M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je serai très bref, car nous avons sans doute tout dit au cours des différentes lectures de ce texte, qui ont été curieusement espacées dans le temps.
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le préciser, mais je le répète car cela me paraît important, si ce texte avait vraiment été utile à la lutte contre le terrorisme, le Gouvernement aurait été bien coupable d'attendre si longtemps pour le soumettre à nouveau à l'examen du Sénat. Je rappelle en effet que le conseil des ministres l'avait adopté le 25 octobre 1995. Fort heureusement, les mesures proposées n'étaient pas indispensables en la matière puisqu'on a pu continuer à lutter contre le terrorisme.
Bien entendu, nous sommes nous aussi, comme tout le monde, extrêmement sensibles aux actes de terrorisme, que nous condamnons absolument. Cela étant, le texte qui est venu en discussion comportait plusieurs chapitres tout à fait différents les uns des autres, à tel point que l'on avait parlé de texte portant diverses mesures d'ordre pénal.
Certains articles, comme on vient de le rappeler, visaient à aggraver les peines déjà lourdes prévues par le code pénal pour les personnes coupables d'outrage, par exemple à l'encontre des dépositaires de l'autorité publique ou des personnes chargées d'une mission de service public.
D'autres articles tendaient simplement à ajouter les mots de « policiers » ou de « gendarmes » au texte visant et protégeant les dépositaires de l'autorité publique ou les personnes chargées d'une mission de service public, comme si ces mots eux-mêmes ne recouvraient pas déjà ceux de policiers et de gendarmes.
Il s'agit d'effets d'affiche. Il n'y a pas de raison de ne pas continuer à le faire, et il est bien regrettable que le temps et l'attention des parlementaires soient retenus aussi longtemps pour des mesures qui sont totalement inutiles et qui n'ajoutent strictement rien à des dispositions de procédure pénale ou de droit pénal.
Par ailleurs, il a fallu, une fois de plus, définir ce qu'est un officier de police judiciaire, étant entendu que, plus ça va, moins on demande de qualités et d'expérience à ceux qui sont reconnus comme tels.
Enfin, en ce qui concerne les dispositions relatives au terrorisme proprement dit, nous avons, en effet, déploré que les saisies et les perquisitions soient désormais possibles y compris en matière d'enquête préliminaire. Entre les soupçons qui peuvent être portés et l'établissement de la culpabilité, il y a souvent une grande différence.
De même, il est très important de ne pas multiplier les délits qui peuvent être considérés comme liés à des entreprises de terrorisme, dans la mesure où une qualification peut être changée. Qualifier tel ou tel délit comme étant un acte de terrorisme permet de garder les intéressés à vue plus longtemps, mais entraîne aussi la compétence exclusive de Paris, ce qui est gênant tant pour les familles de ceux qui sont mis en examen que pour les éventuelles parties civiles et les familles des victimes. Or ce texte continue à les multiplier.
Le texte comporte deux aspects positifs, auxquels nous nous honorons d'avoir contribué. En premier lieu, nous avons demandé en commission que soit retenu l'adverbe « intentionnellement » pour que soit bien précisé que le fait d'ignorer avoir commis un délit en relation avec des actes de terrorisme évite à son auteur d'être poursuivi pour acte de terrorisme.
Nous sommes reconnaissants au Sénat et au Gouvernement de l'avoir accepté et finalement imposé à l'Assemblée nationale.
En second lieu, concernant le sort réservé aux familles de ceux qui hébergent des proches et qui seraient des clandestins ou des irréguliers, nous sommes dans l'obligation de rappeler que c'est nous qui avons demandé de leur appliquer la même immunité que celle qui est appliquée en matière de recel de criminel.
Nous ne sommes pas arrivés à nos fins. La montagne a accouché d'une souris puisque, en définitive, vous avez bien voulu admettre tout de même que le fait de les exposer à une condamnation de cinq ans de prison alors que les intéressés eux-mêmes ne risquent qu'un an n'était pas normal. Vous avez donc accepté pour eux la limite de la sanction maximale prévue par l'article 19 de l'ordonnance de 1945 plutôt que celle qui figure à l'article 21.
Le combat continuera. Nous espérons convaincre un jour, sinon le Sénat, du moins l'Assemblée nationale dans la mesure où elle a le dernier mot, qu'il serait tout à fait normal de traiter ces proches comme sont traités tous les proches des malfaiteurs lorsqu'ils les recèlent.
Au total, le bilan est négatif et c'est pourquoi nous voterons contre ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen votre contre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste également.

(Le projet de loi est adopté.)

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