M. le président. Par amendement n° II-54, Mme Bergé-Lavigne et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
A. - D'insérer, après l'article 93, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les publications condamnées, au titre de l'article 24, 8e alinéa, et de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, pour incitation à la haine raciale ne peuvent recevoir d'aides de l'Etat. »
B. - En conséquence, de faire précéder cet article par une division ainsi rédigée :
« Services du Premier ministre
« I. - Services généraux »
La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Cet amendement a pour objet d'ôter aux publications ayant été condamnées pour incitation à la haine raciale le bénéfice du fonds d'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires.
A l'heure actuelle, trois quotidiens se voient attribuer ce type d'aide : La Croix, l'Humanité et Présent. C'est précisément ce dernier titre que vise mon amendement. Condamné plusieurs fois pour incitation à la haine raciale, Présent continue de percevoir une aide de l'Etat, d'un montant de 748 168 francs cette année.
Ce quotidien perçoit des aides à la presse depuis 1984, avec une interruption de 1990 à 1994. Cette publication répondant aux critères d'attribution du fonds précité, les gouvernements successifs ne pouvaient arguer d'aucun motif objectif pour lui en refuser l'accès.
Aussi souhaitons-nous à la fois nous assurer que les quotidiens ayant une ligne éditoriale contestable au regard de l'éthique ou développant des thèses condamnables sur ce point ne puissent recevoir d'aide, mais aussi éviter toute décision arbitraire en la matière, qui, fondée sur des critères subjectifs, constituerait une entrave à la liberté de la presse.
Il s'agit non pas de censurer, mais de réglementer un système d'aides, afin qu'il ne puisse servir des causes contraires aux droits fondamentaux et constituant une menace pour l'ordre public.
C'est pourquoi, plutôt que de supprimer la dotation budgétaire correspondant à l'aide destinée à tel ou tel quotidien, nous préférons modifier la législation afin d'inscrire dans la loi relative à la liberté de la presse que toute condamnation pour incitation à la haine raciale exclut la publication en ayant fait l'objet de l'attribution des aides à la presse.
Il est cependant bien entendu que si la publication que nous visons, aujourd'hui, est Présent, notre amendement a une portée générale pour l'avenir. J'émets le voeu, mes chers collègues, que ce futur alinéa n'ait pas à servir trop souvent. Pour l'heure, si l'amendement est adopté et si le bénéfice des aides à la presse est donc retiré à Présent, je souhaiterais que le montant supplémentaire dégagé puisse être attribué à l'Humanité et à La Croix.
Je pense avoir assez développé l'ensemble des problèmes que je propose de résoudre ainsi, et demande au Sénat de bien vouloir adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas eu la possibilité d'examiner cet amendement. Néanmoins, j'ai tout lieu de penser qu'elle y serait favorable dans sa majorité. Pour ma part, je l'approuve.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Je souscris pleinement aux objectifs des auteurs de cet amendement.
Il me semble en effet anormal que l'Etat verse des aides budgétaires directes à des journaux dont le directeur de la publication a fait l'objet d'une condamnation pour incitation à la haine raciale. Avec tout ce que l'on entend, tout ce que l'on lit, tout ce que l'on voit aujourd'hui, il faut en effet réagir très fermement, j'en suis totalement d'accord, madame Bergé-Lavigne.
Toutefois, la voie législative que vous proposez n'est pas parfaitement adaptée. Une telle disposition, s'agissant des aides directes à la presse, relève du domaine réglementaire. Je m'engage donc ici à prendre plusieurs décrets très rapidement, dans les jours ou les semaines qui viennent, pour procéder aux modifications des textes qui s'imposent.
Au bénéfice de cet engagement, je vous demande, madame le sénateur, de retirer votre amendement.
M. le président. Madame Bergé-Lavigne, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le ministre, mes collègues et moi-même avons été très sensibles aux propos que vous avez tenus. Il en aura été de même, je pense, de l'ensemble du Sénat.
Compte tenu de l'engagement très ferme que vous avez pris, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-54 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la communication.

Aménagement du territoire, ville et intégration

II. - VILLE ET INTÉGRATION