AUDITION DE M. GILBERT SANTEL,
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'ADMINISTRATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
AU MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE,
DE LA RÉFORME DE L'ETAT ET DE LA DÉCENTRALISATION

(27 JANVIER 1999)

Présidence de M. Adrien GOUTEYRON, président

Le président lit la note sur le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à M. Gilbert Santel.

M. Adrien Gouteyron, président - Vous avez la parole pour un exposé introductif.

M. Gilbert Santel - Depuis huit mois, je suis directeur général de l'administration et de la fonction publique, au ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. A ce titre, j'ai une double responsabilité :

- responsable du statut général des fonctionnaires ;

- responsable de la coordination des statuts de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière.

Cette direction est, de surcroît, responsable de la cohérence des statuts particuliers. A ce titre, le ministre de la fonction publique et moi-même sommes, par délégation, conduits à signer l'ensemble des textes modifiant les statuts particuliers des divers corps, soit d'autres textes de nature réglementaire, notamment les dispositions indemnitaires.

Au plan national, l'administration générale de la fonction publique est l'interlocuteur privilégié des organisations syndicales de la fonction publique, ne serait-ce qu'aux travers des grandes négociations sur les salaires, la formation, la sécurité. Elle est conduite également à faire revivre le paritarisme au niveau national, notamment dans le cadre de la fonction publique de l'Etat.

Une troisième fonction mérite attention, puisqu'elle concerne l'animation des pratiques des différents ministères en matière de gestion des ressources humaines. En ce domaine, les textes doivent être respectés pleinement dans leur lettre et leur esprit, mais ils ne valent que par les hommes qui les appliquent. Nous reviendrons sur cette notion du professionnalisme de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique.

J'en terminerai sur mon rôle à la DGFP, en ajoutant que je n'ai aucune responsabilité directes avec la gestion, hormis le cas particulier du corps des administrateurs civils, puisqu'il s'agit là d'un corps interministériel. L'ensemble des actes de gestion sont pris par délégation du Premier ministre, au niveau de la direction générale.

La délégation interministérielle à la réforme de l'Etat a succédé au commissariat à la réforme de l'Etat qui avait été mis en place en 1995 pour une durée de trois ans. Cette délégation a conservé l'ensemble des attributions du commissariat.

Le changement d'appellation traduit deux évolutions :

- La mise sous une responsabilité unique de la direction de la fonction publique et de cette délégation interministérielle, qui étaient auparavant sous la responsabilité d'un délégué et d'un directeur général.

- La volonté d'inscrire dans la durée les actions conduites en matière de réformes de l'Etat, c'est-à-dire, pour ma part, la modernisation de l'administration.

Avant d'en venir à la gestion des effectifs et des zones au sein du ministère de l'éducation nationale, je reviendrai sur quelques aspects particuliers de ce ministère. Il est important, pour les travaux de la commission, de replacer la situation de l'éducation nationale dans le cadre plus général de la fonction publique.

Ma conviction est la suivante. Nous aurions tort de sous-estimer les progrès réalisés au sein de la fonction publique, plus particulièrement de la fonction publique de l'Etat, depuis une quinzaine d'années, bien qu'il reste des progrès considérables à faire. J'illustrerai mon propos au travers d'une première esquisse de réponse à deux questions essentielles :

1) Les ministères, notamment celui de l'éducation nationale, utilisent-ils au mieux les moyens mis à leur disposition par la collectivité nationale, notamment dans le cadre du vote du budget réalisé par le Parlement ?

2) Les modes de gestion et l'utilisation des dispositions réglementaires du statut général et des statuts particuliers permettent-ils réellement d'affecter les bonnes compétences au bon endroit en temps utile ?

Si je formule ces deux questions essentielles en ces termes, c'est que le sujet qui vous préoccupe pour un ministère donné est au centre de mes préoccupations en tant directeur général de l'administration et de la fonction publique, fort de l'affirmation selon laquelle les meilleurs textes ne valent que par l'application qui en est faite.

M. le Président - Si vous nous aidez à répondre à ces deux questions, notre rapport est fait !

M. Gilbert Santel - J'ai parlé d'une esquisse de réponse. Si, posée en ces termes, on doit y répondre par oui ou non, je répondrai par la négative, car je suis convaincu que, quels que soient les ministères, des progrès importants restent possibles. Toute la question est de savoir quels progrès l'on vise et comment y parvenir.

Il est fréquent de comparer le secteur public au secteur privé. Dans cette comparaison, on insiste sur les qualités de gestion du secteur privé et les défauts quasiment congénitaux de la fonction publique qui serait, par nature, mal gérée et aurait vocation à le rester. Au-delà des différences importantes dans la logique de fonctionnement entre les secteurs privé et public, reste un point commun que je résumerai de la façon suivante. Il nous faut être capable de raisonner en termes d'objectifs, de résultats, de sanctions à ces résultats. Cette démarche, valable pour le secteur privé, doit l'être également pour la fonction publique.

Si la question est posée de savoir si, dans la fonction publique, au niveau régional ou local, les objectifs sont clairement fixés et si nous avons des indicateurs pour apprécier les résultats, nous avons des progrès à accomplir.

Enfin, dès lors que les conditions de l'appréciation des résultats ne sont toujours pas créés, il en va de même pour les sanctions. C'est en positif ou négatif. C'est collectif et individuel.

Dans ce domaine de la meilleure utilisation des moyens, quelques questions sont fondamentales. La première est celle de la définition des objectifs. Tous ministères confondus, il est très important que le niveau national ou local explicite les objectifs attendus de l'action des services et les priorités, et de pouvoir juger de l'efficacité des services par rapport à ces objectifs.

En deuxième lieu, il est important de développer les outils de contrôle de gestion. Par exemple, comment le ministère X répartit-il ses effectifs sur l'ensemble du territoire ? On s'aperçoit qu'à côté d'un savoir-faire réel -des indicateurs démographiques, économiques et géographiques-, nous avons certaines affectations de moyens plus intuitives, moins rationnelles. Cet élément de contrôle de gestion est fondamental.

La troisième idée concerne le développement de la contractualisation entre administration centrale et services déconcentrés. Si l'on veut avancer, il faut mettre chaque niveau, notamment départemental car proche du terrain, en pleine situation de responsabilité. A cet effet, il convient de leur indiquer leurs moyens, les résultats attendus et de vérifier, année après année, qu'avec les moyens dont ils disposent, les résultats fixés sont effectivement atteints. C'est cette démarche qu'il importe d'impulser dans l'ensemble de la fonction publique.

Qui dit contractualisation dit pluriannualité. On a trop longtemps travaillé avec, non pas l'annualité budgétaire, mais avec une vision intra-annuelle, c'est-à-dire qu'à travers un dispositif d'échelle d'emploi, d'annulation et de régulation de crédits, un gestionnaire local a une vision à quelques mois et, très souvent, connaît les crédits dont il peut disposer à la fin de l'année, parfois même après qu'il soit possible de les engager.

A minima, il faut cette vision non seulement annuelle, mais également pluriannuelle. Je reste respectueux de l'ordonnance organique, du vote annuel du budget et de la responsabilité du Parlement. Si le Parlement décide de telle ou telle action, on en tient compte dans la démarche pluriannuelle envisagée. Il s'agit là d'un instrument qu'il convient de développer. A la lumière de ces divers éléments, j'ai le sentiment personnel que le ministère de l'éducation nationale a eu la préoccupation de commencer à avancer dans cette direction.

J'évoque, à la fois, un certain nombre d'outils mis en place pour répartir les moyens entre les divers rectorats et établissements ainsi que les premières expériences conduites en matière de contractualisation avec des rectorats, à partir des projets pédagogiques élaborés à ce niveau. Je suis conscient que nous sommes, en partie, dans des phases expérimentales et que nous ne pouvons gagner que si nous sommes capables d'aller vers une généralisation et ce fonctionnement de "objectifs, résultats et sanctions".

La seconde question que je voulais évoquer concerne la gestion des ressources humaines. Sommes-nous en situation d'affecter, au bon endroit et au bon moment, les compétences nécessaires ?

Je constate que la France est dans une situation atypique à l'échelle internationale, en ce sens que les pays qui ont fait le choix de la fonction publique de carrière, par rapport à la fonction publique de l'emploi, sont maintenant minoritaires dans les pays développés. Je veux toutefois insister sur le fait que, même les pays ayant le choix de la fonction publique de carrière hésitent à affirmer que l'on peut moderniser l'administration en conservant cette fonction publique de carrière.

En d'autres termes, on considère souvent que la flexibilité et l'adaptabilité nécessaires au service public peuvent être atteintes par une sortie plus ou moins importante du statut général.

Je veux vous faire part d'une conviction. Le statut général constitue une contrainte, au moins autant qu'une opportunité. Quand on évoque la dimension "contrainte" du statut général, elle s'identifie soit à un manque de savoir-faire et de professionnalisme, soit, dans certains cas, de laxisme ou de démission dans la gestion.

Le statut général est un équilibre entre les droits et les devoirs. Il est du devoir de chacun de faire respecter les uns et les autres. C'est aussi une convention collective. Le secteur privé travaille avec des conventions collectives et ne s'en porte pas plus mal. L'équilibre des droits et devoirs me paraît consubstantiel dans la fonction publique, à condition de les faire respecter pleinement.

Je vous cite trois exemples succincts :

Premier exemple : Le recrutement. Jusqu'à la loi Le Pors de 1983, on a recruté un grand nombre de contractuels à durée indéterminée, dans la fonction publique de l'Etat. Cette souplesse de gestion a été, dans des conditions variables, largement utilisée par les ministères, notamment dans les secteurs dans lesquels de nouvelles compétences étaient nécessaires, où apparaissaient de nouveaux problèmes à résoudre.

La loi de 1983 stipulait que tout emploi permanent devait être occupé par un fonctionnaire. Pour le bon fonctionnement de ce système, il faut donc être capable d'adapter profondément les conditions de recrutement dans la fonction publique. Je ne remets pas en cause le principe du concours. Toutefois, entre l'organisation d'un concours et d'une formation d'ingénieur en trois ans et la possibilité de recruter sur titre en deux mois sont là deux types de recrutement radicalement différents.

En présence d'un besoin urgent à résoudre, s'il l'on suit le premier cas de figure, on aura un poste vacant pendant trois ans. J'ai pris cet exemple car il est nécessaire, tout en respectant les règles de la fonction publique, de faire évoluer ces règles de recrutement. Faute de quoi, il se passe la pire des choses. Comme les faits sont têtus, on est conduit à utiliser des subterfuges, des moyens parallèles, comme l'emploi précaire, et on voit revenir, à échéance régulière, la nécessité de régler un certain nombre d'emplois précaires.

Je prétends que ce n'est pas une fatalité, à condition d'aborder ce problème de fond et d'y travailler.

Deuxième exemple : La mobilité. Je constate avec stupéfaction que la mobilité n'est pas une donnée de gestion partagée par l'ensemble des gestionnaires. Dans l'intérêt des agents mais aussi dans celui du service public, nous ne pouvons fonctionner que s'il y a mobilité raisonnable des agents de l'Etat.

Disant cela, j'évoque à la fois l'intérêt d'avoir des expériences professionnelles diversifiées et l'adaptation à l'évolution des situations, les problèmes de déontologie, et enfin le fait que tous les métiers et compétences nécessaires figurent au sein de la fonction publique.

Toutefois, dans chaque service, on n'a pas toutes les compétences nécessaires. Sans doute faut-il que des agents du ministère des finances aillent aux affaires sociales et réciproquement.

Sur une telle question, j'insistais sur le professionnalisme. Il existe quelques problèmes de gestion, quelque problèmes réglementaires, des obstacles liés aux différences de primes. Mais tous ces obstacles sont peu de choses à côté du consensus implicite qui s'est établi entre les responsables administratifs et les syndicats, selon lesquels chacun reste chez soi et tout se passe le mieux possible. Pour ma part, il convient de tenir un discours radicalement opposé.

Troisième exemple : la déconcentration. Dans leur écrasante majorité, les organisations syndicales n'y sont pas favorables. Mais la déconcentration est l'élément fondamental d'une bonne gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Il s'agit là encore de respecter les règles du jeu. Par exemple, le Conseil d'Etat a indiqué qu'il considérait que, pour une déconcentration pleine de la gestion, des unités de cinquante personnes représentaient un seuil pertinent. Cet avis peut être discuté. Il y a certainement quelques précautions à prendre.

Les expériences tentées en matière de déconcentration, tant à l'éducation nationale qu'au ministère de l'équipement, s'avèrent chaque fois largement concluantes du point de vue de la qualité du dialogue social et de la gestion des ressources humaines.

Les commissions de discipline déconcentrées sont beaucoup plus sévères que les commissions de discipline nationales. Cela mérite réflexion. Mais surtout, cela permet une meilleure adéquation des agents par rapport aux postes. Il y a nécessité de donner un coup d'accélérateur significatif.

Pour vous donner le fond de ma pensée, c'est un domaine sur lequel les gouvernements successifs ont insisté. Les avancées, significatives lorsqu'elles ont été réalisées, sont toutefois restées globalement modestes dans l'ensemble de la fonction publique. Faut-il continuer à faire confiance ou à passer par la voie réglementaire pour imposer un certain nombre de dispositions de déconcentration ? Si non, je crains que nous continuions à prendre du retard.

Ce sont quelques éléments que je souhaitais mettre en exergue. Tout n'est pas parfait au sein du ministère de l'éducation nationale dont la taille a mis en évidence certaines difficultés. Je constate néanmoins qu'en matière de déconcentration, c'est l'un des ministères qui a le plus avancé. Je suis conscient ainsi que mes collègues au ministère de l'éducation nationale, des efforts qu'il reste à accomplir. Je tiens pour positives les mesures prises récemment en matière de déconcentration du mouvement.

Enfin, qu'il s'agisse de la bonne utilisation des crédits publics, des moyens ou de la gestion des ressources humaines, si l'on peut considérer que nous avons pris un certain retard, il faut être conscient qu'il y a tout juste une quinzaine d'années que ces questions ont commencé à être prises à bras le corps dans les ministères.

Longtemps, l'idée a été qu'un bon fonctionnaire était un fonctionnaire compétent. La compétence des fonctionnaires n'est pas contestée, que ce soit au niveau national ou international. Toutefois, on a oublié de dire à l'ensemble de l'encadrement qu'il avait aussi vocation à être chef d'équipe, "patron" pour utiliser un terme compréhensible.

Former à la gestion des ressources humaines, professionnaliser cette fonction ainsi que la dimension "managériale", fait partie des priorités actuelles. Bien qu'un coup d'accélérateur significatif est donné, je reste conscient de l'ampleur de la tâche restant à accomplir.

M. le Président - Nous passons aux questions.

M. Francis Grignon, rapporteur - Si je reprends la trame de votre exposé, il est important de fixer des objectifs, de constater des résultats et de prononcer des sanctions éventuelles. Entre les objectifs et les résultats, il y a les moyens à mettre en oeuvre. Vous indiquez que les objectifs ne sont pas toujours très connus. C'est grave car des moyens sont mis en place sans savoir exactement quels sont les objectifs.

Peut-on améliorer la prospective dans un domaine aussi difficile que l'éducation nationale ? Comment, au regard des problèmes démographiques, sociologiques, variations de programmes et autres, verriez-vous, de façon significative, l'amélioration de la prospective ? Est-ce par la communication, le management ?

Vous avez ensuite parlé de résultats et de sanctions. Un contrôle financier est mis en place, depuis 1997, au niveau des TPG sur le personnel de l'éducation nationale. Il semblerait que ce contrôle global, qui réussit à déterminer que des personnes existent et qu'elles sont payées, ne réussit pas à déterminer ce qu'elles font.

Serait-il souhaitable et possible d'aller plus loin que le type de contrôle effectué actuellement, afin de suivre la progression de la personne dans ses diverses affectations ? Serait-ce de nature à améliorer le fonctionnement global du système ?

Vous avez indiqué ensuite que des contrats pluriannuels entre l'administration centrale et les administrations décentralisées seraient indispensables. Cela signifie-t-il plus d'autonomie au niveau du rectorat ou même, au niveau du chef d'établissement ?

Vous avez parlé d'évolution "managériale" avec des termes utilisés habituellement dans le privé. Peut-on aller jusque là au niveau de l'établissement, du rectorat et instaurer cette culture dans l'administration ?

S'agissant de la seconde partie de votre exposé, j'aurais quelques questions sur le surcalibrage et le recrutement. Dans l'éducation nationale, on a un surcalibrage pour s'assurer des moyens, des variables d'ajustement. Cela existe-t-il dans les autres administrations ? Une fois les recrutements faits, les mutations se font-elles par rapport au barème ? Pensez-vous qu'il serait souhaitable d'avoir d'autres types de mutation que cette approche purement administrative et lesquels ?

Vous indiquez que, pour la déconcentration, le Conseil d'Etat avait stipulé un minimum de cinquante personnes. Quel est, à votre avis, le maximum que l'on peut raisonnablement manager ? Certes, ce n'est pas un ordinateur central à Montrouge qui peut gérer quelques centaines de milliers de personnes ; quelle serait donc la bonne échelle ?

Enfin, vous avez parlé de culture à faire évoluer. Pensez-vous qu'on puisse arriver à une culture de dialogue plus qu'à une culture d'affrontement ?

M. Gilbert Santel - Je suis enclin à dire que l'on peut améliorer la prospective, tout en insistant sur les deux éléments suivants. Faire de la prospective en matière d'éducation nationale, c'est avoir la connaissance la plus précise possible de l'évolution démographique. Il y a une donnée de base, celle de l'augmentation ou de la diminution du nombre d'élèves. C'est un premier facteur de calibrage des moyens.

Une seconde donnée tient au contenu pédagogique, au contenu de l'enseignement. Il est évident que, si l'on envisage d'augmenter ou de diminuer de façon importante le nombre d'heures de classe, les conséquences sont directes sur les moyens.

Il existe une troisième notion, celle de l'appréciation des résultats. La culture de départ de l'administration française, toutes administrations confondues, a été trop peu tournée vers l'usager et le citoyen. On a beaucoup plus fonctionné à partir de logiques de procédure que de la préoccupation de l'efficacité de l'action. Traditionnellement, un bon agent est celui qui dépense ses crédits ; un bon responsable est celui qui dépense ses crédits.

Pour ma part, je pense qu'il vaut mieux vérifier que les crédits ont été dépensés de façon appropriée plutôt que de s'assurer qu'ils ont été dépensés intégralement, et de montrer du doigt celui qui n'en a dépensé que 90 %. Cela paraît trivial de le présenter ainsi, mais il faut savoir que la culture de départ est inverse.

J'illustrerai mon propos d'un exemple pris dans le secteur de la construction dont j'ai été responsable. Dans le secteur du logement, traditionnellement, on étudie si on a construit le nombre de PLA prévus ou réhabilité le nombre de logements prévus. C'est un critère de gestion. Par contre, il me paraît très important de savoir si, après avoir effectué tous les travaux et dépensé cet argent, les Français sont mieux ou moins bien logés.

Le rapport qualité prix a-t-il ou non été amélioré ? Cela suppose, domaine par domaine, production par production, une réflexion sur les objectifs recherchés. Cela s'applique également à l'éducation nationale.

J'ai lu, dans un article récent, des données comparées concernant l'illettrisme. C'est un critère d'appréciation. On va au résultat. On peut également s'interroger sur la socialisation qui résulte de l'enseignement dispensé ou entre le bon apprentissage de l'écriture et de la lecture, et la socialisation. Qu'est est l'élément le plus important ? Est-on capable de l'évaluer ? Y a-t-il des éléments prioritaires ? Ce sont des questions fondamentales.

S'agissant du contrôle effectué par les TPG, il est primordial, quels que soient les services -les écoles comme toute autre direction départementale- d'avoir un certain nombre de ratios de gestion qui permettent aux services de se comparer.

Le "Bench marking" ou l'analyse comparée est sûrement l'une des voies de progrès les plus efficientes en matière de modernisation de la fonction publique. Pour faire référence à mon expérience passée, nous avions mis en place des indicateurs de gestion simplistes, en soi faux, l'objectif n'étant pas d'aller rechercher la moyenne : combien d'agents par kilomètre de route nationale ou de permis de construire délivrés annuellement par un agent ? Les écarts de 20 % font partie de la finesse de la mesure ; les écarts de 50 % relèvent parfois des réalités locales différentes, mais il convient de s'interroger sur des écarts de 100 %.

Dès lors qu'on met en place des indicateurs, même simples de gestion, quels que soient les domaines, on s'aperçoit que les écarts sont plutôt de l'ordre de 100 % que de 20 %, d'où la nécessité d'aller en ce sens.

Ce type de ratios permet de s'interroger sur les activités de ces personnes. On a parlé de résultats et de sanctions, je considère que le statut général ne doit pas avoir pour conséquence une gestion générale à l'ancienneté. Au contraire, il est dans l'esprit du statut, même si on l'a quelque peu oublié, de considérer que l'activité des uns et des autres mérite d'être reconnue. On rentre dans la fonction publique en passant des diplômes ou un concours, mais les personnes sont différentes. Notre devoir est de les utiliser le mieux possible, en tenant compte de leurs qualités propres.

S'agissant de la contractualisation et du niveau, ce processus, ainsi que vous l'avez pertinemment rappelé, intègre également la dimension et les moyens. Ce ne sont pas uniquement des objectifs et des résultats ; c'est un triptyque objectifs - moyens - résultats.

Il faudrait essayer non seulement de le développer entre centrale et services déconcentrés, mais également descendre jusqu'au niveau de la cellule de base, c'est-à-dire l'établissement pour les écoles, les administrations qui ont une organisation intradépartementale (impôts, subdivisions de l'Equipement etc.).

En matière de recrutement et de mutations, le surcalibrage, qui est réel concernant l'éducation nationale, a tenu à un élément assez spécifique.

M. le Président - Vous avez insisté sur trois points : le recrutement, la mobilité, la déconcentration. Sur le recrutement, vous avez distingué le recrutement sur concours et le recrutement sur titres. Cela signifie-t-il que le recrutement sur titres permet de mieux ajuster les recrutements aux besoins et d'éviter, par exemple, les surcalibrages. Est-ce pour vous une solution ?

M. Gilbert Santel - Ma réponse est clairement positive. Prenez, par exemple, le corps d'ingénieurs des travaux publics de l'Etat...

M. le Président - Cela vous paraît-il possible dans le domaine de l'enseignement ?

M. Gilbert Santel - Ma réponse est également positive.

Par exemple, on recrute à la sortie des classes préparatoires, des ingénieurs des travaux publics de l'Etat. On les forme pendant trois ans. Quelle que soit la qualité de la formation, il n'est pas certain de pouvoir recruter à la sortie, pour un poste très spécialisé en géologie ou en chimie, le spécialiste que l'on aura formé en trois ans. Les conditions de recrutement ont donc été adaptées, c'est-à-dire que l'on poursuit le processus habituel, mais pour 5 %, on fait un recrutement sur titres pour un poste particulier, en indiquant un poste vacant d'hydrogéologie est disponible dans tel service. On recrute un DEA ou un DESS ayant une certaine expérience pour le poste qui se trouve à Lyon ou à Marseille.

Ce mode opératoire permet, à la fois, d'avoir la bonne compétence, et ce au bon endroit. Par rapport aux contrats à durée indéterminée, ce n'est pas tout à fait en temps réel. L'organisation d'un recrutement sur titres se fait dans un délai de trois mois, mais on peut se permettre une telle vacance.

J'ai surtout voulu insister sur le fait qu'en maintenant le principe des concours, les modalités de l'égalité d'accès aux emplois publics et les modes opératoires pouvaient être diversifiés dès lors que l'on prenait conscience de ces réalités et que l'on restait dans le cadre général fixé.

M. le Président - Ceci dans le respect du statut général de la fonction publique.

M. Gilbert Santel - Ce mode opératoire peut également être adapté à l'éducation nationale.

Concernant les mutations et le barème, si nous voulons des services qui fonctionnent, un chef de service doit pouvoir choisir ses collaborateurs. C'est ma donnée de base.

Je le dis pour l'ensemble de la fonction publique, tout en étant conscient du nombre de spécificités existant au sein de l'éducation nationale. Toutefois, ne partons pas de l'idée que le statut général signifie la mutation au barème. Je pense l'inverse.

Je fais référence à un cas de ma connaissance. On publie les postes, certains se portent candidats, le chef de service donne un avis favorable ou non. S'il donne un avis défavorable, cela implique que la candidature n'est pas examinée. Parmi les avis favorables, le chef de service donne un ordre de priorité qui peut faire l'objet d'une discussion dans le cadre d'une CAP avec divers critères, dont celui d'ancienneté.

Si on entend, sur une question telle que la mobilité, gérer la fonction publique avec des barèmes, tout est dit !

Dans un organisme tel que Météo France où la compétence technique est fondamentale, les mutations se font assez largement au barème, y compris pour l'encadrement. On s'aperçoit que cela ne fonctionne pas. Un certain type de qualité est requis de chaque candidat, selon que l'on souhaite en faire un spécialiste technique dans un domaine donné ou le responsable de trente ou cinquante personnes.

Dès lors que l'on est convaincu de ces arguments, il faut examiner ce que cela signifie dans chaque cas. Si l'on envoie un enseignant, fragile psychologiquement, dans une zone d'éducation prioritaire, le résultat est inscrit d'avance. Si le barème doit conduire à cela, on ne crée pas une gestion dynamique de la fonction publique.

M. le Président - Vous vous êtes félicité des mesures de déconcentration prises ou envisagées au ministère de l'éducation nationale. Pensez-vous que cette déconcentration, pour être effective, doit se libérer du barème national ?

Pour préciser ma question, les barèmes doivent-ils être adaptés à la réalité de l'académie, dans le cadre de laquelle se réalisera la déconcentration ou les éléments du barème doivent-ils être "parachutés" du ministère de l'éducation nationale ?

M. Gilbert Santel - Le dialogue social est l'un des acquis de la déconcentration. Quand on déconcentre, il faut en accepter toutes les conséquences et le jouer à fond. S'agissant de la question de la mobilité, il faudrait engager une discussion au niveau de chaque rectorat et voir en fonction des réalités spécifiques. Une affectation dans un établissement en région parisienne ou dans l'académie de Toulouse ne se pose pas dans les mêmes termes.

M. Gérard Braun - Des freins essentiels à l'évolution et à la modernisation de la fonction publique -décentralisation, mobilité- ne sont-ils pas liés au nombre de statuts différents existant dans la fonction publique, en particulier dans l'éducation nationale ? Combien dénombre-t-on de statuts différents dans la fonction publique et dans l'éducation nationale ?

Quelle est votre position dans le cadre de la modernisation de l'Etat pour réduire ce nombre de statuts qui empêche toute mobilité ? Les gens sont dans un statut comme dans un cocon, ils ne veulent pas en changer parce qu'ils perdraient tel ou tel avantage de logement ou autre.

M. Gilbert Santel - Sur ce point, on avance classiquement le chiffre de 1 700 statuts pour l'ensemble de la fonction publique, dont 600 sont des statuts en voie d'extinction, sachant que certains corps vont de quelques agents à plusieurs dizaines de milliers. Il me paraît donc hautement souhaitable d'aller vers une réduction drastique du nombre de statuts.

Toutefois, un point me tient à coeur : il faut faire attention, dans la fusion des corps, à ne pas subir de déperdition de compétences. La marge de manoeuvre est considérable. Chaque corps a été constitué en fonction de métiers particuliers. Quand je cite des corps avec quelques agents, ce sont des métiers très spécifiques. Dès lors qu'on les intègre dans des ensembles plus vastes, il convient de s'assurer que la compétence sera maintenue à travers la formation permanente etc.

Sur ce dossier de la réduction de corps, les choses avancent trop lentement. Mais il faut comprendre que c'est une question de fond qui est posée là.

Toute l'organisation de la fonction publique est fondée sur le tuyau vertical : un ministre, des corps, des services. Il en est ainsi car le fonctionnement d'ensemble, y compris l'ordonnance organique et les modalités de vote du budget, est ainsi organisé. Il est clair que c'est l'élément le mieux partagé par les organisations syndicales, les gestionnaires, peut-être aussi par les ministres, chacun voyant quelques avantages au maintien du statu quo .

Il faut donc essayer de saisir toutes les opportunités. J'évoque à court terme deux éléments. Tout d'abord, il y a déjà place pour des évolutions importantes en termes de fusions de corps de centrale et de services déconcentrés. L'avantage est que nous sommes dans les différents tuyaux. Il y a beaucoup à gagner au fait que nos agents, en centrale en particulier, connaissent le terrain. Dès lors qu'on réaliserait cette fusion des corps, il y aurait une plus grande mobilité verticale.

Par ailleurs, il convient de profiter de toutes les réformes statutaires pour poser la question de la fusion des corps. C'est un moment privilégié pour améliorer la situation des uns et des autres. On ne fait pas une réforme pour dégrader la situation.

M. André Vallet, rapporteur adjoint - Un exemple de fusion des corps, qui a étonné la commission et quelque peu contrarié les syndicats que nous avons entendus, est celui des différents horaires selon la formation de l'enseignant : professeur certifié et professeur agrégé. En effet, ces derniers, qui ont reçu une formation différente mais enseignent dans les mêmes classes, devant les mêmes élèves, bénéficient de cette formation prolongée durant toute leur carrière. La réponse des syndicats est d'aligner les certifiés sur les agrégés. Ils ne peuvent avoir d'autres réponses.

Dans cette fusion des statuts, envisagez-vous de corriger des anomalies de ce type ? Je peux en citer d'autres. Il serait intéressant d'avoir votre avis sur ce sujet.

S'agissant de la prospective évoquée par M. Grignon, nous avons entendu que, peu à peu, les effectifs de l'éducation nationale décroissent de plus en plus. S'il n'est pas possible de faire des prévisions à 2020, il est certain que jusqu'à 2006-2007, il y aura moins d'élèves qu'auparavant. On a appris, avec surprise, que le nombre d'enseignants n'a cessé d'augmenter. Dans vos prévisions, est-ce la même situation qui va se produire ? En 2006 , par exemple, il y aura 311 000 élèves de moins dans le secondaire. Cela va-t-il mener à une diminution des effectifs d'enseignants ou, au contraire, comme cela a été le cas dernièrement, à une augmentation ?

Une élément de fond me paraît essentiel et, au cours de toutes les auditions, c'est celui qui m'a le plus étonné. Savez-vous où se trouvent les postes de l'éducation nationale ? Pouvez-vous affirmer que vous connaissez toutes les affectations des fonctionnaires qui relèvent de ce ministère ? J'ai entendu des choses ahurissantes énoncées par des responsables de l'éducation nationale : par exemple, dans le premier degré, 51 000 instituteurs ne seraient pas devant des élèves. Mais où sont-ils alors ?

Pour certains d'entre eux, nous avons reçu des réponses, mais lors de nos calculs, nous sommes arrivés à moins 2 500 personnes dont personne ne peut dire où elles sont affectées. Est-il exact que, dans le secondaire, un certain nombre de titulaires académiques remplaçants, à des périodes où les vagues de grippe sont moins fortes, restent chez eux, percevant leur salaire sans avoir la moindre activité ? J'aimerais en avoir confirmation.

Un autre problème a également été évoqué lors de ces auditions, celui du personnel précaire, des maîtres auxiliaires et autres. Je sais que l'éducation nationale n'est pas un ministère comme les autres. Certains élèves ont plus besoin d'avoir quelqu'un en face d'eux que de ne pas être accueillis. Cela dit, nous avons souvent été surpris par la manière dont sont gérés les remplacements dans ce ministère.

L'intervention du recteur de Lyon nous a paru intéressante. Ce recteur est-il dans les règles de la fonction publique quand il supplée les professeurs malades par des étudiants, ayant le niveau permettant d'enseigner ? Il ne les utilise que pour ces tâches. Cela leur permet d'avoir une rémunération annuelle de l'ordre de 40 000 francs pour leurs études. De plus, ces étudiants s'acquittent remarquablement du travail qui leur est confié. Il a même ajouté que ce travail lui paraissait plus intéressant que celui que pouvait fournir les maîtres auxiliaires, qu'il semble bannir de l'académie de Lyon.

S'agissant des décharges syndicales, nous avons eu quelques débats avec les représentants des enseignants. Les décharges syndicales attribuées aux fonctionnaires de l'éducation nationale qui représentent le syndicat correspondent-elles à un statut particulier de décharges ou s'agit-il des décharges générales de la fonction publique ?

Enfin, des enseignants sont-ils employés par des oeuvres, des associations, des mutuelles, toutes sortes d'organismes péri ou parascolaires ?

M. Gilbert Santel - Dans un domaine tel que l'éducation nationale, il faut développer la prospective, le premier élément à connaître étant l'évolution de la population à enseigner. Il serait singulier, par exemple, que de façon importante, l'activité diminue et que les moyens augmentent.

Cela étant, nous sommes au coeur du débat sur le fonctionnement du service public.

J'ai été éduqué dans une classe unique d'une quarantaine d'élèves. J'ai connu, en tant que parent d'élèves, l'évolution vers les classes de 25 élèves. J'ai lu récemment des tracts, notamment syndicaux, considérant qu'en zone d'éducation prioritaire, il était important de descendre en dessous de 25 élèves.

Je rappelle ces éléments pour indiquer que les normes sociales évoluent ainsi que l'acceptation sociale, comme évoluent d'ailleurs la richesse du pays et la part que le pays peut consacrer à ce type d'activité.

En d'autres termes, il faut être attentif à l'évolution du nombre d'élèves ainsi qu'aux types d'enseignement et aux modes pédagogiques que l'on entend retenir.

S'agissant des étudiants enseignant devant élèves, j'imagine qu'ils sont utilisés dans le cadre de vacations. Naturellement, surtout dans de grosses " machines " telle que l'éducation nationale, il faut quelques facteurs de souplesse. Ce n'est pas choquant. Ce qui le serait à l'inverse, serait que l'on consolide ces instruments de souplesse pour en faire autant d'emplois permanents complémentaires et qu'ensuite, on déplace en permanence le seuil à partir duquel on déclenche les outils de flexibilité.

A propos des décharges syndicales, un décret de 1982 définit les règles du jeu. Il est défini pour l'ensemble de la fonction publique et s'applique donc au ministère de l'éducation nationale comme aux autres ministères.

Les observations qu'ont pu vous faire les interlocuteurs syndicaux, tiennent moins au fait qu'on leur appliquerait un statut particulier qu'au fait que les dispositions du décret de 1982 prévoient un quota dégressif, en fonction de l'importance du ministère. Le pourcentage attribué est d'autant plus important que le ministère est petit. Un ministère aussi important que l'éducation nationale est proportionnellement moins bien traité, en termes du nombre d'agents, que celui de la Jeunesse et des Sports.

M. le Président - Ne pensez-vous pas que le ministère de l'éducation nationale tend à élargir le carcan ?

M. Gilbert Santel - Sur ce point, les dispositions du décret de 1982 sont explicites. Très honnêtement, je n'ai pas d'information sur une plus grande souplesse qui serait donnée.

Concernant les enseignants employés par les mutuelles ou d'autres organismes, il convient de revenir aux données du statut général. Ce dernier prévoit certaines positions pour les fonctionnaires : la position normale d'activité, la position de détachement, la position de mise à disposition. Cette dernière est prévue par le statut général, dans des cas bien énumérés. En particulier, il y a la possibilité de mise à disposition entre organismes d'Etat, mais aussi pour des organismes d'intérêt général. Tout dépend ensuite de l'utilisation faite de cette disposition.

J'estime que la mise à disposition d'un agent est un acte important, lourd et significatif. Une convention, visée par le contrôleur financier, doit être signée entre l'administration qui met à disposition et l'organisme. Elle donne les raisons pour lesquelles on peut être conduit à mettre à disposition de tel ou tel organisme.

M. André Vallet, rapporteur adjoint - Ce n'est pas sur la régularité. Ne trouvez-vous pas choquant qu'une personne, formé pour enseigner devant des élèves, se retrouve, à 30 ans, dans une mutuelle ou autre, et n'exerce plus la fonction pour laquelle elle a été formée ? Que cela soit fait régulièrement, je n'en doute pas.

M. Gilbert Santel - Honnêtement, non. Tout dépend de la manière dont une telle mise à disposition s'inscrit dans un déroulement de carrière.

Je parle des agents administratifs d'une mutuelle. Si l'on recrute les enseignants pour que toute leur carrière soit faite ailleurs, il y a quelque chose d'anormal. Que, dans un déroulement de carrière, il y ait deux ou trois ans passés dans une activité de mise à disposition, ne me choque pas, dès lors que cela se fait en parfaite régularité. Je pense à des agents passés par des mises à disposition et qui avaient eu, de fait, une expérience professionnelle complémentaire. Dès lors que le statut général le prévoit et que l'application qui en est faite est régulière, je ne vois rien à y redire.

Je n'ai pas répondu à votre question de savoir où sont les fonctionnaires de l'éducation nationale. La gestion en est assurée directement par le ministère. Sur ce point, les informations dont je peux disposer sont celles que vous trouverez au ministère de l'éducation nationale.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint - Je reviens sur le triptyque très important que vous avez évoqué : objectifs, résultats et sanctions. S'agissant des sanctions, est-il possible d'en appliquer ou cela reste-t-il un voeu pieux ? Vous avez dit que le statut est une opportunité à saisir, mais qu'il implique également des contraintes. Il faut saisir les opportunités, mais également vaincre les contraintes, c'est-à-dire un certain nombre de corporatismes. Comment faire avancer les choses ? Par la voie réglementaire ou par des expérimentations ?

M. Gilbert Santel - Un mot sur le terme de sanctions, qui peuvent être positives. Dès lors que l'on a les résultats, on analyse les conséquences que l'on en tire. J'ai précisé que cela pouvait être collectif ou individuel.

Votre question concerne surtout les conséquences que l'on en tire sur le plan individuel. Je ne pense pas que la lettre et l'esprit du statut général de la fonction publique ou des statuts particuliers soient l'égalitarisme, mais plutôt le contraire.

Par exemple, on a coutume de dire que le statut serait une contrainte et qu'il ne permettrait pas de récompenser les meilleurs. La modification annuelle d'ancienneté permet de gagner trois mois d'avancement, chaque année, pour un avancement d'échelon. Amusons-nous à faire le total des gains d'un agent qui bénéficierait de tous les avancements d'ancienneté et d'un agent qui n'en bénéficierait pas du tout ; cela fait déjà une différence très importante.

Il y a également la promotion sociale au sein de la fonction publique, notamment la possibilité de changer de grade, et surtout, de corps. Là encore, il y a des différentiations importantes, qu'il faut utiliser pleinement, entre celui qui passe très jeune et celui qui ne passe jamais.

Le dernier élément est la rémunération. On a coutume de dire que la rémunération est figée et qu'un chef de service ne peut rien faire. La moyenne des primes, dans la fonction publique, est de l'ordre de 15 %, avec des montants très variables selon les catégories et les ministères. Utilise-t-on l'outil indemnitaire pour différencier les situations ? Un régime indemnitaire est fait pour permettre d'adapter et de tenir compte de l'importance du poste, mais aussi de la manière de servir. Il faut aller dans ce sens.

Enfin, faut-il des instruments réglementaires ou faire confiance aux agents ? Par nature, je préfère la seconde hypothèse. La modification indiciaire, qui a conduit à coder des postes et à attribuer des points aux postes en question et, par conséquent, une rémunération adaptée à l'importance du poste, est l'outil qu'il convient d'utiliser. Dès lors qu'on a fait la cotation et qu'on l'a affichée, elle conduit à moduler en fonction de l'importance du poste.

Reste ensuite, sur l'autre partie du régime indemnitaire, à utiliser les modulations en fonction de la manière de servir. Là, on essaie de jouer, notamment pour l'encadrement supérieur, sur les deux claviers.

Je considère qu'il est de mon devoir de vous tenir ce discours sur le fait que la gestion de la fonction publique n'était pas l'égalitarisme. Il me revient aussi de proposer diverses mesures réglementaires permettant de garantir un certain nombre de modulations.

M. le Président - Reste une question qu'on ne peut pas ne pas vous poser. Vous avez une vue générale de la fonction publique. A la suite de la revalorisation de la rémunération des enseignants, lorsque M. Jospin fut ministre de l'éducation nationale, les enseignants se situent-ils à un niveau satisfaisant eu égard à leurs rémunérations ?

Par ailleurs, vous avez eu quelques mots sur ce que permet le statut général de la fonction publique et la nécessité de profiter des avancées pour faire évoluer les choses. Pensez-vous que l'on ait profité de l'avancée que représente l'augmentation des rémunérations des enseignants pour faire évoluer les choses, et avancer dans la direction que vous-même préconisez ?

M. Gilbert Santel - Vos questions ne sont pas faciles. Est-on au bon niveau en matière de rémunérations ? Il faut prendre en compte deux facteurs : l'importance de la fonction exercée et les références que l'on peut éventuellement faire par rapport au marché du travail. Sur les mesures prises, dont celles par M. Jospin lorsqu'il fut ministre de l'éducation nationale, il convient de constater que, sur les dix dernières années, chaque ministre de l'éducation nationale a été conduit à prendre certaines mesures qui ont concerné les statuts et les rémunérations.

J'ai le sentiment qu'il y a eu une indiscutable remise à niveau. Toutefois, je ne suis pas sûr que cette remise à niveau, qui globalement me paraît satisfaisante, conduise à bien répondre à l'ensemble des situations particulières.

Prenons le cas de l'exercice des missions dans les quartiers les plus difficiles. Dans des cas de cette nature, traite-t-on l'ensemble des agents en toute justice ? La question mérite d'être posée. Voilà ma réponse.

A-t-on profité de l'avancée pour promouvoir certaines évolutions ? Prenons l'exemple du processus en cours actuellement et qui n'est pas encore achevé, comme celui de la déconcentration du mouvement. Personnellement, je pense qu'il a été rendu possible, non seulement compte tenu de la volonté du ministre, mais aussi de certains acquis antérieurs, y compris sur le plan de la rémunération.

Autrement dit, fallait-il négocier la déconcentration au moment où il y avait des améliorations et faire un paquet du tout ? Cela se gère-t-il dans le temps ? Je ne suis pas aux commandes de l'éducation nationale et pas suffisamment averti des choses de l'éducation nationale pour pouvoir vous répondre de façon définitive.

M. le Président - Si elle n'est pas définitive, votre réponse en est une quand même.

M. Gilbert Santel - L'important est de pouvoir regarder, dans chaque ministère, si les mesures prises, par rapport aux convictions que j'ai exprimées, vont dans le bon sens. Par ailleurs, cela y va-t-il suffisamment vite ?

Ce sont les deux questions que je me pose par rapport à chaque ministère. J'ai sincèrement le sentiment que, tous ministères confondus, on peut répondre par l'affirmative à la première question, c'est-à-dire que des initiatives prises, certes inégales, vont dans le bon sens. Cela va-t-il suffisamment vite ? Globalement, je considère que non. Il est nécessaire de donner un coup d'accélérateur, notamment dans la gestion des ressources humaines.

M. Jean-Léonce Dupont, vice-président - Nous sommes dans un discours général : on fait le maximum, "tout le monde est beau et gentil." Quand il y a un problème d'ajustement quantitatif, on nous dit qu'il faut améliorer le recrutement pour favoriser la mobilité. De temps à autre, il faut prendre des décisions claires et nettes et, les effectifs diminuant, envisager les moyens de faire sortir un certain nombre de postes. On a toujours un effet " cliqué " à la hausse et un effet de blocage à la baisse. Il y a donc un vrai problème d'ajustement.

Par ailleurs, quand vous dites qu'on peut faire des différences dans la carrière et faire bénéficier annuellement d'une ancienneté par prise de trois mois, on peut faire une promotion sociale par changement de corps. Cela ne remet pas en cause 95 % de l'ensemble des membres enseignants qui sont d'extraordinaire qualité. Mais, comme dans tout grand corps, certains ne font pas convenablement leur travail et on note bien une difficulté à les sanctionner. Je connais, dans mon environnement, des enseignants qui ne font pas bien leur travail et contre lesquels aucune sanction ne peut être prise. On peut aller jusqu'à des exemples d'instituteurs qui battaient des élèves et pour lesquels il a fallu des circonstances exceptionnelles pour prendre les sanctions appropriées.

Peut-on positiver lorsqu'il y a lieu le faire ou prendre des sanctions ou des ajustements quantitatifs quand il y a nécessité, et ne pas arriver, comme dans certains ministères, où il y a plus de fonctionnaires que de sujets traités ?

M. Gilbert Santel - S'agissant des ajustements, si je prends l'orientation retenue par le gouvernement qui est celle de la stabilité des effectifs de la fonction publique, cela ne signifie pas stabilité par ministère ou au sein de chaque ministère.

Des mesures ont été prises qui produiront leur effet sur plusieurs années en matière de justice. Il est prévu des créations d'emploi au ministère de la Justice. Si l'on dit à la fois que l'on crée des emplois au ministère de la justice et qu'il y a stabilisation globale de l'emploi des fonctionnaires, cela signifie qu'il y aura du moins dans certains ministères. Que ce soit en augmentation, en diminution ou en stabilité, s'agissant de l'affectation des moyens, il y a place pour des redéploiements en fonction des situations et de leur évolution, ceci me paraissant vrai pour l'ensemble des ministères.

Sur le second point, de façon générale, je pense qu'il vaut mieux guérir que punir. Cela passe par beaucoup de choses, y compris dans le suivi plus précis et individuel des carrières, quand il y a difficulté. Là encore, le statut général prévoit des dispositions, y compris de sanctions, lorsque l'on est en situation d'insuffisance professionnelle.

Il y a là un ensemble de règles du jeu. Cela étant, je n'appelle pas à des mesures généralisées de sanctions. Pour reprendre la formule, il vaut mieux guérir que punir. Dans certains cas d'insuffisance, il y a aussi le fait que les conditions générales n'ont pas été créées, notamment en termes de management de l'ensemble. Si quelqu'un fait preuve de laxisme en matière d'horaires et que vous faites une observation dès que le problème se produit, il y a de fortes chances que cela rentre dans l'ordre. Si vous le faites après dix ans, cela devient difficile. On pourrait multiplier les exemples de cette nature.

M. le Président - Si j'osais une comparaison, c'est un peu comme les articulations du bras ou du genou qui doivent fonctionner. Mais il y a parfois de l'arthrose. Nous aurions aimé savoir quelles mesures vous préconisez pour réduire l'arthrose.

M. Gilbert Santel - Les deux premières mesures indispensables sont les suivantes :

1) Enoncer clairement les idées force, les éléments constitutifs d'une gestion des ressources humaines dans la fonction publique. J'ai évoqué la déconcentration, la mobilité, la modulation des carrières et le recrutement. J'aurais dû insister davantage sur l'évaluation.

J'ai demandé un rapport sur cette question. Je réunirai demain l'ensemble des directeurs du personnel de tous les ministères pour débattre de ce sujet. Mon souhait serait d'aller vers l'affichage d'une charte de la gestion dans la fonction publique à laquelle chacun puisse se référer. Elle serait bien évidemment discutée avec l'ensemble des organisations syndicales.

2) Le professionnalisme. Il faut absolument créer les conditions pour que l'ensemble des gestionnaires au niveau national, mais aussi ceux qui, dans chaque ministère, assument la fonction gestion des ressources humaines, soient pleinement reconnus et puissent bénéficier du professionnalisme nécessaire.

Pour un certain nombre de cadres, la fonction GRH est considérée comme la dernière fonction à pourvoir. Des mesures particulières sont à prendre. Cela signifie très simplement : comment est valorisé le passage à des fonctions de ressources humaines dans un déroulement de carrière ? Faut-il avoir, le cas échéant, un complément de rémunération ou des primes pour des fonctions de cette nature ? Certains ministères l'ont fait. Mon souci est de passer à une généralisation de ce type de pratique.

Nous n'en sommes pas au niveau des textes de loi ou des dispositions réglementaires, mais de la pratique. C'est pourquoi j'insistais fortement sur le fait que les textes ne valaient que par les hommes qui les appliquaient. Ensuite, je crois qu'un certain nombre de dispositions réglementaires sont à prendre.

La question que je me pose, à laquelle je n'ai pas répondu, est la suivante : faut-il avoir des dispositions réglementaires en matière de déconcentration ? Faut-il faire évoluer le dispositif d'évaluation ? Des dispositions réglementaires sont certainement à prendre, mais sous réserve là aussi, que les objectifs poursuivis soient clairement affichés et que les hommes pour les mettre en oeuvre soient clairement identifiés et aient les moyens de le faire.

M. le Président - Nous vous remercions.