II. LA CONTRACTUALISATION : COROLLAIRE OU ÉTAPE DE LA DÉCENTRALISATION ?

A. LA CONTRACTUALISATION, COROLLAIRE DE LA DÉCENTRALISATION

La contractualisation constitue à bien des regards la conséquence de la décentralisation.

En effet, comme le rappelle la DATAR, les contrats de plan Etat-Régions " supposent [à l'évidence] l'existence des Régions ".

Inversement, la dynamique initiée par les lois de décentralisation rend nécessaire le développement d'outils, de lieux ou de procédures de gestion des interdépendances entre les collectivités locales et l'Etat, d'une part, entre les collectivités locales elles-mêmes, d'autre part.

Or la procédure de contrat de plan Etat-régions constitue bien un moyen privilégié pour gérer ces interdépendances entre collectivités autonomes.

En France, la création des contrats de plan est d'ailleurs concomitante des lois de décentralisation. De même, l'expérience des pays européens suggère une forte corrélation entre le renforcement de l'autonomie des collectivités locales et le développement de relations contractuelles entre autorités publiques.

Au total, certains observateurs estiment que la contractualisation est " l'enfant de la décentralisation ".

Mais il pourrait s'agir d'un enfant parricide .

B. MAIS LA CONTRACTUALISATION ÉTAT-RÉGIONS PEUT AUSSI APPARAÎTRE COMME UN FREIN À LA DÉCENTRALISATION

Votre rapporteur a demandé aux Régions et à la DATAR " dans quelle mesure la procédure de contrat de plan renforce-t-elle la décentralisation ? ".

• En réponse, la DATAR indique que la contractualisation " s'inscrit dans le cadre des lois de décentralisation ", puis souligne que la procédure " donne un poids important à la Région ", et qu'il " est généralement considéré que la décentralisation se trouve renforcée par le développement de la déconcentration. [Or] le rôle des préfets de région a été très important lors de l'élaboration des troisièmes et quatrièmes contrats de plan Etat-Région. Les marges de manoeuvre des préfets ont été autant d'ouvertures aux demandes des Conseils régionaux ".

La procédure de contrat de plan favoriserait dès lors conjointement la déconcentration et la décentralisation.

De même, certaines Régions estiment que la procédure de contrat de plan Etat-Régions renforce par certains côtés la décentralisation, " notamment en identifiant la Région (se concertant avec les autres collectivités) comme interlocuteur de l'Etat, et aussi en associant ces collectivités à certaines décisions sur les compétences de l'Etat. C'est la contrepartie (il en faut bien...) du caractère dissymétrique du contrat ".

• Néanmoins, la quasi totalité des Régions estiment que la procédure de contrat de plan " ne renforce pas la décentralisation ", " renforce plus le rôle de l'Etat que celui de la décentralisation ", " affaiblit la décentralisation " ou " constitue une atteinte aux lois de décentralisation ".

Selon ces Régions, cela résulte notamment :

- de ce que l'Etat est " maître du calendrier " et " dispensateur des fonds " ;

- de ce que " l'Etat continue à agir de manière trop centralisée ,... les services déconcentrés ayant des marges de manoeuvres restreintes " ;

- de ce que la procédure de contrat de plan Etat-Régions " contribue à faire financer des compétences de l'Etat par les régions,... au mépris de la logique des blocs de compétence transférées en 1982-1983 " ;

- de sorte que " la procédure de contrat de plan... consiste pour près de 50 % à abonder la politique de l'Etat, donc à pallier les insuffisances de ressources de l'Etat et à engager les collectivités en dehors de leurs compétences " ;

- et que cette " multiplication de cofinancements dans des domaines relevant de l'Etat tend à renforcer la confusion des compétences, alors que la décentralisation pourrait être renforcée par une clarification des rôles " ;

- au total, de ce que " la contractualisation pose des problèmes d'identification et de responsabilisation de l'action publique, notamment par les financements croisés, d'inégalités entre les partenaires (cf. décision unilatérale de l'Etat de rallonger la durée du contrat de plan 1994-1999 d'un an), ce qui va à l'encontre du processus de décentralisation ".

En conclusion, certaines Régions estiment que le jeu des financements croisés induits par la procédure de contrats de plan Etat-Région, " au lieu de poser clairement la question des compétences et d'identifier des responsabilités claires, permet de maintenir le statu quo au lieu d'avancer plus avant dans la décentralisation ".

En d'autres termes, la procédure de contrat de plan freinerait l'approfondissement et l'amélioration de la décentralisation, en éludant le débat public sur le partage des compétences entre collectivités.

A l'extrême, certaines Régions voient dans la posture régulatrice des services de l'Etat une manifestation de leur volonté de conserver leurs prérogatives, voire, pour certains services déconcentrés dépourvus de moyens, une tentative de justifier leur existence.

La rigidité de l'Etat dans la négociation serait ainsi la conséquence de son impuissance financière, d'une part, le signe et le moyen du refus de la décentralisation par certaines administrations, d'autre part.

Au total, la contractualisation contribuerait aujourd'hui de facto à renforcer le rôle des administrations centrales et à restreindre les marges de manoeuvre des collectivités locales : la procédure de contrats de plan Etat-Régions freinerait la décentralisation. Les contrats de plan seraient donc " l'enfant parricide " de la décentralisation.

Cette conclusion soulève la question de l'avenir des contrats de plan Etat-Régions.

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