M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Elle est relative au conflit qui oppose actuellement les pêcheurs français de la péninsule du Cotentin au bailliage de Guernesey.
En effet, le gouvernement britannique a signifié aux autorités françaises la remise en cause unilatérale du modus vivendi qui, de façon pragmatique, avait mis fin aux conflits ayant marqué les années 1993 et 1994 et avait permis de retrouver un équilibre entre les intérêts en présence.
Cet équilibre a été conforté grâce à des accords passés entre professionnels et aux efforts remarquables accomplis par la direction des pêches maritimes.
Cette remise en cause intervient alors que des discussions étaient en cours entre les gouvernements français et britannique.
Tout récemment, mon collègue de la Manche, M. Le Grand, est intervenu sur cette question qu'il connaît parfaitement et suit attentivement.
A sa demande, le ministre des affaires étrangères a adressé un courrier au Foreign Office , attirant l'attention de Londres sur les conséquences de la rupture du modus vivendi .
Cependant, la récente et lourde condamnation d'un patron - pêcheur granvillais par le tribunal de Guernesey provoque une vive émotion dans le monde de la pêche. Il suffit de lire les journaux locaux de ces derniers jours ! Le climat est extrêmement tendu, pour ne pas dire dangereux.
C'est de votre ministère que les professionnels attendent maintenant une très grande détermination, monsieur le ministre. Ils attendent de la France un soutien ferme, car elle a négligé, voire ignoré, les intérêts de nos pêcheurs entre 1987 et 1992.
Nos pêcheurs peuvent-ils espérer que l'Etat français sera en mesure de faire admettre par nos amis britanniques que la zone correspondant au régime spécifique de la baie de Granville a pour limite nord-ouest la ligne dite de l'Etac de Sark, ainsi que le stipulent expressément les accords de 1839 et 1843, la note verbale n° 194 de l'ambassade du Royaume-Uni à Paris du 24 février 1965, l'accord, sous forme d'un échange de notes, du 28 janvier 1994, enfin la note de M. Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, du 18 avril 1994.
Cette question est capitale. Si une réponse positive pouvait y être apportée, les autres problèmes se posant pour l'accès à d'autres zones comme Le Haricot, ou pour la clarification des espèces pêchables, pourraient être négociés et aboutir à une gestion concertée et équilibrée.
Dans cette optique, pouvez-vous me préciser, madame le secrétaire d'Etat, quelles sont, pour nos pêcheurs, les perspectives à brève échéance ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Madame le sénateur, le modus vivendi auquel il vient d'être mis fin à la demande des autorités de Guernesey fonctionnait depuis 1994, dans des conditions qui, malgré des heurts épisodiques, avaient globalement permis, ces deux dernières années, d'éviter les tensions qui avaient marqué nos relations de pêche avec Guernesey au cours de la période postérieure à l'accord de 1992.
Comme vous, le Gouvernement est tout à fait préoccupé par la situation qui risque de découler de l'initiative britannique. Aussi, dès qu'il en eu connaissance, le ministre des affaires étrangères a écrit à son homologue M. Malcolm Rifkind, pour lui faire part de ses très vives inquiétudes à ce sujet. M. de Charette a relevé, à cette occasion, que les dernières propositions que nous avions faites dès le 7 octobre, dans le cadre de la renégociation de cet accord demandée par les autorités de Guernesey, n'avaient toujours pas reçu de réponse de la part des Britanniques. Il a exprimé le souhait que la discussion puisse reprendre, et ce dans un délai très bref.
Pour ce qui est du cas particulier du statut juridique de la zone située au sud-est de la ligne dite de l'Etac de Sark, nos réserves sur l'interprétation britannique des dispositions de l'accord de 1992 tendant à en exclure les pêcheurs français ont été signifiées par note verbale aux autorités britanniques le jour même de la dénonciation du modus vivendi . Les autorités de Guernesey sont donc tout à fait informées de notre opposition sur ce sujet. Celle-ci repose sur des éléments juridiques et historiques.
Du point de vue juridique, rien ne permet de fixer la limite nord-ouest du régime spécifique de la baie de Granville sur la base de l'accord de 1992, car cet accord ne porte que sur des modalités de contrôle.
Du point de vue historique, il est établi que la France a une longue tradition de pêche dans la zone considérée.
Telle est, madame le sénateur, la position que la France défend et continuera à défendre. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)

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