jour du site, utilisation de cédéroms).

« Nous organisons le travail par projets, souvent interdisciplinaires (français et ...) et nécessitant un travail en petits groupes. Cela permet une grande implication des élèves dans « l'activité scolaire » et l'acquisition d'une certaine autonomie, d'un plus grand sens des responsabilités.»

Certains intervenants considèrent qu' « un ordinateur en permanence dans la classe permettra dans un premier temps de démystifier cet « engin » et, dans un second temps, d'en faire un outil accessible à tous, si ce n'est au même rang que les crayons, les cahiers et les livres, au moins à sa juste place : un instrument parmi d'autres ». D'autres envisagent des organisations plus ambitieuses : « on ne peut mettre 25 ou 30 ordinateurs dans une classe ni 25 élèves derrière un ordinateur. Il me semble que le raisonnable se situe plutôt vers 3 ou 4 machines dans la classe, dont 2 multimédias et communiquantes. L'enseignant peut alors gérer un groupe de 4 ou 8 sur les machines et continuer à gérer les autres élèves qui font autre chose au même moment ».

4. Les freins à l'utilisation des NTIC restent nombreux et variés

Les premiers sont d'ordre culturel : la « peur viscérale de la « machine » de la part de nombreuses personnes », le « carcan administratif et financier qui pèse actuellement sur Internet », et, tout simplement, le fait que « peu d'entre nous ont eu l'occasion d'aller fouiner sur Internet ».

Des difficultés matérielles existent, un manque de matériel dû à l'absence de véritable implication financière des collectivités locales. L'absence aussi d'un mode d'utilisation précis des outils (ordinateur + écran + projecteur ou pas, ordinateur + tableau noir ou pas...). Il faut éviter ce qu'un chercheur a désigné comme « une intox assez générale » : il n'est pas nécessaire de recourir aux grandes marques, souvent plus chères mais bien de pouvoir disposer de machines adéquates: « on semble faire la course à la puissance, mais il faut savoir qu'un vieux 386 peut encore rendre d'excellents services, et ne vaut pas lourd sur le marché de l'occasion. A fortiori un 486... ». L'équipement des écoles incombant aux communes, chacun pourrait s'y retrouver, « le service d'assembleurs locaux (maintenance, installation sur site, conseil...) est souvent meilleur que celui de gros fournisseurs pour qui une école n'est pas un interlocuteur de poids une fois la machine vendue. Reste à identifier les partenaires sérieux et fiables... ».

Il faut savoir « se méfier de l'idée qui veut que, puisque ce sont les enfants, il n'y a pas besoin d'ordinateurs performants, voire même d'ordinateurs du tout ... «. On rencontre de temps en temps ce genre de discours de la part d'élus ou de parents : « Apprenez leur d'abord à écrire et à compter ».

Le coût des communications téléphoniques paraît un autre obstacle majeur. Tous regrettent le manque de moyens financiers, à l'exception d'une enseignante de français : son collège, dans l'Ohio, bénéficie d'une dotation d'un million de dollars chaque année. Nos correspondants québécois rappellent que le ministère de l'éducation de la Belle Province alloue chaque année 54 dollars canadiens par élève pour ce type de dépense, à l'exception des factures téléphoniques.

Trop souvent, les enseignants semblent réduits à la « débrouillardise », quand elle est possible (et si la seule prise téléphonique de l'école n'est pas dans le bureau du directeur !).

A l'évidence, il n'existe ni politique déterminée, ni plan global à long terme concernant le développement de l'usage des NTIC dans l'éducation. Le Québec fournit l'exemple : « le gouvernement a élaboré un plan quinquennal qui vise l'intégration des nouvelles technologies à l'école. Chaque école trace son plan dans un cadre budgétaire prédéterminé ».

Les responsables concernés ont pris conscience, à l'image de Robert BIBEAU, responsable des nouvelles technologies au ministère de l'éducation du Québec, que « certains spécialistes laissent entendre que si le système scolaire offre un si piètre rendement, c'est qu'il constitue l'un des derniers bastions où les technologies de l'information et de la communication n'ont pas encore été véritablement intégrées ».

5. La formation des enseignants se heurte à une crainte de la « machine » et à « un refus d'innover sur son temps de loisir ».

Des enseignants semblent prêts à utiliser les nouvelles techniques, ils réclament une meilleure maintenance et un accompagnement de qualité. Plusieurs regrettent la diminution du nombre de postes d'animateurs informatiques pour la prochaine rentrée. D'où cette réflexion amère : « d'un côté, l'institution laisse une très grande liberté aux enseignants dans leur classe..., d'un autre côté, toute initiative originale qui n'est pas totalement contrôlable par le haut se voit, au mieux ignorée, au pire contrecarrée, quelquefois récupérée ou détrônée, mais jamais encouragée concrètement » . Dès lors, comment ne pas prêter attention à cette autre formulation : « L'enseignement doit sortir de l'âge de la pierre taillée, pour cela, il faut des hommes et du matériel [ainsi qu'] une prise en charge institutionnelle » ? L'absence de véritable politique de maintenance constitue une difficulté fréquemment évoquée.

6. Un dernier type d'obstacles tient à l'absence de produits adéquats. Ce thème, largement évoqué lors des entretiens et déplacements, n'a que peu retenu l'attention des participants au forum. On notera cependant que l'un d'entre eux a souligné les questions posées par l'hégémonie d'un éditeur de logiciels. Cette préoccupation, partagée ensuite par plusieurs correspondants, a été placée par son auteur sous le signe de l'éthique et de la laïcité qui « n'est pas seulement une question de religion mais concerne toutes les activités humaines. L'éducation se doit d'être aussi objective et impartiale que possible à tous points de vue.

« Cela vaut aussi bien pour les produits du commerce. Quand l'Éducation nationale forme systématiquement tous les jeunes de ce pays sur les produits d'un seul éditeur de logiciels déjà hégémonique, alors qu'il existe quand même des alternatives, cela me paraît contraire au devoir d'impartialité de toute administration, et particulièrement au devoir de laïcité de l'Éducation nationale.

« À la différence de bien des organisations, sa masse même donne à l'Éducation nationale le pouvoir de résister à toute hégémonie, si tel est son choix. Et je ne parle pas des effets futurs sur notre économie, notre mentalité et notre culture d'une éducation quasi totalement fondée (au moins en informatique) sur des ressources d'origine américaine.

« Comme de plus il existe d'excellentes alternatives, et qui plus est gratuites, on peut se poser quelques questions.»

7. Cette réflexion illustre la préoccupation des participants quant à l'avenir des enfants. L'acquisition d'une culture technologique paraît relever de la simple nécessité dans la perspective de l'entrée des élèves actuels dans le marché du travail à l'horizon 2010. D'où le risque bien actuel d'un creusement des inégalités en fonction des initiatives locales ou de leur absence.

D'une manière générale, les participants au forum semblent passionnés et désabusés. Passionnés par leur sujet, d'après le ton de leurs contributions, désabusés ou perdus, découragés, même dans la mesure où leurs initiatives ne paraissent ni reconnues, ni soutenues : « j'avoue que caser dans une pièce de 12m 2 , 30 élèves autour de 5 ordinateurs ne relève pas de la partie de plaisir. En fait, il faut diviser la classe en deux, et placer deux ou trois élèves devant chaque machine. Comme en général vous êtes le seul enseignant intéressé par l'informatique, personne ne se propose pour prendre la demi-classe, et vous devez, soit faire appel à des parents, soit faire travailler par terre dans un couloir ou dans un coin du cagibi informatique l'autre moitié des effectifs. Si on ajoute que sur les cinq machines, il y en a souvent une qui est capricieuse, qui ne démarre pas à chaque fois, on voit que les enseignants doivent faire preuve de beaucoup de persévérance ».

ANNEXE N° 3 : SYNTHÈSE DES SITES SCOLAIRES VISITÉS

Visiter des établissements scolaires présents sur Internet se heurte à plusieurs difficultés dues à leur nombre, leurs réalisations et leurs priorités. Le ministère de l'Éducation nationale annonce quelque 400 écoles présentes sur Internet.

Tous les établissements ne sont pas répertoriés sur un site académique et de tels sites n'existent pas partout. D'autres écoles, collèges ou lycées figurent à la fois sur un serveur académique et sur d'autres sites : la liste des écoles françaises sur Internet, la fédération internationale des mouvements d'école moderne, avec cinq écoles pratiquant la pédagogie Freinet.

Une recherche à partir d'Internet laisse de côté les autres utilisations de l'ordinateur, cédéroms, travaux à partir de logiciels adaptés à chaque discipline, réalisation d'expérimentations utilisant l'outil informatique comme support. De même, si beaucoup considèrent que la communication par le biais de la messagerie électronique constitue sans doute l'aspect le plus répandu des nouvelles technologies dans l'Éducation nationale, cela ne se traduit pas toujours par des réalisations concrètes consultables sur sites web .

D'une manière générale, il existe en effet une différence essentielle entre les établissement en réseaux et ceux disposant d'un site.

En Haute-Savoie, existe un projet global ambitieux : 37 écoles publiques, 20 collèges publics, 17 lycées publics et 11 établissements relevant de l'enseignement privé (2 écoles, 7 collèges et 2 lycées) sont raccordés à Internet. Mais « seulement » 8 écoles publiques et 2 lycées publics (dont un lycée hôtelier) sont présents sur le réseau en développant leurs propres pages web ; tous les autres établissements disposent seulement d'une adresse électronique.

Il n'existe pas d'adéquation entre qualité d'un serveur académique et ampleur des projets développés par les établissements. L'académie de Strasbourg dispose du serveur sans doute le plus complet, le plus ambitieux. Les outils pédagogiques sont nombreux ; ils s'inscrivent dans un cadre global clairement défini. Pourtant, seuls six lycées ou collèges sont présents sur le serveur académique ; ils ne semblent pas avoir développé des applications particulièrement exemplaires.

Sous ces réserves méthodologiques, la communication constitue la première utilisation des NTIC dans l'éducation . Par ce biais, s'est instaurée une correspondance entre classes, entre élèves directement, en France ou hors de France, même si peu d'écoles présentent encore directement les élèves. Le courrier électronique permet également aux élèves de poser des questions, d'engager le dialogue avec des spécialistes (journalistes, scientifiques...).

Cette ouverture sur le monde et sur les autres permet également de mener à bien des activités pédagogiques dans la plupart des disciplines, plus spécialement en langues.

L'accès à l'information et la recherche documentaire constituent la deuxième utilisation du réseau. L'utilisation d'un navigateur permet de parcourir le web, les élèves ont alors accès à une immense banque de données mondiales.

Deux objectifs pédagogiques semblent visés :

- L'accès à de nombreux documents, à des sources d'informations variées s'inscrit dans le cadre de projets d'étude précis (réalisation d'exposés, de dossiers, préparation d'un voyage). Les sites en portent la trace. Souvent, des fiches thématiques sont consultables sur les sujets les plus divers, de la Rome antique aux recettes de cuisine. Les pages des établissements comportent parfois une liste des sites préférés ; dans ce cas, le plaisir du « butinage » sur le web, ou l'intérêt pour un sujet particulier (émissions de télévision, passe-temps favori) motivent les élèves.

- L'initiation à la recherche documentaire et l'organisation du travail documentaire constituent l'autre objectif recherché. La « navigation » sur Internet s'inscrit dans le cadre plus général du travail destiné à permettre aux élèves de mener une analyse critique de l'information , de se préparer à l'exercice de leur vie de citoyen.

Enfin, plusieurs écoles et établissements ont profité de l'espace de publication mis à leur disposition par les serveurs académiques ou autres pour produire des documents.

Créer des pages web recouvre des résultats très variés, depuis des pages présentant la commune, jusqu'au support du journal d'école ou de travaux d'élèves. Parfois, les élèves présentent leurs propres pages personnelles, réalisent des pages plus ludiques, avec devinettes, jeux et concours. Divers renseignements relatifs à la vie scolaire (calendrier scolaire, conseil d'école) peuvent compléter cet ensemble.

Cette activité de création, encore peu répandue, est, par nature, pluridisciplinaire. Il s'agit à la fois d'une activité technologique (par l'apprentissage d'un langage et par la manipulation de différents outils informatiques), d'un travail artistique, portant sur l'image et la mise en page. La production d'écrits constitue également un excellent travail en français ; elle paraît un supplément de motivation pour les élèves.

Pour mémoire, le réseau permet également de télécharger certains logiciels plus disciplinaires, tel cabrigéomètre en mathématiques, de disposer de supports de cours dans la plupart des matières, cela par l'intermédiaire des serveurs académiques ou par le biais des associations de professeurs présentes sur le réseau.

Dernier point : seule une école maternelle a pu être identifiée sur le réseau. Son site consistait essentiellement en un travail sur l'image : la déformation de photographies des élèves par eux-mêmes.

ANNEXE N° 4 : UN QUESTIONNAIRE À PROPOS DU DÉVELOPPEMENT D'INTERNET, POUR LES LÉGISLATIVES DE 1997

Dans le cadre de la campagne des législatives un questionnaire sur Internet a été mis au point au sein de l'AUI et transmis aux états majors de campagne des principales formations politiques (PC, PS, RPS, UDF).

Vous pouvez, si vous le désirez, et que vous soyez membre de l'AUI ou non, envoyer ce questionnaire en votre nom propre aux candidats et formations politiques de votre choix. Dans ce cas, vous devez joindre une lettre d'accompagnement précisant clairement qu'il s'agit d'une initiative personnelle de votre part et que vous souhaitez connaître la position personnelle du candidat. Vous devez indiquer au gestionnaire de ce questionnaire à qui vous l'avez envoyé (le gestionnaire est Gilles Berger Sabbatel).

Évitez d'envoyer plusieurs fois le questionnaire à un même candidat. Envoyez en priorité aux candidats de votre circonscription. Si vous envoyez à d'autres candidats, essayez de vous assurer que personne d'autre ne l'a fait. Merci de faire suivre à l'AUI les réponses éventuelles que vous aurez reçues.

Dans la suite de ce document, vous trouverez trois textes :

1. Le questionnaire proprement dit (celui envoyé officiellement aux quatre formations mentionnées plus haut) ;

2. Un préambule (section 1) du questionnaire adapté dans le cadre d'un envoi personnel : vous voudrez bien remplacer le préambule qui est donné dans le questionnaire envoyé officiellement par l'AUI, par cet autre préambule ;

3. Un modèle de lettre servant à introduire auprès de votre correspondant le questionnaire que vous lui envoyez.

QUESTIONS AUX ÉTATS-MAJORS POLITIQUES CONCERNANT LE DÉVELOPPEMENT D'INTERNET

Association des utilisateurs d'Internet

1. Préambule

L'Association des Utilisateurs d'Internet (AUI) est une association loi de 1901 ayant pour but de promouvoir le développement et la démocratisation de l'utilisation des réseaux électroniques de communication, et notamment d'Internet. L'AUI n'est liée a aucun parti, et regroupe des personnes de sensibilités politiques très diverses.

Le développement des communications informatiques, et plus particulièrement d'Internet, soulève des enjeux considérables, dans les domaines économiques, sociaux, humains, et politiques. Ces enjeux font l'objet de toute l'attention des média et des responsables politiques.

Au cours de l'année écoulée, l'AUI a identifié un certain nombre de points - enjeux ou problèmes - liés au développement d'Internet. Ces points sont exposés ci-dessous. Nous avons volontairement laissé de côté les aspects économiques, dont l'importance ne nous échappe pas, mais qui ont déjà été largement abordés.

Le débat électoral en cours nous paraît demander des prises de position claires sur ces questions, aussi l'AUI estime nécessaire de connaître la position de votre parti sur ces points, qu'elle soit exprimée sous forme d'un bref commentaire, ou sous forme d'un avis plus développé.

Les réponses (ou les non réponses) obtenues seront publiées sur Internet, ainsi que dans les média traditionnels. Nous pourrons, si vous le souhaitez, publier le nom de la personne ayant apporté les réponses. Dans la mesure où les réponses fournies dépasseraient le cadre de ce qui est publiable, nous nous réservons le droit de n'en publier qu'un résumé ou les extraits nous paraissant les plus significatifs.

Nous vous remercions par avance de l'intérêt que vous voudrez bien porter à ces questions, et du temps que vous prendrez à nous répondre.

2. Questionnaire

2.1. Enjeux politiques et sociétaux d'Internet

Internet offre de nouveaux moyens de partager l'information, de communiquer entre les personnes, de dialoguer...

Pensez vous qu'Internet puisse avoir un impact important, à terme, sur les rapports entre les personnes, sur les rapports entre les administrés et l'administration, et enfin, sur l'exercice même de la démocratie ?

N'y a-t-il pas là le risque de voir apparaître une nouvelle forme d'exclusion : celle de ceux qui, pour des raisons culturelles ou économiques, seront exclus d'Internet ?

2.2. Internet et éducation

Internet est souvent ressenti comme un enjeu important dans le domaine éducatif. Ceci comporte trois aspects bien distincts : la formation à l'utilisation de ce nouveau support culturel qu'est Internet, l'exploitation de son contenu dans le cadre éducatif, et la fourniture de contenu éducatif.

Quelle est votre position sur l'utilisation d'Internet à l'école, et sur les moyens éventuels à mettre en oeuvre (budget, formation des enseignants, équipements...) ? Pensez-vous que les questions concernant cette utilisation doivent être discutées et éventuellement harmonisées sur le plan national, européen ou international ?

2.3. Services d'intérêt public

Un certain nombre d'initiatives sur Internet ont donné le jour à de véritables services d'intérêt public. On peut citer en particulier le service Mygale (hébergement gratuit de documents), ou Web mômes (serveur Internet à l'intention des enfants). Le développement de telles initiatives se heurte souvent à des problèmes de moyens mettant leur survie en jeu : ressources humaines, accès au réseau, hébergement...

De telles initiatives vous semblent-elles devoir être soutenues par l'État ou par les collectivités locales ? Sous quelle forme ?

2.4. Coût de l'accès au réseau

Pour de nombreuses personnes, le réseau téléphonique reste le seul moyen de se connecter à Internet. Pour une utilisation régulière du réseau, il en résulte souvent un coût excessif, même au tarif des communications locales : le coût des communications téléphoniques est sans commune mesure avec le prix de l'abonnement à Internet proprement dit ! Ce point reste un frein au développement de l'utilisation des réseaux en France, et la suppression annoncée du tarif bleu-nuit de France Télécom aggravera encore la situation pour de nombreux utilisateurs. Des solutions techniques pour permettre un accès moins coûteux et plus efficace peuvent être développées. Des aménagements tarifaires (forfaits « Internet ») permettraient à titre transitoire de réduire le coût de l'accès pour les particuliers, sans remettre fondamentalement en cause la politique tarifaire des opérateurs. Un autre problème est posé par le retard français dans le domaine de l'équipement informatique des ménages.

Selon vous, quel rôle l'État peut-il (ou doit-il) jouer éventuellement pour favoriser l'émergence de solutions plus efficaces et moins coûteuses pour l'accès au réseau ?

Pensez-vous que les collectivités locales doivent se saisir des technologies d'accès à l'Internet afin d'assurer une égalité d'accès aux différentes couches sociales, et de promouvoir une utilisation citoyenne d'Internet ?

Comment analysez-vous le retard français dans le domaine de l'équipement informatique des ménages ? Quelles solutions envisagez-vous éventuellement de défendre pour y remédier de manière rapide et efficace ?

2.5. Information du grand public

L'information du public concernant les réseaux est souvent peu satisfaisante : manque de perspectives sur les différentes applications du réseau, importance exagérée donnée aux différentes dérives...

Quelles initiatives vous sembleraient utiles pour améliorer l'information concernant Internet ? Quels pourraient en être les acteurs (universités, associations, entreprises de formation...) ? Un soutien, ou une incitation de l'État à de telles initiatives vous semble-t-il possible et souhaitable ?

2.6. Liberté d'expression sur Internet

Internet apparaît comme un nouvel espace de liberté d'expression. Cependant, comme tous les moyens de communication, il peut servir de support à des activités illégales. Il est légitime de vouloir identifier et réprimer les auteurs de telles activités, mais mettre en place des moyens de prévention peut entraver la liberté d'expression sur Internet. Ceci constituerait d'ailleurs un cas particulier par rapport à d'autres média sur lesquels de tels moyens de prévention n'existent pas. Des mécanismes d'autorégulation existent déjà sur Internet, et ont fait leurs preuves, de telle sorte qu'il pourrait suffire de les valoriser et d'en renforcer l'action. Du fait du caractère international du réseau, la disparité des législations nationales applicables aux informations diffusées pose des problèmes.

Selon vous, faut-il une législation spécifique pour encadrer la diffusion de l'information sur Internet ? Si oui, quelles mesures préconisez-vous ? Sinon, pourquoi ?

2.7. Responsabilité des acteurs d'Internet

La liberté d'expression sur Internet passe aussi par une clarification des responsabilités des acteurs du réseau. En particulier, des opérateurs ne fournissant qu'une prestation de support ou de transport de l'information ne sauraient assumer de responsabilité sur le contenu d'une information qu'il leur est impossible de contrôler a priori.

Pensez-vous que des aménagements de la législation soient nécessaires pour permettre une meilleure définition des responsabilités sur Internet ? Si oui, lesquels ? Sinon, pourquoi ?

2.8. Protection des données et de la vie privée sur Internet

Le secret de la correspondance permet de préserver des intérêts économiques ou industriels, ou plus simplement garantit le droit à la vie privée des personnes. Les réseaux de transfert de données laissent des possibilités d'accès non autorisés, aggravées par la possibilité de traiter informatiquement à grande échelle les informations ainsi collectées. Il est donc nécessaire de protéger les communications, et la seule solution reconnue vraiment efficace est la cryptographie. Toutefois, certaines personnes craignent qu'une utilisation totalement libre de la cryptographie ne puisse favoriser la dissimulation d'activités illégales en empêchant toute interception de correspondance par les autorités compétentes. De ce fait, la réglementation française dans ce domaine reste l'une des plus restrictives du monde. Tout indique jusqu'à présent que les solutions reconnues comme des standards internationaux et préconisées par les organismes définissant les standards d'Internet resteront de fait interdites en France.

Pensez vous que la réglementation concernant la cryptographie puisse (ou doive) être assouplie (au niveau de la loi, ou de son application) ? Si oui, dans quelle mesure ? Sinon, pourquoi ?

2.9. Abus de ressources sur Internet

Avec le développement d'Internet, on voit se multiplier des pratiques qui constituent un abus des ressources du réseau. Parmi celles-ci, se trouve l'envoi massif de messages électroniques publicitaires, pratique choquante, puisque la transmission est pour une bonne part payée par le récepteur des messages, et pratique contraire aux règles de bon usage d'Internet.

Pensez vous que la législation existante suffise à protéger les utilisateurs contre de telles pratiques ? Sinon, envisagez-vous de mettre en place une législation améliorant la protection des utilisateurs ?

2.10. Question ouverte

Dans ce questionnaire, nous avons listé un certain nombre de thèmes concernant Internet. D'autres thèmes qui vous paraissent importants ont peut être été omis.

Le cas échéant, quels thèmes se rapportant à l'utilisation d'Internet vous paraissent importants, et comment envisagez-vous de les aborder ?

*

* *

Préambule pour envoi personnel :

L'Association des Utilisateurs d'Internet (AUI) est une association loi de 1901 ayant pour but de promouvoir le développement et la démocratisation de l'utilisation des réseaux électroniques de communication, et notamment d'Internet. L'AUI n'est liée à aucun parti, et regroupe des personnes de sensibilités politiques très diverses.

Le développement des communications informatiques, et plus particulièrement d'Internet, soulève des enjeux considérables, dans les domaines économiques, sociaux, humains, et politiques. Ces enjeux font l'objet de toute l'attention des média et des responsables politiques.

Au cours de l'année écoulée, l'AUI a identifié un certain nombre de points -enjeux ou problèmes- liés au développement d'Internet. Ces points sont exposés ci-dessous. Nous avons volontairement laissé de côté les aspects économiques, dont l'importance ne nous échappe pas, mais qui ont déjà été largement abordés.

Le débat électoral en cours nous paraît demander des prises de position claires sur ces questions, aussi l'AUI estime nécessaire de connaître la position des principales formations politiques sur ces points, qu'elle soit exprimée sous forme d'un bref commentaire, ou sous forme d'un avis plus développé.

Ce questionnaire est envoyé par l'AUI aux états-majors des principales formations politiques, et les membres de l'AUI ont la possibilité de l'envoyer individuellement aux candidats de leur choix.

Une synthèse des réponses obtenues pourra être publiée sur Internet, ainsi que sur d'autres médias traditionnels.

*

* *

Modèle de lettre pour envoi personnel :

... le ...

Monsieur / Madame

L'Association des Utilisateurs d'Internet a envoyé le questionnaire ci-joint aux principales formations politiques (PC, PS, RPR, UDF) afin de connaître leur position sur le développement du réseau Internet.

En tant qu'électeur de votre circonscription, je souhaite connaître le point de vue personnel des candidats sur ces questions qui me paraissent importantes. C'est la raison pour laquelle je prends l'initiative de vous transmettre ce questionnaire, de même qu'à d'autres candidats de la circonscription.

Je vous remercie par avance de la réponse que vous voudrez bien m'envoyer et vous prie d'agréer, Monsieur/Madame, l'expression de ma considération distinguée.

Signature...

ANNEXE N° 5 : LISTE DES AUDITIONS

1996

Mercredi 13 novembre 1996

Mme

Janique LAUDOUAR

Journaliste

Mercredi 20 novembre 1996

Mme

Rachel COHEN

Docteur ès sciences de l'éducation

Mardi 26 novembre 1996

Mme

Anne-Marie BARDI

Médialogue

et

M.

Pierre GINIOUX

Mercredi 27 novembre 1996

M.

Bernard VIAUD

Enseignement public et informatique

Mercredi 3 décembre 1996

M.

Georges NICOLAOU

Futurekids

1997

Mercredi 15 janvier 1997

M.

Gérard JAUREGUIBERRY

Délégué général de l'Observatoire des télécommunications dans la ville

Mardi 21 janvier 1997

M.

Kaïs MARZOUKI

Association des Utilisateurs d'Internet

Mercredi 22 janvier 1997

M.

Jean-Pierre AUCLAIRE

Chercheur, auteur d'un mémoire sur Internet outil de communication à l'école primaire

Jeudi 23 janvier 1997

M.

Benoît MENU

Centre de liaison de l'enseignement

et

Mme

Evelyne BEVORT

et des moyens d'information, Ministère de l'Éducation nationale

Mercredi 29 janvier 1997

M.

Gérard THÉRY

Président de la Cité des Sciences et de l'Industrie

Mercredi 29 janvier 1997

Mme

Agnès TOURAINE

Liris Interactive

Jeudi 13 février 1997

MM.

Jean-Marie CAVADA

La Cinquième

Bernard FONTAINE

et

Stéphane GAULTIER

Mardi 25 février 1997

M.

Jean-Pierre BOCQUET

Président de la Fédération des Parents d'Élèves de l'Enseignement Public

Mercredi 26 février 1997

M.

Bruno OUDET

Président du Chapitre français de l'Internet Society

Jeudi 27 février 1997

M.

Georges DUPON-LAHITTE

Président et chargé de Mission

et

M.

Claude VIELIX

Fédération des Conseils des Parents d'Elèves

Jeudi 27 février 1997

M.

Hubert CURIEN

Ancien ministre de la recherche

Mardi 4 mars 1997

M.

Jean-Claude BARBARANT

Secrétaire national de la Fédération de l'Education nationale

Mardi 18 mars 1997

M.

Michel MOREAU

Directeur général du Centre National d'Enseignement à Distance

Mercredi 19 mars 1997

Mme

Nathalie DELANNOY

Confédération Française des Travailleurs Chrétiens

Mercredi 19 mars 1997

M.

François BAYROU

Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (Audition par l'Office)

Mardi 25 mars 1997

M.

Pierre LÉVY

Professeur à Paris VIII

Mercredi 26 mars 1997

Association des écoles françaises européennes

Mardi 15 avril 1997

M.

François BARISSAT

Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales

Mercredi 16 avril 1997

M.

Patrice CHÉREAU

IDECAM

Mercredi 16 avril 1997

M.

Jacques ROBIN

Directeur de Transversales Science/Culture

et

M.

Thierry TABOY

VECAM- Maison Grenelle

Mardi 22 avril 1997

M.

Richard BION

Commissariat à la réforme de l'État

Jeudi 24 avril 1997

M.

Bernard DIZAMBOURG

Directeur de l'information scientifique, des technologies nouvelles et des bibliothèques (Ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche)

Mercredi 7 mai 1997

MM.

Jean-Michel MARTIN

Confédération française démocratique

et

Yves LASFARGUE

du travail

Mercredi 7 mai 1997

M.

Guy PEYRONNET

Mutualité fonction publique

Mercredi 7 mai 1997

MM.

Jean-Louis PEUDON

Fédération syndicale unitaire

et

Gérard BLANCHET

Mercredi 14 mai 1997

M.

Joël de ROSNAY

Directeur du développement et des relations internationales de la Cité des Sciences et de l'Industrie

Vendredi 30 mai 1997

M.

Stéphane HESSEL

Ambassadeur de France

Jeudi 5 juin 1997

M.

Roger FAUROUX

Président de la commission de réflexion sur l'école

Jeudi 5 juin 1997

M.

Michel ALBERGANTI

Journaliste

Mercredi 11 juin 1997

Mme

Odile LEPERRE-VERRIER

Parti radical socialiste

ANNEXE N° 6 :LISTE DES DÉPLACEMENTS

- 9-19 décembre 1996 :

Canada et États-Unis

- 21 février 1997 :

Parthenay

- 26 février 1997 :

Centre Paris Informatique

- 10 mars 1997 :

Lyon

- 31 mars-4 avril 1997 :

Suède et Finlande

- 13 mai 1997 :

Vercors

- 15 mai 1997 :

Bruxelles (Commission des Communautés europénnes)

ANNEXE N° 7 BIBLIOGRAPHIE

Association française de la télématique

Multimédia, Internet - Les enjeux pour la France

ATTALI Jacques

Chemins de sagesse, traité du labyrinthe, Fayard

BAQUIAST Jean-Paul

Les administrations et les autoroutes de l'information. Vers la cyberadministration : stratégies et pratiques, Les éditions d'organisation

BRETON Philippe

L'utopie de la communication, le mythe du « village planétaire », La Découverte

BURON Georges-Louis et BRUILLARD Eric

L'informatique et ses usagers dans l'éducation, PUF

CRINON Jacques et GAUTELLIER Christian (sous la dir.)

Apprendre avec le multimédia,où en est-on ? Retz

DELACOTE Goéry

Savoir apprendre. Les nouvelles méthodes, Odile Jacob

DUCHESNE Sophie

Citoyenneté à la française, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques

DUFOUR Armand

Le cybermarketing, Que Sais-je ?

EVENO Emmanuel

Les pouvoirs urbains face aux technologies d'information et de communication, Que Sais-je ?

FELDEN Marceau

La démocratie au XXIe siècle, Jean-Claude Lattès

GONNET Jacques

Education et médias, Que Sais-je ?

HARVEY Pierre-Léonard

Cyberespace et communautique. Appropriation-réseaux-groupes virtuels, Les Presses de l'Université Laval

HERMET Guy

La démocratie, Flammarion

Les cahiers de médiologie

n° 2, Gallimard

LÉVY Pierre

L'intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace, La Découverte

LÉVY Pierre

Qu'est-ce que le virtuel ?, La Découverte

MASSÉ Alain

Internet la révolution est pour demain, Les éditions du Téléphone

MATTELART Armand

La mondialisation de la communication, Que Sais-je ?

Médias Pouvoir

n° 43-44

MUSSO Pierre

Télécommunications et philosophie des réseaux, la postérité paradoxale de Saint-Simon, PUF

PERRIAULT Jacques

La communication du savoir à distance, L'Harmattan

ROSNAY Joël de

L'homme symbiotique - Regards sur le troisième millénaire, Le Seuil

SÉNÉCAL Michel

L'espace médiatique, les communications à l'épreuve de la démocratie, Liber

VIRILIO Paul

Cybermonde, la politique du pire, Le Seuil

WOLTON Dominique

Penser la communication, Flammarion

EXAMEN PAR L'OFFICE

Jeudi 3 juillet 1997.- Présidence de M. Jean-Yves LE DÉAUT, député, président. L'office a tout d'abord procédé à l'examen du rapport sur les techniques des apprentissages essentiels pour une bonne insertion dans la société de l'information, sur le rapport de M. Franck SÉRUSCLAT, sénateur, rapporteur.

M. Franck SÉRUSCLAT, sénateur, rapporteur, a d'abord expliqué que le rapport examinait le rôle des nouvelles techniques d'information et de communication (NTIC) pendant le temps scolaire et tendait à dégager des hypothèses pour l'utilisation de ces techniques pour le développement de la vie des citoyens. Il a observé que ces techniques avaient fait leur entrée dans la vie quotidienne de chacun. Il a, en outre, rappelé que l'office parlementaire s'était intéressé, depuis plusieurs années déjà, aux conséquences de cette évolution et s'est félicité de l'ouverture d'un forum de discussion hébergé sur le site Internet du Sénat à l'occasion de l'élaboration du rapport.

S'agissant de l'éducation, il a regretté que les directives prises par le ministère ne se traduisent pas suffisamment sur le terrain et que les initiatives locales ne trouvent que trop rarement un écho auprès des services de l'État. Il s'est inquiété des risques d'inégalité qui en résultent, à l'heure où l'ordinateur joue le rôle d'un «nouveau stylo».

Il a ensuite regretté l'absence de véritable formation, tant initiale que continue, des enseignants. Plus largement, il a estimé que l'ensemble de la pédagogie relative à l'utilisation de l'ordinateur à l'école devrait faire l'objet d'une définition précise.

Abordant la citoyenneté, M. Franck SÉRUSCLAT, sénateur, rapporteur, s'est interrogé sur l'usage des NTIC, à l'heure où certains croient discerner un essoufflement de la démocratie représentative. Il a expliqué que ces nouveaux outils permettraient l'échange d'informations entre élus et électeurs. Il a néanmoins noté qu'il ne faudrait pas, pour autant, sacrifier aux illusions de la démocratie directe, et demander aux citoyens de se prononcer dans l'instant, sans recul.

À l'issue de cette présentation, un débat s'est engagé.

M. Pierre LAFFITTE, sénateur, a félicité le rapporteur pour son rapport qui traite d'un problème, à ses yeux, urgent et fondamental. S'agissant du domaine scolaire, il a jugé, à son tour, que le retard français devait être comblé rapidement. Il a expliqué que cette «croisade nécessaire» ne se heurtait pas principalement à des contraintes financières mais à des considérations culturelles. Aussi a-t-il estimé qu'il était envisageable d'étendre à un grand nombre d'établissements la connexion aux réseaux, à l'occasion d'un «net-day» où il serait fait appel à des volontaires, à des mécènes mais aussi à l'appui des institutions européennes.

M. Yves COCHET, député, après avoir souligné le discours moderniste de plusieurs responsables politiques français, a regretté que tous n'aient pas encore pris conscience du changement fondamental induit par les NTIC sur la vie des individus, des sociétés et des organisations. Il a estimé qu'il fallait d'abord concevoir les principes d'utilisation de ces nouveaux outils dans la société. Il a fait valoir la symétrie entre le rôle de l'utilisateur et celui du concepteur des systèmes qu'apportent les nouvelles techniques de communication comme un facteur qui devrait être pris en compte, notamment à l'occasion de la mise en place d'un véritable service public des réseaux à valeur ajoutée.

Mme Michèle RIVASI, député, a mis en évidence, pour sa part, les obstacles liés à la formation des enseignants. Elle a regretté que l'informatique ne soit pas toujours conçue comme un outil intégré à la pédagogie. Elle a, en outre, jugé qu'il fallait s'attacher à définir les contenus des programmes diffusés par ces nouveaux outils. Elle a estimé qu'une telle démarche supposait, parallèlement, de développer l'esprit critique des élèves pour prévenir les risques de désinformation.

M. Claude BIRRAUX, député, se référant au département dont il est l'élu, a souligné le caractère fondamental des préoccupations relatives aux NTIC, les enjeux démocratiques posés par les réseaux et a relevé l'inadéquation partielle de la législation applicable actuellement en la matière.

M. Noël MAMÈRE, député, a repris les préoccupations exprimées par le rapporteur quant aux utilisations d'Internet. Au nom de la vocation universaliste des principes démocratiques, il a estimé qu'il fallait définir un équilibre entre l'écrit et les nouvelles techniques de communication dans la formation des élèves et futurs citoyens. Il s'est, en outre, interrogé sur les moyens de les utiliser pour renforcer les services au public au niveau local.

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député, président, a souligné le caractère préoccupant du retard français en matière d'équipement des établissements scolaires.

Répondant aux différents intervenants, M. Franck SÉRUSCLAT, sénateur, rapporteur, a souligné les convergences de vues qu'ils ont exprimées. Il a notamment relevé qu'il s'était attaché à décrire les dangers que présentent les réseaux, relatifs en particulier à la navigation hypertexte.

Le rapport a alors été adopté à l'unanimité des présents.

* 1 Philippe Breton, L'utopie de la communication, le mtyhe du « village planétaire», La Découverte.

* 2 Jacques Attali, Chemins de sagesse, traité du Labyrinthe. Fayard.

* 3 Alain Fienkielkraut, L'impasse ou l'échappée ? Dialogue entre P. Lévy et A. Fienkielkraut, in Cahiers de médiologie n°2, Gallimard, novembre 96.

* 4 Pierre Léonard Harvey , Cyberespace et communautique. Appropriation. Réseaux. Groupes virtuels. Les Presses de l'Université Laval, 1996.

* 5 Marceau Felden. La démocratie au XXIe siècle, J.C. Lattès, 1996.

* 6 Internet, l'extase et l'effroi, Manière de voir, octobre 1996.

* 7 Edgard Morin, Le défi de la complexité in UNU/IDATE, Science et pratique de la complexité. La Documentation française, 1986.

* 8 Le Monde , 9 avril 1997.

* 9 On pense récemment à la publication sur Internet du « Grand secret », à la mise en réseau du dossier d'instruction de l'affaire Gigastorage....

* 10 Voir Pierre Lévy.

* 11 « Les NTIC : L'homme cybernétique ? », rapport de l'OPECST, doc. AN n° 1980, dixième législature, Sénat n°232 (1994-1995) (épuisé).

* 12 "L'hypertexte permet de ne pas suivre un ordre imposé. (...) Certains mots sont mis en évidence par un signe quelconque. Il suffit de cliquer dessus pour faire apparaître un texte à leur sujet, lequel texte peut lui-même contenir des mots soulignés..."

* 13 Faut-il encore définir la souris ? Les récents dictionnaires "multimédia" ne le font plus !

* 14 La mémoire dure (ou morte) est la mémoire dans laquelle sont stockées toutes les données nécessaires au fonctionnement de l'ordinateur (logiciels) et celles créées par l'utilisateur.

* 15 Elément informatique de base composé de huit éléments binaires (huit bits). Les soucis de rapidité de transmission incitent les fabricants à traiter des ensemble de 16, 32 voire 64 bits.

* 16 Le microprocesseur traite et fait circuler l'ensemble des données dans l'ordinateur. Il se présente sous la forme d'un circuit intégré (boîtier avec une puce).

* 17 La mémoire vive est la mémoire nécessaire au travail ; son contenu peut disparaître par simple mauvaise manoeuvre si elle n'a pas été sauvegardée sur lamémoire dure.

* 18 Compact disc read only memory : se prête à la lecture mais à aucune forme d'écriture. Pour autant, le cédérom demeure un outil interactif.

* 19 C'est ainsi que l'on nomme le fait de se promener sur les réseaux.

* 20 Entretien avec M. Bernard Dizambourg, directeur de la DISTNB.

* 21 Icône : nom masculin ou féminin. Signe dont le signifiant et le signifié sont dans une relation « naturelle » (ressemblance, évocation).

* 22 "Off line », diront les branchés du multimédia, utilisant le terme anglais aussi facilement compréhensible francisé.

* 23 Acronyme de MOdulateur - DEModulateur. Il convertit les données numériques, par l'intermédiaire d'une ligne téléphonique relié à l'ordinateur. Il est l'élément nécessaire à la connexion à un réseau.

* 24 Yahoo, Excite, Lycos....

* 25 Le Web ou "World Wide Web" utilise la technique hypermédia ; il permet l'établissement de liens à l'infini entre les différents serveurs proposés par des éditeurs ou les utlisateurs eux-mêmes. Cette technique hypermédia relie des données à la fois textuelles, imagées (fixes ou animées) et sonores.

* 26 Hyper text mark-up language : langage nécessaire pour réaliser un document Web. Il permet de créer des liens hypertextes ou hypermédias, soit avec une partie du même document, soit avec un autre document situé sur un autre ordinateur relié à Internet.

* 27 Le terme anglais couramment utilisé est celui de "provider".

* 28 Ex : la mise sur le réseau du Grand secret, livre du Dr Gubler, après son interdiction par un tribunal.

* 29 Commission européenne. Juillet 1996.

* 30 Rapport du groupe présidé par M. Thierry Miléo. Editions ESKA, collections Rapports officiels.

* 31 Personne utilisant Internet.

* 32 Rapport de M. Jean François-Poncet, Sénat n°242 (1996-1997).

* 33 Entretien avec M.Gérard Théry, Président de la Cité des sciences ; 29 janvier 1997.

* 34 Entretien avec M. Pierre Martin, Sénateur de la Somme.

* 35 Mme Le Coz. Citée dans le rapport de M. Franck Sérusclat « Les NTIC : l'homme cybernétique », rapport OPECST, doc AN (10e législature) n° 1980, Sénat n° 232 (1994-1995).

* 36 Centre de Liaison de l'enseignement et des moyens d'information.

* 37 Cf. chapitre premier.

* 38 Entretien du 20 Novembre 1996.

* 39 Déclaration de l'Assemblée générale de l'EPI. 12 Octobre 1996.

* 40 Entretien avec M. Chéreau, 16 avril 1997.

* 41 Entretien avec M. Nicolaou, 3 Décembre 1996.

* 42 Entretien avec le CLEMI.

* 43 Audition du 19 mars 1996.

* 44 Déplacement du 10 Mars 1997. Entretien avec MM Jumantier, Jaffard et Subtil.

* 45 Réflexion suggérée par Mme Bardi, inspectrice d'Académie, responsable des nouvelles technologies pour l'académie de Créteil. Entretien du 27 novembre 1996.

* 46 Note remise par le ministre au rapporteur. 19 mars 1996.

* 47 Entretien du 26 février 1997 avec M. Jean-François Liska.

* 48 Conférence Ecsite. Déc 1996. Cité des Sciences et de l'Industrie.

* 49 Nous renvoyons, pour plus de précisions sur cette question, aux rapports MM. Alain Gérard et René Trégouët (à paraître).

* 50 Note remise par le ministre au rapporteur. 19 mars 1996

* 51 Ibid.

* 52 Jacques Chirac, entretien télévisé du 11 mars 1997.

* 53 Expression empruntée à M. Yves Lasfargues, CFDT.

* 54 Déjeuner « Collectivités locales - M. Dominique Azam Région midi Pyrénées.

* 55 Il ne s'agit pas dans cette partie, de prétendre à l'exhaustivité mais au contraire de mettre en avant certaines pratiques différenciées.

* 56 On trouvera en annexe les textes introductifs aux débats qui ont eu lieu dans le cadre de ce forum de même qu'un bilan du contenu des échanges.

* 57 A partir d'une rencontre avec les enseignants des écoles de Saint-Fons (Rhône).

* 58 Au-dessus de l'ordinateur, un schéma est accroché au mur, présentant les façons dont les doigts doivent être positionnés sur le clavier.

* 59 Cité par Mme Rachel Cohen in « Quand l'ordinateur parle ... ».

* 60 Visite et entretiens du 13 mai 1997.

* 61 Jean Faure, Président du district, in Le district n° 1, juillet 1994.

* 62 Option facultative pour le baccalauréat, correspondant à deux heures par semaine.

* 63 Expérimentation du lycée Saint-Exupéry de Lyon.

* 64 Notamment sur les sites des 13 académies pilotes retenues dans le cadre des expérimentations lancées à l'initiative de M. François Bayrou.

* 65 M. Patrick Mendelsohn, professeur, Genève, Université d'été de la communication, Août 1996.

* 66 M. Claude Bastien, Professeur université de Provence. débats "Cliquez pour le savoir : Multimédia et nouveaux modes d'apprentissages », Cité des Sciences, Octobre 1996.

* 67 Entretien au lycée Jean Prévost.

* 68 Entretien avec Mme Cohen.

* 69 Serveur pédagogique canadien disponible sur Internet. Ce serveur constitue à ce titre un élément essentiel d'analyses en offrant des évaluations faites à partir de pratiques expérimentales.

* 70 M. Claude Bastien, Professeur université de Provence. débats "Cliquez pour le savoir : Multimédia et nouveaux modes d'apprentissages. » Cité des Sciences, Octobre 1996

* 71 M. Claude Bastien, Professeur université de Provence. débats "Cliquez pour le savoir : Multimédia et nouveaux modes d'apprentissages. » Cité des Sciences, Octobre 1996.

* 72 in " Quand l'ordinateur parle...  » Rachel Cohen, PUF l'éducateur. 1992. p 93.

* 73 in projet " Rescol  ». Cf supra.

* 74 Entretien M Barbarant, FEN.

* 75 Entretien avec M. Viaud, EPI.

* 76 Visite au lycée Saint-Exupéry de Lyon.

* 77 Entretien avec M Benoît Menu, CLEMI.

* 78 A partir de l'intervention de M. Pierre Bongiovanni, "Cliquez pour le savoir ; Multimédia : un nouveau type d'écriture », Cité des Sciences, 26 Octobre 1996.

* 79 Voir rapport OPECST. « NTIC : l'homme cybernétique ? », op. cit.

* 80 Entretien avec les responsables de la revue Médialog , académie de Créteil. M. Ginioux, Mme Bardi, 27 novembre 1996.

* 81 Audition de M. François Bayrou, mercredi 19 mars 1997.

* 82 À partir de l'entretien avec M. Thierry Taboy, le 16 avril 1997.

* 83 Voir supra.

* 84 Luc Ferry. Ecsite. Décembre 1996.

* 85 Expression pertinente empruntée à Yves Lasfargues.

* 86 Entretien avec Mme Laudouar.

* 87 Réflexion de M. Yves Lasfargues, entretien du 6 mai 1997.

* 88 Philippe Quéau, Le Monde de l'Education , avril 1997.

* 89 Paul Virilio in Connaissance des arts , , octobre 1996.

* 90 Joël de Rosnay in L'homme symbiotique .

* 91 La mission a sollicité tous les syndicats représentatifs de l'Éducation nationale ainsi que les grandes fédérations. Ont été entendues dans ce cadre la FEN, la FSU, la CFTC, la CFDT.

* 92 Entretien avec M. Jean-Claude Barbarant. 4 mars 1997.

* 93 Entretien avec MM. Blanchet et Peudon, 7 mai 1997.

* 94 SNES, SENSup, EPI, SECIF.

* 95 C'est semble t-il, d'ores et déjà le cas.

* 96 PEEP et FCPE.

* 97 Audition de M. Jean-Pierre Bocquet, Président de la PEEP. 25 février 1997.

* 98 Audition de MM. Georges Dupont-Lahitte, Président de la FCPE, et M. Vielix, chargé de mission. 27 février 1997.

* 99 Francis Balle, entretien du 28 mai 1997, Boury et associés.

* 100 (Pédagogie, enseignements scolaires et orientation : bureau ES 1). Texte adressé aux recteurs et aux inspecteurs d'académie (B.O.E.N. n° 35 du 30 septembre 1965.)

* 101 C'est nous qui soulignons.

* 102 Anne-Marie Bardi, Médialog , n° 29.

* 103 I. Ramonet Le Monde diplomatique n° 514, janvier 1997.

* 104 I. Ramonet Le Monde diplomatique n° 514, janvier 1997.

* 105 J. Attali « La surclasse », Le Monde, 7 mars 1996.

* 106 « 2100 récit du prochain siècle », sous la direction de M. Thierry Gaudin, Payot.

* 107 Ibid.

* 108 Ibid.

* 109 Ibid.

* 110 Michel Alberganti, Le Monde, 14 juin 1997.

* 111 Sophie Duchesne,« La citoyenneté à la française », Presses de Sciences Po, Avril 1997.

* 112 Guy Hermet, « La démocratie », Dominos, Flammarion, mai 1997.

* 113 Sophie Duchesne, op. cit.

* 114 Article premier.- Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de bienveillance.

Art. 2.- Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international, du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

* 115 Entretien avec Mme Francine Best, le 11 juin 1997.

* 116 François Henri de Virieu, Le Monde, 12 juin 1997.

* 117 Guy Hermet, La Démocratie, op. cit.

* 118 In la Mondialisation de la communication, op. cit.

* 119 Guy Hermet, la Démocratie, op. cit.

* 120 François Henri de Virieu, Le Monde , article cité.

* 121 La société de l'information et la population.

* 122 Les habitants d'Athis-Mons sont les Athégiens.

* 123 Un outil au service des citoyens, Le Monde , jeudi 23 janvier 1997.

* 124 Le Monde, Dimanche 8-Lundi 9 décembre 1996.

* 125 Multimedia European Experimental Towns with Social-pull Approach.

* 126 Stratégie Européenne et Régionale pour l'Information dans la Société et l'économie.

* 127 Les Sixièmes rencontres de l'Observatoire des télécommunications dans la ville, in « Multimédia dans les cités interactives. Les Actes ».

* 128 L'intégralité du questionnaire figure en annexe.

* 129 Michel Albertganti Le Monde, Samedi 26 avril 1997.

* 130 Internet en Questions, Economica.

* 131 Serge Guérin.

* 132 D'après une analyse de Federico Mayor.

* 133 Entretien du 7 mai 1997.

* 134 Cf. Le Monde, 6 juin 1997.

* 135 Cf. Résistances américaines aux nouvelles technologies par Kirkpatrick Sale, Le Monde .

* 136 Entretien à l 'Événement du Jeudi , 29 mai - 4 juin 1997.

* 137 Le Quotidien du médecin , n° 6074, cahier 2, mercredi 28 mai 1997.

* 138 Entretien du 30 mai 1997.

* 139 Entretien du 14 mai 1997.

* 140 Entendre par là un individu.

* 141 Régis Debray : Table ronde sur le thème « Réseaux, Politiques et Territoires », organisée par le Commissariat général du Plan, le 13 mars 1997.

* 142 J.-C. Coiffet, Ph. Herzog, J. Glavany et C. Julien : notes prises lors du colloque de Romans sur la Mondialisation, le 6 avril 1997.

* 143 Forum de la citoyenneté, Paris, 12-13 octobre 1996

* 144 Albert Desserprit, « Le Citoyen, l'Élu et la Démocratie », La lettre de l'Antenne sociale , année 1997, n° 2.

* 145 A. et H. Toffler, « Créer une nouvelle civilisation, la politique de la troisième vague », Fayard.

* 146 « Les nouvelles technologies d'information et de communication : l'homme cybernétique ? », Doc. AN n°1980 et Sénat n°232 (1994-1995).

* 147 La Tribune , lundi 24 mars 1997.

* 148 La Vie , 21 novembre 1996.

* 149 Le nombre des consultations reste, au contraire, difficile à estimer. Faut-il considérer que toutes les consultations du serveur du Sénat l'ont également été pour le forum, ce qui porterait à plus de 100 000 le nombre mensuel des participants au forum. Faut-il, à l'inverse, considérer que seul un pourcentage infime de ces consultants a accédé au site du Sénat pour consulter le forum ? La vérité se situe probablement entre les deux.

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