M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le budget annexe des monnaies et médailles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Richard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des monnaies et médailles, qui est traditionnellement adopté à l'unanimité par la commission des finances, appelle deux observations.
Une bonne part des activités des monnaies et médailles sont des activités de marché puisque, d'une part, toute une série d'Etats étrangers confient à cette administration la réalisation de leur monnaie métallique et que, d'autre part, les collectivités ou les associations lui font réaliser un très grand nombre de médailles et de décorations. Dans les deux cas, les parts de marché, si je puis m'exprimer ainsi, atteintes par les monnaies et médailles, sont importantes. Les niveaux de prix sont, dans l'ensemble, assez élevés dans la mesure où les réalisations sont de très haute qualité.
Les recettes obtenues à ce titre vont sans doute moins progresser dorénavant. Elles sont néanmoins à un niveau élevé, et il faut rendre hommage, à ce titre, au professionnalisme de l'ensemble des personnels.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Alain Richard, rapporteur spécial. Seconde observation : le programme de travail pour la réalisation de monnaies françaises sur commandes du Trésor au titre de l'année qui vient va être substantiellement modifié par la préparation de la fabrication future, mais rapprochée, des nouveaux signes métalliques correspondant à l'entrée en vigueur de la monnaie commune, l'euro.
M. Emmanuel Hamel. Hélas !
M. Alain Richard, rapporteur spécial. Mon cher collègue, il sera toujours temps de dire « hélas ! » lorsque l'événement se sera produit. On entend rarement cet adverbe quand on parle du futur !
Les monnaies et médailles, qui ont un rythme plus ou moins régulier de fabrication de monnaie pour la consommation française, vont devoir accélérer ce rythme très fortement, en 1997, puisque, à partir de 1998, il faudra concentrer l'essentiel de l'activité sur la réalisation des nouveaux signes en euro.
Au titre de 1997, cette administration va réaliser beaucoup plus de pièces, et notamment de petites coupures, que les autres années parce que ce sera la fin de la fabrication des monnaies en francs. A partir de 1998-1999, seront fabriquées essentiellement des monnaies euro.
Il se posera d'ailleurs un problème assez pittoresque. En effet, puisque les euros seront mis en circulation le 1er janvier 2002 - si le calendrier prévu aujourd'hui est respecté - il faudra les stocker pendant deux ans, afin qu'à cette date on puisse disposer de l'ensemble des signes monétaires nécessaires à l'économie française, ensemble qu'il faudra d'ailleurs mettre en circulation en peu de temps.
Le service va fonctionner à plein en 1997 ; les effectifs seront fortement sollicités. C'est ce qui rend d'ailleurs la situation assez difficile puisque quelques postes ont été supprimés.
Pour marquer la confiance de l'ensemble de la représentation nationale à cette administration, qui travaille directement pour la souveraineté du pays, la commission des finances a voté à l'unanimité les crédits présentés par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement. M. le rapporteur ayant tout dit, je me contenterai de rappeler que, l'année dernière, le Sénat avait exprimé le souhait que soient engagés le redressement financier des monnaies et médailles et le rééquilibrage de ce budget annexe.
Cette politique est aujourd'hui mise en oeuvre dans le cadre - c'est une première - d'un plan pluriannuel d'entreprise pour les années 1996 à 2000. L'objet de ce plan d'entreprise est d'assurer le redressement financier des monnaies et médailles, de préparer, comme l'a indiqué M. Richard, la fabrication des pièces de l'euro dans les meilleures conditions - concrètement, elles seront fabriquées à Pessac - et d'accroître durablement la compétitivité de l'entreprise pour lui permettre de faire face à un monde de plus en plus concurrentiel.
Le Gouvernement se réjouit de la concertation avec les représentants des cadres, des agents de maîtrise, des ouvriers et employés qui a présidé à l'élaboration de ce plan d'entreprise.
Je pense que, dans ces conditions, le Sénat devrait être en mesure de voter à l'unanimité, comme l'y invite son rapporteur, le budget des monnaies et médailles.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des monnaies et médailles et figurant aux articles 40 et 41 du projet de loi.

Service votés

M. le président. « Crédits : 742 979 292 francs. »
Sur les crédits inscrits à l'article 40, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le budget des monnaies et médailles porte sur une structure de service public au service de la République.
Battre monnaie, exprimer la reconnaissance de la République à celles et ceux qui l'on servie, exprimer par la création de bijoux, de fontes d'art, de médailles, de pièces de collection, l'hommage de la République à l'art, aux hôtes de la France et à son histoire, c'est-à-dire à sa culture, contribue à la défense de notre patrimoine et au rayonnement de notre pays.
Ces fonctions demeurent plus valables, plus nobles, plus nationales que jamais.
Or, monsieur le ministre, que constate-t-on à l'examen de ce budget ?
Les réalités sont contrastées. Les dépenses d'exploitation sont en augmentation de 11,58 %, mais elles sont justifiées par une progression du poste « achats » de 27,9 %, incluant une augmentation du volume de frappe - 141 % - non pas de monnaie française mais de l'euro, qui, si Maastricht se confirme, aura fait disparaître, en 2002, le franc et la monnaie française, tout comme la Banque de France n'est plus en état de fabriquer le billet français. Actuellement, le stockage futur de l'euro pose problème.
Nous sommes très inquiets de cette évolution du budget, nous les adversaires de la monnaie unique et les défenseurs de notre monnaie nationale.
Notre inquiétude résulte aussi de la politique menée vis-à-vis du personnel des monnaies et médailles.
Les emplois, au nombre de 969, en 1996, diminuent pour passer à 954, soit quinze unités de moins, ce que ne justifie pas l'augmentation de la production, qui pourrait atteindre 2 milliards de pièces françaises en 1997-1998, contre 538 millions il y a deux ans, soit quatre fois plus. Ces simples chiffres n'expliquent pas la politique en matière de personnel.
Je veux ajouter que cette diminution en nombre d'emplois touche exclusivement le personnel ouvrier et employé. Elle est la conséquence aussi de la déréglementation, qui substitue au personnel à statut des personnels précaires.
Les départs à la retraite ne sont plus compensés. Le plan d'entreprise « Monnaie 2000 » accentue cette orientation puisque l'abandon des fabrications de flans aura pour conséquence, la perte immédiate de soixante-huit postes de travail. Ce plan veut mettre en concurrence notre service public avec des instituts monétaires et mercantiles européens. Mais, cette fois, le service public touche « le profond national » de la souveraineté : la monnaie. Je suis persuadée que d'autres parmi vous, mes chers collègues, partagent cet attachement.
Nous refusons votre projet de budget, monsieur le ministre, parce qu'il met en cause un des services publics les plus précieux pour une nation.
Nous proposons de lui substituer un autre projet de budget, qui garantirait une maîtrise totale de la frappe monétaire, le maintien du statut de budget annexe, de l'outil de production.
Nous proposons également le maintien et la modernisation de la fonderie, répondant à des critères d'indépendance, de sécurité, de fiabilité.
Enfin, nous proposons une politique nouvelle de recrutement en fonction des besoins des multiples fabrications.
Des métiers, un savoir-faire, des productions d'art et la monnaie sont en jeu.
Votre projet de budget ne permet pas de répondre pleinement à ces objectifs, et c'est la raison pour laquelle le groupe communiste républicain et citoyen ne le votera pas.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 40.