V. LA REFORME ET LA " DIVERGENCE " :

A) DES APPROCHES DIFFERENTES ENTRE LE NORD ET LE SUD DE L'EUROPE

Autant faire preuve d'une certaine humilité : de même que les liens de l'imprimerie avec l'humanisme, ou la réforme, on ne saurait résumer les relations entre la réforme et le développement économique en une simple filiation.

En ce qui concerne les effets de l'imprimerie, l'écheveau des causes et des conséquences s'avère, on l'a vu, particulièrement complexe. S'agissant des conséquences de la réforme, les choses sont encore plus complexes. Tout un faisceau de facteurs agissent de concert, qu'ils soient géographiques, historiques, humains, structurels ou circonstanciels, individuels ou collectifs. Et, de surcroît, on ne saurait assez souligner ce fait. La part du seul élément confessionnel est particulièrement difficile à évaluer.

Devant un tel enchevêtrement d'explications possibles, se prêtant, ici plus que jamais, à de féroces controverses, mieux vaut s'en tenir, comme le font avec pertinence Alain Peyrefitte et Pierre Chaunu, à des rapprochements aussi incontestables que possible.

Selon Alain Peyrefitte : " en rapprochant systématiquement la carte religieuse de l'Europe et les cartes des phénomènes économiques, sociaux et culturels, on constate qu'elles se recouvrent à peu près exactement ; et qu'en termes statistiques, ces recouvrements sont significatifs ".

Pierre Chaunu, de son côté, corrobore cette analyse : " On pourrait parler... d'une corrélation positive entre l'histoire de la chrétienté protestante et dynamique économique, d'une part ; corrélation négative, d'autre part, entre la ligne de la chrétienté catholique et les schémas éprouvés d'une histoire dynamique et quantitative de moins en moins économique et de plus en plus totale ". Et plus loin : " On ne peut guère, présentement, que constater l'accord. Il est grossier, vrai dans ses grandes lignes seulement, mais il se place en dehors de toute polémique possible ".

Pourtant, Alain Peyrefitte affirme par ailleurs que " les corrélations... restent trop isolées pour ne pas prêter à contestation... " et que " le lien entre la confession religieuse et le comportement économique reste sujet à caution ".

Pourquoi ? Parce que l'on manque d'études suffisamment systématiques. Chaunu incline, en effet, à penser, d'une part, que " le concept de mentalité économique reste encore à construire " et que, d'autre part , la fécondité de l'analyse de la longue imprégnation religieuse des sociétés européennes " a été sans doute largement sous-estimée ".

" Ce n'est pas seulement au XVI e siècle et au XVII e siècle
- ose-t-il affirmer - que la géographie religieuse est pertinente. C'est encore le cas à la fin du XX e siècle ". Il faudra, en effet, s'en souvenir. Comme il faudra avoir sans cesse présent à l'esprit ceci : " Ce critère religieux hérité du XVI e siècle demeure un discriminant topique ".