M. le président. « Art. 7. - Le deuxième alinéa de l'article 80 quinquies du code général des impôts est supprimé. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-103 est présenté par M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° I-135 est déposé par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Masseret, pour défendre l'amendement n° I-103.
M. Jean-Pierre Masseret. Cet amendement tend à supprimer l'article 7, qui a pour objet d'appliquer aux indemnités de congé de maternité le traitement fiscal des salaires, alors que, jusqu'à présent, ces indemnités étaient exonérées de l'impôt sur le revenu.
M. Emmanuel Hamel. C'est aberrant ! Incroyable !
M. Jean-Pierre Masseret. L'adoption de cet article 7 serait un mauvais coup porté aux futures mères de famille. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, on a vraiment le sentiment que le Gouvernement reprend de la main droite ce qu'il a failli donner de la main gauche.
M. Paul Loridant. C'est plutôt l'inverse ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° I-135.
M. Paul Loridant. Avec cet article 7, le Gouvernement et sa majorité...
M. Emmanuel Hamel. Pas toute !
M. Paul Loridant. ... entendent inclure dans l'assiette de l'impôt sur le revenu les indemnités de congé de maternité.
M. Jacques Habert. Ce n'est pas encore fait !
M. Paul Loridant. Vous nous permettrez d'avoir plus qu'un regard critique sur cette mesure, que je qualifierai de scandaleuse.
Nous vous avons proposé ce matin, monsieur le ministre, si vous êtes vraiment en recherche de recettes nouvelles, d'élargir le champ de l'assiette de l'impôt sur le revenu en y incluant les revenus financiers. Vous ne nous avez pas suivis.
Comment peut-on souscrire à cette idée saugrenue de vouloir inclure les indemnités de congé de maternité dans l'assiette de l'impôt sur le revenu, sachant que la mesure, mes chers collègues, porte sur une recette potentielle de 1,2 milliard de francs ?
L'impôt sur le revenu a déjà connu, ces dernières années, des réductions ou des aménagements de barème sans que les allocations de maternité soient incluses d'aucune sorte dans l'assiette de l'impôt sur le revenu.
On cherche aujourd'hui à dégager un peu plus de 1,2 milliard de francs de recettes fiscales sur les 750 000 mères de famille qui, chaque année, permettent à notre taux de natalité de se maintenir à un niveau un peu plus élevé que dans l'ensemble des pays européens.
C'est bel et bien une mesure particulièrement discutable que nous propose là le Gouvernement.
D'un côté, on affirme la nécessité d'une véritable politique de la famille et, de l'autre, on choisit de frapper au porte-monnaie les mères de famille, singulièrement les mères de familles salariées.
Cette situation appelle plusieurs observations.
On peut en effet légitimement craindre, compte tenu du changement du mode de traitement fiscal des indemnités journalières de maternité, que les femmes salariées, notamment dans les petites et moyennes entreprises, renoncent à exercer leur droit au congé de maternité.
Il est déjà difficile, aujourd'hui, pour de nombreuses mères de famille salariées, de faire simplement respecter le principe de ce droit au congé de maternité dans certaines entreprises. Il paraît donc incongru et inique de mettre également en cause le congé de maternité dans son aspect fiscal.
On ne nous fera jamais admettre que la satisfaction des critères de convergence ou la volonté de réduire les déficits publics puissent légitimer de telles dispositions.
En fait, ces dispositions sont dans le droit-fil des mesures discriminatoires prises l'an dernier et encore cette année à l'encontre des familles monoparentales. C'est une nouvelle illustration de la conception étroite qu'a de la justice sociale le Gouvernement suivi peut-être par sa majorité si elle vote cet amendement dans quelques instants.
M. Emmanuel Hamel. En tout cas pas toute la majorité !
M. Paul Loridant. Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, de voter notre amendement de suppression de l'article 7.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Actuellement, les indemnités journalières de maladie sont soumises sans discrimination à l'impôt, comme d'ailleurs les indemnités de maternité des fonctionnaires.
L'article 7 vise à étendre l'application de l'impôt aux personnes qui, pour l'instant, en sont exonérées : les salariés non fonctionnaires.
M. Emmanuel Hamel. Exonérez aussi les fonctionnaires !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Mon cher collègue, je veux bien suivre votre proposition, mais je ne sais pas comment elle peut s'articuler avec notre souci de réduire le déficit et l'endettement de la France.
M. Emmanuel Hamel. Libérez-nous de l'obsession de Maastricht !
Mme Hélène Luc. Oui, oubliez Maastricht !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Le texte qui nous est soumis consiste à soumettre tous les salariés au même régime.
Par ailleurs, il faut bien avoir présent à l'esprit que les couples dont la femme attend un enfant peuvent légitimement espérer bénéficier, pour les deux premiers enfants, d'une demi-part supplémentaire et, pour le troisième, d'une part supplémentaire.
Par conséquent, notre législation fiscale comporte déjà des avantages très légitimes en faveur des familles. Je ne vois donc pas qu'il y ait matière à diaboliser la position du Gouvernement ou de la commission des finances sur cette question.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Lorsque nous sommes conduits à moderniser notre régime d'imposition sur le revenu des personnes physiques, nous constatons l'existence d'un certain nombre de dispositions qui, manifestement, ne se justifient plus ou sont archaïques. En dehors du contexte, leur suppression peut paraître anormale, mais, dès qu'on les replace dans une politique d'ensemble, cette suppression semble tout à fait légitime.
Comme l'a dit M. le rapporteur général, les revenus de remplacement évoqués ici se substituent entièrement au revenu d'activité. Or, depuis toujours, dans notre législation fiscale - et cela ne choque personne - les indemnités de maladie, bien qu'elles ne remplacent pas entièrement le revenu, sont assujetties à l'impôt. Fait encore plus paradoxal, alors que les salariés du secteur privé bénéficient de cette exonération pour les indemnités de maternité, les femmes fonctionnaires n'en bénéficient pas.
M. Emmanuel Hamel. Qu'elles en bénéficient !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Apparemment, cela ne choque personne ! En tout cas, personne n'a déposé d'amendement pour procéder à un alignement dans ce sens, ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat.
M. Emmanuel Hamel. Il lui serait opposé automatiquement l'article 40 de la Constitution !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Enfin, je rappelle que, dans tous les autres pays, les indemnités de ce genre sont naturellement assujetties à l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
Et, surtout, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez adopté ce matin l'article 2 portant sur le barème de l'impôt.
M. Philippe Marini. Exactement !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. A ce moment-là, j'aurais dû prendre acte du fait qu'en votant cet article, qui sera complété en deuxième partie par la poursuite de la baisse du barème et par la suppression de la décote sur les quatre années qui suivront, vous avez accordé aux familles un montant d'avantages fiscaux qui atteindra 22 milliards de francs, c'est-à-dire vingt fois l'économie qui sera réalisée grâce à cet article.
Autrement dit, la philosophie de la réforme de l'impôt sur le revenu que nous vous proposons consiste à concentrer les avantages consentis sur les familles nombreuses et les revenus petits et moyens.
En même temps, nous en profitons pour supprimer un certain nombre d'anomalies qui subsistent dans notre système fiscal.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est hostile à ces deux amendements.
MM. Jean Chérioux et Philippe Marini. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-103 et I-135.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Il est toujours douloureux, pour un membre de la majorité, de se sentir en opposition avec le Gouvernement et, qui plus est, d'avoir un sentiment d'incompréhension en raison de son attitude compte tenu de l'incidence que peuvent avoir certaines des mesures soumises à l'approbation du Sénat.
Cet article 7, s'il était, hélas ! voté - comme sans doute il va l'être puisque, par fidélité, la majorité, malgré sa souffrance,...
M. Jean Chérioux. Nous ne souffrons pas !
M. Emmanuel Hamel... va le voter - ce que je ne ferai pas pour ma part - tend à soumettre à l'impôt sur le revenu les indemnités journalières versées aux femmes bénéficiant d'un congé de maternité.
Je vous le dis avec toute la sympathie personnelle que je vous porte, monsieur le ministre, je ne parviens pas à comprendre que le Gouvernement demande au Parlement d'appliquer aux indemnités de maternité le traitement fiscal des salaires.
L'évolution de notre démographie est si préoccupante que cet amendement me paraît contraire à l'intérêt public, à la fois par ses incidences sur les femmes en congé de maternité et par la résonance qu'il va avoir dans l'opinion. Monsieur le ministre, vous le savez bien, les femmes ne mettent pas au monde un enfant pour bénéficier d'exonérations fiscales !
Vous parlez d'harmonisation. Mais harmonisez dans le bon sens, étendez aux femmes fonctionnaires l'exonération actuelle et ne supprimez pas celle qui existe !
L'application aux indemnités de maternité du traitement fiscal des salaires met gravement en cause la crédibilité de la politique familiale du Gouvernement. Je ne peux donc, en conscience, la voter. C'est la raison pour laquelle je voterai les amendements de suppression de ce funeste et détestable article 7.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. M. Hamel parle d'or ! En effet, ce Gouvernement, sa majorité se prévalent, avant chaque élection, d'une politique familiale protectrice, favorisant les naissances, aidant les familles. Or voilà une mesure qui montre de façon concrète que vous faites le contraire de ce que vous nous avez annoncé, monsieur le ministre.
J'ai entendu, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, ce que vous avez dit sur les indemnités de maternité des fonctionnaires. Permettez-moi d'y revenir quelques instants.
Les fonctionnaires qui sont en congé de maternité touchent, en vertu des dispositions du statut de la fonction publique d'Etat, territoriale ou hospitalière, l'intégralité de leur traitement, à l'exception de certaines indemnités spécifiques.
Or, ce qui est en cause actuellement, ce sont les indemnités de congé de maternité pour les femmes salariées du secteur privé, dont le montant est bien souvent inférieur à celui du salaire qu'elles percevaient lorsqu'elles étaient en activité. A ce moment-là, que l'on dise qu'il y a harmonisation par le bas !
Vous nous avez dit par ailleurs, monsieur le ministre, que, dans tous les autres pays, les indemnités de ce genre étaient assujetties à l'impôt. Voilà encore une illustration de ce que l'harmonisation sociale en Europe se fait par le bas.
M. Emmanuel Hamel. Tout à fait ! Par le bas !
M. Paul Loridant. Vous me permettrez de dire qu'il est abusif d'assimiler la situation des fonctionnaires, qui touchent l'intégralité de leur traitement pendant la période de congé de maternité, à celle des salariés du secteur privé.
Nous sommes donc opposés à cet article totalement abusif et qui va à l'encontre de la politique familiale sans cesse réaffirmée par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je ne vois vraiment pas, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, en quoi la mesure prévue à l'article 7 serait moderne.
En effet, dans notre pays, les femmes salariées font partie de ceux qui sont le plus frappés par les difficultés et qui souffrent le plus : ce sont elles qui sont le plus touchées par le chômage, par les bas salaires, par le travail à temps partiel non choisi, par les mauvaises conditions de travail, par la précarité.
Dès lors, loin d'être moderne, cette mesure est proprement archaïque !
Elle est d'autant plus inacceptable qu'elle vient s'ajouter à la diminution du taux de ces indemnités par rapport au salaire, au gel des allocations familiales, à la baisse de l'allocation exceptionnelle de rentrée scolaire. C'est décidément une mesure de trop ! J'appelle donc mes collègues à voter notre amendement n° I-135.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Si la remise en ordre de la politique fiscale ne comporte pas que des dispositions agréables, au moins faut-il suivre une voie cohérente.
La voie qui nous est proposée me paraît cohérente s'agissant de la réforme de l'impôt sur le revenu. Nul ne peut contester que cette réforme va dans le sens de l'intérêt des familles, notamment des familles de condition moyenne.
M. Claude Estier. Cela reste à démontrer !
Mme Marie-Claude Beaudeau. On fera les comptes, monsieur Marini !
M. Philippe Marini. C'est cela l'essentiel, et c'est cela qu'il faut garder à l'esprit, car c'est beaucoup plus important que cette mesure ponctuelle, au demeurant critiquée de façon tout à fait excessive et abusive, à mon avis, par certains membres de notre assemblée.
Il faut replacer cette mesure dans l'ensemble du projet de loi de finances, et c'est dans cette perspective-là que je voterai contre les amendements du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Je souhaite revenir sur un ou deux points, notamment pour répondre à certaines interventions émanant des bancs de la majorité...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et les nôtres ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. ... et appeler chacun à ses responsabilités : on ne peut pas à la fois approuver globalement la réforme et, lorsqu'on examine telle ou telle disposition moins agréable, dire : « Sur ces dispositions-là, je ne suis pas d'accord ! »
Je rappelle que, sur ce sujet, qui est difficile, convenons-en, la majorité de l'Assemblée nationale n'avait pas hésité à soutenir très largement le Gouvernement.
Par ailleurs, j'ai déjà insisté sur le fait - mais sans doute n'ai-je pas su me faire entendre - que le Sénat a accordé ce matin plus de 22 milliards de francs d'allégements sur les charges fiscales des familles.
Dans le souci de cohérence qu'a fort justement mis en relief M. Philippe Marini, le Gouvernement propose de supprimer ce qui constitue, en réalité, une anomalie. Qui était au courant de cette anomalie avant que nous ne pensions à réformer l'impôt sur le revenu ? En réalité, presque personne ! (M. Hamel proteste.)
Eh bien, la suppression de cette anomalie représente une économie de l'ordre de 1 milliard de francs.
Je résume donc la situation : d'un côté, 22 milliards de francs donnés ce matin aux familles ; de l'autre 1 milliard de francs pour corriger ce que je persiste à considérer comme une anomalie, à partir du moment où il s'agit d'un revenu de remplacement représentant, monsieur Loridant, dans le secteur privé comme dans le secteur public, 100 % du revenu habituel.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pas dans le privé !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Pour que chacun prenne ses responsabilités, je demande que, sur ces deux amendements, le Sénat se prononce par scrutin public.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques I-103 et I-135, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 34:

Nombre de votants 294
Nombre de suffrages exprimés 292147
Pour l'adoption 91
Contre 201

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article additionnel après l'article 7