2. Le tropisme des troisièmes contrats de plan en faveur des dépenses d'investissement fut parfois critiqué

Ce tropisme des troisièmes contrats de plan Etat-Régions en faveur des crédits d'investissement a connu un feu nourri de critiques .

Certains observateurs ont ainsi regretté que les collectivités locales aient privilégié les dépenses de primo-équipement au détriment des dépenses d'entretien des équipements installés, ou bien les investissement les plus " visibles ", comme les routes ou les musées, au détriment des investissements diffus ou immatériels.

Par exemple, dans son Avis des 27 et 28 octobre 1998, relatif au " Développement local et [aux] politiques d'aménagement du territoire ", le Conseil économique et social indiquait 144( * ) que " l'analyse des priorités figurant dans les contrats de plan montre une vision , à peu d'exceptions près, sectorielle et équipementière ... Or soutenir l'investissement immatériel, la formation des hommes, l'amélioration de l'environnement est souvent plus décisif à terme que des investissements lourds plus prestigieux, mais rarement porteurs d'initiatives locales par eux-mêmes... Le Conseil économique et social recommande en conséquence que les pouvoirs publics, qui ont pris conscience de cette nouvelle donne, accordent un soutien plus important au développement de l'immatériel et au renforcement des réseaux implantés sur le terrain ".

De même, le rapport CHÉRÈQUE 145( * ) concluait : " il importe de cibler davantage des domaines créateurs d'emplois en revenant de façon progressive sur la logique du tout équipement qui a prévalu lors des premières générations de contrats ".

3. Les collectivités locales assument leur préférence pour les dépenses d'investissement

• Les Régions conviennent généralement de ce que les contrats de plan favorisent plutôt les dépenses d'investissement, tout " en favorisant la pérennité de certaines structures ".

Mais elles récusent le plus souvent les critiques précédentes, en indiquant que " cette politique d'infrastructures n'est aucunement menée au détriment de projets immatériels " ou " qu'il existe un équilibre relatif entre les investissements en infrastructures et les projets immatériels ".

Plus généralement, la plupart des Régions assument le choix consistant à privilégier les dépenses d'investissement dans les contrats de plan.

Plusieurs Régions indiquent ainsi " qu'il s'agit d'une volonté politique très forte de la Région de privilégier les dépenses d'investissement au détriment des dépenses de fonctionnement. Le contrat de plan respecte et même favorise ce choix, d'autant que ce sont des grands projets d'investissement qui font l'objet de la contractualisation ".

En effet, pour la plupart des Régions, la contractualisation ne prend tout son sens que pour les grands projets d'infrastructures. Plusieurs Régions regrettent même " que le contrat de plan ne soit pas plus sélectif et ne cherche pas à cibler ces seules opérations ".

Par ailleurs, les collectivités locales sont " très réticentes à s'engager dans le fonctionnement de structures de compétence Etat, ce qui serait une remise en question des lois de décentralisation ".

En d'autres termes, lorsqu'elles interviennent en dehors de leurs compétences, les collectivités locales préfèrent fort logiquement participer de manière ponctuelle à la construction d'une infrastructure, plutôt que de s'engager de manière pérenne sur son fonctionnement .

Par exemple, les Régions préféreront cofinancer la réalisation d'un bâtiment universitaire plutôt que de rémunérer des personnels enseignants.

Par surcroît, le caractère très flou de certains projets d'animation proposés depuis Paris par les ministères " sociaux " n'incite certainement guère les Régions à s'y engager, d'autant plus que ces programmes relèvent des compétences, tant juridiques qu'humaines, des autres collectivités locales, et que la contractualisation de ce type d'action favorise des logiques de guichet.

Enfin, le souhait des collectivités locales d'inscrire en priorité des projets d'investissement structurants dans les contrats de plan s'explique aussi par le désengagement graduel de l'Etat , qui table peut-être sur les financements des collectivités locales.

Selon certaines Régions, le " principal intérêt " du contrat de plan serait d'ailleurs de freiner ce désengagement, sinon de le compenser, " en maximisant les financements publics sur des projets essentiels à la région ".

• D'un point de vue macro-économique , le soutien apporté entre 1994 et 1999 aux dépenses publiques d'investissement par la procédure des troisièmes contrats de plan, n'est d'ailleurs pas forcément une mauvaise chose en soi, dans un contexte où les efforts de maîtrise des dépenses de l'Etat ont davantage porté sur les dépenses d'investissement que sur les dépenses de fonctionnement.

Rappelons à cet égard qu'en 1998 les dépenses d'investissement civil telles que retracées par la comptabilité nationale 146( * ) ne représentaient que 2,2 % des dépenses totales de l'Etat , contre plus de 20% des dépenses des administrations publiques locales. En d'autres termes, les dépenses d'investissements civils de l'Etat équivalaient en 1998 à seulement 0,5 % du PIB, contre 0,7 % en 1994, et à un quart seulement de l'effort d'investissement des collectivités locales 147( * ) .

Dès lors, selon le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, si " le contrat de plan permet, sans aucun doute, de freiner la baisse des investissements civils de l'Etat enregistrée depuis plus d'une décennie. Les projets à long terme, structurants , y gagnent donc indubitablement . "

Au total, au lieu de déplorer la part des investissements dans les troisièmes contrats de plan, peut-être conviendrait-il de resserrer le champ de la contractualisation sur des projets d'investissement clairement définis et librement consentis, ainsi que sur des projets émanant des territoires, plutôt que sur des politiques " horizontales " indifférenciées d'une région à l'autre et imposées par l'Etat.

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