M. le président. « Art. 38. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1997, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :

« Titre V : "Equipement" 87 184 020 000 F
« Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat" 1 519 000 000 F

« Total 88 703 020 000 F


« II. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 1997, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :

« Titre V : "Equipement" 17 689 903 000 F
« Titre VI : "Subventions d'investissement accordées par l'Etat" 861 500 000 F

« Total 18 551 403 000 F »


Par amendement n° II-43 rectifié, Mme Heinis propose :
I. - De réduire les autorisations de programme de 1 100 000 000 de francs.
II. - De réduire les crédits de paiement de 500 000 000 de francs.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement affiche sa volonté de développer les marchés à l'exportation de la DCN en matière de sous-marins classiques ; c'est même un des quatre axes de la réforme de la DCN.
En ce qui concerne les sous-marins, tant nucléaires que classiques, la DCN de Cherbourg est le seul pôle de construction en France, et l'avenir de la marine en dépend dans une très large part.
Mais, les commandes nationales se réduisant, celles-ci, ne sont pas suffisantes, on le sait, pour assurer la continuité du plan de charge, aussi bien en matière d'études que de construction.
D'où l'intérêt majeur du recours à l'exportation, qui vise à la fois à assurer la continuité de ce plan de charge et à procurer des recettes nouvelles, ce qui est tout de même extrêmement important.
Le marché international prévoit la construction d'une quarantaine de sous-marins classiques dans les prochaines années. L'objectif de la DCN et du Gouvernement est de conquérir un tiers de ce marché, soit une quinzaine de bâtiments.
Mais la concurrence internationale est dure et, pour l'affronter, il faut se préparer à l'avance, c'est-à-dire dès maintenant.
En effet, les étrangers sont d'ores et déjà intéressés par nos projets de bâtiments les plus nouveaux, type Scorpène, comme en témoigne le Chili, qui vient de retenir en short list, c'est-à-dire une sorte de « préliste finale », deux pays seulement : l'Allemagne et la france.
Or, la DCN est confrontée à des nécessités apparemment contradictoires, qu'il lui faut impérativement résoudre. Cela ne peux se faire que dans une optique dynamique.
Il faut donc dès maintenant, en ce qui concerne les sous-marins de type Scorpène, passer de la phase de l'avant-projet à celle dite d'industrialisation, qui consiste à transformer un avant-projet en un projet réalisable, sorte de mode d'emploi de construction conçu pour la vente et que les américains appellent Technical data package - si j'utilise des mots anglais, ce dont vous voudrez bien m'excuser, c'est parce que, dans la construction navale internationale, le vocabulaire est, malheureusement, essentiellement anglo-saxon.
Ce projet comprend alors l'ensemble des procédés technologiques, les plans nécessaires ainsi que les conditions de transfert de technologie. En effet, la conjugaison de la demande de l'étranger et des prévisions de « creux » du plan de charge impose que l'on commence ces études dans les meilleurs délais, c'est-à-dire dès 1997, puisque nous aurons du personnel disponible, et la construction du premier navire de la série vers 1998-1999.
C'est à cette condition que nous serons prêts en temps voulu pour répondre au marché et que nous utiliserons de façon optimale notre potentiel de travail sur le plan de la rentabilité financière et opérationnelle.
Mais cela nécessite, bien sûr, un préfinancement de l'Etat, préfinancement qui, je le souligne, a vocation à être remboursé dès la vente du premier navire de la série.
Pour la partie à réaliser par la DCN de Cherbourg, les montants indicatifs des coûts sont les suivants.
Le coût des études est d'environ 450 millions de francs pour la partie transfert de technologies. Ces études sont réalisées, bien sûr, pour l'ensemble de la série des sous-marins et permettent de donner le plus vite possible du travail aux sous-traitants, qui ne travaillent guère à l'heure actuelle. C'est donc très important pour le bassin d'emploi de Cherbourg, déjà durement touché.
Le coût de construction du navire est d'environ 800 millions de francs pour la partie faite à Cherbourg, dont la moitié en achats de matériaux et l'autre moitié en coût de main-d'oeuvre.
Mon amendement vise donc à dégager les montants indicatifs nécessaires à ces réalisations, à savoir 500 millions de francs en crédits de paiement pour les études en 1997, et 1 100 millions de francs en autorisations de programme pour le total du coût de la construction du premier sous-marin, qui sera, bien entendu, vendu ensuite.
Il est à noter que les crédits de paiement, en 1997, malgré l'importance apparente de la somme, ne représentent qu'environ 10 % à 12 % des fonds de restructuration de la DCN, alors qu'ils lui permettent à la fois d'optimiser ses rendements, d'avoir les instruments nécessaires pour se placer sur le marché international - lequel doit lui apporter des recettes nouvelles, je l'ai signalé - et de faire travailler les sous-traitants.
Par ailleurs, monsieur le ministre, ils s'inscrivent dans la ligne de la politique fixée par la Gouvernement, en précisant, pour ce qui concerne la DCN de Cherbourg, les moyens à dégager pour y parvenir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. La commission n'a pas davantage examiné le présent amendement. Celui-ci ne lui a pas été soumis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon, ministre de la défense. Madame le sénateur, j'ai bien entendu votre plaidoyer en faveur de l'exportation en matière d'armements, en particulier pour la construction navale. Croyez bien que je partage totalement l'argumentation que vous avez développée.
Vous avez souligné la nécessité absolue, pour l'industrie d'armement et pour la construction navale, d'exploiter un certain nombre de marchés extérieurs si elles veulent garder un taux de rentabilité suffisant pour rendre pérenne l'activité et pour assurer les emplois.
Vous avez parlé plus particulièrement de Cherbourg et des sous-marins. Pour notre part, nous témoignons du même intérêt pour les équipements, frégates, patrouilleurs, systèmes de combats, car la France a effectivement, dans ces domaines, la capacité de conquérir des marchés. Je m'en rends compte à l'occasion de chaque déplacement que je fais ou de chaque rencontre internationale à laquelle je participe pour essayer d'ouvrir un certain nombre de marchés.
J'ai d'ailleurs bon espoir que les succès à l'exportation déjà enregistrés par la DCN sur le marché des sous-marins classiques soient confirmés. Vous le savez, un certain nombre de pays font actuellement l'objet d'une prospection approfondie. Des études ont déjà été engagées en collaboration avec certains d'entre eux pour mettre au point une éventuelle négociation. J'aurai d'ailleurs l'occasion de reparler de tout cela lors de la présentation du plan stratégique pour les exportations d'armements que je soumettrai à votre commission des affaires étrangères au cours des prochaines semaines.
La procédure de l'article 29, à laquelle vous avez fait référence, est-elle bien l'instrument adapté pour un soutien à l'exportation de la DCN ? Comme vous le savez, cette procédure permet de donner à une entreprise une garantie de rachat de matériel si, passé un certain délai, ses démarches à l'exportation n'ont pas rencontré le succès escompté.
Personnellement, je ne suis pas hostile à ce que les projets proposés par la DCN soient éligibles à cette procédure. En tout état de cause, le montant des autorisations de programme disponibles actuellement est suffisant pour assurer le financement d'éventuels projets. Il n'est donc pas nécessaire d'abonder cette ligne budgétaire, comme vous le suggérez.
En revanche, la suppression directe des crédits que vous proposez par votre amendement, madame Heinis, poserait, vous pouvez l'imaginer, de graves problèmes pour le budget d'équipement des armées. Aussi, compte tenu des informations que je viens de vous donner, je souhaite que vous retiriez votre amendement.
M. le président. Madame Heinis, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, avant de retirer l'amendement, je souhaite m'expliquer.
Monsieur le ministre, je vous remercie des explications que vous m'avez données. Je suis, d'ailleurs, tout à fait consciente de la pertinence de vos arguments.
Effectivement, le problème des études nécessaires pour la vente se pose non pas seulement pour les sous-marins, mais bien pour l'ensemble de l'armement et des équipements que nous avons à construire. Si je me suis permis de citer l'exemple des sous-marins, c'est tout simplement parce que je le connais davantage.
Le problème est donc général, à ceci près, monsieur le ministre, qu'en ce qui concerne, à ma connaissance du moins, les frégates et les corvettes, nous vendons des bâtiments que nous avons déjà construits. Donc, la première phase d'étude de réalisation est accomplie, ce qui n'est pas le cas pour les sous-marins Scorpène, qui sont encore à l'état d'avant-projet. C'est une étape différente dans le déroulement des choses.
J'en suis également consciente, la procédure de l'article 29 n'est pas absolument celle qui s'impose dans ce cas, mais, faute de disposer d'une autre, je l'ai prise à titre d'exemple pour montrer que le principe du préfinancement avait déjà été accepté par l'Etat dans le passé pour soutenir précisément des ventes à l'exportation. Je n'ai eu d'autre ambition que de m'inscrire dans une tradition, puisque l'Etat a déjà utilisé cette procédure, et à plusieurs reprises.
Quand l'Etat veut soutenir l'exportation de matériels construits par des entreprises publiques, il est souvent obligé, d'une façon ou d'une autre, de préfinancer un certain nombre de dépenses. C'était donc dans cet esprit que j'avais choisi la procédure de l'article 29.
Vous avez bien voulu m'indiquer également, monsieur le ministre, que les autorisations de programme actuelles étaient suffisantes pour prendre en charge de tels projets. Permettez-moi de m'en réjouir profondément, car, au fond, c'est la seule chose que je demande. Il n'était pas, bien entendu, dans mon intention d'obtenir une diminution des crédits. La procédure parlementaire m'obligeait à utiliser la voie de l'amendement pour attirer votre attention. Je souhaite, vous l'aurez compris, l'affectation à un but précis de crédits pris dans la masse de l'ensemble du budget.
Il s'agissait donc, monsieur le ministre, d'un amendement d'appel. Toutefois, sur le fond, je vous demande tout de même de rester extrêmement attentif à ce problème, qui me paraît capital. En effet, vous avez raison, si nous voulons vendre à l'exportation, et je souhaite que la France réussisse dans ce domaine, nous sommes contraints de nous doter d'outils particuliers, qui sont nécessaires sur les marchés internationaux. Or, si nous n'avons qu'un avant-projet à présenter, si intéressant soit-il, et il l'est en l'occurrence puisque c'est au vu de cet avant-projet que le Chili a retenu la France et l'Allemagne, ce ne sera pas suffisant pour passer les marchés et aller plus loin dans la réalisation. Incontestablement, il reste à déterminer une forme budgétaire pour assurer ce type de financement.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le ministre, je retire l'amendement. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. L'amendement n° II-43 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements présentés par MM. Bécart, Billard, Mme Bidard-Reydet, MM. Leyzour et Minetti.
L'amendement n° II-44 tend :
I. - A réduire les autorisations de programme de 6 551 000 000 francs.
II. - A réduire les crédits de paiement de 1 644 000 000 francs.
L'amendement n° II-45 a pour objet :
I. - De réduire les autorisations de programme de 4 300 000 000 francs.
II. - De réduire les crédits de paiement de 997 000 000 francs.
L'amendement n° II-46 vise :
I. - A réduire les autorisations de programme de 2 040 000 000 francs.
II. - A réduire les crédits de paiement de 950 000 000 francs.
La parole est à M. Bécart, pour défendre ces trois amendements.
M. Jean-Luc Bécart. Comme je l'ai indiqué ce matin dans la discussion générale, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen considèrent que, si le projet de budget de la défense doit contribuer au maintien en état opérationnel d'une capacité de dissuasion nucléaire défensive suffisante au regard de l'évolution des menaces, rien d'essentiel ne justifie pour autant de lancer aujourd'hui de nouveaux programmes d'armements atomiques, d'autant que ces nouvelles dépenses pèsent sur l'exécution d'autres programmes qui sont, à nos yeux, prioritaires, parce qu'ils nous permettent d'assurer directement l'avenir de la défense de notre espace national.
Par l'amendement n° II-44, nous proposons de ne pas poursuivre, en 1997, le programme de simulations des essais nucléaires en laboratoire et de consacrer les crédits correspondants au renforcement des programmes d'armements terrestres, notamment pour le char Leclerc, le GIAT ayant besoin, en particulier ses établissements de Roanne, de Tarbes et de Bourges, de ballons d'oxygène dans ses plans de charges.
Par l'amendement n° II-45, nous souhaitons geler les crédits initialement affectés à l'amélioration du missile air sol moyenne portée ou ASMP, dont l'utilité est plus que contestable, le missile actuel étant parfaitement à même, et pour quelque temps encore, de remplir son éventuelle mission. Nous proposons que les crédits ainsi dégagés servent à renforcer le programme Rafale, qui en a bien besoin.
Enfin, par l'amendement n° II-46, nous proposons de transférer les crédits prévus pour la conception du nouveau missile nucléaire stratégique M 51 à la rénovation et au renouvellement de notre flotte de surface, afin de donner de l'air aux plans de charge de la DCN et de sauvegarder ainsi au maximum le potentiel humain dont dispose cet établissement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-44, II-45 et II-46 ?
M. Maurice Blin, rapporteur spécial. Monsieur le président, ma réponse sera la même qu'à l'égard des amendements précédents.
J'ajoute cependant, à titre personnel, que, compte tenu de l'approbation générale qu'elle a donnée à l'ensemble du projet de budget des armées, la commission des finances n'aurait probablement pas émis un avis favorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon, ministre de la défense. M. Bécart sait d'ores et déjà que le Gouvernement est totalement défavorable à ces amendements.
Le Gouvernement a présenté une loi de programmation qui a été votée par le Parlement au mois de juin dernier, dans laquelle sont prévus certains investissements destinés à permettre précisément à la France de conserver sa force de dissuasion. C'est la raison pour laquelle il serait totalement inacceptable d'agréer ces propositions.
Cela étant, monsieur Bécart, je relève, non sans humour, un léger paradoxe dans ces amendements. Vous réclamez une baisse des crédits là ou l'Etat intervient directement, c'est-à-dire au détriment du Commissariat à l'énergie atomique, pour affecter les sommes ainsi dégagées à des entreprises privées. Je croyais que vous apparteniez à une formation politique qui était assez défavorable à ce genre de procédure ! Je note donc que c'est, de votre part, une innovation ! (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. François Trucy, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-44, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-45, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-46, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 38.

(L'article 38 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère de la défense.

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