M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires étrangères et la coopération : I. - Affaires étrangères (et francophonie).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il fut un temps où la politique extérieure était la seule politique véritable, et où la politique économique n'était qu'un moyen au service de la puissance de la France, de sa grandeur et de son rayonnement dans le monde.
Depuis 1969, les choses ont changé : l'économique s'est vengé. Mais il nous faut veiller, monsieur le ministre, à ce que notre politique extérieure ne devienne pas un sous-produit de la politique monétaire et à ce que le Quai d'Orsay ne devienne pas, un jour, une annexe de la Banque de France !
M. Guy Penne. Très bien !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Fort heureusement, nous en sommes très loin et il faut se féliciter des initiatives audacieuses prises par le Gouvernement, sous l'autorité du Président de la République, en ex-Yougoslavie, en Afrique subsaharienne et au Moyen-Orient, comme il faut se réjouir qu'à Singapour, puis à Bangkok - vous y étiez, monsieur le ministre - le Président de la République ait assigné à notre diplomatie une nouvelle frontière : la puissante Asie redevenue elle-même.
Dans cette conjoncture, monsieur le ministre, votre budget est-il compatible avec les exigences des actions traditionnelles de la France et les ambitions nouvelles qui nous sont assignées ?
Avec 14 440 millions de francs, ce budget baisse de 4 % par rapport aux crédits votés l'an dernier. Représentant 0,93 % du budget global de l'Etat, il atteint son plus bas niveau depuis 1985, l'« effort » étant surtout répercuté sur les crédits de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, diminuant de 7 %.
Mais il est clair, monsieur le ministre, que le ministère des affaires étrangères doit s'associer à l'effort de réduction des déficits publics. C'est la raison pour laquelle je me demande, comme il y a un bon usage des maladies, s'il ne faut pas profiter de ces contraintes redoutables pour effectuer des réformes de structure inéluctables. Dans cette perspective, m'exprimant au nom de la commission des finances, je voudrais vous livrer quelques réflexions.
Tout d'abord, nous avons, avec les Etats-Unis, le plus grand réseau diplomatique et consulaire du monde, comprenant 150 ambassades, 112 consulats, 17 représentations permanentes. De plus, à la différence de toutes les autres grandes puissances - ce qui est extraordinaire - à l'intérieur même de ce réseau, on démontre dix-huit autres réseaux, qui vibrionnent et concourent à un gaspillage certain, et à une incohérence certaine : il y a des attachés de défense, des attachés scientifiques, des attachés culturels, des attachés des postes d'expansion, des attachés financiers, etc.
C'est pourquoi je suis persuadé, monsieur le ministre, qu'il convient de continuer dans la voie que vous avez tracée : il ne faut pas hésiter, dans les pays du champ, à fusionner les postes d'ambassadeur et de chef de mission, d'aide et de coopération et, sur l'ensemble des pays, à fusionner, si possible de manière plus active, comme cela va être le cas par exemple à Delhi, les postes d'attachés financiers et les postes d'expansion.
J'en profite pour suggérer que les personnels chargés des postes d'expansion veuillent bien s'intéresser aussi aux PME, et ne se contentent pas de répartir quelques crédits du protocole entre trois ou quatre sociétés et de livrer des guerres picrocholines aux chambres de commerce locales.
Deuxième réflexion : il est indispensable que le ministre des affaires étrangères puisse gérer librement à l'étranger le patrimoine et les biens qui appartiennent à l'Etat.
Nos ambassadeurs devraient avoir la possibilité de vendre, d'acheter et de gérer notre patrimoine. Dans un certain nombre de sites - le centre culturel de Tunis, nos bureaux et nos locaux de Djakarta, par exemple - on pourrait réussir, sans qu'il en coûte rien à l'Etat, à régler le problème des centres culturels, des lycées, des locaux.
Mais il est clair qu'après quelques années passées à guerroyer avec les gnomes de Bercy pour leur arracher un consensus mou et éviter qu'ils ne prélèvent trop d'argent sur les transactions, les acheteurs ou les vendeurs ont disparu. Il en résulte que nos bureaux, nos locaux et nos lycées sont laissés à l'abandon, sont exigus et vétustes, alors que cette situation aurait pu parfaitement être évitée et qu'enfants, lycéens et services pourraient être installés dans des locaux neufs sans bourse délier. C'est au ministre des affaires étrangères ou à son représentant, et à lui seul, qu'il devrait revenir de gérer les biens de l'Etat français à l'étranger.
Troisième réflexion : nos compatriotes n'iront pas s'installer à l'étranger pour y travailler et concourir au développement économique de la France s'ils ne trouvent pas dans tous ces pays des écoles et des lycées susceptibles de donner à leurs enfants l'enseignement nécessaire.
Nos compatriotes ne sont pas responsables du type d'enseignement très particulier qui est le nôtre. C'est ainsi qu'ils hésitent à inscrire leurs enfants à l'école internationale parce qu'un très grand nombre d'entre eux sont passés par les classes préparatoires aux grandes écoles et rêvent de faire entrer leurs enfants à leur tour dans la classe préparatoire de Louis-le-Grand, réputée la meilleure.
Ils exigent donc des écoles et des lycées de qualité, et ils ont raison. Par conséquent, il faut engager une réflexion sur ce sujet.
Je suis persuadé, par exemple, monsieur le ministre, qu'il eût été bon, cette année, de consacrer 5 millions de francs au lycée de Singapour. En effet, il eût fallu ouvrir cet établissement, non pas avec 800 places, mais avec 1 000, et éviter le désengagement de l'Etat dans cette opération très importante.
De la même manière, je suis persuadé que beaucoup plus de Français iraient à Kuala Lumpur s'il y avait, dans cette ville, un établissement susceptible d'accueillir leurs enfants. Par ailleurs, peut-être serait-il moins nécessaire d'augmenter le nombre de places du lycée de Singapour s'il y avait un véritable établissement à Kuala Lumpur.
Sur ce thème, je me permets de vous faire une suggestion : ne pourrait-on pas dégager de l'argent pour les lycées et les écoles en fermant certains consulats en Europe, quelques consulats extrêmement agréables, certes, mais dont je me demande s'ils ont d'autre utilité réelle que de permettre à quelques agents fatigués d'attendre la retraite dans la paix et le recueillement ?
Ma quatrième suggestion porte sur nos ambassades.
Nous allons en construire une à Berlin. Mais il faut aussi en construire en Asie, notamment à Pékin. Or les opérations ont un coût élevé.
Quel sera l'avenir de nos ambassades en Europe, lorsque nous aurons progressé dans la voie de l'unification européenne ? Qu'en sera-t-il dans les années à venir ? Ne devons-nous pas avoir des bureaux faciles à revendre et à reconvertir à d'autres fonctions ?
Sauf pour le Palais Farnèse, qui reviendra à l'Etat italien en 2030, nous devrions réfléchir dès à présent à la vocation future de nos ambassades en Europe.
Pour ce qui est maintenant des crédits pour la coopération et les interventions internationales, soit 6 milliards de francs, ils ont fortement baissé. Il ne faudrait pas que cette diminution des contributions volontaires continue.
Nous avions des retours extrêmement importants sur un certain nombre de contributions. Mais surtout, monsieur le ministre, de grâce ! la parole et l'honneur de la France exigent que, même si les contributions sont en forte diminution, une fois votées, elles ne soient pas gelées puis annulées. De telles pratiques ont des effets désastreux sur la réputation de la France.
En ce qui concerne l'action audiovisuelle extérieure, elle progresse fortement, pour atteindre 935 millions de francs.
Les crédits sont destinés pour l'essentiel aux grands opérateurs : Radio-France internationale, Canal France international et TV 5. Monsieur le ministre, une réunion interministérielle extrêmement importante était consacrée hier à l'audiovisuel public extérieur. Je serais très heureux, notre assemblée tout entière serait très heureuse que vous nous disiez quelle est désormais la politique du Gouvernement dans ce secteur.
Pour ma part, j'exprimerai le souhait que les programmes soient beaucoup plus nettement régionalisés, que les journaux télévisés soient adaptés à chaque région du monde.
Ainsi, nous devrions éviter de diffuser, en Afrique noire, des journaux télévisés où les immigrés sont souvent traités de manière inconvenante ou de diffuser en Asie du Sud-Est, où la liberté d'expression n'est pas toujours totale, des images de grève qui ne sont pas toujours conformes à l'image que l'on veut donner de notre pays.
En outre, pour les émissions de divertissement, on pourrait donner à chaque pays ce qu'il attend : par exemple, Khaled aux Indiens, Clémentine aux Japonais, Jordi aux Indonésiens et Cantona à tout le monde.
Je voudrais enfin évoquer deux questions, monsieur le ministre.
Est-il concevable que nous consacrions autant d'argent à la Tunisie, qui est le premier pays bénéficiaire de nos crédits, alors qu'elle est le seul pays qui continue à confisquer des biens français et à spolier nos compatriotes ?
Ma seconde interrogation porte sur l'Inde. Notre collègue M. François-Poncet a fait un rapport d'information extrêmement intéressant sur ce pays, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan : « Le pari indien ». Je souhaiterais que notre présence soit beaucoup plus forte dans ce pays.
Voilà, monsieur le ministre, brièvement esquissés, quelques éléments de réflexion sur votre budget, qui doit concourir au redressement économique de notre pays, au renouveau de sa puissance, sans laquelle il n'y aurait pas de politique extérieure valable.
Je tiens enfin à vous indiquer, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la commission est très sensible à l'action sur le terrain de l'ensemble de nos agents, qu'elle constate qu'ils sont tous d'une excellente qualité et que, malgré quelques réserves, elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 1997. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nouvelle organisation de notre débat ne permettant pas de longues digressions, je me bornerai à évoquer trois ou quatre points sur lesquels s'est plus particulièrement attardée la commission des affaires étrangères. Notre collègue M. Chaumont a parfaitement évoqué certains d'entre eux, mais il est peut-être nécessaire de vous les mettre une nouvelle fois en mémoire.
Le premier point qui a préoccupé notre commission concerne la baisse de plus de 8 % des crédits consacrés à l'informatique. Voilà qui semble particulièrement regrettable, compte tenu des insuffisances qui caractérisent encore l'équipement central de l'état civil de Nantes et qui imposent à nos compatriotes des délais difficilement tolérables en matière d'attribution des pièces d'état civil.
Il est donc dommage que les crédits destinés à l'informatique aient constitué l'une des variables d'ajustement d'un titre III, lequel est, par ailleurs, fortement contraint.
La modicité des moyens consacrés par le ministère des affaires étrangères à la coopération militaire est une autre faiblesse de ce budget, alors même que la coopération militaire peut contribuer au développement de nos exportations de matériels d'armement, à un moment où l'augmentation des exportations constitue, selon le chef de l'Etat, l'une des priorités de notre action diplomatique.
Or la faiblesse des moyens consacrés à la coopération militaire du Quai d'Orsay - soit 85,5 millions de francs en 1997 - ressort d'autant plus clairement si l'on compare ces crédits aux 640 millions de francs que le ministère délégué à la coopération consacre à la coopération militaire avec les pays relevant de son champ d'influence, essentiellement l'Afrique subsaharienne et le Laos.
Ce contraste entre la modestie des crédits du Quai d'Orsay et ceux du ministère de la coopération nous conduit une nouvelle fois à nous interroger sur une éventuelle fusion entre les services compétents du Quai et la mission militaire de coopération. C'est d'ailleurs un objectif qui a été évoqué à l'occasion du comité interministériel sur les moyens de l'Etat à l'étranger.
En ce qui concerne les 130 millions de francs consacrés à l'assistance aux Français de l'étranger - ils ont été préservés en dépit de la rigueur budgétaire - votre commission des affaires étrangères estime, là encore, que la volonté de développer nos exportations doit induire, à terme, une augmentation des crédits. En effet, nous ne pourrons encourager l'expatriation de nos compatriotes que si l'on peut, par ailleurs, assurer des crédits d'assistance répondant aux demandes de nos concitoyens qui acceptent de vivre et de travailler à l'étranger.
Comme M. Chaumont, nous nous sommes interrogés sur le coût étonnamment élevé de certaines opérations immobilières conduites par le Quai d'Orsay, notamment sur les 80 millions de francs consacrés au transfert de notre chancellerie de Lagos à Abudja, nouvelle capitale du Nigeria, les 20 millions de francs consacrés à la reconstruction de notre chancellerie à Kigali, ou encore les 250 millions de francs affectés à la création de notre ambassade à Berlin. Certes, il s'agit d'un symbole mais quel prix pour un symbole, monsieur le ministre !
Nous nous sommes demandés si l'état des marchés locaux n'aurait pas permis de négocier ces opérations au mieux de nos intérêts. En d'autres termes, pouvons-nous encore nous permettre d'affecter 80 millions de francs à l'édification d'une ambassade dans un pays qui ne se situe pas nécessairement au coeur de nos priorités diplomatiques ?
Je traiterai maintenant du redimensionnement de notre réseau diplomatique et consulaire.
Il est clair que la nécessité de réduire les déficits publics justifie la révision des ramifications d'un réseau qui est devenu excessivement dense au regard de nos moyens, même si l'on aurait tout naturellement préféré, dans une conjoncture économique idéale, maintenir dans son intégralité le deuxième réseau diplomatique du monde.
La question clé sur ce sujet est la suivante : comment, avec des moyens budgétaires contraints et des effectifs régulièrement décroissants, accompagner le déplacement géographique de nos priorités diplomatiques vers l'Asie et l'Amérique latine, qui consituent aujourd'hui, vous l'avez souligné, monsieur le ministre, les « nouvelles frontières » de notre diplomatie ?
A cet égard, la commission des affaires étrangères s'est interrogée sur le format idéal de nos ambassades et de nos centres culturels dans les pays membres de l'Union, où les progrès de la construction européenne pourraient permettre de revoir à la baisse les missions des ambassades, comme d'ailleurs des postes d'expansion économique.
En revanche, la commission des affaires étrangères a relevé que l'activité consulaire connaît, au sein de l'Union européenne, une croissance continue, en dépit des mécanismes de Maastricht ou des accords de Schengen. Cette situation implique de préserver les moyens consacrés à l'action consulaire dans les pays d'Europe communautaire, ce qui n'exclut pas de renforcer les sections consulaires de ces ambassades tout en poursuivant la rationalisation de notre maillage consulaire. A cet égard, la fermeture des consulats de Florence et de Mons paraît aller dans le bon sens.
En conclusion, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 1997, tout en s'interrogeant sur les conditions logistiques de la présence de la France à l'étranger dans les années à venir. Il est probable, en effet, que nos ambitions devront être adaptées à la réalité de budgets désormais très contraints. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre diplomatie culturelle est un aspect essentiel de notre diplomatie tout court. C'est parce qu'elle contribue très largement au rayonnement de la France que nous sommes tous ici, je pense, soucieux de lui accorder les moyens nécessaires à son action.
Soucieux est bien le mot qui convient, cette année encore, à la lecture de la dotation budgétaire réservée à la direction générale. Reconduite globalement par rapport au budget régulé de 1996, elle est, avec 5 082 millions de francs, en recul de 3,5 % par rapport aux crédits que le Parlement avait votés l'an dernier à la même époque.
Nul ne conteste que les programmes d'économies s'appliquent à tous, bien que je sois de ceux qui pensent que les missions régaliennes de l'Etat devraient faire l'objet de quelques ménagements.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. On est cependant parvenu à un seuil où l'approche exclusivement comptable a atteint ses limites. Avec les crédits d'investissement, les crédits d'intervention de la direction générale sont les plus affectés par la baisse ; or ces derniers constituent le coeur de notre action culturelle et de notre coopération scientifique et technique. Si la tendance se poursuit, notre réseau culturel risque de n'être plus qu'une coquille vide.
Je n'ignore pas les efforts d'imagination déployés par la direction générale pour restructurer un réseau et tenter, avec des moyens réduits, de préserver l'essentiel.
Je voudrais cependant, monsieur le ministre, vous faire part de certaines interrogations.
Avons-nous encore les ressources nécessaires à la mise en oeuvre d'une ambition universelle en la matière, ou le moment n'est-il pas venu de concevoir une nouvelle géographie de notre action culturelle extérieure ?
En 1997, cinq centres et instituts fermeront et d'autres suivront. Si une stratégie de redéploiement est engagée, elle doit être établie sur une base pluriannuelle. De même conviendrait-il que le Parlement soit informé, en amont, de son ampleur et des critères qui guident sa définition : quelles sont les zones prioritaires et celles qui ne le sont pas ? Quelle part fait-on à la proximité géographique, à l'accompagnement de notre implantation économique et commerciale, à la préservation d'une influence politique ou linguistique ? Bref, la liste n'est pas limitative.
Ne faut-il pas, enfin, imaginer une structure juridique nouvelle pour le réseau culturel, qui lui ouvre les mêmes opportunités que le British Council ou le Goethe Institut ?
Permettez-moi d'aborder, avant de conclure, deux autres sujets.
En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger tout d'abord, bien qu'il soit préservé, les postes d'expatriés sont encore en diminution et leur transformation en postes de résidents entraîne une augmentation des frais d'écolage. Les recrutés locaux restent toujours en fonction au salaire minimum et sans couverture sociale.
Dans certains pays, nos établissements, en scolarisant très majoritairement des élèves nationaux, contribuent largement à la diffusion de nos valeurs et de notre culture ; il faut s'en réjouir. Ne conduit-il cependant pas aussi, c'est le revers de la médaille, à déresponsabiliser les autorités nationales à l'égard de leurs propres structures éducatives ? La mise en place, uniquement pour ces établissements, de conventions de coopération éducative leur permettant de recruter des détachés administratifs libérerait des postes d'enseignant du réseau, qui seraient redéployés vers des zones prioritaires.
Le second sujet concerne l'audiovisuel extérieur, qui suscite de ma part un constat et une question.
Je dresse le constat que 83 millions de francs manqueront en 1997 par rapport aux prévisions établies en 1995 par le conseil de l'audiovisuel extérieur de la France, le CAEF. Cela implique l'étalement de nombreux projets pourtant essentiels pour conforter notre présence audiovisuelle dans le monde.
La question concerne la configuration future du pôle, ou des pôles, de l'audiovisuel extérieur. Il semble que l'idée du CAEF 1995 de donner une part majoritaire aux opérateurs télévisuels publics nationaux dans le capital de Télé-FI soit désormais abandonnée. On en sait d'ailleurs un peu plus depuis - et j'y reviendrai dans mon intervention générale - mais, à l'époque où le rapport a été rédigé, nous ne savions pas ce que nous savons aujourd'hui. Cette idée avait pourtant le mérite d'impliquer France Télévision dans l'action extérieure.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous fassiez devant nous le point sur ce dossier, sur lequel le Gouvernement semble avoir infléchi sa position initiale.
Malgré les inquiétudes partagées par l'ensemble des commissaires, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits 1997 de l'action culturelle extérieure. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, du RPR et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bordas, rapporteur pour avis.
M. James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du Quai d'Orsay est incontestablement placé sous le signe de la rigueur avec ces 5,82 milliards de francs, soit 3,43 % de moins par rapport à la loi de finances de 1996.
Faisant suite aux exercices de régulation budgétaire qui ont entamé, au cours des six dernières années, les moyens de cette direction générale, la diminution des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 affecte toutes les composantes de l'action culturelle et scientifique extérieure : le plan quinquennal pour l'audiovisuel extérieur sera rééchelonné sur une année supplémentaire, la restructuration du réseau des établissements culturels sera accélérée, les programmes de création de classes bilingues et de filières universitaires francophones seront « révisés » à la baisse. Le soutien accordé aux programmes de diffusion artistique à l'étranger décroîtra, comme le feront également les crédits destinés à l'accueil des boursiers étrangers en France, aux échanges scientifiques, aux fouilles archéologiques, à la diffusion du cinéma français à l'étranger, à la coopération linguistique et éducative.
Dans ce contexte, on peut se féliciter de la progression de la dotation accordée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ou à Radio-France internationale, même si cette évolution traduit en réalité une reconstitution de leur base budgétaire consécutive aux prélèvements opérés sur les fonds de roulement de ces organismes.
Dans ces conditions, il importe tout particulièrement que soit scrupuleusement respecté, en 1997, le budget voté par le Parlement.
A défaut, il est à craindre que la récurrence des exercices de régulation budgétaire finisse par compromettre la définition même d'une politique de coopération culturelle, éducative et scientifique cohérente.
Parce que les annulations de crédits en cours d'année portent prioritairement sur les crédits d'intervention, la répétition de ces exercices pourrait conduire la France à entretenir à l'étranger un réseau d'établissements culturels surdimensionné au regard des moyens d'intervention mis à sa disposition.
Parce que les économies significatives sont plus facilement réalisées, en cours de gestion, sur les enveloppes richement dotées, les mesures de régulation budgétaire freinent le redéploiement nécessaire de l'action culturelle et scientifique vers les zones géographiques prioritaires, c'est-à-dire essentiellement vers l'Asie et les pays d'Europe centrale et orientale.
Enfin, et parce qu'elles perturbent le rythme d'exécution des projets de coopération arrêtés conjointement avec des partenaires étrangers, ces pratiques fort regrettables risquent finalement de porter atteinte au crédit de la France hors de ses frontières.
Compte tenu de la brièveté du temps de parole qui m'est imparti, je consacrerai le reste de mon exposé à la politique audiovisuelle extérieure de la France, et plus particulièrement à sa composante télévisuelle.
Nous nous inquiétons du retard pris dans la constitution du pôle télévisuel extérieur qui doit réunir, au sein d'une même société holding, Canal France international et TV5.
Ce retard doit, semble-t-il, être imputé aux hésitations qui caractérisent la volonté gouvernementale en ce domaine.
Après que le ministre de la culture eut annoncé cet été, à l'université d'Hourtin, que France Télévision serait « le pivot » du remaniement de l'audiovisuel extérieur et qu'elle détiendrait « la majorité de la holding contrôlant TV5 et Canal France international », des rumeurs insistantes laissent entendre - ou peut-être devrais-je dire « laisseraient » entendre - que la préférence du Premier ministre irait à la constitution d'une société au sein de laquelle l'Etat serait majoritaire et dont la présidence pourrait être confiée à M. Jean-Paul Cluzel, président de Radio-France internationale. J'ai l'impression que les choses ont avancé ces dernières vingt-quatre heures, et vous nous apporterez sans doute des précisions à ce sujet, monsieur le ministre.
En tout état de cause, la querelle entre les tenants de la « logique des métiers », qui a prévalu lors d'un récent CAEF, et les partisans de la création d'une BBC à la française réalisant la fusion, en un pôle unique, des activités radiophoniques et télévisuelles, doit être définitivement tranchée.
Reste encore à préciser le rôle que jouera France Télévision au sein du futur pôle télévisuel. Les uns font valoir qu'une participation majoritaire des chaînes publiques au capital de la nouvelle société serait de nature à faciliter l'accès de Canal France international aux programmes ; les autres soutiennent que l'Etat ne peut rester minoritaire au sein d'une société chargée de véhiculer « l'image et la voix de la France » à l'étranger.
Quelle que soit la solution qui sera appelée à prévaloir, il importe qu'une décision soit prise dans les plus brefs délais. Les atermoiements qui semblent caractériser la conduite de la politique audiovisuelle extérieure, et que ne contribue pas à simplifier la multiplicité des interlocuteurs ministériels compétents, ont des conséquences regrettables sur l'action des deux principaux opérateurs télévisuels que sont CFI et TV5.
Je conclurai mon exposé en vous indiquant, monsieur le ministre, que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux relations culturelles, scientifiques et techniques, en souhaitant fermement que le budget voté par le Parlement puisse être intégralement préservé en cours d'exercice. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la francophonie se veut un espace de solidarité. Cette solidarité doit se manifester envers la population de trois pays francophones : le Rwanda, le Burundi et le Zaïre, plongés dans un drame épouvantable.
Pour son honneur, la France a été l'un des tout premiers pays à réagir et à proposer sa participation à une force multinationale de protection des organisations humanitaires. Le Canada, autre pays francophone, a accepté de prendre la tête de cette force.
Il faut bien constater qu'au lendemain du vote du Conseil de sécurité les médias nord-américains ont largement répandu l'image de réfugiés rentrant au pays, laissant entendre à la communauté internationale qu'était venu le moment du lâche soulagement.
Malgré l'imprécision des informations, il est pourtant évident que de très nombreuses vies humaines sont encore menacées, notamment au Rwanda, au Kivu et au Burundi, parmi les réfugiés comme parmi la population zaïroise de souche, ainsi que l'a rappelé le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Mieux que d'autres, les francophones l'ont compris. Un tel drame montre la nécessité pour la francophonie de se doter de structures efficaces lui permettant d'acquérir une véritable personnalité dans le concert politique mondial.
La décision de choisir au sommet de Hanoi, à l'automne 1997, un véritable secrétaire général de la francophonie marquera une étape essentielle dans cette reconnaissance, à condition que ce responsable obtienne bien le rôle prééminent qui assurera son autorité.
Aux côtés de l'exécutif francophone, il y a place aussi pour une véritable francophonie parlementaire.
Reconnue comme l'assemblée parlementaire consultative de la francophonie au sommet de Maurice, l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française, l'AIPLF, attend encore que les procédures de consultation ainsi évoquées entrent dans les faits.
Je suis convaincu que vous aurez à coeur, monsieur le ministre, de faire reconnaître, dans la charte de la francophonie qui se prépare, ce souhait des représentants de cinquante parlements.
Il me faut maintenant parler des crédits de la francophonie.
Comme bien d'autres rapporteurs, j'ai été très irrité l'an dernier par la mesure de gel appliquée à une partie des crédits votés peu après leur examen par le Parlement.
Il est indispensable que de tels faits ne se renouvellent pas, car ils mettent en cause l'intérêt même du débat budgétaire.
En 1997, les crédits d'intervention du service des affaires francophones s'établissent à 61,3 millions de francs, c'est-à-dire, à très peu de chose près, la même somme que l'an dernier après le gel de 2,4 millions de francs auquel il a été procédé.
Ce montant est encore acceptable s''il n'y a pas de nouveaux gels. En revanche, si cette détestable pratique devait se renouveler, nous serions alors entrés dans une spirale de régression inadmissible, et cela d'autant plus que la faculté d'orientation du secrétaire d'Etat ne s'exerce guère que sur 11,7 millions de francs, les autres étant déjà affectés au titre des engagements des sommets de la francophonie.
Il faut, bien sûr, considérer le total des crédits consacrés par les pouvoirs publics - tous ministères réunis - à la défense de la langue française et au développement de la francophonie.
Ce total peut être estimé à 5 213,3 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une baisse de 2,1 % par rapport aux crédits de 1996. Il faut souhaiter que soit mis un terme à cette lente, mais constante, érosion des crédits.
Notre effort ne doit pas se relâcher. En effet, malgré l'importance de notre action, le rôle international de la langue française est en recul. L'explication en est simple.
Au Vietnam, nous faisons un gros effort pour enseigner notre langue. Mais quel sera le devenir des étudiants francophones si les entreprises françaises au Vietnam embauchent de préférence des anglophones parce que la langue de l'entreprise est l'anglais ? On pourrait constater les mêmes faits au Liban.
Le Président de la République a répété à diverses reprises que l'avenir du français se jouerait dans l'Union européenne.
Or des faits inquiétants, inacceptables, nous sont rapportés : les cabinets de consultants travaillant pour l'Union européenne au Liban exigent de tenir leurs réunions en anglais.
Les programmes européens TACIS à destination de la CEI et PHARE à destination de la Pologne et de la Hongrie sont rédigés en anglais.
Tout se passe comme si l'anglais devenait la langue unique des relations internationales de l'Union européenne. S'il en était ainsi, le français perdrait une grande partie de sa raison d'être internationale. Il faut donc réagir et ne pas hésiter éventuellement à aller à l'incident.
Une volonté forte, une action vigoureuse et coordonnée peuvent permettre au français de maintenir sa place. L'action menée avec succès aux jeux Olympiques d'Atlanta l'a prouvé.
En proposant l'adoption des crédits de la francophonie, la majorité de la commission des affaires culturelles a montré sa volonté de vous aider dans un combat essentiel au rayonnement de la France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 34 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 28 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 23 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, très attaché, personnellement, au devenir du bassin méditerranéen comme à celui du continent africain, je salue l'heureux hasard du calendrier qui fait aujourd'hui coïncider notre réflexion sur le budget des affaires étrangères avec l'ouverture du 19e sommet franco-africain regroupant les représentants de quarante Etats. Je consacrerai une partie de mon intervention à ce continent.
Je commencerai par formuler un premier constat d'ordre général : ce projet de budget n'échappe pas à la baisse décidée pour résorber les déficits et maîtriser les dépenses publiques.
En régression de 5,5 % en francs constants, ce budget permettra-t-il de continuer à affirmer l'action internationale de la France, que nous voulons ambitieuse, stratégique et cohérente, tant sur le plan du rayonnement de notre pays que sur celui de l'aide humanitaire et de l'aide au développement ? La question reste posée d'autant qu'une dualité ministérielle en complique parfois la compréhension, en dépit d'un travail de partenariat des deux ministères impliqués... quand un troisième n'entre pas en jeu ! Mais ce problème n'est pas à l'ordre du jour.
L'effet en soi négatif de cette baisse des crédits alloués au ministère des affaires étrangères, comme à celui de la coopération, peut être partiellement atténué par une modernisation des structures et un recentrage des objectifs. Pratique de bons sens ! On ne peut qu'encourager l'approfondissement d'une telle réflexion s'il atteint un double dessein : participer à l'indispensable évolution des affaires étrangères tout en s'attaquant à la compression des dépenses publiques.
Ce budget est affecté par une réduction de crédits de 230 millions de francs consacrés au maintien de la paix en ex-Yougoslavie. Cette baisse est heureusement neutralisée par l'imputation de cette action et des crédits correspondants au budget de la défense, glissement qui semble rétablir une logique dans les types de missions.
Il faut, en revanche, déplorer le non-remboursement actuel par l'ONU de trois milliards de francs investis dans des opérations de maintien de la paix. Cette régularisation demeure problématique dans le futur, compte tenu du nombre des Etats débiteurs, dont le plus important reste les Etats-Unis.
S'agissant du réseau diplomatique de la France dans le monde, je ne peux qu'approuver le travail que vous poursuivez, monsieur le ministre, depuis votre prise de fonctions. Nous savons, en effet, l'importance de ce réseau tant sur le plan politique, administratif, culturel, commercial que sur le plan prospectif.
La réflexion relative à un tel réseau diplomatique appelle cependant plusieurs observations.
Nous remarquons combien, parfois, une mission aux multiples facettes repose sur des structures insuffisantes. Je n'en donnerai que deux exemples. Ainsi, dans le secteur allant de la Volga à l'Oural, nous n'avons qu'un seul attaché linguistique, et l'on conçoit aisément la charge démesurée d'un tel rôle. Par ailleurs, j'ai pu constater, à l'occasion du jumelage de Marseille et de Shanghai, « ville-moteur » du développement économique dans la région, que nos structures, malgré tout le travail accompli, ne pouvaient satisfaire l'ampleur des besoins.
Mon premier exemple figure certes parmi les extrêmes, mais il est révélateur des faiblesses d'une partie de notre réseau diplomatique eu égard à l'évolution de certaines contrées. C'est pourquoi je souhaiterais connaître votre point de vue, monsieur le ministre, quant à l'utilité de renforcer nos représentations vers des régions émergentes d'Europe centrale et orientale, des pays du Mercosur et d'Asie. Considérez-vous notre réseau comme suffisant dans sa composition actuelle ou bien estimez-vous important de le développer et de redéployer postes et crédits ? Si oui, dans quels délais et selon quelle progression géographique ? Doit-on prévoir des dépenses supplémentaires dans un budget en baisse, impliquant des économies dans d'autres représentations qui peuvent, elles, s'avérer moins importantes dans la conjoncture ?
Je m'interroge également - je ne suis pas le seul, je l'ai vu - sur l'avenir à moyen terme des représentations françaises dans les Etats de l'Union européenne. Quel peut être le rôle des nouvelles ambassades de France, au demeurant fort coûteuses, à Bruxelles ou à Berlin ? Que deviendront les missions imparties aux ambassadeurs en poste dans les Etats membres de l'Union européenne ? Ne pourrions-nous pas envisager, dans la construction européenne, la mise en commun de représentations dans certains pays ?
J'aborderai un autre sujet de réflexion : les crédits de la culture, dont les montants baissent de 2,9 %. J'observerai tout d'abord que les actions culturelles jouent le rôle de vitrine de la France à l'étranger, de ses modes de vie et de pensée. Elles attirent un public disposant d'un bon niveau de formation et dont les motivations à l'égard de la France sont très positives.
Voilà pourquoi je persiste à penser que les baisses de crédits destinés aux actions culturelles ne peuvent agir qu'au détriment de la France. Si ces économies sont nécessaires pour des raisons budgétaires en 1997, j'espère que les crédits alloués à ce poste ne subiront pas un sort similaire en 1998. En ce domaine encore, des coopérations européennes peuvent être envisagées en conservant la diversité des racines, des langues et la spécificité de chacun.
Lors du récent débat sur la politique étrangère, j'ai orienté une partie de mon propos sur l'intérêt du bassin méditerranéen. Je voudrais aujourd'hui évoquer l'Afrique subsaharienne, vers laquelle nos regards de Méditerranéens se portent bien sûr.
Sans affirmer que le continent africain figure parmi les nouvelles zones émergentes, je souhaite néanmoins combattre le préjugé fort répandu qui condamne d'emblée à une issue négative toute entreprise en rapport avec l'Afrique.
L'afro-pessimisme est en soi un handicap qui joue sur tous les plans au détriment des projets africains, même - et j'ose aborder ce sujet - dans le secteur du tourisme où l'Afrique dispose d'atouts majeurs encore inexploitables, il est vrai, en bien des pays, alors que le développement de ce secteur permettrait une meilleure connaissance humaine et une compréhension mutuelle plus étayée.
De nombreux spécialistes de cette région du monde s'accordent aujourd'hui pour penser qu'après quarante ans d'indépendance l'Afrique commence à donner des signes positifs. Une démocratisation s'instaure dans certains pays africains et remplace des pouvoirs totalitaires. N'est-ce pas une raison de nous engager dans ce processus ? On constate aussi que plusieurs Etats africains effectuent un décollage économique significatif, avec parfois une croissance à deux chiffres. Parmi ceux-là figurent, en premier lieu, l'Ouganda, la Côte-d'Ivoire, le Mali, le Burkina et le Sénégal.
Autre fait remarquable : le continent a connu en 1995 une croissance économique de 4 % en moyenne, supérieure d'un point à sa croissance démographique moyenne, qui s'élève à 3 %. Une accélération de cette croissance économique est bien sûr indispensable, mais on peut enfin constater qu'un renversement de situation est bien en cours.
C'est pourquoi il est impératif de combattre le préjugé qui joue au détriment de l'investissement privé en Afrique. Ce continent n'a, jusqu'à présent, attiré que 3 % des flux mondiaux d'investissements privés. La voie doit être montrée par l'investissement public, qui doit intervenir dans les secteurs de la santé, de l'éducation, des infrastructures routières des transports et des services agricoles.
Autre progrès significatif : on note que la plupart des Etats africains ont procédé à l'amélioration de leur cadre législatif. Ils ont consenti des avantages fiscaux et douaniers qui se sont matérialisés par la conclusion de 260 accords bilatéraux et de 150 traités pour éviter la double fiscalité.
La répartition par Etat est certes très inégale : le Nigeria concentre, par exemple, la moitié des investissements, suivi de l'Angola et du Ghana, dont le développement est spectaculaire.
La toute récente constitution de l'alliance pour l'industrialisation de l'Afrique, destinée à contrecarrer la gestion déficitaire des peu nombreuses industries africaines, est un bon signe. Elle fait partie des coopérations indispensables consacrées à l'amélioration de la répartition des productions.
Ces coopérations sont pour lors envisageables au niveau bilatéral, par exemple entre la Côte-d'Ivoire et le Mali, entre le Congo et le Gabon, ou bien encore entre le Burkina et le Niger. On trouve là l'amorce d'une intégration régionale qui permettrait le développement de structures d'acheminement, indispensable outil du développement. Après des décennies d'aide sans véritable signe de résultat positif pour l'avenir, allons-nous, monsieur le ministre, réduire notre effort alors même qu'il semble commencer à porter ses premiers fruits ?
Comment ne pas évoquer néanmoins la crise des Grands Lacs ?
La responsabilité de l'Europe dans cette partie du monde lui donne le devoir de participer au sauvetage des réfugiés non rentrés au Rwanda. Après la résolution 1080 autorisant l'acheminement de l'aide humanitaire, adoptée par l'ONU le 15 novembre dernier, rien n'a, à ce jour, été décidé, si ce n'est des parachutages de vivres bien aléatoires. Le mot est même faible puisque le commissaire européen Mme Emma Bonino indiquait dernièrement : « C'est une vraie honte ! La vérité c'est qu'on ne veut rien faire. »
Ce problème semble insoluble, dans la mesure où les réfugiés entrés au Rwanda ne pourront bénéficier de l'aide, ce pays refusant aux forces multinationales d'utiliser son territoire et l'Etat zaïrois venant d'annoncer qu'il s'opposait lui aussi à l'entrée des ces forces sur son territoire ou au survol de celui-ci. Ce n'est toutefois pas une raison suffisante pour que nous ne fassions plus rien.
Selon le président malien, M. Alpha Oumar Konaré, l'instabilité politique et la circulation des armes en Afrique prennent leur source dans un déficit démocratique. Notre pays, qui affirme à juste titre que l'état de droit est la grande priorité de sa politique de coopération, est bien au coeur du problème.
En effet, les pouvoirs en place à Kigali, à Bujumbura et à Kinshasa ne sont pas issus du suffrage universel. C'est pourquoi je me demande si nous pouvons justifier l'aide militaire de 55 millions de francs, dont 20,5 millions de francs de matériels, que la France a attribuée au Rwanda en 1993. Ne pensez-vous pas que, dans les pays de non-droit, la France devrait se limiter à apporter une aide humanitaire ?
L'état de droit et la démocratie me conduisent à une réflexion concernant les immenses problèmes posés par l'actuelle phase de transition qui fait suite à l'effondrement du bloc de l'Est.
Alexandre Soljenitsyne, dans Le Monde daté du 27 novembre 1996, dénonce l'oligarchie qui gère les destinées de son pays. Il souligne que « le système de gouvernement jouit de la même absence de contrôle, de la même absence de responsabilité devant le corps social et de la même impunité que l'ancien pouvoir communiste » et qu'« on ne saurait, avec la meilleure volonté du monde, l'appeler démocratie ». Mais la démocratie ne s'impose pas, elle se gagne, et difficilement. La présence française ne peut que favoriser une telle évolution.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux inquiétudes, aux interrogations que je viens de vous livrer, j'aimerais ajouter une idée exprimée par Tolstoï : « Ce qui a toujours mené le monde, c'est la coïncidence des volontés. » La mission confiée au ministère des affaires étrangères consiste justement à faire naître les concordances et à fédérer les coïncidences.
Monsieur le ministre, entre ces divers impératifs, votre mission consiste à relever un défi pour concilier ce qui peut paraître inconciliable. Malgré les réserves, les doutes et les inquiétudes que j'ai pu émettre, je garde confiance. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 1997 est en réduction de 4 %, soit une baisse sensiblement supérieure à celle qui est appliquée au budget général qui est de 0,8 %.
Bien que partageant avec le Gouvernement la préoccupation de maîtrise des dépenses publiques et de préparation de notre pays à l'Union économique et monétaire, je déplore cette ponction sur un projet de budget déjà trop modeste, au moment où il est admis que c'est de plus en plus sur les plans politique et diplomatique que les problèmes internationaux doivent être traités et résolus, les solutions militaires appartenant davantage au passé, comme en témoignent les réductions qu'enregistrent les budgets militaires des grands pays.
La mondialisation des échanges exige aussi qu'un effort particulier soit réalisé pour accroître les parts de marché à l'extérieur ; c'est le développement des exportations qui stimulera la croissance en France et, par voie de conséquence, l'emploi, ce dont nous avons tant besoin. Cette seule donnée aurait justifié que le projet de budget du ministère des affaires étrangères soit considéré comme prioritaire et augmenté.
La politique que vous conduisez en ce sens, monsieur le ministre, suivant les directives du Président de la République, est très encourageante. La rencontre organisée dans les Pays de la Loire entre nos ambassadeurs et des entreprises de la région est, à ce titre, exemplaire, et nous vous en félicitons.
Nous ne doutons pas que vos services sachent mieux s'organiser pour compenser la réduction de leurs moyens. Mais ne doit-il pas en être de même dans tous les autres ministères, qu'ils soient prioritaires ou non ? Certes, le budget du ministère des affaires étrangères ne représente qu'une partie des crédits consacrés à l'action extérieure de la France : 14 milliards de francs sur 48 milliards de francs. Ne conviendrait-il pas que votre ministère, dont c'est la vocation par excellence, exerce une plus grande unité de direction dans le cadre du comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger, en opérant tous les regroupements souhaitables ? Je pense, bien sûr, aux services du ministère de la coopération, dont l'action s'exerce sur soixante-dix pays indépendants. Il en va de même de nombreux crédits de l'action extérieure gérés par la direction du Trésor, dont le rôle est de les mettre en place et d'en contrôler la bonne application. Ainsi, vous seriez mieux à même de répondre à l'évolution de plus en plus rapide du monde en procédant au redéploiement de votre important réseau diplomatique et consulaire vers les nouvelles zones d'expansion.
Deux zones des plus prometteuses se trouvent très éloignées de notre pays, abritant de ce fait une communauté française quantitativement très insuffisante ; je songe ici à l'Asie du Sud-Est, et je rappelle le grand succès du récent sommet de Bangkok, ainsi qu'à l'Amérique latine, où notre influence reste forte et où se rendra le Président de la République au printemps prochain.
Les postes mixtes regroupant les problèmes économiques, administratifs et culturels, comme à Canton, ne constituent-ils pas la solution si l'on cherche à assurer une présence plus efficace sur le terrain ? Ce regroupement des services ne devrait-il pas être généralisé à l'ensemble des pays ?
Un grand sujet de satisfaction dans votre budget, monsieur le ministre, est le maintien des crédits en faveur des Français résidant à l'étranger, tant pour l'assistance et la solidarité aux personnes les plus démunies qu'en ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger. La sauvegarde de ces lignes budgétaires marque la nette volonté du Gouvernement de poursuivre son action envers ceux de nos compatriotes qui portent courageusement les intérêts de la France à l'extérieur.
L'agence pour l'enseignement français à l'étranger pourra ainsi renforcer ses implantations scolaires en les orientant vers les zones émergentes. Le succès de nos établissements, dans une période mutation où les rencontres humaines sont primordiales, est confirmé par les brillants résultats qu'ils obtiennent aux baccalauréats. A leur sujet, je poserai deux questions.
L'expatriation française restant insuffisante, ne vous paraît-il pas important de continuer à développer pour les élèves français l'excellent système actuel des bourses, dont l'enveloppe représente seulement 8,5 % des crédits de l'Etat pour l'enseignement français à l'étranger, quitte à rapprocher les droits de scolarité des coûts réels, à l'instar de ce que pratiquent les grands pays comparables au nôtre ?
Par ailleurs, ne pensez-vous pas indispensable, monsieur le ministre, d'harmoniser les traitements des enseignants français à l'étranger titulaires de l'éducation nationale, dont la disparité des salaires, proche de 3 à 1, à tâches et à diplômes équivalents, crée de graves inégalités et frustrations ?
En tout état de cause, la réduction des dépenses publiques nous impose d'imaginer des formules nouvelles pour le développement de l'enseignement français à l'étranger, soit par des formules de coopération entre les établissements scolaires de l'Union européenne, quand cela est possible, soit par la création de postes d'enseignants français, chargés de cours de langue française en particulier, dans les établissements étrangers qui le souhaitent, avec, bien entendu, la réciprocité d'accueil d'enseignants de langues étrangères en France, ce qui éviterait toute incidence budgétaire.
Je terminerai en insistant sur deux points.
Par suite de l'insuffisance du nombre de nos expatriés, une réelle volonté politique est nécessaire pour dynamiser les départs de France, indispensables à la représentation de notre pays dans le monde...
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel. ... et au renouvellement des générations d'expatriés. La formule des coopérants du service national, que la prochaine réforme de la conscription va supprimer, doit être remplacée par un volontariat d'apprentissage à l'étranger,...
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel. ... avec un nombre de postes qui pourrait être accru jusqu'à 10 000 cancidats volontaires. Des dispositions ont-elles été prévues à cet égard ?
Enfin, dernier point, l'action audiovisuelle extérieure constitue de plus en plus le véritable vecteur du développement de la francophonie et du rayonnement mondial de notre pays.
Sans mésestimer l'importance des crédits et des personnels qui doivent être consacrés à l'action extérieure, les médias constitueront un élément déterminant de notre présence internationale, tant pour le soutien à l'action économique et diplomatique que pour le lien indispensable avec nos ressortissants sur les cinq continents.
M. Charles de Cuttoli. Très bien !
M. Hubert Durand-Chastel. Une telle ambition ne se traduit pas encore dans les chiffres. Il convient d'envisager dès à présent, pour 1998, un rattrapage des mesures nouvelles initialement prévues pour 1997 dans le programme pluriannuel défini par le centre audiovisuel extérieur mais que le budget que nous examinons aujourd'hui ne pourra réaliser.
Au-delà des crédits budgétaires, compte tenu de l'action du Gouvernement tendant à renforcer l'action extérieure de la France et des progrès indéniables accomplis, nous vous assurons de notre confiance et nous voterons votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Habert. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Voilà plusieurs années, monsieur le ministre, que je mets à profit la discussion du budget de votre ministère pour attirer l'attention du Gouvernement sur les répercussions du maintien de l'embargo qui est appliqué à l'Irak depuis la guerre du Golfe.
Bien entendu, comme la plupart d'entre nous, j'ai été solidaire de la diplomatie française et de la communauté internationale lorsqu'il s'est agi de sanctionner l'agression qu'a subie le Koweit de la part de son voisin irakien. Je continue à souscrire aux mesures mises en oeuvre pour contrôler les armements en Irak et pour proscrire la fabrication d'armes nucléaires et chimiques par ce pays.
Il s'avère toutefois que le maintien de l'embargo constitue la manifestation de la volonté politique des pays anglo-saxons de « punir un Etat » qui est ainsi mis au ban de la communauté internationale. Il importe de souligner que l'Irak a globalement satisfait aux obligations internationbales en démantelant son dispositif militaire offensif.
Les observateurs des Nations unies ont pu, en effet, constater que l'Irak avait exécuté les obligations qui lui avaient été prescrites en matière d'armement.
Encore convient-il de relever que la commission des Nations unies chargée du contrôle et de la destruction des armements prohibés comporte une sur-représentation de pays anglo-saxons, hostiles au régime irakien pour des raisons de politique intérieure, cette caractéristique étant sans doute à l'origine de certains procédés de contrôle excessivement tatillons, voire vexatoires pour l'Irak.
Ce comportement de la commission de contrôle semble aboutir, en définitive, à différer la normalisation des relations entre l'Irak et la communauté internationale.
Est-il besoin de répéter que la pénurie alimentaire a ramené la ration quotidienne de la population irakienne en dessous du minimum vital. La malnutrition, les carences alimentaires et les insuffisances en matière médicale et hospitalière touchent gravement le peuple irakien, et en particulier les enfants.
Mme Danielle Bidard-Reydet. C'est vrai !
M. Serge Mathieu. Ainsi, l'UNICEF a constaté que plus de 9 % des bébés étaient plus ou moins mal nourris.
La pénurie de médicaments et de matériel médical a provoqué une augmentation de la mortalité, notamment chez les enfants, alors même que médecins et chirurgiens doivent faire face à un profond dénuement du système médical et hospitalier.
On peut, dès lors, s'interroger sur les raisons de l'acharnement de certains membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies à maintenir l'embargo.
S'il s'agit de précipiter la chute du président irakien, le calcul se révèle profondément erroné puisque la misère engendrée par l'embargo nourrit un sentiment nationaliste qui favorise son maintien à la tête du pays.
J'ajoute que, reconnaissant sans restriction la souveraineté de l'Etat du Koweit, l'Irak a satisfait aux obligations de la résolution 833 du Conseil de sécurité de l'ONU.
Toute la communauté internationale - et en particulier la France - s'était réjouie que le Conseil de sécurité des Nations unies ait autorisé la mise en oeuvre de la résolution 986, dite « pétrole contre nourriture », qui devait permettre à l'Irak de vendre pour 2 milliards de dollars de pétrole tous les six mois afin de disposer de devises lui permettant d'acheter des vivres et des médicaments.
Les Etats-Unis ont pris prétexte des troubles survenus dans le Kurdistan, en septembre dernier, pour opposer, une fois encore, leur veto à l'application de la résolution 986, privant de ce fait l'Irak des quelques ressources qui auraient permis d'améliorer la situation alimentaire et sanitaire de sa population.
Je me réjouis que l'Irak ait accepté, le 25 novembre, les conditions fixées par les Nations unies pour l'application de la résolution 986.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de poursuivre vos efforts pour que la communauté internationale prenne acte des efforts réalisés par l'Irak pour satisfaire aux obligations dictées par l'ONU et, par conséquent, pour que l'embargo soit progressivement levé.
Je vous exprime cette demande au nom des liens historiques nous liant au peuple irakien, que l'embargo continue à plonger dans le dénuement et à étrangler.
Je tiens à rendre hommage et à approuver sans réserve les propos tenus par le Président de la République, M. Jacques Chirac, lors de son récent voyage dans les pays arabes et en Israël, sur la situation au Proche-Orient et sur la nécessité de rompre l'isolement qui frappe l'Irak. J'ai eu le sentiment, empreint d'une certaine fierté pour mon pays, en écoutant ses déclarations, que l'on pouvait de nouveau parler de la « politique arabe de la France ».
Ayant eu l'honneur d'accompagner M. le président du Sénat au cours d'un voyage en Albanie, je souhaite évoquer la situation de ce petit pays qui ne compte, en effet, que 3,42 millions d'habitants, qui est la nation la plus pauvre d'Europe et dont 60 % de la population active occupent un emploi dans l'agriculture.
Depuis la chute du régime communiste, en 1991, l'Albanie a accompli un remarquable processus de démocratisation et a engagé des programmes de réorganisation de son économie, complètement destructurée après plus de quarante ans de dictature communiste.
Des élections démocratiques, tant présidentielles que législatives et, récemment, municipales, sont intervenues. Toutefois, il convient de déplorer l'échec du référendum de novembre 1994 tendant à doter le pays d'une nouvelle constitution. En effet, il est quelque peu paradoxal que, en dépit de la démocratisation engagée, ce soit toujours la constitution de l'ancien régime qui continue à définir l'organisation des pouvoirs publics.
Je crois devoir souligner l'importance de l'effort qui a été entrepris en matière de développement agricole par ce pays et qui a permis d'éliminer toute malnutrition et tout déficit alimentaire.
Grâce à l'action vigoureuse du président Sali Berisha, qui a su galvaniser les énergies du pays, mais aussi à l'intervention du Fonds monétaire international, l'Albanie a renoué avec la croissance. Celle-ci a atteint 11 % en 1995, soit le taux le plus élevé de tous les pays ex-communistes de l'Europe de l'Est.
Il est indispensable que la communauté internationale, en particulier l'Union européenne et la France, apporte leurs concours à l'effort de développement engagé par l'Albanie.
Je me réjouis, à cet égard, qu'une loi du 3 avril 1996 ait autorisé l'approbation de l'accord entre la France et l'Albanie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.
Je me réjouis également que la diplomatie française ait, sous l'impulsion du Président de la République et sous votre autorité, monsieur le ministre, renforcé sa cohérence et sa crédibilité. Ce constat s'applique à l'action menée dans l'ex-Yougoslavie comme au Proche-Orient et en Afrique.
La France reste, plus que jamais, une grande puissance sur la scène internationale. Le résultat doit beaucoup à votre action déterminée et courageuse, monsieur le ministre. Tels sont les motifs pour lesquels je voterai, sans aucune réserve, votre budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, ma préoccupation principale concerne les quelque 1 700 000 Français qui se sont expatriés. Cette expatriation est faible au regard de nos principaux partenaires, notamment européens.
Nous devons donc tout mettre en oeuvre pour développer notre expatriation, ainsi que l'ont indiqué à plusieurs reprises le Président de la République et le président du Sénat.
Nos compatriotes ne doivent pas craindre de s'expatrier. Ils doivent être assurés que, quelles que soient les conditions de leur résidence à l'étranger, ils seront traités de la même façon que les Français demeurés en métropole et qu'ils bénéficieront des mêmes droits.
C'est dans cet esprit que, en 1977, sous le gouvernement de M. Barre, avait été créé au sein de votre ministère le fonds d'action sociale. L'idée était alors de faire un parallèle entre les aides accordées en métropole aux plus défavorisés et celles qui étaient destinées aux Français de l'étranger.
A l'époque, un plan quinquennal avait permis la constitution de ce fonds et l'attribution aux Français âgés nécessiteux ou aux handicapés d'une aide comparable au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes handicapés. Le fonds d'action sociale devait d'ailleurs progresser jusqu'à ce que les allocations ainsi attribuées atteignent un niveau comparable à celui de la métropole et assurent la couverture maladie des allocataires.
Cette progression a bien eu lieu pendant quelques années mais, après 1982, on a assisté à une stagnation des crédits. Ce n'est qu'en 1994 et en 1995, alors que M. Alain Juppé était ministre des affaires étrangères, que ces crédits ont connu une hausse sensible puisqu'elle a été de 7,5 %, mais cette progression n'a été, pour 1996, que de 0,7 %.
Le fossé se creuse donc entre l'idée originelle de 1977, les aides métropolitaines et la réalité de celles qui sont accordées aux expatriés les plus démunis. Trois raisons peuvent être avancées.
Tout d'abord, le nombre des demandes d'aide est en progression constante.
Je rentre de plusieurs voyages qui m'ont conduit en Afrique, dans les pays du Sahel et en Amérique du Sud. Partout, nos consuls m'ont indiqué qu'ils étaient confrontés à une explosion des demandes. Ainsi, au Niger, elles sont passées, cette année, du simple au double.
Or, les statistiques qui nous sont communiquées par la direction des Français à l'étranger, lors de la réunion de la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, font apparaître une légère inflexion. Le nombre des allocataires est de 5 572 en 1996 contre 5 978 en 1995.
Ces chiffres semblent donc contredire la réalité du terrain. Mais peut-être s'agit-il simplement d'une question de méthode de calcul. Les demandes de secours temporaires, par exemple, ne sont peut-être pas incluses. Il serait donc intéressant de savoir, monsieur le ministre, comment ces calculs sont effectués afin de comprendre les raisons de cette disparité.
Ensuite, les crédits affectés à ce fonds stagnent. La hausse de 0,7 % pour 1996, si elle est rapportée à l'augmentation du coût de la vie en France pour la même période, soit 2,5 %, correspond en fait à une diminution de 1,4 %.
Pour 1997, ces crédits devraient, semble-t-il, être maintenus en francs constants. Vous m'avez, monsieur le ministre, donné des engagements en ce sens, le 20 juin 1996, lors d'une séance de questions d'actualité à laquelle M. le ministre du budget assistait.
Enfin, la troisième raison réside dans une plus grande sélectivité dans l'attribution de ces aides. Nos consulats ont en effet reçu des directives leur demandant d'être beaucoup plus stricts et plus rigoureux dans la prise en compte des revenus ou avantages dont peuvent disposer, par ailleurs, les éventuels allocataires. Ainsi, il est désormais tenu compte des aides qu'ils pourraient recevoir de leurs enfants au titre de l'obligation alimentaire.
Cette position me paraît pour le moins étrange au moment où, en France, le Gouvernement y renonce en ce qui concerne le RMI, lequel n'est pas assimilable à une prestation familiale. Le même raisonnement doit s'appliquer, me semble-t-il, aux allocations de solidarité attribuées par nos consulats.
Un autre point, particulièrement délicat, concerne la non-prise en charge de la couverture maladie des allocataires du fonds d'action sociale. Il est choquant que ces personnes, qui sont parmi les plus démunies, en soient exclues alors que, en métropole, le simple fait de recevoir l'allocation vieillesse, l'allocation aux adultes handicapés ou même le RMI permet cette prise en charge.
Une fois de plus, nous constatons donc l'écart entre l'idée originelle et son application concrète vingt ans plus tard, alors qu'une solution peu onéreuse par rapport à l'ensemble du budget des affaires étrangères existe.
Pourquoi en effet, monsieur le ministre, ne pas élaborer un nouveau plan quinquennal, à l'image de celui qui avait été élaboré en 1977, qui permettrait, grâce à une augmentation annuelle de 4 à 5 millions de francs, de doter de 20 à 25 millions de francs supplémentaires au bout de cinq ans les crédits du fonds d'assistance de votre ministère ? Cette somme permettrait non seulement de faire face à l'accroissement des demandes mais également de prendre en charge le coût de l'assurance maladie des allocataires du fonds d'assistance auprès de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger que je préside.
La caisse des Français de l'étranger est prête, de son côté, à faire un effort et à accomplir son devoir de solidarité vis-à-vis de nos compatriotes, en les assurant en troisième catégorie de cotisation, catégorie pour laquelle le montant de la cotisation est le moins élevé, mais qui ouvre des droits à prestations identiques en tous points à ceux des première et seconde catégories, et ce même si nous savons pertinemment qu'il s'agit d'une population à risque et même à mauvais risque, en raison de son âge - elle est âgée de plus de soixante-cinq ans - et de sa condition physique - il s'agit de handicapés - ce qui peut être dangereux pour l'équilibre de la caisse qui, je vous le rappelle, est une caisse d'assurances volontaires.
Mais il est des circonstances où nous nous devons d'exprimer notre devoir de solidarité à l'égard de tous, y compris des expatriés, d'autant que les études qui ont été menées montrent que c'est tout à fait réalisable.
Alors, aujourd'hui, monsieur le ministre, je formule solennellement le voeu que vous mettiez très rapidement en oeuvre un plan de ce type. La caisse des Français de l'étranger est prête à collaborer et à travailler avec vous. Nos compatriotes vous en seront très reconnaissants.
Un dernier point retient mon attention. Il s'agit toujours du domaine social de votre ministère puisqu'il concerne les assistantes sociales en poste dans nos consulats et dont la mission première est d'aider nos compatriotes expatriés ou de passage qui sont en difficulté.
Leur nombre est très restreint puisqu'elles sont treize, à savoir deux titulaires de votre ministère, à Madagascar et au Maroc, et onze qui sont en fait pour la plupart des fonctionnaires détachés d'un autre ministère et donc contractuelles de votre département. Leur nombre est bien entendu très insuffisant et les demandes de postes sont concordantes.
Aussi dois-je vous faire part de mon étonnement, monsieur le ministre, lors de la récente mission que j'ai effectuée au Chili, lorsque j'ai constaté que l'assistante sociale du consulat de France à Santiago-du-Chili parlait à peine le français et qu'elle ne s'occupait, pour la plus grande part, que des anciens réfugiés chiliens que nous avons accueillis en France dans des moments, certes difficiles, mais qui ont choisi de revenir dans leur pays d'origine.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques réflexions que je souhaitais formuler sur l'action sociale de votre ministère. Les gouvernements successifs de la France depuis vingt-cinq ans ont voulu que votre ministère soit le maître d'oeuvre et l'organisateur de tout ce qui touche à l'action sociale et à l'enseignement des Français expatriés.
Je comprends qu'il en soit ainsi mais, à partir du moment où l'on assume une telle tâche, il faut savoir s'en donner les moyens, faute de quoi nos compatriotes, qui ne connaissent pas nos subtilités budgétaires et leur affectation, retiendront que, eux qui sont à l'étranger, et qui dépendent du ministère des affaires étrangères, voient le montant de leur aide s'écarter de plus en plus de la norme métropolitaine, surtout en ce qui concerne les plus démunis, et je suis sûr, monsieur le ministre, que, tout comme moi, vous ne pouvez pas l'accepter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre.
Mme Paulette Brisepierre. Monsieur le ministre, j'ai étudié attentivement le projet de budget du ministère des affaires étrangères, en gardant constamment à l'esprit l'effort auquel est contraint le Gouvernement, dans l'optique de l'assainissement des finances publiques et des exigences budgétaires auxquelles il doit faire face.
Cela dit, monsieur le ministre, je m'inquiète des conséquences que ce projet de budget, tel qu'il figure dans le projet de loi de finances pour 1997, entraînera pour le fonctionnement de votre ministère.
L'analyse qui peut en être faite, même au regard du nécessaire effort financier entrepris globalement par le Gouvernement, conduit à s'interroger sur le bien-fondé des contraintes supplémentaires imposées, cette année encore, à ce département ministériel qui a déjà accompli des efforts considérables en termes de maîtrise de sa gestion et de resserrement de son réseau diplomatique, consulaire et culturel.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, dont le volume est pourtant parmi les plus faibles, est, proportionnellement, l'un de ceux auxquels est demandé le plus gros effort : il passe ainsi de 15,34 milliards de francs à 14,438 milliards de francs.
Ce projet de budget pour 1997 fait apparaître trois caractéristiques : l'extrême limitation des moyens des services, la réduction accentuée des crédits d'intervention et, enfin, la quasi-suppression des moyens d'investissement. Ces mesures mettent de plus en plus en difficulté les missions spécifiques des agents de votre ministère en ce qui concerne tant l'action extérieure de la France que celle au service des Français de l'étranger.
Je formulerai à cet égard un certain nombre d'observations : on constate, en fait, une réduction continue des emplois ; les mesures de gel ont été, une fois encore, transformées en annulation de crédits ; les dépenses de fonctionnement sont en diminution de 83 millions de francs ; les crédits relatifs au fonds d'action pour l'aide humanitaire ont été réduits de 15 % ; enfin, les moyens d'intervention culturelle sont amputés de 3,1 %.
Nous avons, toutefois, un élément de satisfaction : les budgets de la commission nationale des bourses et de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger ont été reconduits. Cependant, cela n'a pas empêché une augmentation des droits de scolarité, difficile à supporter pour les familles. N'oublions pas, en effet, que, contrairement à la France, la scolarité est payante pour les Français de l'étranger.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Paulette Brisepierre. Au total, le projet de budget pour 1997 est en diminution de 3,96 % par rapport à la loi de finances de 1996 déjà régulée.
Je souhaite maintenant revenir brièvement sur le nombre important, cette année encore, des suppressions de postes à l'étranger.
Cette mesure est d'autant plus inquiétante que la réforme du service national, entreprise depuis le début de cette année, aboutira, à terme, à la suppression des postes de coopérants du service national, les CSN.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très juste !
Mme Paulette Brisepierre. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si les CSN seront remplacés par une autre structure et laquelle.
Il est évident qu'il ne faudra pas trop compter, dans l'avenir, sur des engagements volontaires de jeunes diplômés lorsque le service national ne sera plus obligatoire.
Par conséquent, de nombreuses questions se posent, et continueront de se poser, sur les incertitudes du volontariat liées à la réduction constante des emplois.
Il ne faut pas oublier que, en 1995, 5 272 jeunes gens ont occupé des postes de CSN et que, pour 1996, 6 160 postes de CSN ont été proposés.
Par quoi remplacera-t-on ces quelque 6 000 postes si, d'un côté, on supprime les CSN et, de l'autre, on continue à réduire les emplois à l'étranger ?
M. Jacques Habert. Très bien !
Mme Paulette Brisepierre. Même si l'optimisme de certains concernant le nombre de volontaires dans l'avenir se concrétise, aurons-nous, encore une fois, suffisamment de volontaires possédant les diplômes et la formation qui étaient exigés auparavant pour les candidats aux postes de CSN ? Leurs études terminées, ils risquent de vouloir entrer immédiatement dans la vie active si les entreprises leur proposent des postes intéressant.
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. C'est évident !
Mme Paulette Brisepierre. Le second point de mon intervention porte sur la carte diplomatique elle-même.
Alors qu'en plus des fermetures précédentes il a encore été décidé, en 1996, la fermeture de quatre ambassades et de cinq consulats, je m'interroge sur les possibilités qui seront laissées à notre réseau diplomatique, consulaire et culturel pour remplir les objectifs affichés de la politique extérieure de la France, et permettre l'amélioration des services dus à nos compatriotes de l'étranger. N'oublions pas que les consulats sont considérés, à juste titre, comme la préfecture ou la mairie des Français de l'étranger ; ils sont donc indispensables à leur implantation dans les pays étrangers.
Dès lors, je m'inquiète du calendrier éventuel de fermetures de postes dans l'avenir, qui amenuiseraient notre réseau à l'étranger par rapport à celui de nos partenaires européens, notamment l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Je souhaiterais obtenir la garantie que de nouvelles fermetures de postes ne sont pas programmées en 1997 et, dans le cas contraire, je désirerais savoir lesquelles.
Enfin, il me paraît essentiel, monsieur le ministre, que puisse être mis un terme aux procédures de régulation, de gel ou d'annulation de crédits mises en oeuvre les années précédentes par le ministère du budget.
Ces procédures sont non seulement contestables puisqu'elles annulent des crédits votés par le Parlement, mais également extrêmement préjudiciables à l'action extérieure de la France.
Cela dit, je voterai votre budget, monsieur le ministre, en espérant fermement que les remarques que je viens de formuler seront prises en considération. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le système international se caractérise par la globalisation des échanges, l'essor des nouvelles technologies, le développement de réseaux de communications transfrontalières et l'extension de laviolence intra-étatique. En même temps, ce paysage renouvelé se pare aussi des vieux habits : le clivage pays pauvres - pays riches subsiste, et de graves phénomènes de pauvreté extrême se sont développés au coeur même des nations industrialisées.
La question des migrations humaines massives, le problème des réfugiés imposent aux nations et aux organisations internationales de nouvelles règles politiques, humanitaires et réclament une solidarité accrue.
L'enjeu est de taille pour la Conférence intergouvernementale, la CIG. L'Europe sera-t-elle capable d'avancer vers une union politique réelle ? Il s'agit de faire face au risque d'une marginalisation politique et économique de l'Europe dans l'organisation du monde marquée par la globalisation. Une relance de la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC est primordiale.
L'Union européenne à quinze éprouve d'énormes difficultés à fonctionner avec les institutions actuelles. L'objectif de la CIG est justement d'y remédier. Or cette Conférence intergouvernementale manque d'élan politique, elle manque de nerf. La vraie négociation n'a pas encore commencé et il convient de s'atteler dès maintenant à l'après Dublin, en particulier pour ce qui est de l'aspect institutionnel.
J'en viens à la sécurité européenne. Nous sommes favorables à une architecture européenne de sécurité sur des bases nouvelles qui ne recrée pas des lignes de fracture en Europe. Toutefois, le virage vers l'OTAN pris par le Président de la République est contradictoire avec cette volonté d'ouverture, que nous soutenons.
Nous sommes passés de la complémentarité nécessaire entre l'Alliance atlantique et l'identité de sécurité et de défense européenne proclamée en 1991 à l'intégration atlantique de 1996.
La reconnaissance du pilier européen de défense n'implique pas, aux yeux des Etats-Unis, autre chose qu'une reconnaissance virtuelle. La construction européenne et la politique étrangère et de sécurité commune sont fragilisées.
Avant même qu'elle ne se réforme, l'Alliance, sous l'impulsion des Etats-Unis, tente de réussir son élargissement. La France joue la rénovation contre l'élargissement. Or, sans rénovation à la française, pas d'élargissement à l'américaine. Nous risquons de perdre sur les deux tableaux.
La position adoptée par le Président de la République consiste à demander que l'élargissement de l'Alliance aux anciens membres du pacte de Varsovie, qu'il considère manifestement comme étant inéluctable, s'accompagne d'un accord de sécurité entre l'OTAN et la Russie pour éviter « une nouvelle coupure de l'Europe en deux ». Toutefois, l'Alliance d'aujourd'hui apparaît encore comme un vestige de la guerre froide, ce qui rend difficile son élargissement.
L'échec dans la construction d'une défense européenne se confond fondamentalement avec celui d'une Europe politique. Grâce à la faible volonté politique dont font preuve les Européens pour créer une défense commune, l'organisation du traité de l'Atlantique Nord règne sans partage sur la sécurité en Europe, sans craindre de concurrence à moyen terme.
En ce qui concerne l'ONU, depuis plusieurs années déjà, la France s'est prononcée pour une réforme en profondeur de l'Organisation des Nations unies, qui subit une sorte d'embargo financier des Américains, qui lui doivent plus de 1,5 milliard de dollars.
Au moment où les Etats-Unis essaient d'empêcher la réélection de M. Boutros Boutros Ghali, nous tenons à dire que si les Nations unies ont connu des défaillances, si les interventions des Casques bleus ont parfois été en deçà de ce que nous attendions, la responsabilité principale en incombe aux membres du Conseil de sécurité.
Combien de résolutions non appliquées ! Trop souvent les pays qui ont voté la résolution s'en désintéressent une fois éteintes les lumières de la salle de réunion !
J'aborderai maintenant la prévention des crises et des conflits.
Dans notre proche voisinage, en Méditerranée, dans les Balkans, dans le Caucase, les crises éclatent, des conflits violents se développent. Nous devrions nous atteler à la tâche afin d'obtenir, sur notre continent, des moyens de prévention.
L'Office statistique des communautés européennes, l'OSCE, doit pouvoir donner aux Etats les garanties nécessaires pour qu'ils acceptent de respecter des normes de comportement applicables à tous les Etats, dans tous les domaines, en particulier, dans le domaine militaire. Le sommet de Lisbonne de l'OSCE vient de se dérouler. Quel est le bilan de cette réunion, monsieur le ministre ?
Prévention, règlement pacifique des conflits, cela passe aussi par le contrôle des ventes d'armes, par le contrôle des ventes de matériels sensibles, chimiques, bactériologiques, nucléaires, par la responsabilité qui incombe aux pays producteurs sans lesquels, bien souvent, il n'y aurait pas de pays utilisateurs.
S'agissant de la politique volontaire pour le désarmement, jusqu'au 6 décembre prochain se tient à Genève la conférence sur « l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes biologiques et sur leur destruction ». Bien entendu, lors de ces débats, le principal problème absorbé est celui des contrôles et des vérifications.
Il existe un danger réel de prolifération de ce type d'armes de destruction massive et l'utilisation au Japon, par la secte Aum, de gaz sarin est encore dans toutes les mémoires.
Certains sujets nous semblent essentiels : le traité d'interdiction des mines antipersonnel ; la poursuite des efforts après la reconduction du traité de non-prolifération nucléaire - il faut parvenir à ce que tous les Etats nucléaires et « du seuil » y adhèrent ; l'aggiornamento du traité sur les forces conventionnelles en Europe, pour qu'il soit adapté à la situation de l'Europe d'aujourd'hui ; l'ouverture du registre des armes conventionnelles de l'ONU, élément très positif, qui a permis d'assurer une certaine transparence dans les transferts d'armes, et qui doit être complété et développé ; enfin, le développement des vérifications en ce qui concerne la convention chimique.
J'aborderai maintenant la situation très alarmante provoquée par l'épidémie de sida dans les pays du Sud. A l'occasion de la « journée mondiale contre le sida », nous avons eu connaissance de l'évolution de la maladie dans le monde.
Le dernier rapport de l'ONUSIDA dresse un état des lieux catastrophiques : 14 millions de personnes sont infectées, et les pays en voie de développement sont plus particulièrement touchés.
Des mesures urgentes s'imposent. La difficulté majeure qu'éprouvent ces pays pour affronter l'escalade de la propagation du virus réside dans les moyens permettant d'assurer la prévention et dans l'accès aux soins. Les prix pratiqués par les industries pharmaceutiques interdisent l'accès aux médicaments dans la plupart de ces pays. C'est une injustice que nous devons combattre.
Sur cet aspect concret, la France peut, nous semble-t-il, s'engager et se trouver à l'origine d'initiatives propres ou prises dans le cadre européen. En conséquence, monsieur le ministre, ce n'est vraiment pas le moment de réduire certains de nos crédits d'action internationale destinés aux organisations qui luttent contre le développement de ce fléau.
J'en viens à l'Afrique. Selon des propos repris par Le Figaro et Le Monde du 2 décembre dernier, l'ambassadeur des Etats-Unis à Kinshasa a exprimé publiquement ce que d'autres pensent depuis quelque temps déjà : « La France n'est plus capable de s'imposer en Afrique » !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Ce sont des propos honteux !
M. Guy Penne. Même si je laisse à l'ambassadeur Daniel Simpson l'entière « irresponsabilité » de ses propos, que ne semble pas couvrir le département d'Etat, d'ailleurs, je constate tout de même un flottement certain de la stratégie française en Afrique. Que voulons-nous ? Quels sont les principes de notre action ?
S'agissant des Grands Lacs, étant peu aimés dans la région, nous avons lié notre intervention à celle des Etats-Unis, ce qui nous a privé de toute action politique autonome.
Las de nos pressions, les Américains firent mine d'accepter l'intervention internationale et c'est à ce moment-là qu'était annoncé le retour des réfugiés au Rwanda. Nous avons été manipulés.
Les Etats-Unis ont des conseillers militaires sur le terrain. Nous, silence radio !
Il n'y a plus d'intervention de forces multinationales, ni même peut-être de parachutages de vivres et de médicaments, car le commandement canadien pense qu'ils sont inutiles, voire dangereux. N'allons-nous pas ainsi vers le lâchage des réfugiés ?
Les Canadiens se sont montrés actifs, mais dans quelles conditions le commandant Baril, de la force multinationale qui n'existe toujours pas, a-t-il rencontré les « autorités autodésignées » de la « République démocratique du Congo » ? Par qui a-t-il été habilité à discuter et à négocier la présence de l'aide humanitaire et d'une éventuelle force internationale avec les insurgés ?
Sur le principe même, se pose là un problème grave. Et si un Etat tampon ou Tutsiland sont en préparation, la représentation nationale française doit en être informée avant que des soldats français soient envoyés sur place.
Sommes-nous à la veille d'une nouvelle conférence de Berlin après celle de 1885 ?
Parmi les idées avancées, sur votre initiative, monsieur le ministre, la France a fait allusion à une conférence régionale. C'est une bonne idée, me semble-t-il, sur laquelle il faut insister. Mais il importe de ne pas se limiter aux représentants des Etats ; il convient d'y associer également les minorités, une représentation de l'ONU et des bailleurs de fonds. Les attitudes équivoques des pays industrialisés, dont le nôtre, au regard du président Mobutu pourraient être clarifiées à cette occasion.
Pour ce qui est de la République centrafricaine, lors de l'éclatement de la crise en avril 1996, la France, après avoir tergiversé, a soudainement développé une force surdimensionnée. Celle-ci a heureusement facilité la protection et le départ des populations civiles étrangères, mais, corollairement, elle nous a conduits à nous immiscer un peu plus encore dans les méandres de la politique centrafricaine en renforçant le président Patasse qui se trouvait déstabilisé.
Aujourd'hui, pour de multiples raisons qui s'ajoutent aux anciennes, les mutins manifestent à nouveau leur présence, et l'opposition dans ses diverses composantes s'est regroupée.
Conclusion : les troupes françaises quadrillent à nouveau Bangui.
Notre ambassadeur, que nous ne pouvons que féliciter pour ses initiatives, invite régulièrement les représentants des associations et les chefs d'îlots pour faire le point. Ils font preuve de peu d'optimisme et l'attente flirte avec la lassitude pour les uns, l'inquiétude pour les autres : lycée ouvert à mi-temps, économie réduite, paierie fermée, des enfants qui meurent en pédiatrie par manque d'oxygène, grève du personnel non payé, couvre-feu, zones occupées, etc.
Nos compatriotes se posent beaucoup de questions : que font-ils là-bas ? De quoi ou de qui sont-ils otages ?
En ce qui concerne les accords de défense, les responsables africains sont confrontés au problème des relations entre le pouvoir civil et l'armée.
Depuis plusieurs années, je souhaite la révision des accords de défense, officiels et secrets. Je suis persuadé que le positionnement de nos troupes à Bangui, à Djibouti ou ailleurs doit être repensé, car il correspondait à d'autres stratégies. Il convient d'en redéfinir les missions afin que nous n'entrions pas dans des engrenages infernaux.
S'agissant de l'Angola, monsieur le ministre, je souhaite vous féliciter d'y avoir effectué un récent voyage. En effet, si nous n'y prenons garde, les liens qui nous unissent à ce pays seront fragilisés.
Si l'Angolas est officiellement lusophone, il n'en demeure pas moins que près de 800 000 Angolais parlent français. Nos intérêts économiques y sont nombreux, et pourraient l'être bien davantage ! Il faut que la France aide à sa reconstruction sinon, nous déroulerons un tapis sur lequel seuls les Américains auront le droit de circuler. Ce pays est riche de potentialités - c'est peut-être le plus riche de l'Afrique - mais il est encore malade après cette guerre civile meurtrière.
Je suis navré, monsieur le ministre, qu'un certain nombre de membres de la majorité, qui n'ont rien compris ni au problème des relations angolo-françaises ni aux problèmes de la région, aient cru bon d'adresser à la presse un communiqué très désagréable, voire scandaleux, qui ne pouvait qu'aggraver les conditions difficiles de votre voyage récent en Angola. Ils ne savent pas que la situation de « ni guerre ni paix » est extrêmement tendue et que ce n'est pas la peine de souffler sur les braises dans un pays malheureux !
Sur l'Afrique, je vous poserai une dernière et brève question : pourquoi la France semble-t-elle négliger le Mali, où les avancées démocratiques évoluent bien ? Ce pays mérite d'être soutenu. Il ne faut pas laisser l'opinion publique française sur la seule image que ce pays ne produit que des immigrants clandestins. Le Mali et ses dirigeants méritent mieux que cela.
S'agissant du budget, je partage l'opinion de MM. les rapporteurs. Vous pratiquez la « diplomatie économique ». Il est certes nécessaire de présenter le catalogue de nos productions industrielles, mais il ne faut pas réduire de plus en plus à cela le message diplomatique et culturel de la France. Certaines économies coûtent cher à l'image de la France.
Les crédits destinés aux contributions volontaires à des dépenses internationales sont en régression de 14,7 %.
On coupe les crédits concernant le Haut-commissariat aux réfugiés, le programme des Nations unies pour le développement - PNUD - et l'UNICEF, qui s'occupe de l'enfance en détresse.
Autre victime de la rigueur budgétaire : le fonds d'urgence humanitaire dont les crédits pour 1997 pourraient atteindre 80 millions de francs, soit un montant largement en dessous de la masse critique évaluée par le service de l'action humanitaire à 120 millions de francs.
Je passerai très rapidement sur la question des personnels, qui sera traitée par mon collègue M. Biarnès.
Les associations de parents d'élèves expriment leur mécontentement au regard de l'augmentation constante des frais d'écolage, en moyenne 1 000 francs par élève et par mois. Cette augmentation est liée directement à la défausse de l'Etat en matière de postes d'enseignant.
Venons-en à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
En juillet 1990, nous avons créé cet établissement public, qui est géré par un directeur.
Cette agence, qui a fonctionné à partir du 1er janvier 1991, est placée sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération.
Notre idée, combattue alors par nos collègues de la droite, s'est imposée maintenant à tous, puisque vous avez maintenu cette agence.
Malheureusement, dès le départ, nous nous sommes aperçus nous-mêmes qu'il manquait un peu de ressources dans le budget de cette agence. Aujourd'hui, le directeur général des relations culturelles, scientifiques et techniques qui la préside voit d'année en année, et surtout depuis 1993, ses crédits fondre comme beurre en poêle.
Pour alléger vos budgets, vous transformez les postes d'expatriés titulaires totalement à la charge de l'Etat en postes de résidents dont la moitié de la charge salariale est financée par les familles.
Quant aux recrutés locaux, parfois non titulaires, leur salaire est local, ils n'ont pas de protection sociale, sauf volontaire, laquelle est parfois d'un coût équivalent au salaire reçu, totalement à la charge des familles.
Il faut tendre vers la gratuité pour les enfants français, qui sont actuellement 60 000 et qui passeront peut-être à 80 000 avec l'arrivée d'enfants issus de milieux plus défavorisés.
Il faut réunir, comme cela a été fait pour la politique de la ville, une conférence, avec d'autres ministres qui fixeront les buts, chacun apportant des moyens et améliorant éventuellement le statut.
Il s'agit d'établir la gratuité pour les enfants français, ce qui nous permettra de récupérer une partie des crédits de bourses.
Il s'agit aussi de prendre en compte les frais réels d'écolage pour les élèves étrangers.
Il s'agit, enfin, de ne pas remettre en question la tutelle pédagogique de l'éducation nationale, mais il est nécessaire de penser à l'enseignement technique, qu'il faut développer, ainsi qu'à l'enseignement agricole.
L'Agence peut conserver ses doubles tutelles, mais il est impératif que l'éducation nationale s'engage financièrement.
En France, l'éducation nationale consacre, en moyenne, 33 800 francs par élève. A l'étranger, l'agence consacre 10 200 francs par élève. Sans des concours supplémentaires, votre budget ne parviendra jamais à la parité avec la situation en France.
J'ajouterai, parmi les concours financiers, ceux du commerce extérieur, puisque notre diplomatie est également économique et que les bons résultats du commerce extérieur dépendent non seulement des producteurs dans l'Hexagone, mais aussi de la présence de nos expatriés, qu'il faut donc aider.
Il faut procéder à la titularisation et à l'intégration progressive des personnels en poste pour aboutir à deux statuts seulement : expatriés et résidents.
Souvent, les élèves étrangers qui ont fréquenté notre réseau ne trouvent plus de bons prolongements pour vivre notre culture au-delà des établissements d'enseignement. C'est pour cette raison qu'il faut avoir une approche, à travers la francophonie, de la réorganisation des instituts culturels - ou tout autre organisme - qui favorisent la diffusion de notre culture en général et du français en particulier.
Il faudrait peut-être, idée déjà suggérée dans mon rapport, créer un établissement public qui gérerait l'ensemble des moyens et sous votre autorité, monsieur le ministre, mais avec un partenariat élargi : francophonie, coopération, éducation nationale et, surtout, culture, et une ligne budgétaire autonome lisible.
Une autre critique qui vous est faite porte sur la méthode. Il ne semble pas que vos projets de suppression de postes soient suffisamment mûris. L'impression est que vous agissez au coup par coup, uniquement en fonction des économies qui vous sont demandées.
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Absolument pas !
M. Guy Penne. Eh bien, vous allez me répondre et nous rassurer.
Je vais vous faire immédiatement une autre suggestion. Les mesures de redéploiement provoquent des difficultés humaines aggravées par leur soudaineté. Si je suis dans l'erreur - c'est ce que vous semblez dire - ...
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Absolument !
M. Guy Penne. ... alors pourquoi n'associez-vous pas la représentation parlementaire en amont de vos décisions, et plus particulièrement les sénateurs représentant les Français établis hors de France, qui sont à votre entière disposition, sur la carte scolaire et sur la carte générale des postes culturels, diplomatiques et consulaires ?
Il est vrai que les crédits du secrétariat d'Etat à la francophonie sont aussi malmenés. Pourquoi avoir diminué de 50 % les fonds d'aide à l'expansion économique de la presse française à l'étranger ? Il s'agit peut-être d'un support élémentaire, mais il est efficace !
Pourquoi ne pas donner les moyens à Mme Sudre de mener à bien ses projets dans le domaine audiovisuel pour les francophones d'Amérique et la contraindre à faire appel à la réserve parlementaire ?
Comme je l'ai déploré dans mon rapport, les orientations du conseil pour l'audiovisuel extérieur de la France pour 1995, qui avaient de nombreux mérites, sont remises en cause. Les financements sont amputés et la réorganisation des structures dans une logique des métiers a été annulée.
En ce qui concerne la SEPT-Arte, les amputations budgétaires s'élèvent à 13 millions de francs. Peu d'argent a été économisé, et pourtant les dégâts commis sont importants. Il y a arrêt de la diffusion d'Arte en version française, comme sur la cinquième chaîne, sur Eutelsat en mode analogique, et qui couvre l'Europe et le bassin méditerranéen.
Depuis la rédaction de mon rapport, les événements se sont précipités pour la Société méditerranéenne de Radiodiffusion, RMC - Moyen-Orient. La SOFIRAD s'est retirée de la restructuration, abandonnant des créances pour une centaine de millions de francs et RFI a racheté l'ensemble pour 1 franc symbolique - c'est ce franc symbolique que l'on retrouve souvent. A terme, cela entraînera la fermeture de la station et les 68 personnes qui travaillent dans l'entreprise vont vivre maintenant dans l'espoir d'un reclassement à RFI.
Mais nous sommes à l'ère du « tout-RFI » ou de son président et la conception du pôle de télévision qui fut évoquée voilà encore quelques mois est une idée aujourd'hui récusée par ses auteurs. Si l'on en croit les informations parues dans la presse, je ne comprends pas bien la logique du Gouvernement, qui se lance dans la voie bizarre de l'étatisation, alors que les solutions proposées précédemment étaient la création d'un holding.
Ces bouleversements risquent d'entraîner des dépenses supplémentaires, puisque le futur directeur envisage la mise en place d'une chaîne supplémentaire d'information internationale. Mais où prendra-t-on les moyens financiers ? Et/ou que supprimera-t-on ? Quelles conclusions les ministres, au nombre desquels vous étiez, ont-ils tiré de leur réunion d'hier ? Peut-être pourrez-vous nous le dire si ce n'est pas un secret défense.
Il me paraît regrettable de fonder une stratégie sur le choix d'un homme pour le placer à la tête de l'audiovisuel, quels que puissent être ses mérites, plutôt que de s'en tenir au projet de structures qui avait reçu un accueil favorable. Il serait inquiétant que des décisions engageant le moyen et le long terme aient été décidées par arbitrage de M. le Premier ministre, parce que celui-ci était mécontent du traitement de certaines informations dans les journaux de France 2.
M. Charles de Cuttoli. A juste titre !
M. Guy Penne. Pour aller dans le même sens, mon cher ami, va-t-on rattacher les instituts de sondages, qui peuvent sans doute contrarier M. Juppé, à RFI ?
Sur de nombreuses questions que j'ai évoquées, les socialistes sont opposés ou réticents à la politique du Gouvernement. C'est pourquoi ils ne pourront pas voter le projet de budget des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, comme vous le savez, M. le ministre des affaires étrangères doit se rendre à Ouagadougou et le décalage qui est intervenu dans le déroulement de nos travaux est évidemment contrariant pour lui et pour ceux d'entre vous qui doivent l'accompagner. A l'évidence, chacun fait un effort pour être bref et s'il continue à en être ainsi, nous pourrions achever la présente discussion vers vingt heures trente, et ce à titre exceptionnel.
Je pense que vous serez tous d'accord pour que nous procédions ainsi et j'appelle donc chacun à être aussi concis que possible.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le ministre, un peu plus d'un mois après la déclaration du Gouvernement, au Sénat, sur les affaires étrangères, nous examinons le projet de budget de votre ministère pour 1997.
Comme l'a souligné le rapport de notre collègue M. Dulait, le projet de budget des affaires étrangères s'inscrit dans le contexte d'extrême rigueur qui caractérise l'ensemble du projet de loi de finances pour 1997. Il s'élève à 14 437,79 millions de francs, contre 15 033,84 millions de francs en 1996, soit une diminution de 3,96 % par rapport à la loi de finances initiale de 1996, déjà réduite de 1 % par rapport à celle de 1995. Si l'on tient compte de l'économie réalisée sur nos contributions à l'ONU au titre des forces de maintien de la paix en ex-Yougoslavie, la FORPRONU, la diminution de votre budget représente 365 millions de francs. Cette somme fera défaut à l'action du ministère des affaires étrangères, qui, selon nous, doit rester un grand ministère du rayonnement international de notre pays.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Ainsi, la part du budget du ministère des affaires étrangères dans le budget de l'Etat n'est plus que de 0,93 %, ce qui entérine le passage, en 1995, de la part de ce budget en deçà de 1 % du budget de la nation. Ce mouvement de régression ne correspond nullement à la prise en compte dans notre activité diplomatique de nouveaux espaces en Amérique latine, en Asie, au Proche-Orient, voire en Afrique. Il ne correspond pas non plus aux grandes ambitions qui devraient être les nôtres en vue de favoriser l'émergence d'un monde plus juste. J'ose espérer, monsieur le ministre, que votre projet de budget, déjà insuffisant, n'aura pas à subir ces trop fameux « gels » budgétaires condamnés par la quasi-totalité des parlementaires.
Après cette rapide analyse strictement budgétaire, je souhaite examiner quelques aspects de notre politique internationale.
J'évoquerai tout d'abord l'activité diplomatique de la France. Les évolutions mondiales font sans cesse apparaître de nouvelles priorités. Le réseau diplomatique et consulaire constitue un outil important de la politique étrangère. Il faut certes l'adapter aux situations nouvelles, mais, depuis 1991, trente-trois postes ont été fermés, dont dix en Afrique.
A chacun de nos déplacements à l'étranger, mes collègues et moi-même constatons qu'il existe une demande très forte pour une plus grande présence de la France en matière diplomatique, consulaire et culturelle. Force est de constater que ce projet de budget n'y répond pas et que notre volonté de nous ouvrir sur le monde mériterait une attention plus soutenue.
En ce qui concerne la situation des Français établis hors de France, la subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger reste stable, mais les conditions de travail des enseignants de ce réseau se dégradent nettement. Une précarité de plus en plus grande s'installe dans les établissements culturels français à l'étranger : le nombre de postes est à renégocier chaque année et le niveau des salaires garantis baisse. Cette situation met à mal la mise en oeuvre d'une véritable politique culturelle pourtant indispensable à notre présence économique. Elle est, contrairement à l'attitude d'autres pays, notre originalité nationale. Ne gâchons pas ce patrimoine historique.
J'avais déjà eu l'occasion de le regretter, mais permettez-moi d'y revenir, les contributions volontaires de la France aux organismes internationaux tels que l'UNICEF, l'UNESCO ou la CNUCED, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement subissent une diminution de 16 % en francs constants. Nous sommes opposés à de telles réductions alors que les conflits dans le monde perdurent et que le rôle de ces organismes pourrait être prépondérant.
Lors du débat du 31 octobre dernier, vous nous avez fait part de vos regrets et vous avez expliqué que le contexte de rigueur budgétaire vous a contraint à prendre ces dispositions. Nous le regrettons et continuons à penser qu'elles pénalisent nos actions. A contrario , et le je répète, nous soutenons et soutiendrons toute initiative visant à une plus grande indépendance de l'ONU.
Comment aborder le contexte international sans parler en premier lieu de la tragédie que connaît la région des Grands Lacs en Afrique ? Les parlementaires communistes ont maintes fois rappelé qu'il n'y a pas de solution militaire à ce drame. Si l'aide humanitaire se fait chaque jour sentir plus fortement, c'est également pour un règlement politique des conflits que la France doit peser et agir.
Il est indispensable de dire qu'une solution, tout d'abord africaine, existe face aux conflits existants non pas seulement au Zaïre, mais dans toute cette région. Elle passe tout d'abord par le respect des accords d'Arusha conclus le 4 août 1993 et par l'organisation d'une conférence régionale proposée par l'Organisation de l'unité africaine, l'OUA, et par le secrétaire général de l'ONU. Elle passe également par l'annulation de la dette des pays pauvres aux pays riches. Je rappelle que la dette de l'Afrique subsaharienne a triplé en dix ans. Ce continent rembourse chaque année plus qu'il ne reçoit. En ce qui concerne la France, le projet de loi de finances pour 1997 fait apparaître que notre pays devrait recevoir 1,6 milliard de francs des pays du Sud contre 1 milliard de francs de dépenses.
Dans le même temps, la coopération internationale en faveur de l'Afrique ne cesse de diminuer ; mon ami Jean-Luc Bécart reviendra sur ces problèmes lors de l'étude du budget de la coopération.
A propos du Proche-Orient, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire l'appréciation positive que nous portions sur la position de la France quant à ce problème difficile. Aujourd'hui, pourtant, le processus de paix est toujours bloqué, les accords signés non respectés, les colonisations israéliennes en Cisjordanie renforcées et accélérées. Une telle situation ne peut qu'aviver les souffrances et déboucher sur des actes très graves. Le temps n'est-il pas venu de dépasser les déclarations pour prendre des mesures concrètes, significatives de notre volonté de peser plus fortement en faveur du respect des actes négociés ?
La construction européenne est d'actualité. Son rôle pourrait être d'aider des partenaires souverains à se solidariser dans leur action pour s'extraire de la guerre économique, pour organiser leur codéveloppement et contribuer à rendre les relations internationales plus justes et plus équilibrées. Or, comment parler de partenaires lorsque l'Union économique et monétaire préfigure, comme le signale M. le rapporteur, une Europe à géométrie variable entre des Etats « in » et des Etats « pré-in » ? Comment peut-on imaginer s'extraire de la guerre économique alors que la mise en place de la monnaie unique exacerbera les tensions financières et la concurrence et supprimera des emplois ?
Le scepticisme face au passage à l'euro touche des travées d'un bout à l'autre de l'hémicycle. La contestation va jusqu'aux formations de votre propre majorité, monsieur le ministre. Les débats houleux de la réunion des quinze ministres de l'économie et des finances, qui s'est tenue avant-hier à Bruxelles en vue d'avaliser le pacte de stabilité, en témoignent également. Le point central de ce pacte est la définition des cas exceptionnels qui permettraient à un pays participant à l'euro d'échapper à des sanctions en cas de dépassement des fameux 3 % de déficit public.
L'« euromalaise » n'est pas de mise seulement dans les états-majors des partis politiques ou sur les bancs du Parlement. Les Français s'interrogent. Ils veulent débattre de ce sujet et connaître l'ensemble des éléments de ce dossier. Ils contestent les contraintes des critères de convergence en manifestant de plus en plus clairement leur opposition.
Cette contestation n'est pas propre à la France. Ainsi, en Italie, le président de Fiat a fait la déclaration suivante : « Nous sommes à deux doigts de la récession économique. L'application du traité de Maastricht ne pourrait qu'accentuer un tel phénomène, en particulier au niveau du marché du travail. » Les importantes manifestations dans ce pays, notamment sur l'initiative des métallurgistes, ont souligné les contradictions auxquelles l'économie italienne est et risque d'être de plus en plus confrontée.
En Espagne, à Madrid, puis tout récemment àBarcelone, des centaines de milliers de fonctionnaires ont manifesté leur opposition au gel de leurs salaires, mettant ainsi en cause la politique suivie.
En Allemagne, enfin, les réticences à l'entrée dans la monnaie unique ne faiblissent pas. De plus en plus de personnalités s'interrogent sur l'utilisation, voire la pertinence, de ces fameux critères de Maastricht. Selon une enquête d'opinion publiée au début de cette année, 43 % des personnes interrogées exprimaient leur refus général de la monnaie unique et 41 % en souhaitaient le report ; seules 10 % se prononçaient pour le respect du calendrier prévu.
Le refus du Président de la République d'organiser un référendum, contrairement à ses déclarations antérieures, apparaît de plus en plus aux Français comme une volonté d'occulter un certain nombre de vérités qui ne seraient pas « bonnes à divulguer ». Nos concitoyens veulent connaître, débattre, décider. Vous ne pourrez l'éviter !
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent que la France joue pleinement son rôle dans la construction d'un nouvel ordre international plus juste, au service de la paix et du développement des peuples.
Le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 1997 ne correspondant pas à ces ambitions, nous ne pourrons donc pas le voter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, le temps imparti à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe est épuisé, à trente-quatre secondes près.
Je donne donc la parole à M. Habert, pour une minute. (Rires.)
M. Guy Penne, rapporteur pour avis. Quel favoritisme ! (Nouveaux rires.)
M. Jacques Habert. Monsieur le ministre, compte tenu du fait qu'une seule petite minute m'est accordée, il me faut, à regret, renoncer à l'intervention que j'avais préparée. Pour tenir dans cette limite, je me contenterai de poser trois questions.
Depuis la loi du 6 juillet 1990 qui a créé l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, le ministère de l'éducation nationale a été exclu de sa tutelle et donc, en même temps, dispensé de son financement. Dépendant uniquement des ministères des affaires étrangères et de la coopération, qui sont infiniment moins bien dotés que le ministère de l'éducation nationale, l'enseignement français à l'étranger souffre d'un manque chronique de moyens, ce qui a imposé aux parents d'élèves le paiement de frais de scolarité de plus en plus élevés.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le ministère de l'éducation nationale devrait au moins participer à la scolarisation des enfants français résidant à l'étranger, qui, s'ils se trouvaient en France, auraient droit à la gratuité de l'enseignement ?
Deuxième question : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dispose de certaines réserves, d'un fonds de roulement, ce qui est normal pour un établissement public. Je crois savoir que ce fonds est considérable : il dépasse les 100 millions de francs, mais l'AEFE ne peut l'utiliser sans l'accord des finances.
Vous serait-il possible, monsieur le ministre, d'autoriser l'AEFE à puiser dans une petite partie de ces réserves pour financer des investissements pour lesquels les crédits font totalement défaut ?
Alors que seulement 24 millions de francs sont inscrits au titre III - pour des centaines d'écoles ! - l'agence devrait pouvoir recourir à ce fonds pour réparer, aménager ou construire rapidement des établissements ne disposant pas sur place des ressources nécessaires.
De même, quelques subventions de fonctionnement devraient pouvoir être exceptionnellement dégagées de ce fonds, pour aider - voire sauver - des petites écoles se trouvant à l'étranger dans une situation financière trop difficile.
Troisième et dernière question : un député des Yvelines, M. Pierre Lequiller, a remis récemment à M. le Premier ministre un rapport sur l'état de l'enseignement français à l'étranger et l'avenir de l'AEFE. Vous en avez eu connaissance, monsieur le ministre, et nous en avons parlé au Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Je comprends, compte tenu des délais, qu'il n'y ait aucune traduction financière dans le projet de budget que nous examinons. Cependant, pouvez-vous nous indiquer si vous pensez donner suite, en 1997, à certaines des conclusions de ce rapport ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez aujourd'hui s'inscrit dans le cadre de la rigueur décidée par le Gouvernement pour redresser les finances publiques et la situation économique de notre pays.
Au cours des débats budgétaires, certains parlementaires n'ont pas manqué de rappeler la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, car la France a vécu pendant de nombreuses années au-dessus de ses moyens. Ce sont en effet les années de gestion socialo-communistes qui nous obligent aujourd'hui à serrer les dépenses.
Le ministère des affaires étrangères participe, comme l'ensemble des autres ministères, à cet effort indispensable.
Le budget que vous présentez, monsieur le ministre, est en diminution de 3,96 % par rapport à la loi de finances initiale de 1996. Mais cette diminution doit être, à mon sens, relativisée, d'une part, du fait de la régulation budgétaire en cours d'année 1996 et, d'autre part, parce que vous n'aurez pas à supporter, en 1997, les dépenses résultant de la FORPRONU. Vous disposerez donc de moyens à peu près équivalents à ceux de 1996.
Dans le domaine des affaires étrangères comme dans bien d'autres secteurs, l'efficacité d'une politique ne se mesure pas uniquement à l'analyse comptable des moyens mis en oeuvre. Elle doit se juger aussi au degré de volonté du Gouvernement à appliquer une politique. Il faut donc expliquer aux Français qu'il n'est pas forcément nécessaire de dépenser plus pour étendre le rayonnement politique, économique et culturel de notre pays.
Au-delà des crédits, l'examen de ce budget est bien évidemment l'occasion d'évoquer la politique étrangère du Gouvernement. Monsieur le ministre, nous connaissons votre volonté, ainsi que celle du Premier ministre et du Président de la République, de conduire une politique dans laquelle la France assume pleinement ses responsabilités. Nous savons tous la difficulté d'assurer les nombreuses missions qui vous sont imparties, notamment le maintien de la paix en association avec nos partenaires européens.
Dans le cadre de ce budget, je voudrais aborder les problèmes liés aux demandes du droit d'asile traitées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA.
Entre 1989 et 1995, ces demandes ont été divisées par trois et le taux de reconnaissance a baissé de 40 %. Il faut dire que de nombreuses mesures ont consisté à rendre la demande d'asile moins attractive : l'octroi du droit au travail a été supprimé ; l'OFPRA s'est doté d'un fichier informatisé de lecture des empreintes digitales ; les officiers de l'OFPRA peuvent désormais entendre les demandeurs à la frontière ; la loi du 24 août 1993 a donné aux préfets les moyens de refuser l'admission au séjour en cas de fraude manifestée ; enfin, ces dernières années, l'OFPRA a cessé d'accorder le bénéfice de la convention de Genève aux réfugiés d'un certain nombre de pays tels ceux de l'Europe de l'Est, du Bénin ou du Chili.
Malgré toutes ces mesures, les mailles du filet restent suffisamment larges et la tentation grande pour qu'un nombre important de fraudeurs soient tentés de détourner le droit d'asile pour entrer irrégulièrement en France : près de 200 000 déboutés de ce droit continuent à résider sur le territoire national. Sur le nombre de décisions négatives rendues par l'OFPRA, très peu sont suivies d'une conduite à la frontière.
En fait, nous nous trouvons dans une situation pour le moins paradoxale : la recherche des clandestins ne peut être effectuée, puisque les services de police n'ont les moyens ni de les retrouver ni de les poursuivre. Pourtant, l'OFPRA connaît, par le biais de son fichier informatisé, les empreintes digitales, la nationalité et l'identité de ces personnes ; mais il ne peut communiquer ces informations. L'arrêté ministériel du 6 novembre 1995 précise en effet que l'OFPRA est le seul utilisateur et destinataire des informations du fichier, que ce dernier ne peut faire l'objet d'aucune cession, d'aucune interconnexion ni d'aucun rapprochement avec des fichiers extérieurs.
Monsieur le ministre, est-il envisageable que vous preniez des mesures pour permettre à des services extérieurs à l'OFPRA d'accéder aux données des fichiers ? Cela faciliterait bien la tâche dans la lutte contre l'immigration clandestine.
Actuellement, les délais pour obtenir une réponse de l'OFPRA, recours compris, restent encore longs - entre six et huit mois en moyenne - ce qui laisse le temps aux personnes d'organiser leur clandestinité. La solution ne peut-elle pas être trouvée en aval, c'est-à-dire dans une réorganisation des conditions d'étude du droit d'asile ? N'est-il pas possible, monsieur le ministre, de créer une commission interministérielle destinée à réfléchir sur les moyens de ne pas laisser s'évaporer dans la nature les déboutés du droit d'asile ?
Je voudrais également aborder le problème des étudiants étrangers. Le montant des bourses qui leur sont attribuées est d'environ 460 millions de francs, dont près de 40 % vont aux ressortissants du Maghreb. Mais il est dommage qu'un certain nombre de boursiers souhaitent, après l'obtention de leur diplôme, exercer leur profession en France. A quoi sert-il que la France finance leurs études s'ils ne retournent pas dans leur pays d'origine ? Il faut donc que nous les encouragions à le faire. Monsieur le ministre, ne peut-on pas conclure des accords avec les représentants des pays en difficulté et réfléchir sur les moyens d'inciter les intellectuels à s'installer chez eux ? C'est un point qui me paraît capital si nous voulons aider au développement de ces Etats, tout en participant à la lutte contre l'immigration dans notre propre pays.
Monsieur le ministre, telles sont les quelques observations que je souhaitais évoquer à l'occasion de l'examen de ce projet de budget. Le département de la Seine-Saint-Denis, dont je suis élu, est malheureusement confronté au problème de l'immigration.
Cela étant, le budget que vous présentez est un budget de fermeté, qui s'attache à garantir une utilisation utile et rationnelle des crédits. Je vous assure de tout mon soutien dans cet exercice difficile que représente la diplomatie et la défense des intérêts de la France à travers le monde. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Biarnès.
M. Pierre Biarnès. Monsieur le ministre, je souhaite vous parler aujourd'hui de l'enseignement français à l'étranger, qui, hélas ! relève de votre ministère. (Rires.)
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Quel début !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Nous voilà bien ! (Nouveaux rires.)
M. Pierre Biarnès. Avec ses quelque 300 établissements répartis sur les cinq continents, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui assure cet enseignement, poursuit, en fait, deux missions différentes, également légitimes : d'une part, scolariser les enfants des Français de l'étranger selon les normes métropolitaines ; d'autre part, contribuer à la diffusion de notre langue et de notre culture à l'étranger, en complément, capital dans de nombreux pays, de l'action de nos instituts et de nos centres culturels, ainsi que de celle des alliances françaises.
Mais, si la seconde de ces missions est clairement de la vocation du ministère des affaires étrangères, la première ne l'est pas nécessairement et relève plutôt de celle du ministère de l'éducation nationale, car c'est une affaire avant tout franco-française.
Ainsi que l'avaient reconnu Valéry Giscard d'Estaing, il y a plus de vingt-cinq ans déjà, et François Mitterrand, par la suite - malheureusement, ils n'ont tenu l'un et l'autre que très imparfaitement leurs promesses - les enfants français de l'étranger ont droit non seulement à un enseignement de même qualité que celui qui leur serait dispensé en métropole mais aussi à la gratuité de cet enseignement.
La première de ces exigences est aujourd'hui, pour l'essentiel, satisfaite ; on est encore assez loin du compte pour ce qui est de la seconde.
En moyenne internationale, l'Etat ne contribue que pour moitié, par des subventions à la construction de quelques bâtiments, par la mise à disposition de certains personnels à ses frais et par l'octroi de bourses, à la couverture des coûts de scolarité des enfants français à l'étranger, contre la totalité en France, et la situation tend à s'aggraver d'année en année : de moins en moins de constructions sont financées par lui ; le nombre des personnels « expatriés », qui sont les seuls totalement à sa charge, à la différence des « résidents », qui ne le sont que pour partie, et des « recrutés locaux », qui sont totalement payés par les parents, ce nombre, dis-je, diminue régulièrement ; le volume des bourses stagne à un niveau assez bas.
Au total, le réseau scolaire français à l'étranger tend inexorablement à devenir un réseau d'écoles pour les riches.
En moyenne internationale, tous cycles confondus, les familles doivent payer actuellement 1 200 francs par élève et par mois ! Sont tout particulièrement touchées les familles de la classe moyenne, qui n'ont pas droit aux bourses sans être pour autant vraiment à l'aise et, parmi elles, les familles binationales, qui constituent plus de la moitié de l'expatriation française. Un nombre grandissant d'enfants de ces familles sont, en fait, exclus du réseau, ce qui est non seulement inique, mais également contraire à nos intérêts nationaux les plus évidents : cette perte de locuteurs français d'origine franco-étrangère est, à moyen et à long terme, un gâchis culturel, commercial et politique.
Globalement, le phénomène est aggravé par la scolarisation d'enfants étrangers dans des proportions tout à fait excessives : autour de 80 % dans d'assez nombreux pays. En Amérique latine, mais aussi en Espagne, au Maroc et en Tunisie, par exemple, la République française, pour des raisons largement fantasmatiques héritées du passé, se substitue à des enseignements nationaux plus ou moins défaillants pour aider des classes dirigeantes à se reproduire socialement. C'est scabreux et, en tout état de cause, dans ce contexte de pénurie, cela mobilise beaucoup trop de personnels expatriés, qui, de ce fait, manquent cruellement ailleurs, au détriment des enfants français.
Le fait que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger soit sous la tutelle exclusive du ministère des affaires étrangères - ce que symbolise la présidence ès qualités de l'AEFE par le directeur général des relations culturelles, scientifiques et techniques - et donc que son financement public ne dépende que du budget bien trop insuffisant de ce ministère éminemment pauvre et, secondairement, de son « annexe », le ministère de la coopération, qui est encore beaucoup plus mal loti, est la cause fondamentale de cette situation de plus en plus intolérable.
M. Jacques Habert. La faute à qui ?
M. Pierre Biarnès. Comme il est difficile d'imaginer que les crédits alloués aux affaires étrangères seront augmentés de façon substantielle dans le futur ou que la part de ceux-ci qui est affectée à l'enseignement français à l'étranger augmentera de façon suffisante dans les prochaines années, il en découle que, pour assurer son avenir, l'agence doit être libérée de cette tutelle exclusive et impécunieuse, et que le plus tôt sera le mieux !
L'idée d'une cotutelle affaires étrangères-éducation nationale vient immédiatement à l'esprit. La tutelle des affaires étrangères doit être maintenue, du simple fait qu'il s'agit d'activités françaises à l'étranger qui s'exercent dans le cadre de conventions internationales. Mais l'éducation nationale doit être beaucoup plus impliquée qu'aujourd'hui, où elle n'a en charge que la responsabilité pédagogique du réseau ; en fait, la charge financière de celui-ci doit également lui être confiée totalement, soit d'un coup, soit progressivement, et donc la cotutelle, par modification en conséquence de la loi de 1990, qui régit l'agence.
Il s'agira d'une décision éminemment politique, dont le Premier ministre devra faire son affaire, avec l'appui, s'il se révèle nécessaire, du chef de l'Etat, afin que soient mis au pas les tenants de toutes les vieilles routines corporatistes qui ont fait jusqu'à présent obstacle à une telle solution.
Car, enfin, comment l'enseignement primaire et secondaire est-il gratuit en France, si ne ce n'est non pas par un système d'octroi de bourses, mais par la prise en charge par le ministère de l'éducation nationale, qui en a les moyens budgétaires, du coût des bâtiments - construction et entretien - des personnels, dans leurs catégories statutaires respectives, et des fournitures ?
Dans un budget qui est de l'ordre de 20,5 % du budget total de la nation, dont près de 17,5 % au seul titre de l'enseignement primaire et secondaire - à comparer avec les moins de 1 % du budget du ministère des affaires étrangères pour toutes les activités de celui-ci - le financement de l'enseignement des enfants français à l'étranger ne représenterait vraiment pas un montant excessif pour ce ministère riche, riche, en tout cas, par comparaison avec le vôtre, monsieur le ministre : en fait, une somme annuelle de l'ordre de 3 milliards de francs au maximum, sur un total d'environ 273 milliards de francs pour les seuls enseignements primaire et secondaire, soit autour de 1 % de cette partie de ce budget.
En revanche, dans ce nouveau système, à la différence de ce qui prévaut quasi généralement aujourd'hui, la scolarisation des enfants étrangers fréquentant les établissements du réseau - j'entends ceux qui ne sont pas ressortissants de l'Union européenne, car, dans ce cas, nous sommes tenus à une obligation de réciprocité - devrait être facturée à son coût réel. Ce serait justifié dans la mesure ou, sauf de très rares exceptions dont il faudrait tenir compte, les Etats dont ces enfants sont les ressortissants ne contribuent pas du tout au financement du système. Les ressources ainsi dégagées seraient pour l'agence l'équivalent des subventions des collectivités locales aux écoles, lycées et collèges de la métropole, au moins pour partie.
L'injustice sociale d'un tel système pour les familles des élèves étrangers - une injustice qui ne m'échappe évidemment pas - pourrait toutefois être grandement atténuée par l'octroi de bourses, au concours, bien sûr, et même d'un grand nombre de bourses, par le ministère des affaires étrangères, votre ministère. N'ayant plus à sa charge le financement de la scolarisation des enfants français expatriés, celui-ci retrouverait ainsi les moyens d'une des ses importantes vocations. De même pourrait-il mieux doter les établissements de son réseau culturel, qui sont, eux aussi, dans une situation de plus en plus précaire.
Il ne s'agirait guère plus, en somme, que d'une réforme de la répartition de quelques crédits budgétaires, à condition, bien entendu, que l'on admette, enfin, que les enfants français de l'étranger ont le droit d'être traités comme des enfants français à part entière. Au-delà de l'équité profonde de la réforme, nos intérêts culturels nationaux, on le voit, y trouveraient de surcroît très largement leur compte.
J'aimerais beaucoup que vos services et vous-même, monsieur le ministre, ainsi que le chef du Gouvernement et le chef de l'Etat, soyez enfin convaincus de tout cela ; mais je ne vous cacherai pas que j'en doute beaucoup. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Vous avez raison !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, je veux, tout d'abord, remercier le Sénat d'avoir accepté de modifier quelque peu ses horaires habituels de travail. Cela me laisse l'espoir d'arriver à Ouagadougou, sinon sous le soleil africain, du moins sous la lune africaine, à une heure à peu près acceptable.
Je tiens surtout à remercier le Sénat d'avoir fait précéder l'examen de ce projet de loi de finances d'un débat sur la politique étrangère de la France, qui nous a réunis, si mes souvenirs sont bons, à la fin du mois d'octobre, et qui nous a permis, en réalité, de séparer ce qui est habituellement mélangé, autrement dit de faire en sorte que le débat d'aujourd'hui soit strictement budgétaire.
Je me plierai à cette discipline que vous avez vous-mêmes suggérée, mesdames, messieurs les sénateurs, même si j'ai bien noté que certains d'entre vous avaient évoqué des questions de caractère général.
Ainsi, M. Mathieu a parlé de la situation en Irak ou en Albanie et M. Demuynck du droit d'asile, question assez complexe sur les aspects techniques de laquelle il me permettra de lui répondre par écrit. M. Vigouroux a évoqué la présence méditerranéenne de la France, à laquelle nous sommes tous attachés. Quant à M. Penne et à Mme Bidard-Reydet, ils ont évoqué toute une série de questions intéressant l'ensemble de la politique étrangère française.
J'ai d'ailleurs observé que, sur de nombreux points, nous avions, les uns et les autres, des vues très proches.
La seule précision que j'apporterai en l'instant concerne l'Angola, dont a parlé M. Penne.
Je veux qu'il soit clair que la politique de la France est simple : elle reconnaît, comme représentants de l'Angola, le président élu, M. Dos Santos, son gouvernement et le Parlement. Elle n'a pas d'autre interlocuteur. Si, naturellement, chacun, en France, quelles que soient par ailleurs ses activités, ses fonctions, peut voyager librement à l'étranger, rien d'autre ne saurait engager la responsabilité de la politique internationale de la France que ce je vous dis là.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, et M. Guy Penne. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Bien sûr, cela ne nous empêche pas de souhaiter, voire d'essayer de faire en sorte, que l'Angola parvienne à l'accomplissement de processus qui a été engagé et qui doit d'ailleurs arriver à son terme dans les semaines ou les mois à venir.
Mais, je le répète, la France reconnaît les autorités légales de l'Angola et, par conséquent, c'est avec elles qu'elle parle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de remercier le rapporteur spécial, M. Chaumont, ainsi que les rapporteurs pour avis, MM. Dulait, Penne, Bordas et Legendre, des excellents rapports que j'ai eu le plaisir d'écouter.
Vous avez, les uns et les autres, mesdames, messieurs les sénateurs soulevé des questions qui sont tout à fait essentielles pour la conduite et les moyens de notre politique étrangère. Les réductions de crédits prévues ne risquent-elles pas d'entraver l'action diplomatique de la France ? Quelle sera l'évolution de nos réseaux dans les années à venir ? Quels redéploiements sont-ils possibles ? Faut-il aller plus loin dans la protection de nos compatriotes à l'étranger ? Quelle priorité donner à notre présence audiovisuelle dans le monde ? Ce sont les questions auxquelles je veux maintenant m'efforcer de répondre.
Le budget que le Gouvernement propose pour le ministère des affaires étrangères est en réduction, cette année, de 3,96 % par rapport à la loi de finances initiale de 1996.
Je comprends qu'à cette tribune nombre d'entre vous aient déploré cette réduction. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs - et je m'adresse ici d'abord à ceux d'entre vous qui appartiennent à la majorité - n'avons-nous pas affiché ensemble une volonté politique commune de maîtriser les crédits pour maîtriser les déficits ?
Certes, il y a eu une belle époque, que vos collègues socialistes connaissent bien. L'argent alors coulait à flots, paraît-il. J'ai ici le tableau de l'accroissement annuel du budget du ministère des affaires étrangères. Je vois qu'en 1982 le budget a été augmenté de 20,37 % et en 1984 de 16,20 %. Ah, la belle époque ! Or c'est parce que, en effet, dans cette période-là - cela a d'ailleurs continué - l'argent public a été dépensé de façon si effrénée qu'aujourd'hui nous sommes contraints de « serrer les boulons », de réduire nos dépenses, de maîtriser nos déficits ce qui, j'en conviens volontiers, demande des efforts, des sacrifices, des renoncements. Après avoir vécu comme des cigales, les Français redécouvrent le temps des fourmis !
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Pierre Biarnès. Ce sera bientôt le temps des cerises !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Il en est ainsi pour notre budget comme pour les autres. Je me présente donc devant vous avec un budget d'effort et de maîtrise de la dépense. Cela étant, connaissant le Sénat, assemblée résolue et sage, je voudrais tout de même que nous prenions ensemble l'exacte mesure des choses.
Le budget pour 1997 sera de 14,438 milliards de francs, à comparer au budget initial de 1996, qui s'élevait à 15,033 milliards de francs, soit une diminution d'à peu près 570 millions de francs par rapport à l'année dernière. Cela correspond grosso modo, d'une part, à la régulation que nous avons supportée en 1996 et qui s'est élevée à 350 millions de francs, et, d'autre part, au fait que, les dépenses de la FORPRONU ayant disparu, nous avons pu redéployer 230 millions de francs de crédits. Autant dire que nous commencerons l'anné 1997 de facto avec des moyens assez comparables à ceux dont nous avons effectivement bénéficié pendant l'année 1996.
Bien sûr, je préférerais présenter des crédits en augmentation plutôt qu'en diminution, mais je crois que nous pouvons aussi être raisonnables et ne pas considérer la situation avec le misérabilisme habituel.
M. Alain Pluchet. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Ainsi donc, mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit des sacrifices que nous consentons, et dont je ne disconviens pas, nous aurons, en 1997, les moyens de mener la politique étrangère ambitieuse que nous ne cessons de conduire sous l'autorité du Président de la République depuis maintenant bientôt vingt mois.
J'ajouterai que je ne connais pas de système qui ne soit capable de gagner en productivité, c'est-à-dire d'être plus efficace demain qu'aujourd'hui, et je suis persuadé que le ministère des affaires étrangères est capable, plus que tout autre, de cet exercice qui consiste, dans une période un peu austère, à déployer des capacités d'imagination, de réforme et d'adaptation pour faire en sorte que nous soyons aussi performants demain que dans le passé. Cela exigera, n'en doutez pas, un certain nombre d'adaptations et de réformes, dont je voudrais maintenant vous parler.
S'agissant tout d'abord de notre réseau diplomatique, que vous avez évoqué les uns et les autres, je constate que s'il est un sujet de consensus entre nous, quelles que soient nos familles politiques, c'est bien la fierté que nous tirons ensemble de voir la France disposer du deuxième réseau diplomatique mondial.
J'ai écouté Mme Bidard-Reydet comme M. Penne ainsi que les orateurs de la majorité et je constate que nous souhaitons tous maintenir ce réseau à un haut niveau de capacité, car il est l'outil de notre présence à l'étranger, l'outil de notre ambition internationale.
Nous poursuivrons, naturellement, en ce sens, de même que nous poursuivrons l'effort d'adaptation et de modernisation de ce réseau.
Le fait que nous ayons le deuxième réseau diplomatique du monde nous impose non seulement d'en maintenir l'ampleur, mais aussi d'en adapter les modalité d'action.
Ainsi, en matière d'effectifs, nous poursuivons l'application du plan quinquennal de réductions couvrant la période 1994-1998 qui avait été arrêté par le gouvernement précédent et dont nous mettrons en oeuvre, en 1997, la quatrième et avant-dernière tranche, soit un resserrement des effectifs de 119 postes sur un total de 610 sur cinq ans. Tel est l'engagement pris par le ministère des affaires étrangères vis-à-vis du ministère de l'économie et des finances, et je le respecte, comme il se doit.
Nous avons obtenu que la moitié des crédits correspondant à ces économies revienne au Quai d'Orsay, permettant ainsi à notre administration, en même temps qu'elle supprime les postes, d'affecter ces sommes à d'autres dépenses en fonction de nos choix.
Nous continuerons de la même façon l'action que nous avons entreprise dans le domaine informatique. M. Dulait, rapporteur pour avis, s'est inquiété de savoir si nous étions en état de poursuivre l'équipement informatique du service central de l'état civil à Nantes. Ma réponse est : oui. Certes, l'enveloppe globale des crédits informatiques est en légère réduction, mais soyez assuré, monsieur le sénateur, que je maintiendrai le montant des crédits affectés au service central de l'état civil de façon que nous puissions améliorer, en 1997, la qualité et la rapidité du service qu'il rend, et qui est évidemment essentiel pour nos concitoyens.
Toujours sur notre réseau consulaire, Mme Brisepierre a exprimé des inquiétudes, de même que M. Chaumont, rapporteur spécial, qui nous a rappelé, à juste titre me semble-t-il, que ce réseau doit être adapté à une diplomatie qui n'est plus simplement politique, mais est aussi économique et culturelle. En effet, vous avez tout à fait raison, monsieur le rapporteur spécial, notre réseau doit se mettre au service des petites et moyennes entreprises françaises.
Il ne vous a d'ailleurs pas échappé que, dans une ville que nous connaissons bien l'un et l'autre, puisque c'est notre capitale de région, nous avons réuni, la semaine dernière, près de cinq cents représentants de ces PME ainsi qu'une douzaine d'ambassadeurs venus des cinq continents.
Cette première rencontre a été extrêmement intéressante et particulièrement appréciée par les chefs d'entreprise, qui ont eu l'occasion de découvrir qu'un ambassadeur était un être humain, accessible et disponible, tout comme les diplomates présents ont pu mesurer leurs préoccupations et leur sensibilité.
Nous prolongerons cette première initiative dans les différentes régions de France. Ainsi, cette diplomatie économique, qui est désormais notre priorité, cessera d'être mise exclusivement au service des grandes entreprises, déjà fort expérimentées en ce domaine, pour se consacrer de plus en plus au service de notre puissant réseau de PME, la nécessité d'exporter se faisant de plus en plus sentir pour ces dernières.
Néanmoins, madame Brisepierre, il nous faut, dans le même temps, être capables d'adapter notre réseau. Adapter, cela veut dire fermer ici et ouvrir là. Il ne s'agit pas de fermer pour réduire les dépenses et de sacrifier à un exercice à vocation budgétaire. Je ne cède pas à des pressions que je subirais de la part du ministère de l'économie et des finances. Il s'agit de fermer ici parce que tel consultat, utile hier, l'est moins aujourd'hui, pour ouvrir là où, en revanche, des besoins très importants se font jour. Plusieurs d'entre vous ont d'ailleurs évoqué la nécessité dans laquelle nous sommes d'être davantage présents en Asie, je préciserai même en Asie centrale, et de l'être peut-être un peu moins en Europe, notamment au sein de l'Union européenne. Pour autant, je ne souscris pas à l'idée selon laquelle les ambassades ne seraient plus utiles dans les pays de l'Union européenne. Leur utilité évolue, mais elle demeure.
M. Jacques Habert. Absolument !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. De surcroît, un certain nombre de consulats européens, qui datent, je dirai, du temps des diligences - ils en ont souvent le charme, d'ailleurs - sont moins utiles que de nouvelles représentations dans des pays dont nous sommes encore absents.
Ainsi ouvrirons-nous prochainement un consulat général à Canton, où notre absence est très dommageable à nos intérêts. De même, une ambassade au Turkménistan a été ouverte. Deux ambassadeurs non résidents permanents ont été nommés, l'un en Mongolie, l'autre en Erythrée. Il est vrai que, dans le même temps, nous fermerons quatre ambassades en Jamaïque, au Liberia, au Sierra Leone et au Malawi, et cinq consulats, ceux de Florence, d'Edmonton, d'Honolulu, de Porto Rico et de Mons. Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous êtes sensibles à ces considérations. Oui, dans chaque cas, c'est une difficulté, parfois un arrachement et, en tout cas, une évolution qui n'est pas sans inconvénients, mais c'est aussi une nécessité.
D'ailleurs, l'évolution du réseau consulaire en Europe depuis 1983 est, à cet égard, très intéressante, puisque dix-neuf postes consulaires ont été fermés, et ce toutes majorités confondues, aussi bien en Allemagne et au Royaume-Uni qu'en Belgique, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Autriche. A ces fermetures s'ajoutent celles auxquelles il est procédé cette année. Il est vrai que c'est de la responsabilité du Gouvernement que de choisir, que de décider les consulats qu'il faut créer, les ambassades qu'il faut fermer, mais je ne vois que des avantages à en parler avec vous. Aussi, mais vous le savez sans doute, je viendrai régulièrement devant la commission des affaires étrangères du Sénat pour l'informer très précisément au fur et à mesure que les décisions seront prises.
Cette action incessante de remodelage sera poursuivie en 1997 ainsi qu'en 1998.
S'agissant toujours du réseau, il nous faut de plus en plus avoir présent à l'esprit que nous devons marier, quand c'est nécessaire, nos services diplomatiques au sens classique du terme à d'autres services, notamment ceux du ministère de l'économie et des finances. Nous aurons de plus en plus des postes mixtes, c'est-à-dire des postes ayant la double vocation consulaire et économique.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Les premières initiatives en ce sens sont en cours de préparation. En plein accord avec mon collègue Yves Galland, je pousse les feux pour que, dans ce domaine, nous soyons assez allants. Si, en effet le consul est capable d'être, ici, un excellent représentant de l'économie française, le conseiller commercial ou l'agent commercial est capable d'être, là, un excellent représentant de nos intérêts consulaires.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Cette disponibilité, cette souplesse, cette flexibilité administrative me paraissent aller dans le bon sens, celui de l'économie et de l'efficacité.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. En réponse à M. Vigouroux, je voudrais évoquer ce que j'appellerai une curiosité parlementaire.
Monsieur le sénateur, vous êtes le deuxième à faire état devant moi du drame qui résulterait du fait que, entre la Volga et l'Oural, il n'y aurait qu'un attaché linguistique. Comme je l'ai entendu à l'Assemblée nationale, très exactement dans les mêmes termes - monsieur le sénateur, prenez mes propos de la façon la plus amicale - cela signifie - mais ce n'est pas la première fois que cela arrive - que tel réseau de fonctionnaires, jugeant que les moyens dont il dispose ne sont pas suffisants, et mécontent sans doute de son dialogue avec la direction générale de l'administration, passe par le Parlement pour obtenir gain de cause.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Dialogue difficile !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, très franchement, on vous a mal informé. Entre la Volga et l'Oural, il y a au moins quatre attachés linguistiques. Il y a un centre de francophonie à Ekaterinbourg, à Nijni Novgorod, à Kazan et à Saratov. Bref, il y a tout ce qu'il faut ! Ceux qui vous ont donné ces informations ne vous ont donc pas bien informé. C'est pour cela que j'ai tenu à vous apporter ces précisions, en toute amitié.
Plusieurs d'entre vous - M. Habert dans sa brève question, MM. Bordas, Durand-Chastel, Penne et Biarnès - ont évoqué la question de l'enseignement du français à l'étranger.
M. Biarnès me pardonnera si je lui dis que je ne partage pas son analyse. Mais, enfin, c'est la vie démocratique... A mon avis, il n'est souhaitable ni de faire passer cette action entre les mains du ministère de l'éducation nationale, qui s'en désintéresserait, croyez-moi, du jour au lendemain, ni d'appliquer à l'étranger les règles qui prévalent à l'échelon national. Les situations ne sont pas les mêmes.
Notre réseau d'enseignement est tout à fait remarquable. Depuis dix-huit mois, j'en suis le témoin étonné et admiratif. Je constate que la mobilisation des parents est toujours exceptionnelle, que la mobilisation des enseignants est remarquable et que les résultats scolaires sont très supérieurs à la moyenne nationale. C'est pourquoi il faut soutenir et développer, chaque fois qu'on le peut, ce réseau très remarquable.
Notre pays est le seul au monde à posséder un tel réseau d'établissements scolaires et d'enseignement.
C'est pourquoi les crédits de l'Agence seront maintenus en 1997. Je n'ose pas vous dire qu'ils augmenteront car la hausse n'étant que de 0,2 %, vous pourriez quelque peu ironiser sur ce pourcentage léger. Mais, enfin, dans un budget qui baisse de 3,96 %, les crédits destinés à l'enseignement de nos jeunes Français à l'étranger sont maintenus, et cela est important.
En toute hypothèse, il est indispensable de travailler à la régionalisation de ce réseau, de préparer l'avenir, d'envisager sa modernisation. M. Habert me demandait où en était le rapport de M. Pierre Lequiller : il a été remis au Premier ministre et à moi-même. Nous sommes actuellement en train d'étudier ce document de très grande qualité et j'aurai sans doute l'occasion, au cours des mois prochains, de rendre compte, devant vous-même et votre commission, des conclusions que nous en aurons tirées.
Sachez enfin que les crédits des bourses seront eux-mêmes maintenus, permettant ainsi, avec 185 millions de francs, de délivrer 17 000 bourses aux jeunes Français expatriés. Je crois donc que nous maintenons un effort important.
Vous avez, par ailleurs, évoqué la question de l'assistance aux Français de l'étranger. Il faut avoir conscience, dans ce domaine, que les crédits du ministère des affaires étrangères - crédits eux aussi maintenus à 130 millions de francs, c'est-à-dire prioritaires à nos yeux - s'intègrent dans un ensemble où, directement ou indirectement, la totalité des crédits consacrés aux Français de l'étranger par le département est, en réalité, de l'ordre de 1,4 milliard de francs.
Les crédits destinés à l'action sociale atteindront, en 1997, 97 millions de francs, contre 89 millions de francs il y a trois ans. Autrement dit, sur trois années, leur progression réelle a marqué notre volonté de continuer à soutenir l'action des comités consulaires pour la protection et l'action sociale et, surtout, de faire en sorte que ceux des expatriés qui ont besoin de la solidarité publique puissent continuer à en bénéficier.
Il faut adapter ce réseau aux besoins croissants de nos communautés d'expatriés, notamment en essayant, quand c'est possible, d'associer nos partenaires européens à la création, par exemple, de cabinets médicaux communautaires, comme nous le faisons au Rwanda. Il faut aussi nous efforcer d'associer nos efforts entre Européens.
M. Cantegrit a formulé des propositions très précises. Je ne suis pas surpris que le président du groupe UDF au CSFE et, surtout, de la Caisse des Français de l'étranger ait développé devant nous, avec précision et compétence, un très grand nombre de propositions pratiques.
Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que notre volonté de soutenir l'action sociale en faveur des Français de l'étranger sera poursuivie non seulement en 1997, mais dans les années qui viennent.
La proposition de M. Cantegrit d'établir un programme sur plusieurs années permettant de mener une action non seulement annuelle, mais également située dans une perspective, me paraît tout à fait intéressante. Je vais donc demander à nos services de l'examiner avec ceux du ministère des finances, afin que nous puissions vous apporter, dans les prochains mois, une réponse précise à la question précise que vous avez posée. Sachez en tout cas que, pour ma part, je suis très ouvert à cette démarche que je juge tout à fait positive.
A ce stade de mon intervention, je voudrais dire quelques mots de l'audiovisuel public extérieur, dont plusieurs d'entre vous, notamment MM. Bordas et Penne, ont parlé.
Dans ce domaine, nous avons maintenu les crédits - que dis-je ! nous les avons augmentés, puisque RFI disposera cette année de 60 millions de francs de plus que l'année dernière - de façon à rétablir la situation un peu particulière dans laquelle se trouvait cette station de radio qui, l'année dernière, a vu ses crédits amputés de 60 millions de francs à l'occasion de la régulation budgétaire. Elle avait pu compenser cette perte par un prélèvement sur sa trésorerie, mais cela ne peut pas se reproduire cette année. C'est pourquoi le montant de la dotation de RFI sera donc augmenté de 60 millions de francs.
Par ailleurs, nous avons pris hier soir, avec M. le Premier ministre, un certain nombre de décisions concernant le secteur de la télévision.
La création de Télé France International, Télé-FI, a été décidée. Il s'agira d'une société holding opérationnelle regroupant TV 5 et Canal France International, CFI, et qui sera chargée de trois missions principales : définir, en concertation avec les chaînes publiques françaises, les orientations stratégiques concernant la présence de celles-ci à l'étranger, étudier la possibilité de créer une chaîne, vitrine de la France, axée sur l'information et les documentaires, laquelle devrait s'appuyer sur l'ensemble des fournisseurs d'images, français et étrangers, publics et privés,...
M. Maurice Schumann. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. ... et, enfin, poursuivre le soutien à l'exportation pour les programmes audiovisuels français, en relation étroite avec Télé France International.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Il a été convenu que je confierai à M. Jean-Paul Cluzel la mission de créer Télé France International, et que sera élaboré, avec le concours de M. Michel Meyer, un projet précis, sur le plan financier, pour cette chaîne vitrine de la France, qui prévoira la possibilité de mettre en place un réseau d'informations permanentes ou régulières dont nous ne disposons pas pour l'instant.
Nous sommes enfin convenus qu'un comité stratégique composé d'experts et présidé par M. Francis Balle sera constitué auprès de moi afin de conseiller le Gouvernement sur la politique télévisuelle extérieure.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la francophonie, en particulier M. Legendre, mais ce sujet n'est-il pas, si j'ose cette familiarité, son enfant chéri ? (Sourires.)
La francophonie est désormais un mouvement extrêmement important, je dirais une dimension essentielle de la politique étrangère de la France.
L'entrée de pays connaissant une évolution démocratique majeure - je songe à la Roumanie ou à la Moldavie - témoigne de l'appétit de ces peuples pour un ensemble pluraliste et respectueux des cultures et des identités.
Je suis frappé du nombre de pays qui souhaitent rejoindre ce groupe, lequel représente aujourd'hui quarante-neuf Etats et est appelé, dans les années à venir, à accroître encore sa dimension. C'est, pour nous, non seulement un lien particulier d'amitié avec un certain nombre de peuples, mais aussi l'expression de notre volonté tenace de défendre notre langue, notre culture, la diversité des cultures francophones, et d'être présents dans un monde où règne la menace permanente de l'uniformisation des cultures et des langues.
Nous souhaitons que cette francophonie soit, à l'avenir, un mouvement certes chaleureux, sympathique, mais plutôt à vocation culturelle, afin qu'il devienne progressivement capable d'exprimer, dans la vie politique internationale, son rôle, sa force et sa dimension.
Bien entendu, monsieur le sénateur, il faut que cette francophonie-là, un peu plus politique qu'hier, au bon sens du terme, ait sa dimension parlementaire, et je puis vous affirmer que tout sera fait, notamment dans la perspective du sommet de Hanoï, pour que l'AIPLF puisse jouer pleinement le rôle qui, je crois, lui revient. Il est en effet très important que les parlementaires francophones soient les partenaires actifs de ce mouvement de la francophonie qui se met en marche.
Je terminerai, mesdames, messieurs, par quelques brèves indications.
L'informatisation des services du ministère sera poursuivie.
La délivrance des visas doit continuer à faire l'objet d'une attention particulière, même si, je le sais, vous en êtes vous-mêmes les témoins, cette politique des visas, pourtant nécessaire, ne manque pas, au jour le jour, de provoquer des difficultés que nous nous efforçons de régler au mieux. Mais, je le répète, la politique des visas reste un élément stratégique de la politique de la France, et, pour ma part, je continuerai à la défendre.
De même nous efforcerons-nous, dans des enveloppes évidemment restreintes, de maintenir une politique immobilière active.
L'année 1997 sera marquée par l'inauguration de la nouvelle résidence de France à Beyrouth. La résidence des Pins sera inaugurée, je l'espère, le 14 juillet 1997. Je crois que c'est le signe à la fois de la renaissance du Liban et du retour de la France.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Bravo !
M. Adrien Gouteyron. C'est hautement symbolique !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. C'est hautement symbolique, il est vrai, monsieur le sénateur.
Nous commençons le processus qui aboutira à la réalisation de notre ambassade de France à Berlin, dont vous avez trouvé l'évaluation bien chère. Mais rien n'est encore fait ; nous n'en sommes même pas encore aux appels d'offres. Si cette évaluation est élevée, c'est parce que nous l'avons fondée sur un prix de 20 000 francs le mètre carré pour une opération assez considérable de 12 000 mètres carrés.
Restons prudents, et soyez assuré que je serai très attentif à faire en sorte que toutes ces opérations soient conduites avec un souci d'économie que, parfois, dans le passé, je n'ai pas observé.
Je suis allé au Mexique il y a quelques mois. J'ai pu y constater en effet que, dans le cas d'espèce, excusez-moi l'expression, on n'avait pas « mégoté » avec les moyens de l'Etat. Nous aurons une gestion à la fois digne de la France, pour sa présence internationale, et économe de ses moyens, qui sont ceux de nos concitoyens.
Enfin, je voudrais vous rappeler que, cette année, vous disposez d'un document tout à fait remarquable et intéressant : le budget de l'action extérieure de la France. C'est une grande première. C'est en effet la première fois que, sur l'initiative du Premier ministre, et grâce aux travaux poursuivis au sein du comité interministériel des moyens de l'action extérieure de la France, se trouve rassemblé dans un même document l'ensemble des crédits que l'Etat affecte à cette action extérieure, à savoir 48 milliards de francs.
Ce rapport, qui sera désormais annuel, mettra, à l'occasion de chaque discussion budgétaire, la représentation parlementaire en mesure de porter un jugement éclairé sur cette réalité.
Il s'agit d'un document jaune ; peut-être un jour sera-t-il bleu... (Sourires.)
M. Jacques Habert. Ah !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. Si cela advient, cela signifierait...
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. Que nous aurons gagné !
M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères. ... que l'Etat aura accompli le progrès décisif consistant non seulement à savoir une vue globale des choses mais aussi à prendre les décisions d'une manière également globale, tant il est vrai que cette action interministérielle, que je crois fort utile, mérite sans nul doute qu'il soit procédé à une appréciation globale, afin que ces 48 milliards de francs servent au mieux les intérêts généraux de notre pays.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je tenais à vous apporter. J'espère, monsieur le président, avoir respecté le délai que vous avez bien voulu m'accorder. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les affaires étrangères et la coopération : I. - Affaires étrangères.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, moins 83 686 546 francs. »