M. le président. L'article 10 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 16, M. Jean-Jacques Robert, au nom de la commission des affaires économiqes, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Le deuxième alinéa de l'article 121 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises est complété par la phrase suivante :
« Nonobstant toute clause contraire figurant dans des conditions générales d'achat, la clause de réserve de propriété est opposable à l'acheteur et aux autres créanciers, à moins que les parties n'aient convenu par écrit de l'écarter ou de la modifier. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Robert, rapporteur. A ce point de la discussion, nous avons tenu à présenter cette disposition relative à la réserve de propriété, après avoir bien étudié la situation et bien qu'on puisse considérer qu'une telle mesure a ou n'a pas, selon qu'on regarde d'un côté ou de l'autre, sa place dans ce projet de loi.
Quand un producteur vend sa marchandise à un distributeur et qu'il n'est pas payé, ce qui arrive fréquemment de la part de petits distributeurs et qui est d'autant plus inacceptable qu'il s'agit de petits producteurs, la réserve de propriété est nécessaire pour que le producteur puisse rester propriétaire de la marchandise lorsqu'elle existe encore.
Il s'agit d'un dispositif qui avait recueilli l'assentiment de notre assemblée quand il avait été proposé. Il a été, en effet, difficilement applicable, et peu nombreux sont ceux qui ont pu retrouver une partie de leur livraison alors que ceux à qui ils avaient livré ne les avaient pas payés et avaient déposé leur bilan. Pour autant, ce n'est pas parce qu'un texte profite à peu de personnes qu'il faut le supprimer. Autrement dit, il convient de le maintenir même si les « élus » sont peu nombreux.
En l'occurrence, nous sommes en présence d'une jurisprudence récente de la Cour de cassation. Lorsqu'ils sont en position dominante - c'est pour cela que nous proposons d'insérer ce dispositif dans le texte, à mon avis - certains gros clients n'acceptent pas qu'on leur oppose la clause de réserve réserve de propriété au motif que leurs conditions générales d'achat s'opposent à la mise en oeuvre d'une telle clause. Or, cette clause représente pour les petits producteurs peut-être la dernière chance de ne pas être victimes d'un abus de position dominante.
Chacun d'entre nous, ici, est préoccupé - M. le ministre l'est également - par les positions dominantes des grands de la distribution. Nous avons l'occasion de faire une oeuvre pie, oserai-je dire, en rétablissant ce texte. Nous n'aurons plus jamais cette chance. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de la saisir, en votant cet amendement.
M. Emmanuel Hamel. Peut-on parler d'oeuvre pie dans une République laïque, monsieur le rapporteur ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez observé dans l'intervention de M. le rapporteur une orientation qui le pousse à faire un choix et des interrogations qui ont présidé à ce choix. Vous comprendrez donc que, pour respecter l'équilibre général de l'intervention de M. le rapporteur, le Gouvernement s'en remette à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 est rétabli dans cette rédaction.

Article 11