D. UNE LOGIQUE CENTRALISATRICE ET BUDGÉTAIRE

La procédure des quatrièmes contrats de plan Etat-Régions reste dans une double logique centralisatrice et budgétaire, c'est-à-dire que les contrats de plan Etat-Régions demeurent avant tout un moyen pour l'Etat d'opérer des transferts de charges.

• En premier lieu, la procédure des contrats de plan 2000-2006 s'inscrit toujours davantage dans une logique budgétaire que dans une logique de gestion partenariale des compétences partagées. Cela résulte notamment :

- du rôle prééminent accordé par la procédure à l'allocation par l'Etat " d'enveloppes " pour chaque ministère et pour chaque région ;

- de l'extension de champ de la contractualisation. En effet, l'appel de la Cour des Comptes à une plus grande concentration des contrats n'a pas été respecté. Au contraire, l'Etat a souhaité étendre la contractualisation, par exemple à la Justice ;

- de la prise en compte encore insuffisante des projets émanant des territoires. En effet, si la part du " volet territorial " pourrait avoir augmenté d'environ 10 % dans les troisièmes contrats de plan à peut-être 20-25 % dans les quatrièmes contrats de plan, cela résulte largement de ce que nombre de mesures ont été assez artificiellement rattachées à ce volet territorial ;

- de ce que, contrairement aux préconisations du rapport de M. CHEREQUE, l'Etat n'a pas mis en place une véritable enveloppe déconcentrée de crédits fongibles à la disposition des préfets pour l'exécution des contrats de plan.

• En second lieu, la logique des quatrièmes contrats de plan est toujours très centralisatrice . En d'autres termes, même si les services déconcentrés sont sans doute davantage à l'écoute des préoccupations et des experts locaux, les administrations centrales cherchent toujours in fine à imposer leurs propres choix, et s'appuient pour cela sur le déséquilibre de la négociation.

Selon les Régions, cela serait notamment le cas du ministère de l'Equipement, et surtout du ministère de l' Education nationale et de la Recherche , ce dernier n'ayant aucunement joué le jeu de la négociation.

Lors de son audition du 19 janvier par la Délégation du Sénat à l'Aménagement et au Développement durable du Territoire, M. JOSSELIN de ROHAN, Président de la Région Bretagne, indiquait ainsi que " pour beaucoup de ministères, les directives nationales sur le contenu des projets contractualisés ont été très centralisatrices. Nous avons reçu dans le domaine de la vie étudiante pour l'enseignement supérieur des directives coïncidant assez mal avec nos souhaits. S'agissant de l'enseignement supérieur et de la recherche, les présidents d'université, les maires, les représentants des collectivités - je vais rester très modéré - ont été frappés par la volonté très centralisatrice du ministre. Ce dernier souhaite plus nous imposer ses vues qu'échanger avec nous... Nous n'avons pas le sentiment que nous pouvons vraiment débattre... Nous avons le sentiment que dans certains domaines, nous nous sommes heurtés à un mur, comme pour l'environnement, l'aménagement du territoire, l'enseignement supérieur et la recherche ".

En réponse à votre rapporteur, certains ministères assument d'ailleurs leur volonté d'une élaboration (re)centralisée. Par exemple, le ministère de l'Agriculture et de la Pêche indique, en réponse à votre rapporteur, que contrairement aux troisièmes contrats de plan, " pour 2000-2006, le champ de la contractualisation est directement issu de la stratégie du ministère ; il n'a été modifié qu'à la marge au cours de l'exercice pour prendre en compte les démarches d'un certain nombre de Régions en matière de prévention des risques phytosanitaires ".

• Ces logiques budgétaire et centralisatrice se sont particulièrement combinées dans le cadre des actions qui relèvent de la stricte compétence de l'Etat. En effet :

- d'un côté, l'Etat a recherché, et parfois imposé la contractualisation d'un nombre croissant de ses compétences. Par exemple, l'Etat a souhaité étendre le champ de la contractualisation à la Justice, compétence régalienne par excellence 184( * ) . In fine , les projets inscrits dans les quatrièmes contrats de plan relèvent majoritairement de la compétence de l'Etat ;

- de l'autre, l'Etat estime, s'agissant de ses propres compétences, qu'il lui revient entièrement de choisir les projets contractualisés.

Au total, comme le résument respectivement M. Valéry GISCARD D'ESTAING, ancien Président de la République, Président de la Région Auvergne, et M. Michel DELEBARRE, ancien ministre, Président de la région Nord-Pas-de-Calais, " L'Etat veut choisir les opérations, mais ne veut pas les financer " et la contractualisation, telle qu'elle est conduite, permet à l'Etat de " faire son marché " dans le budget des collectivités locales.

Ces transferts de charges ne sont pas sans conséquences. Présentant le contrat de plan 2000-2006, M. Michel VAUZELLE, Président de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, estimait ainsi " au minimum paradoxal qu'au moment où le Gouvernement annonce un important mouvement de baisse de la fiscalité, [la Région] soit contrainte de procéder à une hausse [de la fiscalité]... pour assurer le financement de projets relevant de la compétence de l'Etat ".

Comme votre rapporteur l'a montré précédemment, ces transferts de charges ne sont pas nouveaux, et il est difficile d'apprécier si ils ont pris plus d'ampleur dans les nouveaux contrats de plan.

Néanmoins, ces transferts de charges interviennent après que plusieurs rapports aient appelé à ce que les Régions puissent davantage participer à la définition des projets contractualisés, après que le Gouvernement ait annoncé que l'élaboration des quatrièmes contrats de plan serait plus participative, et après que les collectivités locales aient accumulé une expérience et une expertise croissantes.

Le hiatus entre les discours de l'Etat et les attentes légitimes des collectivités locales, d'un côté, les modalités réelles d'élaboration des contrats de plan, de l'autre, semble donc s'être creusé, au point que certains Présidents de Région dénoncent aujourd'hui un processus de " recentralisation " ou un " recul historique de la décentralisation ".

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page