PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE

Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 461, 1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. [Rapport n° 1 (1996-1997).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat que nous poursuivons cet après-midi porte sur un sujet de société important, le nombre de collègues qui se sont mobilisés pour y participer en témoigne.
En préambule à mon intervention, je tiens à souligner que ce débat a été bien préparé au sein de la commission spéciale constituée par le Sénat pour l'examen de ce texte. Je pense que, sous la présidence de M. Fourcade, nous avons choisi une bonne méthode de travail en rencontrant de nombreux acteurs de la politique de la ville. Nous avons ainsi acquis une vision d'ensemble des contraintes qui pèsent sur cette politique de la ville, ce qui nous permet de fonder nos opinions, lesquelles sont, bien sûr, contrastées. Au demeurant, le rapport de notre collègue M. Gérard Larcher reflète bien la diversité et la profondeur de nos débats.
L'économie générale des propositions du Gouvernement fera l'objet de la première partie de mon intervention ; je présenterai bien sûr, à cette occasion, la position spécifique du groupe politique au nom duquel je m'exprime. Les deux ministres qui occupent aujourd'hui le banc du Gouvernement ont été suffisamment longtemps des parlementaires de l'opposition pour savoir que l'expression des divergences d'opinion entre les différents groupes politiques fait toute la richesse du débat parlementaire.
Dans la seconde partie de mon propos, j'analyserai les principales dispositions prévues par ce texte, et il s'agira alors de tenter d'évaluer leur efficacité.
Je veux d'abord souligner le décalage qui existe entre les intentions affichées dans le projet de loi comme, plus globalement, dans ce qu'on appelle le pacte de relance pour la ville et d'autres aspects de la politique générale du Gouvernement, qui me semblent aller à l'encontre de la démarche visant spécifiquement la ville.
Parmi les obstacles à une bonne politique de la ville, figure au premier chef la politique économique générale, dont on voit bien qu'elle a handicapé la croissance dans notre pays. De ce fait, la marge de manoeuvre de l'ensemble des partenaires de la politique de la ville se trouve à l'heure actuelle limitée : les moyens leur manquent pour essayer de redresser les situations difficiles qu'ils constatent.
A ce sujet, je voudrais dire à mon tour quelques mots des dotations aux collectivités locales.
Si l'enveloppe de la DSU, la dotation de solidarité urbaine, a, l'année dernière, connu une forte augmentation, pour avoir été calculée sur la base d'une évaluation de croissance qui a été, hélas ! démentie par les faits, en revanche, en 1997, la dotation forfaitaire, c'est-à-dire la dotation de base dont devraient bénéficier les communes, sera en diminution de 0,7 %.
Cela signifie qu'une collectivité importante qui reçoit, par exemple, 100 millions de francs au titre de la dotation de base et 4 millions de francs au titre de la dotation de solidarité urbaine a sans doute gagné, en moyenne, 1 million de francs sur sa DSU de 1996 par rapport à celle de 1995 mais recevra, en 1997, une dotation inférieure d'environ 1 million de francs par rapport au maintien du pouvoir d'achat pour l'année 1997.
Les observations qui précèdent n'emportent, bien entendu, aucune critique à l'égard des deux ministres ici présents. Je veux simplement dire qu'une politique de croissance lente est un facteur handicapant pour tous les acteurs de la politique de la ville.
Je veux aussi évoquer ici la question du marché de l'emploi.
Nous savons tous, par les expériences que nous poursuivons sur le terrain, que les actions d'insertion professionnelle sont beaucoup plus difficiles à mettre en oeuvre lorsque le marché du travail est complètement obstrué et qu'il y a surqualification pour tous les recrutements.
Les services publics qui cherchent aujourd'hui à recruter des titulaires constatent un afflux incroyable de candidatures. Ainsi, de proche en proche, pour les moins qualifiés des candidats à l'emploi, il devient de plus en plus difficile d'obtenir un poste.
J'observe, par ailleurs, que la politique sociale d'ensemble n'apporte pas de réponse efficace à l'augmentation des inégalités. Certes, le projet de loi sur la cohésion sociale va être débattu devant le Parlement. Cependant, les phénomènes de marginalisation perdurent, les personnes en chômage de longue durée sont plus nombreuses qu'antérieurement et, dans les quartiers où se posent des problèmes d'exclusion accrus, les difficultés sociales se font sentir plus qu'ailleurs.
Sans aborder longuement la politique budgétaire, puisque nous aurons l'occasion d'en reparler dans quelques semaines, lors de la discussion du projet de loi de finances, en particulier lorsque sera examiné le budget du ministère de la ville, je relève que tant l'Etat que les collectivités locales éprouvent des difficultés pour poursuivre les efforts que leur paraissent nécessaires au rétablissement de la cohésion de nos villes. Il faut bien voir là aussi le résultat d'une certaine politique gouvernementale.
Je veux insister également sur l'intérêt qu'aurait présenté la présence de M. le ministre du logement parmi nous, au moins à certains moments de cette discussion. En effet, je redoute que la politique du logement qui est actuellement conduite par le Gouvernement ne soit pas en complète cohérence avec la démarche qui est adoptée concernant la ville. Il me semble que l'effort de « spécialisation » qui a été mené de façon assez systématique, et qui a d'ailleurs été expliqué avec une certaine logique par le ministre M. Périssol à cette tribune voilà tout juste un an, entraînera de nouveaux problèmes au regard de la politique de la ville dans cinq ou dix ans.
Je suis convaincu qu'en resserrant l'éventail social des personnes concernées par le logement social, en cherchant de façon méthodique à faire « sortir » du logement social les personnes qui présentent une certaine solvabilité - ce qui correspond à l'un des objectifs principaux du prêt à taux zéro - on provoque un risque supplémentaire de marginalisation, par la réduction de l'éventail social dans les quartiers d'habitat social actuels.
J'ajoute - nous en saurons sans doute plus dans les semaines qui viennent - que les dispositions qui sont prises actuellement en ce qui concerne le financement du logement social risquent de fragiliser, voire de déstabiliser l'ensemble du secteur HLM, qui est pourtant l'un des acteurs de base de la politique de la ville.
A partir de ces constats sur les options politiques du Gouvernement et de sa majorité, qui ont au demeurant toute leur légitimité, le choix du peuple ayant été dans ce sens, nous sommes amenés à considérer que la politique de la ville est grevée de sérieux handicaps. Pour paraphraser un slogan publicitaire, je dirai qu'à certains égards, compte tenu des autres options prises par le Gouvernement, on peut se demander : « A quoi ça sert que Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult se... dévouent ? » (Sourires.)
Je voudrais, à cette occasion, saluer la bonne volonté manifestée par les deux ministres, qui cherchent régulièrement les contacts sur le terrain.
C'est à nous, élus de l'opposition, qu'il revient de noter que, globalement, dans la préparation et dans la discussion de ce projet, il n'est pas venu de critiques, comme il en était peu venu, d'ailleurs, à l'encontre des précédents ministres de la ville, quant à l'impartialité du choix des sites où les efforts se portent.
J'ai également entendu avec satisfaction les deux ministres exprimer leur souci de continuité par rapport aux actions menées en matière de politique de la ville au cours des années passées.
Cela dit, il n'est pas possible à un groupe de l'opposition de donner un satisfecit au Gouvernement ; nous voterons donc contre l'ensemble du projet de loi.
Je voudrais maintenant m'exprimer sur certains des choix méthodologiques que sous-tend ce projet de loi.
Certes, quelques-uns de ces choix ont été opérés antérieurement ; ainsi, en ce qui concerne les emplois de ville, ils résultent d'un vote qui est intervenu au mois de mai.
A ce propos, je noterai que, selon le récent rapport de la Cour des comptes, les emplois fortement aidés par les finances de l'Etat méritent une certaine attention quant à leur utilisation par les acteurs locaux, collectivités locales ou associations. Ce qui s'est passé ici ou là avec les contrats emploi-solidarité est en effet dommageable, tout particulièrement, pour celles des collectivités ou des associations qui se sont efforcées de recourir à ces contrats de façon scrupuleuse.
Il ne sera pas inutile que les directions départementales du travail et de l'emploi fassent preuve de vigilance et maintiennent un partenariat avec les utilisateurs d'emplois de ville, de manière que cette formule ne soit pas détournée.
Lors d'une discussion impliquant une collectivité locale du Val-d'Oise pour la création de certains emplois de ville, j'ai été heureux de constater le souci de la direction départementale du travail d'éviter les effets d'aubaine qui, vous le savez comme moi, peuvent exister dans ce domaine. La vigilance dont a fait preuve la direction départementale du travail à cette occasion m'a impressionné positivement.
Puisque c'est un système qui est appelé à perdurer, les directions départementales du travail doivent continuer à veiller à la bonne insertion des emplois de ville et à leur caractère non concurrentiel avec d'autres types d'emplois.
En outre, il faut faire en sorte que les emplois de ville ne soient pas systématiquement créés dans les zones, quartiers ou communes les plus touchés. Tout ce qui peut contribuer à éviter un rétrécissement de l'horizon qui serait défavorable à la mixité sociale devra donc être encouragé.
En me déplaçant dans les communes du Val-d'Oise, j'ai constaté avec satisfaction que les maires de communes non classées en zone urbaine sensible étaient disposés à affecter des emplois de ville à des travaux d'utilité collective.
Il est non seulement conforme à la loi mais également utile que les emplois de ville soient diversifiés géographiquement.
Autre sujet général qui n'est pas traité dans le projet de loi mais que je souhaite évoquer : les questions de sécurité publique.
Le redéploiement des moyens humains de sécurité publique au bénéfice des quartiers situés en zone sensible reste en grande partie à l'état de projet. Certes, quelques résultats ont été obtenus, mais il est important qu'à la fois le ministre de l'intérieur et les ministres directement chargés de la politique de la ville conservent un réel souci de reéquilibrage, tant il est vrai que, comme cela a été dit par plusieurs de nos collègues, le « déficit » de sécurité publique et l'ambiance d'insécurité constituent un facteur invalidant pour tous les autres projets locaux, qu'ils soient à caractère social ou à caractère économique. De ce point de vue, beaucoup reste à faire.
Sur le contenu même du projet de loi, j'évoquerai d'abord le problème du zonage, puis celui des exemptions fiscales et, enfin, les interventions concernant le bâti.
En ce qui concerne le zonage, je ne voudrais pas m'exprimer de façon trop systématique et trop théorique. Bien entendu, nous voyons les inconvénients qu'il peut y avoir à concentrer l'action publique sur des secteurs déterminés, mais, après tout, le représentant d'une formation politique qui a mis en place les zones d'éducation prioritaires ne serait pas vraiment fondé à dire que le zonage est par principe négatif et pervers.
Il y a une part nécessaire de zonage lorsqu'on est face à des situations de crise, lorsqu'il y a menace d'abandon pour des quartiers qui présentent une spécificité sociale, qui sont confrontés à des difficultés les distinguant de la « moyenne ». Cependant, quand on est en contact fréquent avec des collectivités urbaines, on se rend bien compte que des problèmes sociaux, des déficits de formation, des handicaps humains, il en existe dans tous les quartiers. Ce qui fait la spécificité des quartiers d'habitat social, c'est la concentration, qui, à un moment donné, fait franchir un point de non-retour et aboutit à des situations quasi irréparables.
Face à cette réalité, qu'il y ait une concentration de moyens publics ne me choque pas. En revanche, ce que je trouve gênant et inquiétant pour l'avenir, dans le principe du zonage, c'est que cette concentration de moyens risque de faire perdre de vue la cohérence d'ensemble de l'action locale - que ce soit au niveau de la commune ou, plus souvent, au niveau de l'agglomération - destinée à rétablir des équilibres économiques et sociaux.
Les éléments de zonage qui figurent dans ce projet de loi peuvent poser certains problèmes. S'ils ne doivent pas, me semble-t-il, être rejetés dans leur principe, ils font nettement apparaître la nécessité de l'autre composante de la politique de la ville, celle des contrats, qui est antérieure à ce projet de loi et qui vise à développer une cohérence de l'action sur plusieurs années sur tout un territoire communal ou intercommunal.
C'est pourquoi il faut maintenir l'effort en matière de politique des contrats de ville.
Il est un deuxième point sur lequel je voudrais exprimer des critiques ou des inquiétudes : le principe de l'exemption fiscale.
Nous vivons depuis plusieurs années dans une certaine conformité de pensée - pour dire les choses sobrement - qui fait de l'exemption, ou de l'exonération fiscale un moyen d'action public privilégié par rapport à d'autres. Il va bien falloir s'interroger - peut-être la discussion du projet de loi de finances pour 1997 sera-t-elle une première occasion pour ce faire - sur la pertinence de ces mécanismes et sur les risques de gaspillage que comporte une telle démarche par rapport à la démarche ancienne des crédits publics.
Je constate avec intérêt que l'on est très aisément critique sur le bon emploi des crédits, des subventions et des interventions publics mais que, en revanche, on ne fait pas du tout preuve de la même vigilance pour vérifier la pertinence et l'intérêt de chaque franc investi dans les exonérations fiscales.
Par exemple, je constate que l'on n'a pas fait, à l'occasion de ce texte, le bilan économique réel des zones d'entreprises créées entre 1986 et 1987. Ce n'est pas par hasard, je pense, que cela n'a pas été fait. Je crois avoir compris qu'un rapport de l'inspection des finances avait été établi sur le bilan de ces zones d'entreprises. Ce rapport n'a été ni publié ni exploité. Il me semble que si le bilan avait été tout à fait positif par rapport aux francs perdus en recettes fiscales, on aurait eu intérêt, du côté du Gouvernement, à le publier.
Il est vrai que le projet de loi en discussion marque un certain progrès en termes d'efficacité et de méthode, au sens où certains effets négatifs, certains effets de dispersion des avantages de l'exonération fiscale sont limités. C'est le résultat à la fois de l'expérience et des discussions communautaires. Cependant, même si probablement un certain nombre d'erreurs ne seront pas de nouveau commises, je veux souligner malgré tout le coût budgétaire fort important que représente l'ensemble de ces avantages fiscaux, qui ne sont pas proportionnés à la difficulté propre de chaque entreprise concernée. Ce qui est dommageable dans le principe de l'exonération fiscale, surtout quand on se donne, ce qui est logique, un objectif de simplicité, c'est que l'on arrose le sable dans une assez large proportion. On veut en effet appliquer le même degré d'exonération à tous ceux qui sont sur un même territoire alors que leur degré de handicap économique est fondamentalement différent.
Prenez l'ensemble des professions libérales, des professions indépendantes ou des commerces situés dans un quartier d'habitat aujourd'hui difficile : certains sont très marginalisés et ont, pour survivre, de grandes difficultés ; d'autres sont dans une situation de concurrence avec le reste de la ville, qui est beaucoup moins handicapé ; or tous vont bénéficier du même degré d'aide. Je pense que ce n'est pas efficace.
D'une façon plus générale - et nous aurons à le redire lors de la discussion du projet de loi de finances -, la multiplication de ces dispositifs d'exception aboutira à un système fiscal en gruyère, qui ne pourra plus être interprété par personne et qui déclenchera des phénomènes de contagion. On l'a déjà vu avec le débat sur la Corse, et ce n'est pas le ministre de l'aménagement du territoire qui me contredira. Utiliser cet outil de façon aussi « indiscriminée », en multipliant les cas d'exemption, amènera un beau jour à scier la branche sur laquelle la puissance publique est assise.
Cela étant, je veux le souligner, la commission spéciale a apporté, sur cette question des aides fiscales, deux améliorations qui correspondaient à nos propres préférences, ce qui fait que nous les soutiendrons.
Il s'agit, en premier lieu, du système de la commission de pilotage. Au moins pourra-t-on, en temps réel, sans attendre et de façon publique, apprécier l'efficacité des aides fiscales. Il s'agit, en second lieu, d'un dispositif de sortie auquel il faut attacher une certaine importance. En effet, et c'est l'un des phénomènes les plus pervers des aides fiscales, quand on ménage pour certains une imposition zéro et qu'un jour on doit les ramener dans le système d'imposition normale, on se heurte alors à des situations de crise. Donc, le fait de disposer d'au moins une sortie en ciseaux constitue certainement une amélioration.
Le dernier point que je veux mentionner concerne les aides au bâtiment.
Les primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, les PALULOS, devraient être à mon sens renforcées dans les différents quartiers classés, car, dans certains cas de réfection ou de transformation, le plafond actuel des PALULOS ne sera pas suffisant. C'est l'un des éléments sur lesquels M. le ministre du logement devrait, me semble-t-il, poursuivre sa réflexion, en liaison avec ses collègues chargés de la ville.
De même, je m'interroge sur le financement des restructurations lourdes, qui visent à remodeler les quartiers, à les remettre dans un contexte urbain normal, et qui sont, de mon point de vue, l'une des voies normales de sortie des quartiers en difficulté, étant entendu que certains ne pourront pas être maintenus dans leur cadre architectural actuel. Le financement de ces restructurations lourdes n'est encore pas actuellement suffisant. Il sera concentré sur les grands projets urbains, soit une douzaine en France. Pour les autres cas, on aura de sérieux problèmes.
En outre, le dispositif financier prévu ne me paraît pas entièrement convaincant pour la diversification en fonction du type de logement. Les aides fiscales aux propriétaires et le prêt à taux zéro ne seront pas suffisants, en tout cas au cours des prochaines années, pour susciter dans les quartiers aujourd'hui en difficulté de nouvelles opérations soit en locatif privé, soit en accession à la propriété.
Aujourd'hui, les handicaps et les difficultés sont tels qu'il ne faut pas forcément se précipiter pour faire de l'accession au nom de la diversité. En effet, c'est clair, on peut alors se trouver confronté à un problème de copropriétés en difficulté.
En tout cas, si on veut le faire, les outils financiers ne sont pas suffisants et le prêt à taux zéro, même avec une quotité relevée, ne me paraît pas être un moyen suffisant pour solvabiliser, crédibiliser les projets d'accession à la propriété dans les quartiers difficiles.
Enfin, je voudrais souligner qu'il existe déjà un dispositif de sauvetage des copropriétés en difficulté, qui constituent un problème croissant dans les quartiers urbains. Il serait utile à la discussion que MM. les ministres nous disent quel a été le bilan du dispositif de 1994, qui permet d'engager des plans de sauvetage dans les copropriétés en difficulté.
Pour ce qui est des dispositions qui figurent aujourd'hui dans le projet de loi, il me semble que certains comportements - je pense ici aux copropriétaires qui décident de se faire bailleurs et de devenir, pour reprendre une expression citée hier, des « marchands de sommeil », et qui sont une réalité - échappent aujourd'hui à toute possibilité de contrôle dans le cadre des plans de sauvetage. Cela pose des problèmes de droit civil importants, d'ici à l'élaboration définitive du projet de loi, il serait important que l'on approfondisse cette question, car certaines copropriétés sont mises en péril par ces comportements de mise à bail des logements. Si l'on n'y remédie pas, on ne sortira pas de certaines crises.
Pour conclure, je dirai simplement que, comme chacun ici, je souhaite malgré tout le succès des efforts prévus dans ce projet de loi. Ce n'est pas, en effet, parce que l'on est dans l'opposition que l'on ne souhaite pas la réussite d'actions d'intérêt général. On peut voir le problème en élus de collectivités à caractéristique urbaine - mais j'ai constaté chez nombre de nos collègues élus de communes rurales une grande compréhension pour les problèmes de politique de la ville ; il n'y a donc plus de coupure territoriale sur ce sujet-là, les élus ruraux sont conscients des difficultés.
Même si nous ne soutenons pas ce texte dans son ensemble, pour les raisons politiques que j'ai dites, il doit y avoir un débat concret qui permette de l'améliorer.
Au-delà de l'adoption de ce texte, me semble-t-il, un besoin de réflexion collective sur les problèmes de la politique de la ville se fera sentir ; on cherchera à comprendre les sources et le développement des handicaps des quartiers. Le conseil national des villes joue un rôle utile à cet égard. De même, les associations d'élus développent de plus en plus leur réflexion, échangent leurs points de vue et consacrent des colloques au sujet. Cet enjeu de société qu'est le droit égal pour chacun à un cadre de vie de qualité est un motif de mobilisation collective, au nom des valeurs de notre République. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, exclusion, discrimination, fracture sociale, chômage, insécurité, délinquance : on nous parle de politique de la ville, de pacte de relance pour la ville - on a même évoqué un « plan Marshall pour la ville » - alors même que c'est de choix politiques tout court dont il faudrait discuter puisque, au fond, c'est essentiellement de cela qu'il est question.
Car à quoi s'applique-t-on depuis des années, sinon à poser un cautère sur une jambe de bois sans jamais remettre en question les grands choix politiques économiques et sociaux effectués par bien des gouvernements, en rupture flagrante avec les grands principes républicains ?
Bien sûr, la politique de la ville est aujourd'hui en question.
Bien sûr, la ville va mal, singulièrement la banlieue. Loin de moi l'idée qu'il ne faut pas entreprendre un certain nombre d'actions en sa faveur. Pourtant, faut-il s'étonner des maux qui l'assaillent quand tout est fait, dans ce pays, pour marginaliser une frange non négligeable de la population à partir des choix exercés en faveur d'une certaine politique économique, qui brise sans vergogne, au nom du marché, de la libre concurrence et du « moins d'Etat », des pans entiers de notre économie nationale ?
Quand le Premier ministre, à propos de la ville, dit que « le problème n'est plus d'analyser ce qui ne va pas » pour vouloir tout de suite passer à l'action afin de régler son sort à la crise que la ville traverse, il arrête d'autorité toute discussion de fond quant à une lecture critique et dialectique des causes qui ont généré une telle situation.
A ce petit jeu, qu'il nous soit permis de ne pas nous livrer, sauf à considérer que tout débat est clos et qu'il n'y a plus lieu de se poser de questions puisque M. le Premier minsitre prétend que tout va bien dans le meilleur des mondes.
On sait bien, messieurs les ministres, que vous appartenez à un gouvernement que je qualifierai de « bleu fixe » : tout va bien !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. On est content d'en faire partie !
M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'imtégration. C'est le « bleu fixe » après les « bluffeurs » !
M. Paul Loridant. Qu'il nous soit donc permis d'affirmer dans cet hémicycle que les difficultés de la politique de la ville ne sont jamais que le résultat d'une lente démission de l'Etat dans ses responsabilités régaliennes et républicaines à l'égard de l'ensemble des citoyens, singulièrement des plus démunis d'entre eux.
Tant que l'Etat ne sera pas restauré dans sa fonction de « grand intégrateur », toute politique relative à la ville ne sera que poudre aux yeux destinée, plus ou moins cyniquement, plus ou moins sincèrement, à donner l'impression que l'on cherche des remèdes aux métastases qui rongent le pacte républicain.
L'une des premières forces de l'intégration républicaine, c'est l'école. Elle l'a prouvé à maintes reprises tout au long des décennies de ce siècle comme du précédent, lorsque l'école obligatoire, gratuite et laïque fut instituée, au grand dam des forces réactionnaires de l'époque.
Or, qu'en est-il de cette école aujourd'hui, quand l'égalité des chances n'est plus de mise par le simple fait des restrictions budgétaires exercées le plus souvent au détriment des zones sensibles, des zones d'éducation prioritaire, alors même que l'Etat devrait leur consacrer des moyens autrement plus audacieux ? Mais, de cela, nous aurons vraisemblablement l'occasion de reparler, mes chers collègues, lors de l'examen des crédits affectés à l'éducation nationale dans le projet de loi de finances pour 1997.
Après l'école, c'est bien évidemment par le travail et le logement, comme vient de le dire M. Richard, que se réalise l'intégration. Or, qu'en est-il de cette intégration-là dès lors que notre pays a renoncé à toute politique industrielle et - plus grave - à tout investissement massif dans le logement social ? Les crédits affectés aux PALULOS sont bien en réduction dans le projet de loi de finances pour 1997, comme ils l'étaient déjà dans la loi de finances de 1996, alors même que de nombreux logements sociaux ne sont pas encore réhabilités malgré leur vétusté.
J'ajoute qu'il serait absolument nécessaire, dans le cadre de cette politique de la ville, d'instaurer des crédits de restructuration urbaine pour ces zones qui ont été construites dans les années cinquante, soixante et même soixante-dix.
Le mal absolu qui ronge nos cités, c'est la persistance d'un très fort taux de chômage alliée à une forte récession économique. Dans les banlieues, mieux vaut aujourd'hui ne pas être jeune, peu ou pas qualifié, surtout si, en dépit d'une identité française parfaitement et légitimement acquise, vous avez la peau un peu bronzée. Car le racisme ordinaire ne s'arrête pas aux portes de l'entreprise ! De quoi convaincre plus d'un jeune d'origine étrangère que, décidément, cette France qui fut, jadis, une terre d'asile, ne sait plus ou ne veut plus faire cet effort d'intégration auquel pourtant il ne fait qu'aspirer.
Bien sûr, les causes de ce mal des banlieues sont multiples.
J'avais précédemment attiré l'attention sur le décalage existant entre ces cités où il fait parfois si bon vivre, situées entre Seine et forêt de Saint-Germain, ou bien au coeur de la vallée de Chevreuse, et d'autres, sur les plateaux qui les bordent - je pense ici aux Ulis ou à Chanteloup-les-Vignes - où la situation n'est pas tout à fait la même. Il conviendrait de mieux répartir l'action en faveur du logement social sur l'ensemble de ces villes pour que règne l'harmonie. Voilà quelques vérités bonnes à rappeler !
L'égoïsme des uns est-il un critère qui mérite d'être retenu dans la définition de la fracture sociale face à la dégradation du sort des autres ? Je vous le demande, messieurs les ministres, mes chers collègues.
Alors oui ! bien évidemment, sans véritable emploi, sans accès au logement, notamment au logement social, l'espoir reste limité, car ce pacte de relance pour la ville ne réglera, pour cette banlieue qui n'en finit plus de s'enfoncer, que quelques problèmes.
Cette politique ne remettra en effet pas en cause les grands dogmes qui fondent la politique économique et sociale du Gouvernement politique inspirée des grands principes libéraux et enferrée dans les critères de Maastricht.
Vous avez, messieurs les ministres, renoncé à rétablir le pacte républicain, et cela parce que vous avez laissé s'effondrer de grands pans de notre souveraineté au profit des grands argentiers de ce monde.
Méfions-nous cependant, car, sous la cendre, couve le feu. Les élus locaux, quand ils en ont encore les moyens, parviennent aujourd'hui, tant bien que mal, à préserver un certain équilibre - vous êtes, monsieur Gaudin, maire d'une ville qui connaît elle aussi des difficultés, et vous le savez bien - mais il n'est pas dit que la chaudière n'explosera pas lorsque, lassées des éternelles promesses, blessées par tant de plans d'action qui ne sont que de la poudre aux yeux, les banlieues se mettront en marche pour exiger une autre politique, une politique qui se démarque de la gestion purement financière des affaires publiques.
J'ai longtemps considéré la ville comme un lieu de liberté et d'épanouissement. Je souhaite qu'elle le redevienne, car la République ne retrouvera tout son sens que lorsqu'elle sera en mesure d'offrir à chacun de ses enfants non seulement un emploi mais aussi un logement.
Avec le pacte de relance pour la ville, je considère que nous sommes loin du compte, même s'il comporte des avancées.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Ah !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale. Il l'a dit !
M. Paul Loridant. C'est pourquoi, messieurs les ministres, je ne voterai pas le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Henri de Raincourt. Dommage !
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la ville et, plus particulièrement, les banlieues, qui attirent l'attention d'un gouvernement soucieux de diminuer la fracture sociale, sont au coeur de tous les débats.
Le chômage, l'échec scolaire et le sous-développement économique de certaines agglomérations favorisent le développement de véritables zones d'exclusion. Depuis quelques années, on assiste ainsi à une désagrégation du tissu urbain dont les conséquences pourraient, à terme, devenir fâcheuses, voire désastreuses pour l'équilibre social.
Mes chers collègues, le pacte de relance pour la ville arrive donc à temps. A un moment où certaines banlieues dites « chaudes » risquent à tout instant de s'enflammer, il semble tout à fait judicieux que le Gouvernement apporte une lueur d'espoir à ceux qui, trop souvent, se sentent exclus de notre société.
Pour y parvenir, les auteurs du présent projet de loi ont fixé des objectifs fondamentaux, tant sur le plan économique et social que sur le plan culturel et associatif. Dynamiser l'activité économique et améliorer la vie quotidienne des habitants des quartiers sensibles, tels sont les deux axes du pacte pour l'élaboration duquel les milieux associatifs et économiques ont été si largement consultés.
On ne peut que louer l'intention du Gouvernement de créer une géographie d'application de la politique de la ville autour des quartiers urbains les plus dégradés. Parmi les trois types de zones urbaines visées par le projet de loi - zones urbaines sensibles, zones de redynamisation urbaine et zones franches - seules les dernières constituent une véritable innovation. Il s'agit là de zones relativement peuplées, baptisées « zones de non-droit » par les médias.
L'attitude du Gouvernement, qui consiste à prendre en compte l'existence de quartiers où chômage, économie souterraine et formation de ghettos ne cessent d'aggraver la « fracture territoriale » dénoncée par M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, s'avère tout à fait judicieuse. A l'heure actuelle - et le Gouvernement l'a très bien compris - seules des mesures fiscales et économiques dérogatoires peuvent enrayer le phénomène de paupérisation et d'exclusion d'une certaine catégorie de la population française.
Prenons cependant garde de ne pas normaliser le statut de zone franche. Gageons que l'Etat concentrera tous ses efforts sur ces quartiers défavorisés au moyen d'une politique publique exemplaire. Les remèdes devront faire effet au plus vite pour que le mal, en l'occurrence l'exclusion, disparaisse rapidement. Les méthodes préconisées dans le projet de loi favorisent, à mon sens, la réinsertion sociale ; elles facilitent une intégration plus juste à l'égard des plus démunis.
Au fond, mes chers collègues, les zones franches deviendront, espérons-le, zones d'espoir pour leurs habitants et zones de redressement pour tous ceux qui ont foi dans un souffle économique nouveau.
Le développement économique des quartiers les plus dégradés reste prioritaire. La majorité des membres du groupe du rassemblement démocratique et social européen approuve donc vivement la création d'un régime fiscal et social dérogatoire, et ce dans le souci de favoriser le maintien et la création d'activités dans les sites urbains les plus défavorisés.
Mixité sociale, diversité économique, tels sont les mots clés de notre futur pacte. Aujourd'hui, la jeunesse, inoccupée, désoeuvrée, est en proie aux tentations de la petite délinquance. Quelle vie peut espérer un jeune sans formation, sans diplôme et donc sans emploi ? Outre le travail clandestin et les activités illicites en tout genre, le « système D » reste la règle. Chacun sait que certaines zones urbaines sont de véritables no man's land où se confondent allègrement - et malheureusement - les parias d'une certaine catégorie de la population.
Au risque de créer des tensions sociales toujours plus vives, souhaitons ardemment que de telles activités prennent fin, pour que ces jeunes des quartiers défavorisés puissent donner - enfin ! - un sens à leur vie. Redonnons-leur - et tel est, mes chers collègues, l'objet de ce pacte - le goût d'entreprendre. Que des termes comme travail, entreprise, créativité, ne soient pas définitivement bannis de leur vocabulaire !
Considérons donc dans cette optique l'entreprise sous toutes ses formes - commerciales, artisanales, etc. - comme centre de vie des sites urbains les plus dégradés, même s'il est vrai que de nouvelles démarches pour y rénover le cadre de vie, sont par ailleurs engagées.
L'accès au logement social demeure une des priorités du Gouvernement. Mais, aujourd'hui, on ne peut que déplorer l'envergure souvent dramatique des difficultés que soulèvent la mise en oeuvre du principe de l'égalité de tous pour l'accès au logement social, le manque de coordination entre les organismes bailleurs, les collectivités et les différentes associations de soutien aux plus démunis.
Ces associations, soulignons-le, jouent un rôle fondamental dans la mesure où, bien souvent, elles font seules le lien entre le citoyen désemparé par sa situation de précarité et les pouvoirs publics. Nous ne pouvons qu'approuver le renforcement de leur rôle et la simplification de leur intervention dans le pacte proposé par le Gouvernement. Il convient encore de leur donner les moyens financiers et matériels indispensables à une plus grande efficacité.
Pourtant, mes chers collègues, nous ne devons en aucun cas oublier que toute tentative de revitalisation des cités resterait vaine sans un net renforcement de la présence des services publics. On peut dès lors s'étonner que le texte proposé ne comporte aucune référence aux problèmes posés par la désertion des services publics dans certaines agglomérations.
L'état des lieux montre trop souvent un Etat baissant la garde dans des zones où la seule loi appliquée reste celle du plus fort. Son désengagement est inacceptable : la sécurité de chacun et le respect de la loi dépendent de lui. Rétablissons l'état de droit dans les sites où sévissent bon nombre de délinquants, où la police n'a plus accès et où s'instaure peu à peu une banalisation des comportements les plus blâmables caractéristiques de la « jungle urbaine ».
Je rappelle à ce propos que, depuis le décret du 19 septembre dernier fixant les modalités d'application de l'article L. 2214-1 du code général des collectivités territoriales, le régime de la police d'Etat s'applique à toute commune de plus de 20 000 habitants dont la délinquance présente les caractéristiques de la délinquance dans les zones urbaines. Par conséquent, l'Etat a fixé et défini le cadre dans lequel lui-même pourra seul intervenir.
Cela nécessite évidemment une nette amélioration, d'une part, quant au nombre des fonctionnaires sur le terrain et, d'autre part, quant à la formation spécifique qu'il serait utile d'apporter à ces derniers.
En outre, mes chers collègues, il faut exiger que les sites urbains visés par le projet de loi puissent profiter de tous les services publics, quels qu'ils soient. Autrement dit, leur véritable essor économique et social passe obligatoirement par une amélioration de la desserte et de la qualité des transports en commun.
Est-il acceptable, en effet, qu'en 1996 certaines banlieues ne soient pas suffisamment équipées pour assurer le transport de ceux qui ne peuvent utiliser des moyens de transport individuels ? Pas plus ici qu'ailleurs, l'Etat ne peut et ne doit se désengager : sa fonction première est d'assurer la bonne marche des services publics. A ce titre, les transports en commun devraient faire l'objet d'une adaptation particulière aux zones visées par le pacte.
D'urgence, surmontons les obstacles par le renforcement de la présence d'agents de l'Etat, d'une part, et par l'insertion et la collaboration des habitants des quartiers les plus défavorisés, d'autre part.
Nous ne pouvons qu'encourager toute volonté de transformer la situation déplorable dans laquelle se trouvent nombre de cités et nous soutiendrons toujours ceux qui auront à coeur de lutter contre le délabrement, sous toutes ses formes, de nos villes.
Le pacte de relance pour la ville est, à mes yeux, un projet porteur d'espoir et de progrès, qu'il convient non seulement de mettre en application, mais aussi de compléter, en étroite collaboration avec les citoyens intéressés, à savoir les citadins eux-mêmes.
Enfin, tant au nom du groupe du Rassemblement démocratique et social européen qu'en mon nom personnel, je tiens à féliciter et à remercier M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale, ainsi que le rapporteur, M. Gérard Larcher, de leur remarquable travail, qui nous permet de procéder à un examen très précis de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Messieurs les ministres, vous nous présentez un projet global et ambitieux qui joint travail législatif et action sur le terrain. Je tenais à le souligner à titre de propos liminaire dans le cadre de la discussion générale de ce projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.
L'étude de ce texte, qui comporte plusieurs volets, a été particulièrement bien préparée, et je rends hommage, monsieur Fourcade, au travail de la commission spéciale et de son rapporteur, M. Gérard Larcher. Mon groupe et moi-même, messieurs les ministres, adopterons ce texte, ainsi que les amendements de la commission spéciale.
Je tiens encore, messieurs les ministres, avant d'entrer dans le vif du sujet et d'aborder les quelques questions fondamentales que soulève la mise en oeuvre de la politique de la ville, à dire à quel point je suis sensible à votre présence sur le terrain, et je m'exprime ici aussi en qualité de président du conseil général du Val-d'Oise, département de la grande couronne dont 250 000 habitants sont concernés par des programmes d'action de ville, grands projets urbains ou contrats de développement urbain.
Vous avez en effet lancé la politique des emplois de ville dans ce département et vous y apportez une attention continue. A Argenteuil, à Sarcelles, à Garges-lès-Gonesse, aussi bien qu'à Nîmes, circonscription de notre collègue Mme Nelly Olin, les élus sont sensibles à votre action sur le terrain, monsieur le ministre.
Je continuerai, au cours du débat, à donner l'opinion d'un partenaire actif, du moins je l'espère, de la politique de la ville.
Il faut choisir ses sujets, et j'aborderai pour ma part trois questions fondamentales. Le pacte de relance est-il assez fort pour susciter un réel dynamisme des entreprises ? La loi donne-t-elle toutes ses chances à la décentralisation, en en respectant les principes, et au développement du partenariat entre les différents acteurs ? Enfin, l'objectif de création de 100 000 emplois de ville sera-t-il atteint ?
Le débat est ouvert. Des questions, messieurs les ministres, vous sont posées, ainsi qu'au Gouvernement tout entier, et elles ont été débattues au sein de la commission spéciale.
Tout d'abord, le Gouvernement a raison de faire de la redynamisation des entreprises, grâce au pacte de relance, un objectif prioritaire. C'est une innovation.
Quand on connaît la situation des villes, on sait que « quartier en difficulté » rime avec « déshérence économique » : disparition des entreprises et des services, pertes d'emplois et de ressources fiscales, dégradation des quartiers commerciaux et de leur environnement. Il y a à cela des causes spécifiques, qui dépassent le cadre des difficultés économiques générales, et nous sommes donc tout à fait favorables au principe de la discrimination territoriale positive.
Cependant, ce principe doit s'appliquer de façon lisible et sensible. Vous lancez un défi aux petites et moyennes entreprises, qui sont en effet les seules à pouvoir faire renaître l'animation et l'emploi dans les villes en difficulté. Le dispositif que vous proposez doit être mis en oeuvre sans esprit tatillon, de manière lisible et simple, dans des périmètres suffisamment larges pour leur offrir un potentiel de développement.
En outre, comme le proposent les auteurs d'un amendement, un comité de pilotage devrait assurer le suivi et l'évaluation de l'application du dispositif. C'est une proposition à laquelle nous sommes favorables. C'est là, en effet, le grand enjeu : recréer une activité économique et recréer une animation dans les quartiers en difficulté.
J'ajouterai que cette volonté de développement économique intégré dans les quartiers en difficulté rendra indispensable une politique de transports et une politique de formation. Cette politique économique prioritaire des entreprises dans les secteurs de ville en difficulté constitue un tout.
En deuxième lieu, vous placez le projet de loi sous le signe de la décentralisation. J'ai souvent considéré, et je l'ai fréquemment dit, que la politique de la ville était trop centralisée, que l'Etat y avait peut-être une place trop importante et que, s'il convenait de rétablir les services publics et la cohérence de l'action de l'Etat, il fallait aussi respecter la décentralisation.
Cela est dit dans l'article 1er du projet de loi. L'amendement que vous proposez, monsieur le rapporteur, visant à la réaffirmation de la décentralisation est encore meilleur, si je puis me permettre de porter cette appréciation, et encore plus explicite. C'est notre conviction, notre vision de l'organisation républicaine : il faut faire confiance à la décentralisation, aux communes, aux conseils généraux, aux régions, dans leur dialogue avec les associations et avec l'Etat. C'est notre conviction, mais aussi c'est l'efficacité que commande une telle attitude.
Dans son rapport, M. Gérard Larcher affirme, à plusieurs reprises, qu'il faut remettre le maire au centre du dispositif. Oui, parce que le maire a la responsabilité politique. Oui, parce que la ville va gérer les équipements et les services qui seront mis en place dans la pérennité, au-delà des contrats et des actions qui pourront être lancées au cours des cinq années à venir.
Par ailleurs, la décentralisation est le seul moyen de développer le partenariat entre les différents niveaux de collectivités. Comme je peux le constater dans mon département, lorsque l'on appelle deux maires, deux tendances pluralistes et différenciées, à travailler ensemble pour faire vivre et activer une zone franche, il faut encourager un effort de partenariat, de conjonction des initiatives des uns et des autres, qui repose sur la liberté et la décentralisation.
Aussi, je vais m'efforcer de porter un jugement sur le projet de loi lui-même et sur les éléments de votre action au regard de la décentralisation. Je formulerai plusieurs observations.
D'abord, s'agissant des structures nouvelles proposées, j'ai un léger doute, monsieur le ministre. Il faut prendre à leur égard un certain nombre de précautions. Il est bon de prévoir un nouvel instrument, une nouvelle « boîte à outils » pour l'action de restructuration, notamment dans le secteur difficile du commerce. Cependant, veillons à éviter les statuts types trop rigides, à prévoir la participation obligatoire des collectivités. Le dispositif, en matière de structures, ne sera réellement décentralisé que si un certain nombre d'amendements concernant l'établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux sont adoptés.
Ma deuxième observation concerne la compensation financière - vous vous attendiez, monsieur le ministre, à ce que j'évoque ce sujet. Celle-ci est un signe de confiance. Si la compensation est intégrale, si elle s'applique à tous les niveaux de collectivités locales - communes, groupements de communes et conseils généraux - ce sera le signe que la décentralisation n'est en effet pas un vain mot et que l'on peut travailler sans arrière-pensée avec l'Etat et entre les différents niveaux de collectivités.
La compensation financière, c'est, pour les conseils généraux, beaucoup plus une question de principe qu'un problème de masse financière, mais c'est une des clefs de l'équilibre du dispositif.
S'agissant des conseils généraux, leur rôle a peut-être été sous-estimé. En effet, ils sont présents par l'action sociale, par leur réseau d'assistantes sociales - on en dénombre sept cents dans mon seul département. Ils sont aussi présents dans la politique du logement, au sein du Fonds de solidarité pour le logement, le FSL, et dans la politique d'insertion, à travers le RMI. Ils ont leur politique de la ville, qui est d'ailleurs le plus souvent menée en coordination avec l'Etat. Ils mènent une politique de l'enfance et animent les clubs « prévention ». Ils participent aux opérations « ville-vie-vacances ». Avec les collèges, ils disposent d'une pièce importante du réseau éducatif dans les quartiers en difficulté. En outre, ils interviennent dans la politique de l'emploi, qu'il s'agisse, aujourd'hui, des CES ou des emplois de ville et, demain, des contrats d'initiative locale.
Dans la pratique, et s'agissant de l'application de la loi, il serait souhaitable que vous fassiez très librement appel, dans le respect de la décentralisation, aux conseils généraux. Leur intervention est efficace, comme en témoigne l'expérience.
Il me paraît légitime que vous sollicitiez la solidarité et la participation des autres niveaux de collectivités locales pour les emplois de ville. Non seulement cette attitude est légitime, mais elle a d'ores et déjà donné des résultats positifs dans de très nombreux départements.
S'agissant de la solidarité financière et de la décentralisation, est intervenu le texte relatif à la dotation de solidarité urbaine, la DSU, qui fait partie du dispositif général de politique de la ville. Tout à l'heure, M. Alain Richard rappelait l'évolution très importante de la DSU - une croissance de plus de 50 % - l'apparition de nouveaux paramètres de répartition.
Je me permets d'exprimer un sentiment : au cours des cinq ans à venir, il serait nécessaire de demander un effort supplémentaire en matière de développement de la DSU et de solidarité financière. Peut-être faudrait-il que les collectivités locales s'engagent à affecter les sommes provenant de cette DSU complémentaire aux actions de ville. Cette opinion a été exprimée par M. Delalande lors de son audition par la commission spéciale. Il y a tout de même une certaine logique à demander que la DSU progresse plus vite au cours des années à venir et que les villes prennent l'engagement moral d'affecter ces sommes complémentaires aux actions de ville.
Décentralisation aussi pour juger le dispositif des associations et des fonds associatifs. Il ne peut fonctionner dans la durée que si les actions des associations sont encadrées par un dispositif conventionnel et si les collectivités locales sont concernées. Le dialogue direct entre l'Etat et les associations est une catastrophe, qui aboutit à une série d'erreurs et de difficultés que nous constatons sur le terrain. Je vous invite instamment à bien vous assurer que l'action, pour les fonds associatifs, est effectivement menée par un trio : l'Etat, les associations et les collectivités locales qui ont la responsabilité dans tel ou tel domaine de la politique de la ville.
Un autre point est très important : c'est la politique de l'habitat. Vous proposez d'institutionnaliser, de développer les conférences d'habitat. C'est une bonne mesure. Il faut effectivement donner plus d'influence, plus de responsabilité, plus de possibilités de dialogue aux maires au sein de ces conférences, dans le respect des règles « républicaines » du droit d'accès au logement.
L'habitat, c'est le logement. Or, on constate des difficultés concrètes à monter des opérations de restructuration lourdes et les opérations PALULOS - je rejoins sur ce point M. Richard. Il existe des opérations - vous les connaissez, messieurs les ministres, puisque vous avez bien voulu examiner en détail l'opération qui a eu lieu à Persan, dans le Val-d'Oise - pour lesquelles les financements de la restructuration et des PALULOS sont insuffisants pour entraîner la rénovation en profondeur d'un quartier et lui donner des chances d'éviter de devenir un réel ghetto ou un désert économique, social, culturel et éducatif.
J'en viens à l'objectif des 100 000 emplois de ville. Le Courrier des maires - vous avez sans doute lu cet article, messieurs les ministres - sous le titre : « Emplois de ville : les maires ont-ils les moyens de les financer ? », a ouvert le débat sur la crédibilité de cet objectif de 100 000 emplois, sur le dispositif financier qui a été mis en place, ainsi que sur la nature et la qualité de ces emplois. Même l'association des maires des grandes villes - notamment M. Pierre Cardo, qui a l'expérience d'une ville difficile comme Chanteloup-les-Vignes - a critiqué le dispositif que vous avez mis en place et a demandé que l'Etat s'engage dans un financement encore plus important. Il faut un électrochoc sur les emplois de ville, écrit le maire d'Epinay-sur-Seine.
Je ne partage pas ce sentiment. Pour ma part - et vous aurez sans doute l'occasion de vous exprimer à nouveau sur les emplois de ville - j'approuve les principes du dispositif actuel concernant les emplois de ville. Une pluralité d'employeurs potentiels existe ; ce ne sont pas uniquement les maires et les communes qui doivent créer les emplois de ville. L'utilité sociale de l'emploi est affirmée. Le niveau de rémunération, de formation et de continuité est très supérieur au dispositif antérieur. Il ne s'agit pas, au sens strict, d'un emploi d'insertion, et ces mesures devront se combiner demain avec les contrats d'initiative locale.
Par conséquent, je suis convaincu que la création, avec tous les partenaires, de 100 000 emplois de ville dans les années à venir est un bon objectif et que nous pourrons l'atteindre.
Observons les réactions sur ces emplois de ville. Ce serait très bien s'il s'agissait de fonctionnaires supplémentaires, disent certains. D'autres traitent cette question des emplois de ville sans le coeur et la générosité nécessaires, alors que les jeunes rencontrent de grandes difficultés.
Messieurs les ministres, j'avais noté que, au cours de vos déplacements sur le terrain, vous aviez su montrer ce coeur et cette générosité pour donner une chance aux jeunes des quartiers en difficulté.
Votre appel au pluralisme de financement - j'ai évoqué ce point tout à l'heure - est légitime et il recueillera une réponse positive.
Je conclurai sur les emplois de ville en disant : conjuguons nos initiatives pour essayer d'atteindre cet objectif, améliorons le dispositif en adoptant l'amendement présenté par la commission - vouloir greffer sur le dispositif un mécanisme d'assurance chômage est une idée positive qui mérite un examen approfondi - dressons le bilan dans le courant de l'année 1997 dans six mois et, au vu de ce bilan, ajustons éventuellement le dispositif. Mais commençons par y consacrer toutes nos énergies.
Voilà, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce que je voulais dire à ce point du débat sur le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.
Je terminerai en faisant l'éloge de la ville. Trop souvent, des images excessivement négatives sont données de la ville. Or, la ville est un lieu extraordinaire d'échanges et de création.
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale. Oui !
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est une grande aventure d'intégration sociale, culturelle, humaine, éducative. Quelque 80 % de nos concitoyens vivent en ville, et souvent dans des quartiers en difficulté. Je ne pense pas, contrairement à ce qui est dit ici ou là, qu'il s'agisse d'une loi ou d'une action de la dernière chance. Vous travaillez effectivement dans un environnement difficile avec vos partenaires. En matière de sécurité, d'emploi, de principes d'intégration républicaine dans la société, l'ensemble de la société française doit évoluer pour que la politique de la ville devienne plus efficace. Vous alliez une nouvelle loi avec l'action. Il faudra soutenir cet effort et l'évaluer.
Aujourd'hui, messieurs les ministres, je vous confirme mon soutien personnel et celui de mon groupe au projet de loi que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, Blaise Cendrars, déjà, voilà une quarantaine d'années, évoquait les cités inhumaines, les banlieues grises, aveugles et muettes...
Pourtant, qui aurait imaginé alors que, en cette fin de siècle, l'un des problèmes majeurs de notre société consisterait à conduire, comme on conduit un combat, la reconquête de pans entiers de nos villes ?
Qui aurait imaginé que cette reconquête porterait tout à la fois sur le cadre bâti, sur le peuplement, sur l'activité des habitants, sur l'éducation et la formation, sur la présence des services, sur la sécurité, sur la citoyenneté ?
Qui aurait imaginé, enfin, que la délinquance et la violence seraient telles que le sentiment de peur rendrait les relations entre les hommes et les femmes totalement irrationnelles ?
Or, quand l'émotion l'emporte sur la raison, ce sont les extrémismes qui frappent à la porte.
Il est vrai que le tableau est parfois tragique et que le chantier que nous avons devant nous est immense.
Pourtant, il ne me paraîtrait pas convenable, en cette heure et en ce lieu, de ne pas rappeler que les efforts conjugués de l'Etat, des collectivités territoriales, d'entreprises d'insertion, d'associations, d'enseignants, de travailleurs sociaux ou, beaucoup plus simplement, d'hommes et de femmes courageux et imaginatifs au coeur même de ces quartiers, ont souvent permis d'éviter le pire et, ici et là, ont conduit à des réussites exemplaires.
Il convient, me semble-t-il, de leur rendre l'hommage qui leur est dû.
Il convient également que l'on parle plus de ces réussites, ne serait-ce que pour redonner foi et courage à ces acteurs du terrain, placés jour après jour au contact de réalités difficiles à assumer, et qui sont tentés de se laisser gagner par l'épuisement ou le découragement. Ils ont besoin d'un signal fort.
Le projet de loi dont nous débattons dans cette enceinte peut être ce signal-là.
Il l'est, tout d'abord, parce qu'il n'entrave en rien toutes les actions qui sont déjà engagées dans le cadre de la politique de la ville. Mais il l'est, encore et surtout, par la méthode qui a présidé à son élaboration.
Pendant plusieurs mois, M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, et M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration, ont parcouru le pays, de ville en ville, de quartier en quartier, allant à la rencontre des élus, des acteurs locaux, des associations, des populations concernées, cet immense travail d'écoute et de concertation se trouvant brillamment relayé ici, au Sénat, par la commission spéciale, présidée avec le talent qu'on lui connaît par M. Jean-Pierre Fourcade et dont l'énorme travail se trouve retranscrit dans l'excellent rapport de notre éminent collègue M. Gérard Larcher.
Associé à plusieurs titres à cette vaste consultation, je retrouve, dans les dispositions du projet de loi qui nous est soumis, l'empreinte évidente des témoignages et des attentes exprimés sur le terrain, alors que les amendements proposés par la commission spéciale sont très largement inspirés par les messages particulièrement forts et diversifiés qui lui ont été délivrés lors des très nombreuses auditions auxquelles elle a procédé.
Une telle approche méthodologique ne pouvait conduire qu'à la mise en place d'un dispositif pragmatique, reposant sur deux piliers : la volonté de l'Etat de traiter d'une manière globale le problème de la déshérence des quartiers, d'une part, le souci de confier au maire le rôle déterminant pour la mise en oeuvre des dispositions prévues par la loi, d'autre part.
C'est donc bien d'un pacte qu'il s'agit, pacte entre l'Etat et les collectivités territoriales, pacte prolongé par la relation contractuelle qui s'établit entre les élus locaux et la population.
En vérité, personne ne s'est trompé quant à la pertinence et à l'ambition de la démarche puisque, par-delà les objections et les critiques, les maires dont les villes souffrent ont, massivement et toutes tendances confondues, exprimé le souhait de pouvoir bénéficier des dispositions qui sont prévues par le projet de loi aujourd'hui débattu.
Légitimement, chaque maire souhaite qu'un espoir puisse renaître dans ses cités. Cet espoir passe en priorité par la possibilité, pour ceux qui y vivent, de trouver ou de retrouver leur place dans le monde du travail, point de départ d'une véritable intégration et du recouvrement d'une dignité.
A cet égard, le pari audacieux consistant à placer le développement économique et la relance de l'emploi au coeur de la problématique des quartiers constitue indiscutablement une innovation qu'il convient de saluer.
De la même manière, saluons le soutien apporté, grâce à des dispositions permettant de prévenir d'éventuels dérives ou effets pervers, à ceux qui acceptent d'y maintenir ou d'y créer de l'activité, des services et des emplois.
La volonté de l'Etat d'intervenir d'une manière forte et globale est relayée, sur le terrain, par les élus locaux, qui se trouvent ainsi placés, comme ils le sont déjà de fait, au coeur du dispositif. Cela ne peut être perçu que comme un gage de réussite. En effet, l'expérience déjà acquise sur le terrain, la dureté des combats qu'ils ont à mener jour après jour et la détermination qui leur est nécessaire pour faire front à des situations souvent dramatiques les ont singulièrement aguerris.
Fondamentalement attachées à l'idée que leur ville constitue un tout indissociable, les élus locaux auront la tâche difficile de communiquer, avec beaucoup de pédagogie, en direction tout à la fois du quartier sensible et du reste de la cité, pour que les habitants du premier ne se sentent pas montrés du doigt et pour que leurs concitoyens ne se laissent pas gagner par le sentiment de devoir consentir des efforts indus en faveur d'un quartier déjà mal-aimé. En effet, là réside tout le risque de la discrimination, fût-elle positive.
Dans cette optique, un assouplissement des dispositions de la loi instituant les emplois de ville, notamment s'agissant de leur aire de recrutement géographique, me paraîtrait opportun.
En effet, l'une des difficultés auxquelles se trouvent confrontés les maires réside dans le fait de justifier, vis-à-vis de leur population, que ces emplois, qui sont souvent les seuls créés par la collectivité compte tenu de la rigueur des temps, sont exclusivement réservés aux jeunes des quartiers difficiles.
Que répondre aux autres, dont l'insertion professionnelle se heurte à tant d'obstacles ? N'y aurait-il pas, là aussi, une opportunité de mixité ? C'est, me semble-t-il, une condition de réussite du volet du pacte de relance concernant les emplois de ville.
Toujours à propos des emplois de ville, la proposition faite par la commission spéciale de donner aux maires la possibilité d'affilier les personnels concernés à l'assurance chômage, comme c'est déjà le cas pour les bénéficiaires des contrats emploi-solidarité, et les apprentis, sans pour autant être tenus d'affilier la totalité de leur personnel non titulaire, permettrait de lever bien des réticences et bien des inquiétudes.
En effet, dans l'état actuel du texte, la ville devra indemniser parfois très lourdement son ancien salarié s'il est mis fin à son contrat, s'il est licencié pour faute grave, et même s'il a trouvé un emploi dans le circuit marchand puis l'a quitté, après l'avoir occupé moins longtemps que l'emploi de ville.
Les maires travaillent dans l'urgence. Ils doivent pouvoir répondre avec souplesse aux événements et pratiquer l'expérimentation.
Il est donc indispensable, pour une réelle efficacité, que les actions soient contractualisées sur une durée d'au moins trois ans, que les financements soient effectivement assurés dans les délais requis et que, sous l'autorité du préfet, une fongibilité des aides soit rendue possible, l'obligation de résultat se substituant à l'obligation de moyens.
Je voudrais souligner également combien il paraît approprié d'inclure le mouvement associatif dans la stratégie de reconquête sociale des quartiers et de le faire au sein d'un authentique partenariat avec la ville.
On peut faire confiance à nos collègues maires pour veiller à ce que l'action des associations ne serve pas des enjeux de pouvoir, voire de prosélytisme, mais qu'elle conduise à la prise d'initiatives et de responsabilités, à cette citoyenneté exigeante, faite de droits mais aussi de devoirs, comme le rappelait hier, à cette tribune, M. le Premier ministre.
La loi sur le pacte de relance pour la ville ne résoudra pas tous les problèmes, et son action s'inscrit dans la durée.
Certes, nous aurions aimé que les moyens mis en oeuvre soient plus importants.
Dans nos villes aussi, tous les jours, nous sommes confrontés à ce difficile exercice qui consiste à trouver le meilleur compromis entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible. Et nous sommes conduits, inévitablement, à établir des priorités.
En l'occurrence, le Gouvernement, dans un contexte budgétaire particulièrement drastique, a clairement marqué que la politique de la ville était pour lui une préoccupation prioritaire.
Nous pouvons penser que, demain, le retour de la croissance nous permettra d'amplifier notre action, dans le cadre de cette future loi qui offrira des leviers importants et qui doit donc permettre aux élus et aux habitants de nos villes en difficulté d'espérer une inversion de la tendance conduisant, en tant d'endroits de notre pays, à une véritable désagrégation sociale.
Maire d'une commune de banlieue comportant une zone sensible, j'ai été amené à faire démolir des tours pour diminuer la densité d'un quartier, et j'ai dû faire en sorte que les autres habitants de la ville consentent à des efforts de solidarité pour que soit soigné, en priorité, un secteur malade dont le mal de vivre rejaillissait sur la communauté tout entière.
Ce serait là une raison suffisante pour enlever mon adhésion à la loi dont nous débattons.
Qui plus est, vivant au voisinage immédiat de Mulhouse, ville-centre de l'agglomération, qui aura une zone franche et plusieurs zones sensibles comme d'autres villes de mon département, je voterai ce projet de loi avec conviction, animé du sentiment de servir ces villes-là et leurs habitants, dont je connais les attentes ainsi que de toutes celles et tous ceux qui, à travers le pays, ont besoin de retrouver courage et espoir en une civilisation urbaine équilibrée, chaleureuse et tolérante. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi dont nous sommes amenés à discuter aujourd'hui, après déclaration d'urgence et après un examen particulièrement attentif par l'Assemblée nationale, me paraît être l'expression législative d'une révolution dans la politique de la ville voulue par le Gouvernement.
En effet, le 18 janvier dernier, le Premier ministre, M. Alain Juppé, a présenté le pacte de relance pour la ville à Marseille, où il a été très bien accueilli.
Comportant soixante-huit mesures sur l'emploi et l'économie, sur l'éducation, sur le logement, sur la paix publique et sur le tissu associatif, il représente une avancée significative dans la politique ô combien délicate qu'il faut mener pour la ville.
Des mesures ont déjà été prises, et il importe aujourd'hui que nous abordions le domaine législatif.
A ce titre et en préambule, permettez-moi de vous féliciter, messieurs les ministres, pour l'énorme travail de consultation que vous avez mené auprès de tous les partenaires de la politique de la ville, qu'il s'agisse des élus, des associations, des agents économiques ou institutionnels.
Certains diront, comme toujours, que l'on n'en fait pas assez. Mais beaucoup s'accordent à dire, et ce toutes tendances confondues, qu'il n'a jamais été fait autant dans le domaine de la politique de la ville. J'en suis d'autant plus heureux qu'il est urgent de trouver un consensus pour permettre à nos banlieues de redevenir un lieu de vie agréable.
Je crois que la plus grande preuve de votre volonté de concertation, messieurs les ministres, a été tout d'abord dans la présentation de votre projet.
En effet, cela aurait pu n'être qu'un projet de loi parmi tant d'autres, avec un numéro d'enregistrement. Mais, par une volonté déterminée d'engager la plus large concertation possible, vous avez présenté non pas un projet mais un pacte. Le mot est important et a valeur de symbole. Il démontre combien le Gouvernement souhaite associer l'ensemble des partenaires de cette politique. On s'engage tous ensemble dans un pacte, alors que l'on approuve ou désapprouve un simple projet de loi. C'est du moins de cette manière que je reçois le message.
Pour en revenir directement au projet de loi que nous étudions aujourd'hui, j'ai l'intime conviction qu'il s'agit d'un bon projet. J'insiste encore sur la démarche du pacte et, tout d'abord sur l'article 1er, qui pose les bases qui ont présidé à l'élaboration de ce projet. Sa première phrase est ainsi rédigée : « la politique de la ville et du développement social urbain est conduite par l'Etat et les collectivités territoriales dans le respect de la libre administration de celles-ci et selon les principes de la décentralisation... ». Ainsi, nous voyons annoncée en une phrase la volonté du Gouvernement, qui exprime la solidarité de la nation, solidarité nécessaire pour mener à bien cette politique volontariste et déterminante qu'est la politique de la ville.
Mais cet article exprime aussi le respect des partenaires principaux que sont les collectivités territoriales et, plus largement, de ceux que l'on appellera les agents économiques et le tissu associatif. Ainsi, le Gouvernement montre la direction, mais laisse le libre arbitre aux acteurs locaux qui sont directement sur le terrain aux prises avec les problèmes. C'est important ! Les élus locaux que nous sommes connaissent bien les difficultés de la vie quotidienne aux périphéries des mégapoles. Parlant au nom de mes collègues maires de Seine-Saint-Denis, je rappellerai combien ce département concentre tous les drames et toutes les exclusions : le chômage, la délinquance, l'immigration, la misère.
Ce projet de loi est donc primordial pour redonner un cadre d'action à tous ceux qui essaient de redynamiser les villes, de faire revivre les banlieues.
J'ouvrirai là une parenthèse, en plaidant la cause des communes qui, aux périphéries des cités sensibles, échappent encore aux terribles problèmes des banlieues. Ces villes-là font des efforts financiers souvent énormes par rapport à la taille de leur budget pour préserver l'harmonie et la paix sociale dans leurs quartiers, et ce, le plus souvent, sans aucune aide de l'Etat.
Or, il faudra bien penser à aider un jour prochain ces communes, qui risquent de sortir exsangues de ce combat quotidien pour l'intégration. Je plaide là un peu pour ma chapelle, mais plusieurs de mes amis maires sont dans le même cas. Alors, messieurs les ministres, ne nous oubliez pas dans un prochain pacte, sinon nos villes souffriront un jour des mêmes maux, usées, essoufflées par une demande sociale croissante.
Revenons au pacte et à sa grande utilité, puisqu'il permet sinon de rétablir une parfaite égalité, du moins de tendre vers la meilleure répartition possible pour tous et pour toutes les régions en choisissant des critères très pointus pour déterminer les différentes zones d'influence géographiques et sociales.
Permettez-moi, messieurs les ministres, mes chers collègues, d'ouvrir une seconde parenthèse concernant une commune de mon département. Je veux parler de Noisy-le-Sec, qui bénéficie d'un classement en « zone urbaine sensible » et qui a signé un contrat de ville.
L'entreprise Mullca, créée à Noisy voilà près de cinquante ans et qui fait référence en matière de mobilier de collectivité, a été intégrée à une holding et est, par le fait, devenue filiale d'un de ses concurrents situé à Aurillac. Elle emploie 122 personnes en Seine-Saint-Denis.
Une mauvaise gestion du groupe a entraîné le dépôt de bilan et une décision du tribunal de commerce de Thiers impose la fermeture de Mullca à Noisy-le-Sec. Or un plan a été élaboré, qui prévoit une reprise de l'activité par l'entreprise Airfeu avec sauvegarde de soixante emplois. Ce plan a reçu le soutien du préfet, de l'union patronale de Seine-Saint-Denis et des élus RPR-UDF de Noisy-le-Sec, qui m'ont saisi de ce problème qui leur tient particulièrement à coeur.
Je crois savoir, messieurs les ministres, que vous n'êtes pas opposés non plus à cette solution et c'est pourquoi je vous demande la plus grande vigilance concernant les opérations de restructurations industrielles qui touchent des communes concernées par la politique de la ville, tout particulièrement aujourd'hui dans le cas de l'entreprise Mullca, où l'on peut encore sauver soixante emplois en zone urbaine sensible. Et je referme ici ma parenthèse.
Le pacte de relance pour la ville est un vaste projet qui doit permettre aux commerces et aux entreprises de s'installer dans des zones urbaines qui auront par ailleurs bénéficié d'une amélioration de l'habitat.
Mais j'insiste sur le fait que ce pacte ne sera viable que s'il s'appuie sur une politique ferme, cohérente et humaine de l'immigration et, là, le message doit être clair. Il y a, d'un côté les immigrés en situation régulière et, de l'autre, des immigrés clandestins en situation irrégulière qui résident sur le sol français en contradiction avec la loi républicaine.
Les premiers, il faut tout faire pour qu'ils s'intègrent. Or je rappelle que, durant dix ans, les socialistes ont naturalisé des étrangers à un rythme beaucoup trop important. Je ne reviendrai pas sur cet aspect hasardeux et dangereux de la politique socialiste, mais sur la nécessité de prendre les responsabilités qu'ils n'ont pas voulu assumer à l'époque face à toutes ces femmes, à tous ces hommes naturalisés puis laissés pour compte, abandonnés à leur triste sort, sans aide, sans soutien, sans travail, sans logement.
M. Alain Richard. C'est inutilement polémique !
M. Christian Demuynck. Il est vrai que différentes actions ont été menées depuis plusieurs années avec plus ou moins de succès, mais l'héritage politique que vous avez reçu, messieurs les ministres, se distingue par le manque de traitement de fond pour lutter contre la fracture sociale. La résorber était l'un des engagements du Président de la République et, quoique l'on puisse en penser, en créant le ministère de l'intégration, il s'est bien attelé à résoudre une partie de ce problème.
C'est par des avancées au cas par cas, dans les banlieues, sur le terrain, comme vous le faites si souvent, monsieur le ministre de l'intégration, que l'on arrivera à atténuer la fracture sociale, et c'est par l'intégration que cela commencera. Je tiens donc ici à rendre hommage au travail important réalisé par le ministre délégué à la ville et à l'intégration, Eric Raoult, qui, sous l'autorité de Jean-Claude Gaudin, mène une politique de proximité et de terrain jamais proposée jusqu'à aujourd'hui.
C'est une tâche de grande envergure que vous avez engagée, messieurs les ministres, vis-à-vis de toutes celles et de tous ceux qui veulent légitimement s'intégrer à la société française, mais à qui l'on n'avait pas encore donné les moyens de le faire.
Venons-en maintenant à la deuxième catégorie, c'est-à-dire à tous les étrangers qui sont, eux, en situation irrégulière. Pour eux, la réponse doit être claire. A l'exception de certains cas particuliers pour lesquels, pour des raisons humanitaires, on peut prononcer une mesure exceptionnelle de maintien sur le territoire, la règle doit être l'application de la loi républicaine votée par le Parlement, à savoir la reconduite à la frontière. C'est donc un discours ferme et limpide que le Gouvernement doit tenir en ce domaine.
Parallèlement - et j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'en parler à cette tribune - il existe des jeunes, ou des moins jeunes, Français d'origine étrangère ou étrangers en situation régulière qui, rencontrant des problèmes d'insertion ou d'emploi, souhaitent retourner dans leur contrée d'origine pour y développer une activité économique, lucrative tant pour eux-mêmes que pour le développement de leur pays. Ces personnes doivent être encouragées à le faire par le biais d'aides au retour, d'aides à l'installation, d'aides à la formation. Car, à choisir entre donner le RMI ou toute autre aide à quelqu'un qui restera en France sans espoir de véritable insertion sociale, sans espoir d'avenir, sans espoir tout court, ou donner une aide équivalente à celui qui veut retourner dans son pays pour y engager une action économique et l'aider à s'en sortir, eh bien ! je préfère de loin la seconde solution, qui répond, en outre, à la volonté toujours affichée de la France de soutenir avec bienveillance les pays en voie de développement.
On pourra élaborer les plus belles lois, prévoir les meilleures aides possibles pour concevoir la ville idéale, si celles-ci ne sont pas soutenues par une action ferme et déterminée de la police et de la justice vis-à-vis de délinquants dont l'imagination négative est chaque jour plus fertile, sans cette action déterminée, aucune politique de la ville cohérente ne sera possible.
Nous savons, messieurs les ministres, que votre mission est complexe. Mais vous avez su élaborer un texte qui prend en compte la situation de nos banlieues et qui apporte non pas des solutions définitives, mais des orientations et des propositions concrètes pour permettre de développer dans nos cités une action économique importante au coeur d'un environnement social et urbain amélioré, afin de mettre en oeuvre un maximum d'atouts pour résoudre la fracture sociale. C'est pourquoi, messieurs les ministres, ce pacte est une bonne chose pour la France, et je l'approuve sans réserve. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'intervention qu'il m'est proposé de faire aujourd'hui devant vous me permet d'apporter le témoignage d'un maire confronté à des réalités urbaines extrêmement difficiles concernant un projet de loi qui s'avère capital pour l'avenir et, surtout, pour le devenir de nos banlieues, à savoir la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.
Nous connaissons tous trop bien la gravité de la situation dans laquelle nos villes ont été plongées depuis des années : elles sont dans un engrenage qui les entraîne inexorablement vers la marginalisation, la ségrégation, l'insécurité. Cette situation les empêche de trouver des solutions adaptées aux problèmes du chômage et de l'exclusion sociale.
Depuis de nombreuses années, la politique de la ville s'est traduite par un ensemble de dispositifs complexes, que ce soient les mesures contenues dans la loi d'orientation pour la ville ou les différentes dotations et subventions de l'Etat et des partenaires publics. Toutes ces mesures devaient répondre aux graves problèmes des disparités locales. Elles n'ont néanmoins pas abordé la dimension économique, pourtant fondamentale dans la perspective d'une redynamisation du tissu urbain.
Ces mesures ont été mises en place afin que chacun puisse enfin retrouver dans nos banlieues une qualité de vie qu'il avait perdue. Force est pourtant de constater que de nombreuses villes, notamment Garges-lès-Gonesse, dont je suis le maire, ne pouvaient retrouver leur véritable vocation d'espace fédérateur de vie et de convivialité qu'avec la mise en place d'une stratégie globale.
En fait, la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire pose la première pierre, c'est-à-dire les bases d'une discrimination positive intégrant les différents volets d'une stratégie globale : développement économique et emploi, infrastructures et transports, logement, services publics et vie associative.
En décidant de mettre en oeuvre le pacte de relance pour la ville, le Gouvernement renforce cette politique globale de redynamisation urbaine. Nous pouvons d'ores et déjà le remercier d'avoir pris la mesure des problèmes en lançant un projet digne des enjeux urbains. Pour la première fois, un dispositif complet de mesures interactives est mis en place afin de répondre à toutes les exigences d'une politique ambitieuse, notamment celle de la sécurité, indispensable pour rétablir une certaine forme d'« urbanité » dans nos quartiers, dans nos banlieues et dans nos villes.
Les débats qui se sont déroulés au sein de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ont permis des avancées significatives. Je tiens, à cet égard, à féliciter les membres de cette commission, en particulier son président, M. Fourcade, ainsi que son rapporteur, M. Larcher, qui ont fait un énorme travail.
Le dispositif qui nous est proposé s'articule autour de différents axes structurants, dont les principaux sont les zones franches et les emplois de ville : des outils essentiels pour l'ensemble des acteurs du développement urbain, social et économique ; des outils, en particulier, pour les bailleurs sociaux, les copropriétés, les entreprises et les commerces, qui bénéficieront d'une diminution de leurs charges et de leur fiscalité et pourront ainsi se développer en créant des emplois pour les habitants des quartiers défavorisés.
L'emploi des jeunes fait partie des priorités, moyennant de nouveaux efforts financiers partagés dont les effets seront démultipliés par l'engagement de nouveaux partenaires dans le cadre des emplois de ville, ainsi qu'en atteste l'exemple du département du Val-d'Oise, qui complète l'effort de l'Etat à concurrence de 15 %.
Ces emplois de ville constituent un véritable espoir pour les jeunes en leur assurant une formation et, surtout, un travail pour une durée de cinq ans. Or, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, c'est la première ligne d'un curriculum vitae pour des milliers de jeunes, et une lueur d'espoir pour faire bouger les jeunes dans nos banlieues.
La ville de Garges-lès-Gonesse a déjà pris des engagements concrets lors de votre visite, messieurs les ministres, et je vous en remercie. Nous avons créé des emplois de ville en 1996 et nous prévoyons d'en créer trente-cinq très rapidement dans quatre domaines : l'environnement, l'école et la petite enfance, les services aux personnes âgées ou handicapées et la culture.
La situation de la commune dont j'ai la responsabilité depuis maintenant un peu plus d'un an est des plus dramatiques ; elle a, hélas ! la particularité de cumuler tous les déficits, qu'ils soient sociaux, économiques ou financiers, avec un potentiel fiscal très bas, un endettement financier considérable, une population jeune en forte demande d'emploi, un habitat social presque exclusif, un tissu économique relâché et des entreprises découragées devant des taux de fiscalité particulièrement élevés. A ce triste tableau s'ajoute une insécurité chronique.
Dans un tel contexte, seule une politique globale de fond pouvait répondre à notre attente. Nous devons tous avoir conscience que les mesures inscrites dans le pacte de relance pour la ville constituent une véritable chance pour nos banlieues, car elles mettent en jeu des moyens importants et parce qu'elles s'attaquent à la racine de nos maux.
Cependant, les responsables locaux devront porter une attention toute particulière aux difficultés qui les attendent et aux responsabilités dont ils auront la charge. Les marges de manoeuvre très limitées, notamment sur le plan financier, nous imposent de définir des priorités claires dans notre politique et d'adopter une stratégie à long terme pour tirer pleinement partie des aides de l'Etat.
La préparation du dossier de candidature - dont je rappelle la particularité puisqu'il s'agit d'une intercommunalité avec Sarcelles - nous a déjà permis de mener une réflexion approfondie en prenant appui sur l'ensemble des partenaires publics - l'Etat, la région, le département - et des multiples partenaires privés.
La stratégie telle que nous l'avons définie et telle qu'elle répond au pacte de relance va placer le développement économique au coeur de la politique de la ville et créer les conditions nécessaires au rééquilibrage urbain et social des quartiers.
A cet égard, il convient de souligner l'importance du travail réalisé par la commission spéciale pour donner une plus grande efficacité aux outils proposés dans les domaines de l'amélioration du fonctionnement des copropriétés et de la redynamisation commerciale, tant ces sujets sont au coeur de toute stratégie de mixité urbaine et sociale.
La politique que nous mettons en oeuvre à Garges-lès-Gonesse dans le cadre du pacte de relance est nécessairement ambitieuse, car il s'agit à la fois de stabiliser une situation existante en aidant les entreprises et les commerçants déjà en place, hélas trop peu nombreux, et de créer les équipements et les services qui permettront l'implantation de nouvelles entreprises. Il s'agit également de réunir les conditions de pérennisation du développement, ce qui suppose des actions structurantes.
En effet, le développement économique ne s'imposera qu'à partir d'une amélioration de l'environnement de l'entreprise et des commerces et à partir de mesures lourdes telles que la restructuration des zones d'activités et des centres commerciaux, la création d'ateliers locatifs, l'aménagement de nouveaux sites d'activités et le renforcement du système de formation dès le stade de l'école.
La ville s'engage à aider les entreprises et les commerçants dans le cadre de ses compétences, notamment pour ce qui relève de l'environnement et du fonctionnement urbain, et propose de définir les engagements respectifs dans le cadre de chartes. Celles-ci viseront au respect des équilibres socio-économiques locaux et régionaux en invitant les entreprises et les commerces à embaucher sur place au-delà du quota plancher de 20 % imposé par la loi et à apporter leur contribution au développement des quartiers où ils seront implantés.
Dans cet esprit, la ville devra particulièrement veiller à ce que le développement ne passe pas à côté de la cible, à savoir les quartiers et leurs habitants. A cette fin, la ville s'engage à améliorer la relation au quotidien entre les entreprises et les habitants, en mettant en place, en liaison avec la permanence d'accueil, d'information et d'orientation, la PAIO, une « Maison de l'emploi » qui ouvrira ses portes très prochainement.
Il me serait difficile de témoigner de la mise en oeuvre concrète du pacte de relance pour la ville sans évoquer les difficultés à prendre en compte, dès maintenant, pour garantir au niveau local le succès des mesures nationales.
En s'implantant dans la zone franche, les entreprises vont bénéficier d'aides sans précédent. Encore faut-il qu'elles trouvent les conditions nécessaires à leur développement et à leur maintien, notamment en termes d'infrastructures, de cadre de vie, de compétences disponibles, de services et d'image du site.
Aucune incitation, aussi forte soit-elle, ne pourra en effet permettre à une entreprise de compenser dans la durée des handicaps trop lourds en termes d'accessibilité, de qualification des salariés, d'environnement par trop dégradé, de services de base insuffisants.
Cela passe par un engagement fort et durable de l'ensemble des partenaires publics, compte tenu, notamment, des faibles capacités de la commune.
Le Gouvernement montre l'exemple au travers du pacte de relance. De son côté, la ville a pris la mesure des engagements nécessaires en proposant d'unir ses forces avec celles de la ville de Sarcelles dans le cadre d'une zone franche intercommunale. La ville investit également, dès cette année, en créant une direction du développement pour piloter la mise en oeuvre de la stratégie économique et urbaine ainsi que la politique de la ville.
La ville ne pourra faire face à l'ensemble des tâches qui lui incomberont pour assurer le succès pérenne de la zone franche sans dispositif d'accompagnement financier à mettre en place rapidement. Les différentes conventions liant l'Etat, la région et le département constituent une base essentielle qu'il faut renforcer pour faire face à l'ampleur des enjeux. Il conviendra d'élargir cette démarche à d'autres partenaires indispensables, tels que la Caisse des dépôts et consignations, par exemple.
Le pacte de relance pour la ville va permettre à Garges-lès-Gonesse, comme à bien d'autres villes, de recréer le coeur de ville qu'elle avait perdu avec la quasi-fermeture de son centre commercial. Il va permettre de reconstituer un tissu économique diversifié capable d'entraîner un développement plus autonome de la ville et redonner ainsi du travail à nos jeunes et une vie à nos quartiers.
Vous le comprendrez, mes chers collègues, les mesures du pacte pour la ville en faveur de nos communes, notamment de la ville dont je suis maire, ont suscité un immense espoir ; l'espoir, tout simplement, de voir renaître la vie dans nos quartiers.
Par conséquent, je voterai avec enthousiasme et conviction le présent projet de loi, tout en regrettant que, au-delà des clivages politiques, sur ce dossier d'une importance capitale pour le devenir de nos banlieues, il y ait des opinions négatives. Je suis convaincue que la réussite de la mise en place des mesures du pacte ne peut passer que par une adhésion totale, et non pas par la négation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Larcher, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet, a rappelé, dans son rapport excellent et fort complet, les trois défis politique, économique et urbanistique auxquels est confrontée la politique de la ville.
Il a insisté plus particulièrement sur la nécessité d'étendre le dispositif d'exonération sociale aux cotisations personnelles des commerçants et artisans, et a également souhaité que le mécanisme d'assurance chômage mis en place pour les emplois de ville soit analogue à celui qui existe pour les contrats emploi-solidarité.
Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des amendements de la commission. Je me bornerai, à ce stade, à dire que, si je comprends bien l'intérêt de ces deux propositions, je dois appeler l'attention du Sénat, d'une part, sur les charges qui pèsent sur l'UNEDIC et qu'un très récent rapport de la Cour des comptes vient de mettre en lumière, d'autre part, sur le fait que les nombreuses mesures d'exonération des charges sociales qui ont été prises par le Gouvernement n'ont jamais, jusqu'à présent, porté sur des exonérations en faveur des non-salariés non agricoles, dont les régimes de protection sociale sont en fort déséquilibre.
Bien entendu, le taux de 30 % d'exonération qui est prévu pour les travailleurs indépendants qui commencent ou reprennent leur activité s'applique également dans ces quartiers.
M. Gérard Larcher a souligné l'importance du principe de mixité sociale dans l'élaboration des programmes locaux d'habitat et, dans le domaine commercial, il a exprimé le souhait que soit facilitée la transformation des locaux d'habitation en surface commerciale. Qu'il sache que je partage cette préoccupation.
J'ai bien noté également que, parallèlement à ce qui est fait dans le cadre de la politique de la ville, il souhaite qu'un effort particulier soit entrepris en faveur du monde rural. Nous aurons l'occasion d'en reparler puisque, comme je l'ai indiqué hier à la Haute Assemblée, je soumettrai au Parlement, dans les mois qui viennent, un plan pour le monde rural qui visera à porter remède aux difficultés de nos campagnes.
Je répondrai à la question relative à la transformation des locaux d'habitation tout à l'heure puisque plusieurs interventions ont porté sur ce point.
En ce qui concerne le commerce, je souhaite, monsieur le rapporteur, souligner l'importance de la création d'un établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux. C'est un outil original et novateur, qui doit faciliter la recomposition du foncier, le réaménagement et la recommercialisation des espaces commerciaux et artisanaux. Cet établissement, vous le savez, disposera de moyens importants sur le plan financier - 130 millions de francs - mais aussi sur le plan juridique puisqu'il pourra recourir à la procédure de déclaration publique et accomplir des actes de commerce, c'est-à-dire commercialiser des locaux achetés et faire assurer l'exploitation des fonds par des locataires gérants. Ces dispositions sont un gage d'efficacité et de revalisation de l'espace commercial qui ne se limite pas à l'attribution d'avantages fiscaux et sociaux.
En matière de logement, la mixité est l'objectif global visé par le pacte de relance.
Au titre des exonérations de surloyers prévues dans la loi du 4 mars 1996, cela permet à des familles qui ont des revenus supérieurs au plafond de rester dans ces quartiers difficiles.
Cet objectif apparaît surtout avec la généralisation des plans locaux de l'habitat, qui seront désormais obligatoires dans un délai de deux ans pour toutes les communes qui ont sur leur territoire une ou plusieurs zones urbaines sensibles.
L'insertion professionnelle des jeunes - vous l'avez justement noté, monsieur le rapporteur - est un enjeu essentiel pour la cohésion sociale du pays. Elle passe par la mobilisation de tous les partenaires de la politique de la ville : collectivités locales, bailleurs sociaux, mais aussi associations et entreprises.
Les modalités de mise en oeuvre du pacte sur les quartiers prévoient des exonérations fiscales de charges sociales importantes qui doivent profiter en priorité aux jeunes issus de ces quartiers. C'est la raison d'être du caractère subordonné des avantages consentis à l'embauche d'un salarié sur cinq parmi les habitants du quartier ou à l'obligation d'avoir, au sein de son effectif, au moins 20 % de résidents de la zone franche urbaine.
La discrimination positive ne se justifie, en effet, que si elle est liée à un avantage direct accordé aux habitants de ces quartiers défavorisés - M. Lachenaud l'a bien souligné tout à l'heure. Elle n'est donc ni artificielle ni non constitutionnelle puisqu'elle rétablit un équilibre en faveur de ces habitants. La commission y a particulièrement insisté, et nous sommes heureux d'aller dans ce sens.
Par ailleurs, les emplois de ville, destinés aux jeunes de moins de vingt-cinq ans, offrent à ces derniers la possibilité d'un premier contrat de travail. Ce dispositif est aidé pendant une durée de cinq ans, ce qui, vous l'avouerez, n'est pas fréquent en la matière. Ces contrats offrent une véritable possibilité d'insertion à ces jeunes. Outre la durée du contrat, qui pourra être indéterminée, une formation complémentaire de 400 heures par contrat est prévue et doit les aider à réussir cette insertion durable que, comme la commission spéciale, le Gouvernement appelle de ses voeux.
Pour finir de vous répondre, monsieur le rapporteur, j'ajoute un mot concernant les entreprises d'insertion, qui font un remarquable travail d'insertion des populations sur le terrain. Elles bénéficieront, comme les autres, des avantages consentis sur les différents territoires de la politique de la ville. Vous le voyez, nous avons, là encore, tenu compte de la volonté de la commission spéciale du Sénat.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission spéciale, a insisté sur quatre priorités du pacte de relance : la nécessaire sécurité, l'insertion des jeunes, l'unité de l'Etat et le rôle du maire.
Tout en rappelant le caractère global des réponses apportées par le pacte de relance, que l'on retrouve d'ailleurs dans la diversité des questions de M. Jean-Pierre Fourcade, je souhaite apporter les éléments de réponse suivants.
La sécurité, tout d'abord, est le deuxième axe du pacte de relance, ce qui constitue une nouveauté. En effet, si l'on s'est contenté, longtemps, de parler de prévention de la délinquance, la deuxième priorité du pacte, en parlant de « rétablir la paix civile », témoigne clairement que la paix publique est à la fois un préalable au développement des échanges et un droit, droit qui figure d'ailleurs dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789.
L'interprétation des chiffres est toujours difficile. Une étude précise de la direction centrale de la sécurité publique réalisée sur quarante-cinq quartiers sensibles au cours du premier semestre de 1996 révèle cependant que, dans près de deux quartiers sur trois, on enregistre une baisse de la délinquance dans des proportions souvent importantes, supérieures à 10 %.
Dans la majeure partie des cas, la tendance à la baisse de la délinquance dans les quartiers est plus forte que celle qui est enregistrée dans la circonscription de police.
Ces bons résultats soulignent que les efforts entrepris dans le pacte de relance vont dans le bon sens. Je pense au redéploiement de 1 000 fonctionnaires de police qui a été effectué dès cette année. Je mentionnerai également la comparution à délais rapprochés pour les mineurs délinquants multirécidivistes.
La généralisation des opérations ville-vie-vacances me semble également avoir participé à ce résultat. Eric Raoult a d'ailleurs fait une communication ce matin au conseil des ministres à ce sujet. Lorsque cette bonne idée de M. Bonnemaison a été mise en application, 12 000 enfants de France ont été concernés. Cette année, ce sont 800 000 enfants de France qui sont partis en vacances sans que cela pose le moindre problème. D'ailleurs, vous pouvez faire confiance à la télévision : s'il y avait eu des problèmes, on en aurait parlé !
Ces efforts seront poursuivis, le pacte prévoyant au total le redéploiement de 4 000 policiers dans les quartiers.
Par ailleurs, la création des unités à encadrement éducatif renforcé, dont la première interviendra dès cette année, offrira des réponses adaptées. C'est une réponse nouvelle qui manquait jusqu'à présent dans l'arsenal entre répression et éducation spécialisée.
L'élargissement des plages horaires pour les postes de police est une piste de travail intéressante. Cela se pratique pendant la période estivale dans un certain nombre de circonscriptions. Je verrai avec M. le ministre de l'intérieur si l'on peut généraliser la mesure.
Concernant l'emploi et l'insertion des jeunes, monsieur Jean-Pierre Fourcade, j'ai déjà fourni, en réponse à M. Gérard Larcher, les premières indications. Avec votre autorisation, je n'y reviens donc pas pour l'instant.
Le troisième point de votre intervention concernait la nécessité d'une cohérence des actions des services de l'Etat.
C'est aux préfets, qui représentent l'ensemble du Gouvernement dans les départements, qu'il revient d'y veiller. Ils doivent le faire régulièrement au sein des conseils départementaux de l'habitat, qui décident des programmations de l'Etat en matière de logement. Ils le font et le feront, pour les services publics, dans le cadre des comités départementaux de modernisation des services publics, qui doivent à cette fin élaborer des plans départementaux.
Le préfet y veille aussi au quotidien, par l'action des sous-préfets, en particulier des sous-préfets chargés de mission pour la politique de la ville.
Enfin, dans certains quartiers, certains préfets avaient désigné, comme vous le savez, des délégués de l'Etat. L'expérience menée dans le département du Rhône ayant été concluante, j'ai demandé qu'elle soit généralisée. Ces délégués jouent dans les quartiers ce rôle d'interface unique vis-à-vis des différents intervenants de la politique de la ville.
Enfin, monsieur Fourcade, vous êtes animé par le souci légitime de ne pas porter atteinte à l'autorité du maire. Je partage naturellement votre point de vue. Ainsi, dans le projet de loi, les pouvoirs des instances élues au suffrage universel, loin d'être constestés, sont souvent renforcés. L'ensemble des intervenants, en particulier MM. Franchis, Marini, Girod, Balarello et Braye, ont insisté, après M. Gérard Larcher, sur les problèmes de sécurité rencontrés dans ces quartiers et sur la nécessité de faire appliquer la loi. C'est une nécessité forte, qui est reconnue dans le pacte et à propos de laquelle j'ai apporté des éléments de réponse précis.
M. Franchis, comme plusieurs de ses collègues, M. Braye notamment, a insisté sur l'intérêt de faciliter les transformations d'appartements en locaux commerciaux, surtout dans les pieds d'immeubles. Le rapporteur de la commission spéciale y avait fait, lui aussi, référence.
Monsieur Franchis, vous avez raison d'insister sur ce point, parce que nous savons que les micro-activités sont essentielles à la vitalité de ces quartiers et qu'elles démontrent, de la part des personnes qui souhaitent créer leur propre entreprise, leur propre activité, un esprit d'initiative et d'intégration rassurant pour l'avenir de ces quartiers.
Le Gouvernement vous proposera, monsieur le sénateur, un amendement allant dans le sens que vous souhaitez.
Monsieur Franchis, je voudrais souligner que le rôle en matière d'aménagement et dans le domaine des attributions de logement des bailleurs sociaux demeure essentiel, puisque ces derniers veillent à la fois à disposer d'un patrimoine en état et, par un équilibre dans les attributions de logement, à empêcher la création de véritables « ghettos », si l'on peut encore employer ce terme - en effet, comme nous l'avons noté avec M. Eric Raoult, plus nous avançons dans la politique de la ville, plus ce mot disparaît du vocabulaire, ce qui est excellent.
Leur rôle est également très important dans le développement d'emplois de proximité. C'est dans cette optique d'ailleurs que nous avons signé, le 6 janvier dernier, avec l'union nationale des fédérations d'office d'HLM, présidée par M. Quilliot, un protocole prévoyant le recrutement de 1 000 emplois de ville par an, et ce au plus grand profit de l'amélioration de l'entretien et des services rendus.
Enfin, les conférences communales ou intercommunales et la création de commissions d'harmonisation des attributions prévues par le projet vont offrir aux différents opérateurs une ligne de conduite commune qui devrait les aider à remplir leurs missions. C'est un outil de transparence dans les attributions, ce qui constitue un atout pour des offices parfois suspectés de pratiques contestables.
M. Marini a bien souligné les spécificités du projet du Gouvernement en tant que pacte de relance ; il s'agit bien d'un pacte, parce qu'il concerne tous les acteurs de la politique de la ville, en particulier toutes les collectivités publiques, il s'agit bien de relance parce que ce pacte traduit un effort sans précédent.
L'objectif est bien, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, de faire de la ville le lieu de l'égalité des chances, un synonyme de liberté d'initiative et de développement.
Les trois axes pour atteindre cet objectif sont bien changer l'urbanisme, respecter la loi et développer l'emploi.
Améliorer les conditions de l'habitat, c'est, en premier lieu, veiller à ce que le parc de logements sociaux soit mieux entretenu. Une enveloppe exceptionnelle de 5 milliards de prêts a été prévue à cet effet et formalisée dès le mois de juin dernier par un protocole signé entre l'Etat et l'union nationale des HLM, d'une part, une convention passée entre l'Etat, les HLM et la Caisse des dépôts et consignations, d'autre part.
Améliorer les conditions de l'habitat, c'est aussi, parfois, démolir. Une circulaire du 8 juillet a donné des instructions précises aux préfets sur ce point et une enveloppe de 60 millions de francs sera réservée, au niveau national, à ces opérations.
Changer l'urbanisme, c'est également favoriser la diversité des populations dans les quartiers, en ne concentrant pas dans ces territoires que des populations cumulant les handicaps.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La loi Périssol va à l'encontre de ce que vous dites !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Non, pas du tout, madame Beaudeau ! J'aurais d'ailleurs l'occasion de vous répondre, ne vous inquiétez pas.
C'est en ce sens que le code de la construction sera modifié afin de permettre aux préfets de déroger aux plafonds de ressources pour l'accès au logement HLM dans les zones urbaines sensibles.
Le secteur privé n'a pas été oublié dans le pacte de relance. Je pense aux copropriétés en difficulté, où les propriétaires pourront enfin accéder aux fonds spécifiques d'aide au logement : fonds de solidarité logement et fonds d'aide aux accédants en difficulté. Je pense aussi à l'incitation fiscale prévue sur les zones franches, qui doit encourager les particuliers à investir dans le secteur locatif privé.
Le respect de la loi, comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler, est une nécessité incontournable dans ces quartiers si l'on veut en faire des quartiers comme les autres.
Les problèmes de violence, de drogue - on en parle souvent quand il s'agit des banlieues - sans oublier le travail clandestin, confèrent une image négative à ces territoires et ne donnent pas envie de s'y installer. Je ne reviens pas sur le rétablissement de la paix publique, mais, je l'affirme : il n'y a pas de lieu où la police nationale ne pourrait pas intervenir.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Encore faut-il que la police soit là ! Pourquoi croyez-vous qu'elle n'intervient pas ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Cela, c'est une légende, souvent relayée par des médias qui montrent tous les aspects négatifs et jamais les aspects positifs. En fait, cela ne se produit pas ! (Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis proteste.)
Il me paraît plus intéressant de rappeler le travail des associations des éducateurs spécialisés et de citer les actions en faveur des jeunes, telles que les opérations « ville-vie-vacances ».
La réussite de la politique de la ville passe, enfin, par l'emploi, en particulier par l'emploi des jeunes. Ce sont les 100 000 emplois de ville que vous avez déjà votés, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque nous les avions rattachés, d'un commun accord avec M. Barrot, à la loi portant réforme de l'apprentissage.
Il importe que ce plan soit une réussite et il importe d'y croire.
Je m'adresse maintenant à M. Lachenaud, qui préside un conseil général, pour le remercier des propos qu'il a tenus ici même tout à l'heure.
Dans le cadre de ce plan des 100 000 emplois de ville, l'Etat participe à hauteur de 55 % au paiement du salaire des jeunes. Ainsi, les conseils généraux du Val-d'Oise et de la Sarthe notamment participent à concurrence de 15 %.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce sont les contribuables du Val-d'Oise qui vont payer !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Madame Beaudeau, pensez plutôt aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans qui sont condamnés à l'inactivité et auxquels nous voulons garantir, pendant cinq ans, un emploi et une formation.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Qui va payer ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Ne me dites pas que vous n'approuvez pas cela ! En effet, cela relève du bon sens et de l'esprit républicain.
M. Dominique Braye. Ce sont les élus qui l'ont décidé !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Qui paie ? C'est là le problème !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. En tout cas, ce n'est pas vous, parce que vous ne votez jamais aucun budget ! De ce point de vue, vous feriez bien de nous encourager plutôt que de nous critiquer ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et l'Union centriste.)
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Nous proposons des mesures !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Tout en rappelant les différentes étapes de la politique de la ville, M. Vezinhet a surtout insisté sur la nécessité de ne pas faire de ces quartiers - il connaît bien celui de La Paillade - des quartiers de seconde zone. Il a aussi beaucoup parlé des aspects financiers de ce pacte. J'ai également noté qu'il attachait de l'importance aux problèmes de copropriétés dégradées, mais j'ai déjà évoqué ce dernier sujet.
Sur le premier point, nous partageons son analyse, puisque le pacte de relance veut surtout faire de ces territoires des quartiers comme les autres.
En ce qui concerne les moyens financiers mobilisés, je ne peux partager son point de vue. Le pacte de relance pour la ville s'élève à 15 milliards de francs sur trois ans, ce qui n'est pas rien étant donné la situation difficile des finances publiques de la France. Les montants de la dotation de solidarité urbaine ont fortement augmenté. Il n'est pas nécessaire d'en reparler ; nous avons longuement évoqué ce sujet hier.
En ce qui concerne les copropriétés, le pacte de relance prévoit - je le rappelle - des dispositions précises les concernant.
Tout en reprenant les considérations générales de M. Vezinhet sur le pacte, M. Fischer a qualifié les emplois de ville de « sous-emplois » et a contesté les zonages retenus ainsi que le principe même de la discrimination positive.
Peut-on considérer les emplois de ville comme des sous-emplois alors que ce sont de vrais contrats de travail, à durée déterminée ou non, dont le salaire horaire peut aller jusqu'à 120 % du SMIC ? J'ajoute que, conçus comme une première étape sur la voie de l'insertion, ils doivent conduire à des emplois pérennes. Ils offrent donc une chance réelle pour ces jeunes.
En ce qui concerne le zonage, qui peut toujours être contesté, je tiens à rappeler qu'il repose, et ce pour la première fois, à la différence des DSQ, sur des critères objectifs difficilement contestables : l'emploi, le niveau de formation, l'importance du nombre des jeunes. Le concours de l'INSEE a été constant à l'occasion des choix effectués. C'est un signe de la rigueur avec laquelle ont été sélectionnées les zones franches et étudiées les délimitations précises de leurs périmètres.
Je terminerai à propos de la discrimination positive, qui ne paraît pas - à ma grande surprise, je dois le dire - acceptable à M. Fischer, en disant que ce principe a été mis en application pour la première fois en 1982, à l'occasion de l'annonce de la création, certes peu suivie d'effets à l'époque, des zones d'éducation prioritaires.
M. Girod a beaucoup insisté sur la garantie de la compensation financière par l'Etat des avantages fiscaux consentis, en particulier en matière de taxe professionnelle.
Vos craintes, monsieur Girod, reposent sur le fait que les dispositions relatives à cette compensation n'étaient pas dans le projet initial du Gouvernement. Il est vrai que ce sont souvent les lois de finances qui fixent ce type de dispositions. Sur le fond, je ne suis pas hostile à ce que le pacte l'inclue explicitement.
Par ailleurs, vous vous êtes interrogé sur le respect du principe constitutionnel d'égalité en ce qui concerne la condition de résidence prévue. Je tiens à rappeler que les dispositions prévues sur les zones franches sont limitées géographiquement à des territoires peu étendus et à cinq ans.
Plus généralement, elles ont pour objet, non de créer un déséquilibre, une inégalité, mais au contraire de rétablir une égalité qui, dans les faits, n'est pas assurée.
M. Balarello et M. Braye ont surtout insisté sur la diversité des peuplements dans les quartiers et la recherche de mixité sociale que les conférences communales et les chartes devront faciliter.
J'ai eu l'occasion de répondre à ce sujet.
M. Balarello a beaucoup insisté sur les questions de sécurité et de logement, auxquelles j'ai déjà répondu.
Je souhaite rassurer M. Lagourgue sur l'outre-mer en général, et particulièrement sur son souci de voir prises en compte les spécificités des DOM en la matière.
Les périmètres des ZUS d'outre-mer ont intégré les caractéristiques de l'habitat dans ces territoires, et la restriction relative aux exonérations, qui ne devraient pas concerner les entreprises qui réalisent plus de 15 % de leur chiffre d'affaires à l'exportation, pourrait ne s'appliquer qu'en métropole. La spécificité ultrapériphérique des DOM me paraît pouvoir justifier une telle dérogation.
M. Braye a souligné les limites des politiques précédentes en matière de politique de la ville et il a insisté sur la nécessité de ne pas développer une assistance généralisée aux personnes. On peut considérer, je crois, que c'est exactement l'inverse qui a animé les travaux d'élaboration du pacte de relance.
M. Richard a insisté sur un certain nombre de points, dont certains ne sont pas de notre compétence.
Quatre aspects vous paraissent importants : la sécurité, le zonage, les exemptions fiscales et le bâti.
J'ai eu l'occasion de parler abondamment de la sécurité. Les redéploiements ont été faits et se poursuivent pour les services de police, et les réponses judiciaires sont désormais plus rapides et plus adaptées. Les résultats commencent d'ailleurs à se faire sentir, comme je l'ai souligné précédemment.
En ce qui concerne le zonage, il paraît inévitable à partir du moment où le déséquilibre observé sur les quartiers ne peut être naturellement compensé.
Votre analyse et votre pessimisme concernant les exemptions fiscales me paraissent injustifiés. Je ne suis pas sûr que les gaspillages soient plus nombreux dans ce domaine que dans l'utilisation des crédits publics. Néanmoins, votre souci est louable, et je pense que les garde-fous que sont le rapport annuel et les comités d'orientation et de surveillance qui suivront les zones franches seront suffisamment efficaces pour nous amener à procéder, le cas échéant, aux adaptations complémentaires.
Votre inquiétude relative au logement social concerne surtout mon collègue du logement.
Cependant, je crois que M. le rapporteur de la commission spéciale s'est félicité de l'annonce de la construction des 80 000 logements sociaux, PLA et PLA très sociaux, et de la réhabilitation de 120 000 HLM, annonce intervenue à l'occasion de la présentation du budget du logement pour 1997.
C'est en effet un effort important, que l'on doit rapprocher de la réduction du taux de TVA sur le logement social, qui passe de 20,6 % à 5,5 %.
S'agissant des copropriétés, vous avez constaté que le pacte de relance prévoit des dispositions intéressantes pour les propriétaires en difficulté, et je vous remercie d'avoir eu l'objectivité de le noter.
Il ne faut pas oublier aussi les engagements financiers des partenaires de la politique de la ville, en particulier ceux de la Caisse des dépôts et consignations, qui prévoient 7,5 milliards de prêts aux communes à un taux avantageux de 5,5 % pour l'amélioration, l'entretien et la gestion des logements sociaux. A cela s'ajoute le milliard de francs qui sera distribué par le Crédit local de France pour des équipements structurants - administratifs, sportifs, éducatifs - dans les quartiers.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi d'avoir été un peu long. Mon collègue M. Raoult va maintenant s'adresser plus particulièrement aux orateurs à qui je n'ai pu moi-même apporter des éléments de réponse.
Monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, le Gouvernement va essayer, au cours de la discussion des articles, de répondre autant que faire se pourra aux souhaits de la Haute Assemblée. Je vous demande simplement, compte tenu de la situation financière, de ne pas nous faire faire, à M. Raoult et à moi-même, plus de dépenses ! (Mme Hélène Luc proteste.)
Ecoutez ! quand nous avons obtenu les financements nécessaires à l'application du pacte de relance pour la ville, il s'agissait d'un seuil interministériel ! Les sommes qui nous ont été alors accordées étaient les sommes maximales qu'il nous était possible d'obtenir dans la situation qui est la nôtre aujourd'hui. Soixante-quinze milliards de francs d'économies sur le budget de l'Etat, on en parle beaucoup par là (M. le ministre désigne les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que les travées socialistes.), mais on ne l'a jamais fait ! Générer 25 milliards de francs de diminution d'impôts, on en parlait beaucoup sur ces travées, mais on ne l'a jamais fait ! (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Fischer. Et les impôts indirects ! On croule sous ces impôts indirects !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. C'est la majorité qui soutient le Gouvernement qui réalisera ces projets !
Pour ce faire, nous allons essayer de travailler d'une manière volontaire et dynamique, non pas pour régler tous les problèmes de la ville, ...
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Et le chômage ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... mais simplement pour apporter notre modeste contribution à l'amélioration du sort de ceux de nos concitoyens qui vivent dans ces banlieues où vous avez quelquefois eu, en particulier vous, les élus communistes, de grandes responsabilités de gestion pendant de longues années, ...
M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration. Oh oui !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Il n'y a jamais eu autant de chômeurs !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. ... comme vient d'en témoigner Mme Nelly Olin, qui doit compenser tous les déficits qui ont été accumulés dans sa ville !
M. Guy Fischer. Et le déficit des offices d'HLM, on peut en parler !
Mme Marie-Claude Beaudeau. On va vous parler de Sarcelles !
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Voilà, mes chers collègues, ce que nous allons faire pour la ville !
C'est nous qui allons le faire et non pas les sénateurs qui siègent de ce côté de l'hémicycle ! (M. le ministre désigne les travées socialistes et les travées du groupe communiste républicain et citoyen).
Bien entendu, nous comptons, pour ce faire, sur le soutien de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il est difficile de prendre le relais du ténor qui vient de s'exprimer avant moi ! (Sourires.) J'essaierai néanmoins de le faire pour apporter des réponses à l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés aujourd'hui dans la discussion générale.
Avant que le Sénat n'entame la discussion du projet de loi article par article, je veux apporter dès à présent quelques éléments de réponses à chacun de ces orateurs afin notamment d'éclairer notre débat.
J'ai apprécié l'intervention du sénateur républicain et citoyen Paul Loridant, et ce même si elle contenait plusieurs critiques du projet de loi que nous vous soumettons. M. Paul Loridant a parlé de « bleu fixe », je parlerai plutôt de l'arc-en-ciel qui apparaît après la pluie.
J'ai observé que ses critiques portaient aussi bien sur le traité de Maastricht que sur la politique de la ville. Mais il les a voulu positives, et elles se situent, a-t-il indiqué, « dans la perspective d'une amélioration des dispositions contenues dans le projet ».
Notre objectif est bien l'intégration urbaine, dont vous avez parlé, mais pour laquelle nous agissons.
Je regrette simplement - je le dis franchement en pensant au sénateur républicain et citoyen - que l'on ne retrouve pas dans les amendements déposés par l'autre partie de son groupe la même approche constructive !
Mme Hélène Luc. Il n'y a pas deux parties dans notre groupe !
M. Guy Fischer. Ne nous divisez pas !
M. Henri de Raincourt. C'est charmant !
M. Eric Raoult, ministre délégué. Je sais, que le maire des Ulis est un élu de terrain, et je puis l'assurer que le Gouvernement a bien conscience qu'un bon partenariat Etat-collectivités locales nécessite des moyens financiers et humains.
Ces moyens, l'Etat les a donnés aux communes, notamment à celles qui sont les plus déshéritées ou désargentées, au travers de la dotation de solidarité urbaine. Nous avons eu l'occasion d'en parler avec M. Loridant.
Afin de ne pas retarder la discussion des articles, chacun comprendra que je ne donne pas ici la liste exhaustive des augmentations importantes de la DSU. Mais je la tiens à la disposition de M. Loridant.
Je considère comme lui que, effectivement, sans les maires il n'y a pas d'efficacité possible, car il n'y a pas de proximité ; mais sans l'Etat il n'y a pas de moyens suffisants parce qu'il n'y a pas la solidarité. L'égoïsme des hommes et des lieux qu'il a dénoncé, nous le combattons !
Ce texte comporte tout de même des avancées - le sénateur Loridant l'a reconnu -, alors, travaillons d'abord sur ces avancées !
Je remercie vivement le sénateur Bimbenet de sa contribution à notre débat et du soutien qu'il a apporté au Gouvernement au nom du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
J'ai retrouvé dans votre intervention, monsieur le sénateur, l'expertise sérieuse et approfondie du rapporteur pour avis du logement social de votre Haute Assemblée.
Je sais aussi l'action que vous conduisez comme président du comité départemental de l'habitat rural dans votre département de Loir-et-Cher.
Et nous sommes là au coeur du sujet, puisque vous avez témoigné, dans votre intervention, qu'il est possible de conjuguer le rural et l'urbain dans une véritable politique d'aménagement du territoire harmonieux, telle que l'a dessinée Jean-Claude Gaudin dans son propos liminaire.
Oui ! il y a aussi du logement social dans les bourgs ruraux. Voilà pourquoi le Premier ministre, Alain Juppé, a tenu à réunir, dans un même ministère, la ville, l'aménagement du territoire et l'intégration.
Je le dis souvent, cela permet au Gouvernement d'agir, en partenariat avec les maires et les collectivités territoriales, dans un même combat pour faire disparaître les ronces dans les campagnes et les tags dans les villes.
Vous avez bien compris qu'il fallait, pour cela, prendre des mesures fiscales et sociales dérogatoires, et que mixité sociale et diversité économique sont en effet les mots clés de notre pacte de relance.
Enfin, pour ce qui est de la désertion des services publics, soyez assuré, monsieur Bimbenet, que le Gouvernement agit et continuera d'agir pour garantir la place et le retour des services publics dans les quartiers.
Monsieur le sénateur, attention toutefois, comme l'a souligné Jean-Claude Gaudin il y a quelques instants, aux mots et aux phrases. Il n'y a pas, à mon sens, de « jungle urbaine » ; il n'y a plus de « ghetto urbain », et nous voulons rompre la logique des zones de non-droit. Il y a des quartiers, il y a des villes, et nous voulons restaurer la ville et les quartiers.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Eric Raoult, ministre délégué. Nous agissons aussi pour en finir avec ces mots qui blessent et qui peuvent parfois choquer des populations particulièrement sensibles. C'est tout le sens des soixante-huit mesures du pacte de relance pour la ville, ce projet de loi ne constituant pas, à lui seul, la totalité de ces mesures.
Avec vous, nous voulons faire de ce pacte un projet porteur d'espoir et de progrès.
Monsieur Lachenaud, dans mon intervention liminaire, j'ai souligné que quatre régions et dix départements avaient d'ores et déjà décidé de s'engager aux côtés de l'Etat pour cofinancer des emplois de ville.
Précisément, le département du Val-d'Oise, que vous présidez, a été le premier en France à se lancer dans un tel partenariat. Comme nous l'avons vu sur place, et comme nous l'avons encore entendu aujourd'hui, il existe un modèle « Lachenaud » ! (Marques d'approbation sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Je tiens donc à vous renouveler mes remerciements, monsieur Lachenaud, pour votre contribution devant la Haute Assemblée et vos remarques pertinentes sur la décentralisation, sur la place du maire, sur la souplesse des instruments, sur le rôle du conseil général et sur l'utilisation de la DSU.
En visite dans votre département, j'ai pu mesurer combien le Val-d'Oise s'est engagé dans la politique de la ville, et ce grâce à l'intervention du conseil général que vous présidez. J'espère que nous atteindrons ensemble l'objectif de 650 emplois de ville en faveur des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans.
Au passage, je signale à Mme Beaudeau que ces jeunes du Val-d'Oise ne sont rémunérés ni par une partie ni par une autre des habitants.
Monsieur Lachenaud, votre intervention exemplaire aura permis, j'en suis sûr, d'éclairer vos collègues présidents de conseils généraux sur la nécessité du partenariat Etat - commune - département. Lorsqu'il est mis en oeuvre, comme c'est le cas dans votre département, ou encore dans le Rhône, avec le président Michel Mercier, dans le Nord, les Hauts-de-Seine, l'Eure-et-Loir, avec le président Martial Taugourdeau, ce partenariat est d'une très grande efficacité.
Vous avez souhaité que ce pacte soit lisible, simple et sensible. Ce sont des qualificatifs que nous voulons faire nôtres.
Monsieur Eckenspieller, vous aussi connaissez bien, par vos fonctions, votre mandat local, la politique de la ville, et votre département du Haut-Rhin est signataire de conventions avec l'Etat.
Vous le savez, monsieur le sénateur, le quartier Chêne-Hêtre, dans votre commune d'Illzach, que nous avons visité ensemble voici quelques mois, a fait l'objet d'une procédure de développement social des quartiers au Xe Plan. Elle s'est poursuivie au XIe Plan par une convention de sortie prévue sur trois ans. Je vous confirme que ce quartier est bien classé dans la liste des grands ensembles et quartiers d'habitat dégradé retenus pour la mise en application des emplois de ville.
Vous avez parlé de souplesse géographique. Vous avez souhaité la souplesse d'interprétation. Ce pari de la réussite du pacte, nous le faisons avec vous.
Enfin, j'ajoute que, dans votre département, le quartier des Côteaux à Mulhouse a été retenu en zone franche urbaine et disposera donc des mesures du pacte de relance.
Je n'oublie pas non plus les problèmes du bassin potassique, qui bénéficie au XIe Plan d'un pacte urbain. Cela permettra de donner une place déterminante aux petites et moyennes industries de ce bassin, en termes de reconversion économique.
Notre objectif est de susciter à nouveau l'espoir en associant le mouvement associatif et de réunir des moyens, qui se traduisent, dans le budget pour 1997, par une augmentation de plus de 30 % des crédits de la politique de la ville.
Monsieur le sénateur Christian Demuynck, nous avons une longue complicité d'action locale. Je connais votre travail, je connais votre circonscription, puisque nous sommes tous les deux maires dans le département de la Seine-Saint-Denis.
Grâce à ce pacte de relance et grâce à votre action, ce département défavorisé sera désormais requalifié. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, il est l'un des départements d'Ile-de-France où l'engagement de l'Etat, au travers de la politique de la ville, a été le plus marqué. En effet, dans les années passées, il était le seul département a être l'objet, à lui tout seul, d'un contrat de ville et d'une procédure de développement social des quartiers. Cela est tout à fait normal puisqu'il ne s'y trouve pas moins de quatre des grands projets urbains : Saint-Denis-Aubervilliers-La Courneuve, Clichy-Montfermeil, Aulnay-sous-Bois et Epinay-sur-Seine.
Dix-neuf contrats de ville ont été signés avec les communes les plus en difficulté dans le cadre du XIe plan Etat-régions. Or, comme je l'ai dit dans la discusssion générale, bien entendu ces contrats de ville demeurent et seront dotés des moyens nécessaires.
La politique de la ville en Seine-Saint-Denis concerne 65 % des habitants, et l'ensemble des crédits d'Etat dégagés par le pacte de relance représenteront quelque 650 millions de francs.
Certes, votre commune de Neuilly-Plaisance n'a pas signé de contrat de ville et n'a pas de quartier retenu dans le décret du 28 mai 1996 relatif aux emplois de ville. Toutefois, j'ai bien ressenti dans votre intervention combien le sénateur de la Seine-Saint-Denis était solidaire de la politique de la ville et allait s'engager auprès du Gouvernement, même s'il connaît des difficultés dans le quartier de la résidence des Cahouettes, pour, grâce à un recrutement d'emplois de ville, pouvoir faire bénéficier les villes de Noisy-le-Grand et de Neuilly-sur-Marne de l'esprit de solidarité urbaine.
Il est en effet nécessaire que l'ensemble des maires, que leurs communes disposent ou non d'un contrat de ville, agissent de concert pour lutter contre la ségrégation urbaine et sociale.
Vous avez ensuite, monsieur le sénateur, abordé deux problèmes spécifiques, qui me tiennent particulièrement à coeur, comme à Jean-Claude Gaudin, puisque lui-même, hier, répondait à ce sujet à un député de la Seine-Saint-Denis, je veux parler du dossier de l'entreprise Mullca.
Nous avons été, c'est vrai, à de multiples reprises, alertés par M. le conseiller municipal Olivier Deleu sur ce problème préoccupant pour la ville de Noisy-le-Sec. M. le ministre de l'aménagement du territoire a eu l'occasion de le dire hier, nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour intervenir jusqu'au dernier moment.Mais intervention ne veut pas dire pression ou immixtion. Nous considérons favorablement l'appel des salariés ; nous souhaitons, comme M. le ministre de l'aménagement du territoire l'a souligné, que ce dossier ne soit pas clos et que, jusqu'au dernier moment, demeure l'espoir que l'entreprise puisse pérenniser ses emplois, en tout cas le plus grand nombre d'entre eux, avec la solution Airfeu.
Vous avez ensuite évoqué l'immigration. Nous n'en avions pas beaucoup parlé jusqu'à maintenant. Est-ce parce que nous avons un ministre de l'intérieur particulièrement efficace ? Est-ce parce que la politique de la ville réussit à apaiser ce problème ? Je dirai pour ma part que, lorsque l'immigration s'arrête, l'intégration avance.
C'est la raison pour laquelle notre objectif - ni laxisme ni racisme - est de promouvoir, en complément d'une véritable politique de contrôle des flux migratoires qui a été oubliée, malheureusement, pendant deux septennats, en complément d'une politique de coopération renouvelée, une meilleure lisibilité de notre politique d'intégration. Cette meilleure lisibilité passe par un effort d'insertion, par une amélioration de la médiation et par une valorisation des promotions ; nous aurons l'occasion d'en reparler. Fermeté et générosité, le Premier ministre l'a souligné, sont les conditions sine qua non de la réussite de la politique d'intégration.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, j'ai retenu la proposition Demuynck de faciliter l'expatriation des jeunes issus de l'intégration, qui, grâce à leurs racines culturelles et linguistiques, pourraient aider la politique de coopération et favoriser la création d'emplois sur place.
Enfin, monsieur le sénateur, je ne suis pas d'accord avec vous sur un point : vous avez appelé de vos voeux un second pacte de relance. Votons le premier, appliquons-le ; on verra ensuite pour le second !
Madame Olin, chacun connaît vos grandes compétences et votre engagement sur le terrain à Garges-lès-Gonesse. L'un des quartiers de votre ville s'appelle la Dame Blanche : pourrais-je dire que vous êtes la grande dame de Garges-lès-Gonesse ? En effet, à différentes occasions, vous nous avez offert le témoignage vécu d'un maire confronté à une réalité urbaine très difficile, mais aussi un exemple réel de politique de la ville réussie.
Permettez-moi de vous dire que j'ai beaucoup apprécié, tant en commission que dans cet hémicycle, la chaleur de vos propos, qui témoignent de votre action au quotidien.
C'est un message d'espoir et d'enthousiasme que vous donnez pour affronter ces problèmes de politique urbaine.
Vous êtes intervenue plus particulièrement sur l'emploi des jeunes. Comme vous, le Gouvernement estime qu'il s'agit là d'une priorité pour les quartiers. Votre ville a un héritage lourd à assumer...
M. Henri de Raincourt. Ça, c'est sûr !
M. Eric Raoult, ministre délégué. ... et vous avez raison de considérer que seule une politique globale de fond, à l'image du pacte, peut permettre d'inverser la tendance. Vous pouvez compter sur le soutien du Gouvernement pour votre projet de zone franche. Malgré une marge de manoeuvre financière réduite à sa plus simple expression, Garges-lès-Gonesse a décidé d'aider résolument les commerçants et les artisans à devenir pleinement acteurs du développement des quartiers de cette zone franche. C'est ainsi que la future zone franche urbaine intercommunale incluant Sarcelles permettra - comme vous, j'en ai la certitude - de faire renaître l'espoir dans votre ville, que nous avons eu le plaisir de parcourir ensemble avec M. le Premier ministre, puis avec M. Jean-Claude Gaudin.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le niveau élevé des interventions qui se sont succédé à la tribune, la dimension humaine, concrète et vécue de tous vos propos me conduisent à considérer que l'examen des articles du projet de loi s'engage dans de bonnes conditions.
Je constate que notre débat a été digne et chaleureux, marqué par une forte conviction de la part de tous les intervenants. Je dis bien « de tous les intervenants » car, comme à l'Assemblée nationale, j'ai été impressionné par les expériences exposées à la tribune par les différents orateurs, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition. Avec Jean-Claude Gaudin, je forme le voeu que cet instant de grâce qui, comme celui que Mme Veil avait apprécié à l'Assemblée nationale voilà quelques années, a plané au sein de la Haute Assemblée durant toute la discussion générale se poursuive tout au long de la discussion des articles, qui va s'ouvrir à présent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vivons un « moment pacte », à nous d'en faire un « effet pacte » ! Nous le ferons ensemble. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Monsieur le président, la commission souhaiterait une suspension de séance d'un quart d'heure environ, pour analyser au fond et dans leur plénitude les réponses que viennent de nous apporter MM. les ministres.
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le rapporteur.
Auparavant, j'ai quelques communications à faire au Sénat.

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