D. UNE STRUCTURE DE PRODUCTION QUI NE S'EST PAS ASSAINIE

1. Un secteur recourant de manière intensive à la main d'oeuvre

• Bien que le poids des rémunérations salariales (hors cotisations sociales) ait eu tendance à fortement décroître, il représente encore 40% des dépenses courantes (hors consommation intermédiaires) en 1995 (54% en 1989) (contre une moyenne de 25% dans l'industrie).

• Les 2/3 des salaires bruts concernent les intermittents.

- Le poids de la rémunération des intermittents dans le total des rémunérations salariales tourne autour de 65-69% au cours de la période 1989-95. Mais elle est sans doute sous-estimée, car les cotisations à la caisse des congés spectacles sont comptées vraisemblablement dans les cotisations sociales par les services comptables des entreprises, alors que pour les permanents, les charges équivalentes font partie des salaires bruts.

- Les grandes entreprises rémunèrent proportionnellement plus les intermittents (90% de la masse salariale pour les entreprises d'un C.A entre 50 et 100MF) que les petites entreprises (70% de la masse salariale pour les entreprises d'un C.A inférieur à 500 KF)

• Entre 1989 et 1995, le nombre de salariés permanents s'est sensiblement accru passant de 1373 à 1939 salariés (+6% par an en moyenne).

2. Un tissu économique composé de petites entreprises , fragiles

• Entre 1989 et 1995, le nombre de très petites entreprises de production cinématographique a eu tendance à s'accroître.

- En 1989, 42% des sociétés de production réalisaient un chiffre d'affaires inférieur à 500 KF et 74% un chiffres d'affaires inférieur à 5MF.

- En 1995, ce sont 50% des entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 500 KF et 83% un chiffre d'affaires inférieur à 5 MF

- En 1995, la forme juridique prépondérante des sociétés de production était la SARL (75% des sociétés)

- En moyenne, l'ensemble des sociétés du secteur emploie seulement 2,4 salariés permanents.

• Par rapport à 1989, le secteur a connu un mouvement de concentration, mais celui-ci est loin d'avoir été radical.

- le rapprochement entre grosses structures ou l'accroissement des performances de ces dernières, semble en effet expliquer ce phénomène : en 1995, les 3 premières sociétés du secteur totalisaient 30% du chiffre d'affaires du secteur, alors qu'en 1989, elles ne concentraient que 18%

- En 1995, sur les 797 sociétés de production autorisées par le CNC, 25 se partageaient 70% du chiffre d'affaires du secteur

- Sur les 170 sociétés du secteur réellement actives - nombre estimé par le BIPE- 145 se partageaient 24% du chiffre d'affaires total du secteur.

- Ainsi près de 80% des entreprises autorisées par le CNC réalise seulement 6% du chiffres d'affaires du secteur. Ce chiffre reflète le nombre important de sociétés " en sommeil " réalisant l'essentiel de leur recettes sur la commercialisation de droits de leur catalogue.

• Le marché de la production cinématographique se caractérise donc par un phénomène important " d'atomisation "

3. Un niveau de croissance soutenu, mais un secteur qui demeure globalement déficitaire malgré l'importance du soutien public.

• Entre 1989 et 1995, le secteur de la production cinématographique a connu un taux de croissance, exprimé en francs 95, de 4,2% en moyenne par an, ce qui reste plus élevé que la croissance du PIB.

• Toutefois, tout au long de la période, la marge nette du secteur est demeurée négative

- Malgré une légère amélioration depuis 1990, le déficit net du secteur s'établit en 1995 à 12% du chiffre d'affaires

• Au cours des sept années considérées le secteur a accru son endettement

- La production cinématographique recouvre deux activités : la production de films (production nouvelle) et l'exploitation des droits sur le négatif des films réalisés les années précédentes (activité sur catalogue) Ainsi le C.A. a deux composantes : un actif qui " consomme " les ressources en capital et un actif qui " alimente " dans le temps, mais de manière dégressive, les ressources en capital.

- Pour tenir compte de cette réalité, le calcul du résultat courant doit prendre en compte les amortissements liés à la dépréciation, au cours du temps, du catalogue de droits dont dispose le producteur. On aboutit alors aux notions de valeur ajoutée nette et de résultat courant net.

- Le résultat net courant est fortement négatif tout au long de la période (-654 MF en 1995) : il représente en moyenne plus d'un tiers de la production immobilisée (production nouvelle essentiellement). La production cinématographique est donc très loin de dégager des revenus suffisants pour renouveler l'actif " consommé " (exploitation des droits sur le négatif) chaque année.

- Au cours de la période, le secteur de la production cinématographique n'a jamais su couvrir le montant total de ses investissements (équivalant en moyenne à 50% du C.A, et entre 200% et 300% de la valeur ajoutée nette) par ses ressources en capital (fonds propres et recettes augmentés du soutien public et de l'apport des SOFICA) :

• Bien que représentant entre 9 et 10% du total des charges (y compris les consommations intermédiaires), le soutien public n'a pas permis aux sociétés " d'autofinancer " leur investissements.

• Le taux d'autofinancement est demeuré négatif tout au long de la période : le déficit de financement représentant en moyenne entre 20 et 30% du montant total des investissements.

• Ainsi, en 1995, plus de la moitié des sociétés de production étaient déficitaires.

- Pour financer leur investissements, les sociétés de production ont dû alors recourir à des financements extérieurs et accroître leur endettement

• L'emprunt à court terme représente la première source de financement extérieur.

- Exprimés en francs 95, les frais financiers ont doublé entre 1989 et 1995;

- Exprimés en % de la valeur ajoutée nette, ils ont eu tendance à croître mais de manière assez importante selon les années :

- le poids des frais financiers représente en moyenne 2/3 de la valeur ajoutée nette en 1990, 1991, 1993, et 1994 ;

- il se situe aux environs de 35% en 1989 et en 1995.

• Les pré-ventes et ventes à l'étranger constituent la seconde source de financement complémentaire : on constate au cours de la période que les exportations ont crû relativement rapidement (+9% par an en moyenne).

4. Une situation économique très délicate mais un secteur qui ne peut être considéré en faillite.

• Chaque année, le secteur doit accroître son endettement pour financer ses investissements, mais grâce à la forte progression du résultat courant brut (résultat courant hors dotations aux amortissements), ses besoins en financements complémentaires ont tendance à se réduire.

- Le résultat courant brut a progressé de 10% l'an en moyenne entre 1989 et 1995.

- Depuis 1990, où il atteignait 1 milliard de francs, le déficit de financement des investissements en production est ainsi passé à 516 MF en 1995.

• Cette situation traduit la tendance positive observée au niveau des recettes de commercialisation ainsi que la tendance à la compression des dépenses courantes autres que les consommations intermédiaires.

- Alors que le C.A. exprimé en francs 95 augmentait de 4% l'an en moyenne entre 1989 et 1995, les dépenses courantes autres que les consommations intermédiaires (comprenant les charges de salaires) n'ont crû que de 2,6%.

- Par ailleurs à partir de 1992, les recettes de commercialisation des droits sur catalogue ont tendance à rejoindre le niveau des recettes dégagées pour la production de films, ce qui contribue " à ne pas dégrader " les fonds propres des entreprises du secteur.

• Dans la mesure où la différence entre les recettes de commercialisation a posteriori et les recettes provenant des pré-ventes et cession de droits sur le négatif semble avoir tendance à devenir positive, on peut considérer que le secteur est en train de connaître une légère amélioration de sa situation financière, puisque cela signifie que le secteur amortit mieux sa production à long terme.

• Mais cette tendance apparaît fragile lorsque l'on considère l'évolution du nombre de films produits et celle du coût de production des films en 1996 et en 1997.

5. Des exportations en hausse mais un taux d'internationalisation du secteur qui reste stable

• La période 1989-1995 a connu une forte progression des exportations et des importations :

- La création d'Eurimages a sans doute facilité et favorisé les pré-ventes à l'étranger (Exportations), mais aussi l'achat de prestations de production à l'étranger (Importations).

• Les pré-ventes de films à l'étranger ont ainsi cru de 9% par an en moyenne.

• Les achats de prestations de production exécutive ont augmenté de 62% par an.

- Les efforts de distribution internationale se sont aussi fait sentir même si les montants générés par les ventes de droits à l'étranger et les remontées des distributeurs français sur les ventes à l'étranger, exprimées en % du C.A., sont restées relativement stables au cours de la période, autour de 7-9%.

- Pour bénéficier de tarifs plus compétitifs, ou aussi parce que l'organisation de la production l'exigeait, les producteurs ont eu tendance au cours de la période à accroître leur achats de prestations techniques à l'étranger (importations), ces dernières ont ainsi augmenté de 10% par an en moyenne.

• Cependant, le taux d'internationalisation du secteur ne progresse que très lentement au cours de la période :

- Le taux d'internationalisation du secteur correspond au rapport entre la somme des importations et des exportations et celle des commandes à l'industrie française avec le marché intérieur.

- Selon cette définition, le taux d'internationalisation du secteur se situe autour des 7-8%.

- Ce niveau est légèrement moins élevé que celui observé pour l'ensemble des activités de services de l'économie française (9,6% en 1993).

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