M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, si le Sénat en était d'accord, je souhaiterais que nous engagions le débat sur les cinémas maintenant, c'est-à-dire que viennent en discussion l'amendement n° 55 portant article additionnel après l'article 10 bis, assorti des sous-amendements y afférents.
Nous avons en effet la chance d'avoir M. le ministre de la culture parmi nous. J'ai beaucoup regretté à l'Assemblée nationale que ce débat se déroule en son absence. Il est en effet important de mener cette discussion avec sa dimension culturelle. Je me souviens que M. Ralite avait déjà exprimé ce souhait lors de la discussion du texte portant DDOEF.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Favorable !
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
La priorité est ordonnée.
Par amendement n° 55, M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, propose d'insérer, après l'article 10 bis , un article additionnel ainsi rédigé ;
« Après l'article 36 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précitée, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :

« Chapitre II bis

« Les équipements cinématographiques

« Art. 36-1. - I. - Il est créé une commission départementale d'équipement cinématographique. La commission statue sur les demandes d'autorisation qui lui sont présentées en vertu des dispositions du II ci-après.
« Sont soumis pour autorisation à la commission départementale d'équipement cinématographique, préalablement à la délivrance du permis de construire s'il y a lieu, et avant réalisation si le permis de construire n'est pas exigé, les projets ayant pour objet :
« 1° La création d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques comportant plus de 1 500 places, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ;
« 2° L'extension d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques ayant déjà atteint le seuil de 1 500 places ou devant le dépasser par la réalisation du projet.
« II. - Dans le cadre des principes définis aux articles 1er, 3 et 4, la commission statue en prenant en considération les critères suivants :
« - l'offre et la demande globales de spectacles cinématographiques en salle dans la zone d'attraction concernée : fréquentation cinématographique observée dans la zone, par comparaison à la moyenne nationale de fréquentation, situation de la concurrence, accès des films en salles, accès des salles aux films ;
« - la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques dans cette zone ; nature et composition du parc des salles ;
« - l'effet potentiel du projet sur la fréquentation cinématographique, sur les salles de spectacles de la zone d'attraction et sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes d'offre de spectacles cinématographiques en salles ;
« - la préservation d'une animation culturelle et économique suffisante de la vie urbaine et l'équilibre des agglomérations ;
« - les efforts d'équipement et de modernisation effectués dans la zone d'attraction et leur évolution récente, ainsi que les investissements de modernisation en cours de développement et l'impact du projet sur ces investissements.
« Pour la détermination du seuil de 1 500 places, sont regardées comme faisant partie d'un même ensemble les salles répondant à l'un des critères définis aux deuxième et troisième alinéas de l'article 29-1. Ce seuil se substitue à ceux prévus à l'article 29.
« Art. 36-2. - La commission départementale d'équipement cinématographique est présidée par le préfet qui, sans prendre part au vote, informe la commission sur le contenu du programme national prévu à l'article premier et sur le schéma de développement commercial mentionné à l'article 28.
« I. - Dans les départements autres que Paris, elle est composée de huit membres :
« - le maire de la commune d'implantation ;
« - un représentant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement dont est membre la commune d'implantation ou, à défaut, le conseiller général du canton d'implantation ;
« - les maires des deux communes les plus peuplées de l'arrondissement, autres que la commune d'implantation ; en dehors des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des communes de l'Essonne, du Val-d'Oise, des Yvelines et de Seine-et-Marne appartenant à l'agglomération parisienne, dans le cas où la commune d'implantation appartient à une agglomération multicommunale comportant au moins cinq communes, les maires des deux communes les plus peuplées sont choisis parmi les communes de ladite agglomération ;
« - un membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique désigné par son président, ayant la qualité de magistrat ;
« - le président de la chambre de métiers dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ;
« - le président de la chambre de commerce et d'industrie dont la circonscription territoriale comprend la commune d'implantation, ou son représentant ;
« - un représentant des associations de consommateurs du département.
« Lorsque le maire de la commune d'implantation ou le maire de l'une des deux communes les plus peuplées visées ci-dessus est également le conseiller général du canton, le préfet désigne pour remplacer ce dernier un maire d'une commune située dans l'agglomération multicommunale ou l'arrondissement concerné.
« II. - Dans le département de Paris, la commission est composée de huit membres :
« - le maire de Paris ou son représentant ;
« - le maire de l'arrondissement du lieu d'implantation ;
« - deux conseillers d'arrondissement désignés par le Conseil de Paris ;
« - un membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique désigné par son président ;
« - le président de la chambre de commerce et d'industrie de Paris ou son représentant ;
« - le président de la chambre de métiers de Paris ou son représentant ;
« - un représentant des associations de consommateurs du département.
« III. - Tout membre de la commission départementale d'équipement cinématographique doit informer le préfet des intérêts qu'il détient et de la fonction qu'il exerce dans une activité économique.
« Aucun membre de la commission ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt personnel et direct ou s'il représente ou a représenté une des parties intéressées.
« Les responsables des services déconcentrés de l'Etat chargés des affaires culturelles, de la concurrence et de la consommation, ainsi que de l'emploi, assistent aux séances.
« Dans la région d'Ile-de-France, un représentant du préfet de région assiste également aux séances.
« L'instruction des demandes d'autorisation est faite par les services déconcentrés de l'Etat.
« IV. - Les conditions de désignation des membres de la commission et les modalités de son fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Art. 36-3. - La commission départementale d'équipement cinématographique, suivant une procédure fixée par décret, autorise les projets par un vote favorable de cinq de ses membres. Le procès-verbal indique le sens du vote émis par chacun des membres.
« Les autorisations sollicitées sont accordées par place de spectateur.
« Art. 36-4. - La commission départementale d'équipement cinématographique doit statuer sur les demandes d'autorisation visées au I de l'article 33-1 ci-dessus dans un délai de quatre mois à compter du dépôt de chaque demande, et ses décisions doivent être motivées en se référant notamment aux dispositions du II du même article. Passé ce délai, l'autorisation est réputée accordée. Les commissaires ont connaissance des demandes déposées au moins un mois avant d'avoir à statuer.
« A l'initiative du préfet, de trois membres de la commission ou du demandeur, la décision de la commission départementale peut, dans un délai de deux mois à compter de sa notification ou de son intervention implicite, faire l'objet d'un recours auprès de la Commission nationale d'équipement commercial prévue à l'article 33 ci-dessus, qui se prononce dans un délai de quatre mois.
« Les commissions autorisent ou refusent les projets dans leur totalité.
« Avant l'expiration du délai de recours ou, en cas de recours, avant la décision en appel de la Commission nationale, le permis de construire ne peut être accordé ni la réalisation entreprise et aucune nouvelle demande ne peut être déposée pour le même terrain d'assiette auprès de la commission départementale d'équipement cinématographique.
« Art. 36-5. - Lorsqu'une décision d'une commission départementale d'équipement cinématographique fait l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'équipement commercial, la composition de celle-ci est modifiée de la manière suivante :
« - un membre du corps des inspecteurs généraux du ministère chargé de la culture, désigné par le ministre, remplace le membre du corps des inspecteurs généraux de l'équipement mentionné au sixième alinéa de l'article 33 ;
« - une personnalité compétente en matière de distribution cinématographique, de consommation ou d'aménagement du territoire, désignée par le ministre chargé de la culture, remplace la personnalité désignée par le ministre du commerce en vertu du septième alinéa de l'article 33.
« En outre, la composition de la commission est élargie au président du comité consultatif de la diffusion cinématographique.
« Le commissaire du Gouvernement prévu à l'article 33 ci-dessus est nommé par le ministère chargé de la culture. Il rapporte les dossiers.
« Les modalités de fonctionnement de la commission sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Cet amendement est assorti de dix sous-amendements.
Par sous-amendement n° 166, le Gouvernement propose :
I. - De rédiger ainsi le quatrième alinéa (2°) du I du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 :
« 2° L'extension d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques en exploitation depuis plus de cinq ans ayant déjà atteint le seuil de 2 000 places ou devant le dépasser par la réalisation du projet. »
II. - De rédiger ainsi le dernier alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 55 pour l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 :
« Pour la détermination des seuils de 1 500 et 2 000 places, sont regardées comme faisant partie d'un même ensemble les salles répondant à l'un des critères définis aux deuxième et troisième alinéas de l'article 29-1. Ces seuils se substituent à ceux prévus à l'article 29. »
III. - Dans le texte proposé par l'amendement n° 55 pour l'article 36-2 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 :
a) Au premier alinéa du paragraphe I, de remplacer le chiffre : « huit » par le chiffre : « sept » ;
b) De rédiger ainsi le quatrième alinéa du paragraphe I :
« - Le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que la commune d'implantation ; en dehors des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, des communes de l'Essonne, du Val-d'Oise, des Yvelines et de la Seine-et-Marne, appartenant à l'agglomération parisienne, dans le cas où la commune d'implantation appartient à une agglomération multicommunale comportant au moins cinq communes, le maire de la commune la plus peuplée est choisi parmi les communes de ladite agglomération ;
c) Au dernier alinéa du I, de remplacer les mots : « l'une des deux communes les plus peuplées » par les mots : « la commune la plus peuplée » ;
d) Au premier alinéa du II, de remplacer le chiffre « huit » par le chiffre « sept » ;
e) Au quatrième alinéa du II, de remplacer les mots : « deux conseillers d'arrondissement désignés » par les mots : « un conseiller d'arrondissement désigné » ;
IV. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 55 pour l'article 36-3 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, de remplacer le chiffre : « cinq » par le chiffre : « quatre ».
Par sous-amendement n° 128, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti et Billard, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le quatrième alinéa (2°) du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précité, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'extension ou la rénovation d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques en centre-ville le seuil au-delà duquel l'autorisation est nécessaire est porté à 2 000 places. »
Par sous-amendement n° 173, M. Vidal, Mme Pourtaud, MM. Dussaut, Bony, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
I. - De rédiger ainsi le début du quatrième alinéa du I du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-2 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 :
« deux maires de communes de l'arrondissement, autres que la commune d'implantation élus par leurs pairs ; en dehors des ... »
II. - Après les mots : « comportant au moins cinq communes », de rédiger ainsi la fin du même alinéa : « les maires des deux communes sont élus parmi les communes de ladite agglomération. »
Par sous-amendement n° 129, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti, Billard, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le sixième alinéa du I du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-2 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précitée, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant régional du Centre national de la cinématographie ; ».
Par sous-amendement n° 130, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti, Billard, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le sixième alinéa du II du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-2 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précitée, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant régional du Centre national de la cinématographie ; ».
Par sous-amendement n° 174, M. Vidal, Mme Pourtaud, MM. Dussaut, Bony, et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, au troisième alinéa du III du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-2 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, après les mots : « déconcentrés de l'Etat », d'insérer les mots : « du Centre national de la cinématographie et ceux ». »
Par sous-amendement n° 131, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti, Billard, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-4 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précitée, après les mots : « de trois membres de la Commission », d'insérer les mots : « de tout exploitant concerné par la création d'un méga- complexe cinématographique. »
Par sous-amendement n° 156, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti, Billard, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du deuxième alinéa du texte présenté par l'amendement n° 55 de la commission pour l'article 36-4 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précité, de remplacer les mots : « quatre mois » par les mots : « trois mois ».
Par sous-amendement n° 132, MM. Ralite, Renar, Leyzour, Minetti, Billard, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le troisième alinéa du texte présenté par l'amendement n° 55 pour l'article 36-5 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 précité, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« des représentants des quatre corps de la profession cinématographique : un réalisateur, un producteur, un distributeur, un exploitant de salle. »
Enfin, par sous-amendement n° 176, M. Gouteyron propose de compléter in fine le texte présenté par l'amendement n° 55 par les dispositions suivantes :
« Art... Le Gouvernement dépose sur le bureau des assemblées, avant le 31 décembre 1996, un rapport sur les ensembles de salles de spectacles cinématographiques comportant plus de 1 500 places. Ce rapport analyse les conséquences de leur fonctionnement en prenant en considération les critères énumérés au paragraphe II de l'article 36-1.
« Le Gouvernement présente chaque année au Parlement, avant le 31 décembre, un rapport sur l'application des dispositions du présent chapitre. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 55.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. L'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa commission pérennisant une disposition de la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, soumettant à autorisation des commissions départementales d'équipements commercial les créations de complexe cinématographique de plus de 1 500 places, seuil que la loi précitée avait cependant fixé à 2 000 places, comme l'avait alors souhaité le Sénat.
La multiplication de ces multicomplexes accroît la dévitalisation des coeurs des villes en attirant la population vers la périphérie.
Elle a nécessairement un impact sur la vie commerciale des villes concernées, dont les restaurants et autres lieux de vie et de spectacle qui sont plus ou moins boudés.
La commission souhaite le maintien à 1 500 places du seuil au-delà duquel la création d'un complexe cinématographique sera soumis à autorisation. Elle propose au Sénat d'adopter un amendement tendant à insérer un chapitre 2 bis dans le titre Ier de la loi Royer spécifiquement consacré aux équipements cinématographiques. Il a pour objet de créer une commission départementale d'équipement cinématographique chargée de statuer sur les demandes d'autorisation concernant les projets portant : premièrement, sur la création d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques comportant plus de 1 500 places, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; deuxièmement, sur l'extension d'un ensemble de salle de spectacles cinématographiques ayant déjà atteint le seuil de 1 500 places ou devant le dépasser pour la réalisation du projet.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale était incomplet puisqu'il ne visait pas les extensions.
Cette commission départementale comprendrait huit membres, parmi lesquels siégerait un membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique, désigné par son président et ayant qualité de magistrat.
Cette commission devra statuer en prenant en considération les critères suivants : l'offre et la demande globale de spectacles cinématographiques, la densité d'équipements dans la zone, l'effet potentiel du projet sur la fréquentation des salles, l'équilibre souhaitable entre les différentes formes d'offres de spectacles cinématographiques, la préservation d'une animation culturelle et économique suffisante.
Enfin, nous prévoyons que la commission départementale d'équipement cinématographique autorise un projet par un vote favorable de cinq membres sur huit. M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 166.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je voudrais tout d'abord remercier M. Raffarin de me permettre de vous présenter ce sous-amendement, qui me paraît très important.
Il concerne ce que l'on appelle les multiplex, c'est-à-dire des ensembles de salles de cinéma. Ces multiplex ont pour caractéristique, dans le monde entier, de favoriser la fréquentation des cinémas. On estime que, par multiplex, on enregistre 300 000 à 500 000 spectateurs de plus par an. Ce phénomène est donc positif pour le cinéma en général.
Le premier problème culturel qui se pose est de savoir si les multiplex servent plutôt le cinéma non européen ou si, outre le cinéma non européen, ils servent également le cinéma européen, notamment le cinéma français.
C'est la raison pour laquelle le ministère de la culture a décidé de mettre en place un observatoire qui, région par région, département par département, salle par salle, étudiera si ces multiplex se développent au détriment du cinéma français ou non.
Nous verrons ensuite ce qu'il y a lieu de faire, si nécessaire.
Le deuxième problème qui se pose est de savoir si l'installation de ces complexes ne se fait pas au détriment des centres-villes. A cet égard, je comprends très bien, mesdames, messieurs les sénateurs, vos soucis, qui sont d'ailleurs aussi les miens. Il faut éviter de geler le système des salles en France. D'autres pays l'ont fait avant nous, comme l'Italie voilà quinze ans, et on a vu quellecatastrophe cela avait donné.
Je souhaite donc la fixation d'un double seuil, c'est l'objet du sous-amendement.
Pour la construction d'un multiplex, je suis favorable à un seuil de 1 500 places de façon à éviter la construction de grands complexes à la périphérie des villes, au détriment des centres-villes.
En revanche, je propose d'élever à 2 000 places le seuil d'autorisation pour les extensions. Aujourd'hui, il y a déjà en France 30 complexes de 1 500 à 2 000 places. Parmi eux, 28 se trouvent en centre-ville et seulement 2 en banlieue parisienne.
Si l'on fixe le seuil à 1 500 places pour aider les centres-villes, en fait, on risque d'obtenir le résultat inverse car la plupart des complexes qui s'organiseront en centre-ville auront une potentialité de 1 500 à 2 000 places.
En effet, les propriétaires de cinémas de 1 500 places qui voudront étendre leur exploitation achéteront des immeubles voisins pour créer deux ou trois salles supplémentaires. Dès lors, le complexe disposera de 1 800 ou 1 900 places.
Telles est la raison pour laquelle je demande au Sénat d'adopter le sous-amendement n° 166 ; c'est la seule solution pour sauver le cinéma en centre-ville. M. le président. La parole est à M. Ralite, pour défendre le sous-amendement n° 128.
M. Jack Ralite. Je suis d'accord avec les propos que vient de tenir M. Douste-Blazy. En effet, il me semble bon de faire passer à 2 000 le seuil de places autorisées dans les centres-villes. Je pense que cela répond à différentes préoccupations.
Je voudrais cependant faire une remarque.
Pour ma part, j'aurais souhaité que le cinéma, qui, selon André Malraux, est un art mais aussi une industrie, ne soit pas finalement traité comme un commerce, car le film n'est pas une marchandise comme les autres et doit bénéficier de ce qu'on appelle l'exception culturelle.
Malheureusement, les laudateurs sans rivage des multiplexes - je pense à la société Gaumont-Buena Vista et à UGC-Fox - n'ont pas voulu élaborer un code de la route culturel. Se croyant immunisés, ils ont foncé, bousculant tout ce qui n'était pas eux, c'est-à-dire avant tout les indépendants réunis récemment dans l'UDIC et, à travers eux, les cinéastes et les « amants du cinéma », pour parler comme Jacques Becker.
Précisément, lors du débat du 21 mars, j'avais proposé l'institution d'une commission pluraliste pour établir un tel code de la route, mais la proposition a été repoussée. Je sais - M. le ministre vient d'en parler - qu'il a été créé un observatoire, mais dénué de pouvoir. D'ailleurs, il a fallu agir pour que les cinéastes y soient représentés. Après deux réunions, les commentaires sur les statistiques rassemblées ne sont pas pour le moment porteurs d'une indication fiable. S'agissant de ces statistiques, par exemple, le simple rapport fréquentation multiplex, fréquentation en centre-ville déforme la réalité, qui dépasse, et de loin, ce rapport. Il n'est que de se souvenir des complexes créés dans les années soixante-dix. Le débat avait déjà été posé. Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, que je connais bien, s'il n'y avait pas eu la création par les villes, aidées par la direction de l'action culturelle, de cinémas publics, c'était la désertification, le déménagement du territoire ou plutôt son aménagement sauvage.
La loi du marché, qui règle désormais - mais pas pour toujours - la vie, a créé une tension entre la liberté commerciale, qui s'épanouit, et les libertés artistique et citoyenne, qui se rétrécissent.
Un rapport de grande qualité, le rapport Brault, a été élaboré à l'occasion des échanges d'actifs entre Gaumont et Pathé. Il est resté lettre morte. Le « code de la route » s'est évanoui !
Or, aujourd'hui, la réalité de notre cinéma vient de se confirmer à Cannes. Il faut donner à ce pluralisme de création un pluralisme de diffusion.
Mais fait-on tout ce qu'il faut pour l'accès du cinéma aux salles, à toutes les salles ? Pourquoi un film américain part-il toujours gagnant, alors qu'un film français ou européen doit se battre pour gagner ? Pourquoi, par exemple, y a-t-il deux cents copies de Dracula et seulement quatre-vingts pour le Facteur ?
Par-delà notre débat d'aujourd'hui, il serait souhaitable que l'idée d'une commission, comme celle que j'avais avancée le 21 mars, soit reprise, avec l'objectif de favoriser l'avènement d'un « code la route ».
L'expérience anglaise, de ce point de vue, nous serait précieuse. En effet, contrairement à ce que laissent entendre les documents de la Fédération nationale du cinéma français, voici ce qu'indique, sous le titre : « 50 p. 100 des films ne sont pas distribués », la Lettre mensuelle de l'ambassade de France à Londres , UK Media : « Près de la moitié - 47 p. 100 - des soixante-neuf films produits ou coproduits par le Royaume-Uni en 1994 ne sont toujours pas sortis [...]. En 1986, 2,3 p. 100 seulement de la production n'avaient pas été distribués [...]. Première raison invoquée : les multiplex qui favorisent les films américains. »
Je crois donc qu'il faut envisager la création de cette commission. Un représentant de l'UDIC a même demandé pourquoi on ne l'appellerait pas le « CSA du cinéma ». Je ne sais pas si la formule vaut, mais elle fait mouche.
En 1946, la France a su réguler la diffusion cinématographique. Il faut qu'elle sache, en 1996, dans des conditions neuves, la réguler d'une manière neuve, c'est-à-dire sans étatisme mais sans affairisme, et cela pour le cinéma dans son pluralisme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Delfau applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre le sous-amendement n° 173.
Mme Danièle Pourtaud. Ce sous-amendement ayant pour objet de mettre en conformité la commission d'équipement cinématographique avec nos propositions concernant la commission d'équipement commercial, je me demande s'il est utile que je le défende. Mais, après tout, le Sénat ne s'est pas encore prononcé sur l'amendement n° 55 ; j'exposerai donc notre point de vue.
Nous proposons, comme nous l'avions fait pour la CDEC, de prévoir que, parmi les quatre maires - mais je pense que l'idée pourrait être retenue avec trois maires - que nous souhaiterions voir siéger au sein de cette commission, l'un sera élu par les maires de l'ensemble des communes concernées, et qu'il ne s'agira pas nécessairement du maire de la commune la plus peuplée.
M. le président. La parole est à M. Ralite, pour défendre les sous-amendements n°s 129 et 130.
M. Jack Ralite. Il s'agit, par ces deux sous-amendements, de permettre au cinéma proprement dit d'être représenté, en la personne d'un délégué régional du Centre national du cinéma, dans les commissions départementales. Nous avons un outil, il faut l'utiliser. Cela corrigera le fait qu'une commission en charge du commerce intervienne en matière de cinéma.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour présenter le sous-amendement n° 174.
Mme Danièle Pourtaud. La présentation de ce sous-amendement me donne l'occasion de saluer l'initiative du rapporteur, soutenu en cela par la commission, tendant à sortir l'équipement cinématographique des compétences de la CDEC.
Une commission spéciale a en effet, à nos yeux, le mérite de constituer une instance ad hoc pour régler les problèmes spécifiques ayant trait au cinéma, lequel ne saurait être considéré, cela vient d'être rappelé, comme un produit de consommation comme un autre.
Cependant, cette nouvelle commission départementale d'équipement cinématographique ressemblera fort, dans sa composition, à la commission départementale d'équipement commercial.
Aussi, puisqu'il s'agit de régler des questions relatives au cinéma, et donc à la culture française, nous avions souhaité que les personnalités représentant ce secteur soient plus nombreuses au sein de cette commission.
Pour respecter le principe de séparation des pouvoirs et parce que nous ne souhaitons pas, comme l'ont souligné tout à l'heure mes collègues, mettre les élus en minorité dans ces commissions, nous avons dû renoncer à voir siéger des représentants du CNC et de la direction régionale de l'action culturelle dans la nouvelle commission. Nous avons donc retiré nos sous-amendements.
Nous souhaitons néanmoins la présence de plusieurs fonctionnaires compétents dans les domaines culturel et cinématographique, à défaut de voter, ils pourront informer la commission des enjeux regardant le cinéma français.
J'ai bien noté que le dispositif de l'amendement n° 55 prévoyait la participation aux travaux de la commission d'équipement cinématographique d'un membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique, c'est-à-dire un haut fonctionnaire ayant qualité de magistrat compétent en la matière. Cette représentation unique du secteur nous semble insuffisante.
Qui est plus à même que les représentants du cinéma, à l'échelon local, de se prononcer sur l'opportunité d'un projet d'ouverture de mégacomplexe et de faire valoir l'intérêt du cinéma français dans son ensemble ?
Dans une zone donnée, il s'agira plus particulièrement d'évaluer les risques que comporteront les projets d'ouverture pour les autres structures existant aux alentours, qu'il s'agisse des salles intégrées à de grands groupes ou de salles gérées par des exploitants indépendants.
Voilà pourquoi il nous semble important qu'un membre du CNC, seule autorité réellement compétente en matière de cinéma, assiste aux travaux d'instruction des commissions.
Seul l'avis de telles personnalités auprès des commissions départementales d'équipement cinématographique permettra à ces nouvelles instances de jouer pleinement leur rôle en faveur du cinéma français, pour la défense de notre culture et contre l'invasion anarchique des mégacomplexes, promoteurs d'une culture le plus souvent très éloignée de la nôtre, mettant en danger, par ailleurs, les exploitants indépendants et donc la production de films français « à risque ».
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Danièle Pourtaud. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir adopter notre sous-amendement n° 174 et nous voterons l'amendement n° 55.
M. le président. La parole est à M. Ralite, pour défendre les sous-amendements n°s 131, 156 et 132.
M. Jack Ralite. L'arrivée d'un nouvel équipement cinématographique, à plus forte raison quand il s'agit de la création de mégacomplexes, modifie sensiblement les modalités de fréquentation des salles de spectacles voisines.
Ainsi, on mesure encore très mal l'impact sur les petites salles de l'installation d'un mégacomplexe cinématographique, par exemple, dans le quartier des Halles, à Paris ; encore qu'une salle comme celle de la rue Saint-André-des-Arts, dans le VIe arrondissement, qui est un peu le porte-drapeau du cinéma d'auteur, s'en trouve manifestement déstabilisée.
L'observatoire qui a été mis en place devrait nous apporter des lumières sur cette question.
Pour autant, nous devons ouvrir des voies de recours à tout exploitant de salle concerné par la création d'un mégacomplexe cinématographique.
Nous savons combien, en cette affaire, la situation de nombre de petits exploitants est précaire et impose qu'ils puissent exposer très vite quelles sont leurs difficultés. C'est l'objet du sous-amendement n° 131.
Le sous-amendement n° 156 porte sur le délai de recours : quatre mois sont prévus pour l'instruction ainsi que pour le recours. Nous proposons, dans un souci d'accélération, de ramener de quatre mois à trois mois le délai de recours.
Quant au sous-amendement n° 132, il répond à notre voeu de voir les principales composantes de la profession cinématographique, à savoir les producteurs, les distributeurs, les exploitants et les réalisateurs, assister aux délibérations de la commission nationale. Quoi de plus normal ?
Ce sous-amendement tend donc, lui aussi, à corriger l'approche, hélas ! par trop exclusivement commerciale du présent texte.
Je tiens en particulier beaucoup à la présence des réalisateurs, tant il est vrai qu'aujourd'hui, et pas seulement à Châteauvallon, le statut du poète, au sens général, dans la cité est remis gravement en cause. Les réalisateurs doivent être partie prenante et pouvoir dire leur mot dans les délibérations de la commission nationale.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron, pour défendre le sous-amendement n° 176.
M. Adrien Gouteyron. J'ai bien écouté tout à l'heure M. le ministre de la culture indiquer la position du Gouvernement sur un sujet important.
Si l'amendement n° 55 de la commission, modifié éventuellement par le sous-amendement du Gouvernement ou par d'autres sous-amendements, est adopté, il se substituera à une disposition adoptée par l'Assemblée nationale qui avait le même objet et tendait à pérenniser le régime temporaire institué par la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et fiscal.
Dans ce dernier texte, nous avons répondu à un certain nombre de situations caractérisées par leur urgence. La position qui avait été prise à ce moment-là présentait en outre un grand avantage : elle nous laissait le temps de la réflexion. La constitution de l'observatoire avait précisément ce but, monsieur le ministre de la culture.
D'ailleurs, tout à l'heure, dans votre intervention, nous n'avons pas pu ne pas remarquer que, si vous avez, certes, quelques intentions - puisque vous proposez de sous-amender le texte de la commission, c'est bien que vous n'y êtes pas hostile - vous n'avez pas, pour autant, beaucoup de certitudes.
Il est vrai que la situation actuelle soulève, à l'évidence, un certain nombre de questions auxquelles on ne peut pas répondre avec une totale certitude.
Il est une première question à laquelle vous avez répondu : l'existence de multiplexes, ou de grands complexes - ce n'est peut-être pas, d'ailleurs, tout à fait la même chose - est-elle un facteur d'accroissement de la fréquentation ? La réponse, de manière à peu près certaine, est oui. C'est déjà un résultat que l'on ne peut pas négliger.
Il est une deuxième question à laquelle on ne peut répondre avec autant d'assurance : l'ouverture des multiplexes aboutit-elle à réduire la part du cinéma français dans cette fréquentation ? Il semble bien qu'il n'y ait pas de différence fondamentale entre les goûts du public qui fréquente ces multiplex et les goûts du public en général, sinon que ce sont tout de même les films « grand public » qui attirent, le plus souvent, les jeunes qui fréquentent ces multiplex.
M. Ivan Renar. C'est ce qui leur est offert !
M. Adrien Gouteyron. Troisième question : quelles sont les incidences de ces multiplexes sur l'équilibre du réseau de distribution, sur la survie des exploitants indépendants, sur l'aménagement du territoire ? Monsieur le ministre, le fait que vous ayez déposé un sous-amendement à l'amendement de la commission montre bien que l'on ne peut pas traiter ces matières avec des instruments trop grossiers et que l'on ne peut pas légiférer sans prendre d'infinies précautions. Vous proposez en effet une modulation distinguant les centres-villes et la périphérie.
Vous faites bien, parce qu'il faut surtout éviter de freiner et, plus encore de stopper le mouvement de modernisation mené souvent, qu'on le sache bien, par des indépendants. Les chiffres que vous avez fournis, concernant l'implantation de ces multiplex en centre-ville, sont particulièrement intéressants.
Ainsi, monsieur le ministre, je propose un sous-amendement qui tend simplement à ne pas pérenniser un système sans que nous nous donnions les moyens d'y voir clair.
Si l'on estimait, en effet, n'avoir pas eu le temps de procéder à toutes les observations nécessaires, on aurait pu très simplement allonger le délai d'observation. On ne le fait pas. On a choisi un autre dispositif. Soit ! Mais au moins, ne décidons pas de détourner définitivement notre regard de ce problème. Octroyons-nous les moyens de suivre les évolutions.
Tel est l'objet du sous-amendement que j'ai l'honneur de présenter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 166, 128, 173, 129, 130, 174, 131, 156, 132 et 176 ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Le sous-amendement n° 166 que vous nous proposez, monsieur le ministre, a fait l'objet d'un avis favorable de la commission. Il répond, en effet, à certaines interrogations et aux soucis qu'a exprimés la commission lorsque nous avons examiné les seuils et discuté de la nécessité de passer devant une commission départementale d'équipement commercial au début de notre discussion, puis, comme a bien voulu le rappeler Mme Pourtaud, de l'éventuelle création d'une commission départementale d'équipement cinématographique.
La commission avait d'ailleurs proposé, dès le début, de soutenir un seuil de 2 000 places. Vous donnez donc satisfaction à une partie de la commission, raison pour laquelle nous soutiendrons votre sous-amendement.
Le sous-amendement n° 128 est satisfait par sous-amendement n° 166 du Gouvernement.
La commission est défavorable au sous-amendement n° 173. Elle est également défavorable au sous-amendement n° 129, car elle a jugé peu souhaitable de prévoir la participation du Centre national de la cinématographie au sein des commissions.
La commission est aussi défavorable aux sous-amendements n°s 130 et 174.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 131, la commission y est encore défavorable.
S'agissant du sous-amendement n° 156, la commission a hésité et souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement, étant donné qu'une partie de la commission souhaitait le statu quo par rapport à la situation ancienne.
Sur le sous-amendement n° 132, la commission a émis un avis défavorable.
S'agissant enfin du sous-amendement n° 176, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 55 ainsi que sur les sous-amendements n°s 128, 173, 129, 130, 174, 131, 156, 132 et 176 ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Tout d'abord, je tiens à remercier la commission de son avis favorable sur le sous-amendement n° 166.
Sur le sous-amendement n° 128, l'avis du Gouvernement est défavorable. La notion de centre-ville paraît beaucoup trop floue. Comme la commission, je demanderai à M. Ralite de bien vouloir le retirer.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 173. Il correspond, en effet, à un amendement général relatif à la composition de la commission qui, présenté par le groupe socialiste, a déjà été rejeté par le Sénat.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 129. Le représentant du ministère de la culture qui assurera l'instruction des dossiers ne peut être en même temps partie à la décision.
Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 130, et pour les mêmes raisons.
Il est défavorable au sous-amendement n° 174, car le Centre national de la cinématographie, qui assure l'instruction des dossiers, ne peut être à la fois juge et partie. Il ne peut donc être partie à la commission.
Il est défavorable au sous-amendement n° 131 qui, s'il était adopté, signifierait un appel systématique de toutes les décisions des commissions départementales.
Il est défavorable au sous-amendement n° 156, car il préfère le statu quo .
Il est défavorable au sous-amendement n° 132. A aucun moment, en effet, les socioprofessionnels n'ont été prévus dans la procédure. Il vaut mieux s'en remettre, me semble-t-il, à des personnalités indépendantes.
Le Gouvernement est, en revanche, favorable au sous-amendement n° 176, présenté par M. Gouteyron. Le rapport de transparence et de réflexion me paraît tout à fait nécessaire. Il pourra d'ailleurs être élaboré à partir des travaux de l'observatoire dont j'ai parlé en présentant le sous-amendement du Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 166.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je tiens tout d'abord à souligner devant notre assemblée les conditions détestables dans lesquelles nous sommes conduits à traiter de ce sujet. J'avais dit hier, dans la discussion générale, me distinguant en cela, du reste, de mes amis socialistes - j'en avais informé la Haute Assemblée - que je ne partageais pas la logique d'opprobre qui pesait sur les multiplex. Je m'en expliquerai à mesure mais, en cet instant, je veux préciser un point.
Tout cela a commencé parce que, à l'Assemblée nationale, a été ajouté à un texte du Gouvernement, qui ne le prévoyait pas, l'idée que le développement et l'implantation de nouvelles salles de cinéma autour de 2 000 places devaient être soumis à une commission départementale. Les multiplex étaient visés, accusés, mis au banc d'infamie et ravalés au rang des hypermarchés, parce que, par des prix d'appel, ils écraseraient le reste des installations cinématographiques.
On en pense ce que l'on veut. Personnellement, je trouve que c'était une position tout à fait détestable et que, au demeurant, avoir soumis le développement de ces équipements à une commission départementale d'équipement commercial était une absurdité, car l'industrie du cinéma est aussi, comme l'a rappelé M. Ralite - on peut retourner la formule - un art et que sa réglementation ne se confond pas avec les normes qui s'appliquent à la vente du yaourt, des confitures, des vêtements, toutes choses absolument indispensables et légitimes, par ailleurs. Cela n'a rien à voir !
C'est parce que nous avons ce rajout dans le texte qu'il a fallu, d'abord le déplacer, comme l'a fait fort heureusement la commission ce matin, et que nous sommes conduits, maintenant, dans des conditions extravagantes, à organiser tout un système d'appréciation de ces implantations dans le pays alors qu'il y va, au fond, de la survie ou de l'épanouissement - on prend la question comme on veut - de l'industrie cinématographique française. Tant et si bien que la commission des affaires économiques nous propose un dispositif - nous dirons tout à l'heure ce que nous en pensons - qui est enrichi par le Gouvernement, qui accourt à la rescousse, se rendant compte de l'énormité de ce qui est en train de se faire.
De surcroît, aucun professionnel du cinéma, aucun syndicat de professionnels, aucun représentant de la profession n'a été entendu par la commission des affaires économiques. Quant à la commission des affaires culturelles, elle n'en a jamais débattu. Et, ici, pour parer une mauvaise idée de l'Assemblée nationale, nous sommes conduits, dans la précipitation, à mettre au point un dispositif dont personne ne sait ce qu'il peut donner, s'il est fondé, si les informations qui nous conduisent à décider sont fondées ou non.
J'ai dit hier que je me trouvais empêché, pour les raisons que j'ai indiquées, de déposer moi-même des amendements. Le seul qui vaudrait en cette circonstance, c'est un amendement de suppression afin de renvoyer cette question pour pouvoir l'examiner lucidement. Evidemment, si le ministre prenait l'initiative d'un tel amendement de suppression, il aurait la surprise de sa vie : il verrait le socialiste Mélenchon voter dans son sens ! Peut-être vais-je devoir le faire, mais je veux le faire sur les sous-amendements, comme un pis-aller, car ce que nous faisons là n'est pas du bon ouvrage. Ce n'est pas de la bonne besogne.
M. Emmanuel Hamel. C'est du mauvais ouvrage !
M. Jean-Luc Mélenchon. S'agissant des arguments qu'a développés tout à l'heure mon ami Jacques Ralite, avec lequel je serai prêt à m'accorder sur toute une série de points, quoique, pour ma part, je ne partage pas l'opprobre qu'il jette sur les multiplex - si M. le président m'y autorise, je vais dire pourquoi ; cela me permettra peut-être d'abréger le reste de mes interventions - nous ne pouvons pas en discuter sérieusement. Nous allons donc faire un compromis hâtif à partir de ce que, les uns et les autres, nous croyons indispensable de protéger.
Le rapporteur ne croit pas que la décision qu'il propose soit autre chose qu'un compromis que, pour sa part, je crois, il juge mauvais.
Le ministre ne pense pas que sa propre position soit autre chose qu'un compromis, dont il nous a fait sentir qu'il le jugeait mauvais.
Moi-même, contemplant tous ces dispositifs, je juge l'ensemble mauvais et je suis sûr qu'un grand nombre de collègues ici pensent de même.
C'est une décision précipitée qui nous est quasi imposée par une autre décision prise à la hussarde par l'Assemblée nationale. Le mieux que nous aurions à faire serait de renvoyer cette décision à plus tard pour que les deux commissions de la Haute Assemblée puissent en discuter et consulter, et que nous sachions quels sont les vrais chiffres, au lieu de travailler dans des conditions pareilles.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. J'interviendrai sur l'amendement pour dire ce que je pense des multiplex et pourquoi je crois que des jugements évidemment très sommaires ont été portés à cet égard.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Je regrette, une fois de plus, de ne pas être d'accord avec le Gouvernement. Mais, porter à 2 000 places, comme il le demande par son sous-amendement, le seuil au-delà duquel l'autorisation est nécessaire dans les cas de modernisation de salles de cinéma, c'est incontestablement favoriser la multiplication des mégacomplexes cinématographiques dans la main des grands monopoles de la distribution cinématographique qui étouffent, vous le savez, monsieur le ministre, la production française des films français. Ces groupes capitalistiques accordent, en effet, la priorité à la diffusion des films étrangers.
Je voterai donc en conscience contre ce sous-amendement qui est, je le crains, un clin d'oeil aux grands groupes capitalistiques de la distribution du cinéma. C'est un amendement dangereux pour la production cinématographique française, pour l'industrie française du cinéma et pour l'art français.
M. Jean-Marie Girault. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault. Je suis de près, depuis trois ou quatre mois, le problème des grands complexes cinématographiques.
Je connais bien l'origine de l'amendement, qui fut déposé, en premier lieu, à l'Assemblée nationale à propos de la législation provisoire sur laquelle le Sénat s'est ensuite prononcé. Il s'agissait d'un amendement d'un collègue parlementaire qui m'est proche, Francis Saint-Ellier. Cet amendement était issu d'une expérience vécue dans la région que nous habitons, la région de Caen, à l'occasion de l'implantation d'un complexe dans une périphérie en voie d'américanisation.
Dans l'esprit de la législation sur l'aménagement du territoire, cela vaut bien une réflexion et quelques réactions. Si je reconnais que l'amendement, adopté dans le cadre de cette législation provisoire et repris par le Sénat, comportait des insuffisances, notamment au niveau de la saisine de la commission d'équipement commercial - l'industrie cinématographique n'est pas, en effet, un commerce au sens habituel du mot - je considère que, à l'occasion de la discussion du présent projet de loi, des réflexions ont été menées et les échanges ont été nombreux. L'amendement qui est présenté par la commission des affaires économiques, sous-amendé par le Gouvernement, me paraît tout de même un grand progrès et la preuve de la qualité de cette réflexion.
Je voudrais dire à notre collègue Jean-Luc Mélenchon qu'il y a bien longtemps que l'on connaît toutes les données du problème. L'affaire des complexes cinématographiques est bien connue. On en a pesé les avantages et les inconvénients. Le débat n'est pas improvisé, il est le produit d'une réflexion. Je reconnais que, sur la législation provisoire votée il y a quelques mois, le Gouvernement s'était montré beaucoup plus réticent, pour finalement admettre le chiffre de 2 000 places. La réflexion aidant, on a conçu le texte qui est proposé au Sénat.
Je voudrais rappeler à nos collègues que la commission départementale d'équipement cinématographique, dont la saisine est obligatoire au-delà de certains seuils, est un instrument de régulation, et non pas un instrument d'interdiction. Son mérite fondamental est d'être complètement détachée de la commission départementale d'équipement commercial et de permettre, pour chaque situation, de résoudre dans le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest de la France les problèmes qui se posent éventuellement de façon très différente.
On confond - je ne sais pourquoi - l'autorisation imposée avec un risque majeur d'interdiction. Laissons donc les partenaires décider sur place avec pragmatisme, en fonction des expériences vécues, une autorisation ou une interdiction.
S'agissant de la réflexion sur l'aménagement du territoire, je pense que les décisions de la future commission entrent parfaitement dans une logique d'équilibre, de respect certes, du coeur des villes, mais aussi, peut-être, des banlieues qui naissent et se développent, c'est tout à fait normal. La commission saura bien le dire. En définitive, nous aboutissons ce soir à un texte d'équilibre.
Je n'ai pas très bien compris l'ire de notre collègue Hamel en ce qui concerne le sous-amendement gouvernemental. Ce dernier est issu de réflexions soumises à certains parlementaires - ce qui prouve que le débat n'est pas improvisé - et notamment de M. Labbé, président des cinémas de France, que j'ai rencontré, et qui a des intérêts évidents dans la ville d'Auxerre, où il envisage de moderniser un ensemble, projet qui ne peut voir le jour, a-t-il dit, qu'avec un minimum de 2 000 places. L'intervention du monde de la cinématographie est à l'origine de ce sous-amendement.
Quand on veut protéger le coeur des villes, le fait de construire 300 ou 400 places supplémentaires est une bonne chose pour l'aménagement du territoire. Il n'en va pas de même pour les banlieues ou pour la périphérie, me rétorquerez-vous. Certes, il faudra l'autorisation de la future commission départementale. Elle décidera, en fonction des besoins exprimés, si un projet de 2 490 places peut être recevable.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault. Je termine, monsieur le président.
Le débat n'est pas improvisé ; il a été approfondi et je ne ferai pas injure à M. Mélenchon en lui disant qu'il connaît par coeur ce dossier ; il est très informé de tous ces sujets. Aujourd'hui, nous sommes en état de statuer.
Pour ma part, je voterai le sous-amendement du Gouvernement ainsi que l'amendement n° 55 de la commission des affaires économiques.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Comme l'a rappelé M. Gouteyron, nous manquons peut-être encore d'éléments d'évaluation sur les conséquences de l'implantation des multiplex. Mais qu'il me pardonne, à défaut de certitudes, nous pouvons néanmoins avoir quelques présomptions. J'en donnerai trois exemples.
La première est la suivante. Les méga-complexes permettent la diversité, et donc favorisent le cinéma français, nous dit-on. Personnellement, j'en doute. Il suffit de consulter les programmes. Regardons simplement ceux de cette semaine. A Paris : huit films américains sur les quinze salles du Ciné-Cité les Halles, dont deux fois le même dans deux salles ; sept films américains sur onze salles à l'UGC George V. Dix films américains sur dix-sept salles à Villeneuve-la-Garenne en banlieue nord-ouest de Paris. Toutes ces salles jouent une douzaine de films en commun. Où se trouvent donc la diversité et la promotion du cinéma français ?
Deuxième présomption : qui programme le cinéma d'auteur ? Tout le monde sait que ce sont les distributeurs indépendants, et eux seuls, qui prennent le risque et qui favorisent le cinéma d'auteur. Je ne veux pas faire l'apologie d'un seul type de cinéma, car tous les types de films jouent un rôle dans la bonne santé du cinéma français. Il n'existe pas de genre majeur. Je crains fort que les méga-complexes ne tuent un certain type de programmation certes moins rentable, moins commerciale, néanmoins importante sur le plan culturel.
Troisième présomption : il semble bien que les multiplex fassent de l'ombre aux petites salles des centres-villes et compromettent même souvent leur survie. On a souvent pris l'exemple de Bruxelles ; c'est effectivement un exemple type. Cette ville a vu, au milieu des années quatre-vingt, se créer à sa périphérie l'un des premiers méga-complexes d'Europe. Depuis, les cinémas indépendants du centre de Bruxelles ont disparu. Par ailleurs, certains de mes collègues avaient pris, lors du débat sur le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, l'exemple d'Avignon, qui est plus proche.
C'est pourquoi le groupe socialiste estime qu'il ne faut pas laisser les méga-complexes s'implanter et se développer de manière anarchique. Néanmoins, il est également nécessaire de permettre à des salles, principalement en centre-ville, de se moderniser. Aussi, nous considérons que le sous-amendement n° 55, qui prévoit un seuil de 2 000 places en centre-ville en cas d'extension, est acceptable. Nous le voterons donc.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je serai bref car j'ai dit tout à l'heure comment j'analysais l'ensemble de la situation.
Je voterai le sous-amendement n° 55. Je voudrais tout de même préciser que, en fait, il a été élaboré par l'UDIC, l'union des indépendants du cinéma, qui regroupe la totalité des indépendants, des réalisateurs aux producteurs. Ceux-ci, au cours d'assises qui se sont d'abord tenues au cinéma Le Balzac, qui était archicomble, puis pendant le Festival de Cannes, ont estimé qu'il fallait élaborer une disposition de ce type, que j'ai reprise car je suis très à l'écoute de la profession.
Par ailleurs, je dirai à mon collègue Mélenchon que, sur le fond, il ne me paraît pas bon de mêler le cinéma et le commerce. Cela dit, lors du débat du 21 mars, j'avais proposé la création d'une commission. Le Gouvernement et la majorité du Sénat ne m'ont pas approuvé. On n'a pas voulu qu'il y ait un débat, une étude approfondie. Je m'étais alors rallié à l'amendement.
Aujourd'hui, je maintiens ma position, car je ne veux pas d'un no man's land où les multicomplexes se développeraient. J'ai lu dans Ecran total l'éditorial de Serge Siritzki, dans lequel il comparait les salles des indépendants à des fiacres et les salles des grands groupes à des voitures. Il disait que les cochers sont rassurés. Je trouve cela un peu condescendant, car, dans ma banlieue, ce sont les grands groupes qui cassent le pluralisme du cinéma et les indépendants qui le défendent.
C'est en fonction de ce seul aspect de question que je me détermine : le pluralisme.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 166, accepté par la commission.
M. Emmanuel Hamel. Je vote contre !

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les sous-amendements n°s 128, 173, 129 et 130 n'ont plus d'objet.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 174.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le ministre, nous n'avons pas proposé qu'un représentant du CNC, le centre national de la cinématographie, siège au sein de la commission car nous avons bien conscience que cela n'est pas possible. Nous avons simplement proposé qu'un représentant, éventuellement un membre déconcentré, du CNC soit adjoint à la commission pour accorder son avis et éventuellement pour éclairer la commission ; il n'est pas question de lui accorder un droit de vote. Aussi, je ne vois pas en quoi un tel représentant serait gênant.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je salue la performance du ministre, qui a réussi à obtenir l'unanimité du Sénat, comme une convergence de tous les replis, devant la bousculade que nous avons subie de la part de l'Assemblée nationale.
Je maintiens totalement la critique que j'ai formulée tout à l'heure. Au demeurant, le collègue qui me disait que ces questions étaient bien connues - au sens où il portait ses appréciations - a été démenti par des hochements de tête de plusieurs collègues de part et d'autre de l'hémicycle. C'est vrai, nous travaillons dans la précipitation.
Cela étant dit, je ne veux pas résumer ma proposition et la résumer à une opposition de forme, je parlerai du fond.
Avec ce qu'on nous a proposé, jusqu'à 1 500 places, il n'y a pas besoin de passer par la commission. Cela veut dire que jusqu'à 1 499 places, on fait comme avant et que, dans un certain nombre de cas, nous n'avons droit qu'à 1 499 places et jamais à plus de 2 000 places, parce qu'on ne sera pas dans le bon plan, on ne passera pas au bon moment.
La logique de tout cela, c'est une logique anti-multiplex. J'entends parfaitement tous les discours de nos amis qui nous expliquent le danger, mais je ne vois pas que la dénonciation soit pertinente. En effet, les critiques portent sur la programmation qui est opérée par ce type de multiplex, quelques exemples ont été donnés tout à l'heure.
Or, si on prend les choses de ce côté-là, c'est contre l'ensemble de l'environnement culturel qui prépare à la consommation cinématographique qu'il faudrait agir ; il faudrait fixer des quotas de programmation. Qui les propose ? Personne !
Alors, quand on veut utiliser ce type d'arguments, on doit aller jusqu'au bout du raisonnement et ne pas s'arrêter à mi-chemin pour montrer du doigt un type particulier d'offre supplémentaire, car - c'est là le coeur de mon argumentation, mon cher Jack Ralite, mes chers collègues - nous sommes dans une économie d'offre dans ce domaine particulier, une économie du désir. C'est la multiplication de l'offre qui crée la consommation, le goût, qui permet de l'aiguiser et ensuite de faire des choix.
Dans ma commune, j'ai été confronté à une situation comparable à celle qu'ont connue de nombreux élus, les gros distributeurs refusant d'ouvrir une salle. En tant que maire-adjoint à la culture, j'en ai ouvert trois. Grâce à la qualité du programmateur que nous avons mis au travail dans un système de cogestion, nous sommes arrivés jusqu'à 120 000 entrées par an. Cela ne s'est traduit par aucune baisse de fréquentation dans les salles alentour. En revanche, l'émulation a primé ; elles ont amélioré leurs équipements et leur fréquentation a progressé ; cela a provoqué une progression de la consommation de cinéma chez nous en retour.
Donc, il y a un effet cumulatif, qui se constate partout. C'est pourquoi je disais tout à l'heure que nous ne devons avoir ni les mêmes chiffres ni les mêmes échos. Mais la vérité, c'est que, autour de ces multiplex, dans les nombreux cas qui sont évoqués, y compris celui d'Avignon, mais on pourrait en citer d'autres, notamment Toulon, la consommation globale a progressé. Des personnes toujours plus nombreuses sont allées au cinéma, ont repris l'habitude d'aller dans les salles obscures car ces dernières sont d'une qualité qui oblige tous les autres à faire des progrès.
J'ajoute, ce sera ma conclusion, que plus la consommation de cinéma augmente, plus on vend de tickets de cinéma et plus on abonde les fonds qui, en France, ont permis de sauver le cinéma, notamment la TSA, taxe spéciale additionnelle, si profitable, et combien d'autres.
Par conséquent, c'est à une vaine opposition que l'on a assisté sur le mot « multiplex » qui a été agité comme un chiffon rouge pour faire peur, pour essayer de confondre cela avec ce qu'est la loi de la jungle entre la grande épicerie de l'hypermarché et la petite épicerie du centre-ville.
Cela n'a strictement rien à voir. Tout d'abord, les groupes en question ne disposent pas de moyens financiers comparables à ceux des hypermarchés. Chacun des grands distributeurs a, en effet, un budget équivalent à celui d'un hypermarché.
Par ailleurs, il n'y a pas de compétition par prix d'appel ou par prix écrasés : le prix de la place de cinéma est le même pour tout le monde, et il est même parfois plus élevé dans les multiplex.
Par conséquent, il s'agit bien d'une affaire d'émulation : l'augmentation de l'offre globale du cinéma peut nous permettre d'aider le cinéma français à réussir.
Je vous prie de bien vouloir excuser la passion que j'ai mise dans mon propos, monsieur le président. Mais je ne voulais pas que ma position puisse être ressentie comme évitant le sujet de fond. J'assume mon soutien aux multiplex, ainsi qu'aux autres salles bien sûr, car il ne faut pas que les cinémas indépendants disparaissent ! D'ailleurs, si j'avais un souhait pour ma ville, ce serait qu'un multiplex s'y installe, y compris face aux trois cinémas que j'ai aidé à créer ; en effet, cela permettrait à des dizaines de milliers de personnes d'aller au cinéma, de s'éduquer le goût, de devenir capables de choisir entre les salles pour voir tel ou tel film ; en définitive, cela tirerait par le haut la consommation cinématographique.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 174, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 131, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 156, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 132, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 176.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Je suis favorable à ce sous-amendement.
Néanmoins, les deux premières délibérations à propos des statistiques de l'observatoire créé montrent que la lecture sera complexe et plurielle. Je préférerais, si M. Gouteyron en était d'accord, que le Gouvernement fasse réaliser le rapport par l'observatoire. Nous serions sûrs que, comme le disait Diderot, la voix aurait vingt bouches pour pouvoir exprimer la profondeur de l'analyse. Ce serait, à mon avis, mieux ainsi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 176, accepté par la commission et par le Gouvernement.
M. Emmanuel Hamel. Je vote contre.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 55, accepté par le Gouvernement.
M. Emmanuel Hamel. Je vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10 bis.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Michel Dreyfus-Schmidt.)