B. LES RÉFORMES EN COURS : UN PROJET À INSÉRER DANS UNE RÉFLEXION D'ENSEMBLE

1. le projet de réforme élaboré par la datar

En décembre 1998, la DATAR présente un projet de révision du dispositif français. Ce projet, qui peut notamment s'appuyer sur un rapport de MM. Melchior et Sautter de 1995, vise à mettre en place une agence nationale (association loi 1901) à vocation partenariale, composée de représentants de l'État (DATAR / Ministère de l'Économie et des Finances), des collectivités locales, de certaines entreprises (sociétés de reconversion ( ( * )2) , organismes financiers,...).

Cette agence disposerait d'une cellule renforcée au niveau national, au service des membres de l'association, d'un réseau de postes à l'étranger, d'un réseau d'experts qui interviendraient sur des filières stratégiques.

L'agence s'appuierait sur une démarche transparente pour diffuser, sélectionner et orienter les projets en région. L'agence prendrait en compte les éléments de rupture soulignés, puisqu'elle prévoit, notamment, de développer des outils pour mieux répondre aux projets d'investissements indirects (fusions,..) et de promouvoir la France également sur le « hors projet » (environnement culturel,...).

2. l'expérience des pays étrangers

Les Pays-Bas ont adopté une politique active en matière de promotion des investissements étrangers.

Une stratégie est définie de façon extrêmement claire, et se concentre autour des points forts et des atouts du pays.

Des plans stratégiques sont élaborés et révises régulièrement afin de mieux correspondre aux évolutions du marché et de la demande. L'État a joué un rôle déterminant dans les actions entreprises. La prospection et l'accueil des investissements sont coordonnés directement par le Ministère de l'Économie.

Au Royaume-Uni, la promotion des investissements étrangers est une priorité de longue date pour la politique économique et industrielle.

Elle s'est traduite notamment par les actions suivantes :


• la création d'un environnement compétitif et attrayant pour les entreprises et la promotion des avantages du Royaume-Uni comme site d'implantation ;


• la création d'un guichet unique pour aider les investisseurs étrangers à appliquer les règles de l'investissement au Royaume-Uni ;


• la création de nouvelles agences de développement régional (Angleterre) et le renforcement des agences existantes (Écosse, Pays de Galles) ;


• la collaboration entre l'État et les partenaires locaux pour élaborer des stratégies régionale de compétitivité.

En Italie, où la préoccupation de la promotion du territoire à l'étranger est relativement récente, on note que le Gouvernement a décidé, en 1997, la création d'un organisme sur le même modèle que la Welsh Development Agency, le SVILUPPO ITALIA, afin de coordonner les efforts des agences existantes. Cet organisme, qui sera rattaché au ministère du Trésor, doit être constitué avant la fin 1999.

Le rôle de l'État dans la promotion de l'investissement étranger est prépondérant.

L'une des caractéristiques majeures des systèmes de promotion britannique et néerlandais est le fait que les organismes ou agences ont une stratégie bien définie. Ainsi, leurs missions sont claires. Chaque organisme a des secteurs cibles, des pays cibles, des objectifs clairs, et une mission propre.

Tous ces organismes, qu'ils soient britanniques, hollandais ou italiens, ont des réseaux à l'étranger, sur lesquels ils peuvent s'appuyer afin de faire de la prospection d'investisseurs, ou encore de l'information et de la publicité. La coordination très efficace qui existe entre les diverses agences, est le garant de la réussite de la politique d'attraction de l'investissement au Pays-Bas et en Grande-Bretagne.

L'étude souligne que l'un des points forts de l'Invest in Britain Bureau - reconnu meilleure agence de promotion en 1997 par un jury international - concerne l'après vente : attirer l'investisseur étranger ne suffit pas, il faut aussi le retenir et l'encourager à se développer dans le pays.

3. les axes de réflexion et d'approfondissement

Le projet DATAR semble répondre aux principales attentes des collectivités locales. Toutefois, il correspond plus à une réforme organisationnelle qu'à un véritable choix au service d'une stratégie de promotion des investissements étrangers.

Les cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE proposent de renforcer la réflexion dans deux directions :

1 un choix stratégique, qui guide les arbitrages sur l'organisation et les actions à mettre en oeuvre ; aujourd'hui, les choix stratégiques ne semblent pas avoir été faits, au niveau national ; or ils sont structurants et seuls en mesure de donner une cohérence d'ensemble aux actions mises en oeuvre ; de plus, tout en respectant l'autonomie des collectivités locales, ils sont garants des synergies qui doivent se développer entre acteurs nationaux, régionaux et locaux ;

2 une organisation orientée « clients », c'est à dire sur le terrain (à l'étranger), à l'écoute des prospects et capable de faire évoluer l'offre (par la diffusion de l'information, l'aide à la définition de stratégies locales, la présélection des offres).

Deux conséquences découlent de cette priorité :

a) renforcer la place des acteurs de terrain dans l'ensemble du dispositif national, en développant les postes à l'étranger et en orientant le recrutement vers des agents véritables professionnels de la prospection ;

b) différencier les actions qui portent sur la mise à niveau des territoires locaux (qui participent bien d'une mission d'aménagement du territoire) et celles qui portent sur la vente des produits ainsi élaborés.

L'articulation entre ces deux missions est une des clés de réussite d'un dispositif national, qui peut trouver dans cette articulation une source de légitimité auprès des acteurs locaux.

L'idée générale de l'étude est que la décision d'investissement, dans un contexte de marchés ouverts, résulte d'un choix rationnel effectué par des opérateurs informés et exigeants.

Face à une décision complexe, lourde de conséquence pour l'investisseur, il est important de rationaliser la démarche de prospection comme s'il s'agissait d'un processus commercial de vente. Pour les projets complexes, la vente s'inscrit, d'abord, dans une relation d'aide. Ce n'est que dans la mesure où le « vendeur » comprendra le besoin du client qu'il pourra, dans une relation de confiance, faire cheminer celui-ci vers une décision judicieuse.

Bref, attirer l'investissement étranger, c'est avant tout identifier le(s) besoin(s) des investisseurs et leur montrer que la France est capable d'y répondre.

L'analyse des cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE est proche de celle qui sous-tend le projet actuel de la DATAR mais s'en distingue en ce qu'elle privilégie un système bicéphale, faisant intervenir, sur le modèle de l'entreprise, une « direction générale », responsable de la stratégie, à laquelle seraient rattachées, une « direction des ventes » et une « direction produit ».

La fonction de « direction des ventes », dont l'action serait orientée « clients », pourrait être dans cette perspective, assurée par le Ministère de l'Économie, des Finances et de l'industrie.

Il y serait rattaché un réseau de vendeurs professionnels, parlant plusieurs langues, et qui auront tous dans leur cursus professionnel un passage obligatoire en région et devront y retourner régulièrement pour rester en contact avec les réalités de terrain.

Il est intéressant de souligner que l'étude envisage de développer des synergies avec les postes d'expansion économique - PEE - Cette force de vente aurait pour tâche d'être à l'écoute de l'investisseur étranger auprès duquel elle jouera le rôle d'interlocuteur unique.

La fonction de « direction produit » pourrait incomber à la DATAR, qui serait chargée de l'évolution et de la mise à niveau des produits vendus. Sa tâche consisterait notamment à animer la réflexion stratégique des acteurs locaux et à organiser la mise en compétition des offres territoriales.

Le lien permanent entre les deux organes du dispositif pourrait s'effectuer, notamment, par l'intermédiaire d'un réseau informatique interne qui permettrait :


• d'actualiser le catalogue de produit ;


• de transmettre les appels à candidature dans des délais très courts ;


• d'avoir une transparence sur les projets en cours ;


• de transmettre les réponses à l'appel d'offres le plus rapidement possible

L'étude insiste, enfin, sur la nécessité de mettre en place un outil de suivi des résultats, pour parvenir à comptabiliser de façon fine les projets aboutis, non aboutis, avec le montant des investissements, mais aussi des créations ou sauvegarde d'emploi qui en découle, de même que les projets qui sont partis de France.

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L'analyse des cabinets PriceWaterhouseCoopers et BIPE des nouveaux ressort de l'investissement international vient passablement compliquer les termes du débat sur l'aménagement du territoire, dont le Parlement est aujourd'hui saisi.

L'étude souligne que notre politique actuelle de promotion des investissements étranger est plus critiquable encore du fait de son défaut de vision stratégique que de son manque de coordination entre ses différents échelons.

Si le rapporteur de l'Office veut bien en convenir, il tient aussi à mettre l'accent sur la difficulté qu'il y a à bâtir une stratégie cohérente de l'investissement international, alors que la notion même de frontière tend à s'estomper.

À la limite, on pourrait, à l'issue de cette analyse, se demander si l'on peut encore dire ce que c'est qu'un investissement international, quand la nationalité des entreprises n'est plus toujours clairement définie et quand les opérations de fusions-acquisitions prennent autant d'importance que les investissements directs proprement dits avec création de nouveaux sites de production.

Mais, le problème n'est pas simplement national ; il se retrouve au niveau local. L'élu, responsable du développement économique de sa collectivité territoriale, peut difficilement dissimuler sa perplexité face à une nouvelle logique de l'investissement dans laquelle les facteurs diffus de compétitivité paraissent poser au moins autant que les mécanismes directs d'incitation et qui donne tout son rôle aux actions directes de prospection.

Toute la question est alors de parvenir à mettre en place une structure au niveau national, qui, tout en respectant l'autonomie de gestion de collectivités locales, persuadées non sans raisons qu'elles ne seront jamais mieux défendues que par elles-mêmes, fera une place aux solidarités nationales de nature à promouvoir le produit « France » comme base de développement économique, par delà les intérêts régionaux.

Convaincu de l'importance de la question soulevée par cette étude, le rapporteur vous propose de la transmettre à la Commission des finances du Sénat, assortie d'un avis favorable à sa publication.

* (2) Certaines sociétés privées de reconversion ont ainsi <illisible> leur activité de prospection à l'association Heragone qui agit avec un budget de 6 5 millions de francs pour les sociétés Rhône-Poulenc, Usinor, EDF, Elf. Thomson César <illisible>

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