A. LA FISCALITÉ DES PRODUITS D'ASSURANCE FRANÇAIS REPRÉSENTE UN DÉSAVANTAGE CONCURRENTIEL

Le tableau 49 n'appelle pas de nombreux commentaires tant son verdict implicite est clair, globalement ou par branche.

La France est le pays qui taxe le plus lourdement les contrats d'assurance, devant l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, qui la suivent d'assez près, et loin devant la Grande-Bretagne (la fiscalité de cette dernière, non négligeable, s'applique sur les produits financiers) dont le niveau de fiscalité n'est pas sans rapport avec le niveau de développement de son marché de l'assurance.

La charge fiscale globale qui pèse sur les produits d'assurance est un élément du prix de revient qui peut exercer un effet de détournement du flux de demande adressée aux produits français, dans le cadre de la libre prestation de services où, en dépit de l'alignement fiscal auquel doit veiller le représentant fiscal en France de la compagnie étrangère, le contrôle sur la fiscalité réellement appliquée paraît difficile.

Il est certes possible de relativiser, d'un point de vue théorique, le point de vue soutenu par les assureurs du caractère spécialement nocif de la fiscalité de l'assurance-vie, puisqu'elle s'intègre dans un débat plus général de l'imposition des revenus du capital, où un certain consensus en faveur de cette imposition semble prévaloir au nom de " l'équité ". Sur cette base, selon Pierre Pestieau, " il n'existe pas beaucoup d'arguments économiques convaincants pour favoriser telle forme d'épargne plutôt que telle autre, à l'exception de l'assurance décès temporaire " 147( * ) .

Toutefois, au nom de l'efficacité, la taxation de l'épargne et donc de l'assurance-vie (a fortiori la remise en cause de ses avantages fiscaux à la succession) est critiquée par certains économistes, au nom du raisonnement selon lequel , un impôt sur le revenu global, affectant les revenus du travail et les revenus de l'épargne, reviendrait à une double taxation de ces derniers, à la différence d'un impôt sur la consommation. C'est notamment l'argument de Joseph Stiglitz 148( * ) , qui conclut que, sous certaines conditions, il n'est pas utile de taxer l'épargne si l'on applique une imposition non linéaire des revenus.

Par ailleurs, il semble qu'il soit difficile empiriquement de réfuter le lien entre fiscalité de l'épargne en général et niveau de l'épargne globale 149( * ) . Et l'argument en faveur de la taxation en principe ne répond nullement au " fait " de la concurrence fiscale renforcée par la mise en place d'un marché unique de l'assurance et d'un marché financier unifié. Il ne justifie pas non plus l'instabilité erratique de la fiscalité de l'assurance-vie au gré des politiques successives ou de l'évolution des problèmes budgétaires (voir en ce sens l'annexe 3 sur les variations de la fiscalité de l'assurance-vie).

Tableau 49 : Fiscalité et parafiscalité comparées dans les principaux pays de l'Union européenne en 1996

Chiffres en % ou en unités monétaires nationales T = taxes P = parafiscalité

Risques assurés

Incendie

et risques industriels

Santé

Automobile

Transport

Type d'impôt

 
 
 
 

RC

Dommages

 
 

T

P

T

P

T

P

T

P

T

P

Allemagne 8

10,00

8,00

0,00

0,00

15,00

0,00

15,00

0,00

15,00

0,00

Belgique

9,25

6,50

9,25

10,00

9,25

17,75

9,25

17,50

9,25

0,00

Espagne 7

0,00

5,50

0,00

0,50

0,00

3,50

0,00

0,50

0,00

0,50

Italie 6

21,25

0,10

2,50

0,00

12,50

8,10

12,50

8,10

7,50

0,00

Pays-Bas

7,00

0,00

0,00

0,00

7,00

0,00

7,00

0,00

7,00

0,00

Royaume-Uni 5

2,50

35 GBP

2,50

0,00

2,50

0,00

2,50

0,00

0,00

0,00

France 4

7-30 1 2

15 F

7,00 3

0,00

18,00

15,50

18,00 2

15 F

0,00

15 F

1. Tarif normal de 30 % : pour les risques professionnels et les pertes d'exportation : 7 %.

2. La loi du 02 février 1995 a institué, en outre, un prélèvement de 2,50 % assis sur les primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie " catastrophes naturelles " au profit du fonds de prévention et risques majeurs.

3. Le taux réduit de 7 % (au lieu de 9 %) s'applique uniquement lorsque la garantie prévoit le versement d'indemnités ou le remboursement de frais qui, par nature, entrent dans le champ d'application de la sécurité sociale.

4. L'assurance construction (RC, dommages) supporte des taxes de 9 % et une parafiscalité variable de 8,50 % à 25,50 % à laquelle s'ajoute une contribution de 0,40 % sur le chiffre d'affaires réalisé en France par les assujettis pour la période du 01 janvier 1991 au 31 décembre 1996. Dans les autres pays, le taux de droit commun de taxe s'applique généralement (Allemagne : 15 ; Belgique : 9,25 ; Espagne : 0,50 ; Royaume-Uni : 2,50  puis 4,0 ; Italie : 21,25 ; Pays-Bas : 7).

5. 4 % au lieu de 2,50 % à partir du 1 er avril 1997.

6. Une parafiscalité additionnelle de 0,10 % s'applique sur les cotisations des contrats contre les risques incendie, RC générale, auto " risques divers " et vol, pour alimenter un fonds de solidarité pour les victimes d'extorsion.

7. Des taxes parafiscales additionnelles s'appliquent avec des taux variables, faibles ou des montants fixés aux assurances de dommages aux biens automobile, assurances de personnes et sont destinées au fonds pour l'assurance des risques extraordinaires.

8. Par ailleurs, la taxe sur l'assurance multirisque habitation des particuliers est fixée à 14 % à laquelle s'ajoute une parafiscalité de 2 %.

Source : Encyclopédie de l'assurance, Jean-Pascal Beaufret, La fiscalité de l'assurance

La diversité et le poids des impôts ou de la parafiscalité sont frappants ainsi que la diversité des fonds qu'ils alimentent.

Tableau 50
Taxes et contributions
(fiscalité des contrats)

En MF

1994

1995

1996

Taxe sur les conventions d'assurance

24 308

25 330

26 076 1 2

Contribution à l'ACOSS sur les primes d'assurance automobile 3

5 761

6 150

6 278

Fonds de compensation des risques de l'assurance construction (CCR) 4

1 410

1 446

1 426

Fonds national de garantie des calamités agricoles (CCR) 5

579

594

610

Fonds commun des accidents du travail agricole 6

82

75

93

Fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse 7

727

290

199

Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions

538

607

880

Fonds de prévention des risques industriels majeurs

-

71

135

1. Prévision de 27,3 MdF en 1997.

2. Hors taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire, versées à l'ACOSS et à la MSA en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la Sécurité sociale.

3. Article L.21381 du code des assurances.

4. Article L.451-14 du code des assurances.

5. Loi n° 64-706 du 10 juillet 1964 -

Article 38 de la LFR n° 91-1323 du 30 décembre 1991.

6. Loi n° 56-780 du 4 août 1956.

7. Article L.211-26 et R.421-37 du code des assurances.

Source : rapport " L'assurance française en 1995 " de la Ffsa, Dgi.