M. le président. Par amendement n° 152, M. Ostermann propose d'insérer, après l'article 16, un article additionnel ainsi rédigé :
« Une structure spécialement chargée de lutter contre le travail clandestin est instituée dans chaque département. Elle porte le nom de "Brigade de lutte contre le travail clandestin (BLTC)".
« Elle est composée d'inspecteurs du travail d'une part, et de policiers et de gendarmes d'autre part, qui appliquent de manière combinée les dispositions du code du travail et des codes pénal et de procédure pénale.
« Elle intervient à la demande afin de constater immédiatement l'infraction de travail clandestin et d'engager les poursuites à l'encontre des contrevenants.
« Son organisation et son fonctionnement seront définis par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Quelques mots d'explication suffisent à justifier l'objet de cet amendement.
Au cours de la discussion générale, nous avons très largement évoqué les défis auxquels l'artisanat et les PME sont confrontés.
Outre la formation préalable à la création d'entreprise, l'adaptation du code des marchés, les nécessaires simplifications administratives, de nombreuses professions ont, de surcroît, à faire face au travail clandestin.
Le travail clandestin, plus communément appelé « travail au noir », est illicite. Il devient progressivement une véritable économie parallèle et prend de plus en plus d'ampleur.
Avec l'obligation de formation, ce phénomène risque de se développer. Les artisans, surtout ceux du bâtiment mais aussi ceux de bien d'autres professions, se trouvent dans le même cas. Ces entreprises souffrent dans leur activité et ne comprennent pas le laxisme des pouvoirs publics.
J'ai affirmé hier que les artisans et les dirigeants de PME, qui refusent de s'engager dans la spirale de l'illégalité, sont confrontés à des prix souvent abusivement bas pour les raisons que nous connaissons.
Ces éléments militent en faveur de la création d'une brigade contre le travail clandestin. Des solutions existent certes pour combattre le travail illicite, mais elles ne sont pas efficaces ; nous en sommes tous conscients. Un rapport déposé récemment par nos collègues de l'Assemblée nationale a chiffré les dégâts pour notre pays.
Cette lutte renforcée contre le travail clandestin s'impose encore davantage aujourd'hui, compte tenu de la situation difficile dans les métiers du bâtiment.
Enfin, nos artisans et nos PME attendent un signal fort de la part du législateur. C'est la raison pour laquelle je vous saurais gré, mes chers collègues, de bien vouloir adopter le dispositif prévu par cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission a considéré que cette disposition était d'ordre réglementaire ; elle a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Le Gouvernement partage votre souci, monsieur Ostermann : la lutte contre le travail clandestin doit être renforcée. C'est d'ailleurs, vous le savez, l'un de ses objectifs et le ministre du travail et des affaires sociales, M. Jacques Barrot, a entrepris de mettre en oeuvre plusieurs mesures dans ce sens et prépare aujourd'hui un programme d'action élargi. Votre proposition, me semble-t-il, relève de cette action, et je la soumettrai à M. Barrot.
Je crois, en revanche, que l'on ne peut pas traiter ce problème dans le présent projet de loi. D'ores et déjà nous avons dû traiter des dossiers qui relevaient de la compétence de M. Pons sur le tourisme, d'autres qui relevaient de la compétence de M. Douste-Blazy en ce qui concerne la culture, d'autres encore qui relèvent, on le verra tout à l'heure, des transports avec Mme Idrac.
Il s'agit là d'un nouveau dossier qui s'ouvre sur le travail clandestin. Je le comprends tout à fait, et le Gouvernement appuie votre réflexion, monsieur Ostermann, et retient cette proposition comme étant très positive. Je considère néanmoins que ce n'est pas à l'occasion de la discussion de ce projet de loi qu'il convient de débattre d'une telle proposition.
C'est la raison pour laquelle l'avis du Gouvernement, comme celui de la commission, est défavorable.
M. Joseph Ostermann. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Je veux bien répondre à la demande, sinon expresse, du moins sous-entendue de M. le ministre, et je retire l'amendement n° 152.
Toutefois, je ne manquerai pas d'interroger M. Jacques Barrot sur ce problème important car nous devons absolument réagir en ce domaine.
M. le président. L'amendement n° 152 est retiré.
M. Gérard Delfau. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit désormais de l'amendement n° 152 rectifié.
La parole est à M. Delfau, pour le défendre.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous l'accorde, il est difficile de greffer ; à une heure aussi avancée et à l'occasion d'une discussion concernant la qualification de l'artisanat ; une disposition sur le travail clandestin. Comme mon collègue M. Ostermann, je saisis cependant l'occasion de vous dire à quel point il est urgent que les textes soient appliqués.
De ce point de vue, outre de nombreux textes réglementaires, il y a la loi Aubry de 1992, qui comporte un certain nombre de dispositions très précises. Or, tous les jours, nous sommes confrontés à une insuffisante application de ces textes.
Cette situation s'explique par des raisons à la fois conjoncturelles et de fond.
Pour les questions conjoncturelles, je reprends mon intervention de tout à l'heure concernant les conditions de travail dans les grandes surfaces : notre société n'accorde plus à l'inspection du travail tout le respect et tout le soutien qu'elle lui doit. Or il importe que la considération à l'égard des tâches de l'inspection du travail soit à nouveau d'actualité.
Il faudrait également, monsieur le ministre, que les effectifs de l'inspection du travail soient renforcés. Nous assistons à l'heure actuelle à un déséquilibre énorme entre, d'une part, les tricheurs et, d'autre part, les forces qui, à la demande de la société, essaient d'empêcher que le travail clandestin ne gagne sans cesse du terrain.
Je voudrais aussi souligner que la voie de la répression, si elle est nécessaire, n'est pas suffisante, et dire à nos collègues que nous n'arriverons pas à endiguer ce mal si nous ne trouvons pas ensemble les moyens de revenir, d'ici à quelques années, à des formes de plein emploi. En effet, si le chômage continue à croître, quel que soit l'arsenal répressif et quelle que soit la façon dont il est manié - et, pour ma part, je pense qu'il n'est pas suffisamment utilisé aujourd'hui - nous ne parviendrons pas à arrêter ce mal.
Voilà quelques considérations dont j'imagine bien qu'elles ne vont pas changer le fond du problème. Je tenais cependant, après M. Ostermann, à tirer la sonnette d'alarme. En effet, lorsque nous rentrons dans nos communes - et vous-même, monsieur le ministre, partagez sans doute la même expérience - nous sommes de plus en plus confrontés à une classe moyenne démoralisée, à des artisans désespérés et qui parfois s'adressent à nous, les maires, pour nous demander pourquoi nous ne les aidons pas à lutter contre le travail clandestin. Or nous n'avons manifestement pas les compétences nécessaires, ce n'est pas de notre ressort.
Je voulais simplement, monsieur le ministre, rappeler ces quelques vérités que vous connaissez bien en souhaitant qu'avec votre collègue le ministre du travail vous nous proposiez à bref délai un certain nombre d'aménagements.
Je veux également dire à nouveau, monsieur le ministre - tout à l'heure nous avons en effet traité cette question un peu vite - que les conditions de travail des salariés dans un certain nombre de grandes surfaces et parfois aussi dans la restauration et l'hôtellerie notamment sont indignes de la condition de citoyen français.
Voilà deux maux auxquels, monsieur le ministre, il faut tenter de remédier.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Il est très important, en effet, de poser les problèmes du travail clandestin et des conditions de travail dans le secteur du commerce.
Il va de soi, messieurs les sénateurs, que ce sont des sujets très préoccupants auxquels il faut apporter des réponses.
Vous avez tout à fait raison de dire que le travail clandestin démoralise les classes moyennes. Sur ce sujet, nous partageons tous la même conviction. Le Gouvernement est donc engagé dans un processus d'action.
Si nous acceptons pas un tel dispositif dans ce projet de loi, c'est d'abord parce qu'il est d'ordre réglementaire et, ensuite, parce qu'il doit être intégré à un plan d'ensemble, M. Ostermann, je préviendrai M. Barrot que vous l'interrogerez prochainement et qu'il devra fournir une argumentation convaincante ; j'en ai bien pris note.
M. le président. Monsieur Delfau, l'amendement est-il maintenu ?
M. Gérard Delfau. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 152 rectifié est retiré.

Article 17