M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.
Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Souplet.
M. Michel Souplet. J'aurais pu choisir d'intervenir sur les nombreux problèmes auxquels est confronté le monde agricole aujourd'hui, notamment la crise des fruits et légumes, la crise bovine ou le système de revalorisation des retraites. Cependant, pour avoir suivi les débats qui se sont tenus à l'Assemblée nationale le 24 octobre, ou ici même, devant la Haute Assemblée, le 6 novembre, je sais que ces sujets ont maintes fois été abordés et qu'ils le seront encore.
Aussi mon intervention portera-t-elle, monsieur le ministre, sur quelques questions qui, bien que d'ordre général, sont néanmoins cruciales et qui, je le sais, vous tiennent à coeur ; je veux parler du rôle que l'on doit assigner, dans notre société, à l'agriculture et à ses professionnels.
Tous ceux qui s'intéressent au monde agricole seront d'accord avec moi sur un point : le secteur agricole, qui dégage un excédent croissant, contribue depuis de nombreuses années à améliorer le solde de la balance commerciale de notre pays.
Je rappelle ici, comme je le ferai samedi à l'occasion de l'examen des crédits du commerce extérieur, que, pour la deuxième année consécutive, la France a dégagé un excédent commercial record dépassant 100 milliards de francs en 1995, contre 81 milliards de francs l'année précédente. Notre excédent agroalimentaire est passé de 44,6 milliards à 50,8 milliards de francs, enregistrant 15 % d'augmentation l'an dernier, alors que l'excédent en produits bruts, qui ont été touchés par la réforme de la politique agricole commune, a progressé légèrement, puisqu'il s'est élevé à 19,9 milliards de francs en 1995 contre 18 milliards de francs en 1994.
Je tiens à rappeler, du haut de cette tribune, la double vocation de l'agriculture dans notre pays.
Premièrement, notre agriculture a une vocation économique. Elle doit assurer la sécurité alimentaire en qualité et quantité pour nourrir tous les hommes. Le directeur général de la FAO, lors de la réunion récente à Rome, a poussé à nouveau un cri d'alarme à propos de la croissance de la sous-alimentation dans le monde. Ainsi, 40 000 personnes meurent chaque jour, pour la plupart des enfants et des vieillards. Le chiffre est impressionnant, mais aussi d'autant plus choquant pour les paysans que, parallèlement, ils sont contraints de limiter leurs possibilités de production.
Cette vocation économique se traduit aussi à l'exportation. Notre agriculture doit maintenir ses marchés, voire conquérir des marchés extérieurs nouveaux et, pour cela, être en permanence compétitive sur le marché mondial.
Deuxièmement, notre agriculture a une vocation plus sociale de protection de l'environnement et d'aménagement du milieu rural.
Vous m'avez souvent entendu parler ici, en tant que président du groupe de la biomasse, des carburants agricoles. Le Gouvernement a manifesté sa volonté d'encourager l'utilisation des biocarburants pour des raisons économiques mais aussi environnementales bien réelles. Hier encore, lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, nous avons réintégré à l'unanimité une mesure visant à rendre obligatoire l'incorporation de carburants oxygénés dans les flottes captives des agglomérations de plus de 100 000 habitants.
Les biocarburants sont des carburants propres, mais ils ont été dénigrés par une campagne mensongère. Je tenais ici à en dénoncer l'effet pernicieux.
A lire certains rapports ou certaines déclarations - je pense ici à la déclaration de Cork du début du mois de novembre - je suis inquiet sur le devenir et le rôle que certains tendraient à assigner à notre agriculture.
Je suis tout à fait d'accord pour souhaiter que l'agriculture joue un rôle déterminant dans la protection de l'espace rural, car c'est une de ses fonctions importantes.
Elle ne saurait cependant être réduite à cela. En effet, il serait désastreux pour l'avenir de l'agriculture de vouloir lui faire jouer ce rôle purement « social ». Aujourd'hui, les agriculteurs sont des chefs d'entreprise responsables et pleins d'espoir quant au devenir de leur activité. Si nous voulons promouvoir une agriculture performante - je souhaite que la France insiste fortement auprès de ses partenaires européens sur ce point - si nous voulons donc une agriculture productive et exportatrice, il est nécessaire que les entreprises agricoles réagissent comme toutes les entreprises qui sont à la recherche de gains de productivité.
Depuis douze ans, je préside un groupe de sénateurs qui étudient les débouchés nouveaux non alimentaires pour une part croissante de notre production agricole. Ce sont les carburants, les combustibles, les utilisations chimiques ou encore pharmaceutiques. Mon collègue Jacques Machet s'est beaucoup investi avec moi sur ces dossiers.
La réforme de la politique agricole commune et le gel des terres ont traumatisé les agriculteurs, mais, avec le temps, ces derniers ont accepté ces évolutions. Nous avons donc été conduits à utiliser ces sols improductifs pour produire des matières premières renouvelables. C'est ainsi que 30 000 hectares ont été reconvertis en 1996 pour les carburants. Mais je crois, monsieur le ministre, que nous pouvons faire mieux.
Il faut donc valoriser notre potentiel, créer et maintenir des outils au « top niveau » de la transformation et du conditionnement pour pouvoir rapidement s'adapter aux situations nouvelles qui se présentent.
Dans le cadre du projet de loi d'orientation en préparation, nous aurons à intégrer des paramètres qui semblent a priori contradictoires et qui, en réalité, ne le sont pas.
Je partage votre souci et celui des organisations professionnelles agricoles quant à l'installation des jeunes agriculteurs. Une installation pour un départ, tel est l'objectif que nous nous fixons à moyen terme. Dans de nombreuses régions, des mesures d'encouragement à l'installation sont indispensables pour maintenir un tissu rural suffisant, garant d'une qualité de vie, et pour que notre agriculture réponde pleinement à sa vocation sociale d'aménagement du territoire et de protection de l'environnement.
Ces entreprises petites ou moyennes doivent être assurées de revenus permettant un niveau de vie décent pour le couple d'exploitants, ce qui se réalisera souvent, et de plus en plus, dans le cadre de la pluriactivité. En revanche, il faut aussi envisager les modalités de transmission d'entreprises performantes ou exportatrices dont le pays a grand besoin. Ces exploitations sont toujours bien structurées, souvent de grande dimension et, la plupart du temps, indivisibles. Je pense notamment aux installations de stockage, aux séchoirs, aux structures d'irrigation ainsi qu'aux installations de stabulation libre.
Que se passe-t-il lors de la transmission d'une entreprise qui, économiquement et structurellement, est viable ? Si la transmission ne se fait pas dans la famille, le ou les repreneurs potentiels devront engager des capitaux importants. On a évoqué tout à l'heure l'importance des investissements en agriculture et la faible rentabilité des capitaux, comparable à celle de l'industrie lourde. Bien souvent, un jeune sera incapable de réunir les capitaux nécessaires pour s'installer seul.
Dans une société libérale, il faudra imaginer des possibilités de reprises sous forme sociétaire. Une ferme performante de 400 hectares, par exemple, est une entité indivisible, mais c'est une entreprise qui peut être reprise par plusieurs exploitants en société. Il faudra donc favoriser l'installation avec des formes nouvelles de prêt, mais sans léser le cédant.
Dans cette courte intervention, j'ai tenu, monsieur le ministre, à vous faire part de mes états d'âme. Voilà quelques jours, j'ai eu l'occasion de dire au Président de la République que je demeurais attaché à la libre entreprise et restais un défenseur de l'exploitation familiale. Je ne veux pas, nous ne voulons pas d'une agriculture réduite aux 100 000 exploitants susceptibles de nourrir l'Europe entière, sans se soucier, d'ailleurs, du reste du monde. Je préfère, moi, 700 000 exploitations bien réparties sur le territoire, en sachant que la double vocation de ce beau métier qui est le mien conduit à des différences de structures et exige l'étude et la mise en place de mesures spécifiques et complémentaires.
L'Europe de demain, à laquelle j'aspire depuis 1958, aura besoin, comme la France d'aujourd'hui, d'une agriculture puissante et performante, seule garante de sa sécurité alimentaire, voire de sa sécurité politique.
Le groupe de l'Union centriste vous remercie donc, monsieur le ministre, de votre action constante en ce sens. Il votera, bien sûr, votre budget, même s'il regrette un peu que vos crédits ne soient pas davantage abondés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Gouteyron, qui dispose de cinq minutes.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le ministre, comment garder à l'enseignement agricole sa qualité ? Quels doivent être ses objectifs ? Quels crédits faut-il lui consacrer ?
L'analyse faite par nos rapporteurs, en particulier par le rapporteur de la commission des affaires culturelles, M. Vecten, et par le rapporteur spécial, M. Bourdin, oblige à poser, ou à reposer ces questions. MM. Vecten et Bourdin ont en effet constaté l'un comme l'autre une rupture dans une tendance constante ces dernières années. De fait, la progression des crédits est de 2,26 % cette année, contre 5 % à 7 % en moyenne les années précédentes.
C'est un premier constat.
Le deuxième constat, monsieur le ministre, c'est vous-même qui l'avez fait, relevant un écart significatif entre les effectifs attendus à la rentrée dernière et les effectifs que vous avez ou plutôt auriez dû accueillir. Dans une intervention récente, vous avez parlé de plus de 9 000 élèves.
Rupture, disais-je. Mais, monsieur le ministre, vous le savez bien, il est impossible de gérer un système éducatif en le contingentant : on ne contingente pas des effectifs scolaires comme une production !
MM. Louis Minetti, Marcel Bony et Albert Vecten, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. Pourquoi ? D'abord parce que c'est inacceptable, car, derrière ces chiffres, ce sont nos jeunes, avec leurs objectifs, leurs ambitions, leur idée de leur avenir que nous trouvons. Nous devons, après les avoir dûment informés, respecter leurs ambitions, leurs objectifs et l'idée qu'ils se font de leur avenir. Le contraire serait inacceptable. Qui plus est, une telle démarche - je sais que ce n'est pas la vôtre - serait vouée à l'échec.
L'évolution de l'enseignement agricole se caractérise, ces dix dernières années, par une tendance lourde. Si les effectifs croissent, c'est essentiellement parce que la demande de formation est grande, parce que la durée de la formation s'allonge et parce que les jeunes postulent à des diplômes de plus en plus élevés.
Le rapport de M. Vecten, au nom de la commission des affaires culturelles, est, à cet égard, explicite.
Il faut, monsieur le ministre, éviter deux périls et peut-être même deux tentations.
Le premier péril, je n'hésite pas à le dire, serait celui de la banalisation de l'enseignement agricole. Vouloir tout faire, tout et n'importe quoi, ce serait vouer l'enseignement agricole à la mort. Or réclamer les crédits nécessaires pour accueillir le maximum d'élèves conduirait à cela. C'est pourtant une demande qui a été formulée au cours de ce débat. Mais il n'est pas possible d'y répondre. Inversement, rétrécir la formation agricole et réduire l'enseignement agricole aux seuls besoins de la production, c'est risquer - second péril - une professionnalisation desséchante et fatale.
Alors, que faire ? Eh bien ! il faut retrouver les missions premières de l'enseignement agricole. A cet égard, monsieur le ministre, je me référerai une nouvelle fois à un discours que vous avez prononcé récemment. Il me semble qu'il y a dans vos propos de quoi nourrir la réflexion et fonder réellement l'enseignement agricole.
Effectivement, il faut répondre aux besoins de la profession ; il faut aussi particiciper à l'animation rurale et, surtout, au développement rural, et ce avec à l'esprit les deux soucis permanents de l'enseignement agricole, qui expliquent largement son succès, je veux parler, d'une part, de l'insertion professionnelle, d'autre part, de cette seconde chance qu'il faut donner, chaque fois que cela est nécessaire, aux jeunes de notre monde rural.
Monsieur le ministre, la discussion de projet de loi d'orientation sera pour nous l'occasion de réfléchir aux objectifs comme à la légitimité de l'enseignement agricole. Il faut que vous saisissiez cette opportunité. La préoccupation que j'exprime est au coeur de votre politique, au coeur de la politique de tout ministre de l'agriculture, car il s'agit ni plus ni moins que d'assurer l'avenir des jeunes, l'avenir de la profession, l'avenir du monde rural, d'assurer aussi l'équilibre de notre pays. Vous y êtes attaché, et je pense, monsieur le ministre, que les propos que vous nous tiendrez permettront à nos collègues membres de la commission des affaires culturelles de voter votre projet de budget. Je les attends pour ma part avec beaucoup de tranquillité et, même, avec beaucoup d'espoir ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le ministre, votre budget traduit grosso modo la neutralité le statu quo pourrait-on dire.
Mes collègues traiteront plus des crédits que je ne vais le faire. Cependant, la relative tendance à la baisse de ce budget me donne l'occasion de contester pêle-mêle le sort fait aux opérations groupées d'aménagement foncier et, plus généralement, aux mesures agri-environnementales. Elle me permet également de contester la baisse de la ligne afférente aux bâtiments de montagne et la non-revalorisation de l'enveloppe des indemnités compensatoires de handicap, la chute libre des actions spécifiques dans les zones défavorisées, l'insuffisante dotation du fonds de gestion de l'espace rural.
Permettez-moi en passant de vous faire remarquer, monsieur le ministre, que cette tendance à « rogner » continuellement les crédits destinés à l'aménagement rural et à la montagne traduit bien que cette action n'est pas une priorité du Gouvernement, ce qui est en contradiction avec le mémorandum que vous avez déposé sur l'agriculture de montagne.
Bien entendu, il y a certainement des éléments positifs dans ce budget, que d'autres sénateurs se sont chargés ou se chargeront de mettre en lumière. Mais mon propos d'aujourd'hui vise plutôt à exprimer un sentiment général sur les zones rurales, un sentiment en concordance avec l'impression de désagrégation que j'en ai.
Ancien petit éleveur de montagne, cela fait bien longtemps que je parle de ce monde ; pour autant, ne pensez pas qu'il s'agisse du même discours usé, sans prise sur la réalité. Ce que j'exprime aujourd'hui, sans autre prétention que de vouloir avertir du danger, reflète un ras-le-bol collectif.
Monsieur le ministre, ne croyez pas non plus que je veuille vous mettre sur le dos toute la misère du monde. Vous êtes simplement mon meilleur interlocuteur en matière de ruralité.
Qu'a voulu montrer la grande manifestation d'Aurillac, le 16 novembre dernier ? C'était un cri d'alerte destiné à prévenir que la plus grande partie du Massif central est en train de mourir, de se vider de sa substance, c'est-à-dire de ses hommes. Il est en effet prévu que cette région perde plus de 200 000 habitants d'ici à 2015 du fait de suppressions d'emplois, de délocalisations d'entreprises, de disparitions d'exploitations agricoles de fermetures d'écoles, du vieillissement de la population.
Ce n'est pas nouveau, m'objecterez-vous. Mais, dans un environnement rude, moins on est nombreux, plus on se resserre. Et, à présent, la multiplication des suppressions d'emplois vient d'atteindre un rythme tel que celles-ci s'agglomèrent et forment une sorte de trou noir de catastrophe humaine.
Le Massif central, c'est un espace où on lâche pied, comme on évacue en période d'épidémie un lieu contaminé. Toutefois, la désertification est la conséquence non pas d'une épidémie, mais d'une abdication.
Du reste, les problèmes liés à la maladie de la vache folle, qui concernent particulièrement les éleveurs du Massif central sont symboliques de la situation. Ce sont encore une fois les agriculteurs les plus faibles qui trinquent, et les territoires les plus fragiles.
Ce sont eux qui supportent aujourd'hui en premier lieu les conséquences de l'aberration trop longtemps entretenue qui a voulu qu'on produise toujours plus et plus vite, sans souci de qualité, mais avec une débauche d'investissements entraînant une forte concentration, alors que, parallèlement, les prix chutaient vers les abîmes des cours mondiaux. Tous les moyens ont été bons pour produire, et même surproduire à bas prix, du lait sans herbe, de la viande avec des cadavres d'animaux. Et nous avons percuté, sans airbag , un mur que nous n'avions pas vu et qui s'avère meurtrier. Nos paysans sont à présent suspectés de vouloir empoisonner l'humanité, alors que leur seul objectif était de la nourrir.
L'euthanasie des petits veaux laitiers est un élément de cette affaire. On nous explique que, pour bénéficier de la prime d'abattage, cyniquement appelée « Hérode », le veau doit être en parfaite santé et ne pas avoir de malformations. Autrement dit : soignez bien votre vêlage pour mieux tuer votre veau !
Le paysan nouveau serait-il celui qui produit pour détruire, celui qui donne la vie pour la reprendre aussitôt ? C'est assez dur à admettre, même s'il existe une justification économique à cette mesure.
En disant cela, j'ai conscience d'être quelque peu provocateur à votre égard, monsieur le ministre, vous qui avez été réellement prompt à réagir dès l'annonce de la maladie. Ne le prenez pas en mauvaise part, mais imaginez ce que peuvent ressentir au plus profond de leur âme d'éleveur ceux à qui on va appliquer la mesure.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Ils ne sont pas obligés de s'y soumettre !
M. Marcel Bony. Quand ils me disent que le monde marche sur la tête, j'ai parfois du mal à trouver une répartie.
Le productivisme au détriment du tissu social, c'est cela le véritable échec de l'aménagement rural. Même si la réforme de la PAC y a apporté quelques correctifs, on se rend compte que, dans son application, elle ne parvient pas à réduire les disparités. En effet, quoi qu'on en ait dit, cette fameuse politique agricole commune, qui avait fait descendre dans la rue les tracteurs de la colère, ne fait pas que des malheureux.
Pourtant, ce n'est pas la joie pour tous les paysans. Certains ont beau travailler, prendre de la peine, ils périclitent dans une agriculture de moins en moins faite pour les petits exploitants.
La prime à l'herbe, par exemple, n'est que de 300 francs à l'hectare quand celle du maïs ensilage dépasse les 2 000 francs. Veut-on donner un avenir aux zones défavorisées avec cela ? Est-ce ainsi que l'on entend permettre aux vaches de faire leur métier : paître ?
En vingt-cinq ans, ce sont 25 % des prairies françaises qui ont disparu ! Ce n'est malheureusement pas la seule revalorisation de la prime à l'extensification pour l'unité de gros bétail à l'hectare qui sauvera nos pâtures, même si c'est une avancée, je n'en disconviens pas.
Dans le même ordre d'idées, comment trouver acceptable que les exploitations céréalières déclarant plus de 200 hectares reçoivent en moyenne 640 000 francs d'aides publiques par unité, alors que celles qui déclarent moins de 50 hectares - 80 % des exploitations - perçoivent 29 000 francs par exploitation ? C'est donc là où le revenu est le plus fort qu'il y a le plus d'aides. Les grandes cultures en bénéficient davantage, deux fois plus que les productions bovines.
Une meilleure répartition doit être possible. Pour cela, il faut accepter de mettre un frein à cette fuite en avant qu'est l'intensif, modèle qui aujourd'hui a atteint ses limites et qui ne servira plus le progrès autre que technologique.
Car le progrès, pour nous, ce serait que le pays soit entièrement animé ; ce serait de nous sentir confiants dans l'avenir de notre jeunesse, qui pourrait travailler sur place et entamer une vie décente. Le progrès véritable, pour reprendre un bel article de Jean Fay, serait de cultiver un peu plus l'espèce humaine, au lieu de cultiver seulement la rentabilité des capitaux.
Depuis 1945, l'agriculture française a perdu plus de 250 emplois par jour. Les conséquences sont incalculables.
Elles sont rurales et, par contrecoup, urbaines. Mais, aujourd'hui, les villes sont également en crise, les banlieues singulièrement, elles sont aux prises avec le chômage, l'insécurité, l'exclusion, la surpopulation, la pollution, la congestion...
Aussi, ne fait-on pas de l'aménagement du territoire à rebours lorsqu'on continue de réaliser des investissements très coûteux à la périphérie des grandes villes ? Dernièrement encore, sept kilomètres d'autoroute ont été construits, pour quatre milliards de francs...
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Marcel Bony. ... alors qu'il faudrait, à mon sens, contrebalancer la tendance à l'accumulation des hommes et des activités, et irriguer fortement le rural ?
Les zones rurales sont des réservoirs d'atouts, et même si les paysans ne sont plus majoritaires dans les campagnes, l'agriculture est encore le pivot de toute politique de rénovation rurale. Dès lors, monsieur le ministre, vous avez un rôle essentiel à jouer en la matière.
A cet égard, où en est le plan pour l'avenir du monde rural ? Jusqu'à présent, c'est l'Arlésienne !
La future loi d'orientation sur l'agriculture laisse quelques espoirs. Cependant, elle ne doit pas être une loi de modernisation bis. Elle devra clairement mettre en perspective les risques d'une poursuite incontrôlée de la concentration des exploitations et prévoir une redistribution équitable des aides. Elle devra anticiper l'évolution de la PAC, laquelle vient d'être quelque peu jalonnée par la conférence de Cork. Elle devra redonner un espoir aux terroirs déshérités.
Au sein de notre assemblée, nous sommes un grand nombre de vrais ruraux, nous réagissons en fonction d'une sensibilité similaire, nous sommes choqués par les mêmes contradictions,...
M. le président. Je vous demande instamment de conclure, monsieur Bony. Vous empiétez sur le temps de parole de vos collègues.
M. Marcel Bony. ... mais nous n'en tirons pas toujours les mêmes conclusions quand vient le moment de voter.
Il importe pourtant d'avoir une vision globale de ce que vont devenir nos campagnes. Ce n'est pas difficile. Si elles continuent à n'être vécues que comme l'arrière-plan de quintaux et d'hectolitres, point de salut. Si, au contraire, elles reconquièrent une valeur propre déconnectée de la notion de rendement, elles pourront être sauvées.
Peut-être est-ce d'une révolution culturelle dont je suis en train de parler ? En tout cas, il nous appartient, à nous élus, de la faciliter.
Cela suppose également que la France et l'Europe ne soient pas au service de la mondialisation et de la dérégulation interne générale qu'engendre cette notion. Il vous appartient à vous, monsieur le ministre, de ne pas le permettre. Vous êtes nécessairement conscient de l'enjeu. Ayez la volonté et la force de le relever. (Applaudissements sur les travées socialistes, du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vigouroux, à qui il reste cinq minutes.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concernera deux sujets qui intéressent l'ensemble du territoire, mais plus particulièrement le Midi de la France.
Le premier a trait à la société du canal de Provence, une des cinq sociétés d'aménagement régional concernées par le chapitre 61-84. Il s'agit d'une société d'économie mixte, créée en 1957 par le ministère de l'agriculture avec pour mission d'assurer l'aménagement hydraulique de la Provence, notamment de concevoir, réaliser et exploiter le canal de Provence.
En plus de son rôle d'aménagement, d'équip»ement et de développement de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la société du canal de Provence effectue des missions d'expertise, d'assistance et la réalisation d'aménagements à l'étranger.
Elle assure aussi la maintenance d'ouvrages dont elle est concessionnaire : canal de Provence, aménagements hydrauliques du Calavon - sud Lubéron, du plateau de Valensole et du val de Durance. Cela représente 260 kilomètres de galeries souterraines et de canaux à ciel ouvert, et 4 500 kilomètres de canalisations, pour l'irrigation de 80 000 hectares. On estime à 30 000 le nombre d'emplois maintenus ou induits grâce aux réalisations de cette société.
Elle fonctionne selon un régime de droit privé et doit donc réaliser un strict équilibre financier sans la moindre subvention de fonctionnement. Les dépenses d'investissement sont financées à la fois par l'autofinancement, les subventions publiques et l'emprunt.
Les crédits destinés aux SAR ont connu une réduction très marquée et continuent de baisser depuis quelques années. En effet, en 1994, les crédits étaient de 189 millions de francs, dont 57,02 millions de francs pour la société du canal de Provence et d'aménagement de la région provençale, la SCP. En 1995, ces crédits étaient de 133,5 millions de francs, dont 38,295 millions de francs pour la SCP ; en 1996, de 118,5 millions de francs, dont 29,57 millions de francs pour la SCP.
La diminution des crédits des sociétés d'aménagement régional provoquera l'arrêt de la construction de grands équipements en cours ou en projet. Elle ne manquera pas de provoquer des suppressions d'emplois dans les SAR et dans les sociétés sous-traitantes. Elle privera des territoires des aménagements qu'ils attendent avec intérêt.
C'est pourquoi je sollicite du Gouvernement le maintien des crédits qui leur sont destinés au niveau de ceux qui étaient prévus en 1996, c'est-à-dire 118,5 millions de francs, contre 113 millions de francs en autorisations de programme et 108 millions de francs seulement en crédits de paiement pour 1997.
Le canal de Provence, qui a permis de pallier les sécheresses, de réguler la production agricole, d'aménager le territoire, tout en respectant et surtout en améliorant l'environnement, doit pouvoir poursuivre son oeuvre.
Le deuxième sujet a trait au conservatoire de la forêt méditerranéenne.
Le nombre d'incendies de forêts sur les bords de la Méditerranée a connu une forte baisse ces dernières années grâce aux importants moyens matériels et humains mis en place, même si le rôle de conditions climatiques favorables n'est pas négligeable.
Pour lutter encore plus efficacement contre les incendies ravageurs de nos forêts méditerranéennes, il convient de rester très vigilant. Or, depuis 1991, les crédits affectés au conservatoire de la forêt méditerranéenne sont passés de 100 millions de francs à 58,95 millions de francs en 1996. La loi de finances pour 1997 prévoit une somme de 62 millions de francs. Si ce montant est en légère augmentation par rapport à l'année 1996, il ne permet cependant pas de poursuivre suffisamment l'effort entrepris.
C'est pourquoi je demande au Gouvernement de faire un effort indispensable et salutaire pour cette forêt si belle, qui est malheureusement victime chaque année d'incendies d'origine souvent criminelle, d'où l'importance de la surveillance.
Ici encore, des emplois sont en jeu, des emplois qui sont susceptibles d'intéresser en particulier notre jeunesse dans une contrée où le chômage dépasse les pourcentages nationaux.
Dans les deux cas que je viens d'envisager, il s'agit de dépenses d'investissement concernant le territoire et la population. La maîtrise financière de notre budget est certes nécessaire, mais les choix prioritaires doivent savoir tenir compte et des besoins et des intérêts économiques des équipements.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir respecté votre temps de parole.
La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont. Après avoir salué votre courage et votre détermination, monsieur le ministre, dans ces moments difficiles de l'année 1996, au cours de laquelle s'est propagée l'encéphalopathie spongiforme bovine, après avoir reconnu que, malgré la baisse des dotations, les crédits affectés au budget de l'agriculture permettent de parvenir à un certain équilibre, et après avoir entendu les excellents rapports de nos collègues et constaté la variété des sujets traités par les orateurs qui m'ont précédé, je voudrais insister sur trois points particuliers.
Il n'a jamais été aussi évident que la production de veaux de boucherie joue un rôle régulateur essentiel dans la filière bovine. Rappelons à ce propos que la France est le premier producteur de veaux de boucherie en Europe. Elle doit, par conséquent, défendre cette production.
Pour éviter qu'un million de veaux environ n'arrivent sur le marché de la viande rouge, Bruxelles a mis en place une prime pour l'allégement des poids de carcasses. Le montant de cette prime atteindrait soixante écus en février 1997. Pour en bénéficier, il faudra respecter un poids de carcasses maximal correspondant à un poids de référence propre à chaque pays et diminué de 15 % : par exemple, la limite est de 108 kilogrammes pour la France et de 138 kilogrammes pour les Pays-Bas.
Si le principe de cette prime est intéressant, le dispositif qui se met en place me semble inacceptable. En effet, il accroît, tout d'abord, les distorsions de concurrence au sein de l'Union européenne. Ainsi, sur un même marché, celui de la demande traditionnelle française, par exemple, les carcasses de veau néerlandaises bénéficieront d'une prime de 430 francs, alors que celles qui auront été produites en France en seront privées.
La production française ne peut supporter cette inégalité de traitement, qui va encore faire chuter les prix. Par ailleurs, ce dispositif n'aura pas l'efficacité attendue au regard de la maîtrise de la production de viande rouge, les disparités dans l'application risquant d'entraîner des transferts de production et d'abattage dans certains pays européens, la France se spécialisant de plus en plus sur une fonction de préengraissement.
Ainsi, il faut agir vite afin d'éviter qu'une telle mesure soit mise en oeuvre et parvenir à une définition européenne du veau de boucherie. Enfin, il est impératif de mettre fin aux distorsions de concurrence nées de l'utilisation d'activateurs de croissance, en fraude ou sous couvert de réglementations disparates.
Une autre conséquence de la crise de l'ESB est le nécessaire renforcement de la politique de qualité, tant au sein de la filière bovine que dans l'ensemble de la production. En effet, la très relative progression de la consommation alimentaire des ménages en volume, et plus encore en valeur, renforce l'intérêt que porte une large catégorie des consommateurs aux produits de qualité.
En outre, ces produits, notamment ceux qui bénéficient d'une appellation d'origine ou d'un label, apportent généralement aux producteurs agricoles une meilleure valorisation de leurs apports. Enfin, l'impact des garanties officielles de qualité est de plus en plus évident au niveau des échanges extérieurs.
Les produits qui bénéficient d'un signe distinctif de qualité sont en progression constante, et représentent désormais une part importante de la production agroalimentaire. L'ensemble des AOC représenterait ainsi un chiffre d'affaires de 80 milliards de francs.
Si le système de garanties officielles de qualité a été rénové au cours des dernières années, il s'articule désormais avec les règlements européens relatifs aux appellations d'origine, aux indications géographiques et aux attestations de spécificité. Ainsi, un produit faisant l'objet d'une reconnaissance sur le plan français pourra bénéficier d'une protection au niveau communautaire. Près de 400 demandes ont été enregistrées par la Commission européenne portant sur des produits français.
Au-delà de cette protection juridique, la crédibilité des garanties officielles repose, monsieur le ministre, sur la cohérence et la lisibilité du dispositif qui les concerne. Ainsi est-il nécessaire d'améliorer la communication relative à ces garanties et d'en renforcer la cohérence, notamment en ce qui concerne les protections européennes et les indications géographiques de provenance. En effet, l'origine, c'est-à-dire le pays ou la région, est un critère déterminant de choix pour près d'un tiers des consommateurs européens, et 76 % de ces mêmes consommateurs déclarant préférer des produits traditionnels.
Attention à la confusion née de noms similaires pour des produits différents, parfois d'appellation, parfois non.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, la quasi- reconduction des dotations de l'institut national des appellations d'origine, l'INAO, procède d'une démarche volontaire qui doit être poursuivie et développée. L'INAO se doit de mieux se faire connaître non seulement par sa fonction de gardien de critères des AOC, mais aussi pour développer auprès du public, qui est un peu perdu dans ces différentes dénominations, une meilleure connaissance de ce qu'est une appellation d'origine contrôlée.
J'espère, monsieur le ministre, vous sachant extrêmement attaché à ces politiques, que vous pourrez veiller à ce que des politiques commerciales ou de notoriété n'entachent pas la connaissance et les certitudes que le consommateur peut attendre d'une AOC.
Je voudrais terminer en évoquant les problèmes difficiles que connaissent les entraîneurs de chevaux de courses.
La crise que traverse cette belle activité agricole qu'est le cheval touche naturellement, après l'élevage et les propriétaires, les entraîneurs. Leur demande de relever du statut d'agriculteur est certainement légitime et pose un certain nombre de problèmes. Nous essayons, monsieur le ministre, par un travail approfondi entre les professionnels et le service de la législation fiscale, auquel participe le service des haras, d'améliorer les conditions d'exercice de la profession.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dupont.
M. Ambroise Dupont. Je termine, monsieur le président.
Il va de soi que votre ministère ne peut être indifférent à ces travaux. Je souhaite qu'il puisse, avec le SLF, contribuer à sauver une profession qui, dans l'état actuel des choses, périclite. Ils comptent, et je compte avec eux, sur votre compétence et votre efficacité.
La France ne doit pas perdre ses chances dans des métiers aussi prestigieux que ceux du cheval et tellement liés à l'occupation de son territoire.
J'ai conscience d'être sorti du cadre budgétaire, monsieur le ministre ; j'y reviens pour vous dire que je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Vous êtes également sorti du cadre des minutes qui vous étaient imparties ! (Sourires.)
La parole est à M. Herment.
M. Henri de Raincourt. C'est dur de respecter les temps de parole !
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dominée par les conséquences de la crise bovine, l'agriculture des productions animales a terriblement souffert en 1996. Certes, nos éleveurs sont durs à la tâche, rudes dans l'adversité et rompus à toutes contraintes. Pourtant, cette « vache folle » d'origine anglaise - on ne prête qu'aux riches - a porté un coup terrible au revenu de nos éleveurs.
Vaches folles, oui, mais aussi médias déchaînés pour la circonstance et consommateurs impressionnables, et ô combien naïfs, portent ensemble la responsabilité de la crise.
Dira-t-on jamais assez, monsieur le ministre, que ce sont tous ces éleveurs qui permettent encore aux territoires les plus sinistrés démographiquement, économiquement et socialement de maintenir une certaine qualité de la vie dans nos campagnes profondes ?
Pourtant, les aides qu'ils perçoivent sont bien modestes comparativement à d'autres productions bien moins contraignantes, et bien plus lucratives aussi !
Quand donc la France et l'Europe auront-elles le courage et la lucidité d'inverser cette fâcheuse habitude, née avec la CEE, qui consiste à attribuer un maximum d'aides aux productions céréalières ?
Monsieur le ministre, il y a quelques jours, les agriculteurs de mon département, comme ceux de tous les départements de France je crois, ont perçu la prime céréalière. Dans les jours qui ont suivi, des représentants d'une banque que l'on connaît bien se sont lancés sur tout le territoire pour leur proposer des spéculations, terrains et immobilier, en région parisienne. J'eusse aimé que ces crédits que je me permets de qualifier d'extraordinaires soient au moins investis dans mon département !
Loin de moi, pourtant, l'intention d'opposer deux secteurs aussi différents que ceux-là. Néanmoins, eu égard au cataclysme né de la crise bovine, le moment me semble venu de rebattre les cartes. Il est impératif, décent et urgent de rééquilibrer les revenus du monde agricole.
Sur ce point précis, je souhaite connaître votre sentiment, monsieur le ministre, car là se trouve l'une des clés de la revitalisation des zones rurales.
Que l'on ne s'y trompe pas : engager une telle politique entraînerait rapidement, j'en suis convaincu, le renouveau attendu. Certes, influences, voire menaces, risquent d'entraver une démarche aussi courageuse. Ecartez-les, monsieur le ministre, vous avez besoin, la France a besoin, une nouvelle fois, de ses « fantassins », véritables gardiens et agents de développement de notre territoire.
Permettez-moi de vous poser encore quelques questions.
Entendez-vous maintenir la politique de limitation de l'augmentation des effectifs à 2 % par année scolaire dans le secteur de l'enseignement agricole ?
L'aménagement du territoire et son développement passent aussi par l'installation des jeunes agriculteurs. Proposez-vous, monsieur le ministre, des mesures qui, en fonction des moyens limités de votre budget dans ce domaine, permettraient complémentairement de relancer ces installations de façon particulièrement significative ?
Les éleveurs de porcs ne supportent pas le refus de la Commission européenne d'utiliser les moyens dont elle dispose pour maintenir les exportations et mettre en place une opération de stockage privé. Alors qu'une baisse d'environ trois francs au kilo frappe les productions porcines, pouvez-vous nous rassurer à cet égard, monsieur le ministre ?
Comme le demandent plus particulièrement les jeunes agriculteurs, il faut maintenant engager le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, de l'abondement des crédits jugés insuffisants en l'état actuel de la ligne budgétaire constatée ?
Le temps de parole limité dont je dispose m'amène à ne pas évoquer d'autres interrogations abordées par nos excellents rapporteurs et par mes collègues de l'Union centriste, et auxquelles je m'associe bien volontiers.
Je conclurai néanmoins en vous félicitant d'avoir déjà obtenu, malgré la rigueur générale, une amélioration significative de votre premier projet de budget présenté au Parlement.
J'y ajouterai mes remerciements pour votre enthousiasme, monsieur le ministre, au service d'une profession qui vous apprécie, comme elle a pu d'ailleurs vous le dire récemment au cours de votre périple en Meuse.
Notre confiance vous étant acquise, nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte économique et social difficile - les événements de ces derniers jours, en ce qui concerne les chauffeurs routiers, viennent encore de nous le démontrer - le projet de budget du ministère de l'agriculture reflète la volonté gouvernementale de poursuivre l'effort d'assainissement et de redressement des finances de l'Etat.
Avec la quasi-reconduction de ces crédits, ce budget traduit les décisions de la conférence annuelle agricole et de la charte nationale pour l'installation, tout en restant dans l'attente de la loi d'orientation.
Il reflète également le relais pris par le budget agricole européen sur le plan économique.
Votre budget, monsieur le ministre, énonce un certain nombre de priorités.
Ainsi l'installation des jeunes, avec une reconduction de ses moyens, est une de vos principales priorités. C'est en effet la seule solution pour éviter la chute libre du nombre de nos agriculteurs et lutter contre la désertification rurale.
Un juste équilibre doit être trouvé entre la vocation de production de notre agriculture et sa vocation d'occupation de l'espace. Je regrette ici, monsieur le ministre, que la valorisation de l'espace rural, notion à laquelle je suis très attaché, ne soit pas suffisamment prise en compte.
Autre priorité de votre budget, l'enseignement et la recherche, dont les crédits sont en augmentation de 2,3 %. Cette hausse, plus modérée que les années précédentes, n'est pas en rapport avec la formidable progression de 6 % des effectifs. Celle-ci doit être contenue, car si elle se poursuivait dans les années à venir, c'est la spécificité même de l'enseignement agricole qui serait remise en question.
Il faut améliorer les conditions d'accueil et adapter les formations à l'évolution des besoins, tout en prenant garde à ne pas développer des filières qui seraient de plus en plus éloignées de l'agriculture et du monde rural.
C'est tout l'enjeu du débat qui va s'ouvrir à l'occasion de la loi d'orientation. Il va falloir redéfinir le champ d'application de l'enseignement agricole et réaffirmer avec force que sa vocation première est celle de la formation aux activités de production et de transformation.
En dehors de ces deux priorités, votre budget, monsieur le ministre, procède à un certain nombre d'économies.
Par exemple, aucun crédit n'est prévu aux aides à la constitution de groupements et à la tenue d'une comptabilité de gestion. Je regrette profondément cette économie d'adaptation.
Dans mon département, une installation sur deux se fait en société, dont 60 % en groupement agricole d'exploitation en commun, GAEC, et quarante dossiers d'aide à la tenue de comptabilité ont été déposés en 1995. Ces formes d'agriculture sont donc plus que jamais d'actualité. Elles contribuent à développer une agriculture efficace et solidaire et sont un facteur de maintien d'un milieu rural vivant.
La constitution de groupements est la meilleure solution pour permettre l'installation progressive des jeunes, en particulier de ceux qui ne sont pas originaires de milieux agricoles, et favoriser le renouvellement d'une population vieillissante. Le maintien des aides au démarrage est donc souhaitable afin de donner à notre agriculture un niveau optimum de compétitivité.
Autre économie envisagée : celle qui concerne les mesures agri-environnementales. La dotation de 1996 est ramenée à 120 millions de francs, ce qui représente une baisse de 57 % des crédits. Il est fort dommage que ces mesures qui participent à la protection de notre environnement - eau, sol, paysage - ne soient pas mieux prises en considération. Aujourd'hui, les crédits prévus ne permettent pas d'honorer les contrats en cours et la mise en oeuvre de tout nouveau programme est exclue. On ne peut arrêter ces programmes en se fondant uniquement sur des contraintes budgétaires. Un redéploiement budgétaire des fonds affectés à ces mesures me semble nécessaire.
Le fonds de gestion de l'espace rural fait également partie des mesures d'économie budgétaires. Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait abondé les crédits de ce fonds à concurrence de 100 millions de francs. En effet, ce fonds venant tout juste de se mettre en place - sa création date de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de 1995 -, il est encore beaucoup trop tôt pour émettre un avis défavorable à son sujet.
Il est d'autant plus vital que c'est le seul fonds spécifiquement destiné au monde rural. Sa disparition priverait l'agriculture d'un formidable outil d'animation locale et remettrait en cause le lien privilégié qui existe entre l'activité agricole et la gestion de l'espace.
Il doit donc être mis à l'abri des aléas budgétaires afin de poursuivre une action continue sur le moyen et le long terme. Une ressource permanente doit lui être affectée. Je pense que ce problème sera soulevé à l'occasion de la discussion de la loi d'orientation.
Mais les économies ne sont pas les seules mesures adoptées dans votre budget. Nous assistons aussi à un redéploiement de certaines actions.
C'est le cas des mesures concernant les préretraites. A ce sujet, je me réjouis de la suppression de l'article 83 par l'Assemblée nationale et que l'on revienne aux mesures adoptées lors de la discussion de la loi de modernisation de l'agriculture fixant la fin du régime de préretraite agricole au 15 octobre 1997.
Enfin, je regrette vivement la faiblesse des crédits affectés à la modernisation des exploitations et au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, même si ceux-ci sont en augmentation par rapport à 1996. Le PMPOA doit se voir doter de crédits supplémentaires lui permettant d'éponger les files d'attente du programme quinquennal commencé en 1994.
En ce qui concerne la Charente-Maritime, cinq dossiers de demande d'aide pour des travaux de mises aux normes ont été déposés en 1994, quinze en 1995, cinquante-trois en 1996, et soixante-dix devraient l'être en 1997. A ce jour, aucun dossier n'a été financé. Il est donc absolument nécessaire de revaloriser de manière substantielle le PMPOA afin de lui donner les moyens de répondre à la forte mobilisation des éleveurs en faveur de la protection de l'environnement.
De plus, il me paraît indispensable, pour une meilleure compréhension du problème, de distinguer les crédits PMPOA des dotations à la modernisation des bâtiments d'élevage en zone de montagne.
Pour conclure, je dirai que, malgré quelques imperfections, ce budget démontre tout l'intérêt que le Gouvernement porte à l'agriculture et à la défense de l'espace rural. Chacun s'accorde, d'ailleurs, à reconnaître, monsieur le ministre, votre constante détermination auprès tant des instances européennes que de nos administrations nationales.
Les crédits que vous nous soumettez aujourd'hui sont à la hauteur de vos ambitions, et c'est la raison pour laquelle je les voterai, manifestant ainsi la confiance que je mets dans votre action. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous comprenons les difficultés inhérentes au contexte de rigueur budgétaire, nous n'oublions pas que le budget consacré à la pêche et aux cultures marines pour 1997 s'inscrit dans les perspectives ouvertes par le projet de loi d'orientation sur la pêche maritime qui a été adopté en première lecture au Sénat le 5 novembre dernier.
Les crédits consacrés à la pêche dans le budget de l'agriculture s'élèvent à 185,7 millions de francs, en baisse de 2,6 % par rapport à ceux qui ont été votés en 1996.
Cette dotation est essentiellement consacrée au soutien des cultures marines, à ce que vous appelez, monsieur le ministre, l'amélioration de la compétitivité de la filière de la pêche, à l'appui aux investissements de modernisation, ainsi qu'au financement du plan de sortie de flotte.
Ainsi, les dépenses ordinaires s'élèvent à 147 millions de francs, dont 125 millions de francs destinés au fonds d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la pêche maritime et des cultures marines, le FIOM, et 22 millions de francs à la restructuration des entreprises. Les crédits d'équipements représentent, quant à eux, une enveloppe de 40,2 millions de francs en autorisations de programme.
Mais, au-delà de ces deux grands volets budgétaires, je voudrais insister sur quelques points de cette dotation globale.
La subvention attribuée au FIOM, de 125 millions de francs, est reconduite, certes. Mais l'ambition du projet de loi n'était-elle pas de doter l'interprofession d'un office, l'OFIMER, capable d'instaurer le pilotage par l'aval de la filière ? En ce sens, l'OFIMER est-il condamné à recevoir les mêmes crédits que ceux que reçoit aujourd'hui le FIOM ?
En cette période de stabilisation encore fragile, n'était-il pas opportun d'assurer une transition en douceur du FIOM à l'OFIMER en octroyant aux autorités du fonds d'intervention et d'organisation une capacité financière plus importante ?
M. le rapporteur s'est félicité de ce que le chapitre 44-36 soit suffisamment doté pour assurer la poursuite tant de l'adaptation de la filière pêche que du plan de sortie de flotte.
Mais les 22 millions de francs destinés aux interventions en faveur des entreprises de pêche et de cultures marines sont insuffisants. La fragilité de certaines entreprises aurait mérité un effort plus important.
En effet, ces crédits accordés en faveur des entreprises de pêche sont notamment destinés au paiement des primes d'arrêt définitif et aux versements prévus dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
Si nous ne pouvons que nous féliciter de l'aide des régions dans ce type d'intervention, je ne suis pas certain que cette stabilisation des crédits destinés aux arrêts définitifs permettra une adaptation qualitative de la flotte française.
S'agissant du chapitre 64-36, c'est-à-dire de celui qui concerne les crédits d'investissement, les autorisations de programme destinées à la flotte de pêche et aux équipements à terre restent fixées à 40,2 millions de francs, c'est-à-dire au niveau de 1996. Toutefois, dans le même temps, les crédits de paiement reculent, pour s'établir à 38,7 millions de francs.
Vous le savez mieux que d'autres, monsieur le ministre, les aides à la construction et à la modernisation relèvent à la fois de l'Etat et de l'Union européenne.
L'aide communautaire est mise en oeuvre par le règlement communautaire de décembre 1993 relatif aux conditions d'intervention de l'instrument financier d'orientation de la pêche, l'IFOP ; celui-ci met à la disposition de la France 200 millions d'écus sur la période 1994-1999, pour le cofinancement des actions de renouvellement et de modernisation de la flotte de pêche.
Mais vous le savez très bien, monsieur le ministre, ces aides communautaires visent aussi, malheureusement, à la réduction des flottes.
Les aides de l'Etat sont, elles aussi, organisées dans le cadre du règlement communautaire relatif à l'IFOP ; elles prennent la forme soit d'une subvention, soit d'un prêt bonifié. Les crédits de paiement destinés au renouvellement et à la modernisation de la flotte de pêche et à l'aquaculture sont fixés à 18 millions de francs contre 22 millions de francs en 1996.
En définitive, la modernisation de la flottille n'est pas fondamentalement garantie, car, d'une part, la dotation de l'Etat est insuffisante, eu égard à l'urgence et à l'ampleur de la modernisation de l'outil de production, et, d'autre part, elle ne doit son existence que grâce à la louable collaboration des régions, qui ressentent beaucoup plus la nécessité de redynamiser l'activité économique de notre littoral national, mais dont les finances se restreignent également.
Enfin, étant donné la faible part octroyée par votre ministère, les milieux portuaires ne doivent le rajeunissement de leurs infrastructures que grâce aux subventions du ministère de l'équipement, ce qui peut se comprendre pour tout ce qui touche la direction des ports maritimes, mais beaucoup moins pour les activités des pêches maritimes qui dépendent en priorité de votre département ministériel, monsieur le ministre.
Je conclurai en disant, monsieur le ministre, qu'au-delà de ces insuffisances budgétaires, nous vous soutenons dans votre action, qui consiste à défendre les intérêts de nos pêches dans une Union européenne qui oblige à une nécessaire et vraie Europe bleue. En effet, nous ne pouvons accepter le POP IV en l'état.
L'avenir de nos pêches maritimes et de nos cultures marines est en jeu et nous sommes bien décidés à les défendre. (Applaudissements sur les travées socialistes.) M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Durant ces derniers mois, monsieur le ministre, l'actualité ne vous a pas ménagé et, même si mon temps de parole est limité, je voudrais vous rendre hommage pour la détermination et l'efficacité dont vous avez su faire preuve dans le règlement du dossier particulièrement difficile de la vache folle.
Dans ce contexte, même s'il diminue de près de 4 %, hors subvention au BAPASA ; votre budget figure néanmoins parmi ceux qui régressent le moins. Il traduit réellement la volonté du Gouvernement de poursuivre, en priorité, la politique d'installation indispensable à l'avenir de notre agriculture.
Je voudrais d'abord évoquer le fonds de gestion de l'espace rural.
Ce fonds, qui n'avait pas été doté dans le projet de budget, a été, lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, abondé à concurrence de 100 millions de francs, auxquels devrait être ajoutée une enveloppe de 100 millions à 150 millions de francs prélevée sur les crédits délégués en 1996, mais non utilisés.
Néanmoins, ces crédits ne permettant pas la poursuite des programmes pluriannuels engagés, il est indispensable que la dotation de 100 millions de francs déjà obtenue soit portée à 150 millions de francs.
J'ajouterai que ce fonds a su prouver toute son efficacité en matière d'environnement, de préservation et de protection des paysages, contrairement à ce qui a été annoncé parfois.
Je souhaiterais aborder un deuxième point : l'installation des jeunes en montagne.
Pour maintenir l'atout que représente l'agriculture en zone de montagne et face à la forte déprise foncière, il nous faut absolument installer de jeunes agriculteurs.
Des moyens supplémentaires en droits à produire - vaches allaitantes et quotas laitiers - doivent donc être dégagés pour que réussisse, sur l'ensemble du territoire, la politique d'installation.
En outre, même si 31 % de la dotation aux jeunes agriculteurs vont à la montagne, la moitié des jeunes qui s'y installent n'y ont pas recours, en raison notamment des exigences de formation, et particulièrement du stage de six mois.
Une bonne formation est indispensable aux jeunes exploitants, certes, mais il serait bon néanmoins d'assouplir les exigences en accordant une obtention différée du diplôme ou une réduction de la durée du stage.
Lors de l'examen du budget de 1996, j'avais déjà attiré votre attention à ce sujet, monsieur le ministre, et vous m'aviez dit être sensible à ce problème et rechercher une solution. Je souhaiterais que les négociations puissent, sur ce point, aboutir prochainement.
J'en arrive au quatrième point de mon intervention qui concerne les producteurs laitiers.
Consécutivement à la crise du marché de la viande provoquée par la maladie de la vache folle, la dégradation de la situation des producteurs laitiers des zones de montagne devient très préoccupante.
Les particularités inhérentes à cet élevage, notamment l'inconvertibilité du système d'exploitation et la part importante du produit de la viande dans le chiffre d'affaires, qui sont plus importantes que dans d'autres régions du fait des plus faibles niveaux de références laitières, justifient une intervention exceptionnelle en sa faveur.
Echappant à tous les dispositifs mis en place à ce jour, ces éleveurs devraient se voir attribuer une aide exceptionnelle versée aux vaches laitières déclarées à l'indemnité spéciale montagne.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais évoquer les difficultés auxquelles sont confrontées les scieries de mon département, car la montagne, c'est aussi la sylviculture.
Le secteur des entreprises du bois est soumis, depuis la fin de 1995, à un double phénomène : l'effondrement du marché mondial de la pâte à papier et la baisse du marché des sciages résineux, aussi bien en prix qu'en volume.
L'impact de ces baisses de marchés est particulièrement aigu pour les scieries de Lozère. En effet, compte tenu de sa ressource forestière, l'économie du bois lozérienne est fortement dépendante des marchés de l'emballage et des bois de trituration.
De ce fait, la crise dont se plaignent les scieurs est bien réelle et risque de durer plusieurs mois, avec de graves difficultés de trésorerie.
Au-delà des mesures qui peuvent être prises au niveau local, il semble nécessaire d'envisager des dispositifs complémentaires.
Lors de la crise de 1993, le ministère de l'agriculture avait mis en place trois types de mesures particulièrement appréciées : un dispositif d'aide à la trésorerie, des facilités dans l'octroi de reports d'échéances auprès de l'Office national des forêts et une exonération temporaire de la taxe forestière.
Compte tenu des graves difficultés rencontrées dans ce secteur, serait-il possible, monsieur le ministre que soient mises en place de nouvelles mesures spécifiques ?
M. le président. Je vous prie de conclure, madame le sénateur.
Mme Janine Bardou. Je termine, monsieur le président.
En conclusion, monsieur le ministre, je tiens à souligner qu'il y a non pas une agriculture, mais des agricultures dont certaines souffrent plus que d'autres, c'est le cas de l'agriculture de montagne.
Vous l'avez d'ailleurs fort bien compris puisque vous avez déposé un mémorandum auprès de Bruxelles demandant que soient prises en compte les caractéristiques de l'activité agricole et sylvicole des zones de montagne. En effet, leur fragilité nécessite qu'une nouvelle ampleur soit donnée à la politique menée en faveur de ces régions. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pourchet.
M. Jean Pourchet. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais d'abord remercier M. le ministre d'avoir accepté le maintien de l'abattoir de Pontarlier et accordé les crédits permettant sa reconstruction.
Votre compréhension et votre aide, monsieur le ministre, ont apaisé les inquiétudes que nous pouvions nourrir, et le parlementaire que je suis vous en est très reconnaissant. Je vous invite d'ores et déjà à honorer de votre présence l'inauguration de cet abattoir, à l'automne prochain. (Sourires.)
J'évoquerai maintenant l'installation des jeunes agriculteurs.
Le nombre des installations me paraît très insuffisant, ce qui ne va pas sans mettre en cause l'avenir de notre agriculture.
Nous savons que toutes les mesures qui ont été inscrites dans la charte signée voilà un an sont opérationnelles, mais on ne dénombre que 12 000 installations par an pour 40 000 départs. Ces chiffres sont alarmants.
Paradoxalement, l'enseignement agricole attire de plus en plus de jeunes. Il est même victime de son succès. Cependant, comme vous l'avez expliqué le 6 novembre dernier, monsieur le ministre, il faut absolument que cet enseignement reste étroitement lié aux métiers agricoles. En effet, cet engouement pour l'enseignement agricole devra déboucher sur un nombre croissant d'installations de jeunes dans l'agriculture. (M. le ministre acquiesce.)
En tout cas, le fait que ce métier attire encore notre jeunesse ne peut que nous réjouir.
Nous savons que l'installation des jeunes agriculteurs est l'une de vos priorités, et nous comptons sur vous pour que l'effort consenti en faveur de ces installations soit encore accentué. Cela permettra de redonner confiance à la profession et de susciter de nouveaux projets, afin que cet écart qui sépare le nombre des installations de celui des départs s'atténue rapidement, jusqu'à disparaître.
Nous sommes tous convaincus de la nécessité de sauvegarder notre agriculture, afin de valoriser notre territoire, mais aussi de conserver et de développer nos parts de marché à l'exportation. N'oublions pas que le solde positif de nos échanges de produits agroalimentaires avec l'étranger représente une part importante de l'excédent de notre balance commerciale.
Je rappelle que notre pays est le premier exportateur mondial de produits transformés issus de l'agriculture.
Dans ce projet de loi de finances pour 1997, un autre point suscite l'inquiétude : la suppression des aides au démarrage pour la constitution de groupements agricoles, telles les CUMA, les coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole.
Ces aides, mises en place en 1974 pour alléger les charges de gestion des groupements lors de leurs premières années de fonctionnement, devaient, de surcroît, encourager l'agriculture de groupe.
Leur suppression irait à l'encontre de l'encouragement si souvent prodigué à l'agriculture de réduire ses charges de mécanisation.
La mise en commun des outils de production est aussi une aide précieuse pour les jeunes agriculteurs désireux de s'installer, en même temps qu'elle joue un rôle important dans le maintien du tissu rural.
En résumé, cette suppression constituerait à la fois une injustice sociale et une erreur économique.
Pour terminer, j'évoquerai les crédits prévus pour les deux prochaines années en faveur des contrats de plan Etat-région. Votre ministère a annoncé que les crédits prévus pour les deux dernières années des contrats devaient être étalés sur trois ans. Cette mesure revient à diminuer d'un tiers l'enveloppe utilisable en 1997 et 1998. Elle a été prise dans un cadre général de réduction du déficit du budget de l'Etat et elle intéresse tous les secteurs, en particulier ceux qui bénéficient d'importants crédits publics en matière d'investissements lourds.
Il semble que l'application de cette mesure dans toute sa rigueur conduira, pour ce qui se rapporte aux crédits d'orientation des offices placés sous la tutelle du ministère de l'agriculture, à désorganiser profondément des programmes qui financent des actions de modernisation à caractère technique, d'expérimentation et de conseil aux producteurs, mettant en difficulté les entreprises, les groupements de producteurs et l'ensemble des organismes à vocation technique dont les ingénieurs et techniciens guident ces actions.
Ainsi, en Franche-Comté, alors que nous avions programmé une montée en puissance des mesures d'amélioration des conditions d'hygiène sur les exploitations laitières pour répondre aux exigences de maîtrise et de qualité de la production fixées par les directives européennes, il serait regrettable que les équipes techniques de terrain soient démobilisées, voire licenciées, et que tous les équipements envisagés soient supprimés parce que le financement prévu ne serait pas maintenu.
Au cours des vingt dernières années, le fonds d'orientation et de régularisation des marchés agricoles, le FORMA, puis les offices ont disposé de crédits pour les conventions régionales, que celles-ci aient été inscrites ou non dans les contrats de plan. Leur inscription dans le contrat de plan avait pour objectif de les sécuriser davantage. Il serait profondément dommage que leur contractualisation ait aujourd'hui l'effet inverse, entraînant ces crédits dans l'application automatique d'une décision qui concerne des budgets d'équipement d'une tout autre ampleur.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir m'apporter des apaisements sur ces différents points. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera principalement sur l'important retard que connaît la réalisation du programme de mise aux normes des bâtiments d'élevage en raison de l'insuffisance des crédits de l'Etat.
En effet, celui-ci prévoit de consacrer 165 millions de francs à ce programme en 1997, alors que ce sont 350 millions de francs qui seraient nécessaires.
Depuis 1994, plus d'une centaine d'éleveurs du département des Pyrénées-Atlantiques se sont engagés dans le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, et ce nombre devrait être multiplié par cinq d'ici à 1998.
Or, depuis 1995, les crédits du ministère de l'agriculture destinés au financement des bâtiments d'élevage ont considérablement diminué. On a en effet pu constater, pour les années 1994 à 1996, que les crédits d'Etat accusaient un déficit moyen annuel de 2 millions à 2,5 millions de francs.
Afin de remédier à cette situation, le collectif budgétaire devrait permettre de dégager, au titre de cette action, 50 millions de francs supplémentaires en 1996, ce qui, pour les Pyrénées-Atlantiques, représentera 2,9 millions de francs. Mais ces crédits ne seront vraisemblablement reçus qu'en 1997.
Il s'agit là d'une mesure conjoncturelle qui, en réalité, ne résout pas le problème de la pérennisation des financements de l'Etat.
Pourtant, une solution existe : la contractualisation. La région Aquitaine propose en effet la signature d'un avenant au contrat de plan Etat-région, afin que 3 millions à 4 millions de francs par an de crédits d'Etat pour les bâtiments d'élevage en zone de montagne soient inscrits au contrat de plan.
La région Aquitaine pourrait, en contrepartie, financer, à hauteur de 2 millions à 2,5 millions de francs par an, les actions qu'elle conduit hors contrat de plan.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous acceptez ces propositions, qui vous ont été soumises par le président Valade, les 10 juillet et 16 septembre derniers.
Je souhaiterais par ailleurs attirer votre attention sur le coût des stages de six mois qui sont obligatoires pour les jeunes souhaitant bénéficier de l'aide à l'installation, et dont 50 % du financement sont assurés par le ministère de l'agriculture. Dans les Pyrénées-Atlantiques, 120 stagiaires sont prévus pour 1997 et le coût de cette action est évalué à 720 000 francs. Or une éventuelle diminution des crédits compromettrait la gestion de cette activité.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, apaiser cette inquiétude ?
Enfin, monsieur le ministre, je vous poserai une question très directe : où en sommes-nous du classement en zone de montagne des communes des Pyrénées-Atlantiques ? J'entends tellement de choses à ce sujet que j'y perds mon latin ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de janvier 1992, le comité interministériel d'aménagement du territoire, le CIAT, a décidé de délocaliser à Limoges le centre national d'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.
Cet établissement public national, placé sous la tutelle des ministères de l'agriculture et des finances, gère un budget d'environ 16,8 milliards de francs permettant, d'une part, d'assurer le versement des aides financières au monde agricole et, d'autre part, d'assurer le financement des actions en faveur de la formation professionnelle et de l'emploi lancées par l'Etat.
Ce transfert a été officialisé par la signature, le 5 janvier 1993, d'un contrat de localisation, puis confirmé par le conseil d'administration du CNASEA, le 28 juin 1994.
C'est pourquoi la direction de cet organisme a lancé en février 1994 un concours d'architecture, en vue de la désignation du maître d'oeuvre chargé de la construction, à Limoges, d'un bâtiment adapté à ses activités.
Au mois de juin dernier, le marché passé avec l'architecte lauréat a été rompu, avec torts exclusifs de ce dernier pour manquements graves.
Cette défaillance technique ne doit pas retarder l'évolution du dossier.
En effet, cette localisation signifie le transfert de 350 emplois à Limoges, ce qui représente l'arrivée d'environ 1 200 personnes qui vont, bien entendu, contribuer au maintien de l'activité locale.
L'implantation de cet établissement doit en partie compenser les pertes d'emplois enregistrées dans le secteur secondaire. Depuis quelques années, le bassin de Limoges est, en effet, tout particulièrement touché par la crise économique que nous traversons : disparition d'entreprises des secteurs du textile et de la mécanique, graves difficultés de l'industrie porcelainière, sans oublier la fermeture récente de la Cogema ni celle, prochaine, de la base aérienne de Romanet.
A Limoges, nous sommes très inquiets, monsieur le ministre, comme sont inquiets les agents du CNASEA qui souhaitent venir vivre en province et qui attendent une réponse, comme sont encore plus inquiètes les personnes recrutées en Limousein et qui, lors de leur embauche, ont reçu l'assurance qu'elles allaient pouvoir revenir vivre et travailler à Limoges.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez sur la volonté réelle du Gouvernement de tenir les engagements de l'Etat.
En effet, l'Assemblée nationale, le 24 octobre dernier, lors de l'examen des crédits de l'agriculture, a adopté un amendement, présenté par M. Mariton, qui réduit de 110 millions de francs les crédits du CNASEA, sous prétexte, selon son auteur, qu'« un certain nombre d'opérations envisagées par cet établissement prenaient du retard, notamment son projet de délocalisation ».
Je vous rappelle que, l'année dernière, à cette tribune, je m'étais inquiété auprès de vous de la pérennité du projet, après que M. Mariton eut déjà voulu réduire les crédits de fonctionnement du CNASEA. Vous aviez bien voulu, alors, me rassurer et me dire que, quelles que fussent les difficultés budgétaires, la délocalisation du CNASEA ne serait pas remise en cause.
Pouvez-vous, comme l'a fait votre collègue M. Perben en réponse à une question de mon ami Jean-Claude Peyronnet la semaine dernière, nous confirmer les engagements de l'Etat ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je sais mon temps de parole terriblement limité mais je tiens à vous faire part de quelques réflexions.
Tout d'abord, je vous félicite de la détermination dont vous avez su faire preuve - je vous préviens tout de suite que ce compliment sera suivi d'une demande (Sourires) - dans vos démarches auprès de l'Union européenne lors de la crise de la viande bovine.
Cela dit, vous ne m'empêcherez pas de penser que le système actuel a des limites.
Lorsqu'on sait qu'un certain nombre d'agriculteurs tirent leurs revenus uniquement de la prime, voire qu'ils ne maintiennent - tout juste - l'équilibre de leur exploitation que grâce à la prime, il y a tout de même de quoi se poser des questions !
Il faut bien évidemment défendre le revenu des agriculteurs, mais, pour une profession qui est en soi indépendante, cette disposition soulève certaines interrogations.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'attirer votre attention sur un point particulier.
La semaine dernière, un agriculteur m'a informé que son dossier n'était pas parvenu à la direction départementale de l'agriculture. Or, s'il n'obtient pas cette prime, sa propre exploitation sera mise en cause. Mes chers collègues, est-il concevable que la non-transmission d'un document puisse entraîner la suppression du revenu de toute une année ? Telles sont pourtant bien les conséquences de l'application de cette mesure.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous favorisez l'installation des jeunes, votre projet de budget l'atteste. Nous sommes totalement d'accord avec vous, il faut augmenter le nombre des installations.
Néanmoins, dans la mesure où des quotas laitiers sont imposés - je prends cet exemple car, dans mon département, cette production est très importante - je ne suis pas certain que nous ayons raison d'encourager les jeunes à s'installer. Il faut donc réexaminer les conditions d'installation et la fixation des quotas laitiers.
Le dernier point que j'évoquerai est lié au précédent : l'un des moyens pour les jeunes de s'en sortir consiste à développer certaines productions fermières. Mais, là encore, peut-être faudrait-il assouplir la réglementation. Aujourd'hui, l'organisation de la vente de produits fermiers suppose des investissements souvent très importants. Les contraintes sont telles que bien des familles y renoncent.
Je prendrai un exemple qui, pour n'être pas directement lié à l'exploitation, n'en démontre pas moins l'absurdité de notre système.
En tant que maire, vous avez la gestion de la cantine scolaire. Si celle-ci accueille 99 élèves, vous pouvez vous approvisionner chez le boucher. En revanche, si elle accueille 101 élèves, vous ne le pouvez plus sauf aux termes de la réglementation actuelle, si le boucher est équipé d'un laboratoire. N'est-il pas suffisant de savoir que les conditions d'hygiène sont respectées ?
Monsieur le ministre, j'en reviens au compliment que je vous ai adressé. Vous avez manifesté votre volonté. Chacun connaît votre attachement à l'agriculture et aux agriculteurs de notre pays. Vous devez essayer de franchir une étape. Vous en avez les moyens et nous sommes là pour vous y aider. L'agriculture, qui a toujours tenu une grande place dans notre pays et qui a toujours contribué à l'équilibre de la balance commerciale, a encore un avenir.
A travers les actions que nous pouvons mettre en place, contribuons à redonner espoir aux agriculteurs. Nous comptons sur vous pour le faire. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Hugo.
M. Bernard Hugo. Au début de mon intervention, permettez-moi, à mon tour, monsieur le ministre, de saluer la détermination et le courage que vous avez manifestés lors de la crise engendrée par la maladie de la « vache folle », l'encéphalopathie spongiforme bovine, et de vous féliciter des résultats significatifs que vous avez obtenus, au terme d'efforts opiniâtres, pour venir en aide aux éleveurs victimes de cette situation catastrophique.
J'en viens maintenant au projet de budget proprement dit.
Ce projet de budget s'inscrit dans un contexte affirmé de maîtrise des dépenses publiques. Il s'élève à 35,22 milliards de francs et enregistre une légère diminution de 0,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996. Hors subvention d'équilibre au BAPSA, sont inscrits 27,37 milliards de francs de crédits, soit une diminution de 3,9 %, à structure constante. Compte tenu du temps qui m'est imparti, je n'insisterai que sur quelques points.
J'évoquerai, tout d'abord, comme plusieurs de mes collègues, la politique d'installation des jeunes. Celle-ci demeure prioritaire dans ce projet de budget, et nous nous en réjouissons, car elle conditionne l'avenir de notre agriculture.
Dans le département que j'ai l'honneur de représenter, en termes d'installations aidées, la dynamique amorcée par le défi ardéchois depuis la signature de la charte départementale, qui précédait la charte nationale, commence à porter ses fruits puisque le nombre de reprises ou de créations d'entreprises agricoles augmentera, en 1996, de 30 % par rapport à 1995.
Mais, pour ne pas briser cet élan, il était nécessaire de maintenir le dispositif des préretraites à cinquante-cinq ans jusqu'à son terme, c'est-à-dire jusqu'au 15 octobre 1997. Vous l'avez fait. Le recul de l'âge de la retraite nous aurait privé d'un vivier important pour l'installation. Quarante projets auraient été ainsi remis en cause en Ardèche. Ce chiffre est certes modeste, mais ces projets sont importants en milieu rural.
Vous accordez également, et vous avez raison, une priorité à l'enseignement et à la formation professionnelle agricole. A cet égard, les dotations enregistrent une croissance de 2,3 %. Après l'augmentation importante des crédits en 1996, cet accroissement permettra de créer soixante-dix postes d'enseignant.
Toutefois, ces dotations ont été calculées en fonction d'une croissance des effectifs limitée à 2 %. C'est bien là où le bât blesse puisque, à la dernière rentrée scolaire, les effectifs ont augmenté de plus de 5 %. Certes, ce beau succès est tout à l'honneur de l'enseignement agricole. Il convient, cependant, de conserver ses caractères spécifiques.
Je partage votre avis, monsieur le ministre, lorsque vous préconisez de maîtriser le flux de diplômés dans les années à venir pour garantir aux jeunes une meilleure insertion professionnelle. Comme l'a souligné M. Gouteyron, tout un équilibre doit être trouvé.
D'autres crédits de votre ministère sont simplement reconduits. J'évoquerai simplement le soutien accordé à l'élevage. C'est ainsi que les crédits affectés à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes et à la prime à l'herbe sont maintenus.
Cette prime à l'herbe, mise en oeuvre dans le cadre des mesures d'accompagnement de la réforme de la politique agricole commune, concerne quelque 118 000 éleveurs. Mais il s'agit d'un contrat qui vient à échéance en 1997.
Le renouvellement de ce contrat est souhaitable car la prime à l'herbe représente un encouragement aux systèmes d'élevages extensifs et contribue à une utilisation plus équilibrée de l'espace agricole. Ne pourrait-on d'ailleurs pas élargir son champ d'application à l'ensemble des zones à vocation herbagère pour en faire un véritable outil d'aménagement du territoire ? Ne pourrait-on pas également envisager sa revalorisation, afin de rendre la mesure plus incitative, quand on sait que la surface en herbe a diminué de 25 % depuis 1970.
Parmi les crédits en baisse - il y en a - ceux qui sont destinés aux offices risquent de poser des problèmes aux secteurs fragiles, en particulier à celui des fruits et légumes. Je traiterai surtout des fruits.
Le tissu économique de ce secteur riche en emplois se désagrège en raison de la grave désorganisation de ce marché. Les dévaluations monétaires de la lire italienne et de la peseta espagnole ont entraîné des pertes très lourdes pour nos producteurs. Tant que subsisteront entre les pays de l'Union européenne des distorsions de concurrence monétaire, fiscale ou sociale, ce type de situation persistera.
Le 12 novembre dernier, vous avez annoncé, monsieur le ministre, des mesures en faveur des producteurs de fruits et légumes. Ces mesures ont été accueillies favorablement par la profession, notamment celle du report des annuités d'emprunt.
Quant à l'enveloppe de 300 millions de francs qui avait été annoncée, seuls 200 millions de francs sont destinés à l'arboriculture alors que les pertes à l'échelon national s'élèvent à 1,3 milliard de francs. Cette enveloppe permettra certes un allégement des charges d'exploitation, mais elle ne couvrira pas les pertes subies par les producteurs de fruits d'été, pertes évaluées dans mon département à 96 millions de francs, soit, par kilo, 1,93 franc pour les pêches, 1,78 franc pour les abricots et 3,29 francs pour les cerises, alors que le montant de la subvention ne représenterait que 20 à 30 centimes par kilogramme.
J'attire tout particulièrement votre attention, monsieur le ministre, sur la triste situation de ces arboriculteurs, dans tous les bassins de production. J'attire également celle de vos services sur la répartition départementale de ces compensations, certes bien insuffisantes, mais attendues.
Je regrette aussi la faiblesse des crédits affectés aux programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole, les PMPOA, pour la mise aux normes environnementales des exploitations. Un bon nombre de dossiers sont bloqués en raison d'une insuffisance des moyens financiers, ce qui a pour effet d'empêcher la réalisation de travaux indispensables à la protection de l'environnement et à la reconquête de la qualité de l'eau.
Un effort financier significatif me semble nécessaire dans ce domaine afin de résorber les retards qui ont été accumulés depuis plusieurs années.
Par ailleurs, afin d'assurer une meilleure lisibilité, il conviendrait d'individualiser les crédits du PMPOA et ceux qui sont alloués à la modernisation des bâtiments d'élevage en zone de montagne.
Nous nous inquiétions, monsieur le ministre - j'emploie à dessein l'imparfait - de la disparition du fonds de gestion de l'espace rural créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que ce fonds constitue un atout important pour le développement rural car de nombreux projets ont besoin d'être soutenus.
Nous nous réjouissons que, dans ce budget, vous ayez accepté d'inscrire en faveur de ce fonds, une dotation d'un montant de 100 millions de francs à laquelle il convient d'ajouter un report de crédit de 100 millions de francs à 150 millions de francs. Cette dotation permettra, en 1997, la poursuite des opérations les plus intéressantes.
Monsieur le ministre, en conclusion, votre action est appréciée du monde agricole, qui attend d'ailleurs beaucoup de la future loi d'orientation, tout comme est reconnue votre détermination pour faire prendre en compte dans les organismes européens les intérêts de l'agriculture française.
Tout en respectant les contraintes budgétaires que nous connaissons, vous avez su être efficace et dégager dans ce budget des priorités répondant à un certain nombre d'attentes. Aussi, vous pouvez compter sur notre soutien. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne développerai que trois thèmes.
Le premier concerne l'enseignement agricole.
Il faut, dites-vous, absolument limiter la progression des élèves à 2 %. Monsieur le ministre, vous êtes un élu du Nord - Pas-de-Calais et vous connaissez la valeur de cet enseignement agricole tant dans le public que dans le privé. Je ne comprends donc pas votre entêtement, votre obstination, pour ne pas dire plus, à vouloir limiter le nombre des élèves de cet enseignement agricole qui se révèle de très bonne qualité et qui devrait plutôt d'ailleurs se dénommer « enseignement pour le monde rural ».
De nouvelles activités doivent être développées dans le monde rural. La mission de l'enseignement agricole devrait être d'assurer la formation à l'aménagement de l'espace rural, de développer des savoir-faire et de former ses élèves à la production de qualité.
Je ne prendrai qu'un exemple, celui de l'entretien des espaces verts, de l'horticulture et de l'embellissement de nos communes. Nous avons besoin dans ces domaines de personnels et d'entreprises agricoles compétents, qui pourront assurer correctement l'entretien de l'espace rural. Je vous demande donc de revenir sur votre décision en la matière, monsieur le ministre.
Ma deuxième réflexion portera sur l'installation des jeunes agriculteurs.
Il est vrai que vous engagez un effort en ce domaine mais reconnaissez que l'augmentation du nombre des installations est due à l'incitation au départ à la retraite. Tant que des mesures fortes ne seront pas prises pour limiter l'intensification agricole, il ne sera pas possible d'augmenter le nombre des jeunes agriculteurs qui s'installent. En effet, on limite les droits à produire.
Cela signifie que les agriculteurs déjà installés recherchent les fermes disponibles, afin d'en récupérer les terres et d'accroître leur production par l'extension de leur surface. Le combat est forcément inégal aujourd'hui entre les jeunes agriculteurs qui veulent s'installer et ceux qui le sont déjà et qui souhaitent s'agrandir.
Le troisième thème a trait à l'élevage.
Il est vrai que l'affaire récente de la « vache folle » a révélé l'ampleur de la crise du secteur de l'élevage, qui est caractérisé par une offre structurellement excédentaire et une baisse de la consommation. Les plus optimistes évoquent une baisse de l'ordre de 10 % sur les six années à venir.
La réforme de la politique agricole commune, en 1992, élaborée à un moment favorable pour le cycle bovin, portait cependant déjà en germe les problèmes actuels.
En renforçant les aides à la tête, elle a contribué inévitablement à l'augmentation de la production. Le choc consécutif à la maladie de la « vache folle » nous en a simplement révélé brutalement les effets. Aujourd'hui, nous devons impérativement en tirer les leçons.
Tout d'abord, une réforme est nécessaire.
Au-delà des mesures d'urgence liées à la crise que vous avez prises, monsieur le ministre, la situation justifie, aujourd'hui plus que jamais, une réforme d'ensemble des aides animales, responsables en grande partie des déséquilibres constatés sur le marché.
En effet, les aides actuelles sont constituées par des primes liées à la quantité et à la nature du cheptel détenu. Malgré les contingentements, le surplus a été ainsi encouragé.
La transformation du système en cours d'aides à la tête en aides à la surface permettrait d'améliorer la régulation de l'offre à moyen terme. Elle permettrait également de supprimer certains travers des primes qui favorisent certaines productions intensives comme le taurillon.
Le choix d'une aide à la surface favoriserait, notamment, l'extensification par la mise en place d'une véritable politique de l'herbe. Pour résumer et pour reprendre un titre célèbre, aujourd'hui, « le bonheur est dans le pré » !
Par ailleurs, une véritable politique de l'herbe est souhaitable. Elle permettrai d'allier moindres coûts de production et meilleure qualité de viande et de préserver l'environnement en réduisant les pollutions animales qui résultent de l'élevage intensif.
Elle constituerait aussi une réponse possible aux problèmes sanitaires et de contagions, notamment dans le cas de la maladie de la « vache folle ».
Elle permettrait également à court terme à nos producteurs de mieux s'adapter à la réduction de la demande des consommateurs.
Il convient, monsieur le ministre, de revaloriser la prime à l'herbe actuelle, trop dissuasive par rapport à la prime aux céréales ou au maïs et qui contribue à bouleverser nos paysages traditionnels de bocages et encourage l'élevage intensif et ses dérapages.
Cette revalorisation est attendue dans le monde agricole. Elle serait appréciée. Nous souhaitons donc qu'elle soit significative. Elle doit constituer une première étape, majeure dans l'encouragement à l'élevage extensif. La France possède, au travers de son espace et de ses nombreux terroirs, des atouts formidables dans ce domaine.
C'est aussi, en termes d'aménagement du territoire, le moyen pour notre agriculture de prendre en compte de réels objectifs.
Un effort a été accompli en matière de prise en compte des conditions locales, mais il reste insuffisant et inadapté à certains contextes régionaux.
Si le taux actuel de chargement, plafonné, ouvrant droit à la prime correspond plus à une situation vécue dans les régions de montagne, il ne répond pas aux conditions d'exploitation d'autres régions, plus intermédiaires : je pense à l'Avesnois-Thiérache dans le département du Nord, qui illustre bien ces zones intermédiaires défavorisées, dans lesquelles on ne peut faire que du lait et de l'élevage.
Le taux de chargement est ici élevé - 2,16 - les structures sont trop petites et les charges foncières, qui traduisent encore un passé riche, sont pénalisantes.
Maintenir la prime à un taux faible et renforcer les contraintes de chargement, c'est condamner la prairie et les exploitants de cette région ; c'est accroître les inégalités à l'échelon national. Il faut moduler ces contraintes selon les régions.
Il existe ainsi, au sein de départements comme celui du Nord, qui affichent une agriculture particulièrement développée, des espaces touchés par la crise et dont il faut, au nom de l'équité, maintenir les chances de développement.
Les professionnels souhaitent une prime à la surface autorisant parfois un chargement plus élevé, qui correspond mieux aux conditions locales d'exploitation ; ou encore une prime qui s'oriente vers une aide dégressive selon le nombre de bovins.
Cette réforme doit être progressive. Bien entendu, il faudra tenir compte également des mesures de soutien qui ont été prises dans le secteur laitier, des contraintes liées aux accords du GATT et ne pas pénaliser les producteurs en adaptant aussi ce secteur à une politique d'aide à la surface.
Or je constate que ce budget n'est pas l'occasion du grand débat de fond réclamé autour de la réforme nécessaire des structures, de la répartition des aides et de la lutte contre les inégalités.
Ces priorités ne sont nullement affichées ici. Elles ne sont même pas abordées dans votre budget. Il y a cependant urgence, monsieur le ministre. La complexité des primes octroyées dans le secteur animal, la « course » à la référence individuelle de cheptel, le maintien de notre compétitivité, la nécessité de préserver notre environnement et la santé publique, l'entretien et l'occupation de notre espace, tout concourt aujourd'hui à la mise en place de cette réforme.
J'attends, monsieur le ministre, la discussion prochaine de la loi d'orientation agricole, qui continuera, je l'espère, l'occasion d'engager cette réflexion. Vous répondrez ainsi aux attentes légitimes de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. On ne peut pas faire de l'extensification avec deux UGB à l'hectare ! Cela n'a pas de sens !
M. le président. La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse. J'ai été très attentif à la présentation de votre projet de budget, monsieur le ministre, et j'ai écouté avec un vif intérêt les conclusions de MM. les rapporteurs.
Participant à l'effort de rigueur engagé par le Gouvernement, le projet de budget de votre ministère régresse modérément, amputant notamment des actions indispensables à l'avenir des zones de montagnes.
C'est sur ces zones sensibles que je souhaiterais attirer votre attention et celle de la Haute Assemblée.
L'agriculture n'a plus pour seule mission de nourrir les hommes. Elle doit non seulement produire des biens alimentaires, mais également occuper le territoire, préserver l'emploi et contribuer à redynamiser le milieu rural, qui a tendance à s'affaiblir et, dans les zones défavorisées, à se paupériser.
Dans le droit-fil de cette préoccupation, je regrette, monsieur le ministre, que le fonds de gestion de l'espace rural ne retrouve pas, et de loin, sa dotation de 1996.
Je me réjouis, certes, comme certains de mes collègues, qu'à l'Assemblée nationale ce fonds ait bénéficié d'une inscription de 100 millions de francs prélevés sur le CNASEA. Mais je considère qu'il serait éminemment souhaitable d'abonder ce fonds de 100 millions de francs supplémentaires, afin de le rendre plus efficace et de lui permettre de se rapprocher, autant que faire se peut, des crédits de 1996, qui s'élévaient à 388 millions de francs, et de ceux de 1995, qui étaient de 500 millions de francs.
Autre préoccupation forte : les dotations budgétaires affectées à la mise aux normes des bâtiments d'élevage et à la modernisation des bâtiments de montagne.
A cet égard, il me paraîtrait opportun que le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricoles, le PMPOA, soit doté des fonds nécessaires à sa complète mise en oeuvre. En effet, il serait bienvenu que l'Etat consente un effort supplémentaire en acceptant d'aller jusqu'à 350 millions de francs pour l'année 1997.
Par ailleurs, il est maintenant indispensable de débloquer l'ensemble des crédits spécifiquement dévolus à la modernisation des bâtiments de montagne. En effet, la situation se détériore, que l'on considère l'évolution des crédits ou le maintien de la spécificité des actions en faveur des bâtiments de montagne.
Pour ce qui est du montant des financements, pour le moment, les 50 millions de francs annoncés pour cette année n'ont pas été votés dans le cadre de la loi de finances rectificative.
L'évolution des crédits pour 1997 ne fait qu'accentuer une chute amorcée depuis plusieurs années, avec 45 millions de francs en loi de finances initiale, contre 54 millions de francs début 1996 et 75 millions de francs début 1995.
En ce qui concerne la spécificité des financements des bâtiments de montagne, force est de constater que les crédits « montagne » contribuent encore et toujours à financer l'ensemble d'un programme national de mise aux normes des bâtiments d'élevage.
Ce phénomène de « grignotage », pour le moins contestable, sera au demeurant inévitable aussi longtemps que les crédits « bâtiments de montagne » ne seront pas clairement distingués, au travers d'une ligne spécifique, des financements de modernisation des bâtiments d'élevage en général.
A cet égard, monsieur le ministre, je me permets de vous rappeler que, lorsque mon collègue Roger Rigaudière avait proposé, voilà exactement un an, l'adoption d'un amendement visant à établir clairement cette distinction, cette mesure avait été écartée pour des motifs juridiques liés à l'architecture budgétaire. Toutefois, vous aviez bien voulu assurer mon collègue que, en pratique, toute confusion entre les crédits des bâtiments de montagne et le programme général de maîtrise des pollutions serait évitée. Le moins que l'on puisse dire aujourd'hui est que cet engagement est resté lettre morte !
C'est la raison pour laquelle je soutiendrai tout naturellement l'amendement qui sera présenté par M. Yvon Bourges, et qui prévoit, précisément, l'individualisation de ces crédits.
Il ne faudrait pas, en effet, qu'une évolution rampante nous conduise à fragiliser la politique spécifique de la montagne, ce en contradiction avec les orientations définies par le Gouvernement dans le mémorandum sur la montagne qu'il vient de soumettre à la Commission de Bruxelles.
Le temps qui m'est imparti est trop court pour que je puisse aborder tous les thèmes qui me tiennent à coeur.
Cependant, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que les éleveurs du Massif central, et en particulier ceux du Cantal, savent que c'est à vous qu'ils doivent le maintien des cours des broutards à un niveau acceptable.
Nous vous sommes très reconnaissants de votre action pugnace, déterminante et réussie dans la gestion et la maîtrise de cette crise, dont vous avez parfaitement saisi l'enjeu.
Nous avons apprécié également ce que vous avez obtenu du conseil des ministres européen, le 18 novembre dernier, en matière d'identification des bovins et d'étiquetage des viandes bovines. Cette démarche volontariste est indispensable pour restaurer la confiance des consommateurs. Il s'agit d'une excellente mesure, que j'appuie sans réserve.
En effet, dans les prochaines années, il est impensable que nous poursuivions une politique qui, de la productivité qui était souhaitable, dérive, année après année, vers un productivisme débridé, qui présente plusieurs caractéristiques : le développement du machinisme et, partant, de l'endettement des exploitants ; la spécialisation intensive ; la course aux rendements et à l'agrandissement ; les élevages en batterie surdimensionnés ; les remembrements anarchiques ; et, en corollaire, des nuisances devenues incontrôlables et intolérables partout où dominent les élevages hors sol.
Il faut revenir à une gestion plus respectueuse de l'espace, car la terre est le patrimoine commun de la nation, dont il faut ménager les ressources et la diversité.
Cette remise en ordre de notre agriculture, caractérisée par d'autres finalités, doit impérativement être intégrée dans la nouvelle loi d'orientation agricole, qui devra, entre autres choses, savoir répondre aux légitimes exigences des consommateurs, qui, trop longtemps abusés, doivent être sécurisés en ce qui concerne aussi bien la qualité des produits que la santé publique.
Il faut que cesse définitivement la dérive d'un système quasi-industriel, qui a transformé les ruminants en carnivores pour satisfaire aux caprices de l'agro-alimentaire.
Dans ce contexte, l'agriculture de montagne a toute sa place, car ses productions correspondent au goût et aux choix nouveaux des consommateurs.
L'agriculture de montagne n'est pas une activité de loisirs, de subsistance ou de jardinage. Elle est une activité économique à part entière, enracinée dans son terroir, productrice de produits bien typés et clairement identifiés.
En un mot, l'agriculture de montagne doit être défendue. Elle le mérite !
Je crois connaître, monsieur le ministre, vos préoccupations liées à l'éthique et à l'équité pour que le développement de notre agriculture bénéficie au plus grand nombre d'hommes et de territoires dans le respect de leur diversité.
Pour en arriver là, il faudra modifier, à n'en pas douter, bien des comportements, inventer de nouvelles façons de faire, favoriser la diversité des usages et des pratiques agricoles afin de sauvegarder le patrimoine que nous transmettrons à nos enfants.
Monsieur le ministre, malgré les difficultés présentes, malgré les insuffisances de ce projet de budget, je vous exprime ma confiance pour ce que vous ferez et ma reconnaissance pour ce que vous avez fait au cours de ces derniers mois.
Je voterai donc ce projet de budget, conscient que l'agriculture doit, elle aussi, concourir à l'effort gouvernemental de rigueur et de redressement, et persuadé que vous servez bien l'agriculture de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat a pris l'heureuse initiative d'un débat sur la politique agricole de la France, qui a eu lieu le 6 novembre dernier. J'ai pu alors expliquer devant vous quelles étaient les grandes orientations de l'action du Gouvernement dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation. Je n'y reviendrai donc pas, bien évidemment, même si certains d'entre vous ont prolongé notre débat du 6 novembre, en posant à nouveau des questions auxquelles j'avais déjà apporté des réponses. Mais, rassurez-vous, nous aurons bien d'autres occasions de reprendre prochainement le débat !
Je consacrerai donc mon intervention d'aujourd'hui plus précisément au projet de budget.
Comme vous le savez, le projet de budget de l'agriculture a été élaboré dans un contexte de redressement budgétaire fondé sur la limitation des dépenses et la baisse du prélèvement fiscal. Le ministère de l'agriculture participe, comme les autres, à l'effort collectif, tout en préservant ses priorités et en faisant face à des contraintes fortes. Ces contraintes, dues à des crises sectorielles comme celles de la viande bovine ou des fruits et légumes, montrent que nous devons pouvoir mobiliser rapidement des moyens considérables pour faire face à de telles situations conjoncturelles.
Pour répondre à une crise exceptionnelle comme celle de la viande bovine, il faut, bien entendu, mettre en oeuvre des moyens exceptionnels dont l'anticipation n'est pas possible dans le cadre normal d'un budget. Heureusement d'ailleurs que nous n'anticipons pas, dans chacun de nos budgets, des crises exceptionnelles de l'ampleur de celle de la viande bovine ! Nous avons démontré que, quel que soit le contexte budgétaire, nous sommes en mesure d'y faire face. J'espère que nous n'aurons pas à en apporter une nouvelle démonstration, mais soyez certains que, si tel devait être le cas, nous saurions à nouveau faire face à nos responsabilités. Pour autant, ne me demandez pas de prévoir des crédits spécifiques supplémentaires pour de telles éventualités.
La crise des fruits et légumes d'été démontre la nécessité absolue de disposer tout à la fois de crédits d'intervention et de crédits à finalité structurelle pour concourir à l'adaptation des productions aux marchés et à la restructuration des filières.
Globalement, avec une baisse de 0,8 % par rapport à 1996, ce budget est à peu près stable si l'on prend en compte la subvention d'équilibre de 7 853 millions de francs destinée au BAPSA. Cependant, comme certains d'entre vous l'ont remarqué, si l'on fait abstraction de cette subvention, les crédits se montent à 27 370 millions de francs, soit une diminution de près de 3,9 % par rapport à l'année dernière.
Ce cadre contraint, j'aborde la présente discussion dans un esprit de dialogue et d'ouverture, mais convenez qu'il m'est impossible de dépenser plus que ce que j'ai.
M. Alain Vasselle. C'est sûr !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Certains m'ont demandé des crédits supplémentaires, mais ils ne m'ont pas dit - j'attends encore ! - quelles étaient les politiques agricoles pour lesquelles ils suggéraient les économies correspondantes.
M. Alain Vasselle. Il ne doit pas y en avoir beaucoup !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Si on me demande de l'argent en plus pour une ligne budgétaire, il faut me dire dans quel domaine je devrai mettre moins d'argent ! J'attends !
Faut-il que je diminue le FGER ? (Signes de dénégation sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Faut-il que je diminue les crédits de l'enseignement agricole,...
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis. Sûrement pas !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... ou du PMPOA, ou de la POA ? (Nouveaux signes de dénégation sur les mêmes travées.) Je pourrais citer encore bien d'autres actions.
Demander une nouvelle dépense est un exercice facile, mais c'est autre chose quand il s'agit de gérer un budget.
M. Alain Vasselle. C'est vrai !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'en viens aux questions que vous avez soulevées avec le plus d'insistance - parce que je ne pourrai pas répondre à toutes - et qui correspondent d'ailleurs à mes priorités.
La première d'entre elles est l'installation des jeunes en agriculture.
Le rapport de M. Pluchet retrace bien les crédits réservés à la politique d'installation dans le contexte de la mise en oeuvre de la charte nationale ; le sujet a été également évoqué par MM. Herment et Grandon.
M. Alain Vasselle. Excellent rapport que celui de M. Pluchet !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Très bon rapport, effectivement.
L'installation est une toute première priorité de la politique agricole. Notre objectif, vous le savez, est de parvenir à un nombre de 12 000 à 13 000 installations aidées par an.
Un tel objectif permet de contribuer au renouvellement des exploitations, de conserver une agriculture performante, fournissant nos filières agroalimentaires, et, par ailleurs, d'assurer un équilibre harmonieux dans l'occupation du territoire.
Un an après la signature de la charte nationale pour l'installation des jeunes, tous les engagements pris ont été tenus, tous ont été traduits sur les plans législatif, réglementaire et financier.
D'ores et déjà, les premiers éléments chiffrés qui m'ont été transmis laissent apparaître des évolutions favorables qui rendent tout à fait réalistes les objectifs que nous nous sommes fixés.
Je le répète, tous les moyens budgétaires nécessaires sont prévus dans le projet de budget qui vous est soumis. Tous les engagements que j'ai pris en ce domaine seront donc respectés.
Je signale à M. Minetti - car il est effectivement quelquefois difficile de comprendre un budget lorsqu'on ne le lit pas dans sa globalité - que, comme l'a d'ailleurs relevé M. Pourchet, notre budget comporte une augmentation du nombre des dotations aux jeunes agriculteurs.
En effet, compte tenu de l'augmentation des crédits communautaires, nous aurions pu réduire à due concurrence les crédits nationaux. Or, nous ne l'avons pas fait. Nous avons prévu dans le présent projet de budget 9 600 dotations aux jeunes agriculteurs.
Monsieur Minetti, je vais prendre un engagement devant vous.
M. Alain Vasselle. Ah !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Si plus de 9 600 demandes de dotations aux jeunes agriculteurs sont déposées, je m'engage à faire face à la demande supplémentaire. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
MM. Roland du Luart et Alain Vasselle. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je souhaite avoir ces 9 600 demandes de dotation.
M. Louis Minetti. Cela va être un duo, monsieur le ministre, en faveur des jeunes agriculteurs !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Ce ne sera pas un duo, monsieur Minetti. En ce moment, je suis à cette tribune et, dans peu de temps, je serai sur le terrain ou dans mon bureau et je devrai alors très concrètement traduire mes paroles en actes.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. C'est quelquefois un peu plus difficile, mais, jusqu'à présent - et j'ai l'intention de continuer ainsi - tous les engagements que j'ai pris, à cette tribune ou ailleurs, ont été traduits en actes.
MM. Roland du Luart et Alain Vasselle. C'est exact !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Nous avons prévu 9 600 dotations. Ce n'est pas moi qui freinerai l'installation des jeunes. Si le nombre d'installations est supérieur à 9 600, je m'en féliciterai. Il est nécessaire, aujourd'hui, de susciter et de renforcer les vocations chez les jeunes agriculteurs. Mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet.
Lorsque je visite certains établissements agricoles, comme je l'ai fait le 7 novembre dernier, quand je prends mon bâton de pèlerin, c'est pour dire aux jeunes : « Installez-vous ! Essayez de profiter de cette belle aventure. » Croyez-moi, il ne suffit pas de mettre sur la table des DJA supplémentaires ! Monsieur Minetti, si vous venez me voir avec 10 000 jeunes souhaitant bénéficier de la DJA, je ne doute pas que la majorité sénatoriale saura m'aider à trouver des crédits supplémentaires.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je répondrai maintenant à M. Bourdin.
Tout d'abord, un document de synthèse regroupant les différentes aides à l'installation des jeunes agriculteurs apparaît désormais nécessaire en raison de la diversité de ces aides. Elles peuvent être budgétaires ou fiscales ; elles peuvent provenir soit de la Communauté européenne, soit de l'Etat, soit des collectivités.
Ensuite, un premier bilan du FIDIL, c'est-à-dire un bilan de l'utilisation des premiers crédits votés voilà un an par le Sénat - 150 millions de francs - sera disponible au printemps, et vous aurez ainsi satisfaction.
En outre, une synergie entre les aides nationales et les aides locales est, bien entendu, nécessaire. Elle répond à l'esprit même des PIDIL qui peuvent se mettre en place à l'échelon national et à l'échelon départemental.
Enfin, un bilan de l'application de la charte d'installation sera présenté prochainement au conseil des ministres, et vous en serez destinataires dans la journée même ; le Sénat sera donc parmi les tout premiers informés de ce bilan.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Voilà pour ce qui est de la première priorité.
La deuxième priorité - je ne les présente pas par ordre d'importance - concerne l'enseignement agricole.
Le rapport de M. Vecten est extrêmement précis et complet. Pour l'avoir lu très attentivement, je me dis que certains aspects de son contenu pourraient être considérés comme des critiques.
M. Alain Vasselle. Est-ce possible ?
M. Charles Revet. Des critiques constructives !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Ce sont assurément des critiques constructives. Aussi, j'y répondrai très sereinement.
La priorité que j'attache à l'enseignement agricole se traduit sur le plan budgétaire. Certains, parmi les professionnels, et non des moindres, estiment même, comme le président de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, M. Jean-François Hervieu, que l'enseignement agricole est la seule priorité de mon budget. Effectivement, l'enseignement agricole est l'un des secteurs dont les crédits progressent. C'est même, avec les services vétérinaires, l'un des deux secteurs pour lesquels nous créons des emplois : soixante-dix postes d'enseignant pour l'enseignement public et cinquante pour l'enseignement privé. Par les temps qui courent, ce n'est tout de même pas négligeable !
Vous avez été nombreux à rappeler les discussions qui portent sur les évolutions de l'enseignement agricole. MM. Soucaret, Gouteyron, Doublet, Herment, Bernard Hugo et Raoult sont intervenus à ce sujet.
Dans le cadre du budget dont je dispose, il est de mon devoir de veiller à l'équilibre des différentes missions qui relèvent de mon ministère. L'examen des chiffres montre, je le répète, que l'enseignement agricole - comparez-le aux autres missions - bénéficie d'une vraie priorité. Le problème, c'est que les effectifs dans le secteur de la production depuis dix ans sont restés stables, alors que ceux des services aux personnes ont été multipliés par 2,5.
Pour autant, soyons clairs, je n'ai jamais eu l'intention de remettre en cause les formations qui ne sont pas directement liées aux filières de production. Je le répète avec force : je ne fermerai aucune classe de services. C'est si vrai que j'ai fait mettre à l'étude, par mes services, la revalorisation de cette filière et la faisabilité de la création d'un BTS « services ».
M. Bernard Piras. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Mais nous devons établir des priorités, y compris à l'intérieur de l'enseignement agricole.
J'entends d'abord assurer, c'est vrai, les formations relatives aux filières, parce que c'est la vocation première du ministère de l'agriculture et parce que l'enseignement agricole est le seul à pouvoir dispenser certaines de ces formations, tout particulièrement dans le domaine de la production, lequel représente aujourd'hui un gisement d'emplois qui ne sont pas toujours satisfaits.
J'évoquais cette situation tout à l'heure à propos de l'installation des jeunes, mais je pourrais vous donner d'autres exemples d'emplois aujourd'hui disponibles que nous ne sommes pas en mesure de pourvoir. Reconnaissez que c'est tout de même un peu dommage !
M. Alain Vasselle. Effectivement !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'espère avoir démontré que je suis un homme de dialogue. En effet, j'ai tenu à entendre l'ensemble des réprésentants de l'enseignement agricole au titre de la préparation du projet de loi d'orientation, dont le volet « enseignement » permettra, comme vous le constaterez, de redéfinir la vocation de cet enseignement.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'ai personnellement négocié avec les syndicats de l'enseignement agricole public un protocole sur les missions des personnels, sur les emplois et sur la formation. Même si un protocole de cette nature ne résout bien entendu pas toutes les difficultés - loin s'en faut, car de nombreuses discussions doivent encore avoir lieu - il s'agit tout de même d'une avancée concrète, qui est le résultat d'une méthode que je continuerai d'appliquer.
A cet égard, je vous indique que j'ai l'intention de proposer au CNEAP, le conseil national de l'enseignement agricole privé, et aux maisons familiales de négocier un protocole d'accord portant sur l'évolution des établissements et des effectifs, mais aussi sur celle des filières, et, s'agissant du CNEAP, sur le calendrier de revalorisation de la dotation.
J'estime faire preuve, là encore, de beaucoup de bonne volonté, ainsi que d'esprit de dialogue et d'ouverture. En effet, j'entends travailler dans la concertation, avec pour unique souci de préserver et de valoriser notre enseignement agricole. Dans cette optique, je m'appuierai dans l'avenir sur les travaux de l'observatoire de l'enseignement agricole, que j'ai installé hier et qui est présidé par le professeur René Rémond.
Comme je l'ai indiqué hier à son président et à son rapporteur, je m'engage à venir devant la commission des affaires culturelles du Sénat pour présenter les orientations qui auront été envisagées au cours des concertations que je viens d'évoquer et qui doivent déboucher sur des mesures équilibrées entre les différentes formes d'enseignement et entre les différentes filières, même si vous connaissez la priorité que je souhaite faire respecter.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Nous apprécions cet engagement, monsieur le ministre !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Cet engagement, monsieur Gouteyron, témoigne de ma très ferme volonté de maintenir et de développer l'enseignement agricole au sein du ministère de l'agriculture.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. C'est au sein de ce ministère qu'il doit vivre et se développer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Je le dis parce que, quand j'ai évoqué à diverses reprises la nécessité de maîtriser l'évolution de notre enseignement agricole, il semble que je n'ai pas été toujours bien compris. Je voudrais donc, ici, essayer de dissiper certains malentendus.
D'abord, à M. Vecten, qui, comme il l'a fait ce matin, évoque ce qu'il appelle « la norme de 2 % » pour 1997, je précise qu'il ne s'agit pas d'un plafond de dépenses et que les crédits ont bel et bien été abondés pour faire face aux fortes augmentations passées des effectifs.
Ensuite, il doit être clair que l'avenir de l'enseignement agricole étant au sein du ministère de l'agriculture, je ferai tout pour qu'il en soit ainsi. Si je lance parfois des cris d'alarme, c'est non pas pour formuler un souhait, mais au contraire pour indiquer un possible danger. En tout cas, nous ferons tout, les uns et les autres, pour que le pire soit définitivement écarté.
Il faut qu'il soit clair qu'il ne saurait en aucun cas être question de remettre en cause ce qui fait l'originalité de notre enseignement.
Nous devons continuer à accueillir des jeunes qui connaissent des situations difficiles sur le plan scolaire.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Nous devons continuer à dispenser des formations diversifiées.
Nous devons poursuivre la rénovation pédagogique engagée depuis quelques années, tant dans l'enseignement public que dans l'enseignement privé.
Je souhaite que nous envisagions toutes ces évolutions dans un esprit de dialogue et avec une volonté d'équilibre.
J'espère, cette fois, avoir clarifié certaines discussions que nous avons eues entre nous...
M. Bernard Piras. Bonne évolution !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... et qu'il a fallu un peu de temps pour mener à bien. (M. Vecten, rapporteur pour avis, applaudit.)
J'en viens au PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, qui est un dossier extrêmement important, comme l'ont souligné notamment MM. Doublet, Herment, Bourdin, Besse, Hugo et Vasselle. C'est dire que le sujet est épineux !
De nombreuses voix s'élèvent pour souligner les difficultés, au risque de donner l'impression que le programme ne fonctionne pas et prend du retard.
Sans nier ces difficultés, permettez-moi de faire un point rapide.
C'est en octobre 1993 que le programme a été décidé par les ministres de l'agriculture et de l'environnement au terme d'une longue concertation avec les organisations professionnelles agricoles. Le financement paritaire de l'Etat et des collectivités territoriales a été inscrit dans les contrats de plan Etat-région sur la base des estimations de travaux faites à l'époque dans chaque région.
Les crédits de l'Etat prévus pour les cinq années de ces contrats atteignaient 555 millions de francs, soit, en moyenne, 111 millions de francs par an. Compte tenu de la montée en puissance du progamme, les crédits devaient augmenter chaque année du plan pour totaliser les 555 millions de francs au terme de la cinquième année.
Que s'est-il passé ?
En 1994, 42 millions de francs ont été délégués ; en 1995, les crédits ont atteint 90 millions de francs et, en 1996, 120 millions de francs, soit plus que l'annuité moyenne. Nous avons donc déjà entamé le « rattrapage » l'année dernière.
Pour 1997, 165 millions de francs, auxquels il est effectivement possible d'ajouter 45 millions de francs si nous voulons globaliser l'opération, sont inscrits au projet de budget, ce qui constitue - reconnaissez-le mesdames, messieurs les sénateurs - une croissance importante.
Mais la difficulté vient d'une mauvaise évaluation initiale des besoins exprimés par les éleveurs pour améliorer leur environnement. L'Etat a probablement été un peu trop timoré dans ses prévisions, et les éleveurs ont fait preuve d'un grand esprit de responsabilité en étant plus nombreux que ce que nous imaginions à vouloir entrer dans ce programme : près de 90 % d'entre eux se sont manifestés, et nous devons donc prendre cette réalité en compte.
Ainsi, les financements prévus par l'Etat, mais également par les collectivités territoriales et par les agences de l'eau, ne permettent pas de réaliser les travaux selon le calendrier initialement arrêté.
Aussi, je remercie la Haute Assemblée d'avoir suivi le Gouvernement sur l'élargissement du champ d'intervention des actions du fonds national pour le développement des adductions d'eau. Cela nous permettra d'élargir le champ du FNDAE à la lutte contre les pollutions d'origine agricole.
Grâce à cette mesure, 150 millions de francs supplémentaires pourront être affectés l'année prochaine au PMPOA, ce qui répond à votre demande, ou tout au moins à une grande partie de celle-ci.
Votre proposition de majorer la taxe du FNDAE de un centime par mètre cube en 1997, acceptée par le Gouvernement, devrait - je l'espère du moins - apaiser les craintes de M. Vasselle,...
M. Jacques de Menou. Craintes que je partage !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... ainsi, par conséquent, que celles de M. de Menou !
Quelles que soient les possibilités d'ordre budgétaire, d'ici à la fin du plan, tant pour l'Etat que pour les collectivités territoriales, il est désormais indispensable de réexaminer le calendrier de la mise aux normes des exploitations.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. En tout état de cause, je m'engage au respect du principe de la non-pénalisation des éleveurs.
MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial, et Roland du Luart. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'en viens au fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
Nombre d'entre vous se sont inquiétés de l'évolution du FGER, institué par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe de l'existence de ce fonds, même s'il est sûrement encore trop tôt pour pouvoir en mesurer tous les effets sur le terrain.
Pour 1997, le contexte budgétaire m'avait tout d'abord conduit à proposer de ne pas doter le FGER. Mais, lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, j'ai accepté l'inscription d'une dotation de 100 millions de francs, grâce à un redéploiement de mes crédits.
Cette somme, bien que significative, est encore loin de l'objectif. Aussi, j'ai décidé, comme Mme Bardou et M. Soucaret l'ont souhaité ici même, un effort exceptionnel complémentaire de 50 millions de francs par un deuxième redéploiement de crédits inscrits au projet de budget qui vous est soumis. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Gérard Delfau. Il ne vous en faut pas beaucoup !
M. Alain Vasselle. Dans le contexte actuel...
M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues ! Laissez parler M. le ministre !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, si vous nous aviez laissé de l'argent à dépenser au lieu de dettes à rembourser (Exclamations sur les travées socialistes), je vous assure que j'aurais un plaisir infini, aujourd'hui, à pouvoir vous apporter des crédits supplémentaires ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Raoult. Cela fait quatre ans que vous êtes au pouvoir !
M. le président. Monsieur Raoult, laissez parler M. le ministre !
M. Paul Raoult. Et les 2 000 milliards d'emprunt ?
M. Henri Revol, rapporteur pour avis. Il faut rembourser vos dettes !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Effectivement ! Vous avez bonne mémoire : vous nous avez bien laissé 2 000 milliards de dettes ! Je vous remercie de le rappeler, monsieur le sénateur.
M. Charles Revet. Même plus que cela !
M. Paul Raoult. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous !
M. le président. Revenons-en donc au budget de l'agriculture, mes chers collègues !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je dote donc cette ligne de 150 millions de francs.
M. Alain Vasselle. Nous vous en félicitons, monsieur le ministre !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Je vous en remercie.
Si l'on tient compte des reports de crédits de 1996, estimés à environ 150 millions de francs, en dépit de la récente annulation budgétaire, ce sont donc, au total, 300 millions de francs qui pourront être consacrés en 1997 à la poursuite des actions relevant du FGER sur l'ensemble du territoire.
Ce sont là non pas des paroles en l'air, mais des faits concrets, et je suis heureux de pouvoir vous annoncer aujourd'hui cette disposition pour l'année prochaine.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'examinerai maintenant la question de l'industrie agro-alimentaire et de la prime d'orientation agricole, la POA.
Comme M. Garcia, notamment, l'a rappelé, la filière agro-alimentaire est d'une importance capitale pour notre pays. Tout d'abord, elle assure près de la moitié de notre excédent commercial ; ensuite, l'industrie agro-alimentaire est la première industrie de notre pays ; elle est présente dans chaque région, souvent dans les zones rurales, et elle assure la transformation de plus des trois quarts de notre production agricole.
Le développement de notre industrie agro-alimentaire, en France comme à l'exportation, nécessite la mise en oeuvre de mesures spécifiques, sur lesquelles je voudrais revenir.
Il ne faut pas mesurer les capacités de développement de l'industrie agro-alimentaire aux seules dotations de la prime d'orientation agricole. Je vous invite à vous reporter au bilan des entreprises agricoles : vous verrez que la formulation brute du capital fixe dégage quand même des marges substantielles en matière d'investissements.
Mais nous devons nous donner les moyens d'accompagner le mouvement, ne serait-ce que pour permettre de tirer sur les lignes FEOGA auxquelles nous avons droit, et même d'accompagner certaines opérations qui, sans cela, pourraient peut-être se délocaliser - le mot est tristement à la mode - ou choisir une implantation dans un autre pays de l'Union européenne. M. Marcel Deneux sait très bien ce que je veux dire. Mais la même question pourrait être posée par des représentants de la région Champagne-Ardenne ou d'autres.
Plusieurs intervenants, dont M. Serge Mathieu, ont souligné l'importance de la prime d'orientation agricole, qui joue un rôle très incitatif, comme je viens de le rappeler.
Nous avons, pour 1997, à faire face à un double défi : nous devons, d'une part, disposer d'une POA nationale suffisante pour pouvoir mobiliser les crédits européens du FEOGA, qu'il est essentiel de ne pas perdre, et, d'autre part, honorer les engagements de l'Etat au plan régional, dans le cadre des contrats de plan.
C'est pourquoi je me réjouis que nous ayons pu ajouter 20 millions de francs sur la ligne budgétaire correspondante au cours de l'examen du projet de budget à l'Assemblée nationale.
Je suis naturellement ouvert aux propositions qui ont été faites au cours de ce débat pour aller encore plus loin. C'est pourquoi je suis disposé à majorer de 10 millions de francs complémentaires les crédits correspondants, portant la majoration totale à 30 millions de francs, à laquelle s'ajoute la contribution de la réserve parlementaire à hauteur de 4 millions de francs.
On me dira peut-être que ce n'est pas suffisant. Je pense néanmoins avoir agi conformément aux souhaits que vous avez émis auprès de moi.
MM. Pluchet et Pourchet ont évoqué les aides de démarrage aux GAEC et aux CUMA. Ces aides, qui ont été créées au début des années soixante pour faciliter, à une époque où cela n'existait que très peu, la constitution de certains groupements en agriculture - les GAEC pour l'exploitation en commun et les CUMA pour la mécanisation agricole - ne se justifient plus aujourd'hui.
En effet, on constate que ces groupements se font naturellement ; il y a près de 50 000 GAEC en activité en France et environ 13 000 CUMA qui oeuvrent dans le monde rural.
Leur soutien principal est désormais appliqué, non pas au démarrage, mais à l'activité ; il en est ainsi des prêts superbonifiés auxquels ont accès les GAEC et les CUMA ; les plafonds de ces derniers viennent d'ailleurs d'être relevés.
Par ailleurs, je rappelle que les GAEC, comme les CUMA, bénéficient d'avantages particuliers, au titre du principe de la transparence économique, fiscale et sociale qui est reconnue aux GAEC ou au titre du statut particulier des CUMA.
S'agissant des calamités agricoles, les crédits nécessaires doivent tenir compte de l'absence de sinistres importants ces dernières années et du remboursement intégral de l'emprunt de 1,5 milliard de francs souscrit en 1987.
Cela étant, monsieur Mercier, le fonds national de garantie des calamités agricoles a besoin de ressources stables pour indemniser les agriculteurs. La prorogation sur quatre ans de la taxe sur les véhicules à moteur me semble donc être un bon compromis entre la durée initiale de dix ans proposée par le Gouvernement et la révision annuelle que vous évoquez.
En ce qui concerne les autres taxes relatives aux bâtiments et aux récoltes, dont le taux est fixé jusqu'à la fin de l'année 1997, la commision nationale des calamités agricoles sera bien entendue consultée en 1997 sur les taux à appliquer à partir de 1998.
S'agissant des préretraites, qui ont été évoquées notamment par MM. Doublet et Bernard Hugo, je peux vous confirmer que le dispositif communautaire mis en place en 1992, à l'occasion de la réforme de la politique agricole commune, s'appliquera en l'état jusqu'au 15 octobre 1997.
En effet, devant les demandes pressantes des parlementaires, notamment des députés, le Gouvernement a accepté de revenir sur les dispositions de l'article 83 du projet de budget initial pour 1997.
J'en viens maintenant aux bâtiments d'élevage en zone de montagne, évoqués en particulier par Mme Bardou. Les agriculteurs situés en zone de montagne bénéficient de taux bonifiés de 3,45 %, au lieu de 4,70 % en zone de plaine.
A cela s'ajoutent des subventions spécifiques pour les bâtiments d'élevage en montagne. Il est vrai que, pour l'attribution de ces aides spécifiques, des files d'attente existent dans toutes les régions concernées. Pour contribuer à les résorber, j'ai annoncé, en juin dernier, que 50 millions de francs supplémentaires seraient inscrits pour ces actions dans la loi de finances rectificative. C'est chose faite : aujourd'hui, vous le savez, les dispositions ont été prises, et j'indique à M. Cazalet que j'ai déjà informé le préfet de la région Aquitaine qu'il recevrait très prochainement 2,7 millions de francs de crédits supplémentaires, qui s'ajouteront à la dotation initiale de 1,8 millions de francs.
M. Auguste Cazalet. Très bien ! Merci !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. Bien entendu, monsieur Cazalet, tous les crédits accordés à l'Aquitaine sont destinés aux Pyrénées-Atlantiques, seul département de montagne de la région. (Sourires.)
M. Auguste Cazalet. Et voilà !

M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. J'espère que vos compatriotes des Pyrénées-Atlantiques apprécieront !
J'en viens maintenant aux mesures agri-environnementales.
Face à la baisse des crédits inscrits pour 1997, je comprends les inquiétudes manifestées par M. Revol, qui considère que ces opérations sont porteuses d'avenir. Je partage tout à fait son avis.
La baisse de la dotation en loi de finances initiale s'explique simplement par un facteur technique : les délais de mise en place de ces mesures agri-environnementales ont conduit à la constitution et à l'affectation d'une trésorerie au CNASEA, dont la situation devient désormais tout à fait convenable, pour ne pas dire plus.
Je n'évoquerai pas davantage le CNASEA, car mon collègue M. Perben vous en a déjà parlé. Je ne répéterai donc pas les propos qu'il a tenus au nom du Gouvernement, cela nous permettra de gagner du temps.
Le budget de 1997 permettra d'honorer les engagements pris ; il permettra aussi de reconduire, sur une base sélective et en fonction des résultats obtenus, les opérations arrivées au terme des engagements initiaux pris il y a cinq ans.
Je voudrais terminer ce panorama budgétaire en abordant deux domaines importants de mon ministère : la forêt et la pêche.
M. Bourdin, Mme Bardou et M. Vasselle ont évoqué la question de la forêt.
La forêt est effectivement une composante essentielle des missions de mon département ministériel. En effet, elle couvre le quart de notre territoire et elle joue un rôle social et environnemental essentiel ; surtout, elle est à l'origine d'une filière « bois » qui représente 550 000 emplois, souvent dans des régions rurales.
La question du financement de la politique forestière se pose naturellement, comme M. Bourdin l'a rappelé à juste titre.
Je le sais, l'augmentation des frais de garderie, l'an dernier, avait suscité une vive émotion au Sénat et je me réjouis que nous ayons pu dégager, cette année, les moyens nécessaires pour fixer le versement compensateur de l'ONF à un niveau suffisant pour ne pas remettre ces frais en cause.
Mais ce n'est pas tout : M. Bourdin a évoqué aussi le fonds forestier national, le FFN, qui est un instrument essentiel de compétitivité de la filière. Nous devons tout faire pour le maintenir et le pérenniser. Malheureusement, il ne me sera pas possible, dans la conjoncture actuelle, d'envisager une baisse de la taxe forestière, car elle devrait alors automatiquement se traduire par une réduction des actions financées par le FFN, ce qui ne me paraît pas souhaitable aujourd'hui.
Le second volet - de la plus grande importance - de la politique forestière est l'environnement et la gestion durable des forêts.
La France, je le dis avec force, gère durablement ses forêts. C'est vrai pour les forêts domaniales, les forêts des collectivités et les forêts privées. Il suffit, pour s'en convaincre, de mesurer la richesse de nos forêts et l'expansion de leur superficie.
La France n'a pas de crainte à avoir dans la perspective de la mise en place de l'écocertification, car nous serons capables de prouver que nous gérons durablement nos forêts.
De même, nous serons capables d'adopter un dispositif qui donnera toute satisfaction et toute garantie à nos producteurs. Il n'est pas question, je vous rassure, de laisser à quelques associations qui s'autoproclameraient le soin de décréter l'écocertification.
Reste à prendre en compte la spécificité de certaines forêts, notamment de la forêt méditerranéenne, qu'a évoquée M. Vigouroux.
Les élus des départements méditerranéens sont intervenus nombreux au sujet du conservatoire de la forêt méditerranéenne, dont la dotation, initialement fixée à 100 millions de francs, a chuté brutalement en 1994 pour n'être plus aujourd'hui que d'une soixantaine de millions de francs.
Je connais le rôle essentiel qu'a joué cet outil et je souhaite rendre hommage aux élus, qui se sont mobilisés aux côtés de l'Etat pour assurer la prévention et la défense contre les incendies. Les résultats sont là : nous avons les meilleurs chiffres depuis dix ans. Mais nous ne devons pas relâcher notre effort, car rien n'est jamais définitivement gagné.
C'est pourquoi mon objectif est d'abord de stabiliser les moyens du conservatoire de la forêt méditerranéenne, qui seront plus élevés en 1997 - 62 millions de francs - que la dotation qui a été effectivement versée en 1996.
S'agissant de la pêche, M. de Rohan a souligné toute l'importance qu'il attache au maintien des moyens budgétaires consacrés à ce secteur.
La reconduction des dotations budgétaires par rapport au budget de 1996 - qui avait lui-même augmenté de 30 % par comparaison avec l'année précédente - concerne à la fois les dépenses ordinaires et les crédits d'équipement.
Ce projet de budget traduit tout d'abord la volonté de poursuivre et d'amplifier la réorganisation de la filière au travers des actions conduites par le fonds d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la pêche maritime et des cultures marines, le FIOM.
Monsieur Sergent, nous avons déjà eu l'occasion d'aborder ensemble ce sujet. Permettez-moi quand même de vous rappeler que les crédits du FIOM ont été triplés en trois ans et que l'effort a donc déjà été largement consenti !
La loi d'orientation sur la pêche a prévu la transformation du FIOM en OFIMER. Cela nous donnera peut être l'occasion de lui affecter des moyens complémentaires, mais notre objectif - et je sais que c'est aussi le vôtre - est avant tout, bien entendu, de doter le secteur des produits de la mer d'un outil de gestion, de régulation et de promotion du marché. Il s'agit de concourir à la transparence du marché, de favoriser la qualité, d'encourager les démarches communes de commercialisation des organisations de producteurs, de structurer et de moderniser le mareyage.
Sur les objectifs, nous avons une vision globale commune de ce qu'il convient de faire aujourd'hui en faveur de nos pêcheurs et de tout le secteur situé en aval des produits de la mer, de manière à mieux prendre en compte les données du marché. Nous inscrirons donc toutes les mesures dont nous venons de parler dans le cadre de la loi d'orientation sur la pêche, que le Sénat a récemment adoptée.
Sur le point précis - et d'actualité - des relations avec les îles anglo-normandes, je rappelle que nous avons toujours souhaité consolider par un accord équilibré les droits historiques de nos pêcheurs. Nous sommes donc ouverts, comme nous l'avons toujours été, à la discussion, et la rupture de celles qui se sont engagées depuis 1994 n'est pas de notre fait : il s'agit d'une rupture unilatérale. Face à une situation de ce type, nous nous montrerons fermes, nous ferons respecter les droits de nos pêcheurs. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
Cela étant, je vous indique qu'une rencontre bilatérale aura lieu dès demain, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Le budget consacré aux pêches, l'aboutissement du plan de restructuration de la pêche artisanale, l'importance des dispositions de la loi d'orientation sur la pêche, voilà qui témoigne clairement d'une volonté collective de maintenir actif et performant un secteur dont l'importance dépasse le strict aspect économique et doit se mesurer en termes d'aménagement de notre littoral.
Dans les quelques minutes qui me restent, ...
M. le président. Monsieur le ministre, le Gouvernement a la parole quand il le souhaite et pour le temps qu'il souhaite !
Je vous rappelle simplement que notre ordre du jour demeure très chargé jusqu'à samedi prochain !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. C'est pourquoi j'ai tenu à rester dans le cadre budgétaire, monsieur le président, ce qui m'a empêché de répondre à toutes les questions qui m'ont été posées. Mais peut-être n'est-ce pas le lieu pour le faire ?
Je prendrai toutefois quelques instants pour apporter une ou deux réponses sur quelques sujets précis.
En ce qui concerne le secteur du veau de boucherie, deux mesures vont très bientôt coexister : la prime à la transformation, d'une part, la prime à l'abattage précoce, d'autre part.
La prime à la transformation, monsieur Bony, monsieur Dupont, a connu un démarrage rapide. Ne me dites pas que les éleveurs l'ont rejetée ! Je rappelle, en effet, qu'il ne s'agit pas d'une obligation : quand une prime existe, on n'est pas tenu de demander à en bénéficier ! Il faut être volontaire, et personne n'a été forcé en la matière. Au demeurant, si plus de 60 000 veaux ont été transformés à ce jour, les apports se ralentissent nettement : après une première vague, nous constatons que le rythme est aujourd'hui moins soutenu.
Cette mesure, qui n'était pas facile à prendre, a eu au moins le mérite de permettre une remontée significative du cours des jeunes veaux, ce qui était bien évidemment l'objectif visé, particulièrement pour les animaux les moins bien conformés. En effet, nous avions atteint des niveaux de faiblesse telle qu'il fallait absolument redresser rapidement la situation.
En ce qui concerne la seconde mesure, la prime à l'abattage précoce, M. Dupont a raison d'affirmer que son application aujourd'hui n'est pas pleinement satisfaisante. Et c'est un euphémisme !
Je souligne cependant que, malgré ses imperfections, cette mesure a le mérite d'exister, et les textes réglementaires relatifs à la prime à l'abattage précoce des veaux laitiers à 108 kilos de carcasse, au lieu des quelque 125 ou 130 kilos actuels, sont désormais publiés. Nous allons mettre en place cette prime à titre expérimental, mais nous continuerons à exercer des pressions sur les services de la Commission européenne, afin d'améliorer le dispositif et de rétablir une situation plus équitable entre les différents pays producteurs.
A cet égard, nous avons déjà obtenu - c'est un mince encouragement - que les conditions de pesée et de présentation des carcasses soient correctement contrôlées, afin que les efforts consentis soient les mêmes pour tous les pays.
Nous continuerons à exercer la pression au sein du comité de gestion de la viande bovine à Bruxelles, mais, dans le même temps, je suis prêt à soutenir les initiatives professionnelles visant à identifier clairement le veau de boucherie de tradition française, nourri aux produits laitiers...
M. Charles Revet. Très bien !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... et de moins de 108 kilos de carcasse par rapport au veau plus lourd, produit à partir d'un régime alimentaire à base de fourrage grossier,...
M. Charles Revet. Et cela pour toutes les filières !
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. ... ce qui nous permettra de segmenter le marché actuel et de proposer aux consommateurs un produit conforme à sa demande.
Je suis prêt également à faciliter le lancement, dans quelques semaines - c'est-à-dire lorsque suffisamment d'animaux de ce type auront été produits - d'une campagne de sensibilisation de l'opinion publique sur les qualités particulières de ce veau léger de tradition française, qui retrouve son poids de carcasse d'il y a quinze ans.
M. Dupont a également traité du « bien-être » des veaux. Ce dossier est en phase finale d'étude à Bruxelles.
Je dis tout de suite, pour avoir discuté de ce problème avec les éleveurs, que nous aurons peut-être là une opportunité pour faire valider au niveau communautaire notre définition du veau léger de tradition française, et ce, bien entendu, dans l'intérêt de nos éleveurs.
Telles sont les quelques réflexions que je tenais à vous présenter concernant le veau.
Bien d'autres questions mériteraient encore d'être traitées, mais je ne peux y répondre maintenant. Je tiens cependant à vous assurer que toutes les questions particulières que vous avez pu poser recevront des réponses particulières, par écrit par exemple. Je me tiens à votre entière disposition afin qu'aucun sujet ne soit éludé.
Monsieur Raoult, j'aurais aimé poursuivre avec vous le débat, fort intéressant, que vous avez ouvert mais peut-être n'est-ce pas le lieu dans cet hémicycle. La question, qui n'est pas simple, mériterait une discussion sereine et dénuée de tout esprit partisan. Au reste, nous sommes d'accord sur un certain nombre de points.
Je sais que tous ici ne partagent pas mon avis, mais je suis favorable à un encouragement de l'extensification. Cela ne signifie pas que je veux brimer la production intensive qui se pratique aujourd'hui, mais je pense que l'on doit effectivement corriger certaines inégalités, certaines distorsions, et qu'il convient de rééquilibrer les aides au profit de ceux qui choisissent l'élevage extensif par rapport à ceux qui ont fait un autre choix.
Mais je puis vous assurer que ce n'est pas si simple. Il faut, en effet, bien choisir le niveau d'extensification. Admettons, pour prendre un exemple chiffré - mais ne le prenez pas au pied de la lettre - que l'on décide que, dans votre région, l'Avesnois, ce sera 12 UGB à l'hectare et que dans le Massif central, chez M. Besse, ce sera une UGB à l'hectare. Reconnaissez que l'exercice est très difficile ! Nous avons, notamment, un problème à l'échelon européen et nous risquons de dresser les régions les unes contre les autres.
Je comprends tout à fait votre préoccupation, d'autant que je connais un peu votre région. Mais il faut vraiment réfléchir à la question de manière à favoriser les éleveurs qui se sont spécialisés dans la production de viande bovine et qui ont recours à l'herbage, tout en tenant compte des impératifs qui sont ceux de l'extensification. Notre réflexion, là encore, n'est pas mûre.
Je me tiens à votre disposition, monsieur Raoult, pour que nous en parlions ensemble mais, si possible, pas ici, ce qui nous évitera peut-être, à vous comme à moi, les habituelles envolées politiciennes , mon souci étant, dans cette affaire, de trouver la solution la plus juste pour favoriser un élevage de viande bovine spécialisé, de qualité et répondant aux attentes des consommateurs.
Sachez que nous aurons l'occasion d'y revenir, car bien d'autres travaux attendent le Sénat. Nous allons nous retrouver le 16 décembre pour discuter du projet de loi sur l'équarrissage. Puis nous nous retrouverons également au début de l'année prochaine pour débattre de la loi sur la qualité sanitaire des denrées alimentaires. Enfin nous aurons ce grand rendez-vous que constituera la discussion de projet de loi d'orientation sur l'agriculture, l'alimentation et la forêt.
Cette discussion budgétaire ne constitue donc qu'une étape, une étape dont j'espère que vous tirerez des enseignements. Ce budget traduit une progression qui permet, malgré des contraintes budgétaires fortes, de témoigner d'un engagement volontariste en faveur de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la forêt.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, dans les cinquante minutes que vous aviez réservées au Gouvernement, les observations que je souhaitais faire avant de vous demander de bien vouloir voter ce budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 55 377 128 francs. »