AUDITION DE MME BÉATRICE GILLE,
DIRECTEUR DES PERSONNELS ADMINISTRATIFS, TECHNIQUES ET D'ENCADREMENT
AU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA RECHERCHE ET DE LA TECHNOLOGIE

(6 JANVIER 1999)

Le président lit la note sur le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à Mme Béatrice Gille.

M. Adrien Gouteyron, Président. - Puis-je vous demander d'être brève dans votre propos introductif de façon à ce que des questions puissent être posées par nos collègues ?

Mme Béatrice Gille - Je propose de vous présenter très brièvement les personnels que je gère, leur diversité, les compétences relatives de la direction dont j'ai la charge par rapport aux autres directions des ministères et par rapport aux autorités déconcentrées pour que cela soit clair dans l'esprit de tout le monde, et je vous indiquerai aussi les évolutions majeures de la gestion de ces personnels.

Ma direction gère des personnels scolaires et supérieurs, mais je me limiterai aux personnels du scolaire. 27 statuts pour le scolaire et 9 statuts d'emplois pour un total d'à peu près 158.000 ATOS et 18.000 personnels d'encadrement.

M. le Président - Quelle est la définition des personnels d'encadrement ?

Mme Béatrice Gille - Pour les personnels d'encadrement, on y comprend traditionnellement les vrais personnels d'encadrement, ceux qui encadrent, et les cadres. C'est-à-dire tous les personnels de direction, chefs d'établissements et adjoints, soit plus de 12.000 personnes en activité, tous les corps d'inspection, IPRIA et inspecteurs de l'éducation nationale, 1.000 et 2.000 en ordre de grandeurs ; sont également concernés en tant que personnels d'encadrement l'intégralité du corps des CASU, conseillers d'administration scolaires et universitaires et tous les statuts d'emplois fonctionnels, secrétaires généraux d'académie, secrétaires généraux d'administrations scolaires et universitaires et d'autres types de personnels qui relèvent du supérieur. Voilà l'intégralité des personnels d'encadrement.

Ces personnels d'encadrement sont tous de compétence nationale. Ce ne sont pas des personnels qui ont une gestion déconcentrée. Néanmoins, cette gestion est partagée avec les recteurs puisque , pour un certain nombre de ces corps, il y a des commissions paritaires académiques. C'est le cas pour tous, sauf les IPRIA, les inspecteurs pédagogiques régionaux qui préparent les décisions d'une commission paritaire nationale, qui elle-même donne des avis pour les décisions du ministre. Ces corps d'encadrement sont restés jusqu'à présent de compétence ministérielle.

La seconde grosse partie de personnel dont j'ai la charge sont les personnels ATOS, administratifs, techniques, ouvriers, de santé et sociaux, soit près de 158.000 personnes qui sont pour certains de gestion totalement déconcentrée, y compris pour le recrutement. C'est le cas de l'ensemble des personnels de catégories B et C.

Certains, dont les catégories A, sont restés de compétence nationale, mais de la même façon que pour d'autres personnels, cette gestion est souvent préparée par les recteurs à qui on demande leur avis sur un certain nombre d'opérations de gestion de ces personnels. Voilà en masse les personnels gérés. J'y reviendrai peut-être à l'occasion des questions.

En répartition de pourcentage d'ATOS, si on considère 100 % d'ATOS, y compris ceux du supérieur, nous avons 77,6 % d'ATOS dans les services académiques et dans les établissements scolaires, 20,6 % qui s'occupent spécifiquement de la restauration et de l'internat, c'est-à-dire de la vie scolaire des élèves, 0,7 % en formation professionnelle, 11,4 % dans le supérieur, 1,3 % de jeunesse et sports et 0,2 % en administration centrale.

Comment envisageons-nous à l'heure actuelle, l'évolution et la modernisation de la gestion de ces personnels ?

L'objectif est bien sûr de veiller globalement à la meilleure adaptation possible du potentiel humain que nous avons et des besoins de service public qui évoluent relativement vite dans ces domaines.

Nous avons quatre ou cinq axes prioritaires d'évolution de cette gestion. Le premier est le renforcement de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, avec la mise place d'outils de gestion prévisionnelle beaucoup plus développés qu'auparavant au niveau national mais aussi au niveau académique. En effet, beaucoup de ces personnes sont gérées au niveau académique.

Nous essayons de mieux calibrer les recrutements. Contrairement à ce que vous avez dû entendre sur les personnels titulaires enseignants, le problème a plutôt été un sous-calibrage de recrutement plutôt qu'un sur-qualibrage. Nous essayons de rétablir un meilleur calibrage du recrutement en l'augmentant. Nous n'avons pas de problèmes de surnombre pour les personnels ATOS ou pour les personnels d'encadrement.

Nous souhaitons par ailleurs travailler sur les métiers, c'est-à-dire sur les besoins des établissements et des services académiques, sur l'évolution des métiers et des besoins pour essayer d'améliorer l'adéquation poste/personne dans chaque filière professionnelle et dans chaque métier. C'est un travail de longue haleine qui a été commencé il y a une dizaine d'années dans l'éducation nationale dans une perspective de mutualisation de certaines compétences et spécialisations de la filière ouvrière.

Nous souhaitons développer et même entreprendre à certains égards, une véritable pratique d'évaluation des personnels, surtout d'encadrement dans un premier temps.

Enfin, nous poursuivons, -c'est déjà très avancé- les opérations de déconcentration de ces personnels. La prochaine opération de déconcentration prévue est celle, dans le scolaire, du mouvement, de l'affectation et des mutations des catégories A.

Par ailleurs, nous avons des chantiers beaucoup plus ponctuels qui correspondent aux difficultés présentes de gestion. Une de ces difficultés -très médiatisée ces derniers temps- est le recrutement des personnels de direction et un certain nombre de vacances de postes de personnels de direction. Nous travaillons globalement pour tous les personnels d'encadrement sur l'évolution des recrutements, des concours, du contenu des épreuves du concours, de la professionnalisation des jurys, de la formation initiale, de la formation continue de ses cadres.

Enfin, chantier important en matière de gestion du personnel, il nous faut développer les modes de communication interne à l'intérieur de ce grand ministère, puisque la diversité des personnels, la dispersion des implantations de ces personnels et la difficulté qu'il y a à les toucher individuellement, en termes de communication interne, nécessite un véritable chantier de communication interne.

Pour terminer, je précise que ma direction gère des personnes et non des moyens. Sauf exceptions, corps d'inspection, l'allocation des moyens se fait dans les autres directions. Pour les personnels de direction à la DESCO et pour l'intégralité des autres personnels à la direction de l'administration. Nous ne gérons que des personnes physiques.

M. Francis Grignon, rapporteur - L'objet de notre commission d'enquête est aussi de trouver de bonnes solutions pour améliorer vos fonctionnements. Sur le personnel d'encadrement, je viens d'une région proche de l'Allemagne où les heures de service sont obligatoires pour les chefs d'établissements, pour garder le contact avec l'enseignement. Pensez-vous que c'est une bonne ou une mauvaise chose ?

On me dit que les principaux n'ont pas assez d'autorité sur les personnels. Pensez-vous que pour mieux faire fonctionner les établissements, il faudrait leur donner plus d'autorité, sachant que les inspecteurs sont toujours là pour l'aspect pédagogique.

Au niveau des ATOS, vous nous avez indiqué que vous deviez développer le mode de communication. Ne serait-ce pas aux régions pour les lycées et aux départements pour les collèges qui avaient pris en charge les bâtiments de prendre en charge ce genre de personnes ? Cela serait-il de nature à permettre une meilleure gestion, plus près du terrain. Pouvez-vous nous dire quels sont les horaires de travail hebdomadaire des ATOS ? Ont-ils les mêmes statuts que les enseignants ? Comment cela se passe-t-il pendant les vacances ? Est-ce intégré dans leurs statuts et pourraient-ils se voir confier d'autres occupations ?

Après quelques renseignements pris sur le terrain, on me dit que les ATOS sont peut-être moins motivés que les enseignants et qu'on y trouve plus d'absentéisme. Est-ce votre sentiment ?

Mme Béatrice Gille.- Sur les heures d'enseignement des personnels de direction, il faut savoir qu'en matière de personnels de direction, nous n'avons pas que des enseignants stricto sensu. Il y a aussi des conseillers principaux d'éducation et des conseillers d'orientation psychologues. Il y a dans le vivier actuellement des personnes qui n'ont jamais enseigné.

A l'heure actuelle, contrairement à d'autres pays européens où le management du système et de choix du chef d'établissement est tout à fait différent, un chef d'établissement, même un adjoint, est occupé à plein temps par le pilotage pédagogique, administratif et financier et par ses relations avec les différents partenaires. Je ne vois pas comment, avec les missions qu'il a, il pourrait en plus assurer des heures d'enseignement. Je précise bien : dans le système dans lequel nous sommes, système d'établissement public local d'enseignement où le recrutement du chef d'établissement n'est pas interne à l'établissement.

La question s'est posée quand nous avons eu des problèmes de remplacement l'an dernier. Certains chefs d'établissements nous ont dit qu'il pouvaient faire de temps en temps une ou deux heures de cours, ce qui leur permettait de garder un lien pédagogique direct. Cela ne s'est pratiquement pas fait. Premièrement, ils sont occupés à temps plein, et deuxièmement, leur rôle est plus d'organiser le pilotage pédagogique que de faire de la pédagogie directement. C'est une des questions en cours. Le ministre a organisé une table ronde sur les personnels de direction. Toutes ces questions sont en examen. Cette table ronde se conclura en mars. Les personnels de direction auront à rappeler où ils voient leur mission.

Les chefs d'établissement ont-ils de l'autorité sur les personnels enseignants ? Dans les textes, oui. C'est clair, le chef d'établissement a autorité sur l'ensemble des personnels. Dans les faits, pour répondre très franchement à votre question, la situation est éminemment variable. Il a une grande autorité dans la mesure où c'est lui qui répartit les services, qui définit les emplois du temps, qui globalement gère l'organisation pédagogique de son établissement. Il n'a pas la même autorité dans la classe.

Cela dit, l'autorité ne se décrète pas totalement. Nous avons, à ce niveau, des chefs d'établissement qui ont une très grande autorité sur leurs personnels, y compris sur leurs personnels enseignants. D'autres en ont moins. C'est une des questions d'organisation du système, sachant que nous sommes traditionnellement dans une culture éducation nationale et du monde enseignant qui est moins hiérarchique que d'autres.

M. Francis Grignon, rapporteur .- Le sens de ma question est de savoir si on devrait pas avoir des chefs d'établissements plus " managers " qui se déchargent des tâches administratives, qui aient peut-être un niveau de recrutement supérieur, qui gardent le contact avec la réalité et qui aient plus de pouvoir. On déconcentrerait encore à un niveau plus bas. Cela améliorerait-il les choses ou pas ?

Mme Béatrice Gille - Je pense qu'il faut parvenir à ce qu'ils délèguent un certain nombre de tâches administratives, qu'ils aient une capacité de management et qu'ils prennent à coeur leur véritable rôle de gestion d'un certain nombre de ressources humaines. La fonction de gestion des ressources humaines est une fonction totalement partagée. Le chef d'établissement en a une bonne part. Il n'y a pas que l'académie ou le ministère qui soient responsables pour l'ensemble de la gestion de ces personnels. Là-dessus, je suis tout à fait de cet avis. Il a une part de management importante. Elle se fait dans certains établissements, dans d'autres moins.

Sur les ATOS, il faut différencier la filière administrative et la filière ouvrière. Je ne sais pas si votre question portait sur les deux.

M. Francis Grignon, rapporteur - Il s'agit des gens qui sont proches du terrain et que l'on pourrait gérer sur place.

Mme Béatrice Gille - Ils sont gérés globalement de façon assez proche du terrain. L'ensemble de ces ATOS sont gérés, pour ce qui concerne leurs obligations de service dans leur établissement, pour l'organisation de leur temps de travail, pour leurs conditions de travail et, par ailleurs, au niveau académique globalement. Cela ne monte pas plus haut pour les catégories C et D. Ils sont donc gérés de façon proche du terrain.

Sur les horaires de travail, statutairement, pour les personnels ouvriers et de laboratoire, il y a un régime dérogatoire au statut de la fonction public puisqu'ils ont un horaire de travail annualisé de 1.677 heures sur 43 semaines. Ce régime permet de mieux adapter leur temps de travail et les besoins des établissements. Cette annualisation du temps de travail date de 1994.

M. Francis Grignon, rapporteur - Cela fait 39 heures par semaine.

Mme Béatrice Gille - C'est 39 heures en moyenne, mais cela peut aller de 30 à 35 jusqu'à 43 heures, sans heures supplémentaires. Pour les ATOS de la filière administrative, ils sont théoriquement sous le régime habituel de la fonction publique. De fait, on est dans un cycle scolaire tel qu'il y a en été, des moments où les établissements sont fermés pendant un mois avec une permanence. Dans les congés scolaires, il y a des permanences tenues par les administratifs. Ils ont donc un régime un peu plus favorable que le régime général de la fonction publique.

M. le Président - Est-ce aussi vrai pour le personnel de service.

Mme Béatrice Gille - Le personnel de service est sur 1.677 heures annuelles.

M. le Président Comment tient-on compte des vacances ?

Mme Béatrice Gille - C'est un régime complexe. Ils ont à faire 1.677 heures sur 43 semaines. En début d'année, ils prévoient leur horaire de travail. Certains d'entre eux travaillent pendant les vacances scolaires, par exemple ceux qui ont des tâches d'entretien et de maintenance. Ils profitent du moment où les élèves ne sont pas là pour faire ces tâches.

M. Francis Grignon, rapporteur - Sur les 158.000, quel est l'absentéisme ?

Mme Béatrice Gille - L'absentéisme n'est pas plus important que pour les autres corps de la fonction publique.

M. le Président - Avez-vous des informations précises ?

Mme Béatrice Gille - Nous avons des informations relativement précises au niveau académique puisque ces corps sont gérés au niveau académique. Les congés sont en train d'être informatisés à l'éducation nationale. Quand ils le seront, les informations seront en temps et en heures plus précises qu'aujourd'hui. Globalement, il n'y a pas plus de problème d'absentéisme chez les personnels ATOS. En termes de chiffres, pour la filière administrative la catégorie B représente 13.450 personnes et 26.000 ou 27.000 personne pour la catégorie C. Pour la filière ouvrière et de service, cela représente 94.500 personnes qui comprennent un corps de catégorie B, techniciens de l'éducation nationale qui ne sont que 135.

M. Serge Lagauche - Vous avez fait allusion à l'évaluation des chefs d'établissements. Un chef d'établissement, c'est souvent l'efficacité d'un établissement. Sur le terrain, on s'en rend compte. Ils se plaignent souvent, selon les académies, du fatras de papier, d'enquêtes qu'on leur donne à faire en plus. Parfois s'y rajoutent des éléments dans lesquels certains se noient ou que d'autres ne font pas.

Dans votre évaluation, avez-vous essayé de recenser toutes les tâches directes ou indirectes, tout ce que l'on peut demander à un chef d'établissement, avec en plus les problèmes d'autorité dans certains établissements et d'élèves aux comportements difficiles. Les chefs d'établissements multiplient leurs activités, vont discuter avec la police, la justice. Ils sont partout à la fois. On a parlé d'heures pour eux, mais les heures supplémentaires qu'ils vont faire dans les multiples réunions, qu'elles soient académiques, régionales, communales etc. sont considérables.

Quand on interroge les chefs d'établissement sur le fait que la profession se perd en raison de la charge de responsabilité trop importante, c'est une question fondamentale, différente d'une réévaluation financière, que beaucoup ne demandent pas ; ils veulent plutôt une clarification des tâches et surtout une aide dans certains domaines pour les décharger.

Je ne vous demande pas une réponse immédiate, mais j'aimerais savoir quelle méthode vous allez employer pour faire ces évaluations.

Mme Béatrice Gille - C'est l'objet de la table ronde. La table ronde en cours au ministère, et présidée par le recteur de Paris, M. Blanchet, a pour objet de déterminer quelles sont les missions des établissements publics locaux d'enseignement, de déterminer ensuite le rôle du chef d'établissement puis les conséquences sur sa carrière, son statut et sur son évaluation. On est donc en plein travail sur la question.

Comment envisage-t-on l'importance et la diversité des tâches des personnels de direction ? On a une extrême variété de situations. Si vous prenez le petit collège rural à 200 élèves et l'énorme lycée qui en a 3.000, le chef d'établissement dans son rôle et sa mission se trouve dans une situation relativement différente. Il faut aussi le dire : la situation relative des établissements n'est pas la même suivant que l'on est dans un collège très difficile, même avec 300 élèves ou dans une zone beaucoup plus simple avec 500. Suivant qu'il y a un adjoint ou non, qu'il y a un ou deux CPE, la situation relative des chefs d'établissement est très différente.

Ils mettent l'accent sur le fait qu'ils ont le sentiment d'être débordés de tâches administratives et notamment de type informatique. Effectivement, cela ne leur laisse pas le temps de s'occuper du pilotage pédagogique de l'établissement et de l'orientation globale des élèves, de leur insertion professionnelle et du rôle que joue l'établissement scolaire dans son environnement territorial qui doit être important aussi.

Nous avons commencé à bâtir l'évaluation des corps d'inspection. Nous attentons l'issue de la table ronde pour travailler sur l'évaluation des personnels de direction. Dans cette évaluation, il faudra partir de leur activité telle qu'ils la perçoivent, des objectifs de service public qui leur sont assignés en tant que représentants de l'Etat qu'ils sont, en tant que responsables pédagogiques de l'établissement, mais aussi en tant qu'exécutif d'un établissement public local d'enseignement qui a une marge d'autonomie. Ce sera aussi l'une des difficultés de la démarche d'évaluation. Il faudra aussi faire en sorte que l'évaluation porte sur des objectifs clairement partagés avec les institutions.

Maintenant, nous attendons l'issue de la table ronde pour voir comment nous bâtirons ces outils d'évaluation, sachant que dans les années antérieures, en 1992, 1993, 1994, il y a eu des tentatives de mise en place d'outils d'évaluation des personnels de direction qui n'ont pas abouti.

M. le Président - Vous ne nous avez pas parlé de l'auxiliariat. Quelle est son importance ? Quelle en est la cause ? Se nourrit-il ? Diminue-t-il ? Comment évolue-t-il ?

Mme Béatrice Gille - Il est trop important à l'heure actuelle. Nous avons, pour les ATOS, 10.000 postes auxiliaires sur postes vacants. C'est pourquoi je parlais plus de sous-calibrage de recrutement que de sur-calibrage. Pourquoi ? Parce que la gestion du CFA (congé de fin d'activité) a été compliquée ces dernière années et qu'un grand nombre de départs anticipés n'ont pas été suivis par un nombre équivalent de recrutements.

Nous sommes d'ailleurs en train, pour l'année 1999, d'augmenter considérablement le recrutement ATOS pour essayer de résorber cet auxiliariat.

M. le Président - Vous avez parlé de déconcentration pour les catégories C et D au niveau des académies. Va-t-elle jusqu'à laisser aux recteurs la décision de fixer le nombre de recrutements par académie. C'est bien vous qui fixez ?

Mme Béatrice Gille - Oui, bien sûr.

Mme Dinah Derycke - Vous venez de parler de l'auxiliariat, mais il y a aussi dans les établissements scolaires un recours à de nombreux CES et d'emplois-jeunes sur des missions de personnel ATOS. Est-ce géré au niveau local, académique ou par vos services ?

Mme Béatrice Gille - Nous ne les ignorons pas, mais nous ne les gérons pas. Les CES ne sont pas gérés en tant que tels au niveau académique dans la mesure où ils sont recrutés au niveau de chaque établissement.

M. le Président - Sur quels crédits ?

Mme Béatrice Gille - Sur des crédits d'Etat qui arrivent dans les établissements. Ces recrutements de CES passent en conseil d'administration.

M. le Président - Ces crédits sont donc attribués par le ministère.

Mme Béatrice Gille - Non, pas du tout !

M. le Président - Alors, où les chefs d'établissement les prennent-ils ?

Mme Béatrice Gille - Je ne m'occupe pas directement des CES et je ne voudrais pas vous donner de fausses informations. A ma connaissance, ce sont des crédits CNASEA qui sont donnés directement aux établissements scolaires, sur un portefeuille, mais ni les recteurs, ni le ministère n'octroient ces crédits à ma connaissance.

M. le Président - Cela ne dépend pas de votre direction ?

Mme Béatrice Gille - Non, cela ne dépend pas de ma direction.

M. le Président - C'est une question à approfondir.

M. Serge Lagauche - C'est sur projet d'établissement.

Mme Dinah Derycke - Pas toujours !

M. Serge Lagauche - Les emplois jeunes relèvent d'un projet d'établissement.

Mme Dinah Derycke - Oui, pour les emplois jeunes, mais pas pour les CES.

M. Serge Lagauche - Pour les CES, c'est tout à fait différent.

Mme Béatrice Gille - Pour les emplois jeunes, c'est effectivement tout à fait différent.

M. Claude Domeizel - Les établissements publics ne peuvent pas avoir de CES puisque ce serait un contrat passé entre l'Etat et lui-même.

Mme Béatrice Gille - Ils en ont parce que ce sont des établissements publics locaux d'enseignement. Ils sont donc autorisés.

M. Claude Domeizel - Ce sont pourtant des crédits d'Etat.

Mme Dinah Derycke - De toutes façons, chaque établissement public local d'enseignement dispose d'un budget. Ne serait-ce que le budget de fonctionnement que lui attribuent les régions et les départements sur lequel, après décision du conseil d'administration, on peut décider de recruter un CES. Ma question portait sur le fait de savoir combien il y a de CES sur des missions, c'est-à-dire des travaux que devraient faire normalement des personnels ATOS.

Vous avez dit que vous étiez plutôt sous-calibrés. J'aimerais savoir le nombre de personnels ATOS manquants si on voulait que le travail soit réalisé correctement par des personnels titulaires de l'éducation nationale ?

Mme Béatrice Gille - Ce n'est pas de ma compétence globalement puisque les chiffrages sont à la DAF pour les CES. Néanmoins, en personnes physiques, il y en a 70.000 qui correspondraient à 48.000 contrats. Il peut y avoir deux CES sur un contrat successivement. Cela correspondrait donc à 48.000 à diviser par deux, puisque les CES sont à mi-temps. On arrive à 24.000 personnes qui travaillent dans les établissements scolaires du second degré.

Ils y font des tâches variables : un grand nombre font des travaux d'entretien ; certains font des travaux de reprographie ; d'autres sont dans des travaux un peu plus pédagogiques. Voilà grosso modo la répartition. Il est très difficile de répondre très franchement à votre question de savoir s'ils assurent des tâches permanentes qui devraient être assurées par l'Etat. Beaucoup d'entre eux ont été recrutés à un moment où l'éducation nationale comme d'autres établissements publics locaux ont été poussés à prendre des CES. Faire la part de ceux qui s'occupent de tâches permanentes et de ceux dont on pourrait se passer avec un service public équivalent, est extrêmement complexe. Il faudrait faire l'étude établissement par établissement.

Actuellement, nous estimons, le ministre le dit souvent, qu'il n'y a probablement pas assez d'ATOS dans le second degré.

M. Francis Grignon, rapporteur .- Je voudrais revenir sur le chef d'établissement. Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit notre collègue Lagauche : c'est fondamental.

Excusez-moi, mais je ne suis pas tout à fait d'accord quand vous dites qu'il s'agit de problèmes différents pour un établissement de 200 ou 1.000. Il y a des règles précises en matière de management. Bien sûr, pour 200, il faut un chef et pour 1.000, il faut une équipe, mais c'est dans la philosophie et dans la façon d'aborder le problème qu'il y a peut-être matière à évoluer.

La question que je vous pose est la suivante : dans le fond, si au lieu d'avoir un établissement, que ce soit une personne, une équipe si l'établissement est grand, si, au lieu d'avoir des circulaires qui descendent que l'on doit appliquer avec des tas de charges, on avait un système avec plus de libertés, avec des règles prédéfinies, un chef d'établissement qui est plus un manager, qui ait plus d'autorité sur ses personnels, qui dans une commission paritaire n'acceptera pas qu'un déplacement de personnel se fasse parce que la femme travaille au même endroit mais parce qu'il a telle ou telle compétence, cela serait-il de nature à faire mieux fonctionner la machine ou peut-on rester où l'on en est et continuer ? Cela me paraît très important.

Mme Béatrice Gille.- C'est le sens de l'évolution qui va non seulement vers la déconcentration, mais vers la contractualisation. L'idée du management de l'éducation nationale est qu'au lieu d'avoir un ministère, un rectorat, une académie et un établissement scolaire soumis à des ordres, des circulaires, des contraintes, il faudrait arriver dans les années à venir à avoir un système déconcentré et contractualisé : chaque unité aurait ainsi ayant davantage d'autonomie et de responsabilités, qu'elles soient académiques ou au niveau de l'établissement, avec à la clef un système de contractualisation qui donne beaucoup plus d'autonomie et de marge de manoeuvre, y compris en matière de gestion du personnel et en matière d'adéquation de profils, de compétences.

Nous sommes dans cette démarche de déconcentration et de contractualisation. Il s'agit de contractualiser sur des objectifs qui seraient pris en charge de façon beaucoup plus responsable par les différentes unités. C'est le sens de l'évolution dans laquelle nous sommes. Cela nécessite un encadrement de type différent. Là, je vous suis tout à fait. Cela signifie qu'il faut un personnel d'encadrement capable de gérer cette autonomie, cette prise de responsabilités, de rendre compte en étant dans un système d'éducation nationale et de service public. Néanmoins, on est bien dans cette optique.

Pour le moment, il y a le début d'une démarche de contractualisation entre le ministère et les académies qui devrait logiquement se décliner ensuite au niveau académique avec les établissements scolaires et qui devrait à terme aller dans le sens que vous indiquez.

M. Serge Lagauche. - Avec les académies, cela marche. Ensuite, le problème se pose de la liaison entre les différents établissements. Certains établissements entrent en concurrence. Je parle pour les zones urbaines. Vous avez, par exemple, une option de chinois qui va conduire certains élèves à se domicilier à tel endroit.

S'il n'y a pas concertation entre chefs d'établissements pour se répartir les bons et les mauvais élèves, pour prendre chacun sa part des élèves difficiles sur un secteur, ceux qui vont aller en sections professionnelles, et pour que chacun ait aussi son petit " gratin " c'est-à-dire les bons éléments, cela ne fonctionnera pas.

Il me paraît nécessaire de tenir compte, dans une agglomération appelée à évoluer, des désirs des parents qui, dès la maternelle prévoient déjà dans quels lycées vont aller leurs enfants. C'est une réalité. C'est cela qu'il faut combattre, car ce n'est pas bon pour les bons élèves. En tout cas, c'est souvent très mauvais pour les établissements. Cela leur donne une mauvaise renommée, alors que les autres ont à tort une bonne renommée. C'est un point extrêmement difficile car cela dépend du terrain qui évolue constamment en fonction des arrivées et des départs de populations.

Mme Béatrice Gille.- Je ne suis pas franchement dans mon domaine de compétence. La plupart des académies ont " zoné " leur territoire en bassins d'éducation et de formation qui ont en fait cet objectif  : faire travailler les chefs d'établissement ensemble pour éviter des concurrences redoutables pour le service public.

En fait, c'est l'objectif de la réflexion engagée sur l'unité et le territoire de l'éducation nationale, la façon dont ce territoire devrait être géré en tant que tel ; cela implique une nécessaire concertation entre les chefs d'établissement, de façon verticale et horizontale afin de prendre en compte tous les lycées d'un même secteur, mais aussi l'ensemble du système, de la maternelle à l'université, pour définir les parcours des enfants. Il y a des académies dans lesquelles cela a été annoncé et où cela marche plus ou moins bien. Il y a des académies pour lesquelles c'est moins avancé.

M. Serge Lagauche - Il suffit de regarder les ordres du jour des conseils d'administration des établissements pour s'apercevoir que c'est un point essentiel.

Mme Béatrice Gille - C'est vrai, mais je crois qu'un grand effort est fait de la part d'un grand nombre d'académies dans ce domaine.

M. Claude Domeizel - Je voudrais poser une question sur la formation des personnels que vous n'avez pas évoquée. Quelle est la place accordée dans la formation de ces personnels au fait qu'ils sont affectés dans des établissements d'éducation : y a-t-il adaptation pour l'ouvrier d'entretien par exemple ? Comment s''adapte-t-il au fait qu'il travaille dans un établissement d'éducation ?

Mme Béatrice Gille - J'ai la chance d'avoir dans mon portefeuille la formation des personnels et l'intégralité des actes de gestion des ressources humaines : la formation en est un de toute évidence. De la même façon que la gestion de la grande majorité des corps ATOS est déconcentrée, la formation l'est également. La formation initiale et continue des personnels ATOS est gérée au niveau de chaque académie. Le recteur a en général à sa disposition le CAFA (centre académique de formation administrative) qui a pour mission de former l'ensemble des personnels, aussi bien l'adaptation à l'emploi -pour répondre à votre question- et notamment la professionnalisation de la filière ouvrière qui est tout à fait importante.

Celui qui a la compétence de la gestion a aussi dans ses mains la formation. Au niveau ministériel, nous ne faisons que piloter et animer tous les réseaux de formation académiques.

La formation des ATOS a été extrêmement importante dans le passé car elle a contribué à faire prendre conscience d'une culture et d'une identité professionnelles très fortes, notamment de la filière ouvrière de l'éducation nationale dans la mesure où cette formation était assurée par des pairs et où également c'était un acte de reconnaissance de leur professionnalisme et de leur motivation, car on a une motivation particulière des catégories à l'éducation nationale, notamment de la filière ouvrière.

La formation a été dans la construction de cette identité et de cette culture quelque chose de très important dans le passé, notamment la professionnalisation de la filière ouvrière. Tout cela est entre les mains du recteur qui, en fait, essaie de la gérer au plus près du terrain, de faire remonter les besoins des établissements. C'est compliqué, car on est dans une pratique administrative courante qui avait une tendance très nette à disjoindre la gestion des personnels de la formation.

On est dans l'optique où nous essayons de faire en sorte que la formation soit une partie intégrante de la gestion de chaque individu. Cela va avec les outils d'évaluation, avec l'appréciation des outils de gestion qu'il nous faut mettre en place pour toucher chaque individu du système où qu'il soit. C'est une affaire importante.

M. Claude Domeizel - On n'a pas toujours l'impression que d'un établissement à un autre, tout le monde comprenne que tous les adultes, quels qu'ils soient, ont leur part dans l'éducation des enfants. Je ne suis pas sûr que cela soit bien perçu par le personnel. Ont-ils été formés pour cela ?

Mme Béatrice Gille - Si vous avez ce sentiment, j'imagine que c'est pour avoir entendu des personnes. Pour autant, quand vous écoutez les personnels de l'éducation nationale qui travaillent dans les établissements scolaires, notamment ceux de la filière ouvrière et ceux de la filière administrative, ils expliquent que leur appartenance statutaire à l'éducation nationale est importante par rapport aux faits de déléguer un certain nombre de tâches à des services privés.

Leur appartenance à l'éducation nationale leur paraît essentielle car justement, ils sont des adultes dans un établissement scolaire et ils participent à la communauté éducative. Quand vous les questionnez, c'est un point très fort de leur sentiment d'appartenance au monde de l'éducation nationale, par rapport à une gestion qui serait autre, qu'elle soit privée ou qu'elle soit ailleurs.

C'est quelque chose d'important. Quand vous questionnez le personnel de restauration, de cantine ou le personnel d'entretien, ouvrier et de service, ce sont des personnes qui ont à coeur d'assurer une présence d'adulte par rapport aux élèves.

N'importe quel chef d'établissement vous dira que le concierge, le personnel d'accueil d'un établissement a, pour la vie des élèves, une grande importance. Quand il est très présent, qu'il prend à coeur son travail, c'est un personnel important. Les personnels ATOS sont très importants dans le monde de l'éducation, me semble-t-il. En outre, ils sont là toute la journée.

M. Serge Lagauche - Ils voient tout.

Mme Béatrice Gille - Ils voient beaucoup de choses. Ce sont souvent des recours pour les élèves. Ils ont une importance très réelle.

M. Francis Grignon, rapporteur - Tant mieux si c'est la réalité !

Mme Béatrice Gille - Je crois quand même que c'est la réalité.

M. le Président - Y a-t-il encore des questions ? Il nous reste à vous remercier, Madame, pour toutes ces explications.