M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 38, M. Régnault, Mme Dieulangard, M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Richard et Sergent, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 163 unvicies du code général des impôts :
« Art. 163 unvicies. - Les sommes versées en application des dispositions de l'article 238 bis HN ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu. La réduction est égale à 40 p. 100 du montant de l'investissement. Le montant de l'investissement ouvrant droit à réduction ne peut excéder annuellement 250 000 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et 500 000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune. La réduction est opérée au titre de l'année de versement.
« La réduction prévue au présent article est exclusive de celle résultant, pour le même projet, des articles 238 bis HA et 163 vicies. »
Par amendement n° 17, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, de remplacer les mots : « de l'article 238 bis HN » par les mots : « des articles 238 bis HN et 238 bis HO ».
Par amendement n° 30, MM. Marini, Oudin et Gélard proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, avant les mots : « , est de 500 000 F », d'insérer les mots : « et de l'article 238 bis HP ».
Par amendement n° 50, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, de remplacer respectivement les chiffres : « 500 000 F et 1 000 000 F » par les chiffres : « 50 000 F et 100 000 F ».
Par amendement n° 18, M. Oudin, au nom de la commission, propose, à la fin de la dernière phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, de remplacer les mots : « de l'année du versement » par les mots : « de chaque année de versement ».
Par amendement n° 19 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission, propose de compléter in fine le second alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts par les mots : « , ou par l'intermédiaire de fonds de placement quirataire ».
Par amendement n° 20, M. Oudin, au nom de la commission, propose, dans le dernier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, de remplacer le mot : « projet » par le mot : « navire ».
La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 38.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Il est clair que cet amendement illustre, à lui seul, nos divergences de point de vue sur la manière d'envisager l'aide à l'investissement en général et, dans le cas présent, l'aide au secteur de la filière maritime.
Je suis, encore une fois, surprise par le rapport de M. Oudin sur ce sujet. On y apprend que toute dépense fiscale est susceptible d'induire des effets pervers, notamment un effet de concurrence déloyale envers les investissements existants, qui n'ont pu bénéficier du nouveau dispositif, ou un effet d'aubaine pour des investisseurs qui seraient uniquement motivés par des considérations, comme on dit pudiquement, « d'optimisation fiscale », en clair d'évasion fiscale.
Vous considérez que le système d'agrément prévu représentera un verrou susceptible de résoudre ces problèmes. Je ne pense pas que dans les deux cas que je viens de citer, notamment le dernier, il y parvienne. D'ailleurs, je ne pense pas que la volonté du Gouvernement soit de freiner tout processus de défiscalisation puisque, depuis un an, comme plus généralement depuis 1993, les gouvernements qui se sont succédé ont tenu à ce sujet un double langage : tantôt on parle de niches fiscales pour s'en plaindre et annoncer que l'on veillera à l'avenir à les supprimer, tantôt on s'applique à élargir le dispositif, pourtant déjà fort riche, de ces niches fiscales.
Y aurait-il des niches fiscales légitimes et d'autres qui le seraient moins ? Pour ma part, je constate que celles que vous introduisez ne visent, en raison de leur montant exorbitant, que les contribuables les plus fortunés. Dans le cas présent, elles prennent la forme de déduction du revenu, c'est-à-dire qu'elles offrent des avantages qui augmentent en fonction du revenu.
Dans l'amendement n° 38, nous vous proposons, d'une part, de diminuer de moitié les investissements en cause, d'autre part, de transformer le système de la déduction en réduction d'impôt, ce qui permet d'offrir un avantage constant, quelle que soit la tranche d'imposition du contribuable.
Je ferai, sur ce sujet, deux remarques.
Tout d'abord, pour devancer une éventuelle remarque du Gouvernement ou de sa majorité, je rappellerai que notre système quirataire de 1991 instaurait bien un système de déduction du revenu, mais pour des montants vingt fois moins élevés.
Ensuite, je vous ferai observer que le groupe de travail présidé par M. de La Martinière a exprimé son plein accord pour la suppression des déductions sur le revenu.
Dans le même temps, vous persistez dans l'ancien système, qui, je le répète, favorise les revenus les plus élevés. Vous ne modifiez pas la tranche maximale la plus élevée du barème. En fait, l'ensemble des mesures fiscales qu'ont prises les gouvernements depuis 1993, que ce soit en matière d'investissement locatif, de DOM-TOM, de frais d'employés de maison, toujours sous le couvert de retombées économiques, vise à faire payer de moins en moins d'impôt à des contribuables qui devraient pourtant en payer plus étant donné leurs revenus. Vous considérez probablement que ces derniers paient trop d'impôts ! S'ils en paient beaucoup, c'est probablement parce que leurs revenus sont en rapport avec les impôts qu'ils acquittent. Ils doivent pour le moins participer concrètement, et par la voie fiscale, à la redistribution.
M. le président. Compte tenu du retrait des amendements n°s 16 et 29, les amendements n°s 17 et 30 n'ont plus d'objet.
La parole est à M. Leyzour, pour présenter l'amendement n° 50.
M. Félix Leyzour. Quelle quotité de l'investissement peut-on imputer sur le revenu global du contribuable de l'impôt sur le revenu ? Pour pouvoir décider en toute connaissance de cause sur cette question essentielle qui est placée au coeur du dispositif quirataire, je serai dans l'obligation de vous citer plus complètement les observations que le dispositif existant - qui est une réduction d'impôt - appelle de la part des rapporteurs des deux derniers documents fondamentaux en matière de prélèvements fiscaux, à savoir M. Ducamin et, plus récemment, M. de La Martinière.
Dans le chapitre du rapport Ducamin intitulé « Des dispositifs incitatifs dont l'efficacité, délicate à mesurer, n'est pas démontrée à longue échéance, et qui paraissent parfois porteurs d'effets pervers », il est précisé, s'agissant des quirats, les points suivants : « Si certaines des mesures d'incitation étudiées représentent des économies d'impôt non négligeables pour les contribuables qui en bénéficient, elles ne contribuent à orienter vers les secteurs dont elles ont pour objet de soutenir l'activité que des flux limités. Ainsi, alors qu'à sa création, en 1991, la dépense fiscale pour la déduction des versements effectués pour l'acquisition de navires était estimée à 75 millions de francs, elle n'a, en fait, jamais représenté plus de 10 millions de francs. »
Quant au rapport La Martinière, il y est écrit, page 2, à propos des niches fiscales : « Le groupe de travail exprime son accord global avec les propositions de suppression des déductions du revenu global faites par la commission d'étude des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les ménages - il s'agit de la commission Ducamin - et croit devoir insister sur les points suivants : des engagements ont été pris envers les personnes qui participent au financement des navires de commerce et des investissements réalisés outre-mer. Dès l'instant où l'imposition des revenus serait normalisée, en revanche, il serait opportun que les dispositifs en cause ne soient pas prorogés et que cette orientation soit confirmée. Il ne serait pas inutile non plus de vérifier dans quelle mesure les déductions autorisées, qui intéressent principalement les titulaires de revenus élevés - certes ! - profitent autant à notre marine et au développement de notre outre-mer qu'aux intermédiaires spécialisés dans l'exploitation de ces facilités. »
On ne saurait être plus clair : même les techniciens de la fiscalité, dont la compétence a été sollicitée par le Gouvernement, se posent des questions, fort justes au demeurant, sur le bien-fondé du système quirataire.
Le problème de la quotité de la mesure est réel, surtout lorsqu'on examine le rapport de notre collègue M. Oudin pour ce qui est de l'impact de la disposition sur l'emploi.
Il est en effet précisé que les 400 millions de francs de dépenses fiscales occasionnés par le projet de loi permettront la création de 500 emplois maritimes ; ainsi, chaque emploi créé dans la filière coûtera donc 800 000 francs à la collectivité publique.
Pour ce qui nous concerne, nous considérons qu'il est particulièrement important de savoir jusqu'où va aller la défiscalisation proposée. En effet, il est à peu près avéré que plus l'on montera dans l'échelle du barème de l'impôt sur le revenu, plus l'impact de la mesure sera important. Nous l'avons dit, au maximum du plafond, ce sont 400 000 francs d'impôt sur le revenu qui vont disparaître.
Il importe d'ailleurs de souligner que la déduction sur le revenu global imputable à la souscription de parts de copropriété de navires marchands peut fort bien conduire à rendre un contribuable non imposable et aboutir, dans un deuxième temps, à plafonner sa taxe d'habitation, comme cela s'est déjà vu.
Compte tenu du standard de logement dont bénéficient de façon générale les personnes susceptibles d'investir sans difficultés majeures 1 million de francs, avouez que cet effet pervers serait tout de même pour le moins discutable !
Compte tenu de ces observations, nous proposons, avec cet amendement n° 50, de limiter autant que faire se peut les effets pervers induits par la mesure visée. (Très bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 18, 19 rectifié et 20 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 38 et 50.
M. Jacques Oudin, rapporteur. L'amendement n° 18 est un amendement rédactionnel. Le plafond d'exonération, comme nous le savons, est annuel, mais il peut parfaitement y avoir plusieurs versements étalés sur plusieurs exercices fiscaux.
L'amendement n° 19 rectifié n'est pas de même nature. Il s'agit d'un amendement extrêmement important qui tend à permettre l'acquisition de parts de copropriétés de navires par l'intermédiaire de fonds de placement quirataire. En effet, compte tenu de l'importance du ticket d'entrée minimal dans une copropriété de navire, les quirats ne sont accessibles qu'aux entreprises ou aux titulaires d'un certain revenu, même si, les sommes de 500 000 francs ou de 1 million de francs constituant des plafonds, une épargne plus modeste peut parfaitement être drainée.
Comme on l'a vu tout à l'heure, l'investissement moyen dans un quirat est de 300 000 francs à 400 000 francs. Il faut donc réunir entre 250 et 300 quirataires, en tenant compte de la part de 20 p. 100 de l'armateur, pour réunir l'ensemble de la copropriété. Or il est évident que celui qui monte le projet n'a pas intérêt à voir se multiplier le nombre des quirataires. Les épargnants moyens doivent donc, pour entrer dans une copropriété quirataire, disposer d'un système particulier.
La commission vous propose, dans ces conditions, de créer des fonds de placement quirataire spécifiques, différents des fonds communs de placement normaux, afin de drainer l'épargne moyenne, comme l'ont souhaité certains tout à l'heure : les fonds ainsi constitués seraient alors suffisants pour pouvoir souscrire un quirat de 500 000 francs ou 1 million de francs.
J'en viens à l'amendement n° 20.
L'aménagement fiscal créé par la loi sera exclusif de ceux qui sont relatifs aux investissements dans les départements et territoires d'outre-mer. Dans ces conditions, nous proposons d'interdire le cumul des avantages pour un même navire. En effet, si l'on se contente d'interdire le cumul pour un même projet de copropriété quirataire, un même navire pourrait être financé deux fois par les contribuables s'il change simplement de mains. L'amendement n° 20 nous paraît donc être un amendement de moralité.
Avec les amendements n°s 38 et 50, on nous suggère ni plus ni moins de revenir sur la totalité du système dont nous débattons depuis ce matin.
En fait, le Gouvernement nous propose une nouvelle politique de l'épargne en faveur d'un secteur bien ciblé et spécifique, la marine marchande, qui est dans une situation concurrentielle très difficile, qui a décliné considérablement et que nous avons le devoir de redresser.
Le système antérieur plafonnait les avantages fiscaux à 25 000 francs pour une personne seule et à 50 000 francs pour un couple, et il a fait la preuve de son inefficacité : nous n'avons réussi à financer, avec ce dispositif, que six bateaux en cinq ans. C'est vous dire que nous n'avons pas enrayé le déclin de notre flotte !
Par ailleurs, lorsque les auteurs des amendements n°s 38 et 50 affirment que le système proposé ne s'adresse qu'aux épargnants à revenus très élevés, ils font référence aux plafonds. Certes, pour investir 500 000 francs ou 1 million de francs, il faut avoir des revenus importants, mais il s'agit, je le répète, d'un plafond. Il est possible d'investir moins si on le souhaite, mais on se heurtera alors au système de montage des copropriétés, car on ne peut pas éparpiller les quirats entre de trop nombreux copropriétaires. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous proposons, avec notre amendement n° 19 rectifié, la création de fonds de placement quirataire pour contourner cette difficulté.
Avec l'amendement n° 38, le groupe socialiste propose de réduire l'avantage fiscal en substituant à l'exonération totale une réduction d'impôt limitée à 40 p. 100 du montant des sommes versées et, par ailleurs, de plafonner l'importance de l'avantage fiscal en fixant le montant maximal des sommes ouvrant droit à la réduction à 250 000 francs pour une personne seule et à 500 000 francs pour un couple. Ces restrictions rendraient le dispositif beaucoup moins efficace et la commission des affaires économiques ne peut y être favorable.
Quant à l'amendement n° 50, il tend à diviser par dix l'importance de l'avantage fiscal proposé et à revenir au système antérieur, dont nous avons précisément pu constater l'inefficacité. La commission est donc également défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 38, 50, 18, 19 rectifié et 20 ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 38. Il fait un effort budgétaire significatif en présentant ce texte, en raison - je l'ai répété à plusieurs reprises - de la situation extrêmement dégradée de notre flotte de commerce, secteur qui constitue un attribut essentiel de la souveraineté de notre pays. Je rappelle d'ailleurs à Mme Dieulangard que M. de La Martinière a indiqué de la façon la plus expresse dans son rapport que les engagements pris devaient être tenus, notamment en matière d'investissements maritimes.
Le Gouvernement n'est pas non plus favorable à l'amendement n° 50, car le plafond de déduction proposé viderait de portée pratique le dispositif. A ce sujet, je voudrais dire à M. Leyzour qu'il ne s'agit ni d'une « niche » ni d'un avantage arbitraire : les bateaux doivent être amortis et la situation trop faiblement bénéficiaire des armateurs ne leur permet pas, en pratique, d'opérer cet amortissement. La disposition proposée a donc seulement pour effet d'autoriser l'investisseur à pratiquer un amortissement que l'armateur n'a pas pu pratiquer.
S'agissant de l'amendement n° 18, le Gouvernement y est favorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 19 rectifié, je comprends parfaitement le souci qui anime M. le rapporteur et, plus généralement, l'ensemble des membres de la commission des finances, de faire en sorte que l'investissement dans les quirats soit accessible à des contribuables ayant des capacités d'épargne modeste - nous en avons déjà parlé ce matin - et leur intention de mettre en place à cet effet des moyens de placement collectif.
Je m'associe à ce souci et j'accepte la suggestion de M. le rapporteur. Cependant, je tiens à lui faire remarquer - mais il le sait bien -, que la réglementation de l'épargne est une matière complexe. Je n'exclus pas que, dans la suite de l'examen de ce projet de loi, il faille compléter ou aménager le texte que vous proposez d'insérer. Cela étant, compte tenu de son intérêt évident, je donne, dès à présent, mon accord à cette proposition.
Quant à l'amendement n° 20, le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 163 unvicies du code général des impôts, modifié.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 217 NONIES DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS