A. LA SPÉCIFICITÉ DE L'ASSURANCE EST LOURDE DE CONSÉQUENCES EN MATIÈRE DE SOLVABILITÉ RÉGLEMENTAIRE

La question de la sécurité et de la solidité de l'industrie de l'assurance est, par vocation, particulièrement importante. Historiquement d'ailleurs, l'assurance résiste mieux aux grandes crises qui ont amené à la faillite de nombreuses banques. La crise financière scandinave et diverses faillites au Royaume-Uni ont aussi illustré les conséquences redoutables pour les entreprises d'assurance de leur imbrication avec d'autres opérateurs financiers.

Or la manière d'assurer cette sécurité, d'assurer la solvabilité, la liquidité et la rentabilité de cette industrie particulière est compliquée par le fait distinctif de cette industrie, généralement caractérisé comme " l'inversion du cycle de la production ", la prime, prix de la prestation, est encaissée avant la fourniture du service et l'événement qui déclenche et justifie cette prestation. Cette " différence spécifique " de l'industrie de l'assurance entraîne un certain nombre de conséquences quant à la manière d'assurer la pérennité de cette industrie, quant aux règles de sécurité de l'assurance, incluant les règles de solvabilité sans s'y réduire, et différentes selon le type d'assurance dont il s'agit.

Ces conséquences sont les suivantes :

- les fonds reçus des assurés doivent être placés dans des emplois sûrs, variés, suffisamment rémunérateurs et mobilisables dans l'attente de la réalisation de la prestation, ce qui se traduit par des exigences réglementaires ou non en matière de qualité et de répartition des actifs adéquats au but de l'assureur ;

- des écarts importants, notamment en assurance IARD, peuvent apparaître entre l'estimation des dettes à inscrire au passif et les sommes réellement exigibles, ce qui conduit à une exigence d'estimation prudente des engagements techniques et à la nécessité, en cas de surestimation des actifs ou de variation des taux de rendements pendant la durée du contrat, de se ménager un matelas de ressources supplémentaires, qu'on appelle marge de solvabilité ;

- le coût de la prestation est déterminé a priori sur des bases statistiques, alors que le prix de revient réel n'est connu bien souvent que tardivement ;

- alors que dans une entreprise industrielle ou commerciale classique, les risques se situent à l'actif : dépréciation des stocks des créances clients, les risques de l'assurance se situent dans le passif technique essentiellement et consistent dans l'insuffisance possible des provisions qui peuvent représenter jusqu'à 90 % du bilan d'une société d'assurance ;

- les engagements techniques résultant des contrats étant exprimés en différentes devises, les actifs correspondants doivent obéir au principe de " congruence " (adossement en devise en valeur et en maturité) afin d'éliminer les risques de change.
Toutes ces conséquences soulignent en particulier l'importance de l'existence de fonds propres en adéquation avec l'activité permettant de faire face aux écarts importants et imprévisibles d'actifs ou de passifs 97( * ) , ainsi que la nécessité de règles prudentielles en matière de provisions techniques et de placement des sociétés d'assurance, l'ensemble rentrant dans la préoccupation générique de solvabilité et de pérennité de ces sociétés.

On trouvera en annexe 4 de ce chapitre, un bilan " réglementaire ", qui exprime en résumé la traduction en état de synthèse comptable de l'ensemble des exigences spécifiques et réglementaires exprimées nécessaires au bon fonctionnement pérenne des entreprises d'assurance.

On mettra ici en relief l'exigence réglementaire européenne de fonds de garantie et de marge de solvabilité avant de passer à l'examen comparatif direct ou indirect (par la notation) de la solidité des entreprises d'assurance en Europe et de par le monde. Enfin, l'on essaiera de prendre en compte l'existence et la logique des groupes d'assurance ou des conglomérats financiers dans l'appréciation de la solvabilité réelle des entreprises d'assurance et d'indiquer les tests prudentiels complémentaires qu'il est prévu d'appliquer dans ce cas de figure.