6. Le projet Sesam Vitale

Le projet Sesam vitale d'informatisation de l'assurance maladie constitue le dernier et le plus récent exemple d'opération d'envergure mal conduite.

A l'horizon de l'an 2000, l'ensemble des ressortissants du régime général doivent se trouver dotés d'une carte à puce remplaçant le support papier actuel ainsi que le carnet de santé et comportant, éventuellement, des données relatives à l'assurance complémentaire.

Un système de télétransmission des informations du cabinet du médecin vers les caisses devait se substituer, avant la fin de 1998, aux 850 millions de feuilles de soins circulant chaque année, ce qui suppose la mise en place d'ici cette date des équipements et liaisons informatiques nécessaires. Mais le mécanisme prévu ne couvrirait ni le règlement des honoraires ni les prescriptions (continuant à être établies sous forme d'ordonnances).

Ces échanges permanents d'information entre les caisses, les professionnels de santé et les assurances sont indispensables à une maîtrise efficace des dépenses selon le directeur de la CNAMTS, Gérard Rameix.

Le coût de la première phase de la réalisation de ce projet est évalué à 4 milliards de francs.

Engagé depuis dix ans, sans volonté politique ferme, ce processus a été relancé en 1996 par le plan Juppé de réforme de la sécurité sociale.

Malgré de tels délais, M. Rozmaryn, dans un rapport remis au Gouvernement à la fin du mois d'octobre 1996, a estimé que cette révolution avait été mal préparée par l'assurance maladie.

L'ingénieur général des télécommunications y dénonce tout à la fois des lacunes dans la sécurité du système "peu arbitrée et sans doute mal équilibrée" et surtout l'absence de retour d'information vers les professionnels de santé pourtant soumis à des contraintes alourdies. Il aurait préféré confier la maîtrise d'ouvrage à un délégué général entouré d'une petite équipe de haut niveau plutôt qu'à la CNAMTS, comme l'a décidé le Gouvernement.

En revanche, satisfaction lui a été donnée en ce qui concerne la création d'un " Conseil supérieur des systèmes d'information de santé " correspondant à la structure de concertation qu'il souhaitait.

M. Rozmaryn suggérait de ne pas faire cette réforme " à marche forcée ". Dans ces conditions, il est peu probable que l'informatisation des cabinets médicaux soit achevée à la fin de 1998 comme l'avait annoncé le précédent Gouvernement.

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Au moins les deux derniers exemples cités concernent-ils des domaines (éducation et santé) qui sont par nature du ressort de l'intervention des administrations publiques.

Tel n'était pas le cas des ingénieurs de l'Etat dans la sphère des activités industrielles marchandes.

Plus préoccupés de tendre la sébile ou de limiter les dégâts causés par les interventions trop souvent maladroites des pouvoirs publics, les constructeurs informatiques français n'ont pas su définir les stratégies qui leur auraient permis de mieux s'adapter aux évolutions de la technologie et du marché.

Cela s'est produit lors de l'irruption de la micro-informatique et de l'essor des progiciels (dont la diffusion ne connaît pas de limites physiques, contrairement aux activités de services qui se comptent en heures d'ingénieurs et dépendent de l'existence de la demande d'une clientèle particulière).

Souhaitons, même s'il est un peu tard, que le maximum de nos PME sachent profiter de l'explosion des réseaux sous toutes ses formes (Internet, Intranet...), sans entrave de la part de l'Etat (comme nous le verrons plus loin).

En tout état de cause, jusqu'en 1992, les actions de l'Etat dans le secteur de l'informatique, tous types d'interventions confondus, auront coûté au contribuable français plus de 40 milliards de francs pour un bien piètre résultat. Le florilège des sottises publiques dans le domaine des techniques audiovisuelles vaut presque l'anthologie de celles commises en matière d'informatique.