2. Les chaînes généralistes : la culture en marge

La télévision publique a un rôle à jouer pour enrayer ce processus qui résulte de l'internationalisation du paysage audiovisuel français. C'est à elle qu'il incombe de sauvegarder l'esprit de la télévision généraliste qui contribue au maintien de l'identité nationale.

" Seule la télévision généraliste, dit encore Dominique Wolton , est apte à offrir à la fois cette égalité d'accès, fondement du modèle démocratique, et cette palette de programmes qui peut refléter l'hétérogénéité sociale et culturelle. La grille des programmes permet de retrouver les éléments indispensables à l' " être ensemble ". Elle constitue une école de tolérance au sens où chacun est obligé de reconnaître que les programmes qu'il n'aime pas ont autant de légitimité que ceux qu'il aime, du seul fait que les uns cohabitent avec les autres. "

Mais force est de constater que la culture, au sens non de pratique collective commune à une collectivité mais de patrimoine intellectuel collectif, a tendance à être évacuée des écrans des chaînes généralistes.

A l'exception d'ARTE et de La Cinquième, mais qui jouent à cet égard le rôle de chaîne thématique, on constate que les chaînes, surtout lorsqu'elles sont commerciales proposent naturellement des programmes de divertissement ; en effet, des programmes culturels plus difficiles d'accès n'attirent qu'un nombre limité de téléspectateurs.

Culture et télévision : l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel
L'étude que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a consacrée à la culture et à la télévision aboutit à des conclusions plutôt désabusées.

La notion même " d'émission culturelle " est ambiguë - car il faudrait savoir s'il faut se restreindre à la comptabilisation des émissions consacrées aux arts et spectacles vivants, théâtre, musique, ballet... ou si l'on peut prendre également en compte d'autres émissions, dès lors qu'elles apportent des connaissances -. Cette étude démontre l'effet limité des obligations actuellement imposées aux chaînes dans le domaine culturel.

En dépit, en 1994, du renforcement des obligations des chaînes en ce qui concerne la musique et les spectacles pour lesquels les seuils minima de diffusion ont été relevés, le dispositif réglementaire reste sinon peu contraignant du moins aisément contournable.

Les cahiers des charges de France 2 et France 3 prévoient l'obligation de diffuser au minimum 15 spectacles lyriques, chorégraphiques ou dramatiques, ainsi que 16 heures de musique classique interprétée par des orchestres français ou européens. Pour les chaînes privées, des obligations de même nature mais de niveau sensiblement moindre sont prévues : diffusion de douze spectacles et de 10 concerts pour TF1 ; programmation de magazines et de documentaires pour TF1 et M6, avec pour cette dernière la coproduction.

D'une façon générale, les cahiers des charges ne fixent pas d'objectifs quantitatifs mais énoncent de simples obligations de principe : diffuser des émissions régulières consacrées à l'évolution des sciences et des techniques, à l'expression littéraire, à l'histoire, au cinéma, aux arts plastiques...

Si l'on ne prend en compte que les programmes classés DISC - c'est à dire Documents/Information (hors journaux télévisés)/Services/Culture - mais en en extrayant certaines émissions sans véritable caractère culturel (campagnes électorales, débats parlementaires, cérémonies religieuses, ainsi que diverses émissions à caractère de service public), on constate que les chaînes hertziennes ne consacrent à la culture ainsi définie qu'une part voisine de 10 % de leur programmation.

Cette programmation culturelle déjà faible est aussi très largement nocturne, ce qui diminue encore son audience. Ainsi sur TF1, seuls 6,5% des émissions culturelles sont diffusées entre 6 heures 30 et minuit. La musique et les spectacles sont totalement absents des programmes de jour. En revanche Canal + programme près d'un tiers de ses émissions en journée. Les chaînes du secteur public font sensiblement mieux même si l'essentiel de la programmation culturelle reste encore nocturne : ainsi, sur France 2 on note que seulement 26,2 % de ces émissions sont programmés de jour, taux qui tombe à 16,2 % pour les magazines et documentaires sur les arts.

Rien d'étonnant à ce que dans l'ensemble, les émissions culturelles aient une audience des plus restreintes, en raison non seulement de leur passage à des heures tardives mais surtout parce qu'elles ne répondent guère aux attentes d'un public avide de distractions : si les programmes culturels représentent plus de 28 % du volume des programmes diffusés, ils ne captent même pas 14 % du temps passé par les téléspectateurs devant leur poste de télévision.

Il faut remarquer qu'une partie de ces résultats sont atteints surtout par TF1 et M6 au prix de rediffusions nocturnes. On note également que les arts du spectacle et les arts plastiques ne bénéficient que d'un service minimum : pas d'émissions spécifiques, mais de simples retransmissions, bref pas de programmation suivie. Même pour la littérature, domaine en général le mieux traité, le nombre d'émissions spécifiques a d'ailleurs tendance à diminuer. Ainsi France 2 ne diffuse plus que des émissions pluriculturelles telles Bouillon de culture ou Le Cercle de Minuit .

L'étude du Conseil supérieur de l'audiovisuel porte un jugement plutôt favorable sur France 3 qui " s'affirme des deux chaînes du secteur public comme la plus tournée vers les programmes culturels. Chaque soirée peut proposer, certes souvent tardivement, une émission de type culturel sur les arts ou de connaissance... En outre, les stations régionales de France 3 proposent chacune de nombreuses émissions culturelles."

Finalement seuls ARTE et La cinquième, conformément à leur vocation, présentent toujours selon le Conseil supérieur de l'audiovisuel, une offre abondante et diversifiée, performance qui tient au fait que ces chaînes n'ont pas " l'obligation de rassembler le plus grand nombre de téléspectateurs à chaque instant ". Et parce que leur budget n'est pratiquement pas lié aux ressources publicitaires.

Bref, à de rares exceptions près, la culture est reléguée en-dehors de la plage de programmation utile. Il faut toutefois remarquer que le nombre de personnes touchées est considérable, même si la culture classique n'occupe qu'une place marginale dans le bouillon de culture médiatique dans lequel nous baignons.

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