M. le président. Par amendement n° 100, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le dernier alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 34-6 du code des postes et télécommunications, de remplacer les mots : « l'autorité de régulation » par les mots : « le ministre chargé ».
La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Il s'agit d'un amendement très important. En effet, il met en cause l'un des aspects majeurs de ce texte : celui qui confère à l'autorité de régulation des télécommunications des prérogatives de puissance publique exercées jusqu'à présent par le Gouvernement.
Par cet amendement, nous voulons attribuer au ministre chargé des télécommunications le droit de suspendre, de réduire la durée, de retirer totalement ou partiellement les autorisations d'établir ou d'utiliser des réseaux de télécommunications.
Une nouvelle fois, je tiens à rappeler l'opposition radicale de notre groupe à ce transfert de responsabilité de l'Etat vers une instance qui n'a comme vertu proclamée que l'indépendance. Mais c'est une indépendance vis-à-vis des citoyens que vous instaurez. En revanche, vous instaurez une véritable dépendance de cette autorité, mais aussi de l'ensemble des télécommunications à l'égard du monde de la finance.
C'est l'argent qui déterminera les décisions de l'autorité de régulation des télécommunications, et non l'intérêt général.
M. Larcher, dans son rapport écrit, à la page 61, nous présente, sous la forme d'un tableau particulièrement clair, le déplacement des compétences, sur le modèle anglo-saxon, du gouvernement responsable devant les élus vers une instance dépourvue de légitimité démocratique, l'ART.
Selon ce tableau, cette autorité mettra en oeuvre les règles du jeu, contrôlera leur application et apportera son soutien au ministre dans l'exercice de ses attributions, y compris en ce qui concerne l'élaboration de la loi.
Outre l'existence contestable de l'autorité de régulation des télécommunications, ces compétences sont trop étendues et nous vous proposons, par le présent amendement, de les restreindre.
Compte tenu de l'importance de cette disposition, je demande un scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. D'abord, la commission est sensible à l'appréciation qualitative que Mme Fraysse-Cazalis porte sur le rapport écrit. Celui-ci est clair : autant le dire, je n'aurais pas osé l'affirmer moi-même. (Sourires.)
J'en viens à l'amendement que nous examinons. Nous avons bien compris, et nous l'avons dit lors de la discussion générale, la nécessité d'un équilibre.
Tout d'abord, nous n'avons pas retenu la voie anglo-saxonne qui consiste à transférer à une autorité de régulation indépendante l'ensemble des pouvoirs. Je rappelle que le ministre fixe les règles du jeu, contrôle le service public et le service universel.
Ensuite, nous avons fait un choix - nous l'examinerons la semaine prochaine et il appartiendra alors à la Haute Assemblée de le retenir ou non - qui consiste à faire en sorte que, demain, dans la transformation de notre opérateur public France Télécom, l'Etat, par la loi, y conserve la majorité.
Comment imaginer que l'Etat contrôle l'application des règles du jeu alors qu'il sera engagé majoritairement à travers un opérateur qui, naturellement, et nous le souhaitons, sera très important, voire dominant au regard des critères concernant les règles de la concurrence ?
Notre proposition est équilibrée. Nous savons bien que, s'agissant de France Télécom, dans lequel nous croyons et auquel il convient de donner le maximum de possibilités, l'avenir réside dans la diversification sur le plan international. Dans ce domaine, un certain nombre de clauses de réciprocité doivent être mises en place, notamment pour nouer des accords internationaux. Aussi, l'autorité de régulation doit avoir une part d'indépendance par rapport à l'actionnaire majoritaire. Nous avons fait un choix : France Télécom étant majoritairement détenu par l'Etat, il appartient d'en tirer les conséquence en ce qui concerne l'autorité de régulation.
A ce point du débat, je rappellerai que, moi, j'ai confiance en l'Etat. Je considère que l'Etat est par nature impartial - c'est sa vocation, c'est sa fonction. Il n'en demeure pas moins que, lorsque l'Etat est actionnaire majoritaire d'une entreprise du secteur concurrentiel, l'autorité de régulation qui exerce un certain nombre de contrôles doit avoir la part d'indépendance nécessaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement est, bien sûr, défavorable à cet amendement.
L'instauration d'une autorité de régulation est l'une des pierres angulaires du projet de loi. Elle est le résultat d'un choix, à savoir conserver majoritairement à l'Etat la propriété de l'opérateur historique. L'Etat ne peut pas à la fois défendre les intérêts de l'opérateur public, chargé du service universel, et être l'arbitre des conflits entre cet opérateur et les opérateurs privés.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, la création d'une autorité de régulation n'est pas une innovation juridique en droit français. J'ai cité plus de quinze autorités indépendantes créées depuis une quinzaine d'années. J'ajoute que tous les pays européens sont en train de mettre en place un dispositif plus ou moins proche de celui que nous proposons, qui institue un pouvoir de régulation séparé du pouvoir de réglementation. Je souhaite donc que le Sénat repousse cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 100, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 97:

Nombre de votants 242
Nombre de suffrages exprimés 242
Majorité absolue des suffrages 122
Pour l'adoption 20
Contre 222

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 34-6 du code des postes et télécommunications.
(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 34-7 DU CODE DES POSTES
ET TÉLÉCOMMUNICATIONS