III. LES POSTES DE DÉPENSES NE SONT PAS LA PRINCIPALE SOURCE D'INFLATION

A. LA STRUCTURE DES DEVIS DE PRODUCTION RESTE RELATIVEMENT STABLE SUR LA PÉRIODE 1980-97

• Au cours de la période, la structure du devis de production des longs métrages d'initiative française n'a pas connu de bouleversements majeurs. Chaque poste de dépenses du devis a évolué quasiment au rythme du coût moyen.

• L'analyse statistique fait tout de même ressortir certains phénomènes lorsque l'on considère les périodes identifiées dans le chapitre sur la production. En particulier,

- au cours de la période 1983-87, les dépenses techniques afférentes au tournage et à la post-production ont été un des facteurs d'inflation du coût moyen des films d'initiative française ;

- au cours de la période 1987-92, le poste " Frais généraux et imprévus " a relativement plus contribué à cette hausse, de même que, dans une moindre mesure, le poste " Droits artistiques ", surtout en fin de période ;

- la période 92-97 est à nouveau caractérisée par une évolution rapide des dépenses techniques afférentes au tournage et à la post-production, et des dépenses relatives aux droits artistiques. Dans le même temps, on observe une certaine reprise du coût de la rémunération des interprètes.

• Les facteurs qui ont contribué à la hausse du coût moyen des films d'initiatives françaises, lors de ces différentes périodes, sont les suivants.

1. 1983-87 : augmentation rapide des dépenses techniques

• Cette augmentation s'explique essentiellement par la hausse du prix des prestations de post-production sonore avec l'apparition des innovations Dolby/ THX.

- Ce type d'innovations a conduit à augmenter de manière sensible le temps nécessaire au montage et au mixage de la bande son des longs métrages (en moyenne 8 semaines, contre 2 semaines auparavant).

- Les dépenses effectuées sur le poste de post-production ont donc suivi.

2. 1987-92 : augmentation des frais financiers

• La période 1987-92 a connu une forte hausse des frais financiers à payer par les producteurs délégués - inclus dans le poste " frais généraux et imprévus ".

• Deux constats expliquent cette évolution.

1. Au cours de cette période, la forte chute de la fréquentation des salles a fragilisé le tissu économique du secteur de la production. La plupart des entreprises, sous-capitalisées et sans réelle capacité d'investissement, se sont trouvées dans une situation financière difficile.

2. La montée en puissance des chaînes de TV dans le financement des longs métrages a modifié les pratiques de financements : l'apport des chaînes ne constitue pas, au contraire de l'apport propre des producteurs et des sommes versées au titre du compte de soutien ou de l'aide sélective, une avance de trésorerie. En effet, la plupart du temps, les chaînes versent la majorité de leur apport après avoir visionné le film.

• Ces deux évolutions ont obligé la plupart des producteurs à recourir, dans des proportions plus importantes qu'auparavant et de manière plus fréquente, à l'emprunt pour couvrir non seulement leurs apports propres mais aussi une large part des apports des chaînes.

3. A partir de 1990, augmentation des " Droits artistiques "

• Les minima garantis (M.G.) versés aux scénaristes, dialoguistes et au réalisateur, inclus dans le poste " Droits artistiques ", tendent à augmenter.

• Cette évolution marque un changement important : auparavant, conformément au cadre juridique du droit d'auteur, scénaristes, dialoguistes et réalisateurs se rémunéraient plus largement sur la base des entrées réalisées par le film, donc a posteriori. Les perspectives de rentabilisation des films allant en se dégradant, ils ont garanti leurs revenus à court terme, ce qui a conduit les producteurs à verser des M.G. de plus en plus élevés sans être certains de pouvoir les couvrir avec les recettes du film.

4. La question de la rémunération des acteurs

• Les entretiens avec des professionnels soulignent que, au cours de la période 1987-92, le cachet des interprètes, notamment des premiers rôles, a connu une forte hausse. Le rapport de l'Inspection générale des finances rédigé par J.P. Cluzel cite d'ailleurs l'évolution des cachets des acteurs comme " la première source de dérive du coût du cinéma français ", " les salaires d'interprétation élevés donnant un certain standing au film et contribuant à l'élévation du coût des autres postes du devis ".

• Or, l'analyse statistique ne fait pas ressortir clairement cette évolution. Selon, les données fournies par le CNC, la part des cachets des interprètes dans le budget moyen total des films d'initiative française aurait plutôt tendance à baisser au cours de la période, au rythme annuel moyen de 2,3%, comme au cours de la période 1980-83 (-3,7%).

• Toutefois, les analyses développées plus haut sur la rémunération des acteurs permettent de penser que la hausse du cachet des interprètes principaux aurait concerné une majorité de films et pourrait être finalement considérée comme une des causes les plus importantes de la hausse du coût moyen des films d'initiative française

5. 1992-97 : hausse des dépenses affectées aux effets spéciaux et droits artistiques

• L'analyse fait ressortir l'augmentation des dépenses relatives aux cachets des interprètes.

- Alors que le coût moyen des films croit de 2,1% par an, le poste " Interprètes ", qui jusqu'à présent évoluait moins vite, augmente au rythme de 2,7%.

- L'inflation du cachet des vedettes du grand écran a plusieurs raisons, déjà évoquées par le rapport Cluzel : star system français reposant sur un nombre réduit d'acteurs, volonté des producteurs de miser sur des valeurs sûres, insistance des chaînes de TV coproductrices pour que l'affiche comporte des noms susceptibles de garantir un niveau d'audience, surenchères de certaines sociétés de production désirant s'attacher les services de réalisateurs ou d'acteurs renommés, concentration des talents au sein d'un nombre réduit d'agences.

- Cependant, si la nouvelle hausse du nombre de films d'initiative française crée une tension inflationniste sur les cachets des vedettes les plus prisées (ces dernières voyant leur disponibilité se réduire), les stars ont depuis 2-3 ans tendance à accepter des salaires moindres, pourvu que le scénario leur apparaisse de bonne qualité et susceptible de garantir un plan de carrière honorable.

• L'analyse met par ailleurs en relief la tendance à la hausse des dépenses affectées aux effets spéciaux.

- Au cours de la période, le poids du poste "Moyens techniques" a augmenté plus vite que le coût moyen des films (6,2% l'an en moyenne contre 2,1%). Cette évolution traduit le recours accru aux effets spéciaux numériques, pour rivaliser avec le spectacle offert par les grosses productions nord-américaines.

- Pour information, sur Le cinquième élément le coût moyen des 231 plans de 3 secondes d'effet spéciaux était 400KF : cela correspond à des effets spéciaux numériques très complexes. Mais les prix des effets spéciaux sont extrêmement variés et peuvent être beaucoup moins chers : sur Les visiteurs 2 , le coût moyen des 100 plans d'effets spéciaux était 100KF.

• Cette période voit aussi la confirmation de la dérive observée lors de la période précédente sur les droits artistiques (+4,7% par an en moyenne, contre 2,1% pour le coût moyen des films)

- Cette évolution provient sans aucun doute de la prise de conscience au sein de la profession que ce sont avant tout les scénarios de qualité qui font le succès d'un film. Ainsi, la " course au bon projet " conduit les producteurs à sans cesse surenchérir pour s'attacher les services des scénaristes et dialoguiste à succès.

• Enfin, notons aussi qu'au cours de cette période, face à la concentration des entrées sur un nombre de plus en plus réduit de films et aux faibles perspectives de rentabilisation à court terme de leur film, certains producteurs ont fait le choix de se rémunérer confortablement dès la phase de développement du film.

- En 1997, la rémunération des producteurs représente ainsi en moyenne, tous types de films confondus, 3,5% du budget de production

- Lorsqu'il assume pleinement son risque, le producteur délégué est le dernier à se rémunérer : la remontée des recettes en salles paie normalement tout d'abord les exploitants de salles et les distributeurs, puis l'ensemble des créanciers et enfin les ayants droits et les coproducteurs. En se rémunérant en amont, certains producteurs font donc aujourd'hui le choix de limiter leur risque. Cette dérive contribue à accroître le coût moyen des films.

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