M. le président. Par amendement n° II-48, M. Cluzel propose d'insérer, après l'article 58, un article additionnel ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 1998, dans les départements d'outre-mer, les récepteurs de télévision "couleur" sont assujettis à la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision, instituée par l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, au taux de base "couleur" et les récepteurs de télévision "noir et blanc" sont assujettis à la redevance au taux de base "noir et blanc". »
La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel. S'il est un principe qui me paraît intangible, c'est bien celui de l'égalité de traitement, qu'il s'agisse de prestations ou de cotisations, entre Français d'outre-mer, qu'ils vivent dans les DOM ou dans les TOM, et Français de métropole.
Cet amendement tend à une révision d'ensemble du financement du secteur public de l'audiovisuel. Dans la mesure où cette révision n'est pas acceptée, pour l'instant, par le Gouvernement, je dois appliquer le principe que j'ai évoqué à l'amendement que j'ai déposé.
Puisque l'on ne touche pas au montant de la redevance audiovisuelle en métropole, on ne doit pas davantage y toucher, par cohérence et par souci d'égalité, dans les départements d'outre-mer.
C'est la raison pour laquelle, sans même que M. le ministre me le demande et sans même qu'interviennent nos excellents collègues qui représentent ici nos compatriotes de l'outre-mer, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-48 est retiré.
Par amendement n° II-49, M. Cluzel propose d'insérer, après l'article 58, un article additionnel ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 1998, sont seules exonérées de la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision, instituée par l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les personnes physiques titulaires de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-2 ou à l'article L. 815-3 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel. Sur cet amendement, mon attitude sera différente, car la redevance audiovisuelle - il me paraît important de le souligner - n'est liée à aucun statut professionnel, à aucun statut social.
Si je propose de limiter les exonérations de redevance audiovisuelle aux foyers les plus modestes, c'est parce que ceux-ci ne sont pas plus nombreux, chez nous, monsieur le ministre, qu'en Belgique - 8 % de foyers exonérés et non pas 20 % comme en France - en Allemagne ou aux Pays-Bas.
Vous avez dit tout à l'heure que 700 francs, pour les ménages modeste, c'était une somme. C'est vrai, je ne dirai pas le contraire. Nous connaissons les uns et les autres, que ce soit en ville ou à la campagne, des familles dont les ressources sont plus que modestes.
J'attire toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur le fait qu'une redevance annuelle de 700 francs correspond à 1,92 franc par jour. Si vous voulez bien admettre - je pense qu'au fond de vous-même, vous l'admettez - que la bataille que nous engageons vise à défendre l'identité culturelle de la France, demander à tous les citoyens français de payer un peu moins de 2 francs par jour pour maintenir cette culture et cette identité ne me paraît pas trop cher payé.
En cas de guerre, tous les citoyens, capitalistes, chefs d'entreprise, employés, pauvres et riches y participent. En l'occurrence, la guerre n'est pas militaire, elle est médiatique. Elle a, croyez moi, autant d'importance.
En fait - c'est le fond du débat de cet après-midi - en diminuant l'importance des ressources publiques, on risque de faire perdre peu à peu sa spécificité au secteur public de l'audiovisuel.
Certains pensent que l'on irait même vers une sorte de privatisation sournoise et masquée. Personnellement, je n'ai jamais fait de procès d'intention et je ne veux pas commencer. J'attire toutefois votre attention sur le risque que nous courons, monsieur le ministre.
Je rappelle que le secteur public, du fait de cette mesure d'exonération automatique de redevance - c'est l'automaticité que je pourfends, et non l'exonération en soi - a perdu 20 milliards de francs depuis 1982. Nous avons ainsi, pendant de trop nombreuses années, raté l'occasion d'avoir une industrie audiovisuelle de programme.
M. le président. Pouvez-vous, là encore, nous donner l'avis de la commission sur votre amendement, monsieur Cluzel ?
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. La commission suit une logique fiscale, alors que l'auteur de l'amendement que je suis suit une logique culturelle.
J'ose espérer que, dans des temps prochains, nous nous retrouverons.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. A la vérité, pourquoi a-t-on prévu un système d'exonération ? Parce qu'il y a des Français en difficulté.
L'ensemble de ce gouvernement, sous la conduite du Premier ministre, s'est engagé très fortement, après le Président de la République, à réduire la fracture sociale. Or, la télévision est, bien évidemment, un outil social, en ce qu'elle permet de lutter contre l'isolement.
Imaginez-vous que les RMIstes, les chômeurs, ceux qui gagnent moins de 3 500 francs par mois puissent se voir imposer un prélèvement obligatoire de 700 francs ?
Ni pour le social, ni pour l'économique, ni pour le culturel, nous ne devons voter un tel amendement, monsieur Cluzel. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Je vais mettre aux vois l'amendement n° II-49.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Les économies, la baisse des budgets de l'Etat, les logiques comptables compromettent de plus en plus l'équilibre des services publics.
Or, plutôt que de s'attaquer aux principes mêmes de cette économie du peu, voire aux principes mêmes de l'inégalité qui imposent leurs règles à l'ensemble de notre société, on cherche ici ou là, et souvent chez les plus défavorisés, des recettes pour équilibrer les défaillances d'un Etat qui ne reste providentiel que pour un petit nombre.
L'amendement n° II-49 présenté par notre collègue Jean Cluzel est, à ce seul titre, inacceptable pour nous.
Les exonérations de redevance consenties le sont à titre exceptionnel. Je pense notamment aux personnes âgées. Une telle exonération constitue, dans son esprit même, une mesure sociale et n'a aucun rapport avec l'obligation de recourir à des ressources publicitaires.
Ce qui conduit réellement les chaînes publiques à rechercher des ressources publicitaires, qui se tarissent au demeurant, c'est bien l'insuffisance des interventions de l'Etat ainsi que l'existence d'un secteur privé qui a mis en place de nouvelles règles de concurrence dont on sait combien elles sont responsables de la dégradation de notre paysage audiovisuel.
Course à l'audimat, course aux ressources publicitaires avec, comme corollaire, l'absence d'une production propre qui est aggravée par la privatisation de la SFP, multiplication des chaînes numériques payantes, ce sont là les résultats d'un démantèlement programmé de notre audiovisuel public et les raisons du « tout publicité ».
L'exonération est une mesure sociale et, comme l'ensemble des mesures sociales, elle a forcément un coût que l'Etat se doit de prendre en charge. Cela s'appelle le principe de solidarité nationale, auquel nous sommes, pour notre part, très attachés.
Pour ces raisons, notre groupe votera contre l'amendement qui nous est proposé et demandera au Sénat de se prononcer par scrutin public.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je prends la parole sur cet amendement parce qu'il me semble qu'il ne faut pas confondre politique sociale de l'Etat et financement de l'audiovisuel.
La politique sociale du Gouvernement, s'agissant en particulier des exonérations de redevance, n'est certainement pas trop généreuse en France. De ce point de vue, il me semble donc légitime de continuer à exonérer de la redevance les plus démunis.
Si le financement de l'audiovisuel public est, certes, insuffisant, la bonne manière de traiter le problème n'est pas celle de l'exonération de redevance. Nous demandons au Gouvernement qu'il reprenne la politique qu'avait amorcée Mme Catherine Tasca, politique de remboursement par l'Etat des exonérations aux sociétés de l'audiovisuel public.
Nous voterons contre cet amendement qui ne traite pas correctement le problème.
M. René Ballayer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ballayer.
M. René Ballayer. Je connais M. Jean Cluzel depuis vingt-deux ans et c'est la première fois que je vais me trouver en désaccord avec lui.
Je comprends très bien les principes qui l'ont conduit à nous faire cette proposition. Je rappelle cependant que cet amendement a été discuté et rejeté par la commission des finances. Pour ma part, je trouve que, politiquement, ce n'est pas le moment d'adopter un tel amendement.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Le groupe des Républicains et Indépendants se prononcera contre cet amendement, pour les raisons déjà exposées par nos collègues.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-49, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 45 : :

Nombre de votants 307
Nombre de suffrages exprimés 3061541
Contre 306

Le Sénat n'a pas adopté.
Par amendement n° II-63, MM. Cluzel et Chaumont proposent d'insérer, après l'article 58, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, un article ainsi rédigé :
« Un document retraçant les crédits, de toute nature, qui concourent au fonctionnement des opérateurs intervenant dans le domaine de l'action audiovisuelle extérieure et dont l'Etat ou les sociétés nationales de programme mentionnées à l'article 44 détiennent directement plus de la moitié du capital, à la clôture du dernier exercice, est annexé au projet de loi de finances de l'année.
« Il est accompagné des résultats financiers de l'année précédente, des comptes provisoires de l'année en cours ainsi que des budgets prévisionnels des opérateurs mentionnés à l'alinéa précédent et d'un rapport du Gouvernement sur l'action audiovisuelle extérieure de la France et sur la situation et la gestion de ces organismes. »
La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel. J'aurai sans doute plus de chance avec cet amendement, mais c'est parce que M. Chaumont l'a cosigné, tout le monde l'aura compris ! (Sourires.)
Il a pour objet de proposer la publication, lors de l'examen de chaque projet de loi de finances, d'un « jaune » explicitant l'utilisation des crédits budgétaires concourant à l'action audiovisuelle extérieure, quel que soit le ministère d'imputation, et présentant les financements complémentaires, à savoir les redevances, les ressources propres de chaque opérateur public ainsi que les comptes des opérateurs concernés.
M. le président. La parole est maintenant à M. le rapporteur spécial, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. La commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-63, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 58.

Article additionnel après l'article 93