E. LA PROCÉDURE DES TROISIÈMES CONTRATS DE PLAN FUT INSUFFISAMMENT ARTICULÉE AVEC LES PROCÉDURES EUROPÉENNES

• Comme l'expose le Commissariat général du Plan, les démarches des contrats de plan Etat-Région et des documents uniques de programmes communautaires (DOCUP) sont semblables et ont en principe des objectifs convergents :

" Au plan national, les contrats de plan constituent bien l'instrument qui traduit la volonté des partenaires infra-régionaux et régionaux de réaliser consensuellement avec l'Etat un projet pluriannuel de programmes et d'actions répondant aux priorités communes pour favoriser le développement équilibré et harmonieux du territoire. Cette démarche favorise la mise en cohérence des choix publics et des dépenses publiques correspondantes.

Il y a ainsi adéquation entre les choix publics nationaux et ceux fixés par l'Union européenne. En effet, celle-ci, dans son action, vise à renforcer la cohésion économique et sociale de la Communauté et s'attache donc à y promouvoir un développement équilibré et durable des activités économiques, un niveau élevé d'emploi, ainsi qu'un degré élevé de protection de l'environnement
".

Ces objectifs communautaires sont très proches, jusque dans leur formulation, des objectifs assignés aux troisièmes contrats de plan Etat-Régions par le CIAT du 23 juillet 1992 : l'emploi, l'aménagement équilibré du territoire et une meilleure prise en compte de l'environnement

Les contrats de plan devraient donc être coordonnés , ou, à tout le moins, mis en cohérence avec les procédures communautaires.

Cela ne fut guère le cas des troisièmes contrats de plan.

• Tout d'abord, la procédure de contrat de plan n'a aucune influence sur les politiques et les procédures européennes.

Comme le reconnaît la DATAR, " il paraît pour le moins excessif d'avancer que les contrats de plan auraient une incidence sur la cohérence des choix européens. Tout au plus constituent-ils un document repère, qui expose les intentions de la France sur le moyen terme ".

De même, le secrétariat d'Etat à l'Industrie indique : " il est douteux que les choix en matière de politique PMI [petites et moyennes industries] inscrits dans les contrats de plan Etat-Région aient une influence sur les choix publics à l'échelle européenne ".

• En sens inverse, les contrats de plan 1994-1999 ont été fort peu coordonnés avec les procédures européennes.

Certes, le secrétariat d'Etat à l'Industrie estime que " les contrats de plan Etat-Région ont été le cadre dans lequel ont été coordonnées les actions nationales, régionales et celles financées sur fonds structurels européens " et le ministère de l'Intérieur indique que " les préfets de région ont élaboré les DOCUP dans la continuité des contrats de plan ".

En théorie, les contrats de plan Etat-Région pouvaient d'ailleurs constituer la " contrepartie nationale 131( * ) " aux fonds structurels européens.

Le ministère de l'Intérieur précise toutefois que " l'articulation entre les documents avait des limites . Toute dépense mise en oeuvre dans le cadre des contrats de plan ne correspond pas à une dépense mise en oeuvre dans le cadre des DOCUP. Les crédits des fonds structurels ne cofinancent pas la plupart des dépenses des contrats de plan ".

Par exemple, selon la Région Poitou-Charentes, " le contrat de plan 1994-1999 concerne moins de 10 % des contreparties de la Région dans les fonds européens ".

De même, selon une étude menée à l'initiative du SGAR Pays-de-la-Loire sur neuf régions métropolitaines, et citée dans le rapport CHÉRÈQUE, " la part contractualisée de l'Etat représente[seulement] respectivement 10 % et 11 % de la participation publique aux actions cofinancées au sein des programmes objectif 5 b et 2 ". Le rapport CHÉRÈQUE en conclut que les programmes structurels européens sont peu adossés aux engagements contractualisés de l'Etat. On peut toutefois en tirer la conclusion inverse puisque, selon cette même étude, les engagements contractualisés de l'Etat représentent respectivement près de 60 % et plus de 75 % des contreparties nationales apportées par l'Etat au sein des programmes 5 b et 2.

Les thèmes d'action des contrats de plan et des programmes communautaires sont toutefois loin de se recouper.

Ainsi, le ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement, qui représente près de la moitié des engagements contractualisés de l'Etat, indique " qu'il n'y pas de lien direct entre la procédure des contrats de plan et les politiques européennes qui, dans les domaines du transport, portent essentiellement sur les mécanismes de régulation (réglementaires, tarifaires et fiscaux) et sur les grandes infrastructures frontalières dont la programmation sort du champ des contrats de plan ".

• L'appréciation des Régions est d'ailleurs, dans l'ensemble, relativement critique .

Certes, certaines Régions indiquent " que la complémentarité entre le contrat de plan et les fonds structurels européens doit être soulignée, [car] cet adossement a permis la réalisation d'objectifs ambitieux de reconversion économique et sociale et a conféré aux politiques publiques engagées une légitimité encore plus forte " ou que " l'articulation a été plutôt bonne concernant les aides aux industries en raison des relations de dépendance existant entre le régime des aides économiques notifié par la Commission européenne et le zonage objectif 2, et l'inscription simultanée d'un volet environnement au contrat de plan et au DOCUP a renforcé la cohérence des interventions et a permis de dégager des financements supplémentaires ".

Cependant, la plupart des Régions estiment que  l'articulation entre le troisième contrat de plan et les fonds européens " n'était pas assez forte ", " était compliquée et sans doute en partie artificielle ", voire était " inexistante ".

En outre, les programmes en faveur de l'enseignement supérieur ont pu " pâtir de l'effet de zonage des fonds structurels : selon leur localisation, certaines opérations étaient ou non éligibles aux fonds structurels alors qu'elles relevaient d'un programme d'ensemble ".

Enfin, votre rapporteur ne peut que regretter que l'élaboration et l'exécution des contrats de plan n'aient pas été l'occasion pour les services de l'Etat d'informer les collectivités locales sur les aides communautaires. Au contraire, ces dernières sont souvent venues se substituer aux dotations de l'Etat.

Le rapport CHÉRÈQUE 132( * ) concluait donc déjà que " le lien entre programmes européens et contrat de plan est aujourd'hui assez faible ".

On peut d'ailleurs rappeler que peu de contrats de plan s'inscrivaient résolument dans une perspective européenne, à l'exception notable de celui pour la région Poitou-Charentes, dont la couverture était notamment sous-titrée " avec le concours de l'Union européenne ".

• Plusieurs explications peuvent être avancées à ce manque d'articulation entre les contrats de plan et les programmes communautaires :

- le champ et la thématique des procédures sont différents. Le ministère de l'Intérieur souligne ainsi que " les fonds européens ont surtout vocation à aider les régions en retard de développement, l'exercice des contrats de plan dépassant ce cadre " ;

- les calendriers de préparation et d'exécution n'étaient pas concordants ;

- les modes de gestion des deux procédures étaient distincts : les contrats de plan sont en principe conduits en partenariat entre l'Etat et les Régions, alors que la mise en oeuvre des programmes communautaires est gérée par l'Etat ;

- la mise en cohérence des procédures n'était pas la préoccupation première des partenaires des troisièmes contrats de plan Etat-Région. En particulier, cette mise en cohérence ne figurait pas parmi les objectifs prioritaires explicitement assignés à la procédure de contrat de plan par l'Etat. L'ingénierie procédurale des contrats de plan Etat-région avait été pourtant transférée du Commissariat général du Plan à la DATAR, par ailleurs compétente en matière de programmes communautaires ;

- la gestion financière des programmes communautaires était déjà d'une extrême complexité ;

- enfin, les procédures d'instruction, de programmation et de contrôle des fonds communautaires mises en oeuvre par l'Etat étaient déficientes.

Ainsi, selon le rapport réalisé en 1998 par M. Pierre TROUSSET, Président de l'assemblée permanente des présidents de Conseils économiques et sociaux, " certaines appréciations internes à l'administration sur les missions des services de l'Etat dans la gestion du FEDER parlent même de situation inquiétante. Les nombreux retards dans la mise en oeuvre des procédures d'engagement sont pour partie liés à la qualité de préparation des dossiers des porteurs de projets. L'engagement des fonds communautaires semble avoir été la préoccupation principale des gestionnaires... [qui] ne semblent pas avoir pris la mesure... du suivi des opérations en cours... se contentant souvent de certifications sans véritable contrôle. Cette situation, outre qu'elle provoque un retard certain dans la mise en place des paiements, fait prendre un risque sérieux de demande de remboursement par la Commission européenne... l'ensemble de ces considérations conduit de nombreux bénéficiaires finals à attendre entre un et deux ans le paiement des actions réalisées ".

• Pourtant, la plupart des observateurs, à l'instar du rapport CHÉRÈQUE, comme du rapport TROUSSET, estiment souhaitable de mieux coordonner la programmation, la mise en oeuvre et l'évaluation des procédures communautaires avec celles des contrats de plan.

Pour les quatrièmes contrats de plan , le Gouvernement a ainsi annoncé plusieurs mesures de nature à renforcer la cohérence entre les contrats de plan et les programmes communautaires :

- La circulaire du Premier ministre du 31 juillet 1998 précise que " les contrats de plan Etat-Région et les documents uniques de programmation (DOCUP) communautaires devront, en pleine cohérence, mais sans confusion, être les instruments d'une stratégie unique " ;

- les deux procédures des contrats de plan Etat-Région et des programmes communautaires couvrent désormais la même période 2000-2006. Selon le ministère de l'Intérieur, " la concordance des calendriers d'élaboration des zonages européens avec les négociations des contrats de plan a permis de dégager plus facilement des priorités et de disposer d'une meilleure vision financière ..." ;

- " .. .Par ailleurs, d'une manière générale, l'Etat a veillé à ce que les crédits contractualisés servent davantage de contrepartie aux fonds structurels " ;

- en outre, selon le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, " les crédits inscrits dans le cadre des contrats de plan Etat-Région sont l'occasion pour l'Etat de compenser les modifications d'éligibilité affectant, en tout ou partie, certaines régions françaises " ;

- de plus, les contrats de plan Etat-Région, comme les programmes communautaires, feront l'objet d'une évaluation à mi-parcours pour procéder aux ajustements nécessaires ;

- enfin, l'organisation du dispositif d'assistance technique sera concertée avec les Régions et les outils informatiques de suivi seront mis en commun.

• Les Régions soulignent toutefois qu'une meilleure articulation des contrats de plan avec les procédures communautaires n'est utile que sous deux conditions :

- le pilotage des programmes communautaires doit être réellement simplifié , sinon l'imbrication des procédures ne fera qu'ajouter de la complexité à la complexité ;

- enfin, l'Etat ne doit plus utiliser les crédits communautaires en substitution de ses propres engagements vis-à-vis des Régions, comme ce fut trop souvent le cas lors de l'exécution des troisièmes contrats de plan.

• Plus généralement, certaines Régions indiquent " qu'il n'y aura véritablement articulation des procédures que lorsque les fonds européens ne seront plus gérés exclusivement par l'Etat 133( * ) 134( * ) ", c'est à dire lorsque les Régions seront " associées à la négociation des programmes et à leur signature avec l'Etat devant la Commission européenne " et lorsqu'elles disposeront " d'une plus grande marge de manoeuvre [pour l'exécution de ces programmes], tout particulièrement sur leurs compétences propres : la formation, l'insertion professionnelle des jeunes... autant de compétences qui entrent dans le champ d'action du fonds social européen ".

Selon certains ministères, la cogestion des programmes européens par les Régions entraînerait toutefois une tutelle de fait des Régions sur les autres collectivités, et soulèverait des difficultés institutionnelles d'organisation de responsabilité juridique et financière : en effet, lorsque des projets ont été sélectionnés de manière non conforme, c'est à l'Etat seul que la Commission adresse des " notes de débit ".

Le gouvernement n'a donc annoncé en septembre 1999 que de modestes avancées :

- les comités de programmation des fonds structurels seront désormais " coprésidés " par le Préfet et le Président du Conseil régional, mais le Préfet aura le dernier mot en cas de désaccord ;

- la gestion des programmes Interreg et Leader sera déléguée aux collectivités locales qui en sont les maîtres d'oeuvres, afin de raccourcir les délais d'affectation des crédits.

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